Le moment Arago : photographie, sciences et démocratie (M5CHS) seconde séance
1. I - Le moment Arago et la divulgation de la
photographie …
2. • « Pendant le déjeuner, il me fallut entretenir ces dames
de ma collection, leur raconter comment j'avais trouvé
les albums de Carroll et comment l'idée m'était venue
de chercher les images de Niépce. Elles témoignèrent
de l'intérêt pour mes ouvrages, que je m'engageai à
leur envoyer. Nous bavardâmes de la prochaine
exposition de Lucerne, et je promis de transmettre
leurs salutations à une connaissance, le directeur du
principal hôtel de la ville. Enfin, le café fut servi dans le
salon - le grand moment ne pouvait être loin : celui où
Sherlock Holmes II serait admis à contempler le trésor
qu'il avait recherché pendant six ans. Lisant dans mes
pensées, Mrs Pritchard se leva et me tendit un joli
miroir, serti dans un grand cadre doré, en disant :
" Voilà. Vous allez être déçu, mais je vous avais
prévenu : il n'y a plus rien sur l'image "
3. • Je fus déconcerté. Je ne m'étais pas attendu à un miroir, pas plus
qu'au cadre Empire enserrant la plaque comme s'il s'était agi d'un
tableau. J'allai à la fenêtre, en cherchant le bon angle avec la
lumière, ainsi qu'on le fait avec les daguerréotypes. On ne voyait
pas d'image. J'augmentai l'inclinaison - et d'un coup toute la vue de
la cour se dévoila à mes yeux. Les dames étaient interdites. Leur
faisais-je un tour de magie noire ? Puis je retournai la plaque, et lus
l'inscription rédigée par Francis Bauer, en français et en anglais :
" Les premiers résultats obtenus spontanément par l'action de la
lumière. Par Monsieur Niepce [ sic] de Chalons sur Saône. 1827.
Monsieur Niépce's first successful experiment of fixing permanently
the image from nature " (fig. 4. Inscription de Francis Bauer au dos
du "Point de vue du Gras"). Seul un historien peut comprendre ce
que j'éprouvai à cet instant. J'avais atteint le but de ma recherche et
tenais dans mes mains la pierre fondatrice de la photographie. »
• Helmut Gernsheim , « La première photographie au monde », Études
photographiques, 3 | Novembre 1997, [En ligne], mis en ligne le 13 novembre
2002. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/92. Consulté le 07 juillet
2013.
4. La vue du gras telle que l’a découverte Helmut Gernsheim
7. • Le pas suivant sera accompli par Daguerre qui, le premier, imagine la
possibilité d’un intervalle entre la prise de vue et le fixage de l’image,
occupé par une opération chimique d’amplification de la réaction
photosensible : un renforcement de l’impression trop faible de la chambre
noire, une multiplication de l’information optique de l’ordre de plusieurs
millions de fois – bien plus que ce qu’aurait pu permettre toute
amélioration de la substance photogénique elle-même. Il s’agit de la
découverte de l’image latente, et du principe corollaire du
développement. Fondée sur un état d’invisibilité de l’image, cette
opération d’après-coup représente un haut degré d’abstraction et de
maîtrise du processus photochimique, qui transfère l’essentiel de la
question de la sensibilité du support sensible à l’agent révélateur, et
déplace le moment clé du processus du stade optique (l’enregistrement de
l’information) au stade chimique (la formation de l’image). »
• André Gunthert, La conquête de l’instantané, archéologie de l’imaginaire
photographique en France (1841-1895), thèse de doctorat d’Histoire de
l’Art, sous la direction d’Hubert Damisch, Paris, EHESS, soutenue en février
1999. Version numérique disponible à l’adresse :
<http://issuu.com/lhivic/docs/la-conquete-de-l-instantane> p. 60-62.
8. • « Le daguerréotype de Daguerre est une image très particulière, et
qui de fait, dans sa présentation et son usage, a peu à voir avec la
photographie telle que nous la connaissons aujourd’hui : fruit d’une
réaction photochimique réalisée au cœur d’une imposante chambre
obscure en bois, l’image, révélée par des vapeurs de mercure,
apparaît en noir et blanc sur une plaque de métal – cuivre ou étain
– polie au préalable jusqu’au miroitement. L’objet doit être
légèrement incliné afin de trouver l’angle sous lequel disparaît ce
miroitement et apparaît alors correctement l’image, composée de
fines particules de sels d’argent qui peuvent s’évanouir au moindre
frottement. Cette image est unique , et contrairement aux procédés
qui lui succéderont, non reproductible. »
• Paul-Louis Roubert, « La génération du daguerréotype » in L’art de
la photographie, Paris, Citadelles Mazenod, p. 14.
9. • «Extrait d’un des prospectus de Daguerre pour
obtenir une souscription :
• « On se formera des collections en tout genre
d’autant plus précieuses que l’art ne peut les
imiter sous le rapport de l’exactitude et de la
perfection des détails. »
10. • « Le 6 janvier 1839, La Gazette de France : “ Nous
annonçons une importante découverte de notre célèbre
peintre du Diorama, M. Daguerre. Cette découverte tient
du prodige. Elle déconcerte toutes les théories de la
science sur la lumière et sur l’optique, et fera une
révolution dans les arts du dessin. ” Selon l’auteur de
l’article, Henri Gaucheraud, “ il ne s’agit plus que d’une
courte opération matérielle de lavage, je crois, et voici que
le point de vue qui a été conquis en si peu de momens [sic]
reste invariablement fixé et que le soleil le plus ardent ne
peut plus rien pour [le] détruire. ”
• Anne McCauley , « Arago, l’invention de la photographie et le politique », Études photographiques, 2 | Mai 1997,
[En ligne], mis en ligne le 12 septembre 2008. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/125. Consulté le 08
juillet 2013.
11. • « En un mot, dans la chambre noire de M.
Daguerre, la lumière reproduit elle-même les
formes et les proportions des objets extérieurs,
avec une précision presque mathématique ; les
rapports photométriques des diverses parties
blanches, noires, grises, sont exactement
conservées ; mais des demi-teintes représentent
le rouge, le jaune, le vert, etc… car la méthode
crée des dessins et non des tableaux en
couleurs. »
• François Brunet, La naissance de l’idée de photographie, Paris, PUF, 2000, p. 63.