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T E N D A N C E

PA R N E W T O N   P H A M D A N G

Sur Internet, des sites
payants proposent à leurs
membres des photos et
des vidéos de gamines
posant en lolitas.

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AVRIL

2005

VICTOR
L

a directrice m’a virée de l’école parce qu’on voyait
mon string ». La réplique ne surprend plus personne.
Depuis quelques semaines, les élèves de l’Ecole secondaire
Le Verseau à Bierges vivent une période de renvois à la
chaîne. L’établissement a pourtant la réputation d’entretenir un
dialogue permanent entre élèves et professeurs. « Ici, les
élèves peuvent tutoyer les enseignants » explique Julie, une
rhétoricienne. « Mais du jour au lendemain, les profs se sont
mis à sévir. J’ai une amie qui a été renvoyée pour un minuscule trou dans son pantalon ».

Le phénomène ne se limite pas aux seules filles de l’école. Côté
garçon, on porte les pantalons le plus bas possible pour afficher
publiquement la marque de son slip. Ce qui a le don d’attirer la
foudre des professeurs. « Quand je vois passer un élève
arborant fièrement son calebard, je tire sur son pantalon. Et il
comprend le message illico » raconte Gilles Wauthoz, un
éducateur. L’action radicale des professeurs a aussitôt entraîné
un mouvement de riposte chez les élèves de troisième et
quatrième secondaire. Une semaine après les faits, ces
derniers ont débarqué dans l’établissement vêtus d’un costard
cravate. Depuis, la confusion règne entre élèves et professeurs.
Plusieurs étudiants contestent cette semi-liberté vestimentaire,
préférant encore l’imposition définitive de l’uniforme. Idée à
laquelle la sous-directrice s’oppose farouchement : « il est
hors de question d’instaurer l’uniforme. Ce que l’on cherche à
obtenir des élèves, c’est l’autodiscipline ».

PHOTO : INTERNAT

De nombreuses écoles connaissent un phénomène similaire.
Mais chacune l’appréhende à sa manière. « Nous
fonctionnons avec une méthode bien à nous » explique Lucien
Ramacciotti, directeur du Collège Saint-Joseph de Chênée.
« Nous disposons d’un pion à l’entrée qui bloque l’accès aux
élèves qui portent une tenue inappropriée au règlement d’ordre
intérieur. Cela limite les renvois mais n’empêche pas les
élèves de manquer les cours ». Dans d’autres établissement, la
méthode prête parfois à rire. « Nous avons un prof qui
commence toujours sa leçon en nous faisant lever les bras. Il
tient à s’assurer que nos T-shirts ne sont pas trop courts »
explique Marie, élève de l’Athénée Charles Rogier à Liège.
« Je connais un proviseur qui a cherché à se procurer un lot
de bretelles pour retenir les pantalons taille basse » ajoute
Mathieu. « S’il croit que ça va changer quelque chose ».

Vêtements de marque,
couleurs fluos,
provocation : autant
d’atouts vendeurs.

I L S’APPELLE «

PHOTO : WWW.MOVE-X.COM

Cet élan de sévérité est l’aboutissement d’un ras-le-bol
général des professeurs. Tous sont unanime sur le fait que les
élèves prennent de plus en plus de liberté en matière
vestimentaire. « Lorsqu’elles écrivent au tableau, certaines
jeunes filles, qui portent des pantalons taille basse, laissent
entrevoir leur raie des fesses, ce qui met leurs professeurs
masculins très mal à l’aise » déplore Anne Verpaele, la sousdirectrice du Verseau.

P H E N O M E N E   L O L I TA   »

La polémique des vêtements trop courts ne date pas d’hier.
Selon Bernard Francq, sociologue à l’UCL, la situation est
devenue irréversible depuis la révolution estudiantine de mai
68. « La libération sexuelle, l’autonomie grandissante des
femmes et l’individualisation croissante des individus
encourage les jeunes à marquer leur indépendance de plus en
plus tôt » explique-t-il. « C’est un geste de rébellion conscient
pour se donner une personnalité au sein du groupe ».
De fait, ce ne sont pas les modèles qui manquent. Entre Lorie,
jeune chanteuse en tenue affriolante ou les clips vidéos dans
lesquels se trémoussent de jeunes filles dénudées, la sexualisation des vêtements est partout.
Indicateur du phénomène, dans la vie quotidienne, l’explosion
du string : sa part de marché a augmenté de 70 % en 2002.
Alors qu’il y a vingt ans, ce sous-vêtement était cantonné à un
secteur comme la pornographie, il est aujourd’hui un
accessoire de mode courant. « Une marque comme Vassarette
vend aujourd’hui plus de strings que de slips » raconte MarieLaure, étalagiste. « Et les clientes sont souvent très jeunes.
Parfois, elle n’ont que treize ans ».
Ce phénomène a été baptisé « la mode lolita ». Inspiré du
roman de Vladimir Nabokov publié en 1962, il désigne toutes les
adolescentes en pleine puberté qui font de leur corps un
argument de séduction. Voire de provocation sexuelle. « La
plupart de ces jeunes filles traversent une période extrêmement
agitée pour leur psychisme » explique Martine Wybo,
psychologue et logopède. « Les premières règles, les
poussées hormonales, les premiers contacts avec les garçons
dans les soirées : tout cela constitue autant d’éléments
perturbateurs ». Or, l’école est le terrain social privilégié de la
majorité des adolescentes. Et le laxisme en matière
vestimentaire qui a prévalu pendant de nombreuses années
encourage aujourd’hui une liberté qui peut choquer.

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U NE

Q U E S T I O N   D ’ E D U C AT I O N

Pour la plupart des parents, l’autorité de l’école doit, dans un
premier temps, s’appliquer à la maison. « C’est à eux de
contrôler les habits que portent leurs enfants » soutien l’un des
membres du Comité des parents d’élèves de l’école SaintJoseph. « C’est une question de savoir-vivre et de respect de
l’autre. De la même manière que l’on punit un enfant qui a
proféré une injure, on doit sanctionner les tenues
exhibitionnistes ». Mais pour d’autres, les sanctions ne
représentent pas de solution. « Il ne faut pas que les enfants
se sentent repoussés » maintient Martine Wybo, la
psychologue. « Une discussion en tête-à-tête entre une mère
et sa fille vaut toutes les punitions du monde ».

SHOPPING :
ET SI MA MERE ME CHOPPE ?

Quoi qu’il en soit, des réformes sont en cours. Dans l’Ecole du
Verseau, le règlement scolaire de l’année prochaine a déjà été
modifié. L’un des articles concernera spécifiquement la
décence des tenues dans l’espace scolaire. « Et cela
s’appliquera également aux garçons » souligne la sousdirectrice. Toute infraction au règlement sera sanctionnée par
un avertissement dans le journal de classe et par une
exclusion s’il y a récidive. Ces mesures sont loin d’être
isolées. La plupart des écoles publiques belges les ont
adoptées ou déclinées à leur manière. Le temps des nombrils
à l’air et des caleçons trop voyants semble bel et bien en voie
de disparition. Quant aux élèves, les premiers concernés, ils
prennent pour la plupart la nouvelle avec philosophie. « Ce
sont des frustrés » ironise Bertrand, étudiant au Collège SaintJoseph. « Ce n’est pas le fait de voir un string qui provoquera
un viol collectif ». A quand une initiation à la mode dans les
études ?

eudi, 16 heures 30. Fin des cours à l'Institut Marie José de Liège.
Les élèves sortent à peine qu'un parfum de CK One se répand
déjà dans la rue. Cheveux gominés et jeans G-Star en lévitation
au-dessus des genoux chez les garçons ; mèches décolorées en
blond et ceintures Prada cloutées chez les filles. On pourrait presque
croire à l'uniforme.

J

Agée de 16 ans, Coralie se distingue des autres filles par son style
plus sobre. Vêtue d'un pantalon beige et d'un polo rose pâle, la jeune
fille est postée devant l'école, scrutant une à une les voitures qui
défilent devant elle. " Ma mère n'est jamais à l'heure quand il s'agit de
faire du shopping. Elle déteste ça ". Une sonnerie de portable
émerge du brouhaha général. C'est la mère de Coralie qui la prévient
de son retard. " Ma mère ne sera là que dans une demi-heure. Elle
m'a dit de ne rien acheter avant qu'elle n'arrive. Elle est très sévère.
La semaine dernière, je me suis acheté un foulard musulman sans lui
demander. Quand elle m'a vu avec ça, elle l'a tout de suite jeté à la
poubelle ".

Magasins à succès des filles
belges de 12 à 16 ans :
1. Jennyfer
2. Pimkie
3. H&M
4. Zara
5. Apple

Magasins à succès des garçons
belges de 12 à 16 ans :
1. H&M
2. C&A (Clockhouse)
3. Cactus
4. WE
5. Springfield

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INFOS : WOONOZ.COM / PHOTO : JENNYFER.COM

TOP 5

Malgré cette mise en garde, Coralie tient à profiter de
l'absence de sa mère pour s'acheter un jeans qui sort de
l'ordinaire. Sans perdre de temps, elle se rend chez Ibiza, un
magasin spécialiste en la matière. A peine y a-t-elle mis les pieds
qu'une jeune vendeuse se précipite vers elle : " je peux vous
aider ? ". Coralie lui fait alors part de son envie de se différencier des
autres : " je cherche un jeans original, avec plein de poches et de
tirettes. Mais pas quelque chose que tout le monde porte ". La
vendeuse lui explique que les jeans sont produits en série mais qu'il
y a possibilité de les personnaliser. " Evidemment, tout dépend de
l'effet que tu recherches. Si tu veux des déchirures réussies, tu
prends une paire de ciseau assez longue, tu frappes sur la lame à
coup de marteaux, puis, une fois que la lame est bien entaillée, tu
lacères le jeans ". Intéressée par le sujet, une autre vendeuse, ventre
à l'air et piercing au nombril, vient se joindre à la conversation : " avec
la décoloration, tu peux aller plus loin que l'effet d'usure classique. Tu
prends un coton tige, tu le trempes dans de l'eau de javel et tu
dessines des motifs sur le jeans ". Et pour illustrer son propos, la
jeune femme se retourne, exhibant sur son postérieur deux yeux de
chat décolorés accompagnés de l'inscription " mates, matou ".
Derrière son sourire un peu crispé, Coralie parvient difficilement à
cacher son manque de connaissance en matière de tenues
branchées. La jeune fille n'a pas l'habitude de faire les magasins
seule. On la sent hésitante face aux vendeuses acclimatées au milieu
ENTRETIEN
de la mode. Cela ne rate pas aux yeux de Jessica, une habituée
des lieux. Les deux filles se connaissent de l'école mais ne se
parlent que lorsqu'elles se croisent dans les magasins. " T'es pas
avec ta mère ? " lance Jessica, le sourire aux lèvres. " J'ai pas
besoin de ma mère pour m'habiller " répond Coralie un peu sur la
défensive. Jessica remarque alors que sa copine tient un sac
plastique en provenance du magasin Jennifer. " Tu t'habilles chez
Jennifer ? " demande-t-elle d'un air intrigué. " C'est le sac de
ma sœur " répond Coralie. " Je ne supporte pas ce magasin. C'est
bruyant, rien n'est rangé par marque. Et puis c'est rempli de
gamines de 12 ans qui crient dans tous les coins ! ". Jessica
acquiesce et renchérit : " En plus, tu dois toujours y aller avec des
copines. Parce que si t'y vas seule, t'as l'air trop conne. C'est pour
cela que je m'y rend uniquement le samedi matin quand il n'y a
personne ".
Après une brève discussion sur les magasins, les deux filles
décident de s'unir pour trouver le fameux pantalon. Tout en
retournant les bacs remplis de jeans, Coralie fait remarquer à sa
copine qu'une majorité d'entre eux sont troués. " Oui, mais quand tu
regardes bien, tu te rends compte qu'ils comportent tous une
seconde épaisseur afin qu'on ne puisse pas voir ta peau. C'est cool.
Avec ça, les profs ne peuvent rien te dire ". Car effectivement,
nombre d'écoles pénalisent encore les élèves venant avec des
jeans déchirés.
Coralie finit donc par opter pour un jeans à trous, décoloré, pourvu
de poches et tirettes multiples. Tandis qu'elle se dirige vers le
comptoir, le pantalon pendu à son avant-bras, sa mère la rappelle
sur le portable. Le point de rendez-vous est fixé à l'entrée du
magasin Mango dans cinq minutes.
En déposant le jeans sur le comptoir du magasin, Coralie hésite.
" Si ma mère me surprend avec ça, elle va m'obliger à le
rapporter ". Sur ces mots, Jessica réagit au quart de tour, critiquant
ouvertement la mère de son amie : " ta mère n'a pas à t'imposer de
style. Sinon, il te suffit d’acheter le pantalon et de me le filer. Moi, je
te prête le training de sport que j'ai dans mon sac. Tu diras à ta mère
que tu as du l'acheter pour le cours de gym. On se retrouve demain
à la récré pour échanger ".
Malgré l'incertitude du deal, Coralie marche dedans. L'échange
prend des allures de marché noir avant de se conclure par une bise
amicale. Une fois Jessica hors de vue, Coralie se met à courir vers
le point de rendez-vous. Elle n'espère plus qu'une chose : que sa
mère ne soit pas en train d'attendre.

PHOTO : ALLOCINE.COM

Hollywood
s’empare du
phénomène
lolita. Le film
“Mean Girls” a
été un gros
succès outreAtlantique.

Chris Paulis, vous êtes professeur d'anthropologie sociale à l'ULG.
A partir de quel âge les adolescents commencent-ils à s'acheter des
vêtements provocants ?
Il ne faut pas parler " des " ados mais de " certains " ados. Tout dépend du
système éducationnel et de la conscience de ces jeunes. Quand il n'y a pas
l'institution ou les parents derrière l'adolescent, il est plus exposé aux
déviances. Mais généralement, je pense qu'il n'y a pas d'âge pour cela. On
peut très bien s'acheter des vêtements provocants sans s'en rendre
compte. Prenons l'exemple d'une fillette de sept ans : elle ignore tout de la
provocation. Quand elle demande à sa mère pour porter un bikini avec des
petites bretelles, elle trouve très souvent son soutien car une mère
encourage sa fille à la coquetterie. Alors la fillette parade sans se rendre
compte qu'elle a une attitude provocante.
Selon vous, les magasins ont-ils une responsabilité pédagogique
dans la vente de leurs vêtements ?
Absolument pas. Le magasin n'a pas à jouer de rôle pédagogique.
Imaginons que, dès demain, on demande à chaque commerçant, vendeur,
étalagiste d'interdire l'achat de certains types de vêtements à certains types
de personne. Cela serait tout à fait ingérable. Ce n'est pas au commerçant
de jouer un rôle éthique. Cela se limite à la vente de tabac, d'alcool ou
l'accès aux sex shop. Mais en dehors de cela, on ne peut pas se retourner
contre les magasins.
Faut-il plutôt incriminer les médias ?
Tout particulièrement les médias. Ils jouent un rôle prépondérant dans notre
perception du monde. On a souvent dans l'idée que les clips vidéos comme
ceux qu'on voit sur MTV ou MCM ont une influence importante sur le
comportement des adolescents. Mais la plupart des jeunes qui regardent
les clips de rap ou de R'n'B ont conscience des codes qui les régissent. Le
rappeur plein aux as entouré de jolies filles et qui passe tout son temps dans
le club ou la salle de muscu, pas difficile d'y voir la caricature. Par contre,
ce qui est nettement plus pervers, ce sont les reportages, les téléfilms, la
série télévisée du dimanche après-midi. Car les valeurs qui y sont
véhiculées sont beaucoup moins apparentes. Elles s'immiscent et s'ancrent
dans la pensée de façon inconsciente. De plus, le principe d'une série vous
force à une exposition quotidienne. La série, c'est un peu comme une salle
de musculation : vous y aller de votre plein gré et vous changez petit à petit
sans même vous en rendre compte.
La polémique autour des tenues vestimentaires est-elle une
conséquence de l'évolution des mœurs ?
Cela fait partie d'une évolution artificielle. Cela n'a aucune autre valeur.
C'est parti du commerce, des médias, des stars, des produits dérivés. On
est en train d'avoir des jeunes de plus en plus troublés. Actuellement, une
mode parisienne née d'un mouvement gay amène de jeunes hétéros à
porter des T-shirts rose moulant. Par ailleurs, on constate un renforcement
de l'androgynie chez les jeunes, c'est-à-dire la recherche d'un type de forme
asexuée. Le mec idéal qui est prôné actuellement, c'est le mec ambigu. Des
garçons utilisent du maquillage féminin, se font faire une coupe de cheveux
qui les fait ressembler à des filles. Ils ont un succès fou auprès d'elles. Cette
situation est réversible mais pour cela, il faut que les jeunes aient du
caractère. Cessons de produire des séries qui pervertissent leurs valeurs.
Ces valeurs que vous dites perverties ont-elles une influence néfaste
sur leur sexualité ?
Bien sûr. Cela les amènent à une perturbation complète. On trouve des
gamines de 12 ans qui, par leur tenue sexy, lancent des messages à des
jeunes de 17 ans. Elles le font sans s'en rendre compte. Et l'ado répond à
un déclencheur qui ne lui a pas été lancé. Il n'y a plus de lecture valable. On
se retrouve donc avec des jeunes de 12 ans qui disent : j'ai fait l'amour avec
cette fille, je n'en avais pas envie mais je croyais que c'était ce qu'il fallait
faire. Il y a un problème d'éveil sexuel. Pour être un bon garçon, on devient
un voyou.

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L'école sévit contre les lolitas

  • 1. T E N D A N C E PA R N E W T O N   P H A M D A N G Sur Internet, des sites payants proposent à leurs membres des photos et des vidéos de gamines posant en lolitas. 4 27 AVRIL 2005 VICTOR
  • 2. L a directrice m’a virée de l’école parce qu’on voyait mon string ». La réplique ne surprend plus personne. Depuis quelques semaines, les élèves de l’Ecole secondaire Le Verseau à Bierges vivent une période de renvois à la chaîne. L’établissement a pourtant la réputation d’entretenir un dialogue permanent entre élèves et professeurs. « Ici, les élèves peuvent tutoyer les enseignants » explique Julie, une rhétoricienne. « Mais du jour au lendemain, les profs se sont mis à sévir. J’ai une amie qui a été renvoyée pour un minuscule trou dans son pantalon ». Le phénomène ne se limite pas aux seules filles de l’école. Côté garçon, on porte les pantalons le plus bas possible pour afficher publiquement la marque de son slip. Ce qui a le don d’attirer la foudre des professeurs. « Quand je vois passer un élève arborant fièrement son calebard, je tire sur son pantalon. Et il comprend le message illico » raconte Gilles Wauthoz, un éducateur. L’action radicale des professeurs a aussitôt entraîné un mouvement de riposte chez les élèves de troisième et quatrième secondaire. Une semaine après les faits, ces derniers ont débarqué dans l’établissement vêtus d’un costard cravate. Depuis, la confusion règne entre élèves et professeurs. Plusieurs étudiants contestent cette semi-liberté vestimentaire, préférant encore l’imposition définitive de l’uniforme. Idée à laquelle la sous-directrice s’oppose farouchement : « il est hors de question d’instaurer l’uniforme. Ce que l’on cherche à obtenir des élèves, c’est l’autodiscipline ». PHOTO : INTERNAT De nombreuses écoles connaissent un phénomène similaire. Mais chacune l’appréhende à sa manière. « Nous fonctionnons avec une méthode bien à nous » explique Lucien Ramacciotti, directeur du Collège Saint-Joseph de Chênée. « Nous disposons d’un pion à l’entrée qui bloque l’accès aux élèves qui portent une tenue inappropriée au règlement d’ordre intérieur. Cela limite les renvois mais n’empêche pas les élèves de manquer les cours ». Dans d’autres établissement, la méthode prête parfois à rire. « Nous avons un prof qui commence toujours sa leçon en nous faisant lever les bras. Il tient à s’assurer que nos T-shirts ne sont pas trop courts » explique Marie, élève de l’Athénée Charles Rogier à Liège. « Je connais un proviseur qui a cherché à se procurer un lot de bretelles pour retenir les pantalons taille basse » ajoute Mathieu. « S’il croit que ça va changer quelque chose ». Vêtements de marque, couleurs fluos, provocation : autant d’atouts vendeurs. I L S’APPELLE « PHOTO : WWW.MOVE-X.COM Cet élan de sévérité est l’aboutissement d’un ras-le-bol général des professeurs. Tous sont unanime sur le fait que les élèves prennent de plus en plus de liberté en matière vestimentaire. « Lorsqu’elles écrivent au tableau, certaines jeunes filles, qui portent des pantalons taille basse, laissent entrevoir leur raie des fesses, ce qui met leurs professeurs masculins très mal à l’aise » déplore Anne Verpaele, la sousdirectrice du Verseau. P H E N O M E N E   L O L I TA   » La polémique des vêtements trop courts ne date pas d’hier. Selon Bernard Francq, sociologue à l’UCL, la situation est devenue irréversible depuis la révolution estudiantine de mai 68. « La libération sexuelle, l’autonomie grandissante des femmes et l’individualisation croissante des individus encourage les jeunes à marquer leur indépendance de plus en plus tôt » explique-t-il. « C’est un geste de rébellion conscient pour se donner une personnalité au sein du groupe ». De fait, ce ne sont pas les modèles qui manquent. Entre Lorie, jeune chanteuse en tenue affriolante ou les clips vidéos dans lesquels se trémoussent de jeunes filles dénudées, la sexualisation des vêtements est partout. Indicateur du phénomène, dans la vie quotidienne, l’explosion du string : sa part de marché a augmenté de 70 % en 2002. Alors qu’il y a vingt ans, ce sous-vêtement était cantonné à un secteur comme la pornographie, il est aujourd’hui un accessoire de mode courant. « Une marque comme Vassarette vend aujourd’hui plus de strings que de slips » raconte MarieLaure, étalagiste. « Et les clientes sont souvent très jeunes. Parfois, elle n’ont que treize ans ». Ce phénomène a été baptisé « la mode lolita ». Inspiré du roman de Vladimir Nabokov publié en 1962, il désigne toutes les adolescentes en pleine puberté qui font de leur corps un argument de séduction. Voire de provocation sexuelle. « La plupart de ces jeunes filles traversent une période extrêmement agitée pour leur psychisme » explique Martine Wybo, psychologue et logopède. « Les premières règles, les poussées hormonales, les premiers contacts avec les garçons dans les soirées : tout cela constitue autant d’éléments perturbateurs ». Or, l’école est le terrain social privilégié de la majorité des adolescentes. Et le laxisme en matière vestimentaire qui a prévalu pendant de nombreuses années encourage aujourd’hui une liberté qui peut choquer. 27 AVRIL 2005 VICTOR 5
  • 3. U NE Q U E S T I O N   D ’ E D U C AT I O N Pour la plupart des parents, l’autorité de l’école doit, dans un premier temps, s’appliquer à la maison. « C’est à eux de contrôler les habits que portent leurs enfants » soutien l’un des membres du Comité des parents d’élèves de l’école SaintJoseph. « C’est une question de savoir-vivre et de respect de l’autre. De la même manière que l’on punit un enfant qui a proféré une injure, on doit sanctionner les tenues exhibitionnistes ». Mais pour d’autres, les sanctions ne représentent pas de solution. « Il ne faut pas que les enfants se sentent repoussés » maintient Martine Wybo, la psychologue. « Une discussion en tête-à-tête entre une mère et sa fille vaut toutes les punitions du monde ». SHOPPING : ET SI MA MERE ME CHOPPE ? Quoi qu’il en soit, des réformes sont en cours. Dans l’Ecole du Verseau, le règlement scolaire de l’année prochaine a déjà été modifié. L’un des articles concernera spécifiquement la décence des tenues dans l’espace scolaire. « Et cela s’appliquera également aux garçons » souligne la sousdirectrice. Toute infraction au règlement sera sanctionnée par un avertissement dans le journal de classe et par une exclusion s’il y a récidive. Ces mesures sont loin d’être isolées. La plupart des écoles publiques belges les ont adoptées ou déclinées à leur manière. Le temps des nombrils à l’air et des caleçons trop voyants semble bel et bien en voie de disparition. Quant aux élèves, les premiers concernés, ils prennent pour la plupart la nouvelle avec philosophie. « Ce sont des frustrés » ironise Bertrand, étudiant au Collège SaintJoseph. « Ce n’est pas le fait de voir un string qui provoquera un viol collectif ». A quand une initiation à la mode dans les études ? eudi, 16 heures 30. Fin des cours à l'Institut Marie José de Liège. Les élèves sortent à peine qu'un parfum de CK One se répand déjà dans la rue. Cheveux gominés et jeans G-Star en lévitation au-dessus des genoux chez les garçons ; mèches décolorées en blond et ceintures Prada cloutées chez les filles. On pourrait presque croire à l'uniforme. J Agée de 16 ans, Coralie se distingue des autres filles par son style plus sobre. Vêtue d'un pantalon beige et d'un polo rose pâle, la jeune fille est postée devant l'école, scrutant une à une les voitures qui défilent devant elle. " Ma mère n'est jamais à l'heure quand il s'agit de faire du shopping. Elle déteste ça ". Une sonnerie de portable émerge du brouhaha général. C'est la mère de Coralie qui la prévient de son retard. " Ma mère ne sera là que dans une demi-heure. Elle m'a dit de ne rien acheter avant qu'elle n'arrive. Elle est très sévère. La semaine dernière, je me suis acheté un foulard musulman sans lui demander. Quand elle m'a vu avec ça, elle l'a tout de suite jeté à la poubelle ". Magasins à succès des filles belges de 12 à 16 ans : 1. Jennyfer 2. Pimkie 3. H&M 4. Zara 5. Apple Magasins à succès des garçons belges de 12 à 16 ans : 1. H&M 2. C&A (Clockhouse) 3. Cactus 4. WE 5. Springfield 6 27 AVRIL 2005 VICTOR INFOS : WOONOZ.COM / PHOTO : JENNYFER.COM TOP 5 Malgré cette mise en garde, Coralie tient à profiter de l'absence de sa mère pour s'acheter un jeans qui sort de l'ordinaire. Sans perdre de temps, elle se rend chez Ibiza, un magasin spécialiste en la matière. A peine y a-t-elle mis les pieds qu'une jeune vendeuse se précipite vers elle : " je peux vous aider ? ". Coralie lui fait alors part de son envie de se différencier des autres : " je cherche un jeans original, avec plein de poches et de tirettes. Mais pas quelque chose que tout le monde porte ". La vendeuse lui explique que les jeans sont produits en série mais qu'il y a possibilité de les personnaliser. " Evidemment, tout dépend de l'effet que tu recherches. Si tu veux des déchirures réussies, tu prends une paire de ciseau assez longue, tu frappes sur la lame à coup de marteaux, puis, une fois que la lame est bien entaillée, tu lacères le jeans ". Intéressée par le sujet, une autre vendeuse, ventre à l'air et piercing au nombril, vient se joindre à la conversation : " avec la décoloration, tu peux aller plus loin que l'effet d'usure classique. Tu prends un coton tige, tu le trempes dans de l'eau de javel et tu dessines des motifs sur le jeans ". Et pour illustrer son propos, la jeune femme se retourne, exhibant sur son postérieur deux yeux de chat décolorés accompagnés de l'inscription " mates, matou ". Derrière son sourire un peu crispé, Coralie parvient difficilement à cacher son manque de connaissance en matière de tenues branchées. La jeune fille n'a pas l'habitude de faire les magasins seule. On la sent hésitante face aux vendeuses acclimatées au milieu
  • 4. ENTRETIEN de la mode. Cela ne rate pas aux yeux de Jessica, une habituée des lieux. Les deux filles se connaissent de l'école mais ne se parlent que lorsqu'elles se croisent dans les magasins. " T'es pas avec ta mère ? " lance Jessica, le sourire aux lèvres. " J'ai pas besoin de ma mère pour m'habiller " répond Coralie un peu sur la défensive. Jessica remarque alors que sa copine tient un sac plastique en provenance du magasin Jennifer. " Tu t'habilles chez Jennifer ? " demande-t-elle d'un air intrigué. " C'est le sac de ma sœur " répond Coralie. " Je ne supporte pas ce magasin. C'est bruyant, rien n'est rangé par marque. Et puis c'est rempli de gamines de 12 ans qui crient dans tous les coins ! ". Jessica acquiesce et renchérit : " En plus, tu dois toujours y aller avec des copines. Parce que si t'y vas seule, t'as l'air trop conne. C'est pour cela que je m'y rend uniquement le samedi matin quand il n'y a personne ". Après une brève discussion sur les magasins, les deux filles décident de s'unir pour trouver le fameux pantalon. Tout en retournant les bacs remplis de jeans, Coralie fait remarquer à sa copine qu'une majorité d'entre eux sont troués. " Oui, mais quand tu regardes bien, tu te rends compte qu'ils comportent tous une seconde épaisseur afin qu'on ne puisse pas voir ta peau. C'est cool. Avec ça, les profs ne peuvent rien te dire ". Car effectivement, nombre d'écoles pénalisent encore les élèves venant avec des jeans déchirés. Coralie finit donc par opter pour un jeans à trous, décoloré, pourvu de poches et tirettes multiples. Tandis qu'elle se dirige vers le comptoir, le pantalon pendu à son avant-bras, sa mère la rappelle sur le portable. Le point de rendez-vous est fixé à l'entrée du magasin Mango dans cinq minutes. En déposant le jeans sur le comptoir du magasin, Coralie hésite. " Si ma mère me surprend avec ça, elle va m'obliger à le rapporter ". Sur ces mots, Jessica réagit au quart de tour, critiquant ouvertement la mère de son amie : " ta mère n'a pas à t'imposer de style. Sinon, il te suffit d’acheter le pantalon et de me le filer. Moi, je te prête le training de sport que j'ai dans mon sac. Tu diras à ta mère que tu as du l'acheter pour le cours de gym. On se retrouve demain à la récré pour échanger ". Malgré l'incertitude du deal, Coralie marche dedans. L'échange prend des allures de marché noir avant de se conclure par une bise amicale. Une fois Jessica hors de vue, Coralie se met à courir vers le point de rendez-vous. Elle n'espère plus qu'une chose : que sa mère ne soit pas en train d'attendre. PHOTO : ALLOCINE.COM Hollywood s’empare du phénomène lolita. Le film “Mean Girls” a été un gros succès outreAtlantique. Chris Paulis, vous êtes professeur d'anthropologie sociale à l'ULG. A partir de quel âge les adolescents commencent-ils à s'acheter des vêtements provocants ? Il ne faut pas parler " des " ados mais de " certains " ados. Tout dépend du système éducationnel et de la conscience de ces jeunes. Quand il n'y a pas l'institution ou les parents derrière l'adolescent, il est plus exposé aux déviances. Mais généralement, je pense qu'il n'y a pas d'âge pour cela. On peut très bien s'acheter des vêtements provocants sans s'en rendre compte. Prenons l'exemple d'une fillette de sept ans : elle ignore tout de la provocation. Quand elle demande à sa mère pour porter un bikini avec des petites bretelles, elle trouve très souvent son soutien car une mère encourage sa fille à la coquetterie. Alors la fillette parade sans se rendre compte qu'elle a une attitude provocante. Selon vous, les magasins ont-ils une responsabilité pédagogique dans la vente de leurs vêtements ? Absolument pas. Le magasin n'a pas à jouer de rôle pédagogique. Imaginons que, dès demain, on demande à chaque commerçant, vendeur, étalagiste d'interdire l'achat de certains types de vêtements à certains types de personne. Cela serait tout à fait ingérable. Ce n'est pas au commerçant de jouer un rôle éthique. Cela se limite à la vente de tabac, d'alcool ou l'accès aux sex shop. Mais en dehors de cela, on ne peut pas se retourner contre les magasins. Faut-il plutôt incriminer les médias ? Tout particulièrement les médias. Ils jouent un rôle prépondérant dans notre perception du monde. On a souvent dans l'idée que les clips vidéos comme ceux qu'on voit sur MTV ou MCM ont une influence importante sur le comportement des adolescents. Mais la plupart des jeunes qui regardent les clips de rap ou de R'n'B ont conscience des codes qui les régissent. Le rappeur plein aux as entouré de jolies filles et qui passe tout son temps dans le club ou la salle de muscu, pas difficile d'y voir la caricature. Par contre, ce qui est nettement plus pervers, ce sont les reportages, les téléfilms, la série télévisée du dimanche après-midi. Car les valeurs qui y sont véhiculées sont beaucoup moins apparentes. Elles s'immiscent et s'ancrent dans la pensée de façon inconsciente. De plus, le principe d'une série vous force à une exposition quotidienne. La série, c'est un peu comme une salle de musculation : vous y aller de votre plein gré et vous changez petit à petit sans même vous en rendre compte. La polémique autour des tenues vestimentaires est-elle une conséquence de l'évolution des mœurs ? Cela fait partie d'une évolution artificielle. Cela n'a aucune autre valeur. C'est parti du commerce, des médias, des stars, des produits dérivés. On est en train d'avoir des jeunes de plus en plus troublés. Actuellement, une mode parisienne née d'un mouvement gay amène de jeunes hétéros à porter des T-shirts rose moulant. Par ailleurs, on constate un renforcement de l'androgynie chez les jeunes, c'est-à-dire la recherche d'un type de forme asexuée. Le mec idéal qui est prôné actuellement, c'est le mec ambigu. Des garçons utilisent du maquillage féminin, se font faire une coupe de cheveux qui les fait ressembler à des filles. Ils ont un succès fou auprès d'elles. Cette situation est réversible mais pour cela, il faut que les jeunes aient du caractère. Cessons de produire des séries qui pervertissent leurs valeurs. Ces valeurs que vous dites perverties ont-elles une influence néfaste sur leur sexualité ? Bien sûr. Cela les amènent à une perturbation complète. On trouve des gamines de 12 ans qui, par leur tenue sexy, lancent des messages à des jeunes de 17 ans. Elles le font sans s'en rendre compte. Et l'ado répond à un déclencheur qui ne lui a pas été lancé. Il n'y a plus de lecture valable. On se retrouve donc avec des jeunes de 12 ans qui disent : j'ai fait l'amour avec cette fille, je n'en avais pas envie mais je croyais que c'était ce qu'il fallait faire. Il y a un problème d'éveil sexuel. Pour être un bon garçon, on devient un voyou. 27 AVRIL 2005 VICTOR 7