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C E L S A   – M A S T E R   2   P R O F E S S I O N N E L




                                    Mag’
 Master
                            Idée de promenade


                Marchés
                                                   dans
                                       Paris
                                                   Les marchés parisiens racontent l’histoire de
                                                   Paris. Qui ne connaît pas un marché à proximité
                                                   de son domicile ? Ils animent la vie parisienne et
                                                   sont un repère pour les habitants des quartiers.
                                                   Primeurs, bouchers, fromagers, fleuristes, pois-
                                                   sonniers, tous les artisans vous interpellent dans
                                                   la joie et la bonne humeur.
                                                   Huppés, populaires, bio, spécialisés, ces lieux de
                                                   vie sont le carrefour des échanges, créateurs de
                                                   lien social où tous les sujets sont abordés.
                                                   Nos équipes spécialisées se sont rendues sur pla-
                                                   ce pour vous dresser le portrait des cinq marchés
                                                   les plus emblématiques de la capitale.
                                                                                 Mounia BOUKOUM
                                                                               Envoyée très spéciale
ALIGRE
      En bref                                                  Marché d’Aligre : inquiets et
      200 ans d’histoire
      Le marché d’Aligre est le plus ancien et le
      moins cher de Paris. Il trouve son origine               Les commerçants du plus
      en 1779 avec la construction du marché
      couvert « Beauvau - St Antoine ». « Aligre »             ancien marché de Paris
      est le nom d’une veuve bienfaitrice de                   s’inquiètent pour leur avenir.
      l’hospice des Enfants Trouvés, remplacé                  vendeurs de fleurs, de fruits
      aujourd’hui par le square Trousseau. Sur la
      place d’Aligre, anciennement « La com-                   et de légumes, ils ont fait
      mune d’Aligre », se dresse l’hôtel de ville,             l’histoire d’un lieu auquel ils
      chef-lieu d’une vingtaine de mètres carrés,
      dédié au placier et à l’administration. Seuls            sont très attachés
      des forains de fruits et légumes longent
      les emplacements de la rue de l’Aligre,


                                                                   L
      tradition souhaitée par la bienfaitrice et                          e maire a esquinté le marché. Ils sont
      conservée aujourd’hui.                                              en train de casser Aligre. » La remarque

      PoPuLaire et conviviaL
                                                               «          lapidaire de M. El Abed, marchand de
                                                               fruits et légumes depuis 1974 sur le premier pla-
      L’association de la « Commune libre                      teau(*), résume une inquiétude grandissante :
      d’Aligre » a été créée en 1955 par M.                      « J’ai constaté une baisse d’un quart de mon
      Jeanson, commerçant du marché Beau-                      activité pour une chute de la fréquentation de
      vau. Chacun est le bienvenu dans ce café                 70 %. Avant, les gens venaient non seulement
      associatif situé 3 rue d’Aligre, haut lieu               des 5e, 13e, 12e et d’une partie du 20e arrondis-
      fédérateur de convivialité et de solidarité du           sement, voire même de banlieue. C’est de moins
      quartier. L’association propose également                en moins le cas. Regardez, il est 11 heures et la
      des événements culturels, fêtes, vides-                  rue est clairsemée ». Et de désigner la longue        Le plus ancien et
      greniers, repas et apéros de quartier (liste des                                                               le moins cher des
                                                               série d’étals colorés s’étendant en direction de
      événements disponible au 01 43 41 20 55 /                                                                      marchés de Paris
                                                               la place d’Aligre.                                    souffre aussi de
      cafeassociatif@cl-aligre.org).                             Un autre commerçant de l’angle de la rue Cro-       la crise.
                                                               zatier, M. Terchoune renchérit : « La mairie parle
      nouveau concessionnaire                                  d’augmenter l’an prochain de 100 % le montant
      Les emplacements du marché sont gérés                    du loyer qui est déjà de 200 euros les six mètres
      par un concessionnaire, désigné par la                   linéaires ! »
      mairie. Celui-ci doit attribuer les stands                 Pourquoi cette augmentation drastique ?
      en priorité à des commerçants en fruits et               D’abord, les loyers sont ici parmi les moins chers
      légumes. Le renouvellement de la conces-                 de Paris. Ensuite, la mairie explique qu’il s’agit
      sion est en cours. Cela risque de bousculer              d’un rattrapage.
      une tradition inscrite depuis de nom-
      breuses années, en raison notamment de
      l’augmentation possible des loyers.



      Ce journal a été réalisé dans le cadre du Master 2
      professionnel “Information et communication” par les
      étudiants :
      François SILvAN, Mounia BOukOuM,
      Thierry LEMANT, Cyrille ThOMy, Stéphane TIxIER,
      Elie ChANCROgNE, Anna dA COSTA, véronique SERvE,
      Emmanuel SARAzIN, Nadège TETAz, Baya SEkhRAOuI,
      Nathalie NOuETTE-dELORME
      Soutiens : Eve BETTEz, Amandine BRASEy,
      Emmanuelle hEuRTEux, Armelle SERMET
      Publicité (et dons) :
      Celsa – 77, avenue de villiers 92200 Neuilly sur Seine

      Formateurs : Paul dAudIN-CLAvAud et Luc duBOS.


2 – 7 janvier 2011 – master mag’
ALIGRE

victimes de la crise, les forains résistent
                                                                             Une cliente confirme : « Je viens toujours mais je
                                                                             vous achète moins souvent… »
                                                                               Si la grogne apparaît omniprésente, les forains
                                                                             ne semblent pas découragés pour autant : il n’en
                                                                             est pas un pour évoquer un départ du marché bi-
                                                                             centenaire. L’attachement des forains au quartier
                                                                             semble viscéral.
                                                                               « Quand je suis venue ici, j’étais enceinte de ma
                                                                             fille, se rappelle Yolande. elle a aujourd’hui 59
                                                                             ans et travaille avec moi. Je sers désormais les en-
                                                                             fants de mes clients de jadis. et ils sont avec leurs
                                                                             petits-enfants. Non, nous ne partirons pas. »
                                                                               Ceux qui sont à l’origine du marché continue-
                                                                             ront donc inlassablement à lutter contre le froid
                                                                             mordant de l’automne… et de la crise. « et puis
                                                                             moi, ironise Hassan el Haddach, je n’ai froid que
                                                                             quand il n’y a plus de clients ! »
                                                                                                              François SiLvAn
                                                                             (*)
                                                                                   Première partie de la rue d’Aligre, fréquentée par les clients
                                                                                   les moins aisés. Le deuxième plateau étant plutôt dévolu aux
                                                                                   classes moyennes, et le troisième, contre le marché Beauvau,
                                                                                   aux clients les plus aisés, racontent les forains.


     « Du coup, nous devrons le répercuter sur les
   prix publics », estime Hassan El Haddach, un
   des deux vendeurs bio du marché, qui déplore
   une baisse de 40 % de son activité sur les 4-5         Terchoune, forain de père en fils
   dernières années.
     Une inflation difficile à justifier, estiment ses    40 ans que la famille                                      améliorer le site. »
   voisins, le marché d’Aligre étant connu comme          Terchoune vend des                                         Ses clients sont
   l’une des places les moins chères de Paris pour        fruits et légumes à                                        principalement des
   les primeurs. C’est une tradition.                     Aligre. Le fils a repris                                   riverains, habitués à
     En remontant la rue, les commentaires des fo-        l’affaire il y a déjà                                      sa casquette bleue
   rains reviennent invariablement sur le sujet. Tout     quelques années. Cela                                      en permanence
   comme la politique de stationnement de la ville.       lui apparaissait com-                                      vissée sur le crâne.
   Un parking devait être construit rue Crozatier mais    me une évidence, tant                                      En semaine, ce
   le projet n’a pas abouti. Surtout : « Ils ont limité   ce marché parisien                                         sont les retraités
   les possibilités de stationnement et la fourrière      intéresse les forains.                                     à pouvoir d’achat
   passe systématiquement entre 11 h 30 et 12 h 30,       « Il y a une liste d’attente de 10           limité. Le week-end est plus
   affirme Hamza, dont le grand-père était déjà là        ans pour avoir un emplacement                rémunérateur avec les jeunes
   en 1962. Du coup les restaurateurs, notamment,         ici », claironne M. Terchoune fils.          actifs au portefeuille mieux
   viennent de moins en moins s’approvisionner ici.       Pour lui, depuis déjà quelque                garni. Les habitants des ar-
   C’est un préjudice énorme. »                           temps, les clients se font moins             rondissements limitrophes,
                                                          nombreux, la faute à la crise et             voire de banlieue, se font de
   « Non, nous ne partirons pas. »                        aux difficultés de stationnement.            plus en plus rares.
     Enfin, la crise économique est aussi passée rue      Cette baisse de fréquentation                Malgré ces difficultés, il ne se
   Aligre. « C’est très dur ! », constate Yolande. Fo-    l’inquiète. Le possible double-              voit pourtant pas faire autre
   raine depuis 60 ans, elle vend des fleurs au coin      ment du loyer en 2011 aussi.                 chose. Quitter sa banlieue tous
   des rues d’Aligre et Roussel, au début du « troi-      Même s’il tempère : « Le mont-               les jours dès 5 heures ne le
   sième plateau » d’Aligre, à côté du marché cou-        ant n’avait pas bougé depuis de              rebute pas. Dans tous les cas, il
   vert Beauvau. « Nous ressentons plus durement          nombreuses années et la mairie               restera fidèle au poste.
   la crise que les marchands de fruits et légumes. »     a fait pas mal de travaux pour                                  Thierry LéMANT

                                                                                                                   master mag’ – 7 janvier 2011 – 3
BAtIGnoLLEs

      Batignolles, le marché des nouveaux
      marché traditionnel de
      quartier un peu vieillissant,
      les Batignolles ont su capter
      une nouvelle clientèle, plus
      familiale et plus jeune.


         i
              Ls sont où les clients ? » Le ton du crémier
              tranche avec les conversations feutrées
      «       ambiantes. En ce jeudi matin, les allées
      du marché couvert des Batignolles sont très cal-
      mes. Emmitouflée dans son manteau épais, une
      dame très âgée demande doucement un crottin
      de Chavignol.
        Un peu plus loin, Mme Renée trône à la caisse
      de la boucherie « Pilote ». « 4,28 euros pour le
      steak haché, mais je vous le fais à 4 ! » La clien-
      te rosit de plaisir et glisse son petit emballage
      entre un tube de dentifrice et deux yaourts. ici,
      les quantités achetées sont plutôt restreintes.
        Séverine, la pimpante vendeuse de primeurs,
      confirme : « La clientèle de semaine est assez
      modeste. Nous proposons des produits de bonne
      qualité à des prix très raisonnables. »
        Adidi vient ici parce que sa poussette ne fran-
      chit pas les marches du supermarché voisin :           Le marché des
      « Dans mon panier, j’ai un filet de colin. Du          Battignoles fait
      lait et des oranges pour ma patronne. » Adidi
      garde des enfants et fait quelques courses pour
                                                             quatre fois plus
                                                             de chiffre d’affaires
                                                             le week-end, par
                                                                                     Philippe, poissonnier :
      son employeur. « Mais quand ma patronne a des
      invités, c’est elle-même qui fait les courses ici.     rapport au reste
                                                             de la semaine.
      Le week-end. »                                                                                     Poissonnier depuis 45
                                                                                                         ans, Philippe prend plai-
      Vivement samedi                                                                                    sir à satisfaire une nou-
        Week-end. A ce mot magique, le visage de                                                         velle clientèle, curieuse,
      Mme Renée s’éclaire : « Quatre fois le chiffre                                                     exigeante sur la qualité,
      d’affaires de la semaine ! Les gens font la queue                                                  soucieuse du juste prix.
      jusque dehors. Il y a cinq bouchers qui servent                                                    Sur son stand des
      dans ma boutique. »                                                                                Batignolles, entre deux
        Plus elle parle de ses clients du samedi et du                                                   coquilles Saint-Jacques
      dimanche, plus elle se relève derrière sa caisse :                                                 ouvertes en un tour
      « Les familles ont remplacé les grands-mères dans                                                  de main, Philippe est
      les grands appartements du quartier. et ces fa-                                                    intarissable sur sa cli-
      milles reviennent à la cuisine ». Pot-au-feu, blan-                            entèle passionnée de cuisine : « ça a tou-
      quette, poule au pot, le week-end, Mme Renée                                   jours existé, mais elle s’est terriblement
      n’arrête pas de conseiller, de donner des temps de                             rajeunie. Ici, les week-ends, y’a toute une
      cuisson et des petites astuces sur les sauces.                                 bande de trentenaires qui s’essayent à la
        Séverine, la sémillante vendeuse de primeurs,                                cuisine : recettes traditionnelles, grosses
      renchérit : « Ces nouveaux clients ne sont pas                                 pièces de poisson à cuisiner… »
      forcément les plus fortunés du quartier, mais des                              Il conseille ces nouveaux clients, en fonc-

4 – 7 janvier 2011 – master mag’
BAtIGnoLLEs

gourmands                                                                                            En bref
                                                                                                   absa Lô, commerçante miLitante
                                                                                                   « Les Saveurs du Sénégal »
                                familles d’employés ou de cadres moyens qui se                     n’est pas un traiteur comme les
                                sont remis à la cuisine et qui recherchent des                     autres. Entre les masques, les
                                produits de base de qualité. »                                     assiettes d’accras et le mil qui
                                  Ces nouveaux clients viennent au marché cher-                    boue, elle trône en photo avec
                                cher du service, du conseil, de l’envie. il est près               Bertrand Delanoë. La Mairie
                                de midi et en voici justement un. iPhone collé                     de Paris est l’un de ses clients.
                                à l’oreille et bébé en poche kangourou, ce papa                    L’étal du marché des Batignolles
                                salue rapidement Séverine et file chez le traiteur                 est une vitrine de l’association
                                japonais.                                                          des femmes sénégalaises.
                                  C’est l’un des trois traiteurs exotiques qui se
                                sont installés ces cinq dernières années. ici, la                  Pas PLus cher que La suPérette
                                cuisinière ne propose ni sushis, ni brochettes,
                                mais de la cuisine japonaise originale et authen-                                              Marché          Supérettes
                                tique : « Aujourd’hui, les gens voyagent, lisent,                                           1,50 à 2,50 e
                                                                                                    Choux-fleurs                              1,95 e pièce
                                regardent la télévision. Ils sont curieux. » Elle                                               pièce
                                surfe sur cette clientèle ouverte d’esprit, capable                 Jambon cru Serrano         28 e/kg         29,50 e/kg
                                d’acheter un tournedos chez Mme Renée et une
                                                                                                    Salade/laitue            70 e pièce      1,95 e (sachet)
                                sauce au soja chez elle.
                                  Et la cuisinière japonaise de poursuivre : « Nous
                                avons voulu garder l’esprit de proximité du mar-                   infos Pratiques
                                ché. Les clients veulent savoir ce qu’ils mangent,                 24bis, rue Brochant
                                comment ça se prépare. » Elle envisage même de                     Ouvert du mardi au vendredi de 8h30 à
                                proposer des cours de cuisine. De quoi pousser                     13h00 et de 14h00 à 20h00
                                Madame Renée à quitter sa caisse ?                                 Le samedi de 8h30 à 20h00
                                                            EliE CHAnCRognE                        Le dimanche de 8h30 à 14h00




: une espèce menacée
    tion des arrivages et des cours. « Quand ils   coquillages il propose plus de cinquante          car dans chaque colis il y en a des mau-
    reviennent la semaine suivante, ils me dis-    produits… « Pour vendre presque toujo-            vaises. »
    ent : on s’est régalé, qu’est-ce qu’on peut    urs les dix mêmes produits il faut au moins       Sa première patronne lui disait : « Quand on
    essayer cette semaine ? Je leur propose        ça. C’est la loi du genre. »                      vend du beau c’est impossible de revenir
    autre chose… C’est super ! », Conclut-il,      C’est ce que font aussi les supermarchés.         en arrière, on est obligé de toujours faire du
    une étincelle dans les yeux.                   Comme eux, il vend du poisson d’élevage :         beau… » Elle avait raison mais le beau, c’est
    En termes d’approvisionnement, cela lui        bar, saumon. Il n’y a pas d’autres choix s’il     aussi beaucoup de travail. Les journées de
    facilite les choses. Quand Philippe repère     vaut proposer un prix acceptable. « Mais          Philippe commencent à 3 heures du matin
    un beau produit à un prix raisonnable à        moi je vends le top de l’élevage comme le         pour finir à 21 heures : « Mais qui veut en-
    Rungis, il le prend. Il sait qu’il pourra le   saumon d’Écosse label rouge ».                    core faire tout ça aujourd’hui ? Un apprenti ne
    proposer à ses clients, qu’il sera vendu et    Ses clients testent, comparent parfois            peut travailler que 25 heures par semaine. Et
    qu’ils seront contents.                        avec ce qu’ils trouvent en supermarché,           en plus on est ouvert tous les jours ! »
    Rungis, il connaît. Il va s’y approvisionner   mais ça ne l’inquiète pas : « Ils en revi-        Peut-être la raison pour laquelle, on ne
    tous les jours : « Avant de reprendre cette    ennent tous ! En plus, je suis moins cher         trouve plus les poissonniers que sur les
    poissonnerie, j’y étais mandataire et gros-    que beaucoup de marchés parisiens ! »             marchés.
    siste au pavillon de la pêche. »               Ce qui ne l’empêche pas de privilégier la         « La retraite, je pourrais déjà y être. Je ne
    Quand il a repris ce commerce il y a 15        qualité : « Je lève les filets à la demande.      suis donc pas inquiet ! » : Philippe est philos-
    ans il y avait à peine une vingtaine de        Les Saint Jacques, je les achète fraîches         ophe mais surtout poissonnier passionné…
    produits d’exposés. Aujourd’hui avec les       en coquille. Je les ouvre pour mes clients                                      STéphane TIxIER

                                                                                                                          master mag’ – 7 janvier 2011 – 5
chÂtEAu RouGE

      Le marché de Château Rouge : un bout
      De magnifiques éventaires et de succulents
      produits exotiques mais pas toujours au
      meilleur prix


         D
                   oNNez-MoI un kilo de gombo, s’il
                   vous plaît. » Une fois par semaine,
      «            Madame n’Diaye vient depuis Bré-
      tigny sur orge se ravitailler en produits africains
      au Marché de Château Rouge.
        Coincé entre la rue Poulet et la rue des Poisson-
      niers, la petite rue Dejean était probablement pré-
      destinée à accueillir des magasins de bouche.
        Mais ici, les volailles, le cabillaud, les courgettes
      et les poires ont été remplacés par le jakato, le
      malanga, le manioc, la christophine, la chayote,
      le gombo, la banane plantin, le vivaneau, le ca-
      pitaine et le tilapia.
        Dans ce temple de l’exotisme, les commerces
      marchent par trois : trois poissonneries, trois
      boucheries et trois primeurs… et « Trois patrons
      qui détiennent l’ensemble de ce marché, ironise
      Hassan, le patron du bistrot du coin ». installé
      ici depuis dix ans, Hassan connaît tous les com-
      merçants. Derrière son comptoir en zinc et dans
      une grande pièce éclairée de lumière vive, il sert
                                                                Le plus exotique
      de bonne heure des verres de vins ou des cafés            des marchés parisiens
      serrés à des vendeurs qui ont commencé leur               a su s’adapter
      journée très tôt.                                         à une clientèle
        Le marché du Château rouge ne connaît pas               essentiellement
      la crise. Derrière cette invitation au voyage se          africaine.



                                                                                        cache un commerce florissant : « Les acheteurs
                                                                                        viennent de loin, raconte fièrement Hassan, car
                                                                                        c’est le seul endroit où l’on trouve ce type de
                                                                                        produits. »
                                                                                          Mais rareté rime aussi avec cherté. Les prix éle-
                                                                                        vés affichés en gros sur des pancartes fluo, ne se
                                                                                        négocient pas toujours.
                                                                                          Même le poisson surgelé venu du Sénégal, reste
                                                                                        inaccessible pour Madame n’Diaye. Elle ne remplit
                                                                                        son panier qu’au prix d’un long marchandage avec
                                                                                        chacun des commerçants. Mais aujourd’hui, les
                                                                                        prix sont élevés et les bonnes affaires sont rares.
                                                                                          Seuls les vendeurs à la sauvette de DvD pira-
                                                                                        tés proposent des prix battant par nature toute
                                                                                        concurrence. Madame n’Diaye troque donc fi-
                                                                                        nalement le traditionnel poulet yassa contre trois
                                                                                        films dans la besace.
                                                                                                                      Baya SEkHRAoUi

6 – 7 janvier 2011 – master mag’
chÂtEAu RouGE

d’Afrique à Paris            Les états d’âmes
                             du boucher “gaulois”
                             au marché africain de château-rouge, Jacques – breton
                             de souche ! – s’est adapté, bon gré malgré, à sa nouvelle
                             clientèle.

                                                                     tôt, travailler dans le froid. C’est la
                                                                     convivialité et l’entre-aide qui nous
                                                                     permet de tenir ! »
                                                                     Jacques incarne l’ancien marché,
                                                                     celui d’avant l’arrivé des Africains
                                                                     dans le quartier.
                                                                     « Avant c’étaient des gaulois ici…
                                                                     mais bon, faut s’adapter, hein !
                                                                     Y’avait des fromagers, des charcu-
                                                                     tiers mais les Africains y mangent
                                                                     pas de ça. » Comme ses patrons,
                                                                     il s’est adapté : « Faut bien vivre.
                             moustache haute, verbe fleuri et        C’est le client qui décide, hein ! ».
                             rire facile, Jacques aurait pu jouer    Jacques raccompagne Ali. Il
                             le boucher dans un film de Jeunet       regarde, circonspect, l’étal de son
                             et Carro. Son tablier blanc immac-      ami poissonnier. Il faut dire que le
                             ulé témoigne de son goût du travail     vivaneau, le capitaine et le tilapia
                             bien fait. Lui est breton. D’ailleurs   se cuisinent peu dans sa Bretagne
                             à Château Rouge, les patrons sont       natale : « Quand je rentre chez moi
                             bretons ou Normands.                    à Choisy, je préfère manger des
                             A huit heures, Chez Hassan, le bis-     plats d’ici, de la charcuterie et du
                             trot du marché, Jacques retrouve        fromage ! »
                             les autres vendeurs. Pour lui ce        Au marché de Château-Rouge,
                             sera un ballon de rouge. Pour Ali,      Jacques vend des tripes de
                             le collègue poissonnier, un café        mouton, des ailes et des gésiers
                             bien serré. Les commentaires vont       de poulet pour des plats africains.
                             bon train surtout ceux de Jacques :     Mais, lui, ne les a jamais goûtés…!
                             « Le métier est dur, il faut se lever                            nadège TéTAz

  Recette
  Poulet Yassa de Madame n’Diaye
  ingrédients :
  • 1 poulet                                 Couper le poulet en            morceaux de poulet
  • 4 citrons                                morceaux et le faire           et les faire griller de tous
  • 4 gros oignons                           macérer pendant 2              les côtés dans une cocotte.
  • 4 cuillères à soupe                      heures au moins avec           Retirer les morceaux
    d’huile d’arachide ou                    l’huile, le jus et l’écorce    de poulet et faire revenir
    d’huile de palme !                       des citrons, les oignons       les oignons égouttés avec
  • 250 g de riz                             émincés, le piment coupé       l’huile d’arachide.
  • sel/poivre                               en morceaux, le sel et le      Laisser cuire doucement.
  • 1 piment rouge                           poivre. Bien remuer les        Rajouter la marinade et
  • 1 cube « Maggi » selon                   morceaux de poulet pour        les morceaux de poulet
    la version                               qu’ils soient imprégnés de     grillés et mouiller avec
                                             la marinade. Égoutter les      de l’eau.



                                                                                  master mag’ – 7 janvier 2011 – 7
nEuILLy

      Un marché classe à deux pas de Paris :
      Couvert, ouvert du lundi
      du samedi, il a particularité
      d’accueillir à la fois des
      commerces de bouches,
      des restaurants et des étales
      de décorations : bijoux,
      vêtements, mobiliers…


         P
                 ARkINg gardé, gratuit la première
                 heure » : une pancarte qui rassure sur-
      «          tout quand on est à neuilly ! En plus, il
      permet un accès rapide aux commerces.
        A la sortie de l’ascenseur, l’ambiance des lieux
      est saisissante. Les 70 commerces cohabitent
      dans un mélange des genres, même si les em-
      placements sont clairement établis et délimités.
      Un plan à l’entrée permet d’ailleurs de mieux
      s’y retrouver.
        Mais sans doute vaut-il mieux se laisser aller à
      flâner dans ce joyeux fourre-tout, où se côtoient
      commerçants, artisans et restaurateurs. Au cœur
      d’une allée, un artisan rempailleur restaure une
      chaise pendant que son collègue conçoit une ban-
      quette pour valentino. Cet atelier grandeur nature
      est ouvert au public à quelques mètres d’une ta-
      pissière et d’un poissonnier.
        Tous ces commerçants et artisans ont en com-
      mun leur fidélité à ce marché. Ce dernier était         Un marché propret         début n’est plus. Avant la semaine se clôturait
      autrefois en extérieur. Le bâtiment qui l’abrite        devenu de plus en         le samedi par un apéro en cœur du carré. Cette
      aujourd’hui date de 1974. Christian, le placier         plus confortable au fil   convivialité a disparu ! »
      du marché depuis plus de 35 ans, connaît bien           des années. Seuls les       Aux douze coups de midi, l’odorat s’emballe.
                                                              anciens y ont gardé
      l’histoire : « C’est devenu plus confortable mais                                 Le marché change de visage. Les métiers de bou-
                                                              droit de cité.
      comme il y avait moins de places, il a fallu choisir                              che s’activent pour accueillir les travailleurs du
      entre les nombreux candidats. on a retenu les                                     quartier. Lieu de rencontre ou d’échanges, dont
      commerçants les plus anciens. »                                                   l’affluence fluctue au gré de la météo.
        Les marchands sont locataires de leur empla-                                      Françoise, une chargée de clientèle d’une qua-
      cement et doivent s’acquitter d’un loyer auprès                                   rantaine d’années, déguste la tartiflette du jour :
      d’une société de gestion « le bureau ». Les murs                                  « Cela fait quinze ans que je viens ici pour déjeu-
      demeurent la propriété de la mairie.                                              ner. C’est très convivial, mais par contre je n’y
                                                                                        fais jamais mes courses : c’est inabordable ! »
      Un placier nostalgique                                                              Sandrine, elle, sert des crêpes à ses clients. C’est
        Le « bureau » assure la police des lieux. C’est le                              la plus jeune patronne du marché. Elle a succédé
      travail de Christian, qui doit arbitrer à la fois les                             à Blanche, devenue son employé, le temps de
      conflits entre les clients et les commerçants mais                                passer le témoin : « Je veux conserver l’activité de
      aussi ceux entre commerçants. Et notre placier                                    départ en y apportant ma touche personnelle. »
      de se souvenir avec nostalgie : « L’ambiance du                                     Sans aller toutefois jusqu’à concurrencer ses

8 – 7 janvier 2011 – master mag’
nEuILLy

le carreau de Neuilly                                  Portrait d’une
                                                       pionnière du Carreau
                                                       « euréka ma maison », la boutique de
                                                       nicole est une échoppe où l’on trouve
                                                       tout : de la droguerie aux arts de la table




                                                       Grande, brune, la soixantaine élégante, Nicole
                                                       accueille sa clientèle dans une véritable caverne d’Ali
                                                       Baba… Arrivée de Pologne il y a plus de trente ans,
                                                       elle décide, encouragée par son mari, de reprendre
                                                       cette droguerie. À l’époque, ce marché de Neuilly
                                                       était en extérieur. Elle a donc été une des premières
                                                       commerçantes à s’installer dans ce nouvel espace
                                                       couvert et à faire évoluer son affaire :
                                                        « Très vite, j’ai souhaité élargir mon offre. J’ai profité
                                                       du départ de mon voisin pour agrandir ma surface de
                                                       vente et élargir la gamme de produits. »
                                                       Aujourd’hui, sur des étagères alignées du sol du
                                                       plafond, les produits d’entretien de luxe côtoient les
                                                       ustensiles de cuisine. Dans un coin, les verres et les
  voisins. ici, le commerce va de pair avec le res-
                                                       couteaux trouvent place à proximité d’assiettes aux
  pect de la tradition et l’absence des grands bou-
                                                       tons dégradés. Près de l’entrée, les cocottes, poêles,
  leversements.
    Le premier souci est de satisfaire une clientèle
                                                       marmites s’empilent dans un joyeux bric-à-brac. De
  privilégiée. L  ’esprit du marché allié au confort   quoi témoigner de l’engouement actuel pour le « cui-
  d’un bâtiment climatisé y contribue. Et ça mar-      siner vrai » :
  che : « Ici, raconte sandrine, on croise réguliè-    « Je me dois de satisfaire toutes les demandes de
  rement dans les allées Jean Amadou, Véronique        mes clients. Nous sommes un véritable mouton à cinq
  Jeannot ou Charles Pasqua. »                         pattes. Et si je n’ai pas le produit demandé, je vais le
    Certains employés du Carreau sont même de-         dénicher ailleurs ! ».
  venus des célébrités. Le comédien Jean Reno a        La clientèle, toujours exigeante tant en termes de
  travaillé ici comme employé de droguerie avant de    prix que de qualité, est donc assurée de trouver son
  devenir propriétaire de son stand de photos.         bonheur.
    Bref, un marché tellement diversifié et agréable   Aujourd’hui, Nicole est un peu moins présente dans
  qu’on y passe facilement plus d’une heure. Du        sa boutique. Pas par lassitude mais uniquement pour
  coup, le parking n’est plus gratuit : 2 euros la     profiter de son statut de jeune grand-mère. Une re-
  deuxième heure et 4 euros l’heure supplémen-         traite toute provisoire. Nicole n’est pas prête à quitter
  taire : eh oui, on est bien à neuilly !              ses casseroles…
                                   CyrillE THoMy                                    naThalie nOUeTTe-delOrMe

                                                                                          master mag’ – 7 janvier 2011 – 9
LEs EnfAnts RouGEs

      Les Enfants Rouges ne sont pas orphelins
      Dans une ambiance de
      village, les habitants du
      quartier y font leurs courses
      et ceux qui travaillent tout
      près y déjeunent


      C
              ’EST un endroit bien caché au cœur du
              quartier du Marais. Le nom est étrange.
              Le portail est discret, coincé entre deux
      immeubles. Mais, une fois les portes franchies, on
      découvre le plus vieux marché de Paris. Ce sont
      des enfants abandonnés et habillés de rouge d’un
      orphelinat voisin du Xvie siècle, qui lui auraient
      donné son nom.
       Sous 2 000 m2 de halles classées monument
      historique, vingt commerçants tiennent boutique
      dans un environnement préservé. Tout le monde
      se connaît depuis des années et chacun donne à
      ce lieu un air de famille, apprécié autant par les    Un marché à taille           des ardoises, et invite à les goûter sur des tables
      habitués que par les clients de passage.              humaine qui jouit de         installées derrière chaque stand.
       Marché à taille humaine, les étals - à mi-chemin     quatre siècles d’histoire.     Ce matin, Michele l’italien a préparé de la mo-
      entre boutique et étalage - y sont limités mais ri-                                zarella farcie de roquette, de tomates séchées
      ches en parfums, en couleurs, et en personnalités.                                 et de bresaola, c’est beau et on n’y résiste pas.
      Chaque commerçant affiche ses spécialités sur                                      En face, sur un stand de produits d’agriculture
                                                                                         biologique, potimarrons, pâtissons et crônes se
                                                                                         partagent la vedette avec les plus « classiques »
                                                                                         pommes, figues, noix et noisettes. Des effluves de

                    Un peu d’histoire                                                    viande grillée et d’épices se dégagent des stands
                                                                                         à l’autre bout de l’allée.

       Créé en 1615 par deux commis-         ville de Paris en 1912.                     Cuisine du monde
       saires de guerre de Louis Xiii,       Lorsqu’il est menacé                          Paisible le matin, le marché change de visage à
       le petit marché devait approvi-       de destruction en 1995, des                 midi et se transforme en cuisine du monde.
       sionner le Marais. installé sous      associations d’habitants se                   Spécialités régionales françaises mais aussi
       une halle en bois et équipé           mobilisent pour sa conservation             marocaines, libanaises, japonaises, italiennes ou
       d’un puits et d’une étable, il        et grâce à leur action, il est              afro antillaises sont ainsi proposées : du colombo
       rencontrait un succès important.      rouvert en novembre 2000.                   de poulet du « Corossol » au risotto « taleggio i
       il tient son nom de « Marché          inscrit à l’inventaire de                   parma » de chez « Michele » en passant par le
       des enfants Rouges » d’un             Monuments historiques, il est               « bento » de Takeo ou le couscous marocain agré-
       orphelinat, établi au Xvie siècle,    devenu le cœur vibrant de la vie            menté de pâtisseries.
       qui recueillait les enfants perdus    du quartier,                                  Les allées étroites ne permettent pas de s’éten-
       et les coiffait d’un bonnet rouge.    « la place du village », comme              dre à l’infini alors chacun colle ses tables à cel-
       Lorsque la mission quitte les         l’appellent les habitants.                  les du voisin. La promiscuité ne gêne personne,
       lieux, en 1777, les Enfants-          Aujourd’hui, ce marché est                  au contraire. Les clients partagent, dans ce qui
       Rouges devinrent un vrai              ouvert tous les jours de la                 ressemble à une place de village, un mélange de
       marché couvert. Le marché des         semaine.                                    convivialité, d’échanges et de complicité. Plutôt
       Enfants Rouges sera cédé à la                          anna DA CoSTA              rare dans une grande ville !
                                                                                                                         VéroniquE sErVE

10 – 7 janvier 2011 – master mag’
LEs EnfAnts RouGEs

de clientèle                                                                Enfant des îles
                                                                            aux Enfants Rouges




                                                                            Zacharie est serveur au Corossol. Ce res-
                                                                            taurant afro antillais du Marché des Enfants
                                                                            Rouges, dont le nom évoque un fruit exotique,
                                                                            accueille touristes et habitués sur quelques
                                                                            tables aux couleurs vives et motifs « madras ».
                                                                            Jeans slim, veste de cuir ajustée, sourire
                                                                            charmeur et voix douce, ce jeune homme
                                                                            élancé de 20 ans à peine travaille à Paris
                                                                            depuis deux ans. étudiant en alternance en
                                                                            hôtellerie et restauration, il fait ses débuts dans
                                                                            un restaurant gastronomique du VIIIe arrondis-
                                                                            sement : « C’était une bonne école, mais un
                                                                            peu strict ! ». Le jeune homme préfère finale-
                                                                            ment le cadre simple et convivial du restaurant
                                                                            de sa tante, au cœur de ce marché discret du
                                                                            Marais.
                                                                            zacharie apprécie bien le plus ancien marché
                                                                            de Paris, en particulier son esprit familial :
   INFOS PRATIQUES                                                          « Ici tout le monde se connaît, il n’y a pas de
   39 Rue de Bretagne, 75003 Paris                                          concurrence, chacun a sa spécialité : antillais,
   ouverture :                                                              japonais, libanais… »
   – Mardi, mercredi, jeudi :                                               Sur un fond de musique afro caribéenne, à un
     de 8h30 à 13 heures et de 16 heures à 19h30                            client qui vient de s’attabler, zacharie propose
   – Vendredi, samedi :                                                     la carte du jour : tarte coco et fruit confits, jus
     de 8h30 à 13 heures et de 16 heures à 20 heures                        de gingembre ou assortiment d’accras.
     Dimanche : de 8h30 à 14 heures                                         Un peu plus tard, les travailleurs du quartier fi-
   Les stands :                                                             nissent de déjeuner. Le soir, ce sera le tour des
   • fruits et légumes bio, primeur • poissonnier, caviste, fromager,       habitants du quartier ou touristes de passage.
   boulanger, charcutier • traiteurs antillais, libanais, marocains,        Ils viennent pour l’apéritif, partager des saveurs
   portugais, italiens • fleuristes                                         de France et d’ailleurs. Comme les petits plats
   métro : Filles du Calvaire (0.3 km) Saint-Sébastien-Froissart (0.4 km)   de la tante de zacharie… !
   station vélib’ : Mairie du 3e (0.2 km)                                                                   eMManUel SaraZin


                                                                                                    master mag’ – 7 janvier 2011 – 11
CELSA Master'Mag 2011

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  • 1. C E L S A – M A S T E R 2 P R O F E S S I O N N E L Mag’ Master Idée de promenade Marchés dans Paris Les marchés parisiens racontent l’histoire de Paris. Qui ne connaît pas un marché à proximité de son domicile ? Ils animent la vie parisienne et sont un repère pour les habitants des quartiers. Primeurs, bouchers, fromagers, fleuristes, pois- sonniers, tous les artisans vous interpellent dans la joie et la bonne humeur. Huppés, populaires, bio, spécialisés, ces lieux de vie sont le carrefour des échanges, créateurs de lien social où tous les sujets sont abordés. Nos équipes spécialisées se sont rendues sur pla- ce pour vous dresser le portrait des cinq marchés les plus emblématiques de la capitale. Mounia BOUKOUM Envoyée très spéciale
  • 2. ALIGRE En bref Marché d’Aligre : inquiets et 200 ans d’histoire Le marché d’Aligre est le plus ancien et le moins cher de Paris. Il trouve son origine Les commerçants du plus en 1779 avec la construction du marché couvert « Beauvau - St Antoine ». « Aligre » ancien marché de Paris est le nom d’une veuve bienfaitrice de s’inquiètent pour leur avenir. l’hospice des Enfants Trouvés, remplacé vendeurs de fleurs, de fruits aujourd’hui par le square Trousseau. Sur la place d’Aligre, anciennement « La com- et de légumes, ils ont fait mune d’Aligre », se dresse l’hôtel de ville, l’histoire d’un lieu auquel ils chef-lieu d’une vingtaine de mètres carrés, dédié au placier et à l’administration. Seuls sont très attachés des forains de fruits et légumes longent les emplacements de la rue de l’Aligre, L tradition souhaitée par la bienfaitrice et e maire a esquinté le marché. Ils sont conservée aujourd’hui. en train de casser Aligre. » La remarque PoPuLaire et conviviaL « lapidaire de M. El Abed, marchand de fruits et légumes depuis 1974 sur le premier pla- L’association de la « Commune libre teau(*), résume une inquiétude grandissante : d’Aligre » a été créée en 1955 par M. « J’ai constaté une baisse d’un quart de mon Jeanson, commerçant du marché Beau- activité pour une chute de la fréquentation de vau. Chacun est le bienvenu dans ce café 70 %. Avant, les gens venaient non seulement associatif situé 3 rue d’Aligre, haut lieu des 5e, 13e, 12e et d’une partie du 20e arrondis- fédérateur de convivialité et de solidarité du sement, voire même de banlieue. C’est de moins quartier. L’association propose également en moins le cas. Regardez, il est 11 heures et la des événements culturels, fêtes, vides- rue est clairsemée ». Et de désigner la longue Le plus ancien et greniers, repas et apéros de quartier (liste des le moins cher des série d’étals colorés s’étendant en direction de événements disponible au 01 43 41 20 55 / marchés de Paris la place d’Aligre. souffre aussi de cafeassociatif@cl-aligre.org). Un autre commerçant de l’angle de la rue Cro- la crise. zatier, M. Terchoune renchérit : « La mairie parle nouveau concessionnaire d’augmenter l’an prochain de 100 % le montant Les emplacements du marché sont gérés du loyer qui est déjà de 200 euros les six mètres par un concessionnaire, désigné par la linéaires ! » mairie. Celui-ci doit attribuer les stands Pourquoi cette augmentation drastique ? en priorité à des commerçants en fruits et D’abord, les loyers sont ici parmi les moins chers légumes. Le renouvellement de la conces- de Paris. Ensuite, la mairie explique qu’il s’agit sion est en cours. Cela risque de bousculer d’un rattrapage. une tradition inscrite depuis de nom- breuses années, en raison notamment de l’augmentation possible des loyers. Ce journal a été réalisé dans le cadre du Master 2 professionnel “Information et communication” par les étudiants : François SILvAN, Mounia BOukOuM, Thierry LEMANT, Cyrille ThOMy, Stéphane TIxIER, Elie ChANCROgNE, Anna dA COSTA, véronique SERvE, Emmanuel SARAzIN, Nadège TETAz, Baya SEkhRAOuI, Nathalie NOuETTE-dELORME Soutiens : Eve BETTEz, Amandine BRASEy, Emmanuelle hEuRTEux, Armelle SERMET Publicité (et dons) : Celsa – 77, avenue de villiers 92200 Neuilly sur Seine Formateurs : Paul dAudIN-CLAvAud et Luc duBOS. 2 – 7 janvier 2011 – master mag’
  • 3. ALIGRE victimes de la crise, les forains résistent Une cliente confirme : « Je viens toujours mais je vous achète moins souvent… » Si la grogne apparaît omniprésente, les forains ne semblent pas découragés pour autant : il n’en est pas un pour évoquer un départ du marché bi- centenaire. L’attachement des forains au quartier semble viscéral. « Quand je suis venue ici, j’étais enceinte de ma fille, se rappelle Yolande. elle a aujourd’hui 59 ans et travaille avec moi. Je sers désormais les en- fants de mes clients de jadis. et ils sont avec leurs petits-enfants. Non, nous ne partirons pas. » Ceux qui sont à l’origine du marché continue- ront donc inlassablement à lutter contre le froid mordant de l’automne… et de la crise. « et puis moi, ironise Hassan el Haddach, je n’ai froid que quand il n’y a plus de clients ! » François SiLvAn (*) Première partie de la rue d’Aligre, fréquentée par les clients les moins aisés. Le deuxième plateau étant plutôt dévolu aux classes moyennes, et le troisième, contre le marché Beauvau, aux clients les plus aisés, racontent les forains. « Du coup, nous devrons le répercuter sur les prix publics », estime Hassan El Haddach, un des deux vendeurs bio du marché, qui déplore une baisse de 40 % de son activité sur les 4-5 Terchoune, forain de père en fils dernières années. Une inflation difficile à justifier, estiment ses 40 ans que la famille améliorer le site. » voisins, le marché d’Aligre étant connu comme Terchoune vend des Ses clients sont l’une des places les moins chères de Paris pour fruits et légumes à principalement des les primeurs. C’est une tradition. Aligre. Le fils a repris riverains, habitués à En remontant la rue, les commentaires des fo- l’affaire il y a déjà sa casquette bleue rains reviennent invariablement sur le sujet. Tout quelques années. Cela en permanence comme la politique de stationnement de la ville. lui apparaissait com- vissée sur le crâne. Un parking devait être construit rue Crozatier mais me une évidence, tant En semaine, ce le projet n’a pas abouti. Surtout : « Ils ont limité ce marché parisien sont les retraités les possibilités de stationnement et la fourrière intéresse les forains. à pouvoir d’achat passe systématiquement entre 11 h 30 et 12 h 30, « Il y a une liste d’attente de 10 limité. Le week-end est plus affirme Hamza, dont le grand-père était déjà là ans pour avoir un emplacement rémunérateur avec les jeunes en 1962. Du coup les restaurateurs, notamment, ici », claironne M. Terchoune fils. actifs au portefeuille mieux viennent de moins en moins s’approvisionner ici. Pour lui, depuis déjà quelque garni. Les habitants des ar- C’est un préjudice énorme. » temps, les clients se font moins rondissements limitrophes, nombreux, la faute à la crise et voire de banlieue, se font de « Non, nous ne partirons pas. » aux difficultés de stationnement. plus en plus rares. Enfin, la crise économique est aussi passée rue Cette baisse de fréquentation Malgré ces difficultés, il ne se Aligre. « C’est très dur ! », constate Yolande. Fo- l’inquiète. Le possible double- voit pourtant pas faire autre raine depuis 60 ans, elle vend des fleurs au coin ment du loyer en 2011 aussi. chose. Quitter sa banlieue tous des rues d’Aligre et Roussel, au début du « troi- Même s’il tempère : « Le mont- les jours dès 5 heures ne le sième plateau » d’Aligre, à côté du marché cou- ant n’avait pas bougé depuis de rebute pas. Dans tous les cas, il vert Beauvau. « Nous ressentons plus durement nombreuses années et la mairie restera fidèle au poste. la crise que les marchands de fruits et légumes. » a fait pas mal de travaux pour Thierry LéMANT master mag’ – 7 janvier 2011 – 3
  • 4. BAtIGnoLLEs Batignolles, le marché des nouveaux marché traditionnel de quartier un peu vieillissant, les Batignolles ont su capter une nouvelle clientèle, plus familiale et plus jeune. i Ls sont où les clients ? » Le ton du crémier tranche avec les conversations feutrées « ambiantes. En ce jeudi matin, les allées du marché couvert des Batignolles sont très cal- mes. Emmitouflée dans son manteau épais, une dame très âgée demande doucement un crottin de Chavignol. Un peu plus loin, Mme Renée trône à la caisse de la boucherie « Pilote ». « 4,28 euros pour le steak haché, mais je vous le fais à 4 ! » La clien- te rosit de plaisir et glisse son petit emballage entre un tube de dentifrice et deux yaourts. ici, les quantités achetées sont plutôt restreintes. Séverine, la pimpante vendeuse de primeurs, confirme : « La clientèle de semaine est assez modeste. Nous proposons des produits de bonne qualité à des prix très raisonnables. » Adidi vient ici parce que sa poussette ne fran- chit pas les marches du supermarché voisin : Le marché des « Dans mon panier, j’ai un filet de colin. Du Battignoles fait lait et des oranges pour ma patronne. » Adidi garde des enfants et fait quelques courses pour quatre fois plus de chiffre d’affaires le week-end, par Philippe, poissonnier : son employeur. « Mais quand ma patronne a des invités, c’est elle-même qui fait les courses ici. rapport au reste de la semaine. Le week-end. » Poissonnier depuis 45 ans, Philippe prend plai- Vivement samedi sir à satisfaire une nou- Week-end. A ce mot magique, le visage de velle clientèle, curieuse, Mme Renée s’éclaire : « Quatre fois le chiffre exigeante sur la qualité, d’affaires de la semaine ! Les gens font la queue soucieuse du juste prix. jusque dehors. Il y a cinq bouchers qui servent Sur son stand des dans ma boutique. » Batignolles, entre deux Plus elle parle de ses clients du samedi et du coquilles Saint-Jacques dimanche, plus elle se relève derrière sa caisse : ouvertes en un tour « Les familles ont remplacé les grands-mères dans de main, Philippe est les grands appartements du quartier. et ces fa- intarissable sur sa cli- milles reviennent à la cuisine ». Pot-au-feu, blan- entèle passionnée de cuisine : « ça a tou- quette, poule au pot, le week-end, Mme Renée jours existé, mais elle s’est terriblement n’arrête pas de conseiller, de donner des temps de rajeunie. Ici, les week-ends, y’a toute une cuisson et des petites astuces sur les sauces. bande de trentenaires qui s’essayent à la Séverine, la sémillante vendeuse de primeurs, cuisine : recettes traditionnelles, grosses renchérit : « Ces nouveaux clients ne sont pas pièces de poisson à cuisiner… » forcément les plus fortunés du quartier, mais des Il conseille ces nouveaux clients, en fonc- 4 – 7 janvier 2011 – master mag’
  • 5. BAtIGnoLLEs gourmands En bref absa Lô, commerçante miLitante « Les Saveurs du Sénégal » familles d’employés ou de cadres moyens qui se n’est pas un traiteur comme les sont remis à la cuisine et qui recherchent des autres. Entre les masques, les produits de base de qualité. » assiettes d’accras et le mil qui Ces nouveaux clients viennent au marché cher- boue, elle trône en photo avec cher du service, du conseil, de l’envie. il est près Bertrand Delanoë. La Mairie de midi et en voici justement un. iPhone collé de Paris est l’un de ses clients. à l’oreille et bébé en poche kangourou, ce papa L’étal du marché des Batignolles salue rapidement Séverine et file chez le traiteur est une vitrine de l’association japonais. des femmes sénégalaises. C’est l’un des trois traiteurs exotiques qui se sont installés ces cinq dernières années. ici, la Pas PLus cher que La suPérette cuisinière ne propose ni sushis, ni brochettes, mais de la cuisine japonaise originale et authen- Marché Supérettes tique : « Aujourd’hui, les gens voyagent, lisent, 1,50 à 2,50 e Choux-fleurs 1,95 e pièce regardent la télévision. Ils sont curieux. » Elle pièce surfe sur cette clientèle ouverte d’esprit, capable Jambon cru Serrano 28 e/kg 29,50 e/kg d’acheter un tournedos chez Mme Renée et une Salade/laitue 70 e pièce 1,95 e (sachet) sauce au soja chez elle. Et la cuisinière japonaise de poursuivre : « Nous avons voulu garder l’esprit de proximité du mar- infos Pratiques ché. Les clients veulent savoir ce qu’ils mangent, 24bis, rue Brochant comment ça se prépare. » Elle envisage même de Ouvert du mardi au vendredi de 8h30 à proposer des cours de cuisine. De quoi pousser 13h00 et de 14h00 à 20h00 Madame Renée à quitter sa caisse ? Le samedi de 8h30 à 20h00 EliE CHAnCRognE Le dimanche de 8h30 à 14h00 : une espèce menacée tion des arrivages et des cours. « Quand ils coquillages il propose plus de cinquante car dans chaque colis il y en a des mau- reviennent la semaine suivante, ils me dis- produits… « Pour vendre presque toujo- vaises. » ent : on s’est régalé, qu’est-ce qu’on peut urs les dix mêmes produits il faut au moins Sa première patronne lui disait : « Quand on essayer cette semaine ? Je leur propose ça. C’est la loi du genre. » vend du beau c’est impossible de revenir autre chose… C’est super ! », Conclut-il, C’est ce que font aussi les supermarchés. en arrière, on est obligé de toujours faire du une étincelle dans les yeux. Comme eux, il vend du poisson d’élevage : beau… » Elle avait raison mais le beau, c’est En termes d’approvisionnement, cela lui bar, saumon. Il n’y a pas d’autres choix s’il aussi beaucoup de travail. Les journées de facilite les choses. Quand Philippe repère vaut proposer un prix acceptable. « Mais Philippe commencent à 3 heures du matin un beau produit à un prix raisonnable à moi je vends le top de l’élevage comme le pour finir à 21 heures : « Mais qui veut en- Rungis, il le prend. Il sait qu’il pourra le saumon d’Écosse label rouge ». core faire tout ça aujourd’hui ? Un apprenti ne proposer à ses clients, qu’il sera vendu et Ses clients testent, comparent parfois peut travailler que 25 heures par semaine. Et qu’ils seront contents. avec ce qu’ils trouvent en supermarché, en plus on est ouvert tous les jours ! » Rungis, il connaît. Il va s’y approvisionner mais ça ne l’inquiète pas : « Ils en revi- Peut-être la raison pour laquelle, on ne tous les jours : « Avant de reprendre cette ennent tous ! En plus, je suis moins cher trouve plus les poissonniers que sur les poissonnerie, j’y étais mandataire et gros- que beaucoup de marchés parisiens ! » marchés. siste au pavillon de la pêche. » Ce qui ne l’empêche pas de privilégier la « La retraite, je pourrais déjà y être. Je ne Quand il a repris ce commerce il y a 15 qualité : « Je lève les filets à la demande. suis donc pas inquiet ! » : Philippe est philos- ans il y avait à peine une vingtaine de Les Saint Jacques, je les achète fraîches ophe mais surtout poissonnier passionné… produits d’exposés. Aujourd’hui avec les en coquille. Je les ouvre pour mes clients STéphane TIxIER master mag’ – 7 janvier 2011 – 5
  • 6. chÂtEAu RouGE Le marché de Château Rouge : un bout De magnifiques éventaires et de succulents produits exotiques mais pas toujours au meilleur prix D oNNez-MoI un kilo de gombo, s’il vous plaît. » Une fois par semaine, « Madame n’Diaye vient depuis Bré- tigny sur orge se ravitailler en produits africains au Marché de Château Rouge. Coincé entre la rue Poulet et la rue des Poisson- niers, la petite rue Dejean était probablement pré- destinée à accueillir des magasins de bouche. Mais ici, les volailles, le cabillaud, les courgettes et les poires ont été remplacés par le jakato, le malanga, le manioc, la christophine, la chayote, le gombo, la banane plantin, le vivaneau, le ca- pitaine et le tilapia. Dans ce temple de l’exotisme, les commerces marchent par trois : trois poissonneries, trois boucheries et trois primeurs… et « Trois patrons qui détiennent l’ensemble de ce marché, ironise Hassan, le patron du bistrot du coin ». installé ici depuis dix ans, Hassan connaît tous les com- merçants. Derrière son comptoir en zinc et dans une grande pièce éclairée de lumière vive, il sert Le plus exotique de bonne heure des verres de vins ou des cafés des marchés parisiens serrés à des vendeurs qui ont commencé leur a su s’adapter journée très tôt. à une clientèle Le marché du Château rouge ne connaît pas essentiellement la crise. Derrière cette invitation au voyage se africaine. cache un commerce florissant : « Les acheteurs viennent de loin, raconte fièrement Hassan, car c’est le seul endroit où l’on trouve ce type de produits. » Mais rareté rime aussi avec cherté. Les prix éle- vés affichés en gros sur des pancartes fluo, ne se négocient pas toujours. Même le poisson surgelé venu du Sénégal, reste inaccessible pour Madame n’Diaye. Elle ne remplit son panier qu’au prix d’un long marchandage avec chacun des commerçants. Mais aujourd’hui, les prix sont élevés et les bonnes affaires sont rares. Seuls les vendeurs à la sauvette de DvD pira- tés proposent des prix battant par nature toute concurrence. Madame n’Diaye troque donc fi- nalement le traditionnel poulet yassa contre trois films dans la besace. Baya SEkHRAoUi 6 – 7 janvier 2011 – master mag’
  • 7. chÂtEAu RouGE d’Afrique à Paris Les états d’âmes du boucher “gaulois” au marché africain de château-rouge, Jacques – breton de souche ! – s’est adapté, bon gré malgré, à sa nouvelle clientèle. tôt, travailler dans le froid. C’est la convivialité et l’entre-aide qui nous permet de tenir ! » Jacques incarne l’ancien marché, celui d’avant l’arrivé des Africains dans le quartier. « Avant c’étaient des gaulois ici… mais bon, faut s’adapter, hein ! Y’avait des fromagers, des charcu- tiers mais les Africains y mangent pas de ça. » Comme ses patrons, il s’est adapté : « Faut bien vivre. moustache haute, verbe fleuri et C’est le client qui décide, hein ! ». rire facile, Jacques aurait pu jouer Jacques raccompagne Ali. Il le boucher dans un film de Jeunet regarde, circonspect, l’étal de son et Carro. Son tablier blanc immac- ami poissonnier. Il faut dire que le ulé témoigne de son goût du travail vivaneau, le capitaine et le tilapia bien fait. Lui est breton. D’ailleurs se cuisinent peu dans sa Bretagne à Château Rouge, les patrons sont natale : « Quand je rentre chez moi bretons ou Normands. à Choisy, je préfère manger des A huit heures, Chez Hassan, le bis- plats d’ici, de la charcuterie et du trot du marché, Jacques retrouve fromage ! » les autres vendeurs. Pour lui ce Au marché de Château-Rouge, sera un ballon de rouge. Pour Ali, Jacques vend des tripes de le collègue poissonnier, un café mouton, des ailes et des gésiers bien serré. Les commentaires vont de poulet pour des plats africains. bon train surtout ceux de Jacques : Mais, lui, ne les a jamais goûtés…! « Le métier est dur, il faut se lever nadège TéTAz Recette Poulet Yassa de Madame n’Diaye ingrédients : • 1 poulet Couper le poulet en morceaux de poulet • 4 citrons morceaux et le faire et les faire griller de tous • 4 gros oignons macérer pendant 2 les côtés dans une cocotte. • 4 cuillères à soupe heures au moins avec Retirer les morceaux d’huile d’arachide ou l’huile, le jus et l’écorce de poulet et faire revenir d’huile de palme ! des citrons, les oignons les oignons égouttés avec • 250 g de riz émincés, le piment coupé l’huile d’arachide. • sel/poivre en morceaux, le sel et le Laisser cuire doucement. • 1 piment rouge poivre. Bien remuer les Rajouter la marinade et • 1 cube « Maggi » selon morceaux de poulet pour les morceaux de poulet la version qu’ils soient imprégnés de grillés et mouiller avec la marinade. Égoutter les de l’eau. master mag’ – 7 janvier 2011 – 7
  • 8. nEuILLy Un marché classe à deux pas de Paris : Couvert, ouvert du lundi du samedi, il a particularité d’accueillir à la fois des commerces de bouches, des restaurants et des étales de décorations : bijoux, vêtements, mobiliers… P ARkINg gardé, gratuit la première heure » : une pancarte qui rassure sur- « tout quand on est à neuilly ! En plus, il permet un accès rapide aux commerces. A la sortie de l’ascenseur, l’ambiance des lieux est saisissante. Les 70 commerces cohabitent dans un mélange des genres, même si les em- placements sont clairement établis et délimités. Un plan à l’entrée permet d’ailleurs de mieux s’y retrouver. Mais sans doute vaut-il mieux se laisser aller à flâner dans ce joyeux fourre-tout, où se côtoient commerçants, artisans et restaurateurs. Au cœur d’une allée, un artisan rempailleur restaure une chaise pendant que son collègue conçoit une ban- quette pour valentino. Cet atelier grandeur nature est ouvert au public à quelques mètres d’une ta- pissière et d’un poissonnier. Tous ces commerçants et artisans ont en com- mun leur fidélité à ce marché. Ce dernier était Un marché propret début n’est plus. Avant la semaine se clôturait autrefois en extérieur. Le bâtiment qui l’abrite devenu de plus en le samedi par un apéro en cœur du carré. Cette aujourd’hui date de 1974. Christian, le placier plus confortable au fil convivialité a disparu ! » du marché depuis plus de 35 ans, connaît bien des années. Seuls les Aux douze coups de midi, l’odorat s’emballe. anciens y ont gardé l’histoire : « C’est devenu plus confortable mais Le marché change de visage. Les métiers de bou- droit de cité. comme il y avait moins de places, il a fallu choisir che s’activent pour accueillir les travailleurs du entre les nombreux candidats. on a retenu les quartier. Lieu de rencontre ou d’échanges, dont commerçants les plus anciens. » l’affluence fluctue au gré de la météo. Les marchands sont locataires de leur empla- Françoise, une chargée de clientèle d’une qua- cement et doivent s’acquitter d’un loyer auprès rantaine d’années, déguste la tartiflette du jour : d’une société de gestion « le bureau ». Les murs « Cela fait quinze ans que je viens ici pour déjeu- demeurent la propriété de la mairie. ner. C’est très convivial, mais par contre je n’y fais jamais mes courses : c’est inabordable ! » Un placier nostalgique Sandrine, elle, sert des crêpes à ses clients. C’est Le « bureau » assure la police des lieux. C’est le la plus jeune patronne du marché. Elle a succédé travail de Christian, qui doit arbitrer à la fois les à Blanche, devenue son employé, le temps de conflits entre les clients et les commerçants mais passer le témoin : « Je veux conserver l’activité de aussi ceux entre commerçants. Et notre placier départ en y apportant ma touche personnelle. » de se souvenir avec nostalgie : « L’ambiance du Sans aller toutefois jusqu’à concurrencer ses 8 – 7 janvier 2011 – master mag’
  • 9. nEuILLy le carreau de Neuilly Portrait d’une pionnière du Carreau « euréka ma maison », la boutique de nicole est une échoppe où l’on trouve tout : de la droguerie aux arts de la table Grande, brune, la soixantaine élégante, Nicole accueille sa clientèle dans une véritable caverne d’Ali Baba… Arrivée de Pologne il y a plus de trente ans, elle décide, encouragée par son mari, de reprendre cette droguerie. À l’époque, ce marché de Neuilly était en extérieur. Elle a donc été une des premières commerçantes à s’installer dans ce nouvel espace couvert et à faire évoluer son affaire : « Très vite, j’ai souhaité élargir mon offre. J’ai profité du départ de mon voisin pour agrandir ma surface de vente et élargir la gamme de produits. » Aujourd’hui, sur des étagères alignées du sol du plafond, les produits d’entretien de luxe côtoient les ustensiles de cuisine. Dans un coin, les verres et les voisins. ici, le commerce va de pair avec le res- couteaux trouvent place à proximité d’assiettes aux pect de la tradition et l’absence des grands bou- tons dégradés. Près de l’entrée, les cocottes, poêles, leversements. Le premier souci est de satisfaire une clientèle marmites s’empilent dans un joyeux bric-à-brac. De privilégiée. L ’esprit du marché allié au confort quoi témoigner de l’engouement actuel pour le « cui- d’un bâtiment climatisé y contribue. Et ça mar- siner vrai » : che : « Ici, raconte sandrine, on croise réguliè- « Je me dois de satisfaire toutes les demandes de rement dans les allées Jean Amadou, Véronique mes clients. Nous sommes un véritable mouton à cinq Jeannot ou Charles Pasqua. » pattes. Et si je n’ai pas le produit demandé, je vais le Certains employés du Carreau sont même de- dénicher ailleurs ! ». venus des célébrités. Le comédien Jean Reno a La clientèle, toujours exigeante tant en termes de travaillé ici comme employé de droguerie avant de prix que de qualité, est donc assurée de trouver son devenir propriétaire de son stand de photos. bonheur. Bref, un marché tellement diversifié et agréable Aujourd’hui, Nicole est un peu moins présente dans qu’on y passe facilement plus d’une heure. Du sa boutique. Pas par lassitude mais uniquement pour coup, le parking n’est plus gratuit : 2 euros la profiter de son statut de jeune grand-mère. Une re- deuxième heure et 4 euros l’heure supplémen- traite toute provisoire. Nicole n’est pas prête à quitter taire : eh oui, on est bien à neuilly ! ses casseroles… CyrillE THoMy naThalie nOUeTTe-delOrMe master mag’ – 7 janvier 2011 – 9
  • 10. LEs EnfAnts RouGEs Les Enfants Rouges ne sont pas orphelins Dans une ambiance de village, les habitants du quartier y font leurs courses et ceux qui travaillent tout près y déjeunent C ’EST un endroit bien caché au cœur du quartier du Marais. Le nom est étrange. Le portail est discret, coincé entre deux immeubles. Mais, une fois les portes franchies, on découvre le plus vieux marché de Paris. Ce sont des enfants abandonnés et habillés de rouge d’un orphelinat voisin du Xvie siècle, qui lui auraient donné son nom. Sous 2 000 m2 de halles classées monument historique, vingt commerçants tiennent boutique dans un environnement préservé. Tout le monde se connaît depuis des années et chacun donne à ce lieu un air de famille, apprécié autant par les Un marché à taille des ardoises, et invite à les goûter sur des tables habitués que par les clients de passage. humaine qui jouit de installées derrière chaque stand. Marché à taille humaine, les étals - à mi-chemin quatre siècles d’histoire. Ce matin, Michele l’italien a préparé de la mo- entre boutique et étalage - y sont limités mais ri- zarella farcie de roquette, de tomates séchées ches en parfums, en couleurs, et en personnalités. et de bresaola, c’est beau et on n’y résiste pas. Chaque commerçant affiche ses spécialités sur En face, sur un stand de produits d’agriculture biologique, potimarrons, pâtissons et crônes se partagent la vedette avec les plus « classiques » pommes, figues, noix et noisettes. Des effluves de Un peu d’histoire viande grillée et d’épices se dégagent des stands à l’autre bout de l’allée. Créé en 1615 par deux commis- ville de Paris en 1912. Cuisine du monde saires de guerre de Louis Xiii, Lorsqu’il est menacé Paisible le matin, le marché change de visage à le petit marché devait approvi- de destruction en 1995, des midi et se transforme en cuisine du monde. sionner le Marais. installé sous associations d’habitants se Spécialités régionales françaises mais aussi une halle en bois et équipé mobilisent pour sa conservation marocaines, libanaises, japonaises, italiennes ou d’un puits et d’une étable, il et grâce à leur action, il est afro antillaises sont ainsi proposées : du colombo rencontrait un succès important. rouvert en novembre 2000. de poulet du « Corossol » au risotto « taleggio i il tient son nom de « Marché inscrit à l’inventaire de parma » de chez « Michele » en passant par le des enfants Rouges » d’un Monuments historiques, il est « bento » de Takeo ou le couscous marocain agré- orphelinat, établi au Xvie siècle, devenu le cœur vibrant de la vie menté de pâtisseries. qui recueillait les enfants perdus du quartier, Les allées étroites ne permettent pas de s’éten- et les coiffait d’un bonnet rouge. « la place du village », comme dre à l’infini alors chacun colle ses tables à cel- Lorsque la mission quitte les l’appellent les habitants. les du voisin. La promiscuité ne gêne personne, lieux, en 1777, les Enfants- Aujourd’hui, ce marché est au contraire. Les clients partagent, dans ce qui Rouges devinrent un vrai ouvert tous les jours de la ressemble à une place de village, un mélange de marché couvert. Le marché des semaine. convivialité, d’échanges et de complicité. Plutôt Enfants Rouges sera cédé à la anna DA CoSTA rare dans une grande ville ! VéroniquE sErVE 10 – 7 janvier 2011 – master mag’
  • 11. LEs EnfAnts RouGEs de clientèle Enfant des îles aux Enfants Rouges Zacharie est serveur au Corossol. Ce res- taurant afro antillais du Marché des Enfants Rouges, dont le nom évoque un fruit exotique, accueille touristes et habitués sur quelques tables aux couleurs vives et motifs « madras ». Jeans slim, veste de cuir ajustée, sourire charmeur et voix douce, ce jeune homme élancé de 20 ans à peine travaille à Paris depuis deux ans. étudiant en alternance en hôtellerie et restauration, il fait ses débuts dans un restaurant gastronomique du VIIIe arrondis- sement : « C’était une bonne école, mais un peu strict ! ». Le jeune homme préfère finale- ment le cadre simple et convivial du restaurant de sa tante, au cœur de ce marché discret du Marais. zacharie apprécie bien le plus ancien marché de Paris, en particulier son esprit familial : INFOS PRATIQUES « Ici tout le monde se connaît, il n’y a pas de 39 Rue de Bretagne, 75003 Paris concurrence, chacun a sa spécialité : antillais, ouverture : japonais, libanais… » – Mardi, mercredi, jeudi : Sur un fond de musique afro caribéenne, à un de 8h30 à 13 heures et de 16 heures à 19h30 client qui vient de s’attabler, zacharie propose – Vendredi, samedi : la carte du jour : tarte coco et fruit confits, jus de 8h30 à 13 heures et de 16 heures à 20 heures de gingembre ou assortiment d’accras. Dimanche : de 8h30 à 14 heures Un peu plus tard, les travailleurs du quartier fi- Les stands : nissent de déjeuner. Le soir, ce sera le tour des • fruits et légumes bio, primeur • poissonnier, caviste, fromager, habitants du quartier ou touristes de passage. boulanger, charcutier • traiteurs antillais, libanais, marocains, Ils viennent pour l’apéritif, partager des saveurs portugais, italiens • fleuristes de France et d’ailleurs. Comme les petits plats métro : Filles du Calvaire (0.3 km) Saint-Sébastien-Froissart (0.4 km) de la tante de zacharie… ! station vélib’ : Mairie du 3e (0.2 km) eMManUel SaraZin master mag’ – 7 janvier 2011 – 11