Maladie d’Alzheimer, accident vasculaire cérébral, arthrose... Autant de pathologies que chacun d’entre nous connaît, parce qu’elles peuvent toucher une relation, un ami, un parent. Toutefois, la perception qu’on peut en avoir lorsqu’un de nos proches est affecté est largement indépendante du poids de la maladie dans la population générale même si elle est bien évidemment liée aux modalités actuelles de prise en charge.
1. Les enjeux du vieillissement
Quelle prise en charge sanitaire et
médico-sociale des personnes âgées en 2003 ?
Quelle anticipation des besoins futurs ?
Etude réalisée pour le Leem et le LIR
par
Véronique Toully
Sylvie Grenêche
Annie Chicoye
Anne Laure Piard
Marina Chauvenet
3. S o m m a i r e
ANALYSE TRANSVERSALE 7
DE LA CATARACTE AUX CANCERS
ANALYSE EPIDEMIOLOGIQUE, MEDICALE ET ECONOMIQUE 93
LES CANCERS
LES PATHOLOGIES OCULAIRES LIEES A L’AGE
LA CATARACTE
LA DEGENERESCENCE MACULAIRE LIEE A L'AGE
LE GLAUCOME
L’ATHEROTHROMBOSE
LES CARDIOPATHIES ISCHEMIQUES
LES ACCIDENTS VASCULAIRES CEREBRAUX
Sommaire
95
109
113
117
123
127
131
139
DEMOGRAPHIE ET PROTECTION SOCIALE : L’ENJEU DES
RETRAITES
L’ANTICIPATION DES BESOINS SANITAIRES : UN CHAMPS EN
JACHERE
UNE SITUATION PARADOXALE EN MATIERE DE SANTE
DES INSUFFISANCES NOTABLES EN MATIERE DE
COORDINATION
LA DIFFICULTE DE LA PRISE EN CHARGE MEDICALE DU
SUJET AGE
QUELLE PLACE POUR LE MEDICAMENT ?
UN DEFI MEDICAL, SOCIAL ET FINANCIER
LA PRISE EN CHARGE MEDICO-SOCIALE
10
12
23
31
42
56
70
82
4. L'ARTERIOPATHIE CHRONIQUE OBLITERANTE
DES MEMBRES INFERIEURS
AUTRES PATHOLOGIES CARDIAQUES
L'INSUFFISANCE CARDIAQUE
LA FIBRILLATION AURICULAIRE
LE DIABETE
LES TROUBLES NEUROLOGIQUES ET MENTAUX
LA MALADIE D’ALZHEIMER
LA MALADIE DE PARKINSON
LA DEPRESSION
LES TROUBLES DU SOMMEIL
LES MALADIES DES OS ET ARTICULATIONS
L'ARTHROSE
L'OSTEOPOROSE
LA BRONCHO-PNEUMOPATHIE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE
L’INCONTINENCE URINAIRE
BIBLIOGRAPHIE 243
151
167
159
167
173
183
185
193
219
207
213
215
221
229
237
5. Maladie d’Alzheimer, accident vasculaire cérébral, arthrose... Autant de pathologies que
chacun d’entre nous connaît, parce qu’elles peuvent toucher une relation, un ami, un
parent. Toutefois, la perception qu’on peut en avoir lorsqu’un de nos proches est affecté
est largement indépendante du poids de la maladie dans la population générale même
si elle est bien évidemment liée aux modalités actuelles de prise en charge.
C’est pourquoi nous avons tenté, sur la base d’une analyse de la littérature médicale,
économique et institutionnelle, de dresser un tableau des différents aspects de ces
affections : nous avons colligé les données disponibles qui permettent de définir le
besoin médical (caractéristiques médicales essentielles, fréquence, place au sein des
politiques de santé publique), identifié les thérapeutiques disponibles et les
recommandations, mis en évidence les circuits de soins et les coûts de prise en charge.
Nous avons élargi notre analyse aux aspects médico-sociaux qui ne peuvent être
dissociés de la dimension sanitaire lorsqu’on s’intéresse à la population âgée. Nous
avons cherché à cerner dans quelle mesure les besoins actuels sont satisfaits et quelles
sont encore les attentes, parfois importantes, pour améliorer qualité des soins, arsenal
thérapeutique, prise en charge médico-sociale, face à ces situations toujours sévères,
parfois vitales.
Notre travail, centré sur les principales affections de la population âgée, s’inscrit dans
une approche populationnelle sans laquelle, selon J.F. Mattéi, Ministre de la Santé,
« toute politique de santé publique est aveugle ». Nous espérons qu’il contribuera à
éclairer les débats en la matière.
7. 9
« Vieillir est encore la seule manière que l’on ait trouvé de vivre longtemps » écrivait
Sainte Beuve. C’est bien cette aspiration partagée par la plupart d’entre nous qui devient
un défi social majeur.
La réforme actuellement en cours du financement des retraites est d’ailleurs un signe
tangible de l’enjeu auquel est confronté la société. Au-delà de ce sujet particulièrement
sensible, car touchant directement aux conditions de vie de l’ensemble des salariés et
aux revenus des futurs retraités, le vieillissement de la population soulève d’autres
questions importantes et notamment celle des besoins spécifiques des plus âgés en
matière sanitaire et médico-sociale.
Cette nouvelle étude, qui s’inscrit dans la droite ligne de la démarche d’analyse des
besoins de santé par pathologie que nous avons initiée en 2001, a ainsi pour ambition
d’apporter des éléments de réflexion sur les enjeux sanitaires et médico-sociaux de la
prise en charge des personnes âgées. En l’absence de définition univoque, ce rapport
traite de la personne âgée au sens large du terme, c’est-à-dire à partir de 60-65 ans.
Mais les problèmes spécifiques au très grand âge (80 ans voire plus) font l’objet d’une
attention particulière. Elle s’appuie, comme dans nos précédents travaux, sur l’analyse
précise et documentée d’une série de pathologies liées ou aggravées par le
vieillissement. Chacune des 18 analyses réalisées est présentée dans le corps de la
présente étude, assortie de toutes les références – démographiques, médicales,
économiques, institutionnelles – publiées qui sont aujourd’hui accessibles aux
observateurs extérieurs que nous sommes. Elle intègre aussi une revue des dispositifs
actuels de prise en charge médico-sociale au service des personnes âgées. Au-delà de
l’analyse de l’existant, nous avons cette fois cherché à nourrir une vision prospective de
l’impact du vieillissement de la population.
L’approche adoptée dans cette étude nous a ainsi amenés à rappeler le contexte
démographique français, caractérisé par une augmentation continue de la part des plus
âgés dans la population, et à mettre en perspective l’ensemble des moyens, tant en
termes de structures, de coordination des différents acteurs que de financement, dédiés
à la prise en charge sanitaire et médico-sociale des plus âgés.
Les constats qui en découlent ne manquent de soulever des questions majeures en
termes de choix collectifs, d’allocation de ressources, d’organisation des institutions et
plus généralement d’anticipation des besoins. Nous espérons que ces éléments
contribueront à nourrir les prochains débats autour de la Loi relative à la politique de
santé publique et de la réforme de l’Assurance-Maladie annoncée par JF Mattéi.
8. 10
1. DEMOGRAPHIE ET PROTECTION SOCIALE : L’ENJEU DES
RETRAITES
1.1. LE CONTEXTE DEMOGRAPHIQUE EN FRANCE
Le contexte démographique est l’un des éléments clés qui influencent notre système de
protection sociale que ce soit au titre de la vieillesse, de la famille ou de la santé.
1.1.1. Les projections démographiques
Rappelons les projections de l’INSEE en matière d’évolution de la population2 :
Figure 1 : Part des personnes âgées dans la population totale. Evolution de 1990 à 2050
Figure 2 : nombre de personnes âgées dans la population totale. Evolution de 1990 à 2050
Part des personnes âgées dans la population totale
Evolution de 1990 à 2050
7,1 8,8 7,9
11,2 11,5 11,7 10,8
5,2
5 6,5
6,2
9,1 9,8 10,3
1,5
2,1 2,5
3,3
3,6
5,6 6,9
0
5
10
15
20
25
30
1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
%
85 ans et +
75-84 ans
65-74 ans
Source: Dinh
Nombre de personnes en fonction de l'âge
Evolution de 1990 à 2050 (en milliers)
4 033 5 249 4 883
7 091 7 432 7 623 7 027
2 964
2 989 3 992
3 910
5 921 6 399 6 730
874
1 236
1 514
2 099
2 310
3 677 4 474
0
5 000
10 000
15 000
20 000
1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
85 ans et +
75-84 ans
65-74 ans
Source: Dinh
9. 11
La part des 65 ans et plus a augmenté entre 1990 et 2000 de plus de 15% pour atteindre
9,4 millions de personnes. Entre 2000 et 2010, elle est appelée à passer de 15,9% à
16,9% (soit 10,4 millions) de la population générale pour atteindre 28% en 2050. Si nous
analysons plus précisément les évolutions de la population âgée auxquelles il faudra
faire face à court terme, c’est-à-dire à l’horizon 2010, les chiffres sont éloquents :
En 10 ans, on attend une croissance de 1,5 points de la population entre 75 et 84 ans
soit un million de personnes en plusa dans cette tranche d’âge et de 0,4 point pour celle
âgée de plus de 85 ans, soit près de 280 000 personnes ; nous verrons plus loin que
l’alourdissement du poids de ces deux tranches de population est associé à un
accroissement plus que proportionnel en termes de soins requis et de prise en charge
sociale.
1.1.2. Le chantier des retraites ou comment intégrer l’évolution démographique
Prendre la mesure des enjeux liés à l’évolution démographique n’est pas chose aisée.
Néanmoins, le gouvernement Raffarin, dès son arrivée, a ouvert une large concertation
avec l’ensemble des partenaires sociaux en préalable à la réforme très attendue des
retraites. En effet, de nombreuses personnalités et groupes de travails se sont penchés
sur la question et ont mis en évidence les enjeux auxquels le système de protection
sociale va devoir faire face dans ce domaine. Citons par exemple le rapport Charpin3
qui pose véritablement le problème : « d’une génération à l’autre, les progrès réalisés en
matière de mortalité aux âges élevés se sont traduits par un allongement considérable
de la durée qu’un individu peut espérer passer en retraite », l’autre facteur étant
l’abaissement de l’âge légal de la retraite de 65 à 60 ans en 1986. « A âge légal de
retraite inchangé, les générations nées en 1970 pourraient tabler sur une durée
théorique de leur retraite de 23 ans », soit plus du double de celle de leurs aînés nés en
1910. Le rapport Charpin souligne par ailleurs que les inégalités sociales en termes
d’espérance de vie restent fortes. Enfin, le choc de l’arrivée à la retraite des enfants du
« baby-boom » à partir de 2006 est un facteur de déséquilibre majeur. Ainsi, selon les
projections de la DREES4, les prestations retraites qui représentent aujourd’hui 12,2%
du PIB, devraient atteindre, hors réforme, de 15,6% à 17% selon les scénarios
envisagés.
2000
en milliers de
personnes
2010
en milliers de
personnes
Evolution
en milliers de
personnes
65 – 74 ans 5 219 4 883 - 336
75 – 84 ans 2 989 3 992 +1 004
85 ans et plus 1 236 1 514 +272
a Selon les prévisions de l’INSEE (Quang-Chi Dinh, base RP 90, Horizons 1990-2050) cette population passera de
2,9 millions de personnes à 3,9 millions de personnes.
10. 12
Le rapport Charpin met aussi en évidence la dégradation inéluctable de l’indicateur dit
de dépendance démographique, c’est à dire le rapport entre actifs et retraités : il double
quasiment entre 1995 et 2040, passant de 4 retraités pour 10 personnes d’âge actif
actuellement à 7 retraités pour 10 actifs.
Plus largement, se posera la question du niveau de revenu des personnes de 60 ans et
plus à l’avenir. De 1979 à 1994, la situation des ménages dont la personne de référence
a 60 ans ou plus s’est améliorée assez nettement : leur niveau de vie a progressé et les
inégalités entre eux ont diminué, du fait de l’arrivée à l’âge de la retraite de générations
qui bénéficient de davantage de droits, du niveau d’activité des conjoints et de la
revalorisation des minima légauxb. Leur consommation, constamment réorientée au fur
et à mesure de l’avancée en âge, voit « un repli sur le corps et la sphère domestique »,
avec notamment une augmentation de la part consacrée à la santé, au chauffage et à
l’éclairage et aux services domestiques5. Dès lors qu’on admet une baisse probable de
leur niveau de revenu, en raison du poids devenu insupportable du financement des
retraites dans le cadre de la protection sociale obligatoire, la capacité des personnes
âgées à financer des dépenses de santé de nature sanitaire ou médico-sociale qui ne
seront pas prises en charge par la collectivité s’en trouvera également réduite, alors que
les besoins iront inéluctablement croissants.
2. L’ANTICIPATION DES BESOINS SANITAIRES : UN CHAMP EN
JACHERE
Si le problème du financement des retraites est maintenant pris à bras le corps par le
gouvernement, celui de l’évaluation des dépenses sanitaires et médico-sociales à venir
reste un champ en jachère et ne fait pas l’objet de la même intensité d’analyse
prospective. On ne peut ainsi que s’étonner de l’écart entre le nombre important de
travaux sur les retraites effectués par les organismes publics d’études et les rares
projections en matière de dépenses de santé socialisées émanant de la DREES ou du
CREDES. Il est vrai qu’il est sans doute plus difficile d’établir des prévisions sur les
dépenses de santé qu’en termes de retraites. En effet, pour ce qui est des retraites par
répartition, la question centrale est celle de l’équilibre entre actifs et retraités. En matière
de santé, de nombreux facteurs influencent l’évolution des dépenses : modifications
démographiques, variation de l’état de santé des populations, progrès technologique,
effet génération… Ainsi, pour reprendre les propos de la Société Française de Santé
Publique dans son document de réflexion « Questionnement et propositions sur la
politique de santé en France » rendue publique en 20026, « la maladie n’est plus ce
qu’elle était : le paysage épidémiologique a radicalement changé tout au long du 20ème
siècle et c’est une cause majeure de l’inadaptation de l’appareil de soins ». Les auteurs
soulignent le changement radical intervenu en quelque décennies : « Aujourd’hui, le
paysage pathologique a radicalement changé : il est dominé par des maladies
chroniques. Ces affections surviennent de façon le plus souvent tardive, après 50 ans
pour la majorité des cas, elles sont durables, exigent des soins prolongés, ne sont pas
guérissables au sens strict du mot, elles laissent souvent des séquelles, sources
d’incapacité et de handicap, qui rendent nécessaires la réadaptation et la réinsertion
b Bien que selon une étude menée par Eurostat en 1996, encore 16 % de la population des retraités se situent en
dessous du seuil de pauvreté, avec une proportion plus importante pour les femmes seules (23%).
11. 13
sociale ». Ils soulignent également combien la sénescence, liée à la « transition
démographique », c’est à dire à une évolution rapide et très marquée de la configuration
de la pyramide des âges, et « gros contributeur au développement des états
chroniques » est une évolution démographique majeure. Vieillissement « normal »,
« pathologique » et expression des besoins.
Le processus physiologique de vieillissement normal tend aujourd’hui à être mieux
connu, mais s’accompagne toujours d’un certain mystère. Il met en jeu des mécanismes
biologiques spécifiques que différentes théories cherchent à cerner : implication de
facteurs génétiques, production accrue de radicaux libres qui seraient impliqués dans
certaines affections (cancer, athérosclérose, maladies neurodégénératives). Il est clair
en tout cas que le vieillissement normal s’accompagne d’une diminution des réserves
fonctionnelles de l’organisme à l’origine d’une réduction des capacités à s’adapter aux
situations d’agression : maladies aiguës, événement de vie à l’origine d’un stress… En
fonction de ces capacités de réserve, différents profils d’avancée en âge pourront
d’ailleurs être définis. Les dimensions intellectuelle et sociale aussi jouent un grand rôle.
Un vieillissement est dit « réussi » par les gérontologues lorsque les personnes auront
« une involution très lente de leur fonctions sensorielles, motrices et intellectuelles, ayant
développé au cours de leur vie des intérêts multiples, non exclusivement
professionnels », et auront « conservé avec leurs enfants, petits-enfants et amis des
rapports harmonieux ». Un vieillissement dit « difficile » caractérise des personnes dont
« l’évolution sensorielle, motrice et intellectuelle sera plus marquée, avec un
appauvrissement de la vie affective, des contacts sociaux ou des pôles d’intérêt », qui
s’accompagnera dans ce cas « d’une plus grande difficulté d’adaptation aux situations
nouvelles », induisant des sentiments d’insécurité, un surinvestissement du présent, un
désinvestissement affectif et dans certains cas des troubles mentaux7.
La prévention du vieillissement pathologique et donc le maintien dans une situation de
vieillissement en bonne santé est un axe majeur d’intervention en santé publique : il
s’agit de mettre en place des règles hygiéno-diététiques (nutrition équilibrée, abstinence
tabagique, activité physique, photoprotection, prévention des déficiences auditives, de
l’incontinence, stimulation intellectuelle et intégration sociale) que peuvent venir
compléter certains traitements à visée préventive, par exemple :
!prise en charge des principaux facteurs de risque cardiovasculaire type
hypertension artérielle, diabète non-insulino-dépendant, dyslipidémie, pour
prévenir les cardiopathies ischémiques et certaines insuffisances cardiaques,
!traitement hormonal substitutif de la ménopause pour prévenir l’ostéoporose
!vaccinations (notamment contre le virus de la grippe et certains pneumocoques,
pour prévenir les complications parfois redoutables de ces affections)2.
Sur le versant curatif, l’enjeu est le dépistage et le traitement précoce des pathologies
du vieillissement ou accentuées par celui-ci. Il s’agit notamment de la prise en charge
thérapeutique d’une insuffisance cardiaque déclarée, d’une fibrillation auriculaire
(destinée à prévenir un accident vasculaire cérébral), mais aussi des troubles cognitifs,
12. 14
des troubles de l’humeur, des cancers, des déficiences auditives et visuelles. Si le
médicament joue clairement un rôle dans la prise en charge de toutes ces pathologies,
son utilisation chez la personne âgée n’est pas sans soulever des difficultés sur
lesquelles nous reviendrons.
2.1. L’EVOLUTION DES EFFECTIFS ET SES CONSEQUENCES ECONOMIQUES
2.1.1. Analyse de la consommation de soins de la population âgée
Le CREDES8 a publié en 2001 une analyse des consommations médicales calculées
pour l’année 1997 à partir des données de remboursement issues de la Sécurité
Sociale. Les résultatsc ont été déclinés dans leur ensemble et pour chaque type de
soins selon, notamment, l’âge de la population. Ils confirment la consommation médicale
élevée observée chez les personnes de 65 ans et plus. Ainsi, tandis que la dépense
annuelle moyenne se situe, tous âges confondus à environ 1 387 euros (9 100 francs
par personne), elle est de 2 945 euros (19 321 francs) pour les personnes de 65 ans et
plus, avec une forte augmentation entre la tranche d’âge des 60-69 ans (2 400 euros –
15 745 francs) et la tranche d’âge comprise entre 70 et 79 ans (3 125 euros – 20 499
francs) et une légère diminution ultérieurement.
Figure 3 : Dépenses médicales totales par personne selon l’âge en France en 19978
Il est intéressant d’analyser plus précisément comment se répartissent les dépenses en
fonction des postes et de l’âge.
c L’enquête concerne les dépenses remboursables et individualisables des personnes vivant en « ménage ordinaire »,
excluant les personnes âgées hébergées en institution ou hospitalisées pour une longue période et qui engendrent
des dépenses médicales très élevées
13. 15
Figure 4 : Structure des dépenses médicales selon l’âge en France en 1997 (francs/personne)8
On observe que l’hospitalisation est pour cette population comme pour les autres le
premier poste de dépense, mais avec une augmentation très forte à partir de 60 ans
pour atteindre un pic entre 70 et 79 ansd. Le médicament devient, à partir de 60 ans
également, le second poste de dépense, alors qu’il était en troisième position derrière
ou au niveau des dépenses de praticiens de ville pour les âges précédents. En
pondérant la dépense en fonction du poids de chacune des tranches d’âge, on peut
estimer que les personnes de 65 ans et plus, alors qu’elles ne représentent que 17% de
la population, génèrent plus du tiers de la dépense médicale totale et presque la moitié
de celle du médicament.
Des observations plus récentes (2001) sont faites par la CNAMTS et vont dans le même
sens : les personnes âgées de 60 à 74 ans ont une dépense plus importante que la
population générale (3 071 euros de dépenses contre 1 793 euros en moyenne) avec
des frais élevés en prestations dentaires, en optique et en hospitalisation. Les
personnes de 75 ans et plus sont les plus grands consommateurs de soins (5 238 euros
en moyenne). Leur consommation se caractérise par de fortes dépenses hospitalières
et de médicaments, ainsi que d’auxiliaires médicaux, par rapport au reste de la
population9.
2.1.2. Une augmentation marquée du poids de la tranche d’âge des forts
consommateurs de soins
Comme l’indique le Haut Comité de la Santé Publique dans son recueil des principaux
problèmes de santé en France10, réalisé en décembre 2002 à la demande du ministre
de la Santé dans le cadre de l’élaboration de la Loi de programmation en santé publique,
d En matière de soins de suites ou réadaptation, la population de 60 ans et plus représente plus des deux tiers des
hospitalisations, avec une prédominance des femmes et plus particulièrement à partir de 75 ans, tranche d’âge qui
14. 16
le vieillissement de la population est un enjeu à moyen terme. En effet, selon les auteurs
du rapport, « l’importance accrue de la population âgée conduit à s’interroger sur la
nature et l’ampleur des besoins à satisfaire en matière de soins ou de prise en charge
de la dépendance ».
On observe en effet que les effectifs de la tranche des 65 – 74 ans (relativement moins
génératrice de dépenses médicales) diminuent en valeur absolue, alors que les effectifs
de 75 à 84 ans augmentent d’un million de personnes : nous venons de voir que c’est
précisément cette tranche d’âge qui est un fort consommateur de soins.
2.2. LES PATHOLOGIES ANALYSEES : VERS L’ELABORATION D’UN TABLEAU DE
BORD ?
Le vieillissement ne s’accompagne pas d’une augmentation systématique de la
fréquence de toutes les pathologies. Certaines augmentent, comme par exemple la
cataracte qui atteint 5% des personnes de 60 à 69 ans, et touche près d’une personne
sur 3 au delà de 80 ans. D’autres disparaissent ou s’estompent, par exemple la migraine
et d’autres enfin perdurent telles qu’état dépressif, troubles du sommeil11.
Nous avons choisi dans cette étude d’analyser des pathologies liées ou aggravées par
le vieillissement. Elles ne couvrent pas, bien sur, l’ensemble de celles qui touchent les
plus âgés d’entre nous mais font partie des motifs les plus fréquents de recours aux
soins, d’hospitalisation et d’admission en affection de longue durée (ALD) chez les plus
de 75 ans, rappelés par le Haut Comité de la Santé Publique dans son rapport « La
Santé en France 2002 »12:
!ainsi, les maladies de l’appareil circulatoire forment de très loin le motif de recours
aux soins de ville la plus fréquent pour les plus de 75 ans : elles sont à l’origine de
plus de 50% des consultations de médecins généralistes par cette tranche d’âge.
Les affections endocriniennes et métaboliques, dont le diabète et les
La cataracte :
Si la cataracte apparaît souvent aux ophtalmologistes comme un
problème bénin du fait de l’existence d’une intervention chirurgicale
efficace et comportant peu de risques, elle représente un problème socio-
économique, du fait notamment de ses conséquences en matière de
réduction potentielle de l’autonomie des personnes touchées. De plus,
malgré la possibilité d’un traitement efficace, elle reste l’une des causes
principales de cécité dans les pays occidentaux, car toutes les personnes
atteintes de cataracte ne se font pas aujourd’hui opérer, notamment les
sujets très âgés ainsi que les personnes vivant en institution.
Compte tenu des prévisions démographiques, le besoin à couvrir en
termes de chirurgie de la cataracte devrait augmenter dans les années à
venir.
15. 17
dyslipidémies, sont retrouvées dans 14% des consultations de médecins. Les
maladies ostéoarticulaires constituent un motif de consultation plus important pour
les femmes (22%) que pour les hommes (14%), l’arthrose étant la pathologie la
plus souvent en cause.
!en termes d’origine des hospitalisations, les pathologies de l’appareil cardio-
circulatoire sont de nouveau en tête : elles sont responsables de près d’un séjour
hospitalier sur 5. Les affections ophtalmologiques constituent 10% des séjours, liés
en particulier au traitement chirurgical de la cataracte. Les tumeurs sont à l’origine
de 13% des séjours hospitaliers masculins et de 8% des séjours féminins, les
affections les plus fréquemment en cause étant le cancer de la prostate pour les
hommes et les tumeurs colo-rectales pour les deux sexes.
!chez les plus de 75 ans, les maladies cardiovasculaires sont de nouveaux pour les
deux sexes le motif le plus fréquent d’entrée en ALD (67 000 entrées en 1998). Les
cancers sont à l’origine d’une admission en ALD sur 3 chez les hommes et d’une
sur 5 chez les femmes (43 000 entrées au total). Les pathologies mentales sont à
l’origine d’une entrée en ALD sur 5 chez les femmes (18 000) et d’une sur 10 chez
les hommes (6 000). Enfin 12 000 admissions concernent des personnes atteintes
de diabète et plus de 5 000 d’insuffisance respiratoire chronique grave. La maladie
de Parkinson est à l’origine de 4 000 admissions en ALD.
L’ensemble de ces pathologies est retrouvé comme causes principales de décès du
groupe d’âge concerné, auxquels s’ajoutent un nombre important de décès par
traumatismes et mort violente – suicide notamment – qui nous a conduit à traiter ce
dernier point au sein de notre analyse.
A noter que nous n’avons pas abordé le vaste champ des pathologies des personnes les
plus âgées par l’angle de la morbidité déclarée, qui nous aurait conduit à intégrer les
atteintes les plus fréquemment rencontrées : ophtalmologique (presbytie, myopie,
hypermétropie), troubles de l’audition et affections de la bouche et des dents. Ces
domaines nécessiteraient à eux seuls la réalisation d’une nouvelle étude.
Les pathologies étudiées ainsi que, chaque fois qu’il est possible, leur prévalence et/ou
incidence dans la population française sont présentées dans le tableau ci-après :
16. 18
Données épidémiologiques disponibles en 2003
Estimations populations atteintes sur données démographiques 2000
Maladies cardiovasculaires
Insuffisance cardiaque
500 000 cas estimés en France en 1998 (0,8% population totale) - 10 pour 1000
personnes âgées > 65 ans aux USA
Troubles du rythme 500 000 cas estimés ; inférieure à 1% avant 60 ans, supérieure à 6% à 80 ans et plus
Cardiopathies
ischémiques
Tous âges confondus : 120 000 infarctus par an, 49 000 décès
Age = premier facteur de risque de mortalité
Artériopathies
des membres inférieurs
- Claudication intermittente : prévalence estimée de 2 à 3% dans la sixième décennie
et 5 à 7% dans la septième.
! plus de 330 000 à 450 000 personnes atteintes
- Formes asymptomatiques : 2 à 3 fois plus fréquente, >20% chez les 75 ans et plus
Accidents vasculaires
cérébraux (AVC)
360 000 cas en prévalence, 120 000 à 130 000 cas en incidence
2/1000 entre 50 et 64 ans, 2% au delà de 85 ans
Maladies métaboliques
Diabète
10 à 20% chez les plus de 65 ans
selon source CNAMTS, diabète traité par ADB oraux : environ 1 064 000 patients : 11%
entre 65 et 69 ans, 12% entre 70 et 74 ans, 14% entre 75 et 79ans , 8% à 80 ans et
plus
Maladies du système nerveux central
Maladie d’Alzheimer
Estimations successives :
- Prévalence de 0,6% entre 65 et 69 ans à 22,2% après 90 ans Ë 430 000 cas en 1999
- Selon les dernières estimations13 , 600 000 personnes de plus de 75 ans
Dépression
Chiffres variables selon les sources. Maladie très mal diagnostiquée au grand âge et
chiffres par défaut.
Hommes : 5% à partir de 65 ans, 13% chez les plus de 80 ans
Femmes : 14% chez plus de 65 ans
Parkinson
1,5% chez le sujet de plus de 65 ans, soit 145 000 personnes environ
Augmentation avec l’âge : 0,5% entre 65 et 69 ans à 6,1% pour les plus de 90 ans
(formes atypiques de diagnostic difficile au grand âge)
Troubles du sommeil
Plaintes exprimées par 30% à 50% des personnes âgées
Insomnies chez 20.4% des plus de 65 ans soit 1,9 million de personnes concernées
Maladies de l’œil
Dégénérescence maculaire
liée à l’âge (DMLA)
Plus de 50% après 80 ans
Atteinte visuelle chez 800 000 à 1 million de personnes, 3 000 cécités par an
Cataracte
Pas de données françaises disponibles
- Selon données US : 18 à 29% entre 65 et 74 ans, 37% à 59% entre 75 et 84 a
ns, 60% à 67% à 85 ans et plus
-Extrapolation à la population française : entre 5,4 et 6,2 millions de personnes
atteintes
Glaucome
Prévalence de 2% dans la population âgée de 40 ans. Augmentation avec
l’âge : environ 4% chez les personnes de 80 ans
Maladies ostéo-articulaires
Ostéoporose
Diverses estimations :
- ensemble des femmes ménopausées : entre 20 et 30% des femmes ménopausées,
- selon l’âge : environ 25% des femmes après 60 ans et 50% des femmes après 75 ans
soit 2,4 millions de femmes de 60 ans et plus
Arthrose
50 % des plus de 65 ans, 85 % des plus de 70 ans
soit au total environ 7 millions de personnes
Autres maladies fréquentes chez les personnes âgées
Bronchopneumopathies
obstructives (PBCO)
- Prévalence estimée tous âges confondus : 2,5 millions de personnes
- Augmentation de la prévalence avec l’âge, mais non précisément documentée
Incontinence urinaire
Selon différentes sources :
- 30% chez les personnes de 65 ans et plus soit environ 2,8 millions de personnes
- au-delà de 85 ans, 25% des personnes vivant à domicile
- au moins 50% des personnes en institution
Cancers
Incidence, toutes localisations confondues, de 2 118 pour 100 000 à partir de 65 ans,
soit environ 200 000 nouveaux cas par an
17. 19
On peut constater, au simple rappel de ces chiffres qui ne sont, rappelons le, que des
estimations à partir de la population de 65 ans et plus établie en 2000 par l’INSEE,
l’importance des populations touchées par cette série de pathologies, depuis la plus
fréquente comme l’arthrose, jusqu’aux plus redoutables, comme l’accident vasculaire
cérébral ou les cancers.
La question se pose de l’anticipation des populations atteintes, ne serait-ce que dans les
10 ans à venir, compte tenu de la croissance d’ores et déjà connue de la population âgée
de 65 ans et plus. Comme indiqué plus haut, cette dernière devrait augmenter en une
seule décennie (2000 – 2010) de 10% pour passer, selon les projections de l’INSEE de
9,44 millions à 10,39 millions. Or, on observe que très peu de maladies ont fait l’objet de
projections publiées afin de mieux anticiper les besoins médicaux spécifiques aux
pathologies des personnes âgées :
!la maladie d’Alzheimer paraît la mieux étudiée, et les chiffres sont
impressionnants : la prévalence en 1999 était estimée à 430 000 patients tous
âges confondus et à 550 000 patients à l’horizon 2010 (augmentation de 29%) ;
une révision de cette estimation par la Direction Générale de la Santé à la lumière
des données les plus récentes de la cohorte PAQUID conduit à un chiffre de
600 000 personnes de plus de 75 ans atteintes : soit plus de 700 000 patients tous
âges confondus.
!pour ce qui concerne le diabète, on peut s’attendre à une augmentation du nombre
de patients traités non seulement en raison de l’évolution démographique des 65
ans et plus, mais également de l’amélioration du dépistage et de l’intensité de la
prise en charge : à prise en charge égale, c’est au moins 1,13 million de patients
concernées ; à prise en charge améliorée, c’est beaucoup plus, puisque la
CNAMTS observe actuellement un rythme d’augmentation de cette population de
3% par an ; le corollaire toutefois devrait être un effet modérateur sur l’incidence
des nombreuses et graves complications du diabète.
!pour de nombreuses pathologies, nous ne disposons pas de données
suffisamment fines par tranche d’âge pour anticiper l’impact qu’aura non seulement
l’augmentation globale de la population des 65 ans et plus, mais aussi la
déformation de la structure d’âge à l’intérieur de ce groupe ; une simple projection
montre toutefois que pour 500 000 cas d’insuffisance cardiaque estimés en 2000,
ce serait au moins 550 000 à traiter en 2010, que pour 200 000 nouveaux cas de
cancer en 2000 chez les 65 ans et plus, ce seront 220 000 nouveaux cas en 2010 ;
on dénombrera 200 000 personnes atteintes de troubles du sommeil en plus, plus
de 15 000 parkinsoniens de plus, plus de 3,1 millions de cas d’incontinence urinaire
contre 2,8 millions en 2000...
18. 20
!pour certaines pathologies, les données disponibles par tranche d’âge, même
disparates, permettent d’avoir une notion de l’impact de la déformation de la
structure d’âge : alors que la population de 65 ans et plus augmentera de 10%
entre 2000 et 2010, le nombre d’ arthrosiques augmentera d’au moins 12,6%, celui
de femmes ostéoporotiques, de personnes atteintes d’artériopathies des membres
inférieurs ou de cataracte de près de 17% ; les atteintes en termes de troubles du
rythme devraient accuser quant à elles une augmentation de 50%.
L’incontinence urinaire :
La fréquence de l’incontinence urinaire, à nette prédominance féminine,
augmente avec l’âge. Elle touche en France plus de 2,5 millions de
personnes. Tenant compte du vieillissement de la population, on conçoit
l’importance de ce problème, d’autant qu’il n’est pas toujours exprimé par
le sujet.
Les conséquences physiques, psychiques et économiques sont
aujourd’hui mésestimées. Ce handicap est souvent responsable de
dépression, d’isolement et d’institutionalisation. Pour beaucoup de
familles, l’incontinence urinaire est le facteur déterminant de la décision
de placement en centre de soins.
Ce problème majeur de santé, longtemps négligé, constitue l’une des
cibles d’action du tout récent programme de prévention et d’organisation
des soins pour les personnes âgées fragiles. Sa mise en œuvre, si elle est
effective, devrait contribuer à un meilleur dépistage et à une meilleure
prise en charge puisque des possibilités thérapeutiques existent, en
conjuguant, selon le cas, ré-autonomisation, méthodes
comportementales,traitements physiques et rééducation, médicaments
locaux ou généraux, recours chirurgicaux...
L’AOMI :
L’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (AOMI)
résulte du développement de lésions athéroscléreuses qui obstruent
progressivement la lumière des artères et créent un obstacle à la
vascularisation distale des membres inférieurs.
L’AOMI est une pathologie fréquente. Dans la population de plus de 60
ans, la prévalence des formes asymptomatiques est de l’ordre de 15%,
tandis que celle de la claudication intermittente est d’environ 5%.
L’AOMI est à l’origine d’un handicap fonctionnel. Son évolution peut au
pire se faire vers l’ischémie critique des membres inférieurs qui comporte
un risque d’amputation. Mais surtout, l’AOMI s’intègre dans le cadre
général de l’athérothrombose et le pronostic vital des malades est alors
engagé par l’atteinte concomitante des coronaires et des artères
cérébrales : c’est là l’enjeu majeur du dépistage de la maladie.
La stratégie thérapeutique inclut hygiène de vie, contrôle des facteurs de
risques, traitement impératif par antiagrégants plaquettaires et traitement
symptomatique.
19.
20. 22
L’augmentation de la part des personnes les plus âgées au sein de la
population française est une réalité incontournable. Ainsi, selon les projections
démographiques de l’INSEE les plus récentes, la France compterait 10,4
millions de personnes âgées de plus de 65 ans en 2010 et près de 19 millions
en 2050. Elles étaient 9,4 millions en l’an 2000.
Ce constat conduit tout naturellement à s’interroger sur les besoins spécifiques
en matière sanitaire et sociale, liés à cette évolution démographique, auxquels
se trouve d’ores et déjà confronté notre pays et sur les réponses apportées ou
toujours attendues. L’absence de vision prospective est dans ce domaine est
patente, alors que la prise en charge des pathologies du vieillissement est
complexe – difficulté à distinguer les effets du vieillissement « normal » de
ceux des pathologies fréquentes dans le grand âge, polypathologies et
polymédication, iatrogénie – et qu’elle génère des consommations médicales
élevées – les plus de 65 ans qui ne représentaient en 1997 que 17% de la
population généraient plus du tiers de la dépense médicale totale et presque
la moitié de celle en médicaments –.
Nous avons choisi, dans le but d’alimenter la réflexion, d’analyser les besoins
médicaux et les réponses actuelles en terme de prise en charge liés à 18
exemples de pathologies dont la fréquence augmente nettement en fonction
de l’âge ou est importante dans la population âgée, ou bien qui sont clairement
spécifiques du vieillissement. Bien qu’il soit très difficile dans certains cas, soit
en raison de la pauvreté des données disponibles, soit de l’évolutivité des
pathologies et de leur prise en charge, d’élaborer de façon fiable des
projections d’incidence et de prévalence de ces maladies, l’élaboration d’un
« tableau de bord prévisionnel » de l’évolution des besoins, en fonction de
l’évolution démographique, paraît un exercice salutaire à conduire, afin de
prendre la véritable mesure des besoins et d’éclairer les choix en termes
d’allocations de ressources. Nous verrons que les spécificités de la population
concernée nous ont conduits à analyser en parallèle les éléments actuels de
la prise en charge médico-sociale à destination des plus âgés.
21. 23
3. VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION :
UNE SITUATION PARADOXALE EN MATIERE D’ETAT DE SANTE
3.1. PERSONNES AGEES : QUELLE DEFINITION ?
Il n’y a pas de définition unique de la personne âgée, même à partir d’un critère aussi
simple que l’âge. Suivant la perspective d’analyse, celle-ci varie, de même que la
segmentation mise en œuvre :
!toute la réflexion menée sur les retraites est articulée autour de la population à
partir de 60 ans, cet âge étant l’âge théorique de la retraite depuis 1986 ; en
pratique, pour des raisons économiques et selon les statuts des actifs, celui-ci est
différent. Selon le rapport Charpin, alors même que la durée de la vie ne cesse de
s’allonger, les sorties d’activité sont devenues de plus en plus précoces. Elles
s’effectuent aujourd’hui en moyenne à 59 ans par rapport à plus de 66 ans dans
les années cinquante.
!la prise en charge sociale des personnes âgées retient communément l’âge de 65
ans et les prestations sociales spécifiques ont cet âge comme référence (APA…).
Les thérapeutes sont amenés, selon les thérapeutiques utilisées et les caractéristiques
physiologiques des populations âgées, à utiliser différentes références : 65 ans, 70 ans,
80 ans et plus. La « nouvelle génération » des plus de 80 ans pose en effet de multiples
questions d’ordre médical : en plus de sa fragilité intrinsèque, il faut noter l’absence
relative de recommandations professionnelles de prise en charge adaptée notamment
en matière d’utilisation du médicament.
D’autres dimensions hormis l’âge doivent être prises en compte, et c’est précisément
l’intérêt d’un outil comme la grille AGIRR (Autonomie Gérontologique Groupes Iso-
Ressources)e d’avoir une appréhension globale de la personne, au-delà du simple
critère d’âge.
3.2. DES GAINS MAJEURS EN ESPERANCE DE VIE ET EN QUALITE DE VIE
Appréhender l’évolution de l’état sanitaire d’une population en termes de morbi-mortalité
n’est pas chose aussi aisée qu’il y paraît : différents indicateurs peuvent amener à
dresser un tableau paradoxal.
L’espérance de vie est bien entendu le premier indicateur à retenir. La baisse générale
de la mortalité aux âges élevés a été particulièrement marquée à partir du milieu des
années 60. Selon l’INSEE, en 1950, l’espérance de vie à la naissance était de 63,4 ans
pour les hommes et de 69,2 ans pour les femmes. En 1990, elle était respectivement
de 72,7 ans et de 80,9 ans ; en 1998, de 74,6 ans et de 82,2 ans ; cette évolution
considérable est appelée à se ralentir, compte tenu des niveaux élevés atteints
e AGGIR est un outil multi-dimensionnel de mesure de l’autonomie, au travers de l’observation des activités
qu’effectue seule la personne âgée. A partir du résultat obtenu, chaque personne est classée dans un groupe iso-
ressources (GIR). Il existe 6 groupes – GIR I à GIR VI –, GIR I regroupant les sujets les plus fortement dépendants
et GIR VI les personnes qui n’ont pas perdu leur autonomie pour les actes discriminants de la vie quotidienne. La grille
AGGIR s’est imposée comme grille nationale d’évaluation de la dépendance depuis la loi du 24 janvier 1997
22. 24
aujourd’hui, mais les projections pour 2010 montrent que sur douze ans, un gain autour
de deux années pleines est encore attendu (+1,8 ans pour les hommes et + 2,6 ans pour
les femmes).
L’espérance de vie équivalent bonne santé est l’indicateur développé par l’OMS qui est
le plus pertinent dans notre propos. Il est fondé sur l’espérance de vie, mais intègre un
ajustement pour le temps passé en mauvaise santé. Il mesure le nombre équivalent
d’année en bonne santé : en France, l’espérance de vie en bonne santé à 60 ans serait
de 16,1 ans pour les hommes et de 19,1 ans pour les femmes. Nous ne disposons
malheureusement pas de séries historiques sur cet indicateur.
Le CREDES a quant à lui développé deux séries d’indicateurs – incapacité et
dépendance –, qui reflètent en partie la qualité de vie associée à la prolongation de la
vie. Malgré les difficultés méthodologiques liées au changement de méthodes au cours
du temps, on peut observer à partir des données issues des enquêtes décennales sur
la santé et les soins médicaux une évolution favorable entre 1970 et 199114.
Tableau 1 : Evolution du taux de prévalence de l’incapacité au déplacement ou du confinement au
domicile selon l’âge et le sexe de 1970 à 199114
L’évolution des différents indicateurs illustre bien les considérables progrès accomplis
depuis plusieurs décennies.
En termes de morbidité, on observe au contraire une augmentation de la morbidité
déclarée, mais comme nous allons le voir il ne s’agit que d’un paradoxe apparent.
Taux bruts (%) 1970 1980 1991
Incapacité au déplacement
Hommes
65 – 79 ans
80 et plus
33.2
68.1
21.3
43.3
16
41.3
Femmes
65 – 79 ans
80 et plus
38.7
70.2
26.4
53.4
18.3
46.3
Confinement au domicile
Hommes
65 – 79 ans
80 et plus
2.4
10.4
2
7
1.1
3.1
Femmes
65 – 79 ans
80 et plus
2.6
13.8
2.4
8.5
1.2
8.2
23. 25
3.3. UN PARADOXE APPARENT : UNE AUGMENTATION DE LA MORBIDITE
DECLAREE
En termes de morbidité, l’évaluation est encore plus délicate. Selon le CREDES, il
n’existe pas en France de sources permettant d’avoir une vue d’ensemble de la
morbidité « réelle ». On ne peut que s’en tenir à la morbidité « déclarée » par la
population générale, qui « est le reflet de deux facteurs principaux : la prévalence réelle
des maladies et les modifications des déclarations ».
L’analyse réalisée par le CREDES14 sur la base des données issues des enquêtes
décennales sur la santé et les soins médicaux aboutit aux résultats présentés dans la
figure 5.
Figure 5 : Evolution de la prévalence par grands domaines pathologiques chez les hommes et les
femmes de 65 ans et plus : nombre de maladies pour 100 personnes14
0 20 40 60 80 100 120 140
M. ophtalmologiques
M. app. Circulatoire
M. bouche et dents
M. ostéo-articulaires
M. endocriniennes
Autres
Symptômes
M. app. Digestif
M. oreille
M. app. Respiratoire
M. génito-urinaires
Troubles mentaux
M. de la peau
Tumeurs
M. syst. Nerveux
Traumatismes
M. infect. et parasit.
M. sang
1970
1980
1991
Hommes
de 65 ans et plus
0 20 40 60 80 100 120 140 160
M. ophtalmologiques
M. app. Circulatoire
M. bouche et dents
M. ostéo-articulaires
M. endocriniennes
Autres
Symptômes
M. app. Digestif
M. oreille
M. app. Respiratoire
M. génito-urinaires
Troubles mentaux
M. de la peau
Tumeurs
M. syst. Nerveux
Traumatismes
M. infect. et parasit.
M. sang
1970
1980
1991
Femmes
de 65 ans et plus
24. 26
Paradoxalement, la morbidité déclarée tend à augmenter pour la plupart des affections
entre 1970 et 1990 chez les personnes de 65 ans et plus, avec toutefois quelques
exceptions :
!chez les hommes, les maladies de l’appareil respiratoire, les maladies de l’appareil
digestif sont en régression ; les maladies endocriniennes sont en augmentation
(taux passé de 27% à 55%) ; d’autres affections connaissent une augmentation
modérée mais régulière du taux de déclaration comme les maladies de l’oreille, les
maladies ostéo-articulaires, les maladies de la bouche et des dents, les maladies
du système nerveux ;
!chez les femmes, la différence principale avec les hommes est la diminution des
maladies endocriniennes ainsi que des maladies osteo-articulaires ;
!pour les deux sexes, on note une augmentation sensible des maladies de
l’appareil circulatoire (le taux de déclaration est passé de 55 en 1970 pour 100
hommes à 122 en 1990 et de 73 à 151 pour les femmes) de même que des
maladies ophtalmologiques (taux passé de 92 à 122 chez les hommes et de 96 à
131 chez les femmes) ; à noter également l’augmentation forte des maladies
mentales – incluant les démences – (taux passé de 1 à 14 chez les hommes, et de
6 à 26 chez les femmes) et des cancers (taux passé de 6.7 à 7.5 chez les hommes
et de 1.6 à 4.4 chez les femmes).
D’une manière générale, les déclarations tendent à augmenter et cette évolution est du
reste tout à fait cohérente avec l’observation faite par les économistes des effets
« génération » et « progrès technologique » qui expliquent la croissance de la demande
de soins et notamment de médicament15. Toutefois, il faut noter qu’entre 1980 et 1991,
l'augmentation de la morbidité est essentiellement présente aux âges élevés et croît
avec l’âge.
Ceci peut s’expliquer en partie par une amélioration dans les méthodes de collectes des
données, mais il s’agit surtout de l’expression d’une meilleure prise en charge, sous
l’effet de différents facteurs : meilleure diffusion de l’information médicale, accès aux
soins facilité, progrès en termes de dépistage, augmentation du recours aux soins.
L’exemple le plus frappant est celui de la prise en charge des maladies
cardiovasculaires : la morbidité déclarée a été presque multipliée par trois en 20 ans,
mais l’augmentation de la prévention secondaire des facteurs de risque s’est traduite par
une diminution de la mortalité par maladies ischémiques. Depuis 1991 la baisse de
mortalité qui leur est imputable est sensible : –11% tous âges confondus, –15% pour les
moins de 75 ans. Les femmes en ont particulièrement bénéficié.
25. 27
Le profil de morbidité déclarée reflète aussi la polypathologie qui caractérise les
populations âgées et rend si difficile leur prise en charge. Dans l’enquête Santé, soins
et protection sociale11 conduite tous les 2 ans par le CREDES, tous âges confondus les
enquêtés déclarent être atteints en moyenne de 2,1 affectionsf en 2000, quant aux
personnes de 65 ans et plus, elles déclarent présenter, en plus de leurs problèmes
dentaires et visuels, 5,1 autres maladies. Selon d’autres sources, les personnes âgées
ont en moyenne de 3 à 5 maladies chroniques et/ou aiguësau . Chez les patients âgés
La maladie coronaire :
La maladie coronaire, liée à l’athérothrombose responsable d’une
ischémie myocardique, s’exprime souvent par une évolution chronique
ponctuée d’épisodes de décompensation (ou syndrome coronaire aigu),
parmi lesquels figure l’infarctus aigu du myocarde.
Malgré une diminution de la mortalité qui lui est imputable, récemment
constatée en France grâce aux progrès de la prévention, la maladie
coronaire reste une préoccupation majeure de santé publique en raison
de sa prévalence (l’une des toutes premières causes de décès), de sa
sévérité et de son coût (notamment celui de l’infarctus).
La prise en charge fait appel aux traitements médicamenteux mais aussi
aux techniques chirurgicales de revascularisation (angioplastie, pontage)
et de façon préventive, à la lutte contre les facteurs de risque. Les
médicaments anti-thrombotiques sont devenus la pierre angulaire de la
prise en charge des syndromes coronaires aigus.
Evaluant récemment l’impact des recommandations des Sociétés
Savantes Européennes sur les pratiques dans neuf pays européens (dont
la France), l’étude EUROASPIRE II a mis en évidence les progrès
insuffisants de la prévention entre 1994 (Etude EUROASPIRE I) et 1999 :
la prévalence du tabagisme et de l’hypertension artérielle sont restées
identiques, l’hypercholestérolémie moyenne a diminué, l’obésité a
augmenté de façon importante.
Il existe indéniablement un besoin à définir des recommandations
françaises pour la prise en charge du risque cardiovasculaire global. Trop
de patients à haut risque échappent encore à une prise en charge
adaptée. Ceci nécessiterait de coordonner et de recentrer les
recommandations existantes concernant les quatre facteurs de risque
principaux, diabète, hypertension artérielle, dyslipidémies et tabagisme,
sur le niveau de risque individuel d’un patient donné. Le programme
national de réduction des risques cardiovasculaires (2002-2005) ne le
prévoit pas.
Chez le sujet âgé, la prise en compte du rapport bénéfice/risque des
différentes stratégies envisagées, en fonction de l’âge physiologique,
permettrait une meilleure prise en charge de cette population.
Les voies de recherche comportent principalement le développement de
nouvelles molécules anti-thrombotiques ainsi que l’optimisation des
techniques d’angioplastie coronaire (stents enduits), pour réduire la
resténose.
fà l’exclusion des problèmes dentaires et des troubles de la réfraction.
26. 28
atteints de cancer, on observe notamment une prévalence de 20 à 30% des pathologies
cardiaques, 21 à 36% des pathologies vasculaires, 14 à 25% des pathologies
pulmonaires, 30 à 40% des pathologies de l’appareil locomoteur et 25 à 30% d’altération
des fonctions cognitives17.
3.4. UNE REALITE : L’ACCROISSEMENT DE LA DEPENDANCE
3.4.1. L’augmentation prévisible de la population dépendante
Si l’augmentation continue de l’espérance de vie dans les pays développés est en soi
une évolution favorable, l’atteinte d’un âge avancé se traduit, chez un nombre croissant
de personnes, par un besoin d’aide à l’accomplissement des actes essentiels de la vie
quotidienne (se lever, faire sa toilette, s’habiller, se nourrir, se coucher…) et constitue
indéniablement un enjeu majeur, au point que la perspective de création d’un « 5ème
risque » est régulièrement évoquée.
La perte d’autonomie peut être quantifiée à l’aide de nombreux indicateurs. En France,
son appréciation se fonde sur l’utilisation de la grille AGGIR déjà citée qui a été retenue
comme grille nationale d’évaluation de la dépendance.
Selon l’outil AGGIR, et sur la base des données de l’enquête INSEE Handicaps-
Incapacités-Dépendance (HID), environ 800 000 personnes seraient évaluées dans les
GIR 1 à 4 : 530 000 personnes en équivalent – GIR 1 à 3 qui correspondent aux degrés
de dépendance les plus élevés et 260 000 en équivalent GIR-4 – personnes nécessitant
une aide pour le lever, la toilette et l’habillage mais qui peuvent se déplacer seules à
l’intérieur du logement18. Ces 800 000 personnes représentent 6,6% de la population
des 60 ans et plus. La prévalence de la dépendance augmente de manière très forte
avec l’âge : entre 60 et 69 ans, seulement 2,1% des personnes sont dépendantes ; c’est
le cas de 10,5% des personnes de 80 ans, de 18,3% de celles de 85 ans et de 30,2%
de celles de 90 ans.
A partir de l’enquête HID, la DREES a effectué des projections pour appréhender les
effets des évolutions démographiques sur le nombre de personnes dépendantes19.
Notons que celles-ci, établies à partir de 3 hypothèses d’évolution de la dépendance,
aboutissent à différents scénarios qui illustrent remarquablement bien les évolutions
probables du nombre de personnes âgées dépendantes et des aidants potentiels et ce
jusqu’en 2040. En termes d’effectifs, on passerait ainsi à 980 000 personnesg évaluées
dans les GIR 1 à 4 en 2020 et 1 225 000 en 2040. Au final, entre 2000 et 2040, le nombre
de personnes dépendantes pourrait augmenter de 53%. Ce sont les tranches d’âge de
80 ans et plus qui devraient très majoritairement contribuer à la hausse du nombre de
personnes âgées dépendantes.
3.4.2. Un amoindrissement du rôle prévisible de la famille dans la prise en charge des
personnes âgées dépendantes
Actuellement, la famille – conjoint, enfants –, les amis et les voisins jouent un rôle
important dans l’aide apportée aux personnes dépendantes. Ces aidants non
professionnels ont généralement entre 50 à 79 ans et sont majoritairement des femmes.
Or les projections de l’INSEE permettent d’estimer que sur la période 2000-2040, les
effectifs de ces aidants potentiels vont augmenter nettement moins vite que le nombre
gScénario central : 980 000 personnes ; scénario optimiste : 910 000 ; scénario pessimiste : 1 050 000
27. 29
de personnes âgées dépendantes (figure 6).
Figure 6 : Evolution du nombre de personnes âgées dépendantes et du potentiel d’aidants
(base 100 en 2000)19
On entrevoit d’ores et déjà l’impact de ces projections sur les besoins à venir d’aide
professionnelle à domicile et corollairement d’hébergement en institutions, l’absence
d’aidant identifié limitant singulièrement les possibilités de maintien à domicile.
28. 30
Il n’existe pas de définition univoque de la personne âgée : selon le point de vue
adopté (démographes, institutions de retraites, gérontologues) le critère d’âge
sera variable ou ne sera même pas déterminant. Toujours est-il que personne
ne niera qu’une personne de 70 ans en 2003 n’ait plus beaucoup de points
communs avec une personne du même âge en 1950. L’augmentation du
nombre des « plus de 80 ans » est aussi une nouvelle donne à la fois au plan
social, médical et économique. L’évolution de différents indicateurs illustre bien
les progrès considérables accomplis en matière d’espérance de vie et surtout
d’espérance de vie en bonne santé au cours des dernières décennies : selon
l’INSEE, l’espérance de vie à la naissance en 1950 était de 63,4 ans pour les
hommes et 69,2 ans pour les femmes ; elle devrait être en 2010 de 76,4 ans
pour les hommes et de 84,8 ans pour les femmes. Les indicateurs d’incapacité
et de dépendance développés par le CREDES reflètent quant à eux
l’amélioration nette de la qualité de vie associée à sa prolongation.
Il peut à première vue paraître paradoxal que, sur la même période, le nombre
de maladies déclarées par les plus de 65 ans soit en nette augmentation. En
fait ce paradoxe n’est qu’apparent : l’augmentation de la morbidité déclarée
trouve en grande partie son explication dans l’amélioration des conditions de
prise en charge liée aux progrès thérapeutiques, à la diffusion des
connaissances, à l’amélioration de l’accès aux soins, et elle influence
certainement le recul de la mortalité dans certaines pathologies. Ainsi
l’augmentation de la prise en charge des facteurs de risque des maladies
cardiovasculaires s’est traduite par un recul sensible de la mortalité par
cardiopathie ischémique ou accident vasculaire cérébral.
Néanmoins, ces éléments positifs ne doivent pas faire oublier que l’atteinte d’un
âge avancé – 80 ans et plus – est accompagnée chez un nombre important de
personnes par une dégradation de l’état de santé qui signe l’entrée dans la
dépendance : aujourd’hui 800 000 personnes âgées de plus de 60 ans sont
dépendantes en France, selon les critères de la grille AGGIR. Selon les
prévisions de l’INSEE, elles pourraient être 1,2 millions en 2040, alors même
que l’aide apportée par les familles devrait diminuer du fait notamment de la
forte augmentation de l’activité professionnelle des femmes. On entrevoit d’ores
et déjà l’impact de ces projections sur les besoins à venir en matière de
coordination de la prise en charge des plus âgés, d’aide professionnelle à
domicile et d’hébergement en établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes.
29. 31
4. DES INSUFFISANCES NOTABLES EN MATIERE DE COORDINATION
DES DIFFERENTS INTERVENANTS DANS LA PRISE EN CHARGE DE
LA POPULATION ÂGEE
Les fondations du système français actuel de prise en charge médico-sociale et sanitaire
des personnes âgées ont été posées en 1962 par le rapport de la Commission d’étude
des problèmes de vieillesse ou Rapport Laroque. Il s'agissait déjà de mettre à la
disposition des personnes âgées « un ensemble coordonné de moyens et de services
adaptés à leurs besoins ».
Depuis cette date, l’offre de services aux plus âgés a bien évidemment grandement
évolué tout en poursuivant l’objectif premier de prise en charge globale et coordonnée,
intégrant le sanitaire et le social, auquel est venu s’ajouter, notamment au terme des
réflexions menées dans le cadre de l’Année Internationale des Personnes Agées (1999),
le soutien à domicile comme axe prioritaire. La nécessité de pouvoir laisser le libre choix
aux personnes de demeurer à leur domicile, aussi longtemps qu’elles le peuvent et
qu’elles le souhaitent, a d’ailleurs été réaffirmée par les gouvernements successifsh.
De son côté, le Conseil Economique et Social dans son avis sur « Les personnes âgées
et la société » rappelait, dans le contexte d’accélération du vieillissement de la
population, la nécessité de favoriser toute action de prévention de la dépendance et,
lorsque celle-ci est avérée, de développer la prise en charge par la collectivité de la perte
d’autonomie.
Face à cet enjeu majeur, la société française, par l’intermédiaire de ses gouvernants
successifs a fait le choix de favoriser, s’ils le souhaitent, le maintien à leur domicile des
plus âgés. Toute la question est d’apprécier la capacité de notre organisation sanitaire
et sociale à remplir ces objectifs.
4.1. UNE APPROCHE SANITAIRE ET SOCIALE TROP SEGMENTEE
Les volets médico-social et sanitaire de la prise en charge restent toutefois aujourd’hui
globalement gérés par des institutions distinctes alors que le degré de dépendance est
très lié à l’état de santé, et que toute prise en charge de qualité demande une évaluation
globale médico-psycho-sociale. Ce clivage apparaît dans les textes récents qui
organisent la prise en charge des personnes âgés et est particulièrement visible lors de
la mise en oeuvre sur le terrain des dispositifs créés au niveau national.
Aussi les textes majeurs qui inaugurent les réformes entreprises intéressent-ils
spécifiquement l’un ou l’autre volet – médico-social ou sanitaire –, avec des objectifs fort
heureusement communs – évaluation globale des personnes en vue d’une orientation
optimale en termes d’aide sociale et de soins, préférence pour une prise en charge au
domicile – mais aussi des zones importantes de recouvrement et un déficit en
coordination générale des acteurs des deux secteurs . Une illustration du clivage entre
les versants sanitaire et sociaux de l’offre vers les personnes âgées est la coexistence
des schémas régionaux d’organisation sanitaire qui ont, depuis 1991, vocation à
identifier les grands problèmes de santé au niveau régional et à définir une réponse
appropriée en matière d’organisation des soins, et des schémas départementaux
hDiscours de M. Lionel Jospin sur l’avenir des retraites. 21 mars 2000 ; Déclaration de M. Hubert Falco en Conseil
des Ministres. 6 novembre 2002.
30. 32
gérontologiques qui apprécient les besoins sociaux et médico-sociaux de la population
âgée. Le manque de coordination entre les 2 approches a été régulièrement souligné.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale20 insiste d’ailleurs sur
la nécessité de définir ces schémas en cohérence. Comment espérer dans ce cas que
la mise en œuvre sur le terrain offre aux personnes âgées un accès simple et
transparent à une prise en charge globale coordonnée ?
D’autre part, la confrontation des besoins croissants – tant en matière d’aides à la vie
courante, d’hébergement qu’en biens et services de santé – et de l’offre disponible et
des financements amène à s’interroger sur la cohérence des moyens alloués avec les
ambitions affichées.
Cette question est d’autant plus aigue en matière de soins dans certaines régions où
l’organisation de l’offre gérontologique n’est pas affichée comme une priorité. En effet,
une enquête réalisée en 2000 a permis d’objectiver la place encore faible de la
gérontologie dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) 1999-2004.
Cette enquête montre que seules 13 régions sur 26 ont retenu un thème explicitement
gériatrique dans la liste de leurs priorités sanitaires. Bien qu’une amélioration notable ait
été notée par rapport aux SROS de première génération 1994-1999 la moitié des
régions françaises n’a toujours pas formellement intégré les conséquences générales de
l’évolution démographique en matière d’organisation de l’offre de soins.
Le Programme de prévention et d’organisation des soins pour les personnes âgées
fragiles 2002-2005 impose d’ailleurs aux ARH, sans doute en réponse, l’intégration dans
les SROS à venir d’un volet spécifique entièrement consacré à la politique en faveur des
personnes âgées.
4.1.1. Des ressources dispersées en matière d’évaluation
La nécessité d’une évaluation globale médico-psycho-sociale comme préalable à toute
orientation dans le système de prise en charge qu’il soit médico-social ou sanitaire est
affirmée dans l’ensemble des textes qui restructurent l’offre de services et de soins aux
personnes âgées.
Ainsi, la loi21 du 20 juillet 2001 conditionne l’attribution de l’allocation personnalisée
d’autonomie (APA) à une évaluation de la perte d’autonomie réalisée par une équipe
médico-sociale à partir de la grille AGGIR. Les centres locaux d’information et de
coordination (CLIC), dont la création a été annoncée en mars 200022, sont de même en
charge d’une évaluation pluridisciplinaire permettant l’élaboration d’un plan d’aide pour
les personnes âgées. Un premier bilan23 du fonctionnement de 5 de ces structures a
d’ores et déjà souligné le problème de l’articulation entre les activités d’évaluation dans
le cadre de l’APA et dans celui des CLIC : il semble que les zones de recouvrement
existantes conduisent des personnes à subir 2 évaluations identiques puisque faites à
partir de la grille AGGIR !
Quand à l’évaluation gériatrique, définie dans la circulaire DGS/DHOS du 18 mars
200224, elle est placée sous la responsabilité du secteur hospitalier au sein de
consultations gériatriques avancées ou de pôles d’évaluation gériatrique. Cette
évaluation a pour objectif principal d’aider le médecin généraliste, qui demeure le pivot
31. 33
dans l’organisation de la prise en charge médicale du sujet âgé, à ajuster son
intervention.
Evaluation préalable à l’attribution de l’APA, évaluation effectuée par l’équipe médico-
sociale des CLIC en vue de l’élaboration d’un plan d’aide, évaluation gériatrique en
milieu hospitalier : est-il raisonnable de soumettre des personnes âgées souvent déjà
fragilisées à cette succession d’évaluations qui portent pour l’essentiel sur les mêmes
critères ? Et comme nous l’avons souligné dans une précédente analyse25, est-il
envisageable de créer de nouvelles structures hospitalières dans l’état actuel de pénurie
de ce secteur ? Il est en effet reconnu que 10 000 à 12 000 postes d’infirmières et 3 500
postes de médecins sont vacants et que la mise en œuvre des 35 heures accroît les
tensions dans un contexte budgétaire serré.
4.1.2. Les difficultés de la coordination des acteurs sur le terrain
Prise en charge globale implique coordination, d’autant plus que les acteurs tant sur le
plan médico-social que sanitaire sont nombreux à agir auprès des personnes âgées. Et
comme le rappelait récemment Jeannette Gros, présidente de la caisse centrale de la
MSA lors d’un premier bilan du fonctionnement de 19 réseaux de santé gérontologiques
« En gérontologie, on ne croit plus au médical seul, ni au social seul, qui aboutissent
séparément à un échec. C’est l’alliance des deux qui nous intéresse »26.
Or, la coordination sur le terrain peine encore à se mettre en place. L’implication de
différentes administrations, responsables chacune de volets spécifiques de la prise en
charge, n’est sans doute pas étrangère aux difficultés rencontrées.
Et l’ajout de nouvelles structures pour pallier l’absence de concertation ne peut dans ce
contexte faire de miracles. Ainsi, les CLIC qui ont vocation à être des lieux de proximité
d’information et d’intervention coordonnée, suffisamment nombreux pour assurer un
maillage complet du territoire national font aujourd’hui face à de nombreux écueils27 :
!comme nous l’avons déjà rappelé, des zones de recouvrement avec les équipes
médico-sociales de l’APA,
!une difficulté de positionnement dans le paysage déjà encombré de l’ensemble des
acteurs de la politique de vieillesse au niveau local,
!l’absence de coordination nationale de ces structures, qui évoluent
individuellement souvent dans la continuité d’actions antérieures, sans échange
avec leurs pairs,
!la vocation plus particulièrement sociale des CLIC dans lesquels la composante
médicale est souvent absente. En effet leurs équipes sont majoritairement
composées de travailleurs sociaux et les professionnels de santé sont peu
présents ; la relation avec les professionnels de santé libéraux et hospitaliers est
souvent inexistante.
En termes de financement, les Conseils Généraux, co-financeurs des CLIC se sont dès
2002 interrogés sur la pérennité du financement des CLIC par l’Etat. Le gel des crédits
d’Etat en faveur de ces structures en 2003 ne va pas manquer de nourrir leur crainte et
certainement retarder la mise en place de nouvelles structures28.
32. 34
4.2. DES MOYENS ENCORE INSUFFISANTS ET INADAPTES A UNE PRISE EN
CHARGE SANITAIRE DE QUALITE
4.2.1. Un besoin évident de formation en gériatrie
La terminologie de « gériatrie » a fait son apparition en 190929, pour qualifier
l’émergence de cette discipline « qui s’attache à adapter les connaissances médicales
à la personne âgée malade ». Il s’agit bien d’une discipline médicale à part entière,
différente de la gérontologie, qui plus largement comme l’indique A. Franco30, peut
qualifier des professionnels – médecins, démographes, travailleurs sociaux…– qui se
consacrent aux problèmes liés au vieillissement et aux personnes âgées malades ou
non.
Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) lui-même remarquait en 199831
que « près des deux tiers de la clientèle d’un généraliste sont âgés de plus de 60 ans.
L’importance d’un enseignement gérontologique obligatoire et contrôlé saute aux yeux.
Or il n’y a pas en France plus de 25 professeurs de gériatrie ». Le CNOM notait toutefois
que depuis 1996 (seulement !) une circulaire introduit un séminaire de gériatrie d’une
dizaine d’heures réparties sur deux jours (seulement !) au cours du deuxième cycle des
études médicales, tout en remarquant que l’enseignement en la matière n’était
malheureusement pas d’une qualité homogène sur tout le territoire.
Le rapport de la Direction Générale de la Santé de Juin 2001 sur la démographie
médicale32 reconnaissait quant à lui le rôle de pivot du médecin généraliste, « médecin
de premier recours, et comme tel chargé de la coordination du patient » et évoquait la
nécessité de mettre en place des modules de formation adaptés à des populations cibles
spécifiques sans toutefois évoquer explicitement la gériatrie.
Il faut noter que des initiatives toutes récentes ont permis des progrès en la matière :
!Il a fallu attendre près de 80 ans pour que la gériatrie reçoive ses « lettres de
noblesse » comme une spécialité à part entièrei dans le cursus médical à coté de
spécialités également consacrées à une population ciblée comme la pédiatrie et la
gynécologie, le diplôme d’études spécialisé complémentaire (DESC) de gériatrie
n’a été créé qu’en 1988. Il est accessible aux spécialistes en cours de formation
nommés après le 1er novembre 199133. Dans les années à venir, quand la
médecine générale prendra le statut de spécialité – en 2008 – ce DESC de
gériatrie sera alors accessible également aux futurs médecins généralistes.
!Le terme de « gériatres » désigne des médecins titulaires du doctorat en
médecine, médecins généralistes ou spécialistes nommés avant le 1er novembre
1991, qui se forment à la médecine gériatrique par le biais de « la capacité de
gérontologie ». Cette capacité est également indispensable aux candidats
s’inscrivant au concours de praticien hospitalier en médecine polyvalente
gériatrique ou pour devenir médecin coordinateur d’un établissement hospitalier
pour personnes âgées dépendantes (EPHAD).
iLa gériatrie vient en général en complément d’une autre spécialité (médecine interne, santé publique)
33. 35
Aujourd’hui, les statistiques de la CNAMTS relatives au secteur libéral ne permettent pas
d’identifier les gériatres alors que pédiatres ou gynécologues pour reprendre cette
analogie sont identifiés. Les données du CNOM (qui ne correspondent pas
complètement à celles de la CNAMTS) permettent toutefois d’appréhender la réalité des
qualifications en la matière. On recense en Ile de France (1,4 million de personnes de
65 ans et plus ) 201 médecins qualifiés en gériatrie, dont 9 n’ont pas a priori d’activité
clinique, soit 1 gériatre pour 7 175 personnes de 65 ans et plus ; encore faut-il préciser
ue seulement 25 % d’entre eux exercent en ville. A titre de comparaison, le département
de la Creuse, avec 2 médecins généralistes gériatres pour 35 213 personnes de 65 ans
et plus, présente un ratio de 1 praticien formé pour 17 600 personnes. En l’absence de
référentiel à même de définir le ratio pertinent, on ne peut qu’observer les chiffres et
s’interroger sur les différences géographiques, les modes d’exercice et… l’absence
d’étude nationale exhaustive publiée en la matière, tout au moins à notre connaissance.
En tout état de cause, il ne semble pas que les initiatives de formation à la gériatrie,
encore très récentes, soient véritablement suffisantes au regard des besoins, ni que les
cris d’alertes des gériatres soient encore suffisamment entendus.
4.2.2. Quelle adaptation de l’offre hospitalière aux évolutions des besoins ?
Il existe une volonté clairement affirmée par les décideurs politiques et institutionnels
d’adapter l’offre hospitalière aux besoins par le développement du court séjour
gériatrique. Il est en effet rappelé dans la circulaire DHOS/DGS relative à l’amélioration
de la filière gériatrique24 que « à l’occasion de leur séjour hospitalier, les patients
gériatriques présentent des risques particuliers de décompensation, pouvant révéler des
pathologies chroniques et invalidantes, risquant d’entraîner l’installation ou l’aggravation
d’une dépendance ». Il est de même souligné que les personnes âgées rentrent encore
trop souvent dans le circuit de soins par les urgences et qu’elles sont parfois dirigées
vers des services de spécialités en fonction des lits disponibles, plutôt qu’en fonction de
leurs besoins réels.
Pour mieux répondre à leurs besoins spécifiques et éviter un allongement injustifié des
séjours hospitaliers, il est demandé aux ARH de transformer des lits hospitaliers existant
en services ou unités de court séjour gériatrique. Cette circulaire ayant été publiée il y
tout juste un an et compte tenu des difficultés d’organisation du secteur hospitalier
actuellement, il est difficile de savoir si ces recommandations ont été suivies d’effets.
Nous avons également indiqué plus haut que les patients pris en charge dans les soins
de suites ou de réadaptation ont dans deux cas sur trois 60 ans et plus. Le
développement des soins de suite ou de réadaptation est un objectif annoncé en
cohérence avec la volonté de privilégier des hospitalisations de courte durée, moins
« fragilisante » pour le patient âgé et de disposer de structures d’accueil post-
hospitalisation lorsque le retour au domicile n’est pas directement possible.
4.2.3. Le nombre trop faible de stuctures de soins à domicile
Les services à domicile recouvrent une grande diversité de prestations et font intervenir
de nombreux professionnels : il s’agit, pour l’aide dans la vie quotidienne, plus
particulièrement des associations d’aide à domicile et des techniciennes d’intervention
sociales et familiales et en termes de soins à domicile, des services de soins infirmiers
34. 36
à domicile (SSIAD) et des services d’hospitalisation à domicile (HAD).
Les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ont été créés pour les personnes
âgées malades ou dépendantes. Ils dispensent sur prescription médicale les soins
infirmiers et d’hygiène générale, et le concours nécessaire à l’accomplissement des
actes essentiels de la vie. Ils sont financés par un forfait global et annuel correspondant
à la prise en charge de personnes présentant des charges en soins moyennes. Une
réforme annoncée depuis 1990 doit permettre d’adapter au contexte actuel la
réglementation datant de 1981 qui structure leur fonctionnement.
L’hospitalisation à domicile (HAD) est une " alternative à l'hospitalisation ". Elle est
prescrite par un médecin hospitalier ou libéral et permet d'assurer au domicile du malade
des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés. Elle a pour but d’améliorer
le confort du patient dans de bonnes conditions de soins. Elle ne répond pas au même
besoin que les SSIAD mais à des situations dans lesquelles des soins plus techniques
et complexes sont nécessaires.
Aujourd’hui, le nombre de places disponibles en services de soins infirmiers à domicile
(SSIAD) demeure trop faible et l’hospitalisation à domicile reste encore insuffisamment
développée : 76 structures d’HAD disposant de 4 000 places étaient recensées en
novembre 2000. De surcroît l’implantation de ces structures est inégale sur le territoire
nationale : un département sur trois n’est toujours pas équipé35,36. La carence en
structures d’HAD entraîne ainsi un report des patients relevant de ce type de services
vers les SSIAD, plus particulièrement adaptés à la prise en charge des patients
gériatriques et qui de ce fait ne peuvent satisfaire l’ensemble de la demande.
De plus, ce secteur est complexe et très morcelé : il est en conséquence difficile pour
les familles et les bénéficiaires de s’orienter. Un sondage SOFRES réalisé en 2001
montrait ainsi que plus de 90% des Français étaient potentiellement intéressés par l’aide
à domicile en particulier pour l’aide et les soins aux personnes âgées, handicapées ou
malades. En revanche, 2/3 des personnes interrogées ne connaissaient pas la
démarche à suivre pour en bénéficier37.
4.2.4. Des efforts d’adaptation aux besoins : le travail en réseau et la création de
structures de soins dédiées à certaines affections
Le travail des professionnels en réseaux autour du patient âgé dont l’ambition ultime
– est-elle réaliste dans l’état actuel de l’organisation sur le terrain ? – est de permettre
« l’articulation contractualisée autour de la personne âgée fragile et de son entourage de
toutes les institutions et acteurs des champs d’intervention concernés : ville/hôpital,
médical/paramédical, sanitaire/social, psychiatrie, associations d’aide et de soins aux
personnes âgées, usagers, familles » paraît tout particulièrement adapté à la prise en
charge globale des personnes âgées. Son intérêt est d’ailleurs rappelé dans la circulaire
DGS/DHOS du 18 mars 200238. De plus, il peut permettre en partie de compenser le
faible nombre de médecins formés à la gériatrie dans certaines régions.
En 2001, 18 réseaux de soins dédiés à la population âgée ont bénéficié de financement
35. 37
du FASQV39 alloués sur 17 régions, avec pour certains des objectifs affichés en matière
de formation, et pour d’autres des actions engagées autour de la prévention de la
dépendance chez les personnes âgées. En 2002, dans le contexte d’une mise en place
plus que tardive du nouveau dispositif de la « Dotation Nationale de Réseaux » introduit
par la LFSS, 5 réseaux centrés autour de la population âgée ont déjà été financés sur
ces fonds.
Pour autant, nous avons vu que certaines pathologies demandent une adaptation
spécifique des soins : l’exemple le plus criant aujourd’hui est celui de la prise en charge
de l’accident vasculaire cérébral dans sa phase aiguë pour lequel est nécessaire une
prise en charge immédiate, dès l’apparition des symptômes, afin de rendre possible
l’accès au traitement thrombolytique dans le respect strict de ses indications et plus
largement de préserver les chances du malades par des soins de qualité. Dans ce
cadre, l’intérêt médical et économique de « Stroke Centers » a été largement établi
dans d’autres pays. Comme le Ministère de la Santé lui-même l’indique dans le
Programme national de réduction des risques cardiovasculaires, « ces unités
neurovasculaires ayant une durée moyenne de séjour inférieure à celles des services
non spécialisés, et aussi compte tenu du coût du handicap chronique évité, il est
possible que leur création s’accompagne d’une réduction des coûts de prise en charge
de ces patients. Il s’agit d’une des rares démonstrations en méde*cine de l’efficacité de
la prise en charge globale et structurée d’une maladie ». A noter qu’au-delà de
l’organisation de la prise en charge de la phase aiguë, qui va peser pour beaucoup dans
le pronostic d’évolution à moyen et long terme, un relais coordonné en ambulatoire
s’impose également, afin notamment d’instaurer les traitements de prévention
secondaire qui doivent être suivis au long cours ; on ne note toutefois que deux réseaux
financés en 2001 par le FAQSV autour de cette pathologie spécifique, et un réseau sur
le budget 2002 de la cinquième enveloppe en Bourgogne.
D’autres pathologies particulières appellent une organisation spécifique de la prise en
charge :
!la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), du fait notamment de la mise à
disposition d’un traitement efficace pour certaines formes de cette affection, a
suscité dans certaines régions une action spécifique de recensement des sites
potentiels ou effectifs à même d’administrer le traitement ; bien qu’aucun
programme de santé publique national n’ait été diffusé sur cette pathologie, on note
sur le budget du FASQV en 2001 un projet d’enquête en Nord-Pas-de-Calais sur
la pratique des orthoptistes de la région pour déterminer la part de la DMLA dans
leur activité, les besoins de formation et de coopération pluriprofessionnelle ; en
2002, un réseau est financé sur la 5ème enveloppe dans la région Pays-de-la-Loire
pour la prise en charge de la basse vision avec une structure d’éducation pour les
patients atteints ;
36. 38
!la maladie d’Alzheimer ou plus généralement les démences chez les personnes
âgées font l’objet de plusieurs initiatives – encore trop peu nombreuses – qui,
semble-t-il, vont au-delà des préconisations du plan national (formation des
personnels, consultations mémoires) : en 2001, sur 17 régions, deux réseaux ont
bénéficié d’un soutien du FAQSV et deux réseaux en 2002 sur la 5ème enveloppe.
Enfin, diabète et cancer font l’objet de nombreuses initiatives de soins coordonnés.
Il convient néanmoins de rappeler que les résultats de toutes ces initiatives ne seront
pas immédiats : la création et l’animation de réseaux est une entreprise longue et
difficile, éprouvante pour les acteurs de santé qui ont eu le courage d’en prendre
l’initiative. De plus, les nombreux réseaux dédiés à des pathologies spécifiques et qui
devront cohabiter avec les réseaux de soins gériatriques sont à l’origine de multiples
sollicitations des médecins généralistes avec toutes les difficultés organisationnelles que
cela peut entraîner. Enfin, le budget alloué par le gouvernement à l’enveloppe réseau en
2003 (45 millions d’euros) permettra-t-il de financer l’ensemble des initiatives locales,
toutes pathologies confondues ?
La DMLA :
La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est une cause majeure
de cécité dans les pays industrialisés. Elle atteint plus de la moitié des
personnes âgées de plus de 80 ans. En France, la DMLA touche 800 000
à 1 million de personnes âgées. Le vieillissement de la population devrait
augmenter significativement la prévalence de la DMLA dans les
prochaines années.
Une campagne de dépistage a été lancée à l'initiative d'associations et de
sociétés savantes. Celle-ci devrait permettre d'améliorer le répérage des
patients qui ne sont pas traités actuellement ou le sont trop tardivement,
lorsque la maladie est déjà très handicapante.
Les traitements disponibles concernent la forme exsudative, dont
l'évolution, plus rapide que celle de la forme atrophique, conduit dans la
majorité des cas à une acuité visuelle inférieure à 1/10. Pour certains
patients atteints de cette forme de DMLA (patients présentant des
néovaisseaux rétrofovéolaires à prédominance visible), la thérapie
photodynamique, avec injection de vertéporfine, représente une avancée
thérapeutique majeure, permettant de ralentir la progression de la
pathologie. Aucun traitement ayant fait la preuve de son efficacité n’est à
ce jour disponible dans la forme atrophique de la DMLA.
De nouvelles approches thérapeutiques sont en cours de développement
et pourraient améliorer la prise en charge de la DMLA pour laquelle il
n'existe aujourd'hui aucune solution curative définitive, alors que celle-ci
affecte de façon majeure la qualité de vie et l'autonomie des patients.
L'impact budgétaire de la DMLA en France a été estimé à 51,3 millions
d'euros en 2001.
37. 39
4.3. EN MATIERE D’HEBERGEMENT : UN RALENTISSEMENT DU
DEVELOPPEMENT DU SECTEUR ET UN ARRET BRUTAL DE SA
MEDICALISATION
Le secteur de l’hébergement des personnes âgées reçoit près de 650 000 personnes
(hors soins de longue durée) auprès desquelles travaillent plus de 180 000 salariés. Les
estimations actuelles, lorsqu’elles sont regardées avec optimisme, permettent de
considérer que, globalement, les places disponibles en hébergement sont aujourd’hui en
nombre suffisant mais qu’il existe un déficit en lits dits « médicalisés »40.
Notons tout de même qu’il n’existe aujourd’hui aucun excédent d’offre qui permette de
vérifier que la croissance à venir de la demande est anticipée : en effet, selon une
enquêtej menée chaque année par la Fédération Hospitalière de France sur un
échantillon d’établissements, le taux d’occupation des maisons de retraites médicalisées
ou non est proche de 99% et celui des logements-foyers dépasse 100% ! Notons que
les logements-foyers sont inadaptés à la prise en charge de personnes en grande perte
d’autonomie, ce qui conduit fréquemment à des transferts vers des établissements
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
De plus, le taux général d’équipementk en France accuse un fléchissement régulier
depuis le début des années 90 : il était de 179 places pour 100 000 personnes âgées
de 75 ans et plus en 1994, de 169 places pour 100 000 en 1996 et est de 138 pour
100 00041 en 2001, soit une baisse de 23%.
Il est loin d’être certain aujourd’hui, et nous l’avons d’ailleurs rappelé, que cette baisse
soit compensée par le développement des services à domicile qui permettraient de
continuer à assurer voire développer le soutien aux personnes dépendantes.
En termes de répartition de l’offre sur le territoire, elle ne correspond qu’en partie à la
distribution géographique des personnes âgées ; et le taux d’équipement varie de 102
lits pour 100 000 en Languedoc à 166 lits pour 100 000 en Basse Normandie42. De
manière générale, les régions du Grand Ouest et de l’Est sont mieux équipées en
structures d’hébergement que le Sud Ouest et le pourtour méditerranéen.
En 2001, le gouvernement avait annoncé et inscrit dans la Loi de Financement de la
Sécurité Sociale un plan pluriannuel sur 5 ans (2001-2005) de médicalisation des
établissements financé à hauteur de 9,14 millions d’euros (6 milliards de francs) par
l’assurance maladie. Cette allocation, qui augmentait de près de 30% les moyens
alloués aux établissements, représentait environ la création de 90 000 places de section
de cure médicale à comparer aux 160 000 existantes et le financement d’environ 20 000
postes. La LFSS 2003 a vu l’arrêt brutal de ce plan, mettant ainsi en péril la
médicalisation du secteur, défini 2 ans auparavant comme une priorité. Il semble
toutefois que le gouvernement, après arbitrage du Premier Ministre, serait revenu sur
jPanel de 292 maisons de retraites publiques autonomes, ayant répondu volontairement en 2001 à un questionnaire
visant à renseigner la Banque de Données Hospitalières de France (BDHF).
kLe taux d’équipement étant le nombre de lits d’EHPA, en hébergement temporaire et de logements en foyers
logements pour 100 000 personnes âgées de 75 ans et plus.
38. 40
cette décision en dégageant en mai 2003 80 millions d’euros43.
Les conséquences de cette politique erratique sont aisées à anticiper quant on connaît
le taux de saturation du secteur et la montée en puissance dans le court terme de la
population des plus de 80 ans, qui sont les personnes hébergées en EHPAD (la
moyenne d’âge à l’entrée en établissement est de 83 ansj). Rappelons ainsi
l’augmentation attendue des tranches de population les plus âgées : entre 2000 et 2010,
on prévoit une croissance de 1,5 points de la population entre 75 et 84 ans soit un
millionl de personne en plus dans cette tranche d’âge et de 0,4 points pour celle âgée
de plus de 85 ans, soit 280 000 personnes.
jPanel de 292 maisons de retraites publiques autonomes, ayant répondu volontairement en 2001 à un questionnaire
visant à renseigner la Banque de Données Hospitalières de France (BDHF).
lSelon les prévisions de l’INSEE (Quang-Chi Dinh, base RP 90 – Horizons 1990-2050) cette population passera de
2,9 millions de personnes à 3,9 millions de personnes
39. 41
L’ensemble des professionnels s’accordent pour reconnaître la nécessité de coordonner les
différents services auprès des personnes âgées, comme le prônait déjà le rapport Laroque il y
a déjà 40 ans. Aujourd’hui de nombreuses insuffisances perdurent.
Tout d’abord, force est de constater que les volets sanitaire et médico-social, gérés par des
administrations distinctes au niveau national (bien que relevant du même ministère) et local,
sont loin d’être efficacement coordonnés. Le clivage entre le « sanitaire » et le « social » persiste
bel et bien, au détriment des bénéficiaires : en témoignent les difficultés en termes
d’organisation de l’évaluation médico-psycho-sociale recommandée en préalable à toute
orientation dans le système de prise en charge et la quasi-absence de professionnels de santé
au sein des Centres Locaux d’Information et de Coordination (CLIC), structures
supplémentaires « plaquées » sur le dispositif existant et chargés d’ assurer la coordination de
l’offre sanitaire et médico-sociale sur le terrain. De plus, la dispersion des financements des
nombreux prestataires publics ou privés qui assurent l’offre d’hébergement en établissement,
les services et les soins à domicile est un des obstacles forts à la mise en œuvre d’une véritable
coordination. Le dispositif en place demeure donc complexe, avec des zones de
chevauchement de compétences historiques qui nuisent à la qualité des services offerts. Sur le
terrain, l’accès des personnes âgées et de leur famille aux services manque singulièrement de
simplicité et de transparence.
Sur le plan sanitaire, on note encore de nombreuses insuffisances ou inadaptations de l’offre de
soins. Les (rares) données disponibles qui renseignent sur le nombre de médecins formés
spécifiquement à la prise en charge des patients âgés laissent à penser que les besoins ne sont
pas véritablement couverts et mettent en évidence des disparités régionales fortes : 1 médecin
gériatre ou gérontologue pour environ 7 000 personnes de 65 ans et plus en Ile de France à
comparer à 1 pour 18 000 dans la Creuse, 25 professeurs de gériatrie en France en tout et pour
tout ! S’il existe une volonté politique claire de privilégier des hospitalisations de courte durée,
moins fragilisantes pour le patient âgé, il n’est pas possible de savoir aujourd’hui comment
s’organise l’offre en court séjour gériatrique tant la situation générale du secteur hospitalier en
France est confuse. Cette situation est d’autant plus dommageable que l’insuffisance des
moyens en termes de soins à domicile, bien souvent relais de l’hospitalisation, ne facilite pas un
retour rapide vers le domicile , qu’il s’agissent principalement des services de soins infirmiers à
domicile (SSIAD) ou de l’offre en matière d’hospitalisation à domicile (HAD).
La volonté de privilégier le domicile comme lieu de vie s’est accompagnée dans les années 90
du ralentissement de la croissance du nombre de structures et de places disponibles en
établissements d’hébergement. Si leur médicalisation a commencé d’être davantage
développée, sans atteindre le niveau d’offre nécessaire, elle a été brutalement freinée en 2003
par l’arrêt du financement au sein de la LFSS du plan pluri-annuel sur 5 ans de médicalisation
des établissements, pour être ensuite semble-t-il relancée suite à un arbitrage du Premier
Ministre. Rappelons ici que le taux d’occupation de ce secteur est proche de 100%, qu’il
accueille en majorité des personnes dépendantes de plus de 80 ans pour lesquelles une prise
en charge à domicile est problématique voire impossible, et qu’une politique erratique en la
matière peut être lourde de conséquences dans le moyen terme.
L’objectif d’offrir aux plus âgés « un ensemble coordonné de moyens et de services adaptés à
leurs besoins » recommandé par le rapport Laroque il y a 40 ans est donc encore loin d’être
atteint.
A l’heure où la croissance des besoins à venir en matière de prise en charge de la population
âgée est prévisible, compte tenu des prévisions de l’INSEE jusqu’en 2050, force est de
constater que le besoin à couvrir, actuel et surtout à venir reste très important et n’est pas
complètement pris en compte dans l’affectation des ressources publiques : en témoigne
notamment, de façon particulièrement criante, le coup d’arrêt brutal donné cette année à la
médicalisation des établissements d’hébergement.
40. 42
5. LA DIFFICULTE DE LA PRISE EN CHARGE MEDICALE DU SUJET
AGE
5.1. LA COMPLEXITE DU SUJET AGE SUR LE PLAN MEDICAL
Le vieillissement s’accompagne d’une diminution des capacités fonctionnelles de
l’organisme. Mais l’âge n’est jamais à lui seul, du moins pas avant un âge très avancé
et en l’absence de maladie surajoutée, responsable de la décompensation d’une
fonction vitale (cerveau, cœur, rein, foie…).
La vieillesse n’est donc en aucun cas une maladie mais offre un terrain propice à leur
développement, d’autant que l’examen du sujet âgé peut être rendu difficile du fait de
déficiences habituelles : déficit auditif ou visuel, enraidissement articulaire... Il existe de
plus et nous allons le voir, un risque avéré de banaliser des symptômes observés, en les
mettant sur le compte de la seule vieillesse alors qu’ils sont liés à une pathologie pour
laquelle il existe un traitement. Les états dépressifs parfois banalisés du sujet âgé en
sont une puissante illustration avec pour corollaire un risque évolutif vers le suicide.
Chez le sujet âgé malade, plusieurs facteurs augmentent la complexité de la prise en
charge. Il s’agit tout d’abord, et nous l’avons déjà évoqué, du contexte fréquent de
polypathologies ; en effet, le sujet âgé malade est en moyenne traité pour 3 à 5
Les états dépressifs :
Les états dépressifs sont fréquents chez le sujet âgé. Dans la population
des plus de 65 ans, il est reconnu que la prévalence des épisodes
dépressifs majeurs est d’environ 3%, celle des symptômes dépressifs
étant d’environ 15%. Dans les institutions d’hébergement, il est rapporté
des prévalences allant jusqu’à 30% et plus. Outre son impact négatif sur
l’autonomie, le risque évolutif majeur de la dépression est le passage à
l’acte suicidaire : la France, qui occupe la triste place de tête des pays
européens en matière de suicide des personnes âgées – près de 3000
suicides en 1999 –, est particulièrement concernée.
Les états dépressifs sont de diagnostic difficile. Ils sont ainsi souvent
méconnus, et de plus banalisés et considérés à tort comme une
conséquence normale du vieillissement. La décision de traiter n’est donc
pas aujourd’hui systématique alors même qu’il existe des médicaments
anti-dépresseurs qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la prise en
charge globale des patients âgés déprimés, aux côtés d’autres mesures
thérapeutiques (psychothérapies interpersonnelles, psychothérapies
comportementales, …). Des recommandations professionnelles ont
récemment été publiées par l’ANAES qui sont d’ailleurs en faveur du
traitement médicamenteux de la dépression chez les personnes âgées.
Notons ici qu’aucun essai clinique n’ayant été mené chez les plus de 80
ans, la mise en œuvre de traitements dans cette tranche d’âge reste
problématique.
L’importance du besoin médical à couvrir dans les prochaines années,
conséquence du sous-traitement actuel et de l’évolution démographique,
en accord avec les recommandations officielles, devrait ainsi générer une
croissance soutenue de la consommation de soins dans cette pathologie.
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affections16. La polypathologie complique l’interprétation des symptômes et induit
souvent une polymédication, source d’effets iatrogènes (la prise de 4 médicaments ou
plus par jour est associée à une augmentation de la fréquence des effets indésirables).
La maladie est par ailleurs très souvent source d’angoisse, car facteur déclenchant de
la prise de conscience du vieillissement plus ou moins dénié jusque là.
Si le très grand âge (plus de 85 ans) est en soi un facteur de risque en terme d’entrée
en institution gériatrique et de mortalité, d’autres facteurs tels que la perte d’autonomie
fonctionnelle, l’altération des fonctions cognitives, la dépression ont été identifiés. Ces
sujets fragiles constituent une sous-population particulièrement difficile à prendre en
charge en ambulatoire.
On perçoit dès lors la difficulté d’une prise en charge médicale de qualité du patient âgé.
C’est la raison pour laquelle le concept d’évaluation gériatrique standardisée ou
« geriatric assessment » a été développé44. Cette évaluation est multidimensionnelle et
porte sur les fonctions cognitives, l’humeur, le degré d’autonomie, le risque de chutes, le
statut nutritionnel, et le cas échéant, pour les patients vivant à domicile, sur les
conditions de vie du patient et sur le fardeau des aidants. Cette méthode, qui peut être
mise en œuvre en centre de gériatrie, en hôpital de jour mais aussi dans le contexte de
vie du patient (cabinet médical sous réserve d’un temps de consultation allongé,
domicile) est fondée sur l’utilisation d’outils spécifiques et validés qui permettent
d’évaluer le retentissement de certaines maladies sur la santé du patient. Toutefois elle
demande du temps, de l’expertise aux professionnels de santé (médecin et/ou équipe
pluridisciplinaire) et une formation qui fait encore défaut.
5.2. DES RECOMMENDATIONS A DESTINATION DES PROFESSIONNELS ENCORE
PARCELLAIRES
Il existe encore actuellement en France peu de recommandations professionnelles
concernant spécifiquement les modalités de traitement des patients âgés. Mais il faut
souligner que cette situation évolue favorablement. Au cours des toutes dernières
années et plus particulièrement en 2000 ont ainsi été publiés, dans le champ des
pathologies que nous avons analysées :
! un rapport d’évaluation des traitements de la dégénérescence maculaire liée à
l'âge, ANAES 2001,
! un rapport sur l'ostéoporose chez les femmes ménopausées et chez les sujets
traités par corticoïdes : méthodes diagnostiques et indications. ANAES 2001,
!un rapport d’évaluation du traitement chirurgical de la cataracte de l’adulte, ANAES
2000,
!des recommandations professionnelles sur l’évaluation et la prise en charge
thérapeutique de la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles de la
communication verbale, ANAES 2000,
!un rapport sur la stratégie de prise en charge du patient diabétique de type 2 à
l’exclusion de la prise en charge des complications. ANAES 2000,
!des recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer,
ANAES 2000,
!une évaluation du pronostic de l’insuffisance coronaire stable et modalités de suivi
en dehors du traitement, ANAES 2000,