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Un destin brisé
        Le soleil venait de se coucher. Immobile à la proue du bateau de son navire, le jeune
garçon contemplait une dernière fois les lueurs du port de Makassar. Il avait l’intime
conviction que ce voyage allait définitivement changer sa vie.
        Nakula venait d’avoir vingt-deux ans et s’était fait embaucher en tant que mécanicien
sur le paquebot « Pegasus » depuis quelques jours seulement. Il attendait avec impatience ce
voyage qui le mènerait au Vietnam, son objectif. Nakula était un jeune homme d’apparence
frêle avec des traits marqués pour son jeune âge. Sa peau était blanche ce qui le distinguait
des Indonésiens. C’est cette différence qui avait poussé le jeune homme il y cinq ans à
retrouver ses origines.
        Enfant de la rue, Nakula n’avait jamais connu ses parents. Il avait été élevé dans un
orphelinat de Makasar, jusqu’à l’âge de sept ans. Ce furent ses seules vraies années
d’insouciance ; il passait ses journées à jouer avec d’autres enfants et avait commencé à
apprendre à lire et à écrire. L’orphelinat avait dû fermer ses portes car le gouvernement
indonésien n’avait plus de budget pour le financer. Ses occupants avaient été envoyés dans
différents orphelinats et foyers dans tout le pays.
        Nakula fut alors envoyé dans un foyer pour jeunes en difficulté, qu’il n’était pas. Sa
vie fut alors tout autre. Côtoyant quotidiennement des jeunes délinquants, Nakula, en raison
de sa différence physique, subissait coups et brimades de la part des autres occupants du
foyer. Il n’arrivait pas à se défendre, n’avait aucun ami et avait abandonné ses études.
        A l’âge de douze ans, il décida de quitter le foyer. Un soir, après que les lumières du
foyer furent éteintes, il escalada le grand mur qui encerclait l’établissement et s’enfuit à tout
jamais de ce monde. N’ayant aucune relation, aucune adresse, il errait un peu partout dans la
ville et vivait des restes qu’il trouvait dans les poubelles. En dépit de ses conditions de vie
extrêmement difficiles, Nakula se sentait enfin libre et paradoxalement en sécurité. Il n’avait
plus la peur de se faire frapper par ses compagnons.
        Petit à petit, sa vie s’organisait. Il vivait désormais dans une petite maison en tôle et
bois à l’entrée d’un bidonville qui se trouvait dans les alentours de la ville de Makassar. Pour
vivre, Nakula faisait tous les métiers du monde : il cirait les chaussures, réparait les vélos,
ramassait et recyclait les ordures pour obtenir quelques pièces,…
        Si sa vie avait pu s’articuler ainsi, Nakula aurait été heureux. Les conditions difficiles
et le manque de perspectives quant à son avenir ne le préoccupaient pas plus que cela car il
n’espérait rien de la vie. Il s’était résigné à mener une existence misérable mais n’en voulait à
personne. Il pensait qu’il s’agissait de son destin tout simplement.
        Toutefois, une seule préoccupation le travaillait. Nakula savait qu’il n’était pas
Indonésien. Elevé dans un orphelinat, il savait pertinemment qu’il n’avait pas de famille.
Cependant, contrairement à ses anciens compagnons d’infortune, il ne savait pas d’où il
venait. Vers l’âge de seize ans, tandis que sa vie était « posée », il décida alors de se
renseigner sur son passé. Ce n’était pas une tâche facile dans la mesure où il ne connaissait
personne et savait à peine lire et écrire.
        Mais, Nakula tenait bon en dépit de la difficulté de la tâche. Découvrir son passé était
devenu son objectif ultime et unique. Il avait le temps pour lui et avait décidé d’y consacrer
toute son énergie pour mener à bien cette mission.
        Après plusieurs années de recherches avec des périodes mêlées d’espoirs et de
découragements, Nakula découvrit une partie de son passé. Comme il le pressentait, il n’était
pas Indonésien mais Vietnamien. Ses parents avaient fui la répression au Vietnam en 1977.
Après de nombreuses journées en mer, leur frêle embarcation avait accosté l’Indonésie où ils
étaient restés plus d’un an dans un camp pour boat-people. C’était au cours de ce séjour dans
le camp que Nakula avait vu le jour. Ses parents, prénommés Tuan et Ngoc, seraient
originaires de Saigon. Mais les informations s’arrêtaient là ; il ne savait rien de précis quant
aux circonstances pour lesquelles il s’était retrouvé dans l’orphelinat. Ses parents étaient-ils
décédés ou l’avaient-ils abandonné ?
         C’est pour répondre à cette question qu’il avait décidé de se rendre au Vietnam coûte
que coûte. N’ayant pas de ressources financières suffisantes pour s’y rendre en avion, il ne lui
restait plus que la solution maritime. Mais là encore, il n’avait pas d’argent pour y aller en tant
que passager. Il se fit alors embaucher en tant que mécanicien sur un paquebot de croisière de
luxe qui naviguait en mer de Chine. Ses quelques années passées dans la rue à réparer les
vélos et les moteurs des motos lui avaient apporté des notions en mécanique qui lui avaient
été fort utiles.
         Le voyage en mer avant l’arrivée à Saigon durait une dizaine de jours, en faisant
diverses escales à Singapour, Hong Kong,…. Peu habitué à la mer, Nakula était le plus
souvent malade. Cependant, il pouvait bénéficier du soutien de ses collègues qui travaillaient
pour lui durant ses absences. Travaillant dans la salle des machines, il était loin du luxe qui
sévissait dans les étages supérieurs du paquebot. De toute façon, cela ne l’aurait sans doute
pas impressionné pour autant. Nakula était, en effet, détaché des considérations matérielles.
Pour lui, rien n’était plus important que retrouver ses origines et son passé.
         Arrivé à Saigon, il demanda l’autorisation de quitter le paquebot pour quelques heures,
chose qu’il n’avait pas faite au cours des autres escales. L’autorisation accordée par le
capitaine, Nakula descendit du paquebot ; il n’y remonterait jamais.
         Nakula découvrit alors une ville bruyante qui lui était totalement inconnue. N’ayant
pratiquement pas un sou, il erra des jours entiers d’un quartier à un autre. Mais, habitué à se
débrouiller seul depuis son enfance, Nakula s’en sortit à nouveau avec le temps. Les premiers
jours, il dormait sous un pont dans des conditions difficiles. Un jour, il fit la connaissance
d’un garçon, Toan, cireur de chaussures ayant le même âge que lui. Toan était orphelin
comme lui. Tous les deux se lièrent d’amitié, une amitié qui allait durer toute leur vie.
         Toan lui proposa de venir partager sa maison, ce que Nakula accepta. Il s’agissait en
fait d’une maison à l’abandon dans un terrain vague à l’extrémité sud de la ville. Le confort
était réduit à son strict minimum avec un lit, une table, une armoire et deux chaises. Il n’y
avait ni électricité ni eau. Tous les jours, il fallait aller remplir des bidons d’eau pour faire la
toilette et prendre la douche.
         Les deux garçons partageaient désormais une existence commune et s’entraidaient.
Toan apprenait à Nakula à parler le vietnamien. Comme à Makassar, Nakula enchaînait les
petits boulots.
         Installé au Vietnam, Nakula pouvait désormais se consacrer à la recherche de sa
famille. Il le fit avec l’aide de son ami Toan. Même si la tâche était extrêmement rude, Nakula
ne se décourageait nullement. Au fil du temps, il accumulait les indices et les informations.
Ces derniers lui permirent enfin, après quasiment deux années de recherche, de retrouver la
maison de ses parents à l’époque.
         Avec Toan, il décida de s’y rendre. La maison se trouvait dans une petite ruelle du
district 4. Elle était petite mais présentait beaucoup de charme. Nakula avait le cœur serré
avant de sonner à la porte. Qu’allait-il découvrir ?
         Il sonna et une vieille dame vint leur ouvrir la porte. En la voyant, Nakula eut un
sentiment bizarre, il était frappé par le visage de cette dame qui avait des traits très
ressemblants aux siens. La vieille dame les invita à entrer dans le salon. Un homme, son mari,
était assis dans un fauteuil et regardait la télévision sans y prêter réelle attention.
         « Bonjour mes enfants, qui êtes-vous ? Que venez-vous faire chez nous ? Que
pouvons- nous faire pour vous ?
         - Bonjour Madame, bonjour Monsieur, répondit Toan à la place de Nakula dont le
vietnamien était encore très approximatif. Je m’appelle Toan et voici mon ami Nakula qui est
Indonésien. Nous sommes venus ici après de longues recherches et désirons avoir des
renseignements.
        - Comment pouvons-nous vous aider, mes chers enfants ?
        Toan raconta alors toute l’histoire de Nakula. Plus il avançait dans l’histoire, plus les
yeux de la dame et de son mari étaient emplis de larmes. A la fin du récit et après plusieurs
minutes de silence, l’homme se leva de son fauteuil, s’approcha de Nakula, lui prit les deux
mains et lui demanda :
        - Sais-tu comment se prénomment tes parents, mon garçon ?
        - Tuan et Ngoc, lui répondit Nakula qui avait compris la question.
        A ces mots, le vieux couple éclata en sanglots. La femme serra Nakula dans ses bras et
pleura à chaudes larmes. Nakula ne savait pas encore exactement qui étaient ces personnes
mais il se doutait bien qu’il avait atteint son objectif.
        - Nous sommes tes grands-parents maternels, finit par lui dire la vieille dame. Ngoc, ta
mère, est notre deuxième fille.
        Après de longues embrassades et pleurs, le vieil homme et sa femme apportèrent à
Nakula le morceau manquant du puzzle. Il découvrit alors que son vrai nom n’était pas
Nakula mais Son. Il avait une sœur aînée et un frère d’un an de plus que lui. Quelques mois
après sa naissance dans le camp en Indonésie, ses parents avaient obtenu l’autorisation
d’émigrer en Amérique. Ayant connu la guerre et les privations, cette nouvelle devait être le
début du bonheur pour toute la famille. Malheureusement, le destin s’était acharné sur eux.
        Nakula était atteint d’une maladie incurable ; les médecins du camp ne lui avaient
donné que quelques semaines à vivre. Ses parents avaient alors dû prendre une décision
terrible : partir sans lui car la date du départ était déjà fixée, et Nakula n’aurait pas supporté
un tel voyage. C’est ainsi que les parents, le cœur déchiré, l’avaient abandonné à l’orphelinat
pensant qu’il ne lui restait que peu de temps à vivre.
        Arrivés aux Etats-Unis, ils avaient tenté d’avoir des nouvelles de leur fils et avaient
obtenu une réponse de l’orphelinat disant que leur fils était bien mort peu de temps après leur
départ. La réalité était tout autre. Nakula avait miraculeusement survécu.
        Nakula apprit de la part de ses grands-parents que ses parents, sa sœur et son frère
résidaient toujours aux Etats-Unis. L’objectif de Nakula était dorénavant de les revoir pour
que son bonheur soit total.
        Depuis ce jour, Nakula habitait chez ses grands-parents en compagnie de Toan. Ses
parents avaient été prévenus de son retour miracle et s’apprêtaient à faire le voyage jusqu’au
Vietnam pour qu’enfin la famille soit réunie.


                                                                   Caroline Trong Anh Thu Dao

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Un destin brisé de caroline trond anh thu dao

  • 1. Un destin brisé Le soleil venait de se coucher. Immobile à la proue du bateau de son navire, le jeune garçon contemplait une dernière fois les lueurs du port de Makassar. Il avait l’intime conviction que ce voyage allait définitivement changer sa vie. Nakula venait d’avoir vingt-deux ans et s’était fait embaucher en tant que mécanicien sur le paquebot « Pegasus » depuis quelques jours seulement. Il attendait avec impatience ce voyage qui le mènerait au Vietnam, son objectif. Nakula était un jeune homme d’apparence frêle avec des traits marqués pour son jeune âge. Sa peau était blanche ce qui le distinguait des Indonésiens. C’est cette différence qui avait poussé le jeune homme il y cinq ans à retrouver ses origines. Enfant de la rue, Nakula n’avait jamais connu ses parents. Il avait été élevé dans un orphelinat de Makasar, jusqu’à l’âge de sept ans. Ce furent ses seules vraies années d’insouciance ; il passait ses journées à jouer avec d’autres enfants et avait commencé à apprendre à lire et à écrire. L’orphelinat avait dû fermer ses portes car le gouvernement indonésien n’avait plus de budget pour le financer. Ses occupants avaient été envoyés dans différents orphelinats et foyers dans tout le pays. Nakula fut alors envoyé dans un foyer pour jeunes en difficulté, qu’il n’était pas. Sa vie fut alors tout autre. Côtoyant quotidiennement des jeunes délinquants, Nakula, en raison de sa différence physique, subissait coups et brimades de la part des autres occupants du foyer. Il n’arrivait pas à se défendre, n’avait aucun ami et avait abandonné ses études. A l’âge de douze ans, il décida de quitter le foyer. Un soir, après que les lumières du foyer furent éteintes, il escalada le grand mur qui encerclait l’établissement et s’enfuit à tout jamais de ce monde. N’ayant aucune relation, aucune adresse, il errait un peu partout dans la ville et vivait des restes qu’il trouvait dans les poubelles. En dépit de ses conditions de vie extrêmement difficiles, Nakula se sentait enfin libre et paradoxalement en sécurité. Il n’avait plus la peur de se faire frapper par ses compagnons. Petit à petit, sa vie s’organisait. Il vivait désormais dans une petite maison en tôle et bois à l’entrée d’un bidonville qui se trouvait dans les alentours de la ville de Makassar. Pour vivre, Nakula faisait tous les métiers du monde : il cirait les chaussures, réparait les vélos, ramassait et recyclait les ordures pour obtenir quelques pièces,… Si sa vie avait pu s’articuler ainsi, Nakula aurait été heureux. Les conditions difficiles et le manque de perspectives quant à son avenir ne le préoccupaient pas plus que cela car il n’espérait rien de la vie. Il s’était résigné à mener une existence misérable mais n’en voulait à personne. Il pensait qu’il s’agissait de son destin tout simplement. Toutefois, une seule préoccupation le travaillait. Nakula savait qu’il n’était pas Indonésien. Elevé dans un orphelinat, il savait pertinemment qu’il n’avait pas de famille. Cependant, contrairement à ses anciens compagnons d’infortune, il ne savait pas d’où il venait. Vers l’âge de seize ans, tandis que sa vie était « posée », il décida alors de se renseigner sur son passé. Ce n’était pas une tâche facile dans la mesure où il ne connaissait personne et savait à peine lire et écrire. Mais, Nakula tenait bon en dépit de la difficulté de la tâche. Découvrir son passé était devenu son objectif ultime et unique. Il avait le temps pour lui et avait décidé d’y consacrer toute son énergie pour mener à bien cette mission. Après plusieurs années de recherches avec des périodes mêlées d’espoirs et de découragements, Nakula découvrit une partie de son passé. Comme il le pressentait, il n’était pas Indonésien mais Vietnamien. Ses parents avaient fui la répression au Vietnam en 1977. Après de nombreuses journées en mer, leur frêle embarcation avait accosté l’Indonésie où ils étaient restés plus d’un an dans un camp pour boat-people. C’était au cours de ce séjour dans le camp que Nakula avait vu le jour. Ses parents, prénommés Tuan et Ngoc, seraient
  • 2. originaires de Saigon. Mais les informations s’arrêtaient là ; il ne savait rien de précis quant aux circonstances pour lesquelles il s’était retrouvé dans l’orphelinat. Ses parents étaient-ils décédés ou l’avaient-ils abandonné ? C’est pour répondre à cette question qu’il avait décidé de se rendre au Vietnam coûte que coûte. N’ayant pas de ressources financières suffisantes pour s’y rendre en avion, il ne lui restait plus que la solution maritime. Mais là encore, il n’avait pas d’argent pour y aller en tant que passager. Il se fit alors embaucher en tant que mécanicien sur un paquebot de croisière de luxe qui naviguait en mer de Chine. Ses quelques années passées dans la rue à réparer les vélos et les moteurs des motos lui avaient apporté des notions en mécanique qui lui avaient été fort utiles. Le voyage en mer avant l’arrivée à Saigon durait une dizaine de jours, en faisant diverses escales à Singapour, Hong Kong,…. Peu habitué à la mer, Nakula était le plus souvent malade. Cependant, il pouvait bénéficier du soutien de ses collègues qui travaillaient pour lui durant ses absences. Travaillant dans la salle des machines, il était loin du luxe qui sévissait dans les étages supérieurs du paquebot. De toute façon, cela ne l’aurait sans doute pas impressionné pour autant. Nakula était, en effet, détaché des considérations matérielles. Pour lui, rien n’était plus important que retrouver ses origines et son passé. Arrivé à Saigon, il demanda l’autorisation de quitter le paquebot pour quelques heures, chose qu’il n’avait pas faite au cours des autres escales. L’autorisation accordée par le capitaine, Nakula descendit du paquebot ; il n’y remonterait jamais. Nakula découvrit alors une ville bruyante qui lui était totalement inconnue. N’ayant pratiquement pas un sou, il erra des jours entiers d’un quartier à un autre. Mais, habitué à se débrouiller seul depuis son enfance, Nakula s’en sortit à nouveau avec le temps. Les premiers jours, il dormait sous un pont dans des conditions difficiles. Un jour, il fit la connaissance d’un garçon, Toan, cireur de chaussures ayant le même âge que lui. Toan était orphelin comme lui. Tous les deux se lièrent d’amitié, une amitié qui allait durer toute leur vie. Toan lui proposa de venir partager sa maison, ce que Nakula accepta. Il s’agissait en fait d’une maison à l’abandon dans un terrain vague à l’extrémité sud de la ville. Le confort était réduit à son strict minimum avec un lit, une table, une armoire et deux chaises. Il n’y avait ni électricité ni eau. Tous les jours, il fallait aller remplir des bidons d’eau pour faire la toilette et prendre la douche. Les deux garçons partageaient désormais une existence commune et s’entraidaient. Toan apprenait à Nakula à parler le vietnamien. Comme à Makassar, Nakula enchaînait les petits boulots. Installé au Vietnam, Nakula pouvait désormais se consacrer à la recherche de sa famille. Il le fit avec l’aide de son ami Toan. Même si la tâche était extrêmement rude, Nakula ne se décourageait nullement. Au fil du temps, il accumulait les indices et les informations. Ces derniers lui permirent enfin, après quasiment deux années de recherche, de retrouver la maison de ses parents à l’époque. Avec Toan, il décida de s’y rendre. La maison se trouvait dans une petite ruelle du district 4. Elle était petite mais présentait beaucoup de charme. Nakula avait le cœur serré avant de sonner à la porte. Qu’allait-il découvrir ? Il sonna et une vieille dame vint leur ouvrir la porte. En la voyant, Nakula eut un sentiment bizarre, il était frappé par le visage de cette dame qui avait des traits très ressemblants aux siens. La vieille dame les invita à entrer dans le salon. Un homme, son mari, était assis dans un fauteuil et regardait la télévision sans y prêter réelle attention. « Bonjour mes enfants, qui êtes-vous ? Que venez-vous faire chez nous ? Que pouvons- nous faire pour vous ? - Bonjour Madame, bonjour Monsieur, répondit Toan à la place de Nakula dont le vietnamien était encore très approximatif. Je m’appelle Toan et voici mon ami Nakula qui est
  • 3. Indonésien. Nous sommes venus ici après de longues recherches et désirons avoir des renseignements. - Comment pouvons-nous vous aider, mes chers enfants ? Toan raconta alors toute l’histoire de Nakula. Plus il avançait dans l’histoire, plus les yeux de la dame et de son mari étaient emplis de larmes. A la fin du récit et après plusieurs minutes de silence, l’homme se leva de son fauteuil, s’approcha de Nakula, lui prit les deux mains et lui demanda : - Sais-tu comment se prénomment tes parents, mon garçon ? - Tuan et Ngoc, lui répondit Nakula qui avait compris la question. A ces mots, le vieux couple éclata en sanglots. La femme serra Nakula dans ses bras et pleura à chaudes larmes. Nakula ne savait pas encore exactement qui étaient ces personnes mais il se doutait bien qu’il avait atteint son objectif. - Nous sommes tes grands-parents maternels, finit par lui dire la vieille dame. Ngoc, ta mère, est notre deuxième fille. Après de longues embrassades et pleurs, le vieil homme et sa femme apportèrent à Nakula le morceau manquant du puzzle. Il découvrit alors que son vrai nom n’était pas Nakula mais Son. Il avait une sœur aînée et un frère d’un an de plus que lui. Quelques mois après sa naissance dans le camp en Indonésie, ses parents avaient obtenu l’autorisation d’émigrer en Amérique. Ayant connu la guerre et les privations, cette nouvelle devait être le début du bonheur pour toute la famille. Malheureusement, le destin s’était acharné sur eux. Nakula était atteint d’une maladie incurable ; les médecins du camp ne lui avaient donné que quelques semaines à vivre. Ses parents avaient alors dû prendre une décision terrible : partir sans lui car la date du départ était déjà fixée, et Nakula n’aurait pas supporté un tel voyage. C’est ainsi que les parents, le cœur déchiré, l’avaient abandonné à l’orphelinat pensant qu’il ne lui restait que peu de temps à vivre. Arrivés aux Etats-Unis, ils avaient tenté d’avoir des nouvelles de leur fils et avaient obtenu une réponse de l’orphelinat disant que leur fils était bien mort peu de temps après leur départ. La réalité était tout autre. Nakula avait miraculeusement survécu. Nakula apprit de la part de ses grands-parents que ses parents, sa sœur et son frère résidaient toujours aux Etats-Unis. L’objectif de Nakula était dorénavant de les revoir pour que son bonheur soit total. Depuis ce jour, Nakula habitait chez ses grands-parents en compagnie de Toan. Ses parents avaient été prévenus de son retour miracle et s’apprêtaient à faire le voyage jusqu’au Vietnam pour qu’enfin la famille soit réunie. Caroline Trong Anh Thu Dao