Revue "Avenir Hospitalier n°1" juillet 2014
Six ans après l’instauration du financement à l’activité à 100 % et 4 ans après l’installation de la Loi HPST, il nous semble légitime de faire le point sur les changements intervenus sur le travail des médecins hospitaliers.
La médecine française traverse une période difficile, que ressentent fortement ses acteurs. La conjonction de la crise démographique médicale actuelle liée aux dogmes idéologiques sur la consommation de biens de santé des années 90 associée au vieillissement important de la population conduit à un déséquilibre entre l’offre et la demande de soins, avec les conséquences que l’on connaît : déserts médicaux (hospitaliers ou non), dépassements d’honoraires, intérim médical…
Force est de constater que ce n’était pas l’offre qui créait la demande de soin mais plutôt le contraire.
Raboter le numerus clausus n’aura donc servi à rien si ce n’est à aboutir au problème démographique actuel. Le seul remède envisagé consiste à faire travailler plus ceux qui le peuvent encore afin de limiter les files d’attente de patients que l’on voit régulièrement s’allonger pour certains actes ou consultations. Pour compléter ce tableau, il faut ajouter que l’absence de politique de santé claire à long terme et l’absence de volonté de se doter d’indicateurs pertinents pour mesurer l’adéquation de notre système de santé à l’état de santé de la population française entraînent là aussi des inadéquations entre le nombre et la qualification des spécialistes et le véritable besoin de la population. on entre ici dans le délicat sujet de la pertinence des actes et de leurs coûts social et sociétal.
Le constat est là, certaines spécialités sont extrêmement sollicitées par la demande de soins et traversent dans le même temps une crise démographique sans précédent.
reseauprosante.fr
Point de vue du Syndicat des Praticiens de Santé (FPS)
Les conséquences d’une crise démographique prévisible
1. Sixansaprèsl’instaurationdufinancement
à l’activité à 100 % et 4 ans après l’instal-
lation de la Loi HPST, il nous semble légi-
time de faire le point sur les changements
intervenus sur le travail des médecins
hospitaliers.
La médecine française traverse une période
difficile, que ressentent fortement ses acteurs.
La conjonction de la crise démographique
médicale actuelle liée aux dogmes idéolo-
giquessurlaconsommationdebiensdesanté
des années 90 associée au vieillissement
important de la population conduit à un dés-
équilibre entre l’offre et la demande de soins,
avec les conséquences que l’on connaît :
désertsmédicaux(hospitaliersounon),dépas-
sements d’honoraires, intérim médical…
Force est de constater que ce
n’était pas l’offre qui créait la de-
mande de soin mais plutôt le
contraire.
Raboter le numerus claususn’aura donc servi
à rien si ce n’est à aboutir au problème démo-
graphique actuel. Le seul remède envisagé
consiste à faire travailler plus ceux qui le peu-
vent encore afin de limiter les files d’attente
de patients que l’on voit régulièrement s’al-
longer pour certains actes ou consultations.
Pour compléter ce tableau, il faut ajouter que
l’absence de politique de santé claire à long
terme et l’absence de volonté de se doter
d’indicateurs pertinents pour mesurer l’adé-
quation de notre système de santé à l’état
de santé de la population française entraînent
là aussi des inadéquations entre le nombre
etlaqualificationdesspécialistesetlevéritable
besoin de la population. On entre ici dans le
délicat sujet de la pertinence des actes et de
leurs coûts social et sociétal.
Le constat est là, certaines spécialités sont
extrêmement sollicitées par la demande de
soins et traversent dans le même temps une
crise démographique sans précédent.
C’est le premier pas vers une intensification
du travail mais ce n’est pas le seul.
Danslaplupartdeshôpitaux,letempsmédical
n’est pas mesuré et encore moins compté,
ou alors, à la louche, avec la fameuse demi-
journée qui n’a pas de durée définie et qui
permet tous les excès dans un sens comme
dans l’autre. Dans les plateaux techniques
(radiologie, blocs opératoires…) travaillent
des personnels non médicaux dépendant de
la fonction publique hospitalière, avec toutes
le protections que cela leur apporte et des
médecins hospitaliers, non fonctionnaires,
dont le statut mériterait une bonne révision
au regard de l’évolution des conditions de
travail hospitalières.
Le coût horaire de ces structures de soins
techniques est important et principalement
liéaux chargesenpersonnels.Letempsd’ou-
verture doit être rentabilisé et l’efficience veut
que le ratio entre ce qui coûte le plus cher et
ce qui rapporte soit optimisé.
Le Temps de Disponibilité du Docteur (TDD)
devient donc la variable d’optimisation des
coûts de ces structures puisque son temps
de travail n’est pas limité (sauf par la DE
2003/88 CE) et que sa demi-journée coûte
la même chose, qu’elle dure 4, 5 ou 6 heures.
La tentation d’ouvrir les plateaux techniques
plus longtemps en faisant se succéder deux
équipes de personnels non médicaux avec
peu de chevauchement et en utilisant une
seuleéquipe«docteur»pourcouvrirlamême
amplitude est donc grande. De plus, cela per-
met d’optimiser les coûts en chauffage, cli-
matisation, électricité et m2
de surface…
On assiste donc en ce moment à de nom-
breusesréorganisationsdecesplateauxtech-
niques conduisant à des ouvertures en 10
ou 11 heures.
Lesconséquencessurletravaildesméde-
cins hospitaliers sont majeures et parti-
cipentgrandementaudésintérêtmanifeste
de la jeune génération pour l’exercice
médical hospitalier.
Celaestd’autantplusvraiquel’exercicemédi-
cal, d’un point de vue purement managérial,
se résumerait à l’enchaînement d’actes ou
de gestes techniques. La réflexion médicale,
la concertation ou l’échange n’ont plus leur
place. Il reste parfois, dans le meilleur des
cas, ce qui est absolument obligatoire, les
RMM et l’EPP.
Face à ce constat désolant, il de-
vient urgent d’inverser la ten-
dance.
La revalorisation du coût du temps médical
est un levier parmi d’autres. Si le temps médi-
cal coûte cher, il ne doit plus être gaspillé et
les dérives organisationnelles qui ont sacrifié
le temps médical et les médecins doivent être
abandonnées au profit d’organisations plus
respectueuses du travail et de la qualité de
celui-ci. C’est le sens que nous donnons à
l’application stricte de la Directive européenne
sur le temps de travail et c’est ainsi que nous
avons insisté pour que l’astreinte soit mieux
prise en compte dans la nouvelle réglemen-
tation.
Opposerlapointeuseàlacaisseenregistreuse
peut finalement résumer la méthode. Nous
aurions souhaité mieux, mais on ne nous a
pas demandé notre avis sur les politiques de
santé de ces vingt dernières années et
aujourd’hui, arrivés au pied du mur, on ne
nous laisse pas le choix.
Les conséquences d’une crise démographique prévisible
YVES RÉBUFAT
5
Le seul remède
contre la pénurie
consisterait à faire
travailler plus
ceux qui le
peuvent encore !