2. 145
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
Recherche
Le lien père-bébé1
The bond father-infant
Jean Le Camus*
On a déjà beaucoup écrit sur la genèse des liens inconscient et conscient
qui organisent le rapport père-fils et le rapport père-fille aux différentes
phases de l’évolution psychologique de l’enfant, de l’adolescent et du
jeune adulte: les psychanalystes en particulier y ont consacré une bonne
part de leur réflexion théorique et de leurs travaux cliniques. Par contre,
nous manquons encore d’études systématiques sur les origines et la mise
en place de la relation père-enfant au cours du premier stade de la psy-
chogenèse (la phase pré-œdipienne), période classiquement conçue
comme dominée par l’importance de la mère. Dans le sillage de Lebovici
(1983) et de Cyrulnik (1989), je voudrais contribuer à combler cette
lacune et l’article qui suit se propose d’envisager quelques-unes des
questions relatives à la nature du lien du jeune enfant à son père (tie to
his father) et aussi, complémentairement, quelques-unes des questions
relatives à la nature du lien originel du père à son enfant. C’est dire
qu’on explorera seulement une petite partie du champ de ce qu’on a cou-
tume d’appeler le sentiment filial d’un côté et le sentiment paternel de
l’autre. C’est dire, par ailleurs, qu’on simplifiera les choses en distinguant
d’une part ce qui relève de la théorie de l’attachement, d’autre part ce
qui relève d’une approche multdimensionnelle de la présence et de l’in- 1 En hommage respectueux
fluence précoces du père. Le mode d’abord privilégié dans l’ensemble de et reconnaissant à Serge
l’analyse et de la critique sera celui de la psychologie du développement. Lebovici.
* Professeur émérite
Le lien de l’enfant à son père de psychologie
C’est bien sûr pour faire écho à l’intitulé de l’article fondateur de Laboratoire Personnalisation
Bowlby (Le lien de l’enfant à sa mère, 1958) que j’ai choisi le titre de et Changements Sociaux
Université Toulouse le Mirail
cette première partie. Un titre dont l’accent provocateur est moindre
5 allée Antonio Machado
qu’il n’y paraît à première vue car il y a bien longtemps que la théorie
31058 Toulouse
de l’attachement a cessé d’être réduite à une simple conception scienti-
fique des origines du lien à la mère et qu’elle a commencé à faire men- PS : je remercie amicalement
tion du lien au père (Neyrand, 2000). Sous l’impulsion de Schaffer et Martine Lamour et Antoine
Guédeney pour leurs
remarques critiques et leurs
suggestions.
3. 146
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
Emerson (1964) créateurs de la notion d’attachement multiple, puis
d’Ainsworth (1967) créatrice de la notion de hiérarchie des figures,
Bowlby a rapidement admis que, aux âges de 12 ou 18 mois, le bébé
pouvait trouver en son père une figure d’attachement... son père, au
même titre que ses grands parents, ses frères ou ses sœurs, plus généra-
lement toute personne vivant dans l’entourage de l’enfant et prenant
part aux activités de « soins » (caregiving). L’ouvrage majeur de Bowlby
(1969) confirme la priorité habituelle de la « figure maternelle » comme
base de sécurité mais il n’est plus question cette fois de « monotropie »,
à savoir d’exclusivité maternelle. L’auteur montre qu’il a su assouplir sa
position doctrinale de 1958 et qu’il ne réserve plus la fonction de protec-
tion et de consolation à la seule mère. Les études expérimentales inau-
gurées par Kotelchuck au début des années 1970 (Lester, Kotelchuck,
Spelke et al., 1974; Cohen et Campos, 1974; Ross, Kagan, Zelazo et al.,
1975; Feldman et Ingham, 1975) ont confirmé qu’en contexte paternel
on pouvait observer la réaction de protestation lors de courtes sépara-
tions provoquées et la réaction d’apaisement lors des retrouvailles
(cette découverte nous semble d’une grande banalité aujourd’hui mais,
en 1970, elle prenait la forme d’un véritable scoop scientifique !). Dès
cette époque aussi a germé l’idée que le moyen le plus approprié à la
mise en évidence des spécificités paternelles dans ce domaine était l’uti-
lisation du paradigme de la comparaison des interactions mère-bébé et
père-bébé. Ce rappel historique étant clos, je vais examiner les avancées
successives de la recherche relative au problème de l’attachement de
l’enfant à son père : les découvertes essentielles seront regroupées
autour de cinq sous-thèmes (1 à 5).
Les degrés du pouvoir de consolation
La première question qu’on s’est posée aux USA portait sur l’efficacité
comparée du soutien émotionnel apporté par les deux parents: le père
est-il aussi réconfortant que la mère quand l’enfant manifeste le désir
d’être rassuré? Cette question émergeait dans un contexte sociologique
encore marqué par une forte séparation des rôles parentaux : mère
nourricière, quasiment confinée dans les tâches domestiques et les soins
aux enfants (houseworker); père pourvoyeur économique, presque uni-
quement investi dans le monde extra-familial (breadwinner). Dès lors,
on ne surprendra personne en signalant que la réponse donnée en 1975-
1980 était à double détente: plutôt positive quand on faisait référence
aux situations banales de la vie quotidienne (le bébé appréciant d’être
4. 147
Le lien père-bébé
câliné par ses deux parents) ; plutôt négative lorsqu’on évoquait les
situations difficiles à supporter par l’enfant (fatigue, maladie, présence
d’une personne peu familière ou inconnue). Dans ces derniers cas affir-
mait Lamb (1977), la « supériorité » de la mère ne faisait plus de doute:
s’il pouvait choisir, c’est vers la mère et non vers le père que l’enfant se
réfugiait en priorité. Les observations d’alors venaient finalement
confirmer le point de vue initial d’Ainsworth: le plus souvent, c’est la
mère qui incarne la figure d’attachement « principale » et le père vient
au second rang. Lamb fut même conduit à admettre que cette règle
valait aussi dans les cas où le bébé avait bénéficié d’un investissement
accru du père (primary caregiver): c’est du moins la conclusion qui s’im-
posait dans l’étude des familles suédoises où le congé parental avait été
pris par le père et où ce dernier avait donc fait preuve d’une implication
soutenue (Lamb, 1983). Le caractère materniste des conceptions de l’at-
tachement était encore nettement prévalent à cette époque: on en trou-
vera la preuve dans le fait que lors du célèbre colloque épistolaire orga-
nisé par Zazzo en 1974, aucun des cliniciens ou des chercheurs invités
n’a évoqué le problème de l’attachement de l’enfant humain à son père
(seul Harlow fit allusion à l’existence d’un système d’affection paternel...
chez les singes). En 1974, l’heure des pères n’avait pas encore sonné !
Les modalités qualitatives de l’attachement
Après que le concept d’implication accrue du père se fût bien introduit
dans la culture scientifique américaine (new nurturant father, increased
involvement), après que l’utilisation de la situation étrange se fût banali-
sée (le protocole avait été mis au point par Ainsworth en 1978), on se
demanda logiquement si le type d’attachement mis à jour avec la mère
(type B: secure, sécurisé ou en sécurité; types A et C : insecure avoidant,
insécurisé évitant et insecure resistant, insécurisé ambivalent) était iden-
tique ou différent lorsque, 6 mois avant ou 6 mois après, on plaçait le
même enfant en contexte paternel. Cette question posée au début des
années 1980 n’était pas anodine car le contenu de la réponse pouvait
inciter les uns à soutenir que le type d’attachement (A, B ou C) à une
personne dépendait de la nature de la relation nouée antérieurement
avec cette personne: il conviendrait dans ce cas de mettre l’accent sur
les différences de classification entre les duos mère-enfant et père-
enfant; le contenu de la réponse pouvait inciter les autres à soutenir que
le type d’attachement à une personne dépendait surtout du tempéra-
ment de l’enfant: dans ce cas on porterait prioritairement attention aux
5. 148
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
ressemblances entre les deux duos. Dans un premier temps, les conclu-
sions tirées des travaux simultanés de Main et de Grossmann allaient
plutôt dans le sens de la conception relationnelle (en d’autres termes,
existentielle). Le type d’attachement d’un enfant semblait déterminé
par l’histoire de vie familiale puisque le taux de non concordance entre
les deux duos s’avèrait assez élevé: 36 cas sur les 61 étudiés par Main
(1981); 26 cas sur les 46 étudiés par Grossmann (1981). On peut imagi-
ner que ces deux chercheurs ne donnaient pas alors beaucoup d’impor-
tance au fait que les cas de concordance atteignaient déjà sur leurs
propres données une proportion de plus de 40%! Cette perspective
constructiviste a toujours eu la préférence de Main: en 1998, elle se pro-
nonçait encore en faveur de la thèse de « l’indépendance entre la classi-
fication de la situation étrange à la mère et celle au père » (Main, 1998).
Après les années 1980-85, cette thèse de l’indépendance a été contredite
par au moins trois groupes d’observateurs. D’abord par Belsky et
Rovine (1987), ces chercheurs objectant que la situation étrange per-
mettait de différencier deux composantes : une composante tempéra-
mentale qui serait propre à l’enfant (pris comme invariant) et donc
identique avec chaque parent, une composante relationnelle qui serait
propre à l’histoire singulière des interactions et donc pas nécessaire-
ment semblable en contexte maternel et en contexte paternel. Ensuite
par Fox, Kimmerly et Schafer (1991) auteurs d’une méta-analyse dans
laquelle la règle de la concordance inter-parentale valait pour 393 cas
sur 672 : cette forte proportion de similitude entraîna les auteurs à
mettre l’accent sur l’importance du tempérament de l’enfant et à soute-
nir la thèse constitutionnaliste. Enfin par Van Ijzendorn et De Wolff
(1997), auteurs d’une nouvelle méta-analyse venant renforcer la thèse
de la concordance inter-parentale: ici, le nombre de similitudes devenait
nettement majoritaire, 588 cas sur 950. Au vu des données chiffrées, on
aurait tendance à penser que la thèse constitutionnaliste est de plus en
plus accréditée par les études comparatives mais doit-on trancher uni-
quement à partir du « statistiquement significatif »? Sûrement pas ! en
2001, la solution de sagesse consiste sans doute à s’en tenir à l’idée qu’il
existe « une spirale de transactions entre le tempérament du nouveau-
né, la sensibilité du parent (et donc les interactions avec son enfant) et
la qualité de l’attachement », interprétation que Crittenden dès 1995 (in
Karmaniola, 2002) et Balleyguier en 1998 appliquent à la relation mère-
enfant et qui pourrait valoir aussi pour la relation père-enfant. L’hypo-
thèse semble tout à fait plausible mais il faut poursuivre la recherche
6. 149
Le lien père-bébé
avant de se prononcer avec plus de certitude sur une question idéologi-
quement aussi chargée (retour au vieux débat sur l’influence relative de
l’inné et de l’acquis).
La stabilité et la validité prédictive du lien
Les études sur la qualité du lien ont pris une autre tournure au début
des années 1990 lorsque la curiosité s’est élargie jusqu’à la comparaison
des qualités métrologiques de l’évaluation opérée en situation étrange:
que constate-t-on chez les pères au regard de ce qu’on constate chez les
mères?
• Pour ce qui est de la stabilité de la forme d’attachement au père, les
données récentes paraissent plutôt contradictoires. Les unes ten-
draient à nous laisser croire que la stabilité du lien au père est du
même ordre que la stabilité du lien à la mère: ainsi Cox, Owen, Hen-
derson et al. (1992) furent amenés à se prononcer en faveur de la
continuité développementale dans le lien enfant-père puisque dans
leur recherche les qualités de l’interaction à l’âge de 3 mois (ainsi que
le temps de présence auprès de l’enfant) étaient en corrélation avec
la sécurité de l’attachement évaluée en situation étrange à l’âge de 12
mois. Les autres inciteraient à mettre en doute ce type de liaison:
ainsi Volling et Belsky (1992) aboutirent à la conclusion qu’il était
impossible de prédire la qualité de l’attachement enfant-père évaluée
en situation étrange à l’âge de 13 mois à partir de observation des
interactions menée aux âges de 3 et 9 mois. Dans la discussion de
cette étude, les auteurs suggèrent qu’il conviendrait de s’orienter vers
la recherche d’autres antécédents (tempérament de l’enfant, conflits
à l’intérieur du couple...) ou de mettre en œuvre d’autres moyens
d’investigation. Le moins qu’on puisse dire est que la réponse à la
question posée reste encore partielle et même assez confuse.
• Si on considère maintenant le problème de la validité prédictive de
l’attachement au père, on s’avance sur un terrain à peine un peu plus
sûr. La conclusion qui semble prévaloir est la suivante: alors que des
auteurs comme Cassidy, Sroufe... ont confirmé le bon pouvoir pré-
dicteur de l’attachement à la mère au regard de l’adaptation socio-
familiale et socio-scolaire ultérieure, aucune recherche d’envergure
ne semble avoir abouti au même bilan pour l’attachement au père.
Selon Suess, Grossman et Sroufe (1992), l’adaptation sociale des
enfants de 5 ans est corrélée avec le caractère sécurisé ou non sécurisé
7. 150
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
de l’attachement à la mère mais aucune liaison de cet ordre n’appa-
raît quand on traite les résultats obtenus avec le père pris isolément
(le coefficient de corrélation le plus élevé s’obtient quand on prend
en compte non pas le seul lien à la mère mais l’attachement aux deux
parents: father and mother attachments taken together). Là encore,
un certain nombre d’inconnues persistent mais on voit mal pourquoi
un attachement sécurisé au père ne serait pas un bon prédicteur de
l’adaptation socio-affective de l’enfant d’âge pré-scolaire.
Les modes de transmission des représentations
d’attachement
Lorsque après 1985 et plus encore 1990 l’intérêt originel porté aux com-
portements d’attachement s’est étendu à l’étude de plus en plus précise
des représentations d’attachement, celle des fameux Modèles Internes
Opérants (MIO), on s’est demandé si le mode de transmission du
modèle interne parental était identique selon qu’on considérait le duo
mère-enfant ou le duo père-enfant. L’étude de cette question exigeait
sur le plan théorique qu’on se rallie à l’idée d’une inévitable transmis-
sion intergénérationnelle du modèle interne (working model) : c’était,
on s’en souvient, une conviction de Bowlby et surtout d’Ainsworth lors-
qu’ils faisaient référence au duo mère-enfant. Elle exigeait sur le plan
empirique qu’on mette en rapport d’une part les représentations d’atta-
chement du parent, représentations dévoilées et décodées grâce à l’ap-
plication de l’Entretien d’Attachement pour Adulte (l’AAI conçu par
Main en 1985); d’autre part, les conduites d’attachement chez l’enfant
jeune ou les représentations d’attachement de l’enfant à partir de 3 ans,
représentations appréhendées au travers de l’épreuve des histoires à
compléter (cette épreuve a été mise au point par Bretherton en 1990).
Les conlusions avancées récemment sont les suivantes:
• Même si l’influence de la mère apparaît comme primordiale, la trans-
mission intergénérationnelle père-enfant semble devoir être considé-
rée comme un fait objectivable: on a constaté une liaison statistique-
ment significative entre les résultats à l’AAI du père (administré
avant la naissance de son enfant) et le type d’attachement présenté
par l’enfant à 18 mois. Ainsi, Steele, Steele et Fonagy (1996) ont
découvert que 80% des pères qualifiés de sécurisés à l’AAI avaient
des enfants présentant un attachement sécurisé à 18 mois (en situa-
tion étrange); que 59% des pères qui étaient étiquetés comme non
8. 151
Le lien père-bébé
sécurisés-non impliqués avaient des enfants insécurisés-évitants. Sur
la base de cette forte corrélation, les auteurs concluaient en faveur de
la thèse de la contribution du père à la transmission intergénération-
nelle des représentations d’attachement.
• Pour ce qui est du mécanisme de l’influence parentale, les travaux de
Miljkovitch, Pierrehumbert, Turganti et al. (1998) vont dans le sens
d’une différence de transmission entre mères et enfants d’une part,
pères et enfants d’autre part. Les mères sont reconnues comme
« influençant la sécurité de l’enfant » par le biais des interactions
qu’elles entretiennent avec lui (influence directe). Les pères n’appa-
raissent pas comme susceptibles de transmettre leurs modèles internes
opérants: ils transmettraient plutôt des « modèles sémantiques » c’est-
à-dire les représentations conformes à ce qui est socialement désirable.
A n’en pas douter, nous sommes au cœur de l’un des problèmes de
recherche du moment. (Pierrehumbert, 2001; Karmaniola, 2002).
La spécificité des contributions
C’est la dernière question soulevée par les théoriciens de l’attachement,
c’est aussi la plus délicate à traiter et c’est celle qui risque de bouleverser
le plus les connaissances classiques dans ce domaine.. En effet, toutes les
études répertoriées jusqu’à ce point de notre article (§ 11 à 14) partaient
de l’idée que la situation étrange, moyen d’évaluer le pouvoir de sécuri-
sation des parents, devait convenir de la même façon aux mères et aux
pères. Dans cette logique, on comparait les deux catégories de parents
sur une seule dimension comme s’ils étaient chargés d’assurer la même
fonction: protéger.
Il n’est pas interdit bien sûr de « mesurer » la capacité de réconfort
des pères (on peut même s’étonner que les chercheurs l’aient mise à
l’épreuve aussi tardivement !); pas interdit non plus de comparer cette
capacité à celle des mères mais l’assimilation implicite des fonctions
parentales à la seule fonction de protection nous a peut-être entraînés
sur une fausse piste : dès 1992, des chercheurs comme Volling ou Suess
ont émis des réserves sur l’application du protocole d’Ainsworth à
l’examen de la relation père-enfant. Si en effet on pose comme postulat
que le père n’est pas une seconde mère et que les deux parents sont
habilités à répondre à deux sortes de « besoins » de l’enfant, le besoin de
sécurité (inducteur du comportement de rapprochement, de « l’attache-
ment » au sens strict) et le besoin de stimulation (inducteur du compor-
tement d’éloignement, ou en termes techniques, de « l’exploration »), on
9. 152
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
en arrive logiquement à concevoir d’autres protocoles d’évaluation.
C’est sur cette voie que se sont engagés K.E et K. Grossmann (1998)
lorsqu’ils ont suggéré des moyens d’investigation mieux ajustés aux
rôles spécifiques de chacun des deux parents. Confirmant que la situa-
tion étrange convenait bien à l’examen du lien de l’enfant à sa mère, ils
ont soutenu que la situation de jeu se prêtait mieux à l’étude de la rela-
tion de l’enfant à son père. Dans ce cas, c’est la capacité de « défi »
(appelée aussi « l’incitation sensible ») mesurée au cours du jeu qui se
révéla comme stable dans le temps: avec des enfants de 24 mois, cette
capacité apparut comme prédictrice de la « sécurité » de l’enfant ainsi
que de son pouvoir de faire face à des émotions négatives aux âges de 6
et 10 ans. De telles corrélations n’apparaissaient pas quand on mettait
en rapport ces deux compétences de l’enfant avec les réactions obser-
vées dans les duos père-enfant filmés en situation étrange. Les auteurs
ont conclu à la nécessité de respecter les adéquations: jeu et « père sti-
mulant » d’une part, situation étrange et « mère réconfortante » d’autre
part, bref de positionner la mère et le père à des places différentes sur
« le continuum attachement-exploration ». Cette proposition rejoint la
conclusion d’une étude québecoise menée récemment par Dubeau et
Moss (1998) sur une population d’enfants d’âge pré-scolaire (âge
moyen: 43 mois). La stratégie expérimentale a consisté ici à mettre en
rapport la sécurité de l’attachement de l’enfant au parent et les caracté-
ristiques interactives repérées dans des situations d’échanges plus ou
moins contraignantes. Les résultats indiquent que les caractéristiques
interactives des mères et la participation des enfants sont corrélées avec
la sécurité de l’attachement à la mère, et par ailleurs que les enfants ne
se distinguent plus lors de leur interaction avec le père en fonction de
leur sécurité avec ce dernier. Ces conclusions incitent les auteurs de
cette dernière étude à se référer explicitement au modèle parsonien de
la mère « expressive » et du père « instrumental », un modèle scientifi-
quement honorable mais qui, on le sait bien, a légitimé des décennies de
déclassement de la femme et de « domination masculine ». Bref, quand
on va jusqu’au bout de la logique de Grossmann et de Dubeau, on a le
sentiment d’en revenir finalement à certaines positions des années 1960
ou, pour le moins, des années 1970-1980 lorsque la plupart des psycho-
logues du développement américains insistaient sur la distinction et la
complémentarité entre les soins maternels et le jeu paternel !
Tout se passe donc comme si la théorie de l’attachement essayait de
trouver la bonne route en évitant un double écueil: le réductionnisme
10. 153
Le lien père-bébé
qui a consisté à définir le père comme une autre mère ou une sous-mère
(thèse illustrée par les nombreux auteurs cités dans l’examen des quatre
questions précédentes) et l’autre réductionnisme qui consiste à considé-
rer une fois de plus le père comme radicalement différent de la mère
(thèse vers laquelle semblent pencher des auteurs comme Grossmann et
Dubeau). Pour surmonter la difficulté, il faudrait peut-être commencer
par abandonner l’idée que la situation étrange convient nécessairement
au même degré pour les deux parents et par abandonner également
l’idée qu’il faut observer la mère et le père dans des situations obligatoi-
rement distinctes (situation étrange et jeu). Chacune de ces deux
options nous paraît insuffisante. – On pourrait ensuite concevoir des
protocoles d’interactions qui permettent d’appréhender ce que les
mères et les pères ont de commun (le semblable) et ce qu’ils ont de spé-
cifique (le différent). C’est depuis quelques années notre façon de voir
et nous nous sommes orientés dans cette direction en étudiant les inter-
actions en milieu aquatique (situation du bain en piscine collective)
avec des bébés d’un an (Le Camus, 1995). Nous avons remarqué que les
mères et les pères ne se différenciaient pas de façon significative sur la
quantité globale des comportements de protection et de stimulation
dirigés vers leurs enfants mais sur certaines modalités de stimulation.
En effet, seule la forme de stimulation dite « sociale » permettait de dif-
férencier nettement les pères et les mères (score plus élevé chez les pre-
miers). La même démarche pourrait être appliquée à des situations de
langage (conversations), à des situations d’apprentissage cognitif (inter-
actions de tutelle)... bref dans des dispositifs susceptibles de faire appa-
raître les similitudes et les différences de comportement sans que soit
remis en cause le principe d’égalité des droits et des devoirs des deux
catégories de parents (la parité père-mère). Comme le suggèrait récem-
ment Geneviève Fraisse (« l’alternative entre égalité des sexes et diffé-
rence des sexes n’existe pas »...), les chercheurs doivent trouver le
moyen de concilier le principe d’égalité homme-femme avec le principe
de la différence des sexes car « l’égalité se pense avec le semblable et
avec le différent » (Fraisse, 2001). Quand on l’explore un peu sérieuse-
ment la théorie de l’attachement ne se réduit plus aux propositions sim-
plistes que certains ont voulu dénoncer. A cette étape de l’histoire de la
psychologie, il ne serait pas inutile de s’atteler à une véritable étude phi-
losophique de l’attachement.
Tel est le bilan simplifié qu’on peut établir à l’issue de trente années de
travaux indiscutablement centrés sur la relation d’attachement à la mère
11. 154
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
(le n° spécial de Devenir publié en 1992 en fait foi) mais qui ont laissé une
part non négligeable à l’examen de la relation d’attachement au père
(comme en témoigne le n° spécial d’Enfance publié en 1998). Beaucoup
de problèmes restent encore non résolus et les spécialistes de l’attache-
ment ont encore à nous apprendre sur la place du père dans cette théorie.
Raison de plus pour se mettre au travail et tenter de creuser le sillon.
Le lien du père à son enfant
On ne remontera pas jusqu’aux œuvres de Freud et de Lacan. Toutefois,
chacun sait que les fondateurs de la théorie psychanalytique de la pater-
nité ont mis en scène le père mythique et le père de la dynamique œdi-
pienne sans prêter grande attention au père concret de la période pré-
œdipienne: dans les deux cadres explicatifs, le père occupe une position
dominante mais l’approche de la relation père-enfant s’arrête au seuil
de l’intersubjectivité (le surmoi et l’idéal du moi de l’enfant semblent
procèder d’une sorte d’auto-engendrement et le père est appréhendé en
termes de fonction, d’image, de figure, de nom... plutôt qu’en termes de
personne ou de partenaire). Si l’on en vient maintenant aux années où
la question du lien père-bébé a été explicitement abordée par les clini-
ciens, à savoir entre 1950 (L’enfant et les relations familiales, Porot,
1954) et 1970 (Le métier de père, Muldworf, 1972), on se rend vite
compte de la faible importance attribuée alors à la contribution pater-
nelle précoce. S’appuyant sur la métaphore alimentaire des besoins et
des carences, les psychiatres insistaient sur le rôle initial de l’amour
maternel (et, complémentairement, sur le rôle ultérieur de l’autorité
paternelle) ainsi que sur le soutien émotionnel que le père peut appor-
ter à la mère, mais le père du jeune enfant était seulement vu comme un
« familier bienveillant », au même titre qu’une « grand-mère ou un
domestique (sic)...»! (Porot, 1954). Les psychanalystes, souvent impré-
gnés des idées premières de Lacan (Lacan, 1938), pouvaient évoquer le
sentiment paternel, à savoir « l’ensemble des effets produits pour le père
(dans sa subjectivité), par la relation enfant-père » (Muldworf, 1972)
mais pour affirmer aussitôt que les rapports du père au bébé sont régis
au tout début par « l’amour narcissique... analogue (ou presque) au sen-
timent qu’on porte aux animaux familiers » (sic)! Puis au cours de la
première enfance par « une sorte de présence neutre sous-tendue par un
intérêt positif pour les différents besoins de l’enfant... Cette présence
est neutre, parce qu’elle est vécue comme non spécifique par le père, qui
12. 155
Le lien père-bébé
se sent, tout au moins dans les premiers temps de la petite enfance,
comme une seconde mère » (sic)! (Muldworf, 1972). L’intérêt de ces pre-
mières contributions n’était pas négligeable mais on doit se demander s’il
est possible d’en rester à une représentation qui ne prenait sens que dans
le contexte sociologique et idéologique des années de l’après guerre...
Persistance d’une conception qui incline à ignorer
les fonctions du père pré-œdipien et à surdrama-
tiser le rapport d’opposition père-fils
Témoignages puisés dans la littérature actuelle
Je n’aurai pas l’audace de mettre en doute la valeur organisatrice du
conflit œdipien et, en tant que psychogénéticien, je me rallie sans réserve à
l’idée que pour se construire le garçon a besoin de trouver en son père
« un rival », celui qui par excellence incarne la loi et non pas d’y trouver
seulement une figure d’attachement (base de sécurité) puis, au sortir de
l’Œdipe, un repère identificatoire (modèle). Mais je me demande si on n’a
pas eu tendance à surévaluer l’effet structurant de l’affrontement œdipien
et à sous-évaluer l’effet tout aussi structurant de la tendresse pré-œdi-
pienne du père. J’en prendrai pour illustration la violence des propos que
tiennent parfois les fils (devenus grands) quand ils évoquent l’histoire de
la relation avec leur père. A défaut de réfléchir sur des « cas » cliniques
tirés de la vie quotidienne, on remarquera qu’un certain nombre d’écri-
vains actuels s’expriment à cet endroit sur le schéma de la tradition incar-
née par Kafka (Lettre au Père, 1919), par Dostoïevski (L’Adolescent, 1875)
et par Sartre (Les mots, 1964), à savoir celle du conflit non dépassé, de
l’hostilité la plus exacerbée (le premier a reproché à son père de lui avoir
« fermé le chemin », le second s’est dit offensé par «la laideur morale» de
son père et s’est culpabilisé « d’avoir eu envie de le tuer », le troisième est
allé jusqu’à écrire: « eût-il vécu, mon père se fût couché sur moi de tout son
long et m’eût écrasé. Par chance, il est mort en bas âge »). Plusieurs
ouvrages actuels relèvent de la même inspiration. Je pense à ces héros de
romans qui accusent leur père de les avoir méconnus, ignorés, rejetés,
humiliés, maltraités... au cours de leur enfance et qui, longtemps après,
donnent libre cours à leur douleur, leur ressentiment et leur révolte. Ces
fils blessés sont mis en scène en particulier par François Weyergans: «pen-
dant toute mon enfance et mon adolescence j’avais une confiance aveugle en
mon père... de ma naissance à mon mariage, tout me fut interdit» (Franz et
François, 1999) ; par Michel del Castillo : « J’ai rendez-vous avec mon
assassin et cet assassin, c’est mon père » (De père français, 1998) ; par
13. 156
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
Yann Queffélec: « mon père, c’est un gosse, un fouteur de merde, il adore
squatter la vie des autres et casser leur barraque, il se barre après » (Osmose,
2000) ou encore par Andrew O’Hagan: « je crevais d’envie d’anéantir la
rage tyrannique de mon père... mon père était tout bonnement un enragé de
l’alcool. Il me faisait peur...» (Le crépuscule des pères, 2000). En tant que
psychologue, on ne peut pas ne pas se poser des questions sur l’origine
lointaine (proprement archaïque peut-être?) d’une telle rancœur...
Chez les cliniciens d’aujourd’hui
Chez un nombre important de psychanalystes, c’est encore la tradition
de masquage du père pré-œdipien qui prévaut. Pour les uns, le pro-
blème de la relation précoce père enfant ne se pose même pas puisque
le père n’a pas à intervenir directement au cours de la première
enfance : « C’est lorsque l’enfant atteint l’âge de la marche que les
hommes normalement virils (sic) commencent à s’occuper de lui. Ceux
qui s’occupent des bébés sont généralement en grande partie marqués
de féminité (sic) et, pour ainsi dire, jaloux que ce soient les mères les
porteuses » (F. Dolto, 1988). Certains autres – je pense à Julien, Dor,
Hurstel... – considèrent que la « fusion » originelle de l’enfant à sa mère
doit rapidement prendre fin sous peine de devenir étouffante, voire
mortifère et ils continuent à se réclamer de Lacan pour affirmer que la
fonction principale du père – voire la seule – est de séparer et d’inter-
dire. Cette prise de position semble encore plus radicale chez le
pédiatre Naouri: à la différence de la mère qui dit toujours oui, le père
est « celui qui dit non, non à tout » (sic)! (Naouri, 1993); à la différence
de la mère qui est dans le contact corporel, le père est celui qui reste
dans « un abord distant, égoïste, arbitraire et quasi-fascisant de son
environnement immédiat » (sic)! (Naouri, 1999). D’autres enfin sont tel-
lement portés à se focaliser sur la mère qu’ils en arrivent à sous-estimer
la possible contribution du père précoce autant dans la compréhension
de l’origine et de la pathogénie des difficultés que dans la stratégie d’in-
tervention thérapeutique: selon Barrows (2000), c’est le reproche qu’on
peut adresser encore aujourd’hui à des cliniciens de grande notoriété
comme Cramer (1993) ou Stern (1995). A ce stade de l’argumentation,
je me permettrai de donner un avis tout à fait personnel et sans doute
un peu candide: on peut me semble-t-il facilement admettre et réaffir-
mer (après Lacan, notamment) que la différence des sexes et des géné-
rations doit être respectée et que donc le père n’est ni une seconde
mère, ni un copain... sans pour autant s’aligner derrière ceux qui conti-
nuent à ignorer l’importance initiale du père. On va voir pourquoi.
14. 157
Le lien père-bébé
Pour une autre vision du rapport du père
au jeune enfant
Témoignages puisés dans la littérature actuelle
Lorsqu’il est question du père, le discours des écrivains n’est pas toujours
aussi sombre, aussi amer et aussi revanchard qu’ont pu le laisser
entendre les citations précédentes ! Dans les textes actuels, il arrive
qu’on rencontre des fils qui ont suffisamment bien résolu les problèmes
posés par la confrontation à leur propre père et qui sont devenus eux-
mêmes des pères apaisés et sereins. Le prototype de cet homme nouveau
est dessiné par le romancier Alexandre Jardin. A propos de son père,
Pascal Jardin (décédé alors qu’Alexandre avait 15 ans), l’auteur écrit:
« Lui seul avait le pouvoir de me relier à la vie... Lui seul croyait en mes folies, lui
seul me donnait envie de devenir quelque chose de plus grand que moi... Avec cet
homme que j’ai aimé plus que tout, exister était une fête... Enfant, je me sentais à ses
côtés comme exonéré de toutes les peurs qui ligotent le genre humain... Papa pour-
quoi m’as-tu abandonné?...» (Le Zubial, 1997).
On peut se reporter aussi à la conversation imaginaire qu’a menée
Philippe Claudel avec sa fille tout au long de son dernier roman:
« Tu viens d’avoir vingt et un mois. Tu as des yeux d’agate qui bougent sans cesse,
comme s’ils voulaient ne rien perdre, tout voir, tout saisir de ce qui t’entoure. Et
moi, il me semble que je te fuis de jour en jour alors que tu demeures ma seule et
grande merveille (le héros vient de perdre sa femme). Ce matin je t’ai embrassée et
j’ai songé en t’embrassant que je n’allais peut-être plus te revoir. Tu es encore bien
trop faible, malgré ta beauté et ta candeur, face à cela (ce terme désigne la laideur
du monde)... Il faut que je te voie grandir, devenir une jeune fille, une jeune fille qui
à dix-sept ans soupirera après son premier amour, pleurera au lendemain de son
premier amour. Il faut que tu sois la vivante et moi le vivant... Il faut qu’un jour, un
jour lointain...il faut que tu pleures ma mort... mais pas maintenant où tu ne saurais
pas la pleurer, où cela pour toi ne voudrait rien dire...» (J’abandonne, 2000).
On peut se tourner également vers la littérature d’essai. Je me sou-
viens par exemple d’une réplique d’Alain Etchegoyen, l’écrivain philo-
sophe qui exprime tout le bonheur d’être père aujourd’hui:
« Je pense souvent à une affirmation de Nietsche “Vénérez la maternité, la paternité
n’est souvent qu’un hasard”. Aujourd’hui on peut transformer ce hasard complète-
ment, on peut en faire une nécessité, un choix; ça, j’en suis certain. C’est à la fois
une chance et une exigence. C’est beaucoup plus difficile mais infiniment positif.»
(Les pères ont des enfants, 2000).
15. 158
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
Et, sur le registre de la tendresse paternelle, on écoutera volontiers
Jean-Claude Snyders lorsqu’il s’adresse à ses trois garçons:
« Si vous étiez réellement malheureux et que j’aie le sentiment de pouvoir vous
aider, il n’y aurait pas pour moi de pays trop hostiles à traverser pour parvenir jus-
qu’à vous; il me semble que les déserts ne seraient pas trop étouffants, ni trop éle-
vées les montagnes les plus redoutables. Quel chemin de neige, quelle piste torride
m’arrêteraient, si vous aviez le désir que je vous rejoigne et que je croie pouvoir
vous apporter quelque secours.» (Paroles perdues, 1999).
Pour finir, j’emprunterai quelques formules à Frédéric Mounier, un
père qui, comme tant d’autres, avoue avoir du mal parfois à faire face
aux problèmes d’adolescence de ses deux aînés mais qui est loin d’adop-
ter le ton de la désespérance:
« Allez, cette fois-ci je me laisse aller. Je suis venu vous dire que je vous aime vous les
jeunes... C’est précisément parce que vous êtes un peu fous, généreux, utopistes, que
plus tard vous serez des adultes équilibrés, responsables, bosseurs, courtois,
ouverts... au fond, l’avenir du monde, c’est vous. Et parfois il faut vous dire que
nous, les vieux, on a confiance en vous...» (Est-ce que je peux en placer une?, 2000).
Chez les cliniciens
La conception du père cantonné dans un rôle de séparateur et d’inter-
dicteur est rarement soutenue dans sa version la plus extrême: des psy-
chanalystes d’orientation lacanienne tels que This (1980) ou Clerget
(1992) ont assoupli la théorie du « père sévère » en faisant l’éloge des
pères sensibles, tendres et précocément impliqués (ils ont recommandé,
par exemple, que le père participe aux séances d’haptonomie pré- et
périnatale). Au même moment que This, dès 1980, une autre psychana-
lyste, Delaisi de Parseval, a osé revendiquer une plus grande « part »
pour le père et envisager de nouvelles formes d’accès à la paternité
(Delaisi de Parseval, 1980). Au cours de la dernière décennie, de plus en
plus de cliniciens ont affiché sur le thème de la présence paternelle pri-
maire des points de vue beaucoup plus nuancés que ceux de F. Dolto, de
Julien ou, à plus forte raison, de Naouri... en tout cas, des points de vue
ouverts au questionnement et à l’évolution des idées, ouverts au chan-
gement des conditions et des conceptions de vie (Neyrand, 2000).
Ces cliniciens innovants et réalistes admettent pour commencer
deux propositions qui peuvent s’appliquer déjà à l’éducation de l’enfant
ordinaire:
• La pratique de l’autorité du père, entendu au sens de prescription de
règles et de rappel des limites, n’est absolument pas incompatible
16. 159
Le lien père-bébé
avec l’apport de sécurité, de compréhension et d’affection. On serait
tenté d’ajouter, « bien au contraire »: l’autorité véritable d’un père,
celle qu’un enfant admet et respecte, c’est celle qui procède du désir
de faire grandir (l’homme est alors entré dans la phase de la « géné-
rativité » chère à Erikson), qui procède aussi de la confiance mise
dans les potentialités de l’enfant, qui procède enfin de la pratique de
l’écoute et du dialogue.
• Le devoir et le droit d’interdire, le recours aux sanctions justifiées et
mesurées ne relèvent pas exclusivement de la fameuse « fonction
paternelle »: ces attributions s’intègrent dans la contribution que les
deux parents ont à assumer conjointement – paritairement – déjà au
cours de la petite enfance; elles définissent, pour une part au moins,
ce qu’on appelle aujourd’hui la co-parentalité et, en termes juri-
diques, l’autorité parentale.
Sur le terrain de la psycho-pathologie, ces mêmes cliniciens intervien-
nent avec la conviction qu’il est devenu nécessaire de dépasser l’époque
du tout maternel. Comme l’a montré récemment Barrows (2000), ils insis-
tent sur le fait que les « fantômes paternels » peuvent, eux aussi, venir
hanter la « nursery » (Fraiberg) et perturber la santé mentale du bébé; sur
le fait que le père peut avoir une influence considérable en tant que
« membre du couple parental..., comme médiateur entre la mère et sa
propre famille et comme participant du processus thérapeutique » (p. 15).
Ces considérations nous entraînent assez loin des définitions
anciennes du père précoce comme « familier bienveillant » (Porot),
assez loin de la notion de « présence neutre » (Muldworf) ou de celle
beaucoup plus récente de « maintien de la distance » (Naouri). Elles
débouchent à l’inverse sur la conviction que le père a une place à
prendre dès le début: le devenir père se construit au sein de la triade
primaire (« le nid triadique » qu’évoque Lamour, 2000). Si le parent de
sexe masculin est à sa place, il va pouvoir contribuer déjà au cours de la
deuxième année de la vie à la construction de l’identité sexuée du bébé,
plus particulièrement celle du garçon qui trouve en son père un repère
identificatoire consistant (thèse soutenue par Mahler et ses disciples
actuels Stoller, Roiphe et Galenson...). Bref, il est de plus en plus admis
chez les cliniciens que l’enfant a beaucoup à gagner de la présence
immédiate, active et chaleureuse de son père.
Notre point de vue de psychologue du développement rejoint à cer-
tains égards la conception soutenue par les continuateurs de Lebovici
17. 160
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
(je fais allusion pour ce thème particulier à Cupa, Lamour, etc) et,
depuis une dizaine d’années, nous avons essayé de démontrer que le
rôle du père dans la construction de la personnalité de l’enfant ne pou-
vait plus être réduit à ce que, pour aller vite, on nomme la fonction sym-
bolique. Non pas qu’il soit à l’ordre du jour de remettre en cause l’im-
portance originelle des soins maternels : qu’on le veuille ou non, elle
aura toujours une longueur d’avance sur le père et son mode de relation
sera toujours plus biologique, plus corporel. Pas à l’ordre du jour non
plus de contester l’essentiel de ce que les psychanalystes nous ont appris
sur la fonction du père dans les avancées de l’enfant vers l’intériorisation
de la loi et aussi vers l’acquisition de l’identité sexuée au stade œdipien
et aux stades post-œdipiens: le père est le tiers par excellence, autre que
la mère et autre de l’autre sexe. Mais il me semble que certaines défini-
tions relatives au registre d’influence du père, au moment de son inter-
vention et au mécanisme de son action sur le jeune enfant doivent être
reconsidérées et même reconceptualisées par endroits. C’est ce que je
vais tenter de faire à présent avec comme perspective plus lointaine le
souci d’esquisser un modèle de père impliqué et psychologiquement dif-
férencié de la mère (Le Camus et Zaouche-Gaudron, 1998).
Le registre d’intervention du père
Je ne crois pas qu’il soit souhaitable de limiter la fonction du père à la
construction du « surmoi » (surtout lorsqu’on va jusqu’à réduire cette
fonction à la seule action de séparer et d’interdire), ni même à la sexua-
tion psychique (« confirmation » pour le garçon, « révélation » pour la
fille). Je pense au contraire que la contribution du père doit s’étendre à
l’ensemble du développement de l’enfant.
Le père agent de socialisation
Il semble de plus en plus évident qu’un père suffisamment présent
contribue à la socialisation précoce, ce processus qui totalise « l’accultu-
ration » c’est-à-dire l’adaptation active aux relations interpersonnelles,
aux valeurs, aux normes et la « subjectivation » c’est-à-dire la construc-
tion de soi comme sujet séparé et autonome. Rappelons que nous avons
montré sur une petite population de « bébés nageurs » âgés de un an que
les pères étaient plus portés que les mères à orienter et ouvrir leur enfant
vers le monde environnant (à savoir les autres parents et leur bébé, l’ani-
mateur de la séance); montré aussi que les bébés observés étaient plus
sensibles aux interventions stimulantes venant des pères qu’à celles
venant des mères (Le Camus, 1995). Une équipe américaine a découvert
18. 161
Le lien père-bébé
que des garçons de 18 à 21 mois manifestaient une « sociabilité à la per-
sonne étrangère » plus sereine, plus élaborée lorsqu’ils se trouvaient en
contexte paternel plutôt qu’en contexte maternel: pour une majorité de
ces garçons le père faisait fonction de rampe de lancement ou comme le
dit Kromelow de « catalyseur de prise de risques » (Kromelow S., Har-
ding C. et Touris M., 1990). On a démontré enfin avec des enfants plus
âgés (3 ans et plus) qu’il existait une corrélation positive entre l’implica-
tion du père dans les soins (y compris les jeux physiques) et, par ailleurs,
la capacité de l’enfant à s’intégrer dans les groupes de pairs, à accepter
les règles et celui qui est chargé de les faire appliquer : on pourra se
reporter aux travaux de Mac Donald et Parke (1984) aux USA, de Bour-
çois (1993) et Ricaud (1998) dans notre équipe toulousaine. Bref, un cer-
tain nombre d’études empiriques étayent la conception du père précoce
comme pont vers les autres, comme tremplin social, comme activateur
(D. Paquette) ; certains diraient plus élégamment comme « passeport
pour la vie » (Michel del Castillo, De père français, 1998).
Le père partenaire dans la communication
Il va de soi que, face au bébé, le langage des mères et des pères présente
des similitudes: même tendance à parler sur une tonalité plus haute, à
faire usage de la répétition, à raccourcir et simplifier les énoncés... mais
par-delà cette communauté, les chercheurs en psycholinguistique ont
mis en évidence des spécificités paternelles. Une étude menée lors du
change effectué en crèche par les parents a établi que le discours des
pères se caractérisait par une utilisation bien plus fréquente du prénom
de l’enfant (lorsque les bébés avaient 3 mois) et par la propension à
anticiper sur le développement psychomoteur (à l’âge de 7 mois): les
pères donnaient ainsi l’impression de se plaire à conforter l’identité du
bébé et à promouvoir celui-ci comme futur partenaire (Pêcheux,
Labrell et Pistorio, 1993). Autre caractéristique du langage des pères
(Ratner, 1987), la tendance à faire usage de termes techniques relevant
d’un lexique plus sophistiqué que celui des mères (exemple souvent
cité : dire « tigre », « panthère », « léopard » plutôt que « gros chat » ou
bien « mercédès », « mégane » plutôt que « voiture »). Troisième particu-
larité relevée par Tomasello, Comti-Ramsden et Ewert (1990), l’inclina-
tion à émettre plus de demandes de reformulation (« quoi »?, « que dis-
tu »?, « je ne comprends pas »), autant de requêtes qui obligent l’enfant à
conventionnaliser son discours, à se rendre compréhensible par d’autres
locuteurs que la mère. Cette série d’exemples de travaux actuels va dans
le sens de l’attribution au père de la fonction de « pont linguistique ».
19. 162
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
Le père tuteur dans les apprentissages cognitifs
Là encore, on peut soutenir que les pères affichent des capacités d’enca-
drement comparables à celles qu’on avait classiquement reconnues aux
mères: les conduites d’étayage des pères (le scaffolding étudié par Bru-
ner) révèlent globalement la même aptitude à faire évoluer le bébé dans
la zone de sensibilité, c’est-à-dire à donner des réponses ajustées au
niveau de l’enfant, des réponses dites « contingentes » (situées dans la
« zone de développement proximal » chère à Vigotsky). Cependant,
comme l’a démontré Labrell (1992) avec des enfants de 18-20 mois
observés dans un jeu d’encastrement, les pères ont tendance à apporter
davantage de stimulation (ils encouragent plus et gratifient moins), à
poser davantage de « défis » (ils sont plus « taquins ») et surtout à laisser
le bébé trouver la solution par lui-même (ils apportent moins d’aides
directes). D’autres travaux (Conner, Knight et Cross, 1997) portent à
penser que les pères sont plus attentifs que les mères à la focalisation de
l’enfant sur la tâche (par exemple: si on lit une histoire, on ne doit pas
se laisser distraire par autre chose) ; les mères montrent plus de tolé-
rance et plus de fantaisie si d’aventure le bébé préfère agrémenter l’acti-
vité de petits jeux périphériques (jugés par les pères comme parasites).
Il est sûr en tout cas que le thème des « interactions de tutelle » se prête
remarquablement à l’étude comparée des duos mère-enfant père-
enfant... et à la différenciation des « styles » maternel et paternel.
Le moment de l’intervention du père
Je ne crois pas davantage souhaitable de soutenir qu’il y a d’abord « un
âge de la mère » pendant lequel le père ne serait pour l’enfant qu’un
« doublet » de la mère. De soutenir que c’est seulement à partir de 18
mois... que le père doit « s’occuper du bébé » et prendre sa place de
parent interactif. Je pense au contraire que le père peut et doit interve-
nir dès le commencement, le plus tôt possible (et donc lors de l’attente
et de l’accueil de l’enfant).
On sait déjà que s’il s’est montré suffisamment présent auprès du
nourrisson depuis la naissance, le père est différencié de la mère dès
l’âge de 2-3 mois : comme l’a soutenu Brazelton (1992), les signes de
cette discrimination par le bébé sont à chercher dans la posture, la
motricité globale, la durée des regards.
On sait aussi que les effets de l’implication du père sont objecti-
vables à partir de 3-4 mois (Klitzing, Simoni, Amsler et Burgin, 1999).
Des preuves de cette influence précoce sont désormais incontestables:
20. 163
Le lien père-bébé
• Dans le jeu à trois mère-père-bébé (la situation du « jeu triadique »
mis au point par Fivaz, à Lausanne), l’enfant est en mesure de parta-
ger les affects de plaisir, de confrontation... avec ses deux parents et
pas uniquement avec sa mère (Fivaz, 1999 – Fivaz et Corboz, 2001).
• Si on compare des enfants de pères tout-venant et des enfants de
pères formés aux activités de soins pendant les 4 semaines qui ont
suivi la naissance, on remarque que lors des interactions observées à
l’âge de 3 mois, les seconds affichent plus de signaux positifs (sourires,
contacts œil-à-œil, vocalises...) et moins de signaux négatifs (compor-
tements d’évitement) que les premiers (Scholz et Samuels, 1992).
On sait enfin et depuis déjà longtemps – grâce à Pedersen, Yogman,
Nugent ... – que l’investissement émotionnel, cognitif et instrumental du
père au cours des premiers mois laisse des traces bénéfiques repérables
lors des observations du développement psychomoteur pratiquées à
partir de l’âge de 6 mois.
Ces études empiriques viennent conforter la thèse soutenue par
Fivaz et par Lamour : la triade mère-père-bébé constitue « l’unité pri-
maire » de la dynamique familiale et c’est en son sein qu’on peut trouver
les conditions les plus favorables à l’émergence du désir et du sentiment
d’être père (les débuts de ce que Lebovici appelait la « parentalisation »
du père) ainsi qu’à la structuration psychique de l’enfant.
Le mécanisme de son action
Je ne crois pas souhaitable enfin de réduire la paternité à « une place
vide instaurée par la mère pour l’enfant » (Julien, 1991), pas souhaitable
non plus d’affirmer que « l’on doit chercher le père dans la mère et pas
ailleurs » ou, encore moins « qu’il faut être économe jusqu’à la parcimo-
nie des interventions directes du père »! (Naouri, 1999). Je pense au
contraire que la médiation de la parole de la mère ne suffit pas et que le
père doit autant que possible s’impliquer directement dans la vie quoti-
dienne du bébé.
Pour être père, il faut être reconnu et accepté par la mère. Il faut que
la mère transmette à l’enfant que lui, l’enfant, n’est pas tout pour elle (il
y a en position tierce une place entre elle et l’enfant, la place de
l’homme que la mère désire). Certes oui. Mais il convient immédiate-
ment d’ajouter – quelques cliniciens commencent à l’affirmer – que pour
être mère, il faut être reconnue et acceptée par le père: c’est le père qui
permet à la femme de devenir pleinement mère, sans quoi elle reste
21. 164
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
« fille-mère », comme on disait jadis quand on voulait parler des mères
célibataires. Les deux conjoints se font parents mutuellement: on par-
lera avec Lamour d’un processus de « parentalisation réciproque ».
Par ailleurs, on doit se faire à l’idée que l’action indirecte du père,
celle qui passe par le soutien émotionnel porté à la mère et celle qui
passe par la parole de la mère, ne saurait être considérée comme suffi-
sante. L’optimum de la fonction du père auprès du bébé se définit aussi
en termes d’engagement direct, dans le face à face et le cœur à cœur, et
il se traduit par un accompagnement concret, par la participation aux
diverses activités de la vie quotidienne. Bref, dans le partage de l’être et
du vivre ensemble.
Résumé
Quelle place pour le père
dans la petite enfance ? Conclusion
Question relativement nou-
velle puisque, sur ce sujet,
Sans qu’ils aient aucunement besoin de contester la validité de l’apport
les premières publications de la psychanalyse à la connaissance du sujet humain, les psychologues
des cliniciens français datent du développement d’aujourd’hui sont sans doute en mesure de contri-
de 1980 et celles de leurs buer à une compréhension plus exhaustive de la dynamique triadique et
collègues psychologues du
à une définition plus précise de la place respective des deux parents et
développement, des années
de l’enfant au cours des premières années de la vie. Pour ce qui est du
1990. Question difficile et
plus que jamais d’actualité, rôle précoce du père, ils peuvent contribuer à la recherche et à la décou-
puisque la controverse verte du chaînon manquant de la théorie psychanalytique classique, à
scientifique sur la fonction savoir l’absence du père pré-œdipien. Je crois fermement que si la psy-
précoce du père bat son
chologie a apporté un éclairage nouveau (on l’a vu ici sur le thème du
plein. Cet article se propose
lien père-enfant mais on pourrait envisager d’autres thèmes), c’est
d’apporter quelques élé-
ments de réponse en exami-
parce qu’elle a donné priorité à l’étude de l’enfant tout venant dans son
nant d’abord et selon une rapport habituel aux parents tout venant alors que la psychiatrie et la
démarche historique le psychanalyse classiques se préoccupaient avant tout de la « fonction » de
thème de l’attachement du la mère et du père, en accordant plus d’attention à l’absence et à la
bébé à son père ; en étudiant
carence qu’à la présence. Ce changement dans les priorités relatives à
ensuite, de façon plus cri-
tique cette fois, le lien du
l’objet de la recherche a entraîné des changements conceptuels et
père à son enfant, ses moda- méthodologiques tout à fait considérables: j’espère en avoir donné un
lités et son importance. Un aperçu dans cet article. Je crois aussi que l’heure est maintenant venue
point de vue de psychologue pour tous les chercheurs d’adopter une vision bifocale (enfant-parent),
du développement qui sur
de confronter sereinement les approches, enfin et surtout de mettre en
plusieurs points peut
route de véritables études transdisciplinaires du type de celles que Serge
rejoindre la position des psy-
chanalystes d’aujourd’hui.
Lebovici a eu le temps de conduire en collaboration avec les équipes de
Lausanne animées par Pierrehumbert (l’attachement) et par Fivaz (le
Mots-clés triangle primaire).
Paternité.
Attachement.
Sentiment paternel.
22. 165
Le lien père-bébé
Références
[1] AINSWORTH M.D.S. : Infancy inUganda: infant care and the growth of attachment, Balti-
more, John Hopkins Press, 1967.
[2] BALLEYGUIER G : Attachement et tempérament chez le jeune enfant, Enfance, 1998 ; 3 :
69-81.
[3] BARROW P. : Le père dans les psychothérapies parent-enfant, Devenir, 2000 ; 12 (2): 9-30.
[4] BELSKY J., ROVINE M. : Temperament and attachment security in the strange situation : an
empirical rapprochment, Child Development, 1987 ; 58: 787-795.
[5] BOURCOIS V. : L’influence du mode d’engagement du père sur le développement affectif
et social du jeune enfant, Thèse de doctorat Nouveau Régime, Université Toulouse le Mirail,
1993.
[6] BOWLBY J. : The nature of the child’s tie to his mother, International Journal of Psychoana-
lysis, 1958 ; 39: 350-373.
[7] BOWLBY J. : Attachement et perte. Vol. 1 : L’attachement (1ère éd. 1969) ; vol. 2 : La sépara-
tion (1re. éd. 1973), Paris, PUF, 1978.
[8] BRAZELTON T., CRAMER B. : Les premiers liens, Paris, Stock, 1991.
[9] BRETHERTON I., RIDEGEWAY D., CASSIDY J. : Assessing internal working models of the
attachment relationship. An attachment story completion task for 3-years-old, in M. GREEN-
BERG, C. CICCHETTI et E. M. CUMMINGS (eds), Attachment during the preschool years, Chi-
Summary
cago, University of Chicago Press, 1990.
What is the place of the father
[10] CLERGET J., CLERGET M.P. (sous la dir.) : Places du père, violence et paternité, Lyon,
PUL, 1992. in infancy ? This issue is a rel-
[11] COHEN L. J., CAMPOS J.J. : Father, mother and srtanger as eicitors of attachment beha- atively new one, since the first
viors in infancy, Developmental Psychology, 1974 ; 10 (1): 146-154. contributions on the topic by
[12] CONNER D.B., KNIGHT D. K., CROSS D.R. : Mother’s and father’s scaffolding of their 2- French speaking clinicians
years-old during problem-solving and literacy interactions, British Journal of Developmental date back from the 80’ and
Psychology, 1997 ; 15: 323-328.
publications by developmen-
[13] COX M.J., OWEN T.M., HENDERSON V. K., MARGAND N.A. : Prediction of infant mother
talist psychologists date back
and infant father attachment, Developmental Psychology, 1992 ; 28: 474-483.
to the 90’. The issue is also a
[14] CRAMER B, PALACIO-ESPASA F. : La pratique des psychothérapies mères-bébés, Paris,
PUF, 1993. difficult one, and a very actual
[15] CUPA D. et al.: L’Attachement, Perspectives actuelles, Paris, Editions E.D.K., 2001. one too, as the controversy
[16] CYRULNIK B. : Sous le signe du lien, Paris, Hachette, 1989. on the early role of father in
[17] DELAISI de PARSEVAL G. : La part du père, Paris, Seuil, 1980. infancy is very alive. The
[18] DOLTO F. : Quand les parents se séparent, Paris, Le Seuil, 1988. paper aims at giving some
[19] DOR J. : Le père et sa fonction en psychanalyse, Paris, Points Hors-Ligne., 1989.
elements of answer to this
[20] DUBEAU D., MOSS E. : La théorie de l’attachement résiste-t-elle au charme des pères ?
question, stating from attach-
Approche comparative des caractéristiques maternelles et paternelles durant la période pré-
ment of the infant towards the
scolaire, Enfance, 1998 ; 3: 82-102.
[21] FELDMAN S. S., INGHAM M. : Attachment behavior : a validation study in two age groups, father. Secondly, the paper
Child Development, 1975 ; 46: 319-330. envisions the bond between
[22] FIVAZ E. : Le bébé et ses parents communient à trois dès la première année de la vie, father and infant, its place
p. 65-72. in Devenir père, devenir mère, M. Dugnat (éd), Ramonville St Agne, Eres, 1999. and modalities, if on a more
[23] FIVAZ E., CORBOZ A. : Le triangle primaire, Paris, O. Jacob, 2001. critical point of view. Finally,
[24] FOX N.A., KIMMERLY M. L., SCHAFER W. D. : Attachment to mother/attachment to father :
the position of a developmen-
a meta-analysis, Child Development, 1991 ; 62: 210-225.
tal psychologist may join on
[25] FRAISSE G. : Gouvernement de la famille, gouvernement de la cité, Revue de philosophie
several issues the one of
et de sciences sociales, 2001 ; 2: 169-182.
[26] GROSSMANN K.E., GROSSMANN K., HUBER F., WARTNER U. : German children’s today’s psychoanalysts.
towards their mothers at 12 months and their fathers at 18 months in Ainsworth’s strange
situation, International Journal of Behavioral Development, 1981 ; 4: 157-181. Key words
Fatherhood.
Attachment.
Paternal feeling.
23. 166
Devenir, volume 14 , numéro 2 , 2002, pp. 145-167
[27] GROSSMANN K.E., GROSSMANN K. : Développement de l’attachement et adaptation
psychologique du berceau au tombeau, Enfance, 1998 ; 3: 44-68.
[28] JULIEN P. : Le manteau de Noé. Essai sur la paternité, Paris, Desclée de Brouwer, 1991.
[29] KARMANIOLA A. :. Les représentations d’attachement chez l’enfant et chez l’adulte, Thèse
de doctorat soutenue à l’Université de Lausanne, 2002.
[30] KLITZING (von) K., SIMONI H., AMSLER F et al.: The role of the father in early family inter-
actions, Infant Mental Health Journal, 1999 ; 20: 222-237.
[31] KROMELOW S., HARDING C., TOURIS M. : The role of the father in the development of
stranger sociability during the second year, American Journal Orthopsychiatry, 1990; 60: 521-530.
[32] KRUPER J.C., UZGIRIS I.C. : Father and mother speech to young infants, Journal of Psy-
cholinguistic Research, 1987 ; 16: 597-615.
[33] LABRELL F. : Contributions paternelles au développement cognitif de l’enfant dans la
deuxième année, Thèse de doctorat Nouveau Régime, Université Paris V, 1992.
[34] LACAN J. : Les complexes familiaux dans la formation de l’individu, (1re éd. 1938), Paris,
Navarin, 1984.
[35] LAMB M.E. : The development of mother-infant and father-infant attachments in the
second year of life, Delopmental Psychology, 1977 ; 13 (6): 637-648.
[36] LAMB M.E., FRODI M., HWANG C. P., FRODI A. N. : Effects of parental involvement on
infant preferences for mothers and fathers, Child Development, 1983 ; 54: 450-458.
[37] LAMOUR M. : Paternalité et interactions familiales père-mère-nourrisson, thèse de docto-
rat d’Etat, Université R. Descartes, Paris V, 2000.
[38] LEBOVICI S. : Le nourrisson, la mère et le psychanalyste, Paris, Le Centurion, 1983.
[39] LE CAMUS J. : L’Attachement : une théorie à redécouvrir et à parachever, Psychiatrie de
l’enfant,1994 ; 37 (2): 13-27.
[40] LE CAMUS J. : Les interactions père-enfant en milieu aquatique, Revue internationale de
pédiatrie, 1995 ; 255: 7-17.
[41] LE CAMUS J. : N° spécial de la revue Enfance : Le père et le jeune enfant, 1997 ; 3: 325-441.
[42] LE CAMUS J., ZAOUCHE-GAUDRON C. : La présence du père auprès du jeune enfant :
de l’implication accrue à l’implication congrue, Psychiatrie de l’enfant, 1998 ; 41 (1): 297-319.
[43] LE CAMUS J. : Le vrai rôle du père, Paris, O. Jacob, 2000.
[44] LESTER B.M., KOTELCHUCK M., SPELKE E., SELLERS M.J., KLEIN R.E. : Separation
protest in Guatemalan infants : cross-cultural and cognitive findings, Developmental Psycho-
logy, 1974 ; 10 (1): 79-85.
[45] MAC DONALD K., PARKE R.D. : Bridging the gap : parent-child interaction and peer inter-
active competence, Child Developement, 1984 ; 55: 1265-1277.
[46] MAIN M., WESTON D.R. : The quality of the toddler’s relationship to mother and to father :
related to conflict behavior and the readiness to establish new relationships, Child Develop-
ment, 1981 ; 52: 932-940.
[47] MAIN M., GOLDWYN R. : Unpublished Attachment Adult Interview scoring and classifica-
tion manual, Department of Psychology, University of California, Berkeley, 1985.
[48] MAIN, M. : De l’attachement à la psychopathologie, Enfance, 1998 ; 3: 13-27.
[49] MAHLER M., PINE F., BERGMAN A. : La naissance psychologique de l’être humain, Tra-
duction française, Paris, Payot, Science de l’Homme, 1980, 1975.
[50] MARCOS H. : Mother-child and father-child communication in the second year : a functio-
nal approach, Early Development and Parenting, 1995 ; 2: 49-61.
[51] MILJKOVITCH de HEREDIA R., PIERREHUMBERT B., TURGANTI G., HALFON O. : La
contribution distincte du père et de la mère dans la construction des représentations d’atta-
chement du jeune enfant, Enfance, 1998 ; 3: 82-102.
[52] MULDWORF B. : Le métier de père, Paris, Casterman, 1972.
[53] NAOURI A. : L’enfant bien portant, Paris, Le Seuil, 1993.
24. 167
Le lien père-bébé
[54] NAOURI A. : Le couple et l’enfant, Paris, O. Jacob, 1995.
[55] NAOURI A. : Papa, Maman... chez le pédiatre, Le Journal des Psychologues, 1999 ; 169:
39-41.
[56] NEYRAND G. : L’enfant, la mère et la question du père, Paris, PUF, 2000.
[57] PECHEUX M.G., LABRELL F., PISTORIO M. : (1993).What do parents talk about to
infants ?, Early Development and Parenting, 1993 ; 2: 89-97.
[58] PIERREHUMBERT B. : Qui chassera les fantômes de la chambre d’enfants ?. in: L’attache-
ment. Perspectives actuelles (pp. 31-46), Paris, Editions E.D.K, 2001.
[59] POROT M. : L’enfant et les relations familiales, Paris, PUF, 1954.
[60] RATNER N.B. : Patterns of parental vocabulary in speech to very young children, Journal
of child language, 1988 ; 481-492.
[61] RICAUD H. : Education familiale et socialisation du jeune enfant, thèse de doctorat Nou-
veau Régime, Université Toulouse le Mirail, 1998.
[62] ROSS G., KAGAN J., ZELAZO P., KOTELCHUCK M. : Separation protest in home and
laboratory, Developmental Psychology, 1975 ; 11 (2): 256-257.
[63] SCHAFFER R., EMERSON P.E. : The development of social attachment in infancy, Mono-
graphs of the Society for Research in Child Development, n° 29, 1964.
[64] SCHOLZ K., SAMUELS C.A. : Neonatal and bathing intervention with fathers, behavioral
effects 12 weeks after birth of the first baby : the Sunraysia Australia Project, International Jour-
nal of Behavioral Development, 1992 ; 15: 67-81.
[65] STEELE H., STEELE M., FONAGY P. : Associations among attachment classification of
mother’s and father’s and their infants. Child Development, 1996 ; 67: 541-555.
[66] STERN D. : La constellation maternelle. Paris, Calmann-Lévy (1re éd. 1995, The mothe-
rhood constellation, New-York, Basic Book), 1998.
[67] SUESS G.S., GROSSMANN K.E., SROUFE L.A. : Effects of infant attachment to mother
and father on quality of adaptation in preschool : from dyadic to individual organization of self,
International Journal of Behavioral Develoment, 1992 ; 15: 43-65.
[68] THIS B. : Le père: acte de naissance, Paris, Seuil, 1980.
[69] TOMASELLO M., COMTI-RAMSDEM G, EVERT B. : Young children’s conversations with
their mothers and fathers : differences in breakdown and repair, Journal of child language,
1990 ; 17: 115-130.
[70] VAN IJZENDOORN M.H., DE WOLFF M.S. : In search of the absent father- Meta-analysis of
infant-father attachment : a rejoinder to our discussants, Child Development, 1997 ; 68: 604-609.
[71] VOLLING B.L., BELSKY J. et al.: Infant, father and marital antecedents of infant attach-
ment security in dual-earner and single-earner families, International Journal of Behavioral
Development, 1992 ; 15: 83-100.
[72] ZAOUCHE-GAUDRON C. : Analyse des processus de subjectivation et de sexuation au
travers de la relation père-bébé, thèse de doctorat Nouveau Régime, Université Toulouse le
Mirail, 1995.