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Master 2 SMEA-ESS
       Stratégie et Management des Entreprises Associatives de l’ESS




                                         Titre



                  Associations et médias sociaux :
 Relation de complémentarité ou de substituabilité ?




                                                    Mémoire présenté et soutenu par
                                                    Jean-Luc GADIOUX


Directeur de mémoire :
Jean-Luc RAYMOND
Chargé de cours Universités
CELSA Paris Sorbonne, Paris Est - Marne-La-Vallée




                                                    Promo 2011-2012
                                                    Octobre 2012
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire       J-Luc GADIOUX




« Les opinions exprimées dans ce mémoire sont celles de l’auteur et ne sauraient en aucun cas engager le
directeur de mémoire ou l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée »



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Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire      J-Luc GADIOUX




                                             PREAMBULE


Dans le contexte de mon activité salariale, et compte tenu de mes intérêts pour le mouvement
de l’Education populaire, ce mémoire représente pour moi un support à visée pédagogique. Il
apporte un sens supplémentaire à ma démarche professionnelle et représente une opportunité
de nourrir ma réflexion dans ce domaine.


Parcours de vie de l’auteur du mémoire


L'aspect collectif a toujours joué un rôle important dans ma vie. Je suis le cadet d’une famille
de sept enfants, j'ai joué au rugby, j'ai passé mes vacances d'enfant et d'adolescent en
collectivité dans les centres de loisirs et de vacances. Dans ma vie professionnelle, j'ai été
impliqué dans le travail en équipe dans chaque fonction que j’ai pu occuper. Ma carrière
commence par une succession de postes de cuisinier au sein de brigades en restauration
traditionnelle. J'ai effectué mon service militaire en tant que Marin Pompier. J'ai ensuite
dirigé des équipes de restauration et des structures de tourisme social.
Je suis actuellement responsable du service vie associative de la Fédération de la Ligue de
l’Enseignement de la Dordogne. Une de mes principales missions est d’accompagner les
bénévoles dans la mise en œuvre de leur projet collectif associatif.
Je peux donc affirmer que le lien social fait sens pour moi, et c’est naturellement que je me
suis intéressé au phénomène des réseaux sociaux numériques.




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Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire        J-Luc GADIOUX


                                        REMERCIEMENTS
Je souhaite ici adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m'ont apporté
leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de ce travail ainsi qu’à la réussite de cette
formation.

Je tiens à remercier sincèrement Jean-Luc Raymond, Chargé de cours à l’Universités CELSA
Paris Sorbonne, Paris Est - Marne-La-Vallée, qui, en tant que Directeur de mémoire, s'est
toujours montré à l'écoute et disponible tout au long de la réalisation de ce mémoire, ainsi que
pour l'inspiration, l'aide et le temps qu'il a bien voulu me consacrer.

J'exprime ma plus grande gratitude aux chercheurs et personnalités, Laurence Allard,
Dominique Cardon, Bastien Sibille, et François Meynier, qui ont accepté de répondre à mes
questions avec une grande compréhension et générosité.

Mes remerciements s’adressent également à mes amis et collègues, Claire Largarde, Delphine
Martin, Jean-Luc Sanvicens et Gilles Le Page, qui ont gentiment pris sur leur temps pour
relire mon mémoire, et à tous ceux qui, par leurs réflexions et leur aide ponctuelle, ont
participé à la réalisation de cette tâche.

Je tiens à exprimer ma reconnaissance à mon employeur, représenté par Renée Simon,
présidente de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, et Jean-Luc Sanvicens, secrétaire
général de la fédération, pour m’avoir permis de suivre cette formation dans les meilleurs
conditions, ainsi qu’à mes collègues qui ont su s’adapter et combler mes absences régulières
lors de ces deux années.

Je n'oublie pas mon épouse Lydie et ma fille Blandine, qui m'ont toujours soutenu et
encouragé au cours de cette formation et de la réalisation de ce mémoire.

Enfin, même si je ne le connais pas personnellement, je souhaite ici remercier Monsieur
Michel Beaud, pour son livre « L’art de la thèse, comment préparer et rédiger un mémoire de
master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l’ère du net »1, qui m’a
beaucoup aidé dans la structuration de ma recherche et la méthodologie de travail.

Merci à toutes et à tous.

1
 Michel BEAUD.- L’art de la thèse, comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat
ou tout autre travail universitaire à l’ère du net.- Edition La Découverte, Paris, 2006. 202 pages.


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                                                TABLE DES MATIERES


PREAMBULE ............................................................................................................................ 3
REMERCIEMENTS .................................................................................................................. 4
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 7
1.     LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, NOUVELLES FORMES D’ASSOCIATIONS ?
        .......................................................................................................................................... 11
     1.1.     Peut-on caractériser l’engagement associatif traditionnel ? ...................................... 11
       1.1.1.        Eléments historiques et contextuels ................................................................... 11
       1.1.2.        Les raisons d’agir ............................................................................................... 12
       1.1.3.        Les évolutions de l’engagement ......................................................................... 16
       1.1.4.        Eléments de synthèse ......................................................................................... 18
     1.2.     Les mobilisations sur les médias sociaux en ligne : nouvelle forme d’engagement ? ..
              ................................................................................................................................... 19
       1.2.1.        L’exemple du « Bad Buzz » des supermarchés CORA...................................... 20
       1.2.2.        L'impact des médias sociaux pendant le printemps arabe .................................. 21
       1.2.3.        Un compte Twitter fermé grâce à la mobilisation sur Internet........................... 22
       1.2.4.        Le mouvement des « Indignés » ......................................................................... 23
     1.3.     Medias sociaux en ligne : risque ou opportunité pour le monde associatif ? ............ 24
       1.3.1.        Médias sociaux : risque de substitutions ? ......................................................... 24
       1.3.2.        Médias sociaux en ligne : une opportunité à saisir ? .......................................... 27
2.     LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE,                                              OUTILS AU SERVICE DU MONDE
ASSOCIATIF ? ........................................................................................................................ 31
     2.1.     Les médias sociaux comme support du fait associatif ? ............................................ 31
       2.1.1.        La notion de capital social appliquée à une association. .................................... 31
       2.1.2.        Les médias sociaux numériques : la force des liens faibles ............................... 33
     2.2.     L’exemple du compte Twitter du centre de ressources départemental de la vie
     associative de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne. ................................................ 36
       2.2.1.        Objet de l’étude et données statistiques ............................................................. 37
       2.2.2.        Méthodologie ..................................................................................................... 38
       2.2.3.        Eléments d’analyse ............................................................................................. 41
       2.2.4.        Twitter comme outil de veille ............................................................................ 43



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     2.3.      Impact des médias sociaux en ligne sur la fréquentation des sites Internet .............. 43
        2.3.1.       L’exemple du site Internet de la Ligue 24 .......................................................... 46
        2.3.2.       Le référencement devient « social » ................................................................... 47
3.      QUELS OUTILS POUR QUEL PROJET ? .................................................................... 49
     3.1.      Existe-t-il un risque pour les associations à utiliser un outil commercial de type
     Facebook ? Est-ce compatible avec les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire ? ........ 49
     3.2.      Associations et logiciels libres : des valeurs à partager ? .......................................... 51
     3.3.      Oxwall, Elgg, Diaspora, des alternatives à Facebook ? ............................................. 53
        3.3.1.       Le projet Diaspora .............................................................................................. 54
     3.4.      La Ligue de l’enseignement doit-elle disposer de son propre média social EN
     LIGNE ? ............................................................................................................................... 58
CONCLUSION ........................................................................................................................ 62
     conditions de réussite et perspectives ................................................................................... 64
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 67
SITES INTERNET VISITES ................................................................................................... 72
COMPTES TWITTER SUIVIS ............................................................................................... 73
TABLE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES ...................................................................... 74
TABLE DES ANNEXES ......................................................................................................... 75




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                                            INTRODUCTION


La Fédération Française du bénévolat et de la Vie associative, dans un article publié sur son
site Internet en date du 17 novembre 20112, évoque une crise du bénévolat en ces termes :
« Le désintéressement solidaire est en passe de voler en éclat. Il est inutile de faire l'autruche,
la crise du bénévolat n'est pas un vain mot. Les associations peinent à recruter de nouveaux
bénévoles et surtout, à conserver ceux qui jusqu'à présent, donnaient du temps et de l'énergie
pour les autres. »


Paradoxalement, la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA), dans un
document3, publié en mars 2012, indique que « le bénévolat est en plein essor et les Français
de plus en plus nombreux à souhaiter s’engager : sa croissance en volume4 est de l’ordre de 4
% par an », complétant cette analyse par quelques chiffres clé : 1,3 millions d'associations, 16
millions de bénévoles, soit plus de 32% de la population adulte, 23 millions de Français
adhérents d'une association.


Par ailleurs, en parallèle, Isabelle Compiègne, dans son livre « La société numérique en
question(s) », parlant « des nouveaux dispositifs de communication et leur diversification » et
du phénomène de « connexion continue », dit « qu’elle entraine un morcèlement de l'activité
et une dispersion des engagements avec le danger que cela nuise finalement à la profondeur
de l'investissement dans la relation. »


Un exemple tiré d’une enquête réalisée par Harris Interactive5 sur Facebook illustre
l’engouement des français pour de ces nouveaux dispositifs de communication :


La France compte plus de 16 millions de « fans » actifs sur Facebook.
Fin 2011, 80% des utilisateurs de Facebook sont membres d’au moins une page fan, qu’il
s’agisse de la page Facebook d’une marque, d’une entreprise, d’une association, d’un

2
    http://www.benevolat.org/news/193-pour-stopper-la-crise-du-benevolat-un-projet-de-loi-enfin.html
3
  CPCA. Intitulé « Repère sur les associations en France », le document propose une photographie de la
dynamique associative française. Mars 2012. http://associations.laligue.org/media/transfer/doc/p_o_t_o_2.pdf
4
    Mesuré à partir du nombre annuel d’heures de travail bénévole dans les associations
5
  Enquête réalisée en ligne par l’institut Harris Interactive en novembre et décembre 2011. Echantillon total de
3 000 individus représentatifs de la population des internautes français âgés de 15 ans et plus, à partir de l’access
panel Harris Interactive. http://www.harrisinteractive.fr/news/2012/09012012.asp


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personnage public… Et 80% de ces fans sont « actifs » au sens où ils suivent les publications
des pages dont ils sont membres.
Parmi les catégories de pages Facebook les plus plébiscitées par les « fans » français, on
retrouve en 3ème position, celles d’organismes et d’associations à but non lucratif.


Facebook, Twitter, LinkedIn, Google+… Les réseaux sociaux numériques sont de plus en
plus fréquentés. Depuis cinq ans, ils connaissent un développement sans précédent auprès de
publics très divers.
L’année 2010 a été marquée, selon une étude de l’IFOP (Observatoire des réseaux sociaux)6,
par une expansion importante de ces sites de socialisation, dont se sont emparées les grandes
marques commerciales, qui bouleversent les modes de communication de notre société. Ils
représentent toutefois certains risques pour leurs utilisateurs. Les « sociaux-internautes »
rendent publiques des informations sur eux-mêmes ou leurs amis (contacts personnels ou
professionnels, photos, convictions religieuses, préférences sexuelles). Ces informations
peuvent être par la suite utilisées à des fins malveillantes ou discriminatoires.


L’année 2011 voit émerger des mouvements de mobilisation citoyenne dans lesquels les
réseaux sociaux numériques jouent un rôle important, notamment “en créant de nouveaux
liens de solidarité et de sociabilité entre ceux qui informent et ceux qui reçoivent
l'information pour contourner la censure et informer en continu et en direct des évènements”
7
    : le "printemps arabe" en a été le révélateur.


Plus près de nous, la mobilisation d’une fraction de la population espagnole, se désignant eux-
mêmes « les indignés », sur les places des villes, ainsi que celle de comités de citoyens en
Italie, coordonnés par le Forum Italien des Mouvements pour l'Eau Publique, afin qu'ils
participent aux référendums populaires, l'illustre également.


Avec les médias sociaux, les modalités traditionnelles de mobilisation prennent "un coup de
vieux" : le syndicalisme, le multipartisme, les manifestations, voire la représentation par


6
  IFOP : Observatoire des réseaux sociaux : http://www.slideshare.net/azizhaddad/ifop-observatoire-rseaux-
sociaux-janvier-2010
7
  Rita Chemaly. Les réseaux numériques au service des intifadas arabes . Table ronde du 20 avril 2011, Institut
des sciences politiques, université Saint Joseph : http://ritachemaly.files.wordpress.com/2011/04/table-ronde-isp-
intifadas-arabes-et-ntic-par-rita-chemaly.pdf


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l'élection... S’ils ne se substituent pas à ces modalités traditionnelles, les médias sociaux
jouent le rôle de catalyseurs pour des mobilisations et des actions collectives. Par la gratuité,
la rapidité et la facilité de leurs services, ils aident à organiser des actions collectives. Les
"flash-mobs"8, l'agora des "chats"9 et des "tweets"10, constituent de « nouvelles » modalités de
communication : des nouveaux espaces d'expression et de mobilisation peu ou pas régulés.


Ces premiers éléments contextuels identifiés, ces questions peuvent être posées : les
mobilisations sur les médias sociaux en ligne11, peuvent-elles venir se substituer, mêmes
partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus traditionnelles ? Ou peuvent-elles
être complémentaires, voire venir renforcer la mobilisation associative ?
Si les médias sociaux en ligne peuvent être des outils au service du fait associatif, l’utilisation
de médias de type Facebook, dont le modèle économique est capitaliste, est-elle en cohérence
avec les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire et de l’Education populaire ?


Ce mémoire de fin d’études de Master « Stratégie et Management des Entreprises
Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire » a pour thème les médias sociaux en ligne et
leurs interactions possibles avec les réseaux sociaux physiques et plus particulièrement les
associations.


Pour répondre aux questions préalablement posées, nous définirons dans un premier temps ce
qui caractérise l’engagement associatif. Puis nous étudierons les possibilités de substitution de
l’engagement militant traditionnel par les médias sociaux.


Dans un deuxième temps, nous nous efforcerons de montrer en quoi les médias sociaux
peuvent être des outils de renforcement de son propre réseau militant et comment ceux-ci
peuvent          permettre        d'élargir       la     diffusion        du      projet          politique    d'un


8
  Un "flash-mob", ou encore mobilisation éclair, est le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu
public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. Le rassemblement
étant généralement organisé au moyen d’Internet, les participants ne se connaissent pas pour la plupart.
9
 Chat : ce terme correspond à la possibilité de discuter en ligne sur internet en temps réel avec une ou plusieurs
personnes. Contrairement au logiciel de messagerie, le chat permet à l'interlocuteur de prendre instantanément
connaissance du contenu du message au moment même où ce dernier est écrit. www.cnil.fr/index.php
10
     Tweet : message limités à 140 caractères diffusé sur le logiciel de microblogging Twitter.
11
  Les médias sociaux en ligne désignent un ensemble de services permettant de développer des conversations et
des interactions sociales sur internet ou en situation de mobilité.


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mouvement d'Éducation Populaire auprès d'associations ou de militants plus éloignés. Il
s'agira ici de vérifier si la théorie de Marck Granovetter12 sur "La force des liens faibles" peut
être appliquée aux médias sociaux.


Dans un troisième temps, sera posée la question de l'adéquation du ou des médias sociaux
choisis avec les valeurs de l'Education Populaire. Il s’agira, dans cette partie, de s’interroger
sur les médias sociaux les plus adaptés aux valeurs de l'Éducation Populaire, au risque de se
priver de l’audience des médias que sont les entreprises et marques Facebook, Twitter,
Google +, et des liens éventuels entre le monde du Logiciels Libres et celui de l’Education
Populaire.


Le travail effectué dans ce document s’appuie sur des interviews de chercheurs et de
personnalités dont les travaux sont connexes à la thématique de ce mémoire. Il prend
également appui sur des enquêtes réalisées par des organismes extérieurs sur l’engagement
associatif et sur les médias sociaux. Enfin, une partie sera consacrée à l’étude et l’analyse
d’un compte Twitter associatif et sur l’impact des médias sur la fréquentation de sites Internet
associatifs.


Pour réaliser ce mémoire, nous mobiliserons principalement les champs disciplinaires des
sciences de l’information et de la communication et de la sociologie, notamment la sociologie
des réseaux.




12
  Mark Granovetter, né en 1943, est professeur de sociologie à l'Université Stanford. C'est l'un des principaux
acteurs du renouveau de la sociologie économique.


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                         1. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE,
                       NOUVELLES FORMES D’ASSOCIATIONS ?


Afin d’évaluer le risque de substitution, même partiel, de l’engagement associatif traditionnel
par l’engagement sur les médias sociaux, nous allons, dans une première partie de ce chapitre,
tenter de clarifier ce qui caractérise l’engagement associatif bénévole traditionnel.
Puis, nous nous intéresserons aux nouvelles modalités d’engagement pouvant être mises en
œuvre à travers les médias sociaux.
Enfin, nous nous interrogerons sur les risques et sur les opportunités que peuvent représenter
les médias sociaux pour le monde associatif.


1.1.    PEUT-ON CARACTERISER L’ENGAGEMENT ASSOCIATIF TRADITIONNEL ?

        1.1.1. Eléments historiques et contextuels


En France, la notion d’engagement a été fortement liée à l’action partisane et au militantisme
politique. On a longtemps considéré que l’engagement « noble », l’engagement par excellence
était l’engagement politique, suivi de l’engagement syndical. Les autres formes d’engagement
(associatif et/ou bénévole) étaient souvent dévalorisées. Ce n’est que récemment que les
chercheurs (notamment les sociologues) ont inclus l’engagement bénévole et associatif dans
l’étude des formes de participation au débat public.13


Les crises qui ont affecté, depuis une trentaine d'années un modèle militant construit dans
l'action politique et syndicale, essentiellement marqué à gauche, ont retenti sur l'engagement
associatif. Celui-ci a, dans certains cas, connu une évolution parallèle, le militant laissant
progressivement la place à l’usager, dans une logique de consommation d’activité et non
d’engagement militant sur des valeurs partagées. Dans d'autres, il s'est affirmé comme une
modalité substitutive de l'engagement politique.


Selon le discours dominant relayé par les médias, le bénévolat serait en crise, notamment au
niveau de la jeunesse. C'est aussi le sens commun et la perception des intéressés eux-mêmes.


13
  L'engagement contemporain : Les raisons d'agir et le sens des mutations
Note de problématique élaborée par Catherine LENZI, sociologue, chercheuse associée au laboratoire
Printemps/CNRS, responsable du pôle enseignement supérieur, recherche et international à l’IREIS Rhône-Alpes



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Lors d’une intervention aux Journées d’Etudes des Responsables Fédéraux (JERF) de la
Ligue de l’Enseignement en février 2012, Viviane Tchernonog (chargée de recherche au
CNRS), nous dit :
« Il n’y a pas de crise du bénévolat. Le travail bénévole connaît, au contraire, un rythme de
croissance tout à fait considérable. Les différents travaux qui sont conduits auprès des
associations permettent de conclure que le bénévolat est en plein essor.
Les dernières données nous permettent d’affirmer aujourd’hui que 32 % des français âgés de
plus de 18 ans ont une activité bénévole, ce qui nous fait à peu près 16 millions de bénévoles.
Pour autant, le travail bénévole connaît un certain nombre de difficultés, notamment dans le
renouvellement de ses responsables, qui explique les discours tenus sur la crise du
bénévolat. »


Ces quelques éléments historiques et contextuels, nous conduisent à nous intéresser aux
modalités qui poussent les individus à s’engager dans une association.


            1.1.2. Les raisons d’agir


Au travers du lien d’association, l’individu s’inscrit dans le collectif par une relation
volontaire, libre et pour un temps donné. Il développe des relations informelles, multiples,
basées sur la multiplication des expériences. C’est une sorte de mise en réseau perpétuelle
dans laquelle la relation prime sur le cadre dans lequel elle s’exerce. En agissant ainsi,
l’individu s’affranchit de ses appartenances (familiales, sociales, professionnelles) pour
devenir un « individu pluriel », résultat d’expériences forgées tout au long de cette
socialisation élargie. Il s’inscrit en fait dans un lien d’association et ce dans le sens où ses
relations aux autres sont volontaires, libres et conçues dans un rapport égalitaire.14
Ce lien d’association est présent dans notre vie de tous les jours, par les relations que nous
nouons entre nous, « groupements de fait, groupements informels ». Ainsi le fait associatif est
visible bien au-delà du phénomène de l’association déclarée, contractualisée : l’association de
fait est aussi une réalité du lien social. Association de fait et association déclarée ne sont pas à
opposer, l’une et l’autre s’inscrivent avant tout dans une approche renouvelée du lien social
par le lien d’association.



14
     SUE Roger. - Renouer le lien social. Liberté, égalité, association.- Éditions Odile Jacob. - 2001



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Dans son intervention lors des Journées d’Etudes des Responsables Fédéraux (JERF) de la
Ligue de l’enseignement (février 2012), Catherine Lenzi15, nous propose de rendre lisibles les
raisons qui motivent et orientent les conduites des individus qui, si elles ne sont pas forcément
liées à la thèse utilitariste, ne sont pas pour autant des « actes gratuits », c’est-à-dire non
motivés.
Pour Catherine Lenzi, le sens de l’acte d’engagement renvoie moins à la notion d’intérêt – au
sens d’un calcul stratégique et rationnel – qu’à celle d’illusio, théorisée par Pierre Bourdieu :
« L’illusio, c’est le fait d’être pris au jeu, d’être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la
chandelle, ou, pour dire les choses simplement, que ça vaut la peine de jouer. »16
Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine Nicourd, à partir d’une analyse des processus
d’engagement observés dans des associations de solidarité, ont montré que l’intensité des
engagements dépendait de la façon dont les organisations répondent aux attentes des militants
sur quatre registres : « l’utilité sociale, le sens de l’engagement pour la trajectoire
personnelle, le plaisir apporté par une sociabilité et un statut satisfaisant, la légitimité de
l’engagement au regard des normes sociales dominantes »17.


Un rapport de recherche, "Intérêts d'être bénévole"18, vient compléter l’analyse de Bénédicte
Havard-Duclos et Sandrine Nicourd.
L’objectif essentiel de cette recherche concerne moins le bénévolat en tant que tel, que
l’analyse des incidences positives, ou éventuellement négatives, pour le sujet de la pratique
d’une activité bénévole régulière au sein d'une association. Cette recherche a été réalisée
auprès de cinquante huit bénévoles à partir d’entretiens non directifs sur leur parcours
initiatique de formation et de construction de savoirs, à partir d’un échantillon raisonné.
L’analyse des entretiens est réalisée avec le logiciel d’analyse de données textuelles Alceste
dont la méthodologie vise à découvrir l’information essentielle contenue dans un texte.
Les résultats de cette recherche, illustrés par le schéma suivant (Figure 1), montrent ceci :




15
  Catherine LENZI : Sociologue, chercheur associé au laboratoire Printemps/CNRS Université de Versailles
Saint-Quentin-en-Yvelines
16
     Pierre BOURDIEU, « Un acte désintéressé est-il possible ? », Raisons pratiques, Paris, Seuil, 1994, p. 151
17
  Bénédicte HAVARD DUCLOS, Sandrine NICOURD.- Pourquoi s'engager ? : Bénévoles et militants dans les
associations de solidarité.- PAYOT, 2005, 224 p. Page 194
18
  Recherche réalisée en 2010 par le laboratoire Cerlis/CNRS de l'Université Paris Descartes sur commande du
Crédit Mutuel et de la Fonda. http://www.cnrs.fr/inshs/recherche/docs-vie-labos/interet-etre-benevole.pdf


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Classe 1 : Animer, assurer des responsabilités et acquérir des compétences
Pour 19% des bénévoles interrogés, l’engagement dans une association est souvent en
concordance avec une finalité professionnelle. Le fait de s’appuyer sur les ressources de
l’institution associative, de prendre des responsabilités sont des moyens d’acquérir une
reconnaissance sociale. Le bénévolat permet d’enrichir ses expériences, de développer des
aptitudes, d’acquérir des compétences. Il pousse à prendre des responsabilités et des
initiatives. Ces discours mettent l'accent et valorisent tout particulièrement le réinvestissement
professionnel et la reconnaissance sociale, voire une perspective d’emploi ou une promotion.


Classe 2 : Projet de développement personnel
Pour 15% des bénévoles interrogés, l’engagement bénévole est un moyen d’utiliser des
missions associatives non seulement pour acquérir des compétences selon un projet personnel,
voire un tremplin vers l’emploi, mais aussi pour s'épanouir tout en occupant son temps libre.
Chez les plus jeunes, on s’investit pleinement dans des missions jugées intéressantes et utiles
si le projet permet de développer des compétences et laisse une grande part aux initiatives
individuelles. C’est un engagement bénévole dont l’utilité est positive pour la société mais
tout autant pour l’individu lui-même. La satisfaction personnelle vient en partie du don à
l'autre. Altruisme teinté d'individualisme donc, où se côtoient motivations pour l’autre et
motivations pour soi.


Classe 3 : Contraintes et environnement familial
Pour 29% des bénévoles interrogés, il apparaît nettement qu’une des motivations principales
déclarées est l'aspiration à rencontrer des personnes, établir des contacts et rendre service.


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Mais en même temps cet engagement est contraignant, surtout pour l’environnement familial
qui en supporte les conséquences. Milieu familial qui est pourtant souvent à l'origine de ces
engagements selon différentes traditions.


Classe 4 : Individu et liens sociaux
Pour 37% des bénévoles interrogés, le désir de se faire des amis et la recherche
d’épanouissement est assez prégnant, c’est aussi une façon de lutter contre le risque de repli
sur soi. Souhaiter rencontrer des personnes ayant les mêmes préoccupations, se faire des amis,
partager des moments conviviaux et festifs à l’issue des moments forts vécus ensemble sont
aussi des motifs de satisfaction garants d’un engagement durable.


Une deuxième analyse des contenus des entretiens vient renforcer et compléter les items
d'informations significatifs déjà repérés et quantifiés par le logiciel Alceste. Trois grands
thèmes majeurs et transversaux à pratiquement tous les discours qui recoupent en partie et
affinent l'analyse précédente, se détachent :


     Le plaisir de se réaliser : L’engagement bénévole apparaît d’abord comme lié à un
        loisir particulier par lequel nous pouvons tout à la fois nous connaître et « nous
        produire ». Il correspond à un projet d’activité où le plaisir est synonyme de réalisation
        de soi. En un sens, on est passé d’un engagement militant à une logique
        d’épanouissement personnel, ou en tout cas à une inversion des motivations.


     Acquérir des compétences : S’il est difficile de considérer l’engagement bénévole
        comme un «travail» au sens d’une activité contractuelle, subordonnée et rémunérée,
        tous les bénévoles interrogés affirment en retirer des avantages par l’acquisition de
        nouvelles compétences. Ces compétences pouvant précisément faire l’objet d’un
        transfert dans le monde du travail. Par sa posture, le bénévole acquiert
        progressivement plus de confiance en soi et une capacité à se distancier. L’expérience
        bénévole facilite les acquis de compétences empathiques comme la capacité de mieux
        comprendre les autres, de motiver les gens rencontrés.


     Affiliation & lien social : Le besoin d’appartenance à un groupe, d’échange et de
        reconnaissance est très fort, surtout quand nous nous sentons isolé. Le désir de se faire
        des amis est assez prégnant. A la différence du lien social qui se construit directement


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          dans le rapport aux autres, la reliance est la représentation de son engagement à travers
          le groupe, le collectif, l’association. Nous nous lions individuellement et nous sommes
          relié par le collectif, par le sentiment d’une appartenance commune. C’est aussi un
          moyen de sortir des contraintes familiales et professionnelles tout en permettant de
          rencontrer d’autres personnes et d’apprendre autre chose.


Si les raisons de s’investir dans le bénévolat associatif se traduisent principalement par le
plaisir de se réaliser, par l’acquisition de nouvelles compétences susceptibles d’être
transposées dans la vie professionnelle et par le désir de lien social, cet engagement associatif
subit-il des mutations ? Des évolutions ?


          1.1.3. Les évolutions de l’engagement


Si on entend derrière le terme engagement, l’engagement partisan ou politique, il ne fait donc
pas l’ombre d’un doute que les individus aujourd’hui ne se reconnaissent plus dans ces modes
de participation collective qu’ils perçoivent comme sacrificielle et en désaccord profond avec
les valeurs individuelles et d’autonomie qui les animent. Ce n'est donc pas anodin si les
acteurs associatifs se définissent davantage comme des individus "engagés" et affranchis des
logiques d'appareil, que comme des militants, terme associé au petit soldat de la cause.
Suivant cette même logique, les individus engagés dans une action collective et plus
généralement les bénévoles associatifs, se définissent souvent comme apolitiques ou non
partisans, quand bien même tout dans leur pratique, témoigne du contraire.19


« Au militant dévoué et fidèle, fonctionnant à l’appartenance identitaire et à l’engagement
illimité, aurait succédé un militant plus autonome à l’égard des organisations, mobilisé sur
des objectifs concrets, modestes et spécialisés mais utiles, sur des durées limitées. L’action
deviendrait plus importante que l’affiliation, dans un idéal tout autant libéral que
libertaire »20.




19
  Catherine LENZI.- L'engagement contemporain : Les raisons d'agir et le sens des mutations. Intervention lors
des JERF de la Ligue de l’enseignement (février 2012).
20
     HAVARD-DUCLOS et NICOURD, 2005, p. 171



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Si l’on en croit les discours de Catherine Lenzi et de Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine
Nicourd, il semblerait que l’engagement militant, basé sur l’appartenance identitaire liée au
projet politique de l’association, évoluerait vers une forme plus limitée dans le temps sur des
objectifs plus précis. C’est en cela qu’il existe une profonde différence entre les « nouveaux
bénévoles » et le modèle militant traditionnel. Alors que ce qui fonde une association, ce qui
doit être l’objet du ralliement des adhérents est une finalité partagée, ce qui motive
aujourd’hui les « nouveaux bénévoles » réside davantage dans l’action qu’ils conduiront eux-
mêmes. La recherche d’un épanouissement individuel et la volonté de garder son autonomie
dans l’association prendraient le pas sur un engagement permanent.


Certains sociologues ont développé une thèse sur une mutation des formes de l’engagement.
Jacques Ion explique, par exemple, qu’elle oppose un militantisme « total » du passé à un
militantisme « distancié » du temps présent21. Le premier se caractériserait par un
investissement intense dans la cause, à laquelle une large part de la vie familiale et des loisirs
serait sacrifiée : réunions plusieurs soirs par semaine, distributions de tracts et vente du
journal le dimanche, auxquels s’ajouteraient cotisations élevées, docilité à l’égard de la
hiérarchie et fort attachement identitaire au mouvement (parti, syndicat…). Le second se
singulariserait, à l’opposé, par les fluctuations de l’engagement, conçu comme « à la carte » :
chacun choisirait ses propres rythmes, degrés et modalités de participation au groupe, et se
méfierait des structures bureaucratiques hiérarchisées perçues comme menaçantes pour son
autonomie et sa liberté. De même, ces nouveaux militants n’hésiteraient pas à passer d’une
cause à une autre au gré de leurs envies et disponibilités (de la défense d’un site menacé à
celle des sans-papiers, par exemple).


Viviane Tchernonog (JERF, février 2012), constate que le profil des bénévoles a changé
depuis une dizaine d’années22. Ils sont devenus beaucoup plus exigeants. Ils sont nombreux à
souhaiter maîtriser leurs parcours de bénévoles, à vouloir diversifier les expériences. Ils
préfèrent souvent certains secteurs d’activités.
Les jeunes préfèrent faire du bénévolat dans la culture ou l’humanitaire et d’autres secteurs
sont délaissés. Les nouveaux bénévoles veulent avoir une prise sur le projet de l’association.


21
     Jacques ION. - La fin des militants ? - Paris, L’Atelier, 1997.
22
   Viviane TCHERNONOG. - Les grandes tendances de l’évolution des associations. - Article extrait de juris
associations n° 384 du 15 septembre 2008. Reproduit avec l’autorisation des éditions Juris associations.
https://www.associatheque.fr/fr/fichiers/etudes/tendances-evolution-asso-2008.pdf


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Ils ne veulent pas être de simples exécutants. Ils aspirent aussi à pouvoir infléchir un certain
nombre d’actions de l’association.


        1.1.4. Eléments de synthèse

Le tableau ci-dessous (Tableau 2) tend à synthétiser ce qui caractérise l’engagement associatif
et ses évolutions.
Tableau 2 : Raisons d’agir et évolutions de l’engagement associatif
Les raisons de l’engagement                  -   Le désir de lien social : se faire des amis,
associatif :                                     rencontrer de nouvelles personnes, hors du cercle
                                                 professionnel et familial, partager des moments
                                                 conviviaux. Le besoin d’appartenance à un groupe.
                                             -   Le     plaisir    de     se   réaliser :    épanouissement
                                                 personnel, s'épanouir tout en occupant son temps
                                                 libre, motivations altruistes et motivations plus
                                                 personnelles.
                                             -   Acquérir         des       compétences :         prise      de
                                                 responsabilités          comme         acquisition          de
                                                 reconnaissance             sociale,         réinvestissement
                                                 professionnel,      voire     perspective     d’emploi      ou
                                                 promotion.         Acquisition         de      compétences
                                                 empathiques.


Les          contraintes           de        -   Engagement             contraignant,        surtout       pour
l’engagement :                                   l’environnement familial qui en supporte les
                                                 conséquences.
Les          évolutions            de        -   Plus limité dans le temps.
l’engagement :                               -   Sur des projets d’actions plus précis.
                                             -   Sur des rythmes plus souples, choisis par le
                                                 bénévole.
                                             -   Méfiance envers les structures bureaucratiques
                                                 hiérarchisées.
                                             -   Impliqué dans le projet global de l’association Vs
                                                 simple exécutant.



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Par ailleurs, Isabelle Compiègne, dans son livre « La société numérique en question(s) »23,
parlant « des nouveaux dispositifs de communication et leur diversification » et du phénomène
de « connexion continue », dit « qu’elle entraine un morcèlement de l'activité et une
dispersion des engagements avec le danger que cela nuise finalement à la profondeur de
l'investissement dans la relation. »
L’engagement sur les médias sociaux peut-il venir se substituer à l’engagement associatif
traditionnel ? Internet est-il en train de réinventer une culture de l’engagement militant ?


1.2. LES MOBILISATIONS               SUR LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE                   :   NOUVELLE FORME
D’ENGAGEMENT ?



De 1995 à 2001, l'Internet militant prend véritablement forme avec les listes de diffusion sur
le web24. Internet donne la possibilité à ceux qui n'appartiennent pas ou ne veulent pas
appartenir à des organisations syndicales ou associatives de donner une ampleur à leurs
revendications. Cette période de développement de technologies façonne de nouveaux
comportements engagés permettant à de nombreux individus de se dégager des organisations.
On parle de micro-mobilisations, non pour témoigner de leur faible diffusion, mais pour
signaler qu'elles peuvent se déployer à partir de l'action d'un homme.
Les mobilisations ne sont plus l’apanage des mouvements syndicaux ou associatifs, une
somme d’individus peut désormais, à partir du témoignage en ligne d’un seul membre,
mobiliser autour d’une revendication, d’un fait ou de la défense d’une cause.
Manuel Castells25 évoque par ailleurs que « les réseaux en ligne, quand ils se stabilisent,
peuvent engendrer de véritables communautés : des communautés certes virtuelles,
différentes en cela des communautés physiques, mais pas nécessairement moins fortes ou
moins efficaces pour maintenir un contact ou mobiliser. »




23
  Isabelle COMPIEGNE.- La société numérique en question(s).-Auxerre, Siences Humaines Éditions 2011.-
127p.
24
   Une enquête menée auprès de cyberactivistes montre comment Internet est devenue un véritable laboratoire
politique. Scripts, blogs, forums, listes de discussions reformulent sans cesse les cadres du débat public. Article
paru le site scienceshumaines.com inspiré du livre « Devenir Média » (Olivier Blondeau en collaboration avec
Laurence Allard) - http://www.scienceshumaines.com/quand-internet-reinvente-le-politique_fr_21841.html
25
   Manuel CASTELLS.- La Galaxie Internet.- Paris : Fayard, 2001.– 365 p



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        1.2.1. L’exemple du « Bad Buzz26 » des supermarchés CORA


L’exemple de la caissière des supermarchés CORA illustre bien le pouvoir de mobilisation
des médias sociaux.
C’est un article publié sur l’Express.fr qui déclenche « la machine » le 26 octobre 2011.
L’histoire de cette caissière des supermarchés Cora, « Menacée de licenciement pour un ticket
de caisse ramassé », provoque des réactions en chaîne et une vague de commentaires violents
sur les médias sociaux.
La page Facebook de Cora a été prise d’assaut par les internautes qui ont multiplié les
invectives et des commentaires furieux. Même chose sur Twitter où Cora entre très vite dans
les sujets tendances du moment. De son côté, l’enseigne Cora tente une modération sur ces
médias sans jamais parvenir à endiguer la vague contestataire. Trop tard, l’incendie de la crise
est déclaré ! Et les grands médias en font aussitôt leur miel à tel point que les stations de radio
France Inter et Europe 1 ouvrent leur antenne à la caissière incriminée, et les indignés
s’apaisent à peine le lendemain, quand l’enseigne publie son mea culpa sur Facebook.
La direction, après avoir fait savoir dans l'après-midi être en relation avec l'hypermarché de
Mondelange, a annoncé sa décision dans la soirée sur sa page Facebook. Elle annonce « ne
pas poursuivre la procédure engagée à l'encontre d'une salariée du magasin. »
Cora ajoute : « Nous avons conscience de l'émotion suscitée par les informations parues
depuis ce matin. »
Le statut a été commenté plus de 500 fois. Si la décision est évidemment une bonne nouvelle
pour la salariée, les internautes estiment que la réaction de Cora est bien faible, et demandent,
pêle-mêle, « des excuses publiques », un « boycott » ou encore la « démission de la
direction ».
La mobilisation sur les médias sociaux a gagné, la salariée est réintégrée, et Cora s’en tire
avec une e-réputation négative dans les annales de Google.


Cette mobilisation éclair n’est pas un cas isolé, et reflète le pouvoir fédérateur de l’Internet,
pourvoyeur de nouveaux outils pour défendre, plaider, dénoncer, aider, critiquer, et agir,
autant d’actions qui étaient jusque là mises en œuvre par des organisations associatives,
politiques ou syndicales. Mais cette mobilisation n’est-elle pas ponctuelle ? A-t-elle permis de



26
  Un bad buzz est un phénomène de "bouche à oreille" négatif qui se déroule généralement essentiellement sur
Internet.


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faire avancer réellement la cause des conditions de travail des caissières de supermarchés ?
Impacte-t-elle les ressources humaines de l’entreprise ?


         1.2.2. L'impact des médias sociaux pendant le printemps arabe


L’année 2011 voit également émerger des mouvements de mobilisation citoyenne dans
lesquels les réseaux sociaux numériques jouent un rôle important, notamment “en créant de
nouveaux liens de solidarité et de sociabilité entre ceux qui informent et ceux qui reçoivent
l'information pour contourner la censure et informer en continu et en direct des
évènements 27 » : le « Printemps Arabe »28 en a été le révélateur.


Rita Chemaly, lors d’une table ronde autour des Intifadas Arabes, organisée par l’Institut des
Sciences Politiques, à l’Université Saint Joseph de Beyrouth, le mercredi 20 avril 2011, nous
éclaire sur le rôle des médias sociaux lors du « Printemps Arabe ».
Ce rôle, dit-elle, s'est centré autour de trois pôles :


     -   Diffuser l'information et les messages de soutien aux populations révoltées, mais
         aussi et surtout couvrir le mouvement de rue et alerter, notamment via Twitter
         (exemple de Samer Karam qui mettait à jour une liste des disparus et utilisait Twitter
         pour alerter l’opinion sur le sort des « activistes » et opposants arrêtés, torturés ou
         kidnappés).


     -   Contester avec des pétitions et articles qui expriment le ras-le-bol des citoyens, et de
         ceux qui les soutiennent, donnant aussi la parole, sur la sphère publique numérique, à
         la diaspora des pays concernés et aux dissidents.




27
   Rita CHEMALY, diplômée en sciences administratives et politiques de l'Institut des Sciences Politiques de
l'Université Saint Joseph de Beyrouth. Les réseaux numériques au service des intifadas arabes . Table ronde du
20 avril 2011, Institut des sciences politiques, université Saint Joseph :
http://ritachemaly.files.wordpress.com/2011/04/table-ronde-isp-intifadas-arabes-et-ntic-par-rita-chemaly.pdf

28
  Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations populaires, d'ampleur et d'intensité très variables, qui
se produisent dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010.



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     -   Se mobiliser en se regroupant dans des groupes de façon affinitaire par la création de
         groupes sur Facebook et de Hashtags29 (#) sur Twitter qui regroupent et catégorisent
         les flux d'informations, et rassemblent autour d'initiatives communes.


Un des enseignements que nous pouvons tirer de cette analyse est que les médias sociaux ont
été des catalyseurs pour des mobilisations et des actions collectives communes, qu’ils ont été
des outils cruciaux lors des Intifadas arabes, mais qu’il ne faut pas oublier, comme le rappelle
justement Rita Chemaly en conclusion de son intervention, « que la grande part de la
mobilisation et de l'action politique effective, a eu lieu dans la rue et dans les manifestations
de quartiers ».


         1.2.3. Un compte Twitter fermé grâce à la mobilisation sur Internet


Plus récemment, un compte Twitter pédo-pornographique a été suspendu le 9 août dernier par
le site de micro-blogging, grâce à la mobilisation massive d’utilisateurs.
Le compte « @many501611 » a été trouvé et fermé après que des utilisateurs du réseau social
ont commencé à le dénoncer. La mobilisation des internautes utilisant Twitter ayant
rapidement pris de l’ampleur, le compte pédo-pornographique a été signalé à la plateforme
officielle du ministère de l’Intérieur chargée de ce type de dossier.
Depuis sa création en janvier 2009, le service qui emploie conjointement policiers et
gendarmes tous rattachés à la Direction Centrale de la Police Judiciaire, a déjà à son actif
plusieurs dizaines de milliers de signalements par des individus. En revanche, c’était la
première fois qu’un signalement était réalisé sur le réseau social en France.


Cet exemple prouve le pouvoir de mobilisation offert à des citoyens par les médias sociaux
pour des actions rapides et ponctuelles. En effet, l’action des utilisateurs de Twitter,
découvrant grâce à ce média un acte délictuel, a pu faire stopper cette diffusion à caractère
pédo-pornographique. Pour autant, il semble peu probable que la majorité des internautes
ayant participé à cette mobilisation s’engage dans une action à plus long terme pour la lutte


29
  Derrière ce mot barbare se cache un symbole trop souvent oublié du clavier : le #. Twitter remet ce symbole
sur le devant de la scène en lui donnant un rôle capital, celui d’annoncer un sujet ou un mot-clé. Un hashtag est
ainsi un mot-clé précédé d’un #. Il permet d’ajouter une information complémentaire à un tweet, qui va
permettre de regrouper les messages autour d’un même thème, d’un même lieu ou encore d’un même
évènement, facilitant ainsi sa diffusion. Définition issue du livre d’Emilie OGEZ et Jean-Noël CHAINTREUIL :
Twitter. Edition Diateno, 2012.


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contre la pédo-pornographie. Ce que permettent les médias sociaux de type Facebook ou
Twitter, c’est la diffusion rapide auprès d’un nombre massif d’individus d’une information
(même erronée d'ailleurs...) qui peut impliquer ceux-ci le temps d’un « clic ».


Selon Alban Martin30, cofondateur du Social Media Club et maître de conférences associé au
Celsa Paris IV Sorbonne, c’est une « forme hybride de l’engagement », qui serait née grâce à
Internet et aux réseaux sociaux, « plus superficielle, et souvent décevante quand il s’agit de
passer au concret ». Ce dernier attribue cette volatilité à l’outil lui-même : on peut soutenir
une cause sur Facebook en un clic, sur une page qui accroche le chaland avec des airs de
pétition : « C’est un problème d’émotion. Sur le coup de l’émotion, on peut cliquer vite sans
réfléchir ».


        1.2.4. Le mouvement des « Indignés »


Si les mobilisations virtuelles ne sont pas nécessairement synonymes d’engagement réel et
pérenne dans le temps, nous aurions tort de négliger ce pouvoir de mobilisation.
Il ya encore quelques années, les mobilisations de citoyens, signifiant leurs désaccords par des
manifestations de rues, étaient initiées par des collectifs formels. En 2006, par exemple, Les
syndicats et coordinations d'étudiants et de lycéens, ainsi que les partis de gauche, manifestent
contre le gouvernement Dominique de Villepin et demandent le retrait des Contrats Première
Embauche et Nouvelle Embauche (CPE & CNE). Cette mobilisation rassemblait, le mardi 28
mars 2006, environ 1 055 000 manifestants, selon la police, plus de trois millions selon FO et
la CGT31.
Aujourd’hui, les modalités de mobilisation semblent, dans certains cas, s’être inversées.
L’engagement, sur Internet, d’individus, non structurés en collectifs formels, inspire des
actions collectives d’envergures. Dans le cas du mouvement des « indignés », inspiré par le
petit ouvrage de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! », qui de Madrid à Athènes exprime sa
colère, l’appel sur Internet s’est traduit en un engagement concret, physique de la part des



30
  Alban MARTIN. - Mobilisation numérique : « une forme hybride de l'engagement ».                      -
www.terrafemina.com/culture/culture-web/articles/9254-mobilisation-numerique-l-une-forme-hybride-de-
lengagement-r.html
31
  Lemonde.fr, article paru le 27 mars 2006 : http://www.lemonde.fr/international/article/2006/03/27/la-
mobilisation-contre-le-cpe-atteint-une-ampleur-inegalee_755248_3210.html



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internautes. Descentes dans les rues, marches organisées, campements de fortune, autant
d’actions symboliques et pacifiques pour manifester leur ras-le-bol.


C’est également ce que nous rappelle Christophe Aguiton, lors du colloque « Refaire Société :
                                          32
Comment s’engager aujourd’hui ?» : « Aujourd’hui, pour s’engager, on commence par agir.
On publie un dessin de chat sur Facebook, comme l’a fait Willis from Tunis33. On lance une
pétition. On rencontre d’autres personnes. On construit peu à peu plus de sens. Avant, on
considérait qu’il fallait d’abord être organisé avant d’être convaincu. On était militant avant
de faire des manifs. Aujourd’hui, c’est la manif qui est le lieu de rencontre ».


Ces mobilisations, facilitées par les médias sociaux, ne constituent-elles pas une nouvelle
forme d'engagement, moins structurée, plus spontanée dans son expression ? L’engagement
associatif traditionnel risque-t-il de disparaître au profit de l'engagement sur les médias
sociaux ? Les associations ne devraient-elle pas, au contraire, profiter de cette opportunité
pour diffuser plus largement leur projet politique ?


1.3.  MEDIAS         SOCIAUX EN       LIGNE     :   RISQUE     OU    OPPORTUNITE       POUR   LE   MONDE
ASSOCIATIF ?


Si ces nouvelles formes de mobilisation présentent effectivement quelques risques pour
l’engagement traditionnel, elles représentent également des opportunités auxquelles le monde
associatif devrait s’intéresser.


          1.3.1. Médias sociaux : risque de substitutions ?


S’il existe un risque pour les associations, notre avis est qu'il réside dans la nature même des
modalités d’engagement sur les médias sociaux. En effet, l’engagement traditionnel associatif
reposait sur des structures hiérarchisées et pérennes qui portaient la parole collective des
militants. Internet s’est construit différemment, avec pour ADN l’expression de l’individu en
tant que personne. Dans les mobilisations contemporaines comme le mouvement « Occupy


32
      Compte rendu du colloque « Refaire Société : Comment s’engager aujourd’hui                      ? »:
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2012/01/03/refaire-societe-comment-s%E2%80%99engager-
aujourd%E2%80%99hui/
33
     Page Facebook WillisFromTunis : http://www.facebook.com/pages/WillisFromTunis/145189922203845


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Wall Street34 » ou celui des « Indignés », c’est d’abord la personne qui s'exprime et s'engage.
En cela, certains mouvements associatifs peuvent être réticents à développer une stratégie de
présence sur Internet et sur les médias sociaux, de peur de ne plus maîtriser un discours
construit par le collectif. Toutefois, pour Nathalie Boucher-Petrovic35, « ces technologies
offrent des opportunités d’élargissement des lieux d’échange, de débat et d’interaction ;
autrement dit de l’espace public ».


Ce risque nous semble toutefois limité. Notre avis est que la parole collective a davantage de
chance d’aboutir, et d’être prise en compte par les pouvoirs publics, si elle est portée par un
collectif structuré et formel, passant par des formes associatives, syndicales ou politiques.
Ainsi, pour Dominique Cardon36, « il est inutile d’opposer les mobilisations en ligne et les
mobilisations traditionnelles, passant par les formes associatives. En fait, les premières sont
souvent très poreuses et beaucoup de ceux qui sont les plus actifs dans les mobilisations en
ligne ont souvent une socialisation militante et politique préalable.37 »


Un des risques identifiés par les responsables associatifs croisés dans notre quotidien
professionnel, est un risque de « virtualisation » des échanges allant à l’encontre même des
raisons de l’engagement associatif, à savoir le désir de lien social (se faire des amis,
rencontrer de nouvelles personnes, partager des moments conviviaux) comme nous l’avons
montré précédemment. A cela, Valérie Peugeot38, répond « Contrairement à une crainte
couramment répandue lors des premiers développements d’Internet, et pourtant démentie dès
ce moment-là, les technologies de l’information ne se substituent pas aux échanges humains,
relationnels, mais au contraire les amplifient, les démultiplient, ou leur font emprunter de
nouvelles voies. La préparation d’une décision collective peut être grandement facilitée par



34
  Occupy Wall Street (en français : « Occupons Wall Street/New York » ) est un mouvement de contestation
pacifique, initié en 2011, dénonçant les abus du capitalisme financier.
35
  Education populaire et TIC : mise en perspective et enjeux - Communication de Nathalie Boucher-Petrovic,
aux Roumics le 15 juin 2006 à Lille
36
  Dominique CARDON, sociologue et Chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux de l’École
des Hautes Études en Sciences sociales.
37
     Voir interview complète en annexe.
38
   Valérie PEUGEOT, chercheuse à l'Orange Labs, présidente de l'association VECAM.- Réseaux humains,
réseaux électroniques. - Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 2001.



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les outils à distance ; la construction finale d’une pensée collective et les prises de position et
de décisions importantes demanderont toujours le face à face. »


Un autre risque que nous pouvons identifier de l’utilisation faite des médias sociaux est que
ces nouveaux outils placent parfois au même niveau des causes très nobles, des débats de
société sérieux, et des requêtes très superficielles. Des millions de personnes peuvent se
mobiliser pour élire le candidat de Koh-Lanta ou la Danette du mois, et cliquer ensuite sur une
pétition à caractère politique ou humanitaire. Pour pallier cet écueil et être visibles et lisibles
sur ces médias numériques, les militants associatifs devront se convertir au « marketing
agressif du web 2.039 », ce qui suppose une montée en compétences qui peut passer par une
stratégie de recrutement de bénévoles ou de professionnels, issus d’une tranche de la
population plus jeune et souvent plus aguerris à ces nouveaux outils.
François Meynier40, chargé de mission Technologies de l’Information et de la Communication
à la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, en charge d’une mission déléguée « Société
Numérique » auprès de la Ligue de l’enseignement nationale, nous explique que « les
mobilisations numériques ne pourront jamais se substituer totalement aux formes
traditionnelles d’engagements qui passent par les actions de terrain, utilisées comme autant
de vecteurs pour faire passer pratiques, idées et valeurs. Cependant, elles sont un
complément intéressant lorsque l’on veut communiquer sur ces actions. Les formes
traditionnelles d’engagements associatifs ne peuvent donc faire l’impasse sur ces nouveaux
moyens de communication au risque de perdre de l’audience face à des alternatives
d’engagement plus axées sur de la consommation. »


Même si l’engagement sur les médias sociaux présente des risques pour les organisations
associatives traditionnelles, elles doivent s'interroger sur le risque qu’il y aurait pour le monde
associatif à ne pas être présent sur les médias sociaux, et plus globalement sur le Web 2.0.
Le risque pour un mouvement associatif d’être absent des médias sociaux est de notre point de
vue de plusieurs ordres :
       -   Que d'autres parlent à sa place sur des sujets qui font pourtant sa raison d’être.
       -   Que d'autres parlent de lui à sa place.


39
  Considéré comme l'évolution naturelle du web actuel, le web 2.0 est un concept d'utilisation d'internet qui a
pour but de valoriser l'utilisateur et ses relations avec les autres.
40
     Voir interview en annexe


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       -   Que d'autres offrent lieux de parole et de partage à sa place.
       -   Que d'autres fédèrent son public naturel à sa place.


S’il existe bien un risque « d’émiettement de l’engagement que ce soit sous sa forme politique
ou sous sa forme associative, qui lui est dangereux pour la pérennité des structures
associatives», comme nous le rappelle Bastien Sibille, fondateur de l’entreprise solidaire de
logiciels libres TALCOD et secrétaire général de l’Association Internationale des Logiciels
Libres (AI2L), dans une interview qu’il nous accordait le 18 juillet 2012 41, les associations ne
devraient-elle pas saisir « ces nouvelles opportunités de s’exprimer dans les outils et médias
numériques qui semblent correspondre aux démarches actives et collaboratives propres à
l'éducation populaire »42 ?


Il ne s'agirait donc pas de s’exclure des évolutions technologiques et des médias sociaux en
ligne, mais de profiter des opportunités offertes, d'y participer, voire même d’être moteur dans
le domaine de l’appropriation citoyenne des outils et médias numériques.


           1.3.2. Médias sociaux en ligne : une opportunité à saisir ?


Si les médias sociaux représentent un risque pour l’engagement associatif traditionnel, en
favorisant un émiettement pouvant correspondre aux évolutions repérées de cet engagement
(Plus limité dans le temps ; Sur des projets d’actions plus précis ; Sur des rythmes plus
souples, choisis par le bénévole ; Méfiance envers les structures bureaucratiques
hiérarchisées), ils offrent également à une association une belle opportunité de communiquer.
Il est toutefois nécessaire que l'association connaisse bien les spécificités des modes de
mobilisation sur les réseaux sociaux. Ceux-ci passent d’abord par des contenus partageables
autour desquels il est possible d’interagir. Les vidéos, les infographies, les « images toutes
faites », qu'on partage, qu'on « like »43, qu'on « retwitte »44 ... sont des matériaux pour


41
     Voir interview complète en annexe
42
   Nathalie Boucher-Petrovic, « La société de l’information « appropriée » par l’éducation populaire : une
tradition en question », tic&société [En ligne], Vol. 2, n° 2 | 2008, mis en ligne le 07 mai 2009. URL :
http://ticetsociete.revues.org/528
43
     Liker : cliquer sur une information publiée sur Facebook pour dire qu'on l'aime.
44
   Le retweet est une pratique courante sur Twitter. C’est le tweet d’une personne, republié par un autre
utilisateur qui le trouve suffisamment intéressant pour le faire découvrir à ses abonnés. Définition issue du livre
d’Emilie OGEZ et Jean-Noël CHAINTREUIL : Twitter. Edition Diateno, 2012.


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mobiliser autour d’un projet dans le cadre d’une logique de dissémination des contenus par les
publics visés.


Le cas de la campagne Kony 2012 est un cas extrême mais il est porteur d'enseignements. Il
s'agit d'une vidéo controversée mettant en scène Joseph Kony et utilisant la dramatisation,
l’émotion et la simplification pour stigmatiser un pays - l’Ouganda - alors même que Kony ne
s'y cache plus, et ce depuis 2006.
Cette vidéo a été visionnée par des millions de personnes. Une très grande majorité de ceux
qui ont partagé et fait circuler cette vidéo n’auraient jamais eu connaissance des exactions
commises et du cas des enfants soldats si les modalités de l’interaction par contenus en
vigueur sur les médias sociaux n’avaient pas été déployées à une échelle jamais atteinte
jusqu’à là sur un sujet « sérieux ».
Cette forme de militantisme a sa place dans les associations et les actions qu’elles proposent :
c’est le « besoin » d’une organisation qui est au cœur de la logique d’engagement. En cela, les
réseaux sociaux numériques ne se substituent pas aux associations traditionnelles mais leur
sont complémentaires. C’est ce que nous dit Laurence Allard45, dans l’interview qu’elle nous
accordait : « les mobilisations sur les médias sociaux sont avant tout complémentaires aux
mobilisations associatives traditionnelles. »


Certains partis politiques ont d’ailleurs bien compris ce pouvoir de communication lors de la
dernière campagne présidentielle. La plupart proposaient à leurs militants des kits de présence
sur les médias sociaux. Le Parti Communiste Français, par exemple, consacrait un chapitre
entier de son « Guide du militant »46 sur l’utilisation d’Internet pendant la campagne : règles
pour mettre en place un mailing, conseils pour bien utiliser Facebook et Twitter, intérêt et
mode d'utilisation des Hastags (#PCF, #placeaupeuple, #FDG, #Melenchon2012).


Pour François Meynier, ces médias ne sont pas seulement une opportunité : ils deviendront
dans le futur un des principaux moyens de communication des associations (en plus des
moyens de communication traditionnels, électroniques ou classiques).




45
   Laurence ALLARD, maître de conférences en Sciences de la Communication, Chercheur à l’IRCAV-
Paris/Enseignante à l’Université Lille 3. Voir interview complète en annexe
46
     Guide du militant du Parti Communiste Français : http://www.pcf.fr/sites/default/files/guide_militant_2.pdf


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Des associations ont choisi avec succès d’investir dans les médias sociaux, le cas des Restos
du cœur est de ce point de vue intéressant.
Pour chaque partage Facebook ou hashtag #restos2012, un repas était offert aux bénéficiaires
des Restos.
Danone et Carrefour se sont associés au Restos du cœur pour réaliser cette opération. Ces
deux firmes promettent alors de distribuer 1 repas par partage Facebook (dans la limite de
5000 partages), 1 repas par hashtag #restos2012 (dans la limite de 10 000 hashtags), 10 repas
pour un billet de blog (dans la limite de 2000 billets) et 15 repas pour un dessin (dans la limite
de 150 dessins).
Bien sur, on l’aura compris, c’est une opération de communication pour Danone et Carrefour
mais c’est aussi un gros coup de communication pour les Restos du cœur.
Le bilan de cette opération est positif : l’objectif des 5000 partages sur Facebook a été
complètement atteint (en 2 heures seulement !), en voyant plus de 70 000 partages accomplis
en 1 jour. Par ailleurs l’objectif des 10 000 tweets a été également atteint en 1 jour lui aussi.
A ce jour le nombre d’images et d’articles partagés n’est pas comptabilisable, mais les Restos
du cœur affirment que le lancement de cette opération est une vraie réussite puisque que plus
de 15 000 repas ont été distribués.


D’autre part, en développant de nouvelles formes de participation bénévole, aux côtés des
intervenants ponctuels ou réguliers avec une fonction précise (animation, trésorerie, accueil,
représentation …), les associations pourront également profiter de ces technologies pour
développer des missions bénévoles adaptées aux contraintes de certaines des personnes qui
hésitent à s’engager. Par exemple, du « bénévolat à distance » pour s’occuper, de sa Bretagne
ou de Paris, de la communication de la fête d’été à Périgueux pour aider des organisateurs
déjà investis sur place. Cette solution permettrait également à des personnes isolées ou en
situation de handicap d’être bénévoles à hauteur de leurs moyens et envies, et, plus largement,
de travailler en temps non contraint. Ceci pourrait inciter à s’engager des gens ayant le
sentiment d'être « surbookés ». Car un des freins au bénévolat est le manque de temps ou
supposé.


Bien utilisées, les technologies de l'information permettent de tirer la participation des
citoyens vers le haut, d'offrir des occasions de concrétisation à une citoyenneté plus active.
Les échanges sur Internet peuvent aussi orienter l'initiative, permettre de trouver l'autre ou les
autres qui ont la même approche, les mêmes ressentis, les mêmes convictions, de créer des


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communautés d'intérêt puis d'action, et ainsi de construire le lien entre dispositions
individuelles et actions collectives. N’est-ce pas là une des missions des mouvements
d’Education Populaire ?


Ces technologies permettent à des formes d’engagement émiettées de s’exprimer, mais elles
permettent également de les agréger, de leur donner une temporalité.
La théorie de Bastien Sibille, est que l’on va vers des formes faibles d’engagement. Cela ne
veut pas dire qu’elles sont meilleures ou pires, elles sont simplement de nature différente.
Ces nouvelles formes d’engagement sont plus ténues, et il semble donc important que le
monde associatif soit en capacité de produire des technologies qui soient capables de capter
ces formes d’engagement.


Si nous sommes convaincus que les technologies numériques, et notamment les réseaux
sociaux numériques, présentent une opportunité de promouvoir le fait associatif, et mobiliser
une base militante renouvelée et d’offrir à des personnes motivées l'occasion et les moyens de
participer, qu’en est-il vraiment ? Peut-on mesurer l’impact de ces médias sur la
dissémination du projet associatif ? Existe-t-il un intérêt à développer ces formes de
mobilisations dites « faibles » ?




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                           2. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE,
                    OUTILS AU SERVICE DU MONDE ASSOCIATIF ?


Dans ce chapitre, nous allons tenter de montrer en quoi les médias sociaux peuvent être des
outils utiles aux associations pour la diffusion de leur projet associatif. Pour ce faire, nous
nous intéresserons, dans un premier temps, à la notion de capital social, puis à la théorie de
« la force des liens faibles », développée par Mark Granovetter47, pour ensuite essayer de
vérifier cette théorie à travers l’étude d’un compte Twitter d’une association. Enfin nous nous
interrogerons sur l’impact des médias sociaux sur la fréquentation d’un site Internet associatif.


2.1.       LES MEDIAS SOCIAUX COMME SUPPORT DU FAIT ASSOCIATIF ?


           2.1.1. La notion de capital social appliquée à une association.


Pierre Bourdieu48 (1980) définit le capital social comme “la somme des ressources actuelles
ou virtuelles, qui reviennent à un individu ou à un groupe du fait qu’il possède un réseau
durable de relations, de connaissances et reconnaissances mutuelles plus ou moins
institutionnalisées, c’est-à-dire la somme des capitaux et des pouvoirs qu’un tel réseau
permet de mobiliser”.
Que cela veut-il dire ? Simplement que, pour l’individu, ses relations avec d’autres individus
constituent autant de ressources qu’il peut mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage
quelconque dans sa vie sociale.
Appliquée à une personne morale que constitue une association, cela pourrait vouloir dire que
le capital social d’une association serait constitué de la somme des ressources actuelles (ses
propres adhérents) ou virtuelles (adhérents ou sympathisants potentiels) qu’elle possède et
qu’elle pourrait mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage quelconque dans sa vie
associative.




47
     Mark GRANOVETTER, « The strength of weak ties », American Journal of Sociology, 1973

48
     Pierre BOURDIEU.– Le capital social.- Actes de la Recherche en sciences sociales N° 31, 1980.



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Selon Robert D. Putman49, ce concept renvoie également à un bien collectif, une composante
essentielle de toute société et de tout groupe humain constitué comme tel, ce qui en « colle »
ensemble les différents éléments, pour reprendre une expression fréquemment utilisée par
Robert D. Putnam lui-même (« social glue »). C'est donc la ressource mobilisée pour tisser un
lien social.
N’est-ce pas là une des missions principales des associations ? Ainsi, pour Jean-Pierre
Worms, sociologue engagé et président de la FONDA50, le monde associatif se situe comme
un facteur incontournable du capital social de notre pays.
On pourrait donc définir le capital social d’une association comme l’ensemble des ressources
qu’elle peut obtenir au travers de ses relations sociales. Ce capital existe toujours de façon
potentielle : il faut le mobiliser à un moment donné pour le rendre efficace. Mais avant cela, il
faut l’avoir accumulé, ce qui s’apparente à un investissement : tisser et entretenir des liens
avec d’autres personnes a un coût en termes de temps et d’énergie. C’est pour cette raison que
l’on parle de capital.


Cette notion de capital social est, de notre point de vue, importante dans tout projet associatif
dont la légitimité dépend, avant tout bien sûr de l’action menée sur le terrain, mais également
de sa capacité à communiquer sur cette action. En cela, le développement du capital social
d’une association est une donnée essentielle pour pouvoir être en capacité de le mobiliser,
bien sûr pour mener à bien son action, mais également pour être des relais de communication.
Pour Pierre Bourdieu, l’existence d’un réseau de liaisons n’est pas un donné naturel, ni même
un «donné social», constitué une fois pour toutes et pour toujours par un acte social
d’institution, mais le produit du travail d’instauration et d’entretien qui est nécessaire pour
produire et reproduire des liaisons durables et utiles, propres à procurer des profits matériels
ou symboliques.
Autrement dit, le réseau de liaisons est le produit de stratégies d’investissement social
consciemment ou inconsciemment orientées vers l’institution ou la reproduction de relations
sociales directement utilisables, à court ou à long terme.



49
   Robert David PUTNAM, est un politologue américain, professeur à l'université d’Harvard. Il s'est rendu
célèbre par ses écrits sur l'engagement civique, la société civile et le capital social.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Putnam
50
   La Fonda est une association reconnue d’utilité publique. Dès sa création, elle réunit des personnes autour
d’un objet commun : valoriser et renforcer la contribution essentielle des associations à l’intérêt général et à la
vitalité démocratique de notre pays.


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Et les réseaux sociaux numériques dans tout ça ?
On présente généralement, et un peu rapidement sûrement, la notion de capital social en
disant que celui-ci est constitué par le carnet d’adresse de l’individu. Cette présentation est
probablement de moins en moins parlante à des générations pour qui le concept même de
« carnet » peut sembler « hors du temps » … Aussi, vaudrait-il mieux dire que le capital
social est constitué de l’ensemble du répertoire de votre téléphone portable, de vos contacts
sur Twitter ou de vos amis sur Facebook (ou de toute autre technologie permettant d’agréger
des contacts).


Vous l’aurez sans doute compris : Facebook, comme l’ensemble des autres sites de réseaux du
même type, constitue une objectivation du capital social. Et le fait d’être présent sur ces
médias sociaux en ligne est un moyen comme un autre d’entretenir, voire éventuellement
d’étendre, son capital social.


Oui, mais, diront certains, nous pouvons difficilement classer l’intégralité des personnes que
nous mettons dans nos réseaux comme des relations proches.
Comment alors penser que ce réseau puisse apporter quoi que ce soit d’important à une
association ? Des individus éloignés et avec qui nous entretenons que des relations
épisodiques peuvent-ils sérieusement être considérés comme des éléments importants du
capital social ?
C’est là que la théorie de « la force des liens faibles » de Mark Granovetter est intéressante.


        2.1.2. Les médias sociaux numériques : la force des liens faibles


Nous pensons que les liens qui unissent des groupes sociaux plus distants et plus hétérogènes,
comme cela est souvent le cas sur les réseaux sociaux numériques, permettent une meilleure
diffusion de l’information. Cela peut s’expliquer de la façon suivante. Dans le cadre des
réseaux constitués d’individus composant un cercle restreint (famille, collègues, amis …),
pour diffuser une information chacun s’adressera à ses proches et amis. Comme ceux ayant
des liens forts ont souvent les mêmes groupes d’amis, certains auront reçu l’information
plusieurs fois, mais le nombre d’individus qui aura accès à cette information ainsi que la
portée de cette dernière, seront limités. Pour cette raison, les associations auraient avantage à
diffuser leur information sur les médias sociaux en ligne, et c’est ce que nous tenterons de



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montrer plus loin, ceux-ci composant potentiellement un réseau plus élargi que le cercle de
l’association elle-même.


Mark Granovetter démontre que ce sont les relations de type « connaissances », les liens
« faibles » (connaissances, personnes que l’on voit peu, de façon irrégulière, et avec qui on
partage peu) qui sont susceptibles d’apporter le plus à l’individu, comparativement aux
relations de type « ami », les liens « forts » (connaissances avec lesquelles les contacts sont
fréquents).
Il a expliqué cette situation, a priori paradoxale, par l’existence d’obligations vis-à-vis des
proches avec lesquels des liens très forts sont entretenus. Lorsqu’un individu à la recherche
d’un emploi sollicite ses proches, ces derniers se mobilisent aussitôt pour l’aider. Appartenant
aux mêmes réseaux que lui et comptant sur les mêmes schémas de contacts, ils ne sont pas les
mieux placés pour lui présenter les meilleures offres. Ce sont les liens faibles, ceux reliant des
individus qui évoluent dans des sphères différentes et conduisant, par là même, à des réseaux
plus larges et hétérogènes, qui s’avèrent les plus efficaces. Les individus comptant sur ces
liens faibles accèdent à des sources d’information plus variées et moins redondantes. Mark
Granovetter a tiré de cette situation sa célèbre formule : « la force des liens faibles ».


Les recherches de Mark Granovetter portaient sur des individus en recherche d’emploi. Cette
théorie peut-elle se vérifier pour d’autres types de relations ?
Cette théorie des liens faibles peut être facilement transposable à une autre entité sociale que
l’individu, à savoir, l’association. Dans ce contexte, les liens forts constitueraient les
donateurs réguliers, les membres de l’association, les bénévoles. Les liens faibles quant à eux
pourraient se créer et se favoriser grâce à l’utilisation des réseaux sociaux numériques, tel que
Facebook par exemple, et aux nombreuses interactions qu’il permet. Pour Manuel Castels51,
non seulement les médias sociaux numériques sont efficaces pour maintenir et même
développer des liens faibles, mais il semble aussi jouer un rôle positif pour le maintien des
liens forts à distance.


Par ailleurs, certains sociologues (C. Aguiton, D. Cardon) ont mis en évidence la genèse de
formes collectives originales, les coopérations faibles, par opposition aux coopérations fortes.
Ces dernières correspondent à des modes de sociabilité courants présupposant une adhésion à

51
     Manuel Castells.- La Galaxie Internet.- Paris : Fayard, 2001.– 365 p



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des finalités et des idéaux communs comme pour les coopérations associatives ou les
mobilisations politiques. Le modèle de coopération faible serait lui relié aux usages du Web
2.0.
Inversant les séquences que régissent les coopérations traditionnelles (d'abord le partage de
valeurs, puis l'instauration de mécanisme de coordination, et enfin la mise en commun des
ressources), ces coopérations faibles et en ligne auraient un potentiel de coordination
supérieur et sur des thématiques inattendues.52


L’exemple de l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia où tout internaute est invité à
participer selon ses centres d’intérêt, ses compétences et ses connaissances, est très
représentatif de ce mode de coopération faible. Chaque visiteur du site peut ainsi créer ou
modifier un article selon une procédure aisée, facilitée en cela par le choix d’une plateforme
WIKI53. Une fois sauvegardée, la nouvelle version est éditée et peu donc profiter à tous.
Résultant d’une coordination et d’une coopération entre des milliers de participants,
rectifiable par chacun, Wikipédia est donc une encyclopédie évolutive basée sur la
coopération.
Alors, bien sûr, le statut de Wikipédia comme la première référence sur le web et la première
source de connaissance dans le monde est un sujet de controverses. L’audience grandissante
de Wikipédia a conduit un grand nombre de personnes à formuler des avis critiques sur la
fiabilité des informations présentées dans cette encyclopédie. Ces critiques peuvent être
entendues, et sont parfois légitimes, mais l’expérience que nous révèle Michel Serres54 est de
ce point de vue intéressante : « Wikipédia est un modèle de démocratie intellectuelle, où il y a
certes des erreurs mais somme toute pas davantage que dans de nombreuses encyclopédies de
papier publiées sous les parrainages les plus autorisés. Il y a quelques années, avec un
groupe de collègues, nous avons inventé un personnage musicien que nous avons affublé




52
  Isabelle COMPIEGNE.- La société numérique en question(s).-Auxerre, Siences Humaines Éditions 2011.-
127p.
53
  Un Wiki est un système d'édition interactif permettant à plusieurs personnes de rédiger un document collectif
sur Internet.
54
  Michel SERRES : Philosophe et historien des sciences, Michel Serres a consacré de nombreux essais aux
conditions de l’invention et de la transmission des connaissances.



Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ?                   Page 35
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire           J-Luc GADIOUX


d’une biographie, d’œuvres, etc., pour voir combien de temps une telle supercherie pouvait
durer : et bien en quelques mois de corrections, il n’en restait rien. »55


Mais pour Dominique Cardon56, ce n’est qu’en de rares occasions que ces « coopérations
faibles », au terme d’un long travail de consolidation et de renforcement des liens entre les
participants, font apparaître des normes et des valeurs que les acteurs endosseront comme
attributs identitaires en s’engageant explicitement dans la prise en charge de tâches
collectives. Alors les coopérations «faibles» de l’Internet pourront effectivement devenir
«fortes» et se doter de ressources et d’instruments d’action, à la manière des collectifs du
monde réel.


Notre conviction est donc que si les formes de coopérations qui se développent sur les médias
sociaux ont peu de chance de contribuer fortement au renouvellement d’une base militante
forte, se traduisant par un engagement associatif et bénévole, les réseaux sociaux numériques
peuvent être des outils intéressants pour communiquer sur son action auprès d’un public qui
ne fait pas nécessairement partie du cercle habituelle de l’association. En cela, ils permettent
aux associations de mieux communiquer sur leur projet politique et donc potentiellement de
mobiliser autour de celui-ci.


Mais qu’en est-il vraiment de ce pouvoir de diffusion par l’intermédiaire des médias sociaux ?
Peut-on vérifier si les liens faibles sont les meilleurs relais de l’information diffusée sur les
médias sociaux ?


2.2.   L’EXEMPLE DU COMPTE TWITTER DU CENTRE DE RESSOURCES DEPARTEMENTAL DE
LA VIE ASSOCIATIVE DE LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA DORDOGNE.


Avant d’en venir à l’étude du compte Twitter de ce centre de ressources, il nous semble
nécessaire de préciser les missions de celui-ci.
La Ligue de l’enseignement de la                 Dordogne est une fédération d’associations (360
associations affiliées en 2012, représentant prés de 19000 adhérents) œuvrant notamment pour

55
   Michel SERRES.- La forme classique de la transmission du savoir est périmée.- Article paru dans "Les idées
en mouvement", mensuel de la Ligue de l'enseignement, N°200 - Juin/juillet 2012, page3.
http://www.laligue.org/wp-content/uploads/2012/06/IEM-200-BR-3.pdf
56
    Dominique CARDON. - Vertus démocratiques de l’Internet.- Site Internet : la vie des idées :
http://www.laviedesidees.fr/Vertus-democratiques-de-l-Internet.htm .


Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ?                 Page 36
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire         J-Luc GADIOUX


la promotion et le développement de l’engagement bénévole et associatif. Pour mettre en
œuvre cette mission, la fédération a mis en place un centre de ressources physique dans les
locaux de son siège social à Périgueux (24). La mise en place de ce centre de ressources se
traduit par la mise à disposition de documentations relatives au fonctionnement associatif, et
par la divulgation de conseils et d’accompagnements individualisés auprès des responsables
associatifs et porteurs de projets sur le territoire départemental.
Malgré une expertise de 80 ans dans l’accompagnement des associations de son département,
et malgré le fait que la fédération ait misé depuis plusieurs années sur le développement de
son secteur Vie Associative, notamment en moyens humains, celle-ci souffre d’un manque de
visibilité sur ce champ par un grand nombre d’associations.
La fédération décide alors en 2010 d’étoffer son offre de services aux associations. Cela se
traduit par la création d’un centre de ressources et de développement de la vie associative en
ligne : www.24.assoligue.org.
Une page Facebook (www.facebook.com/crdva24), un compte Twitter (@crdva24) ainsi
qu’un compte Google+ (https://plus.google.com/u/0/108159360629547191710/posts) sont
associés à cet outil en ligne et sont autant de canaux d’informations différents permettant
d’accéder au centre de ressources en ligne.


        2.2.1. Objet de l’étude et données statistiques


L’objet de l’étude du compte Twitter de ce centre de ressources était de visualiser le réseau
que représentait un tel média et de mettre en évidence le pouvoir de diffusion de l’information
de ce réseau social numérique.
Cette étude, réalisée sur une période d’un an (d’avril 2011 à avril 2012), est inspirée de la
théorie des graphes appuyée par des « matrices d’adjacences »57.
Au moment de la réalisation de ce travail, le compte Twitter « @crdva24 » comptait 51
abonnés (80 abonnées en septembre 2012) et était lui-même abonné à 74 comptes.
Ce compte Twitter permet de diffuser l’information mise en ligne sur le site Internet du centre
de ressources et de retransmettre, par l’intermédiaire de « retweets », des informations
relatives à la vie associative auprès de ses abonnés.



57
  Mercklé Pierre (2011), Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, coll. « Repères », troisième
édition, 128 p. pages 22 à 28.



Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ?               Page 37
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire      J-Luc GADIOUX


        2.2.2. Méthodologie


Dans un premier temps, nous avons identifié les interconnexions entre chaque abonné du
compte @crdva24. Nous avons listé les abonnés au compte @crdva24 et pour chacun nous
avons regardé s’il était connecté à un autre abonné du compte @crdva24. Ce travail a été
retranscrit dans une matrice (figure 3).
Dans un deuxième temps, nous avons étudié quelles étaient les personnes qui avaient
« retweeté » les informations du compte @crdva24 et auprès de combien de personnes
(correspondant au nombre d’abonnés à leur propre compte). Il est intéressant de noter que des
personnes ont retweeté les informations du compte @crdva24 sans y être abonné, mais nous y
reviendrons dans les éléments d’analyse.
Lors de ce travail, nous avons qualifié les abonnés relevant de liens « forts » (abonnés connus
du gestionnaire du compte avec lesquelles les relations sont régulières) et les abonnés relevant
de liens « faibles » (abonnés inconnus du gestionnaire du compte, sans relations régulières
autres que par l’intermédiaire de Twitter).
Voir tableau en annexe : « @crdva 24 : Etude retweets & mentions - Liens forts / Liens
faibles ».


Ce deuxième travail nous a permis de réaliser un graphe illustrant ces interconnexions
(figure 4). Pour des raisons de lisibilité, nous n’avons pas donné de direction aux liens entre
les abonnés, cette information pouvant être trouvée dans la matrice des interconnexions.




Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ?         Page 38
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  Figure 4 : graphe des interconnexions des abonnés au compte @crdva24




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Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentarité ou de substituabilité ?
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Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentarité ou de substituabilité ?

  • 1. Master 2 SMEA-ESS Stratégie et Management des Entreprises Associatives de l’ESS Titre Associations et médias sociaux : Relation de complémentarité ou de substituabilité ? Mémoire présenté et soutenu par Jean-Luc GADIOUX Directeur de mémoire : Jean-Luc RAYMOND Chargé de cours Universités CELSA Paris Sorbonne, Paris Est - Marne-La-Vallée Promo 2011-2012 Octobre 2012
  • 2. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX « Les opinions exprimées dans ce mémoire sont celles de l’auteur et ne sauraient en aucun cas engager le directeur de mémoire ou l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée » Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 2
  • 3. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX PREAMBULE Dans le contexte de mon activité salariale, et compte tenu de mes intérêts pour le mouvement de l’Education populaire, ce mémoire représente pour moi un support à visée pédagogique. Il apporte un sens supplémentaire à ma démarche professionnelle et représente une opportunité de nourrir ma réflexion dans ce domaine. Parcours de vie de l’auteur du mémoire L'aspect collectif a toujours joué un rôle important dans ma vie. Je suis le cadet d’une famille de sept enfants, j'ai joué au rugby, j'ai passé mes vacances d'enfant et d'adolescent en collectivité dans les centres de loisirs et de vacances. Dans ma vie professionnelle, j'ai été impliqué dans le travail en équipe dans chaque fonction que j’ai pu occuper. Ma carrière commence par une succession de postes de cuisinier au sein de brigades en restauration traditionnelle. J'ai effectué mon service militaire en tant que Marin Pompier. J'ai ensuite dirigé des équipes de restauration et des structures de tourisme social. Je suis actuellement responsable du service vie associative de la Fédération de la Ligue de l’Enseignement de la Dordogne. Une de mes principales missions est d’accompagner les bénévoles dans la mise en œuvre de leur projet collectif associatif. Je peux donc affirmer que le lien social fait sens pour moi, et c’est naturellement que je me suis intéressé au phénomène des réseaux sociaux numériques. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 3
  • 4. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX REMERCIEMENTS Je souhaite ici adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m'ont apporté leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de ce travail ainsi qu’à la réussite de cette formation. Je tiens à remercier sincèrement Jean-Luc Raymond, Chargé de cours à l’Universités CELSA Paris Sorbonne, Paris Est - Marne-La-Vallée, qui, en tant que Directeur de mémoire, s'est toujours montré à l'écoute et disponible tout au long de la réalisation de ce mémoire, ainsi que pour l'inspiration, l'aide et le temps qu'il a bien voulu me consacrer. J'exprime ma plus grande gratitude aux chercheurs et personnalités, Laurence Allard, Dominique Cardon, Bastien Sibille, et François Meynier, qui ont accepté de répondre à mes questions avec une grande compréhension et générosité. Mes remerciements s’adressent également à mes amis et collègues, Claire Largarde, Delphine Martin, Jean-Luc Sanvicens et Gilles Le Page, qui ont gentiment pris sur leur temps pour relire mon mémoire, et à tous ceux qui, par leurs réflexions et leur aide ponctuelle, ont participé à la réalisation de cette tâche. Je tiens à exprimer ma reconnaissance à mon employeur, représenté par Renée Simon, présidente de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, et Jean-Luc Sanvicens, secrétaire général de la fédération, pour m’avoir permis de suivre cette formation dans les meilleurs conditions, ainsi qu’à mes collègues qui ont su s’adapter et combler mes absences régulières lors de ces deux années. Je n'oublie pas mon épouse Lydie et ma fille Blandine, qui m'ont toujours soutenu et encouragé au cours de cette formation et de la réalisation de ce mémoire. Enfin, même si je ne le connais pas personnellement, je souhaite ici remercier Monsieur Michel Beaud, pour son livre « L’art de la thèse, comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l’ère du net »1, qui m’a beaucoup aidé dans la structuration de ma recherche et la méthodologie de travail. Merci à toutes et à tous. 1 Michel BEAUD.- L’art de la thèse, comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l’ère du net.- Edition La Découverte, Paris, 2006. 202 pages. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 4
  • 5. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX TABLE DES MATIERES PREAMBULE ............................................................................................................................ 3 REMERCIEMENTS .................................................................................................................. 4 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 7 1. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, NOUVELLES FORMES D’ASSOCIATIONS ? .......................................................................................................................................... 11 1.1. Peut-on caractériser l’engagement associatif traditionnel ? ...................................... 11 1.1.1. Eléments historiques et contextuels ................................................................... 11 1.1.2. Les raisons d’agir ............................................................................................... 12 1.1.3. Les évolutions de l’engagement ......................................................................... 16 1.1.4. Eléments de synthèse ......................................................................................... 18 1.2. Les mobilisations sur les médias sociaux en ligne : nouvelle forme d’engagement ? .. ................................................................................................................................... 19 1.2.1. L’exemple du « Bad Buzz » des supermarchés CORA...................................... 20 1.2.2. L'impact des médias sociaux pendant le printemps arabe .................................. 21 1.2.3. Un compte Twitter fermé grâce à la mobilisation sur Internet........................... 22 1.2.4. Le mouvement des « Indignés » ......................................................................... 23 1.3. Medias sociaux en ligne : risque ou opportunité pour le monde associatif ? ............ 24 1.3.1. Médias sociaux : risque de substitutions ? ......................................................... 24 1.3.2. Médias sociaux en ligne : une opportunité à saisir ? .......................................... 27 2. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, OUTILS AU SERVICE DU MONDE ASSOCIATIF ? ........................................................................................................................ 31 2.1. Les médias sociaux comme support du fait associatif ? ............................................ 31 2.1.1. La notion de capital social appliquée à une association. .................................... 31 2.1.2. Les médias sociaux numériques : la force des liens faibles ............................... 33 2.2. L’exemple du compte Twitter du centre de ressources départemental de la vie associative de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne. ................................................ 36 2.2.1. Objet de l’étude et données statistiques ............................................................. 37 2.2.2. Méthodologie ..................................................................................................... 38 2.2.3. Eléments d’analyse ............................................................................................. 41 2.2.4. Twitter comme outil de veille ............................................................................ 43 Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 5
  • 6. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX 2.3. Impact des médias sociaux en ligne sur la fréquentation des sites Internet .............. 43 2.3.1. L’exemple du site Internet de la Ligue 24 .......................................................... 46 2.3.2. Le référencement devient « social » ................................................................... 47 3. QUELS OUTILS POUR QUEL PROJET ? .................................................................... 49 3.1. Existe-t-il un risque pour les associations à utiliser un outil commercial de type Facebook ? Est-ce compatible avec les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire ? ........ 49 3.2. Associations et logiciels libres : des valeurs à partager ? .......................................... 51 3.3. Oxwall, Elgg, Diaspora, des alternatives à Facebook ? ............................................. 53 3.3.1. Le projet Diaspora .............................................................................................. 54 3.4. La Ligue de l’enseignement doit-elle disposer de son propre média social EN LIGNE ? ............................................................................................................................... 58 CONCLUSION ........................................................................................................................ 62 conditions de réussite et perspectives ................................................................................... 64 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 67 SITES INTERNET VISITES ................................................................................................... 72 COMPTES TWITTER SUIVIS ............................................................................................... 73 TABLE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES ...................................................................... 74 TABLE DES ANNEXES ......................................................................................................... 75 Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 6
  • 7. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX INTRODUCTION La Fédération Française du bénévolat et de la Vie associative, dans un article publié sur son site Internet en date du 17 novembre 20112, évoque une crise du bénévolat en ces termes : « Le désintéressement solidaire est en passe de voler en éclat. Il est inutile de faire l'autruche, la crise du bénévolat n'est pas un vain mot. Les associations peinent à recruter de nouveaux bénévoles et surtout, à conserver ceux qui jusqu'à présent, donnaient du temps et de l'énergie pour les autres. » Paradoxalement, la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA), dans un document3, publié en mars 2012, indique que « le bénévolat est en plein essor et les Français de plus en plus nombreux à souhaiter s’engager : sa croissance en volume4 est de l’ordre de 4 % par an », complétant cette analyse par quelques chiffres clé : 1,3 millions d'associations, 16 millions de bénévoles, soit plus de 32% de la population adulte, 23 millions de Français adhérents d'une association. Par ailleurs, en parallèle, Isabelle Compiègne, dans son livre « La société numérique en question(s) », parlant « des nouveaux dispositifs de communication et leur diversification » et du phénomène de « connexion continue », dit « qu’elle entraine un morcèlement de l'activité et une dispersion des engagements avec le danger que cela nuise finalement à la profondeur de l'investissement dans la relation. » Un exemple tiré d’une enquête réalisée par Harris Interactive5 sur Facebook illustre l’engouement des français pour de ces nouveaux dispositifs de communication : La France compte plus de 16 millions de « fans » actifs sur Facebook. Fin 2011, 80% des utilisateurs de Facebook sont membres d’au moins une page fan, qu’il s’agisse de la page Facebook d’une marque, d’une entreprise, d’une association, d’un 2 http://www.benevolat.org/news/193-pour-stopper-la-crise-du-benevolat-un-projet-de-loi-enfin.html 3 CPCA. Intitulé « Repère sur les associations en France », le document propose une photographie de la dynamique associative française. Mars 2012. http://associations.laligue.org/media/transfer/doc/p_o_t_o_2.pdf 4 Mesuré à partir du nombre annuel d’heures de travail bénévole dans les associations 5 Enquête réalisée en ligne par l’institut Harris Interactive en novembre et décembre 2011. Echantillon total de 3 000 individus représentatifs de la population des internautes français âgés de 15 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. http://www.harrisinteractive.fr/news/2012/09012012.asp Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 7
  • 8. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX personnage public… Et 80% de ces fans sont « actifs » au sens où ils suivent les publications des pages dont ils sont membres. Parmi les catégories de pages Facebook les plus plébiscitées par les « fans » français, on retrouve en 3ème position, celles d’organismes et d’associations à but non lucratif. Facebook, Twitter, LinkedIn, Google+… Les réseaux sociaux numériques sont de plus en plus fréquentés. Depuis cinq ans, ils connaissent un développement sans précédent auprès de publics très divers. L’année 2010 a été marquée, selon une étude de l’IFOP (Observatoire des réseaux sociaux)6, par une expansion importante de ces sites de socialisation, dont se sont emparées les grandes marques commerciales, qui bouleversent les modes de communication de notre société. Ils représentent toutefois certains risques pour leurs utilisateurs. Les « sociaux-internautes » rendent publiques des informations sur eux-mêmes ou leurs amis (contacts personnels ou professionnels, photos, convictions religieuses, préférences sexuelles). Ces informations peuvent être par la suite utilisées à des fins malveillantes ou discriminatoires. L’année 2011 voit émerger des mouvements de mobilisation citoyenne dans lesquels les réseaux sociaux numériques jouent un rôle important, notamment “en créant de nouveaux liens de solidarité et de sociabilité entre ceux qui informent et ceux qui reçoivent l'information pour contourner la censure et informer en continu et en direct des évènements” 7 : le "printemps arabe" en a été le révélateur. Plus près de nous, la mobilisation d’une fraction de la population espagnole, se désignant eux- mêmes « les indignés », sur les places des villes, ainsi que celle de comités de citoyens en Italie, coordonnés par le Forum Italien des Mouvements pour l'Eau Publique, afin qu'ils participent aux référendums populaires, l'illustre également. Avec les médias sociaux, les modalités traditionnelles de mobilisation prennent "un coup de vieux" : le syndicalisme, le multipartisme, les manifestations, voire la représentation par 6 IFOP : Observatoire des réseaux sociaux : http://www.slideshare.net/azizhaddad/ifop-observatoire-rseaux- sociaux-janvier-2010 7 Rita Chemaly. Les réseaux numériques au service des intifadas arabes . Table ronde du 20 avril 2011, Institut des sciences politiques, université Saint Joseph : http://ritachemaly.files.wordpress.com/2011/04/table-ronde-isp- intifadas-arabes-et-ntic-par-rita-chemaly.pdf Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 8
  • 9. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX l'élection... S’ils ne se substituent pas à ces modalités traditionnelles, les médias sociaux jouent le rôle de catalyseurs pour des mobilisations et des actions collectives. Par la gratuité, la rapidité et la facilité de leurs services, ils aident à organiser des actions collectives. Les "flash-mobs"8, l'agora des "chats"9 et des "tweets"10, constituent de « nouvelles » modalités de communication : des nouveaux espaces d'expression et de mobilisation peu ou pas régulés. Ces premiers éléments contextuels identifiés, ces questions peuvent être posées : les mobilisations sur les médias sociaux en ligne11, peuvent-elles venir se substituer, mêmes partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus traditionnelles ? Ou peuvent-elles être complémentaires, voire venir renforcer la mobilisation associative ? Si les médias sociaux en ligne peuvent être des outils au service du fait associatif, l’utilisation de médias de type Facebook, dont le modèle économique est capitaliste, est-elle en cohérence avec les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire et de l’Education populaire ? Ce mémoire de fin d’études de Master « Stratégie et Management des Entreprises Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire » a pour thème les médias sociaux en ligne et leurs interactions possibles avec les réseaux sociaux physiques et plus particulièrement les associations. Pour répondre aux questions préalablement posées, nous définirons dans un premier temps ce qui caractérise l’engagement associatif. Puis nous étudierons les possibilités de substitution de l’engagement militant traditionnel par les médias sociaux. Dans un deuxième temps, nous nous efforcerons de montrer en quoi les médias sociaux peuvent être des outils de renforcement de son propre réseau militant et comment ceux-ci peuvent permettre d'élargir la diffusion du projet politique d'un 8 Un "flash-mob", ou encore mobilisation éclair, est le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. Le rassemblement étant généralement organisé au moyen d’Internet, les participants ne se connaissent pas pour la plupart. 9 Chat : ce terme correspond à la possibilité de discuter en ligne sur internet en temps réel avec une ou plusieurs personnes. Contrairement au logiciel de messagerie, le chat permet à l'interlocuteur de prendre instantanément connaissance du contenu du message au moment même où ce dernier est écrit. www.cnil.fr/index.php 10 Tweet : message limités à 140 caractères diffusé sur le logiciel de microblogging Twitter. 11 Les médias sociaux en ligne désignent un ensemble de services permettant de développer des conversations et des interactions sociales sur internet ou en situation de mobilité. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 9
  • 10. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX mouvement d'Éducation Populaire auprès d'associations ou de militants plus éloignés. Il s'agira ici de vérifier si la théorie de Marck Granovetter12 sur "La force des liens faibles" peut être appliquée aux médias sociaux. Dans un troisième temps, sera posée la question de l'adéquation du ou des médias sociaux choisis avec les valeurs de l'Education Populaire. Il s’agira, dans cette partie, de s’interroger sur les médias sociaux les plus adaptés aux valeurs de l'Éducation Populaire, au risque de se priver de l’audience des médias que sont les entreprises et marques Facebook, Twitter, Google +, et des liens éventuels entre le monde du Logiciels Libres et celui de l’Education Populaire. Le travail effectué dans ce document s’appuie sur des interviews de chercheurs et de personnalités dont les travaux sont connexes à la thématique de ce mémoire. Il prend également appui sur des enquêtes réalisées par des organismes extérieurs sur l’engagement associatif et sur les médias sociaux. Enfin, une partie sera consacrée à l’étude et l’analyse d’un compte Twitter associatif et sur l’impact des médias sur la fréquentation de sites Internet associatifs. Pour réaliser ce mémoire, nous mobiliserons principalement les champs disciplinaires des sciences de l’information et de la communication et de la sociologie, notamment la sociologie des réseaux. 12 Mark Granovetter, né en 1943, est professeur de sociologie à l'Université Stanford. C'est l'un des principaux acteurs du renouveau de la sociologie économique. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 10
  • 11. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX 1. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, NOUVELLES FORMES D’ASSOCIATIONS ? Afin d’évaluer le risque de substitution, même partiel, de l’engagement associatif traditionnel par l’engagement sur les médias sociaux, nous allons, dans une première partie de ce chapitre, tenter de clarifier ce qui caractérise l’engagement associatif bénévole traditionnel. Puis, nous nous intéresserons aux nouvelles modalités d’engagement pouvant être mises en œuvre à travers les médias sociaux. Enfin, nous nous interrogerons sur les risques et sur les opportunités que peuvent représenter les médias sociaux pour le monde associatif. 1.1. PEUT-ON CARACTERISER L’ENGAGEMENT ASSOCIATIF TRADITIONNEL ? 1.1.1. Eléments historiques et contextuels En France, la notion d’engagement a été fortement liée à l’action partisane et au militantisme politique. On a longtemps considéré que l’engagement « noble », l’engagement par excellence était l’engagement politique, suivi de l’engagement syndical. Les autres formes d’engagement (associatif et/ou bénévole) étaient souvent dévalorisées. Ce n’est que récemment que les chercheurs (notamment les sociologues) ont inclus l’engagement bénévole et associatif dans l’étude des formes de participation au débat public.13 Les crises qui ont affecté, depuis une trentaine d'années un modèle militant construit dans l'action politique et syndicale, essentiellement marqué à gauche, ont retenti sur l'engagement associatif. Celui-ci a, dans certains cas, connu une évolution parallèle, le militant laissant progressivement la place à l’usager, dans une logique de consommation d’activité et non d’engagement militant sur des valeurs partagées. Dans d'autres, il s'est affirmé comme une modalité substitutive de l'engagement politique. Selon le discours dominant relayé par les médias, le bénévolat serait en crise, notamment au niveau de la jeunesse. C'est aussi le sens commun et la perception des intéressés eux-mêmes. 13 L'engagement contemporain : Les raisons d'agir et le sens des mutations Note de problématique élaborée par Catherine LENZI, sociologue, chercheuse associée au laboratoire Printemps/CNRS, responsable du pôle enseignement supérieur, recherche et international à l’IREIS Rhône-Alpes Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 11
  • 12. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Lors d’une intervention aux Journées d’Etudes des Responsables Fédéraux (JERF) de la Ligue de l’Enseignement en février 2012, Viviane Tchernonog (chargée de recherche au CNRS), nous dit : « Il n’y a pas de crise du bénévolat. Le travail bénévole connaît, au contraire, un rythme de croissance tout à fait considérable. Les différents travaux qui sont conduits auprès des associations permettent de conclure que le bénévolat est en plein essor. Les dernières données nous permettent d’affirmer aujourd’hui que 32 % des français âgés de plus de 18 ans ont une activité bénévole, ce qui nous fait à peu près 16 millions de bénévoles. Pour autant, le travail bénévole connaît un certain nombre de difficultés, notamment dans le renouvellement de ses responsables, qui explique les discours tenus sur la crise du bénévolat. » Ces quelques éléments historiques et contextuels, nous conduisent à nous intéresser aux modalités qui poussent les individus à s’engager dans une association. 1.1.2. Les raisons d’agir Au travers du lien d’association, l’individu s’inscrit dans le collectif par une relation volontaire, libre et pour un temps donné. Il développe des relations informelles, multiples, basées sur la multiplication des expériences. C’est une sorte de mise en réseau perpétuelle dans laquelle la relation prime sur le cadre dans lequel elle s’exerce. En agissant ainsi, l’individu s’affranchit de ses appartenances (familiales, sociales, professionnelles) pour devenir un « individu pluriel », résultat d’expériences forgées tout au long de cette socialisation élargie. Il s’inscrit en fait dans un lien d’association et ce dans le sens où ses relations aux autres sont volontaires, libres et conçues dans un rapport égalitaire.14 Ce lien d’association est présent dans notre vie de tous les jours, par les relations que nous nouons entre nous, « groupements de fait, groupements informels ». Ainsi le fait associatif est visible bien au-delà du phénomène de l’association déclarée, contractualisée : l’association de fait est aussi une réalité du lien social. Association de fait et association déclarée ne sont pas à opposer, l’une et l’autre s’inscrivent avant tout dans une approche renouvelée du lien social par le lien d’association. 14 SUE Roger. - Renouer le lien social. Liberté, égalité, association.- Éditions Odile Jacob. - 2001 Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 12
  • 13. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Dans son intervention lors des Journées d’Etudes des Responsables Fédéraux (JERF) de la Ligue de l’enseignement (février 2012), Catherine Lenzi15, nous propose de rendre lisibles les raisons qui motivent et orientent les conduites des individus qui, si elles ne sont pas forcément liées à la thèse utilitariste, ne sont pas pour autant des « actes gratuits », c’est-à-dire non motivés. Pour Catherine Lenzi, le sens de l’acte d’engagement renvoie moins à la notion d’intérêt – au sens d’un calcul stratégique et rationnel – qu’à celle d’illusio, théorisée par Pierre Bourdieu : « L’illusio, c’est le fait d’être pris au jeu, d’être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle, ou, pour dire les choses simplement, que ça vaut la peine de jouer. »16 Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine Nicourd, à partir d’une analyse des processus d’engagement observés dans des associations de solidarité, ont montré que l’intensité des engagements dépendait de la façon dont les organisations répondent aux attentes des militants sur quatre registres : « l’utilité sociale, le sens de l’engagement pour la trajectoire personnelle, le plaisir apporté par une sociabilité et un statut satisfaisant, la légitimité de l’engagement au regard des normes sociales dominantes »17. Un rapport de recherche, "Intérêts d'être bénévole"18, vient compléter l’analyse de Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine Nicourd. L’objectif essentiel de cette recherche concerne moins le bénévolat en tant que tel, que l’analyse des incidences positives, ou éventuellement négatives, pour le sujet de la pratique d’une activité bénévole régulière au sein d'une association. Cette recherche a été réalisée auprès de cinquante huit bénévoles à partir d’entretiens non directifs sur leur parcours initiatique de formation et de construction de savoirs, à partir d’un échantillon raisonné. L’analyse des entretiens est réalisée avec le logiciel d’analyse de données textuelles Alceste dont la méthodologie vise à découvrir l’information essentielle contenue dans un texte. Les résultats de cette recherche, illustrés par le schéma suivant (Figure 1), montrent ceci : 15 Catherine LENZI : Sociologue, chercheur associé au laboratoire Printemps/CNRS Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines 16 Pierre BOURDIEU, « Un acte désintéressé est-il possible ? », Raisons pratiques, Paris, Seuil, 1994, p. 151 17 Bénédicte HAVARD DUCLOS, Sandrine NICOURD.- Pourquoi s'engager ? : Bénévoles et militants dans les associations de solidarité.- PAYOT, 2005, 224 p. Page 194 18 Recherche réalisée en 2010 par le laboratoire Cerlis/CNRS de l'Université Paris Descartes sur commande du Crédit Mutuel et de la Fonda. http://www.cnrs.fr/inshs/recherche/docs-vie-labos/interet-etre-benevole.pdf Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 13
  • 14. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Classe 1 : Animer, assurer des responsabilités et acquérir des compétences Pour 19% des bénévoles interrogés, l’engagement dans une association est souvent en concordance avec une finalité professionnelle. Le fait de s’appuyer sur les ressources de l’institution associative, de prendre des responsabilités sont des moyens d’acquérir une reconnaissance sociale. Le bénévolat permet d’enrichir ses expériences, de développer des aptitudes, d’acquérir des compétences. Il pousse à prendre des responsabilités et des initiatives. Ces discours mettent l'accent et valorisent tout particulièrement le réinvestissement professionnel et la reconnaissance sociale, voire une perspective d’emploi ou une promotion. Classe 2 : Projet de développement personnel Pour 15% des bénévoles interrogés, l’engagement bénévole est un moyen d’utiliser des missions associatives non seulement pour acquérir des compétences selon un projet personnel, voire un tremplin vers l’emploi, mais aussi pour s'épanouir tout en occupant son temps libre. Chez les plus jeunes, on s’investit pleinement dans des missions jugées intéressantes et utiles si le projet permet de développer des compétences et laisse une grande part aux initiatives individuelles. C’est un engagement bénévole dont l’utilité est positive pour la société mais tout autant pour l’individu lui-même. La satisfaction personnelle vient en partie du don à l'autre. Altruisme teinté d'individualisme donc, où se côtoient motivations pour l’autre et motivations pour soi. Classe 3 : Contraintes et environnement familial Pour 29% des bénévoles interrogés, il apparaît nettement qu’une des motivations principales déclarées est l'aspiration à rencontrer des personnes, établir des contacts et rendre service. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 14
  • 15. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Mais en même temps cet engagement est contraignant, surtout pour l’environnement familial qui en supporte les conséquences. Milieu familial qui est pourtant souvent à l'origine de ces engagements selon différentes traditions. Classe 4 : Individu et liens sociaux Pour 37% des bénévoles interrogés, le désir de se faire des amis et la recherche d’épanouissement est assez prégnant, c’est aussi une façon de lutter contre le risque de repli sur soi. Souhaiter rencontrer des personnes ayant les mêmes préoccupations, se faire des amis, partager des moments conviviaux et festifs à l’issue des moments forts vécus ensemble sont aussi des motifs de satisfaction garants d’un engagement durable. Une deuxième analyse des contenus des entretiens vient renforcer et compléter les items d'informations significatifs déjà repérés et quantifiés par le logiciel Alceste. Trois grands thèmes majeurs et transversaux à pratiquement tous les discours qui recoupent en partie et affinent l'analyse précédente, se détachent :  Le plaisir de se réaliser : L’engagement bénévole apparaît d’abord comme lié à un loisir particulier par lequel nous pouvons tout à la fois nous connaître et « nous produire ». Il correspond à un projet d’activité où le plaisir est synonyme de réalisation de soi. En un sens, on est passé d’un engagement militant à une logique d’épanouissement personnel, ou en tout cas à une inversion des motivations.  Acquérir des compétences : S’il est difficile de considérer l’engagement bénévole comme un «travail» au sens d’une activité contractuelle, subordonnée et rémunérée, tous les bénévoles interrogés affirment en retirer des avantages par l’acquisition de nouvelles compétences. Ces compétences pouvant précisément faire l’objet d’un transfert dans le monde du travail. Par sa posture, le bénévole acquiert progressivement plus de confiance en soi et une capacité à se distancier. L’expérience bénévole facilite les acquis de compétences empathiques comme la capacité de mieux comprendre les autres, de motiver les gens rencontrés.  Affiliation & lien social : Le besoin d’appartenance à un groupe, d’échange et de reconnaissance est très fort, surtout quand nous nous sentons isolé. Le désir de se faire des amis est assez prégnant. A la différence du lien social qui se construit directement Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 15
  • 16. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX dans le rapport aux autres, la reliance est la représentation de son engagement à travers le groupe, le collectif, l’association. Nous nous lions individuellement et nous sommes relié par le collectif, par le sentiment d’une appartenance commune. C’est aussi un moyen de sortir des contraintes familiales et professionnelles tout en permettant de rencontrer d’autres personnes et d’apprendre autre chose. Si les raisons de s’investir dans le bénévolat associatif se traduisent principalement par le plaisir de se réaliser, par l’acquisition de nouvelles compétences susceptibles d’être transposées dans la vie professionnelle et par le désir de lien social, cet engagement associatif subit-il des mutations ? Des évolutions ? 1.1.3. Les évolutions de l’engagement Si on entend derrière le terme engagement, l’engagement partisan ou politique, il ne fait donc pas l’ombre d’un doute que les individus aujourd’hui ne se reconnaissent plus dans ces modes de participation collective qu’ils perçoivent comme sacrificielle et en désaccord profond avec les valeurs individuelles et d’autonomie qui les animent. Ce n'est donc pas anodin si les acteurs associatifs se définissent davantage comme des individus "engagés" et affranchis des logiques d'appareil, que comme des militants, terme associé au petit soldat de la cause. Suivant cette même logique, les individus engagés dans une action collective et plus généralement les bénévoles associatifs, se définissent souvent comme apolitiques ou non partisans, quand bien même tout dans leur pratique, témoigne du contraire.19 « Au militant dévoué et fidèle, fonctionnant à l’appartenance identitaire et à l’engagement illimité, aurait succédé un militant plus autonome à l’égard des organisations, mobilisé sur des objectifs concrets, modestes et spécialisés mais utiles, sur des durées limitées. L’action deviendrait plus importante que l’affiliation, dans un idéal tout autant libéral que libertaire »20. 19 Catherine LENZI.- L'engagement contemporain : Les raisons d'agir et le sens des mutations. Intervention lors des JERF de la Ligue de l’enseignement (février 2012). 20 HAVARD-DUCLOS et NICOURD, 2005, p. 171 Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 16
  • 17. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Si l’on en croit les discours de Catherine Lenzi et de Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine Nicourd, il semblerait que l’engagement militant, basé sur l’appartenance identitaire liée au projet politique de l’association, évoluerait vers une forme plus limitée dans le temps sur des objectifs plus précis. C’est en cela qu’il existe une profonde différence entre les « nouveaux bénévoles » et le modèle militant traditionnel. Alors que ce qui fonde une association, ce qui doit être l’objet du ralliement des adhérents est une finalité partagée, ce qui motive aujourd’hui les « nouveaux bénévoles » réside davantage dans l’action qu’ils conduiront eux- mêmes. La recherche d’un épanouissement individuel et la volonté de garder son autonomie dans l’association prendraient le pas sur un engagement permanent. Certains sociologues ont développé une thèse sur une mutation des formes de l’engagement. Jacques Ion explique, par exemple, qu’elle oppose un militantisme « total » du passé à un militantisme « distancié » du temps présent21. Le premier se caractériserait par un investissement intense dans la cause, à laquelle une large part de la vie familiale et des loisirs serait sacrifiée : réunions plusieurs soirs par semaine, distributions de tracts et vente du journal le dimanche, auxquels s’ajouteraient cotisations élevées, docilité à l’égard de la hiérarchie et fort attachement identitaire au mouvement (parti, syndicat…). Le second se singulariserait, à l’opposé, par les fluctuations de l’engagement, conçu comme « à la carte » : chacun choisirait ses propres rythmes, degrés et modalités de participation au groupe, et se méfierait des structures bureaucratiques hiérarchisées perçues comme menaçantes pour son autonomie et sa liberté. De même, ces nouveaux militants n’hésiteraient pas à passer d’une cause à une autre au gré de leurs envies et disponibilités (de la défense d’un site menacé à celle des sans-papiers, par exemple). Viviane Tchernonog (JERF, février 2012), constate que le profil des bénévoles a changé depuis une dizaine d’années22. Ils sont devenus beaucoup plus exigeants. Ils sont nombreux à souhaiter maîtriser leurs parcours de bénévoles, à vouloir diversifier les expériences. Ils préfèrent souvent certains secteurs d’activités. Les jeunes préfèrent faire du bénévolat dans la culture ou l’humanitaire et d’autres secteurs sont délaissés. Les nouveaux bénévoles veulent avoir une prise sur le projet de l’association. 21 Jacques ION. - La fin des militants ? - Paris, L’Atelier, 1997. 22 Viviane TCHERNONOG. - Les grandes tendances de l’évolution des associations. - Article extrait de juris associations n° 384 du 15 septembre 2008. Reproduit avec l’autorisation des éditions Juris associations. https://www.associatheque.fr/fr/fichiers/etudes/tendances-evolution-asso-2008.pdf Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 17
  • 18. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Ils ne veulent pas être de simples exécutants. Ils aspirent aussi à pouvoir infléchir un certain nombre d’actions de l’association. 1.1.4. Eléments de synthèse Le tableau ci-dessous (Tableau 2) tend à synthétiser ce qui caractérise l’engagement associatif et ses évolutions. Tableau 2 : Raisons d’agir et évolutions de l’engagement associatif Les raisons de l’engagement - Le désir de lien social : se faire des amis, associatif : rencontrer de nouvelles personnes, hors du cercle professionnel et familial, partager des moments conviviaux. Le besoin d’appartenance à un groupe. - Le plaisir de se réaliser : épanouissement personnel, s'épanouir tout en occupant son temps libre, motivations altruistes et motivations plus personnelles. - Acquérir des compétences : prise de responsabilités comme acquisition de reconnaissance sociale, réinvestissement professionnel, voire perspective d’emploi ou promotion. Acquisition de compétences empathiques. Les contraintes de - Engagement contraignant, surtout pour l’engagement : l’environnement familial qui en supporte les conséquences. Les évolutions de - Plus limité dans le temps. l’engagement : - Sur des projets d’actions plus précis. - Sur des rythmes plus souples, choisis par le bénévole. - Méfiance envers les structures bureaucratiques hiérarchisées. - Impliqué dans le projet global de l’association Vs simple exécutant. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 18
  • 19. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Par ailleurs, Isabelle Compiègne, dans son livre « La société numérique en question(s) »23, parlant « des nouveaux dispositifs de communication et leur diversification » et du phénomène de « connexion continue », dit « qu’elle entraine un morcèlement de l'activité et une dispersion des engagements avec le danger que cela nuise finalement à la profondeur de l'investissement dans la relation. » L’engagement sur les médias sociaux peut-il venir se substituer à l’engagement associatif traditionnel ? Internet est-il en train de réinventer une culture de l’engagement militant ? 1.2. LES MOBILISATIONS SUR LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE : NOUVELLE FORME D’ENGAGEMENT ? De 1995 à 2001, l'Internet militant prend véritablement forme avec les listes de diffusion sur le web24. Internet donne la possibilité à ceux qui n'appartiennent pas ou ne veulent pas appartenir à des organisations syndicales ou associatives de donner une ampleur à leurs revendications. Cette période de développement de technologies façonne de nouveaux comportements engagés permettant à de nombreux individus de se dégager des organisations. On parle de micro-mobilisations, non pour témoigner de leur faible diffusion, mais pour signaler qu'elles peuvent se déployer à partir de l'action d'un homme. Les mobilisations ne sont plus l’apanage des mouvements syndicaux ou associatifs, une somme d’individus peut désormais, à partir du témoignage en ligne d’un seul membre, mobiliser autour d’une revendication, d’un fait ou de la défense d’une cause. Manuel Castells25 évoque par ailleurs que « les réseaux en ligne, quand ils se stabilisent, peuvent engendrer de véritables communautés : des communautés certes virtuelles, différentes en cela des communautés physiques, mais pas nécessairement moins fortes ou moins efficaces pour maintenir un contact ou mobiliser. » 23 Isabelle COMPIEGNE.- La société numérique en question(s).-Auxerre, Siences Humaines Éditions 2011.- 127p. 24 Une enquête menée auprès de cyberactivistes montre comment Internet est devenue un véritable laboratoire politique. Scripts, blogs, forums, listes de discussions reformulent sans cesse les cadres du débat public. Article paru le site scienceshumaines.com inspiré du livre « Devenir Média » (Olivier Blondeau en collaboration avec Laurence Allard) - http://www.scienceshumaines.com/quand-internet-reinvente-le-politique_fr_21841.html 25 Manuel CASTELLS.- La Galaxie Internet.- Paris : Fayard, 2001.– 365 p Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 19
  • 20. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX 1.2.1. L’exemple du « Bad Buzz26 » des supermarchés CORA L’exemple de la caissière des supermarchés CORA illustre bien le pouvoir de mobilisation des médias sociaux. C’est un article publié sur l’Express.fr qui déclenche « la machine » le 26 octobre 2011. L’histoire de cette caissière des supermarchés Cora, « Menacée de licenciement pour un ticket de caisse ramassé », provoque des réactions en chaîne et une vague de commentaires violents sur les médias sociaux. La page Facebook de Cora a été prise d’assaut par les internautes qui ont multiplié les invectives et des commentaires furieux. Même chose sur Twitter où Cora entre très vite dans les sujets tendances du moment. De son côté, l’enseigne Cora tente une modération sur ces médias sans jamais parvenir à endiguer la vague contestataire. Trop tard, l’incendie de la crise est déclaré ! Et les grands médias en font aussitôt leur miel à tel point que les stations de radio France Inter et Europe 1 ouvrent leur antenne à la caissière incriminée, et les indignés s’apaisent à peine le lendemain, quand l’enseigne publie son mea culpa sur Facebook. La direction, après avoir fait savoir dans l'après-midi être en relation avec l'hypermarché de Mondelange, a annoncé sa décision dans la soirée sur sa page Facebook. Elle annonce « ne pas poursuivre la procédure engagée à l'encontre d'une salariée du magasin. » Cora ajoute : « Nous avons conscience de l'émotion suscitée par les informations parues depuis ce matin. » Le statut a été commenté plus de 500 fois. Si la décision est évidemment une bonne nouvelle pour la salariée, les internautes estiment que la réaction de Cora est bien faible, et demandent, pêle-mêle, « des excuses publiques », un « boycott » ou encore la « démission de la direction ». La mobilisation sur les médias sociaux a gagné, la salariée est réintégrée, et Cora s’en tire avec une e-réputation négative dans les annales de Google. Cette mobilisation éclair n’est pas un cas isolé, et reflète le pouvoir fédérateur de l’Internet, pourvoyeur de nouveaux outils pour défendre, plaider, dénoncer, aider, critiquer, et agir, autant d’actions qui étaient jusque là mises en œuvre par des organisations associatives, politiques ou syndicales. Mais cette mobilisation n’est-elle pas ponctuelle ? A-t-elle permis de 26 Un bad buzz est un phénomène de "bouche à oreille" négatif qui se déroule généralement essentiellement sur Internet. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 20
  • 21. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX faire avancer réellement la cause des conditions de travail des caissières de supermarchés ? Impacte-t-elle les ressources humaines de l’entreprise ? 1.2.2. L'impact des médias sociaux pendant le printemps arabe L’année 2011 voit également émerger des mouvements de mobilisation citoyenne dans lesquels les réseaux sociaux numériques jouent un rôle important, notamment “en créant de nouveaux liens de solidarité et de sociabilité entre ceux qui informent et ceux qui reçoivent l'information pour contourner la censure et informer en continu et en direct des évènements 27 » : le « Printemps Arabe »28 en a été le révélateur. Rita Chemaly, lors d’une table ronde autour des Intifadas Arabes, organisée par l’Institut des Sciences Politiques, à l’Université Saint Joseph de Beyrouth, le mercredi 20 avril 2011, nous éclaire sur le rôle des médias sociaux lors du « Printemps Arabe ». Ce rôle, dit-elle, s'est centré autour de trois pôles : - Diffuser l'information et les messages de soutien aux populations révoltées, mais aussi et surtout couvrir le mouvement de rue et alerter, notamment via Twitter (exemple de Samer Karam qui mettait à jour une liste des disparus et utilisait Twitter pour alerter l’opinion sur le sort des « activistes » et opposants arrêtés, torturés ou kidnappés). - Contester avec des pétitions et articles qui expriment le ras-le-bol des citoyens, et de ceux qui les soutiennent, donnant aussi la parole, sur la sphère publique numérique, à la diaspora des pays concernés et aux dissidents. 27 Rita CHEMALY, diplômée en sciences administratives et politiques de l'Institut des Sciences Politiques de l'Université Saint Joseph de Beyrouth. Les réseaux numériques au service des intifadas arabes . Table ronde du 20 avril 2011, Institut des sciences politiques, université Saint Joseph : http://ritachemaly.files.wordpress.com/2011/04/table-ronde-isp-intifadas-arabes-et-ntic-par-rita-chemaly.pdf 28 Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations populaires, d'ampleur et d'intensité très variables, qui se produisent dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 21
  • 22. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX - Se mobiliser en se regroupant dans des groupes de façon affinitaire par la création de groupes sur Facebook et de Hashtags29 (#) sur Twitter qui regroupent et catégorisent les flux d'informations, et rassemblent autour d'initiatives communes. Un des enseignements que nous pouvons tirer de cette analyse est que les médias sociaux ont été des catalyseurs pour des mobilisations et des actions collectives communes, qu’ils ont été des outils cruciaux lors des Intifadas arabes, mais qu’il ne faut pas oublier, comme le rappelle justement Rita Chemaly en conclusion de son intervention, « que la grande part de la mobilisation et de l'action politique effective, a eu lieu dans la rue et dans les manifestations de quartiers ». 1.2.3. Un compte Twitter fermé grâce à la mobilisation sur Internet Plus récemment, un compte Twitter pédo-pornographique a été suspendu le 9 août dernier par le site de micro-blogging, grâce à la mobilisation massive d’utilisateurs. Le compte « @many501611 » a été trouvé et fermé après que des utilisateurs du réseau social ont commencé à le dénoncer. La mobilisation des internautes utilisant Twitter ayant rapidement pris de l’ampleur, le compte pédo-pornographique a été signalé à la plateforme officielle du ministère de l’Intérieur chargée de ce type de dossier. Depuis sa création en janvier 2009, le service qui emploie conjointement policiers et gendarmes tous rattachés à la Direction Centrale de la Police Judiciaire, a déjà à son actif plusieurs dizaines de milliers de signalements par des individus. En revanche, c’était la première fois qu’un signalement était réalisé sur le réseau social en France. Cet exemple prouve le pouvoir de mobilisation offert à des citoyens par les médias sociaux pour des actions rapides et ponctuelles. En effet, l’action des utilisateurs de Twitter, découvrant grâce à ce média un acte délictuel, a pu faire stopper cette diffusion à caractère pédo-pornographique. Pour autant, il semble peu probable que la majorité des internautes ayant participé à cette mobilisation s’engage dans une action à plus long terme pour la lutte 29 Derrière ce mot barbare se cache un symbole trop souvent oublié du clavier : le #. Twitter remet ce symbole sur le devant de la scène en lui donnant un rôle capital, celui d’annoncer un sujet ou un mot-clé. Un hashtag est ainsi un mot-clé précédé d’un #. Il permet d’ajouter une information complémentaire à un tweet, qui va permettre de regrouper les messages autour d’un même thème, d’un même lieu ou encore d’un même évènement, facilitant ainsi sa diffusion. Définition issue du livre d’Emilie OGEZ et Jean-Noël CHAINTREUIL : Twitter. Edition Diateno, 2012. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 22
  • 23. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX contre la pédo-pornographie. Ce que permettent les médias sociaux de type Facebook ou Twitter, c’est la diffusion rapide auprès d’un nombre massif d’individus d’une information (même erronée d'ailleurs...) qui peut impliquer ceux-ci le temps d’un « clic ». Selon Alban Martin30, cofondateur du Social Media Club et maître de conférences associé au Celsa Paris IV Sorbonne, c’est une « forme hybride de l’engagement », qui serait née grâce à Internet et aux réseaux sociaux, « plus superficielle, et souvent décevante quand il s’agit de passer au concret ». Ce dernier attribue cette volatilité à l’outil lui-même : on peut soutenir une cause sur Facebook en un clic, sur une page qui accroche le chaland avec des airs de pétition : « C’est un problème d’émotion. Sur le coup de l’émotion, on peut cliquer vite sans réfléchir ». 1.2.4. Le mouvement des « Indignés » Si les mobilisations virtuelles ne sont pas nécessairement synonymes d’engagement réel et pérenne dans le temps, nous aurions tort de négliger ce pouvoir de mobilisation. Il ya encore quelques années, les mobilisations de citoyens, signifiant leurs désaccords par des manifestations de rues, étaient initiées par des collectifs formels. En 2006, par exemple, Les syndicats et coordinations d'étudiants et de lycéens, ainsi que les partis de gauche, manifestent contre le gouvernement Dominique de Villepin et demandent le retrait des Contrats Première Embauche et Nouvelle Embauche (CPE & CNE). Cette mobilisation rassemblait, le mardi 28 mars 2006, environ 1 055 000 manifestants, selon la police, plus de trois millions selon FO et la CGT31. Aujourd’hui, les modalités de mobilisation semblent, dans certains cas, s’être inversées. L’engagement, sur Internet, d’individus, non structurés en collectifs formels, inspire des actions collectives d’envergures. Dans le cas du mouvement des « indignés », inspiré par le petit ouvrage de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! », qui de Madrid à Athènes exprime sa colère, l’appel sur Internet s’est traduit en un engagement concret, physique de la part des 30 Alban MARTIN. - Mobilisation numérique : « une forme hybride de l'engagement ». - www.terrafemina.com/culture/culture-web/articles/9254-mobilisation-numerique-l-une-forme-hybride-de- lengagement-r.html 31 Lemonde.fr, article paru le 27 mars 2006 : http://www.lemonde.fr/international/article/2006/03/27/la- mobilisation-contre-le-cpe-atteint-une-ampleur-inegalee_755248_3210.html Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 23
  • 24. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX internautes. Descentes dans les rues, marches organisées, campements de fortune, autant d’actions symboliques et pacifiques pour manifester leur ras-le-bol. C’est également ce que nous rappelle Christophe Aguiton, lors du colloque « Refaire Société : 32 Comment s’engager aujourd’hui ?» : « Aujourd’hui, pour s’engager, on commence par agir. On publie un dessin de chat sur Facebook, comme l’a fait Willis from Tunis33. On lance une pétition. On rencontre d’autres personnes. On construit peu à peu plus de sens. Avant, on considérait qu’il fallait d’abord être organisé avant d’être convaincu. On était militant avant de faire des manifs. Aujourd’hui, c’est la manif qui est le lieu de rencontre ». Ces mobilisations, facilitées par les médias sociaux, ne constituent-elles pas une nouvelle forme d'engagement, moins structurée, plus spontanée dans son expression ? L’engagement associatif traditionnel risque-t-il de disparaître au profit de l'engagement sur les médias sociaux ? Les associations ne devraient-elle pas, au contraire, profiter de cette opportunité pour diffuser plus largement leur projet politique ? 1.3. MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE : RISQUE OU OPPORTUNITE POUR LE MONDE ASSOCIATIF ? Si ces nouvelles formes de mobilisation présentent effectivement quelques risques pour l’engagement traditionnel, elles représentent également des opportunités auxquelles le monde associatif devrait s’intéresser. 1.3.1. Médias sociaux : risque de substitutions ? S’il existe un risque pour les associations, notre avis est qu'il réside dans la nature même des modalités d’engagement sur les médias sociaux. En effet, l’engagement traditionnel associatif reposait sur des structures hiérarchisées et pérennes qui portaient la parole collective des militants. Internet s’est construit différemment, avec pour ADN l’expression de l’individu en tant que personne. Dans les mobilisations contemporaines comme le mouvement « Occupy 32 Compte rendu du colloque « Refaire Société : Comment s’engager aujourd’hui ? »: http://internetactu.blog.lemonde.fr/2012/01/03/refaire-societe-comment-s%E2%80%99engager- aujourd%E2%80%99hui/ 33 Page Facebook WillisFromTunis : http://www.facebook.com/pages/WillisFromTunis/145189922203845 Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 24
  • 25. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Wall Street34 » ou celui des « Indignés », c’est d’abord la personne qui s'exprime et s'engage. En cela, certains mouvements associatifs peuvent être réticents à développer une stratégie de présence sur Internet et sur les médias sociaux, de peur de ne plus maîtriser un discours construit par le collectif. Toutefois, pour Nathalie Boucher-Petrovic35, « ces technologies offrent des opportunités d’élargissement des lieux d’échange, de débat et d’interaction ; autrement dit de l’espace public ». Ce risque nous semble toutefois limité. Notre avis est que la parole collective a davantage de chance d’aboutir, et d’être prise en compte par les pouvoirs publics, si elle est portée par un collectif structuré et formel, passant par des formes associatives, syndicales ou politiques. Ainsi, pour Dominique Cardon36, « il est inutile d’opposer les mobilisations en ligne et les mobilisations traditionnelles, passant par les formes associatives. En fait, les premières sont souvent très poreuses et beaucoup de ceux qui sont les plus actifs dans les mobilisations en ligne ont souvent une socialisation militante et politique préalable.37 » Un des risques identifiés par les responsables associatifs croisés dans notre quotidien professionnel, est un risque de « virtualisation » des échanges allant à l’encontre même des raisons de l’engagement associatif, à savoir le désir de lien social (se faire des amis, rencontrer de nouvelles personnes, partager des moments conviviaux) comme nous l’avons montré précédemment. A cela, Valérie Peugeot38, répond « Contrairement à une crainte couramment répandue lors des premiers développements d’Internet, et pourtant démentie dès ce moment-là, les technologies de l’information ne se substituent pas aux échanges humains, relationnels, mais au contraire les amplifient, les démultiplient, ou leur font emprunter de nouvelles voies. La préparation d’une décision collective peut être grandement facilitée par 34 Occupy Wall Street (en français : « Occupons Wall Street/New York » ) est un mouvement de contestation pacifique, initié en 2011, dénonçant les abus du capitalisme financier. 35 Education populaire et TIC : mise en perspective et enjeux - Communication de Nathalie Boucher-Petrovic, aux Roumics le 15 juin 2006 à Lille 36 Dominique CARDON, sociologue et Chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux de l’École des Hautes Études en Sciences sociales. 37 Voir interview complète en annexe. 38 Valérie PEUGEOT, chercheuse à l'Orange Labs, présidente de l'association VECAM.- Réseaux humains, réseaux électroniques. - Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 2001. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 25
  • 26. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX les outils à distance ; la construction finale d’une pensée collective et les prises de position et de décisions importantes demanderont toujours le face à face. » Un autre risque que nous pouvons identifier de l’utilisation faite des médias sociaux est que ces nouveaux outils placent parfois au même niveau des causes très nobles, des débats de société sérieux, et des requêtes très superficielles. Des millions de personnes peuvent se mobiliser pour élire le candidat de Koh-Lanta ou la Danette du mois, et cliquer ensuite sur une pétition à caractère politique ou humanitaire. Pour pallier cet écueil et être visibles et lisibles sur ces médias numériques, les militants associatifs devront se convertir au « marketing agressif du web 2.039 », ce qui suppose une montée en compétences qui peut passer par une stratégie de recrutement de bénévoles ou de professionnels, issus d’une tranche de la population plus jeune et souvent plus aguerris à ces nouveaux outils. François Meynier40, chargé de mission Technologies de l’Information et de la Communication à la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, en charge d’une mission déléguée « Société Numérique » auprès de la Ligue de l’enseignement nationale, nous explique que « les mobilisations numériques ne pourront jamais se substituer totalement aux formes traditionnelles d’engagements qui passent par les actions de terrain, utilisées comme autant de vecteurs pour faire passer pratiques, idées et valeurs. Cependant, elles sont un complément intéressant lorsque l’on veut communiquer sur ces actions. Les formes traditionnelles d’engagements associatifs ne peuvent donc faire l’impasse sur ces nouveaux moyens de communication au risque de perdre de l’audience face à des alternatives d’engagement plus axées sur de la consommation. » Même si l’engagement sur les médias sociaux présente des risques pour les organisations associatives traditionnelles, elles doivent s'interroger sur le risque qu’il y aurait pour le monde associatif à ne pas être présent sur les médias sociaux, et plus globalement sur le Web 2.0. Le risque pour un mouvement associatif d’être absent des médias sociaux est de notre point de vue de plusieurs ordres : - Que d'autres parlent à sa place sur des sujets qui font pourtant sa raison d’être. - Que d'autres parlent de lui à sa place. 39 Considéré comme l'évolution naturelle du web actuel, le web 2.0 est un concept d'utilisation d'internet qui a pour but de valoriser l'utilisateur et ses relations avec les autres. 40 Voir interview en annexe Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 26
  • 27. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX - Que d'autres offrent lieux de parole et de partage à sa place. - Que d'autres fédèrent son public naturel à sa place. S’il existe bien un risque « d’émiettement de l’engagement que ce soit sous sa forme politique ou sous sa forme associative, qui lui est dangereux pour la pérennité des structures associatives», comme nous le rappelle Bastien Sibille, fondateur de l’entreprise solidaire de logiciels libres TALCOD et secrétaire général de l’Association Internationale des Logiciels Libres (AI2L), dans une interview qu’il nous accordait le 18 juillet 2012 41, les associations ne devraient-elle pas saisir « ces nouvelles opportunités de s’exprimer dans les outils et médias numériques qui semblent correspondre aux démarches actives et collaboratives propres à l'éducation populaire »42 ? Il ne s'agirait donc pas de s’exclure des évolutions technologiques et des médias sociaux en ligne, mais de profiter des opportunités offertes, d'y participer, voire même d’être moteur dans le domaine de l’appropriation citoyenne des outils et médias numériques. 1.3.2. Médias sociaux en ligne : une opportunité à saisir ? Si les médias sociaux représentent un risque pour l’engagement associatif traditionnel, en favorisant un émiettement pouvant correspondre aux évolutions repérées de cet engagement (Plus limité dans le temps ; Sur des projets d’actions plus précis ; Sur des rythmes plus souples, choisis par le bénévole ; Méfiance envers les structures bureaucratiques hiérarchisées), ils offrent également à une association une belle opportunité de communiquer. Il est toutefois nécessaire que l'association connaisse bien les spécificités des modes de mobilisation sur les réseaux sociaux. Ceux-ci passent d’abord par des contenus partageables autour desquels il est possible d’interagir. Les vidéos, les infographies, les « images toutes faites », qu'on partage, qu'on « like »43, qu'on « retwitte »44 ... sont des matériaux pour 41 Voir interview complète en annexe 42 Nathalie Boucher-Petrovic, « La société de l’information « appropriée » par l’éducation populaire : une tradition en question », tic&société [En ligne], Vol. 2, n° 2 | 2008, mis en ligne le 07 mai 2009. URL : http://ticetsociete.revues.org/528 43 Liker : cliquer sur une information publiée sur Facebook pour dire qu'on l'aime. 44 Le retweet est une pratique courante sur Twitter. C’est le tweet d’une personne, republié par un autre utilisateur qui le trouve suffisamment intéressant pour le faire découvrir à ses abonnés. Définition issue du livre d’Emilie OGEZ et Jean-Noël CHAINTREUIL : Twitter. Edition Diateno, 2012. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 27
  • 28. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX mobiliser autour d’un projet dans le cadre d’une logique de dissémination des contenus par les publics visés. Le cas de la campagne Kony 2012 est un cas extrême mais il est porteur d'enseignements. Il s'agit d'une vidéo controversée mettant en scène Joseph Kony et utilisant la dramatisation, l’émotion et la simplification pour stigmatiser un pays - l’Ouganda - alors même que Kony ne s'y cache plus, et ce depuis 2006. Cette vidéo a été visionnée par des millions de personnes. Une très grande majorité de ceux qui ont partagé et fait circuler cette vidéo n’auraient jamais eu connaissance des exactions commises et du cas des enfants soldats si les modalités de l’interaction par contenus en vigueur sur les médias sociaux n’avaient pas été déployées à une échelle jamais atteinte jusqu’à là sur un sujet « sérieux ». Cette forme de militantisme a sa place dans les associations et les actions qu’elles proposent : c’est le « besoin » d’une organisation qui est au cœur de la logique d’engagement. En cela, les réseaux sociaux numériques ne se substituent pas aux associations traditionnelles mais leur sont complémentaires. C’est ce que nous dit Laurence Allard45, dans l’interview qu’elle nous accordait : « les mobilisations sur les médias sociaux sont avant tout complémentaires aux mobilisations associatives traditionnelles. » Certains partis politiques ont d’ailleurs bien compris ce pouvoir de communication lors de la dernière campagne présidentielle. La plupart proposaient à leurs militants des kits de présence sur les médias sociaux. Le Parti Communiste Français, par exemple, consacrait un chapitre entier de son « Guide du militant »46 sur l’utilisation d’Internet pendant la campagne : règles pour mettre en place un mailing, conseils pour bien utiliser Facebook et Twitter, intérêt et mode d'utilisation des Hastags (#PCF, #placeaupeuple, #FDG, #Melenchon2012). Pour François Meynier, ces médias ne sont pas seulement une opportunité : ils deviendront dans le futur un des principaux moyens de communication des associations (en plus des moyens de communication traditionnels, électroniques ou classiques). 45 Laurence ALLARD, maître de conférences en Sciences de la Communication, Chercheur à l’IRCAV- Paris/Enseignante à l’Université Lille 3. Voir interview complète en annexe 46 Guide du militant du Parti Communiste Français : http://www.pcf.fr/sites/default/files/guide_militant_2.pdf Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 28
  • 29. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Des associations ont choisi avec succès d’investir dans les médias sociaux, le cas des Restos du cœur est de ce point de vue intéressant. Pour chaque partage Facebook ou hashtag #restos2012, un repas était offert aux bénéficiaires des Restos. Danone et Carrefour se sont associés au Restos du cœur pour réaliser cette opération. Ces deux firmes promettent alors de distribuer 1 repas par partage Facebook (dans la limite de 5000 partages), 1 repas par hashtag #restos2012 (dans la limite de 10 000 hashtags), 10 repas pour un billet de blog (dans la limite de 2000 billets) et 15 repas pour un dessin (dans la limite de 150 dessins). Bien sur, on l’aura compris, c’est une opération de communication pour Danone et Carrefour mais c’est aussi un gros coup de communication pour les Restos du cœur. Le bilan de cette opération est positif : l’objectif des 5000 partages sur Facebook a été complètement atteint (en 2 heures seulement !), en voyant plus de 70 000 partages accomplis en 1 jour. Par ailleurs l’objectif des 10 000 tweets a été également atteint en 1 jour lui aussi. A ce jour le nombre d’images et d’articles partagés n’est pas comptabilisable, mais les Restos du cœur affirment que le lancement de cette opération est une vraie réussite puisque que plus de 15 000 repas ont été distribués. D’autre part, en développant de nouvelles formes de participation bénévole, aux côtés des intervenants ponctuels ou réguliers avec une fonction précise (animation, trésorerie, accueil, représentation …), les associations pourront également profiter de ces technologies pour développer des missions bénévoles adaptées aux contraintes de certaines des personnes qui hésitent à s’engager. Par exemple, du « bénévolat à distance » pour s’occuper, de sa Bretagne ou de Paris, de la communication de la fête d’été à Périgueux pour aider des organisateurs déjà investis sur place. Cette solution permettrait également à des personnes isolées ou en situation de handicap d’être bénévoles à hauteur de leurs moyens et envies, et, plus largement, de travailler en temps non contraint. Ceci pourrait inciter à s’engager des gens ayant le sentiment d'être « surbookés ». Car un des freins au bénévolat est le manque de temps ou supposé. Bien utilisées, les technologies de l'information permettent de tirer la participation des citoyens vers le haut, d'offrir des occasions de concrétisation à une citoyenneté plus active. Les échanges sur Internet peuvent aussi orienter l'initiative, permettre de trouver l'autre ou les autres qui ont la même approche, les mêmes ressentis, les mêmes convictions, de créer des Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 29
  • 30. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX communautés d'intérêt puis d'action, et ainsi de construire le lien entre dispositions individuelles et actions collectives. N’est-ce pas là une des missions des mouvements d’Education Populaire ? Ces technologies permettent à des formes d’engagement émiettées de s’exprimer, mais elles permettent également de les agréger, de leur donner une temporalité. La théorie de Bastien Sibille, est que l’on va vers des formes faibles d’engagement. Cela ne veut pas dire qu’elles sont meilleures ou pires, elles sont simplement de nature différente. Ces nouvelles formes d’engagement sont plus ténues, et il semble donc important que le monde associatif soit en capacité de produire des technologies qui soient capables de capter ces formes d’engagement. Si nous sommes convaincus que les technologies numériques, et notamment les réseaux sociaux numériques, présentent une opportunité de promouvoir le fait associatif, et mobiliser une base militante renouvelée et d’offrir à des personnes motivées l'occasion et les moyens de participer, qu’en est-il vraiment ? Peut-on mesurer l’impact de ces médias sur la dissémination du projet associatif ? Existe-t-il un intérêt à développer ces formes de mobilisations dites « faibles » ? Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 30
  • 31. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX 2. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, OUTILS AU SERVICE DU MONDE ASSOCIATIF ? Dans ce chapitre, nous allons tenter de montrer en quoi les médias sociaux peuvent être des outils utiles aux associations pour la diffusion de leur projet associatif. Pour ce faire, nous nous intéresserons, dans un premier temps, à la notion de capital social, puis à la théorie de « la force des liens faibles », développée par Mark Granovetter47, pour ensuite essayer de vérifier cette théorie à travers l’étude d’un compte Twitter d’une association. Enfin nous nous interrogerons sur l’impact des médias sociaux sur la fréquentation d’un site Internet associatif. 2.1. LES MEDIAS SOCIAUX COMME SUPPORT DU FAIT ASSOCIATIF ? 2.1.1. La notion de capital social appliquée à une association. Pierre Bourdieu48 (1980) définit le capital social comme “la somme des ressources actuelles ou virtuelles, qui reviennent à un individu ou à un groupe du fait qu’il possède un réseau durable de relations, de connaissances et reconnaissances mutuelles plus ou moins institutionnalisées, c’est-à-dire la somme des capitaux et des pouvoirs qu’un tel réseau permet de mobiliser”. Que cela veut-il dire ? Simplement que, pour l’individu, ses relations avec d’autres individus constituent autant de ressources qu’il peut mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage quelconque dans sa vie sociale. Appliquée à une personne morale que constitue une association, cela pourrait vouloir dire que le capital social d’une association serait constitué de la somme des ressources actuelles (ses propres adhérents) ou virtuelles (adhérents ou sympathisants potentiels) qu’elle possède et qu’elle pourrait mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage quelconque dans sa vie associative. 47 Mark GRANOVETTER, « The strength of weak ties », American Journal of Sociology, 1973 48 Pierre BOURDIEU.– Le capital social.- Actes de la Recherche en sciences sociales N° 31, 1980. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 31
  • 32. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Selon Robert D. Putman49, ce concept renvoie également à un bien collectif, une composante essentielle de toute société et de tout groupe humain constitué comme tel, ce qui en « colle » ensemble les différents éléments, pour reprendre une expression fréquemment utilisée par Robert D. Putnam lui-même (« social glue »). C'est donc la ressource mobilisée pour tisser un lien social. N’est-ce pas là une des missions principales des associations ? Ainsi, pour Jean-Pierre Worms, sociologue engagé et président de la FONDA50, le monde associatif se situe comme un facteur incontournable du capital social de notre pays. On pourrait donc définir le capital social d’une association comme l’ensemble des ressources qu’elle peut obtenir au travers de ses relations sociales. Ce capital existe toujours de façon potentielle : il faut le mobiliser à un moment donné pour le rendre efficace. Mais avant cela, il faut l’avoir accumulé, ce qui s’apparente à un investissement : tisser et entretenir des liens avec d’autres personnes a un coût en termes de temps et d’énergie. C’est pour cette raison que l’on parle de capital. Cette notion de capital social est, de notre point de vue, importante dans tout projet associatif dont la légitimité dépend, avant tout bien sûr de l’action menée sur le terrain, mais également de sa capacité à communiquer sur cette action. En cela, le développement du capital social d’une association est une donnée essentielle pour pouvoir être en capacité de le mobiliser, bien sûr pour mener à bien son action, mais également pour être des relais de communication. Pour Pierre Bourdieu, l’existence d’un réseau de liaisons n’est pas un donné naturel, ni même un «donné social», constitué une fois pour toutes et pour toujours par un acte social d’institution, mais le produit du travail d’instauration et d’entretien qui est nécessaire pour produire et reproduire des liaisons durables et utiles, propres à procurer des profits matériels ou symboliques. Autrement dit, le réseau de liaisons est le produit de stratégies d’investissement social consciemment ou inconsciemment orientées vers l’institution ou la reproduction de relations sociales directement utilisables, à court ou à long terme. 49 Robert David PUTNAM, est un politologue américain, professeur à l'université d’Harvard. Il s'est rendu célèbre par ses écrits sur l'engagement civique, la société civile et le capital social. http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Putnam 50 La Fonda est une association reconnue d’utilité publique. Dès sa création, elle réunit des personnes autour d’un objet commun : valoriser et renforcer la contribution essentielle des associations à l’intérêt général et à la vitalité démocratique de notre pays. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 32
  • 33. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Et les réseaux sociaux numériques dans tout ça ? On présente généralement, et un peu rapidement sûrement, la notion de capital social en disant que celui-ci est constitué par le carnet d’adresse de l’individu. Cette présentation est probablement de moins en moins parlante à des générations pour qui le concept même de « carnet » peut sembler « hors du temps » … Aussi, vaudrait-il mieux dire que le capital social est constitué de l’ensemble du répertoire de votre téléphone portable, de vos contacts sur Twitter ou de vos amis sur Facebook (ou de toute autre technologie permettant d’agréger des contacts). Vous l’aurez sans doute compris : Facebook, comme l’ensemble des autres sites de réseaux du même type, constitue une objectivation du capital social. Et le fait d’être présent sur ces médias sociaux en ligne est un moyen comme un autre d’entretenir, voire éventuellement d’étendre, son capital social. Oui, mais, diront certains, nous pouvons difficilement classer l’intégralité des personnes que nous mettons dans nos réseaux comme des relations proches. Comment alors penser que ce réseau puisse apporter quoi que ce soit d’important à une association ? Des individus éloignés et avec qui nous entretenons que des relations épisodiques peuvent-ils sérieusement être considérés comme des éléments importants du capital social ? C’est là que la théorie de « la force des liens faibles » de Mark Granovetter est intéressante. 2.1.2. Les médias sociaux numériques : la force des liens faibles Nous pensons que les liens qui unissent des groupes sociaux plus distants et plus hétérogènes, comme cela est souvent le cas sur les réseaux sociaux numériques, permettent une meilleure diffusion de l’information. Cela peut s’expliquer de la façon suivante. Dans le cadre des réseaux constitués d’individus composant un cercle restreint (famille, collègues, amis …), pour diffuser une information chacun s’adressera à ses proches et amis. Comme ceux ayant des liens forts ont souvent les mêmes groupes d’amis, certains auront reçu l’information plusieurs fois, mais le nombre d’individus qui aura accès à cette information ainsi que la portée de cette dernière, seront limités. Pour cette raison, les associations auraient avantage à diffuser leur information sur les médias sociaux en ligne, et c’est ce que nous tenterons de Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 33
  • 34. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX montrer plus loin, ceux-ci composant potentiellement un réseau plus élargi que le cercle de l’association elle-même. Mark Granovetter démontre que ce sont les relations de type « connaissances », les liens « faibles » (connaissances, personnes que l’on voit peu, de façon irrégulière, et avec qui on partage peu) qui sont susceptibles d’apporter le plus à l’individu, comparativement aux relations de type « ami », les liens « forts » (connaissances avec lesquelles les contacts sont fréquents). Il a expliqué cette situation, a priori paradoxale, par l’existence d’obligations vis-à-vis des proches avec lesquels des liens très forts sont entretenus. Lorsqu’un individu à la recherche d’un emploi sollicite ses proches, ces derniers se mobilisent aussitôt pour l’aider. Appartenant aux mêmes réseaux que lui et comptant sur les mêmes schémas de contacts, ils ne sont pas les mieux placés pour lui présenter les meilleures offres. Ce sont les liens faibles, ceux reliant des individus qui évoluent dans des sphères différentes et conduisant, par là même, à des réseaux plus larges et hétérogènes, qui s’avèrent les plus efficaces. Les individus comptant sur ces liens faibles accèdent à des sources d’information plus variées et moins redondantes. Mark Granovetter a tiré de cette situation sa célèbre formule : « la force des liens faibles ». Les recherches de Mark Granovetter portaient sur des individus en recherche d’emploi. Cette théorie peut-elle se vérifier pour d’autres types de relations ? Cette théorie des liens faibles peut être facilement transposable à une autre entité sociale que l’individu, à savoir, l’association. Dans ce contexte, les liens forts constitueraient les donateurs réguliers, les membres de l’association, les bénévoles. Les liens faibles quant à eux pourraient se créer et se favoriser grâce à l’utilisation des réseaux sociaux numériques, tel que Facebook par exemple, et aux nombreuses interactions qu’il permet. Pour Manuel Castels51, non seulement les médias sociaux numériques sont efficaces pour maintenir et même développer des liens faibles, mais il semble aussi jouer un rôle positif pour le maintien des liens forts à distance. Par ailleurs, certains sociologues (C. Aguiton, D. Cardon) ont mis en évidence la genèse de formes collectives originales, les coopérations faibles, par opposition aux coopérations fortes. Ces dernières correspondent à des modes de sociabilité courants présupposant une adhésion à 51 Manuel Castells.- La Galaxie Internet.- Paris : Fayard, 2001.– 365 p Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 34
  • 35. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX des finalités et des idéaux communs comme pour les coopérations associatives ou les mobilisations politiques. Le modèle de coopération faible serait lui relié aux usages du Web 2.0. Inversant les séquences que régissent les coopérations traditionnelles (d'abord le partage de valeurs, puis l'instauration de mécanisme de coordination, et enfin la mise en commun des ressources), ces coopérations faibles et en ligne auraient un potentiel de coordination supérieur et sur des thématiques inattendues.52 L’exemple de l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia où tout internaute est invité à participer selon ses centres d’intérêt, ses compétences et ses connaissances, est très représentatif de ce mode de coopération faible. Chaque visiteur du site peut ainsi créer ou modifier un article selon une procédure aisée, facilitée en cela par le choix d’une plateforme WIKI53. Une fois sauvegardée, la nouvelle version est éditée et peu donc profiter à tous. Résultant d’une coordination et d’une coopération entre des milliers de participants, rectifiable par chacun, Wikipédia est donc une encyclopédie évolutive basée sur la coopération. Alors, bien sûr, le statut de Wikipédia comme la première référence sur le web et la première source de connaissance dans le monde est un sujet de controverses. L’audience grandissante de Wikipédia a conduit un grand nombre de personnes à formuler des avis critiques sur la fiabilité des informations présentées dans cette encyclopédie. Ces critiques peuvent être entendues, et sont parfois légitimes, mais l’expérience que nous révèle Michel Serres54 est de ce point de vue intéressante : « Wikipédia est un modèle de démocratie intellectuelle, où il y a certes des erreurs mais somme toute pas davantage que dans de nombreuses encyclopédies de papier publiées sous les parrainages les plus autorisés. Il y a quelques années, avec un groupe de collègues, nous avons inventé un personnage musicien que nous avons affublé 52 Isabelle COMPIEGNE.- La société numérique en question(s).-Auxerre, Siences Humaines Éditions 2011.- 127p. 53 Un Wiki est un système d'édition interactif permettant à plusieurs personnes de rédiger un document collectif sur Internet. 54 Michel SERRES : Philosophe et historien des sciences, Michel Serres a consacré de nombreux essais aux conditions de l’invention et de la transmission des connaissances. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 35
  • 36. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX d’une biographie, d’œuvres, etc., pour voir combien de temps une telle supercherie pouvait durer : et bien en quelques mois de corrections, il n’en restait rien. »55 Mais pour Dominique Cardon56, ce n’est qu’en de rares occasions que ces « coopérations faibles », au terme d’un long travail de consolidation et de renforcement des liens entre les participants, font apparaître des normes et des valeurs que les acteurs endosseront comme attributs identitaires en s’engageant explicitement dans la prise en charge de tâches collectives. Alors les coopérations «faibles» de l’Internet pourront effectivement devenir «fortes» et se doter de ressources et d’instruments d’action, à la manière des collectifs du monde réel. Notre conviction est donc que si les formes de coopérations qui se développent sur les médias sociaux ont peu de chance de contribuer fortement au renouvellement d’une base militante forte, se traduisant par un engagement associatif et bénévole, les réseaux sociaux numériques peuvent être des outils intéressants pour communiquer sur son action auprès d’un public qui ne fait pas nécessairement partie du cercle habituelle de l’association. En cela, ils permettent aux associations de mieux communiquer sur leur projet politique et donc potentiellement de mobiliser autour de celui-ci. Mais qu’en est-il vraiment de ce pouvoir de diffusion par l’intermédiaire des médias sociaux ? Peut-on vérifier si les liens faibles sont les meilleurs relais de l’information diffusée sur les médias sociaux ? 2.2. L’EXEMPLE DU COMPTE TWITTER DU CENTRE DE RESSOURCES DEPARTEMENTAL DE LA VIE ASSOCIATIVE DE LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA DORDOGNE. Avant d’en venir à l’étude du compte Twitter de ce centre de ressources, il nous semble nécessaire de préciser les missions de celui-ci. La Ligue de l’enseignement de la Dordogne est une fédération d’associations (360 associations affiliées en 2012, représentant prés de 19000 adhérents) œuvrant notamment pour 55 Michel SERRES.- La forme classique de la transmission du savoir est périmée.- Article paru dans "Les idées en mouvement", mensuel de la Ligue de l'enseignement, N°200 - Juin/juillet 2012, page3. http://www.laligue.org/wp-content/uploads/2012/06/IEM-200-BR-3.pdf 56 Dominique CARDON. - Vertus démocratiques de l’Internet.- Site Internet : la vie des idées : http://www.laviedesidees.fr/Vertus-democratiques-de-l-Internet.htm . Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 36
  • 37. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX la promotion et le développement de l’engagement bénévole et associatif. Pour mettre en œuvre cette mission, la fédération a mis en place un centre de ressources physique dans les locaux de son siège social à Périgueux (24). La mise en place de ce centre de ressources se traduit par la mise à disposition de documentations relatives au fonctionnement associatif, et par la divulgation de conseils et d’accompagnements individualisés auprès des responsables associatifs et porteurs de projets sur le territoire départemental. Malgré une expertise de 80 ans dans l’accompagnement des associations de son département, et malgré le fait que la fédération ait misé depuis plusieurs années sur le développement de son secteur Vie Associative, notamment en moyens humains, celle-ci souffre d’un manque de visibilité sur ce champ par un grand nombre d’associations. La fédération décide alors en 2010 d’étoffer son offre de services aux associations. Cela se traduit par la création d’un centre de ressources et de développement de la vie associative en ligne : www.24.assoligue.org. Une page Facebook (www.facebook.com/crdva24), un compte Twitter (@crdva24) ainsi qu’un compte Google+ (https://plus.google.com/u/0/108159360629547191710/posts) sont associés à cet outil en ligne et sont autant de canaux d’informations différents permettant d’accéder au centre de ressources en ligne. 2.2.1. Objet de l’étude et données statistiques L’objet de l’étude du compte Twitter de ce centre de ressources était de visualiser le réseau que représentait un tel média et de mettre en évidence le pouvoir de diffusion de l’information de ce réseau social numérique. Cette étude, réalisée sur une période d’un an (d’avril 2011 à avril 2012), est inspirée de la théorie des graphes appuyée par des « matrices d’adjacences »57. Au moment de la réalisation de ce travail, le compte Twitter « @crdva24 » comptait 51 abonnés (80 abonnées en septembre 2012) et était lui-même abonné à 74 comptes. Ce compte Twitter permet de diffuser l’information mise en ligne sur le site Internet du centre de ressources et de retransmettre, par l’intermédiaire de « retweets », des informations relatives à la vie associative auprès de ses abonnés. 57 Mercklé Pierre (2011), Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, coll. « Repères », troisième édition, 128 p. pages 22 à 28. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 37
  • 38. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX 2.2.2. Méthodologie Dans un premier temps, nous avons identifié les interconnexions entre chaque abonné du compte @crdva24. Nous avons listé les abonnés au compte @crdva24 et pour chacun nous avons regardé s’il était connecté à un autre abonné du compte @crdva24. Ce travail a été retranscrit dans une matrice (figure 3). Dans un deuxième temps, nous avons étudié quelles étaient les personnes qui avaient « retweeté » les informations du compte @crdva24 et auprès de combien de personnes (correspondant au nombre d’abonnés à leur propre compte). Il est intéressant de noter que des personnes ont retweeté les informations du compte @crdva24 sans y être abonné, mais nous y reviendrons dans les éléments d’analyse. Lors de ce travail, nous avons qualifié les abonnés relevant de liens « forts » (abonnés connus du gestionnaire du compte avec lesquelles les relations sont régulières) et les abonnés relevant de liens « faibles » (abonnés inconnus du gestionnaire du compte, sans relations régulières autres que par l’intermédiaire de Twitter). Voir tableau en annexe : « @crdva 24 : Etude retweets & mentions - Liens forts / Liens faibles ». Ce deuxième travail nous a permis de réaliser un graphe illustrant ces interconnexions (figure 4). Pour des raisons de lisibilité, nous n’avons pas donné de direction aux liens entre les abonnés, cette information pouvant être trouvée dans la matrice des interconnexions. Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 38
  • 39. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 39
  • 40. Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX Figure 4 : graphe des interconnexions des abonnés au compte @crdva24 Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 40