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SOMMAIRE
INTRODUCTION

p.2

I] QUELLES SONT LES CONDITIONS A L’ADHESION DE LA MACEDOINE ?

p.4

1) Où en est la candidature de la Macédoine ?

p.4

2) La Macédoine et les institutions européennes :

p.5

3) L’ouverture des négociations et les critères de Copenhague :

p.7

II] LES OBSTACLES A L’ADHESION DE LA MACEDOINE A L’UNION
EUROPEENNE :

p.9

1) Des relations tendues avec la Grèce :

p.9

2) La Macédoine répond-elle aux critères de Copenhague ?

p.11

a) La vie politique macédonienne :

p.11

b) L’économie macédonienne, une économie peu compétitive :

p.14

3) L’Union européenne peut-elle intégrer la Macédoine ?

p.15

III] UNE INTEGRATION NECESSAIRE DE LA MACEDOINE :

p.18

1) L’importance des Balkans dans la construction européenne

p.18

2) Une réelle volonté d’entrer dans l’UE :

p.20

3) L’entrée de la Macédoine dans l’UE, facteur de renforcement de la diversité culturelle :

p.23

CONCLUSION

p.26

ANNEXES

p.27

Annexe n°1 : Communication de la Commission européenne sur la candidature de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), Bruxelles, 10 octobre 2012

p.27

Annexe n°2 : Interview réalisée auprès d'Anastasia Guillon

p.29

Annexe n°3 : La situation des Albanais en Macédoine :

p.32

Annexe n°4 : Le processus d'adhésion de la Macédoine

p.35

BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE

p.36
1
INTRODUCTION
La Macédoine, appelée officiellement Ancienne République yougoslave de Macédoine
(ARYM), est un pays qui se situe au sud-est de l'Europe, à l’ouest de la chaîne montagneuse des
Balkans. Ses pays voisins sont la Serbie et le Kosovo au nord ; la Bulgarie à l’est ; la Grèce au sud
et l’Albanie à l’ouest. Sa superficie est de 25 713 km², il y a 2 082 370 habitants et sa capitale est
Skopje (550 000 habitants). La monnaie nationale est le denar. Le pays est peuplé de deux groupes
ethniques principaux. D’un côté, il y a les Macédoniens, dont la langue – le macédonien – est une
langue slave. Ils sont majoritairement de religion orthodoxe. D’un autre côté, il y a les Albanais, qui
sont de religion musulmane et dont la langue maternelle est l’albanais. Après Skopje, les villes
importantes de ce petit pays sont Kumanovo (76 272 habitants), Tetovo (59 915 habitants), Bitola
(93 585habitants), Prilep (66 246 habitants) et Ohrid (43 033 habitants). Gjorge Ivanov est le
président depuis 2009. Nikola Gruevski est le premier ministre et le chef du Parti démocratique
pour l'unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE).

Cartes du continent européen et de la Macédoine

Par ailleurs, la Macédoine est un pays jeune, issu de l’ex-Yougoslavie, dont l’indépendance ne
remonte qu’à 1991. Son histoire est riche, les autorités macédoniennes faisant remonter ses origines
à la Macédoine antique, dont les figures les plus célèbres ont été Philippe II de Macédoine et son
fils Alexandre le Grand. Dans l'Antiquité, la Macédoine était une région de passage entre les
Balkans et la Méditerranée, et entre l’Europe et l’Orient. Quant au peuple macédonien, on lui
connaît des origines multiples venant de Thrace et de Grèce. La Macédoine est slavisée à partir du
VIème siècle après Jésus Christ. Mais elle passe ensuite sous l'influence des Byzantins, des Serbes
et des Bulgares, pour enfin laisser la place à la domination ottomane à partir du XVe siècle, et ce
2
jusqu’ au début du XXe siècle.

La Macédoine et ses différentes influences au cours du Moyen-Age

Au début du XXème siècle, la fin des grands empires que sont l’Empire des Habsbourg et celui des
Ottomans laisse place à de nombreux états-nations. La Macédoine se voit alors partagée entre
quatre Etats en 1913 : à l'ouest, un petit bout revient à l'Albanie ; à l'est, 9 % du territoire vont à la
Bulgarie; au sud, 51 % sont attribués à la Grèce et au nord, 39 % reviennent aux Slaves du Sud,
c’est-à-dire à ce qui deviendra le futur état yougoslave. A la suite de la 2nde Guerre mondiale, la
Macédoine est l’une des six républiques de la Fédération de Yougoslavie. Ce pays est donc issu
d’une histoire tumultueuse, au sein d’une région des Balkans encore instable aujourd’hui. C’est
pourquoi la Macédoine, dont le nom est contesté par son voisin grec, tente de renforcer sa légitimité
à l’échelle internationale. Son rapprochement vis-à-vis de l’Union européenne s’inscrit dans cette
stratégie, avec le dépôt de sa candidature d’adhésion en mars 2004. L’Union européenne, dont les
origines remontent au traité de Rome de 1957, est composée aujourd’hui de 27 pays membres. La
Croatie sera, à partir du 1er juillet 2013, le 28ème état membre. L’UE poursuit d’ailleurs sa politique
d’élargissement, avec l’existence d’autres candidatures officielles : la Serbie, la Turquie, l’Islande,
le Monténégro et donc la Macédoine.
Dans ces conditions, une question s’impose : Peut-on envisager une entrée prochaine de la
Macédoine au sein de l’UE ? Pour y répondre, nous allons d’abord étudier les conditions à une
future adhésion de la Macédoine (I), avant de distinguer les obstacles quant à une adhésion de ce
pays (II) puis analyser les atouts éventuels de cette candidature (III).

3
I]

QUELLES SONT LES CONDITIONS A L’ADHESION DE LA MACE-

DOINE ?

1) Où en est la candidature de la Macédoine ?
Dès son indépendance, la Macédoine a mené une politique d’ouverture internationale, marquée
par son adhésion à l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1993 puis au Conseil de l’Europe en
1995. Cette ouverture s’est également faite à l’échelle européenne, en plusieurs temps importants :
-

En 1998, la Macédoine signe un accord de coopération avec l’Union européenne.

-

En 2001, intervient la signature de l’Accord de Stabilisation et d’Association (ASA). Les
ASA préparent les états signataires à une adhésion future en introduisant les règles communautaires (l'acquis) dans divers domaines. La conclusion d'un ASA prouve la capacité d'un
pays à entretenir des relations plus approfondies avec l'Union. Signé en 2001, cet accord est
officiellement entré en vigueur en avril 2004.

-

En 2003, lors du sommet européen de Thessalonique, la Macédoine est retenue comme candidate potentielle à l’adhésion.

-

En mars 2004, la Macédoine dépose officiellement sa demande d’adhésion à l’Union européenne.

-

En décembre 2005, le Conseil européen octroie à la Macédoine le statut de candidat officiel.

-

En 2009, la Commission européenne recommande l’ouverture des négociations d’adhésion
entre la Macédoine et l’Union européenne. Cette recommandation a été renouvelée les années suivantes, donc en 2010, 2011 et 2012. En effet, le 10 octobre 2012, la Commission européenne a été à l’origine d’une communication1 préconisant à nouveau l’ouverture des négociations d’adhésion. Cependant, ces négociations n’ont à ce jour pas été ouvertes.

-

Depuis le 16 décembre 2009, les citoyens macédoniens bénéficient de l’exemption de visa
pour se déplacer au sein de l’espace Schengen de libre circulation des personnes, des biens
et des marchandises.

-

Depuis le 29 mars 2012, la Commission européenne a ouvert un dialogue de haut niveau sur
l'adhésion avec Skopje.
Par conséquent, la Macédoine est à ce jour à l’étape de préadhésion. Cela lui permet de bé-

néficier d’aides de préadhésion au titre de l’Instrument d’Aide de Préadhésion (IAP). Ces aides ont
été définies pour la période 2007-2013, leur montant est variable selon les années. La Macédoine
n’est pas le seul pays bénéficiaire de l’Instrument d’Aide de Préadhésion. Cet instrument distingue
deux catégories de pays : les pays candidats officiellement candidats et les pays potentiellement
candidats (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo). L’aide accordée à la Macédoine a vu son mon-

1

Voir Annexe 1.

4
tant augmenter progressivement, pour atteindre 105,8 millions d’euros en 2012. Pour l’ensemble de
la période 2007-2013, c’est une aide de 662,5 millions d’euros qui a été accordée.
En millions €

2007

2008

2009

2010

2011

2012

TOTAL

Total

1218,4

1389,3

1390,6

1557,1

1707,8

1849,2

9112,4

Croatie

141,2

146

151,2

154,2

157,2

160,4

910,2

ARYM (Macé-

58,5

70,2

81,8

92,3

98,7

105,8

507,3

Turquie

497,2

538,7

566,4

653,7

781,9

899,5

3937,4

Albanie

61

70,7

81,2

93,2

95

96,9

498

Bosnie-Herzégovine

62,1

74,8

89,1

106

108,1

110,2

550,3

Monténégro

31,4

32,6

33,3

34

34,7

35,4

168,1

Serbie

189,7

190,9

194,8

198,7

202,7

206,8

1183,6

Kosovo

68,3

124,7

66,1

67,3

68,7

70

465,1

doine)

Par ailleurs, les aides se répartissent selon des domaines divers : le développement régional,
l’aide à la transition et au renforcement des institutions, le développement rural, le développement
des ressources humaines et la coopération transfrontalière. En effet, l’Instrument d’Aide de Préadhésion a permis la multiplication des projets de coopération transfrontalière. Parmi ces projets, il y
a celui entre la municipalité de Gevgelija et la Grèce, qui comprend la protection contre les inondations, ainsi que la sauvegarde et la promotion du système de santé public. Par ailleurs, une aide de
700000 euros a été accordée à la municipalité de Strumica afin de permettre la construction d’un
parcours sportif gréco-macédonien, d’assurer l’indépendance énergétique d’une école élémentaire et
de favoriser la restauration et la conservation des enceintes des Tours du tsar.

2) La Macédoine et les institutions européennes :
Même si les négociations d’adhésion n’ont pas encore été ouvertes, la Macédoine entretient
des relations approfondies avec l’Union européenne. Le pays est donc en contacts réguliers avec les
institutions européennes, en particulier la Commission européenne. Présidée par le Portugais José
Manuel Barroso, la Commission européenne, installée à Bruxelles, comprend 27 commissaires,
dont le commissaire à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage Stefan Füle.

5
Stefan Füle, le commissaire à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage

Štefan Füle, né à Sokolov en 1962, est un diplomate tchèque. Il est commissaire européen à
l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage depuis le 10 février 2010. Ses
prédécesseurs étaient Olli Rehn et Benita Ferrero-Waldner. Il est diplomate de formation, il a été
diplômé de l'Institut d'état des relations internationales de Moscou. Avant d'être commissaire
européen à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage, il était ministre des Affaires
Européennes de la République Tchèque. Il s’est donc rendu en Macédoine à plusieurs reprises dans
le cadre de l’avancement de la procédure d’adhésion de la Macédoine. En 2011, dans une
déclaration sans précédent, il a prévenu la Macédoine qu'elle pourrait ne plus jouir de la
recommandation pour le lancement de ses négociations d'adhésion si elle ne progressait pas dans
ses réformes et persistait dans ses actions perçues par la Grèce comme des "provocations". Le 1er
mars 2013, Stefan Füle était en déplacement en Macédoine à Skopje en vue de désamorcer les
tensions grandissantes depuis décembre 2012 entre le gouvernement et l'opposition.
Pour autant, en dépit des positions très tranchées du Commissaire à l’élargissement, la
Commission européenne a émis un avis favorable à l’ouverture des négociations d’adhésion de la
Macédoine. Exprimé à partir de 2009, cet avis favorable a été renouvelé en 2010, 2011 et 2012.
Dans sa dernière communication, la Commission européenne « a estimé que le pays remplissait de
façon satisfaisante les critères politiques et recommandé l'ouverture de négociations ». Elle a ainsi
souligné les progrès réalisés par la Macédoine, en particulier dans le domaine politique, avec « des
progrès sensibles dans plusieurs domaine clés ». Parmi ces progrès, la Commission évoque l’action
du Parlement macédonien, le Sobranié, à l’origine de « propositions relatives à l’amélioration du
cadre législatif applicable aux élections et, dans le domaine de la liberté d'expression, à la
dépénalisation de la diffamation2 ». Pour autant, la Commission a également souligné des aspects
devant être améliorés, évoquant ainsi l’importance du renforcement « de l’Etat de droit » et le
caractère inquiétant des tensions interethniques récentes liées à la minorité albanaise. La
Commission insiste aussi sur l’importance de la résolution du différend avec la Grèce : « Il convient
de trouver une solution sans plus tarder3 ».
C’est d’ailleurs en raison du problème opposant la Macédoine à la Grèce que les négociations d’adhésion n’ont pu être ouvertes. Réuni les 13 et 14 décembre 2012, le Conseil européen a
une nouvelle fois reporté l’ouverture de ces négociations, en raison du veto formulé par la Grèce,
2
3

Voir Annexe 1.
Idem.

6
mais aussi de l’opposition, plus surprenante, de la Bulgarie qui se plaint d’une certaine agressivité
de la Macédoine dans leurs relations bilatérales. A propos de la Grèce, le Conseil européen évoque
en particulier la querelle liée au nom à accorder au pays, celui de Macédoine ne satisfaisant pas les
autorités grecques. Bien que l’Union européenne ne soit pas directement impliquée dans la résolution du contentieux (géré par l’Organisation des Nations unies4) et ne formule pas de condition spécifique à cet égard, elle tient néanmoins à ce que les partis concernés trouvent une «solution mutuellement acceptable5». Lors d’une visite à Skopje le 16 avril 2013, le haut-représentant de l’UE pour
les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Catherine Ashton a insisté sur la nécessité de trouver un accord : « Il faut un règlement sans plus tarder. Je sais que cela peut être difficile, cependant
il n’existe pas d’autre alternative, il n’y a pas d’autre moyen d’aller de l’avant, c’est pourquoi il
faut agir au plus vite pour qu’il ne soit pas trop tard. C’est le seul moyen de progresser vers
l’intégration européenne6. » Concernant les relations avec la Bulgarie, les conclusions du Conseil
européen font référence à « l’importance [pour la Macédoine] de maintenir de bonnes relations de
voisinage» et de « traduire en actions concrètes et en résultats » les discussions engagées avec la
Bulgarie. Par conséquent, bien que félicitées pour les progrès qu’elle a réalisés, la Macédoine se
trouve encore aujourd’hui bloquée dans sa procédure d’adhésion à l’Union européenne.

Le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton

3) L’ouverture des négociations et les critères de Copenhague :
L’avancée de la candidature macédonienne à l’Union européenne dépend donc du veto grec
et d’une opposition plus récente de la Bulgarie. De la levée de ces oppositions dépend un avis favorable du Conseil européen pour une ouverture des négociations d’adhésion. Lorsque ces négociations seront ouvertes, la Macédoine approfondira encore davantage ses relations avec l’Union européenne afin de satisfaire aux trois critères établis par le traité de Maastricht et lors du Conseil européen de Copenhague (juin 1993) et imposés à tout nouvel entrant. Ces trois critères se développent
de la manière suivante :
-

Les critères politiques, en référence à des institutions stables garantissant la démocratie, la
primauté du droit, les droits de l'homme, ainsi que le respect des minorités et leur protection.

4

Le médiateur onusien Matthew Nimetz est en charge du dossier de résolution du différend entre les deux pays.
Rapport de suivi de la Commission européenne d’avril 2012.
6
Article de Jan, « Intégration européenne de la Macédoine : Bruxelles affiche un optimisme prudent », Le courrier des
Balkans, 16 avril 2013.
5

7
Il s’agit du critère le plus important, l’Union européenne s’étant développée dès ses origines
comme un espace de paix et de stabilité politique. L’expérience douloureuse de la 2nde
Guerre mondiale, qui a ravagé le continent européen, a achevé de convaincre les dirigeants
européens de l’importance de construire un espace libéré des guerres.
-

Les critères économiques : Tout pays membre doit posséder une économie de marché
viable et la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché.

-

Au niveau administratif et institutionnel, le critère dit de l’ « acquis communautaire » :
L’acquis communautaire fait référence aux droits et obligations qui lient les états membres
de l’Union européenne. Cette législation est divisée en 35 domaines politiques différents
(chapitres), comme le transport, l'énergie, ou l'environnement. Chaque chapitre est négocié
séparément. L'acquis n'est pas négociable. Les pays candidats doivent arrêter le calendrier et
les modalités d'adoption et de mise en œuvre de l'acquis; l'UE obtient des garanties sur la
date et l'efficacité des mesures prises par les pays candidats pour y parvenir. Pour pouvoir
intégrer l’Union européenne, la Macédoine devra donc intégrer l’ensemble du droit de
l’Union européenne au sein de sa législation nationale.
Par conséquent, entamé en 2004, la procédure d’adhésion de la Macédoine à l’Union euro-

péenne a connu depuis 2004 des avancées significatives. Cependant, malgré l’optimisme du médiateur de l’ONU Matthew Nimetz lors de sa dernière visite en Macédoine en janvier 20137, la querelle
avec la Grèce constitue le principal obstacle à une adhésion prochaine du pays à l’Union européenne8.

Le médiateur de l’ONU pour la Macédoine, Matthew Nimetz

7

Article de Sinisa Jakov Marusic, « Nimetz arrives in Skopje for name talks », BalkanInsight, 10 janvier 2013.
Le 16 avril 2013, le médiateur Matthew Nimetz a proposé aux autorités macédonienne et grecque un nouveau nom :
République de Macédoine septentrionale.
8

8
II]

LES OBSTACLES A L’ADHESION DE LA MACEDOINE A L’UNION EU-

ROPEENNE :
1) Des relations tendues avec la Grèce :
Le retard pris par la candidature macédonienne à l’Union européenne s’explique d’abord par
l’opposition de son voisin du sud, la Grèce. Depuis l’indépendance de la Macédoine en 1991, la
Grèce refuse que la Macédoine soit appelée ainsi car ce nom est aussi le nom d’une région du nord
du pays. Aucune entente n'a été trouvée depuis. Officiellement, les autorités macédoniennes veulent
faire preuve de bonne volonté, à l’image du président George Ivanov qui déclarait le 12 mai 2009
vouloir « accorder une attention particulière à nos relations avec la Grèce » avant de conclure :
« Je ferai tout pour que ces relations se développent dans un esprit de bon voisinage. » Derrière ce
problème du nom, se cachent des querelles d’ordre historique et culturel, en lien avec la Macédoine
antique. En effet, les deux pays considèrent le royaume de Macédoine comme constitutif de leur
héritage historique et culturel. Ce royaume antique s’étendait sur les territoires actuels de la Grèce,
de la Bulgarie et de la Macédoine. Il est surtout connu pour être le royaume où naquit Alexandre le
Grand en 356 avant Jésus-Christ (à Pella). Or, historiquement, le terme « Macédoine » est à la fois
le mot grec qui désigne le royaume et la culture des anciens Macédoniens, qui ont été hellénisés et
font donc partie du patrimoine historique et culturel grec. De plus, géographiquement, le corps principal de la Macédoine antique se trouve à l’intérieur de la Grèce actuelle9.

Le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II de Macédoine (336 avant JC)

Les autorités grecques craignent également que la reconnaissance officielle du nom de
République de Macédoine ne donne ensuite lieu à des revendications territoriales de la part des
autorités de Skopje, en particulier sur le nord de la Grèce jusqu’à la ville de Thessalonique. Trois
périphéries (régions) grecques portent d’ailleurs le nom de Macédoine : la Macédoine centrale (dont
la capitale est Thessalonique), la Macédoine occidentale et la Macédoine orientale et Thrace. Dans
ces conditions, des noms de substitution ont été proposés, tels que « Macédoine du nord » ou
« Macédoine du Vardar », mais ces propositions n’ont abouti à aucune avancée. Par ailleurs, ce
différend à propos du nom à attribuer à la Macédoine a également motivé l’opposition grecque à
l’adhésion de cette dernière à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) lors du
9

Voir Annexe 2.

9
sommet de Bucarest d’avril 2008. Cela signifie qu’à ce jour, le pays est reconnu internationalement
sous le nom d’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM).
A ce problème du nom qui est le problème le plus grave, se sont ajoutés d’autres problèmes.
Il y a d’abord eu celui du drapeau de la Macédoine, adopté en 1992. Ce premier drapeau de couleur
rouge était frappé d’un soleil dit de Vergina, à savoir un soleil de 16 rayons rappelant l’un des
insignes retrouvés lors de fouilles archéologiques sur une sépulture étant vraisemblablement celle
de Philippe II de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand. Finalement, le 12 septembre 1995, à la
suite de la signature d’un accord à New York, la Macédoine a opté pour un nouveau drapeau, ne
comprenant plus que huit rayons de soleil. Avec cet accord, la Grèce a mis fin à son embargo sur le
pétrole. Les deux pays avaient même rompu leurs relations économiques en février 1994.

Le premier drapeau de la Macédoine
(comprenant le soleil de Vergina) et
l’actuel drapeau.

La constitution du nouvel état a aussi été la source d’un contentieux entre la Grèce et la Macédoine.
L’opposition grecque portait en particulier sur l’article 49 de cette constitution, faisant référence à
l’assistance à apporter aux minorités macédoniennes établies dans les pays voisins.

-

Article 49 : « La république veille à la situation et aux droits des citoyens des pays voisins
d'origine macédonienne et des expatriés macédoniens. Elle aide leur développement culturel
et se charge de la promotion des rapports avec eux. La république veille aux droits culturels, économiques et sociaux des citoyens de la république à l'étranger. »

Face aux pressions grecques, cet article a été finalement amendé le 6 janvier 1992.
De plus, la Grèce, mais aussi la Bulgarie, dénoncent ce qu’ils considèrent comme une
montée du nationalisme macédonien. Cette affirmation d’un nationalisme macédonien est liée à la
politique menée par le premier ministre Nikola Gruevski depuis 2006 et qui consiste à faire
remonter les origines du peuple macédonien à Alexandre le Grand. Le projet « Skopje 2014 », d’un
montant de 500 millions d’euros, s’inscrit dans cette politique. Il prévoit la réhabilitation du centre
–ville, avec la construction de statues gigantesques représentant des figures présumées de l’histoire
macédonienne telles que l’empereur byzantin Justinien (527-565) et les moines Cyrille et Méthode.
En juin 2011, une statue de 30 tonnes appelée Guerrier à cheval a été inaugurée. Cette inauguration
a été vécue à Athènes comme une provocation en ce que ce guerrier à cheval fait fortement penser à
Alexandre le Grand.

10
Guerrier à cheval de Skopje

2) La Macédoine répond-elle aux critères de Copenhague ?
Depuis l’ouverture du processus d’adhésion de la Macédoine, des progrès importants ont été
réalisés, comme l’a souligné la Commission européenne dans sa communication d’octobre 2012.
Pour autant, ces progrès ne semblent pas encore suffisants, des problèmes se manifestant dans les
domaines politique et économique.
a) La vie politique macédonienne :
La Macédoine est, depuis son indépendance, une république démocratique reposant sur la
séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et le multipartisme. La scène politique
macédonienne est dominée par deux partis principaux : le VMRO-DPMNE (Organisation
révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne),
qui est un parti conservateur attaché à la démocratie chrétienne et le SDSM (Union socialedémocrate de Macédoine). Héritier légal de la Ligue des communistes de Macédoine – le parti
unique pendant la Guerre froide – l’Union sociale-démocrate de Macédoine a évolué, comme son
nom l’indique, vers une ligne politique sociale-démocrate. Elle est membre du Parti Social
Européen (PSE).

Logos des partis VMRO-DPMNE et SDSM

Cependant, on note une dégradation de la situation politique en Macédoine, avec plusieurs
problèmes :

11
-

L’autoritarisme du pouvoir en place, dominé par le président George Ivanov et le premier
ministre Nikola Gruevski, appartenant tous les deux au parti VMRO-DPMNE. Des informations ont été révélées à ce sujet par l’association fondée par l’Australien Julian Assange :
Wikileaks. Cette association a réussi à s’emparer d’informations émanant de l’ambassade
des Etats-Unis à Skopje. Ces informations font état de plusieurs arrestations d’hommes politiques macédoniens, effectuées en présence de journalistes appartenant à la presse progouvernementale. Ces hommes politiques sont soit d’anciens soutiens du premier ministre,
soit des membres de l’opposition. Parmi les hommes politiques arrêtés, il y a eu Georgi Trekoski, ancien directeur du fonds macédonien pour la santé publiquement arrêté et accusé
d'avoir abusé de sa position. D’autres hommes politiques ont été accusés d'opposition envers
le président.

-

La corruption, qui mine la société macédonienne. Plusieurs affaires de corruption ont éclaté,
notamment celle concernant la vente de bus à deux étages fabriqués en Chine et impliquant
le chef des renseignements macédonien, Sasho Majalkov, qui n’est autre que le cousin de
Nikola Gruevski, et Mile Janakieski, ministre des transports et des communications. La corruption est courante et concerne d’autres secteurs, comme la santé, la justice et la police. Selon une estimation de l'Office national des statistiques, la corruption coûterait aux Macédoniens jusqu'à un milliard d'euros par an, soit presque la moitié des recettes du budget de
2011 (2,3 milliards d'euros). Chaque personne paierait en moyenne 470 euros par an pour
accéder aux services publics, ce qui fait de la Macédoine le plus mauvais pays des Balkans
en matière de corruption. Les arrestations pour corruption sont nombreuses, mais les observateurs locaux et internationaux doutent de l'efficacité de l'état dans sa lutte contre la corruption.

-

La situation des médias, qui ne cesse de se dégrader. Un scandale a éclaté en 2011 en raison
des sanctions prises contre la chaîne privée d’opposition A1. Cette chaîne a dû payer des
amendes et a subi la perquisition et l'arrestation de son propriétaire : Velija Ramkovski. Celui-ci a été accusé de fraude fiscale à hauteur de 17,5 millions d'euros, ce qui aurait entraîné
le gouvernement à geler les avoirs de la chaîne. Cela traduit donc une dégradation de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en Macédoine, ce que dénoncent de nombreux
journalistes au sein de l’Association des Journalistes de Macédoine (AJM).

12
Velija Ramkovski lors de son arrestation

La situation politique en Macédoine est donc particulièrement tendue. Une dégradation a
encore été notée depuis décembre 2012. En effet, depuis cette date, le pays connaît une crise
politique grave. Cette crise a éclaté au Parlement macédonien, le Sobranié, lors du vote du budget
pour l’année 2013. Les députés de l’opposition appartenant au SDSM se sont opposés au vote de ce
budget, considéré comme trop lourd, et ont déposé plus de 1000 amendements afin d’obtenir une
baisse du budget de 240 millions d’euros. Cette opposition a donné lieu à de fortes tensions,
entraînant des affrontements au sein du Parlement et l’évacuation des députés de l’opposition par
les forces de l’ordre. Ces affrontements se sont poursuivis dans les rues de Skopje, avec des
manifestations de partisans des partis SDSM et VMRO-DPMNE aux abords du Parlement. A la
suite de ces incidents, les députés de l’opposition, qui n’ont pas participé au vote du budget
(approuvé par 63 voix pour, 4 voix contre), ont décidé dans un premier temps de ne plus siéger au
Parlement. Un accord a ensuite été trouvé avec le gouvernement de Nikola Gruevski, permettant le
bon déroulement des élections municipales de mars 2013.

Affrontements au Parlement macédonien et dans les rues de la capitale, Skopje

b) L’économie macédonienne, une économie peu compétitive :
Par ailleurs, pour être un bon candidat à l’Union européenne, la Macédoine doit prouver sa
solidité économique afin de respecter les critères économiques établis lors du sommet européen de
Copenhague de 1993. Or, la Macédoine est encore aujourd’hui un pays peu développé, qui souffre
de nombreux retards en termes d’investissements, de création d’emplois et d’alphabétisation. Ainsi,
elle accuse un retard très important par rapport au géant de l’Union européenne qu’est l’Allemagne,
mais aussi par rapport aux pays voisins, récemment entrés dans l’Union européenne (Bulgarie,
Roumanie) ou qui sont sur le point de l’intégrer (Croatie).
13
-

Tableau de comparaison du niveau de développement de quelques pays européens
(Tableau réalisé par Lorenzo FLORE) :
MACEDOINE

PIB par an
et par
habitant
(en dollars
en 2011)
Salaire
moyen
(par mois)

BULGARIE

ROUMANIE

CROATIE

ALLEMAGNE

Moyenne
de l’UE

10 500

7 072

12300

18400

44 556

31607

245 euros

377 euros

466 euros

830,10

2800 euros par

2 395

euros

mois (salaire

euros

brut, en 2008)
0,771

0,875

0,796

0,905

0,850

11,4 %

7,8 % (juin

17,7 %

6,7 %

9,5 %

(Mars 2011)

2009)

(janvier

(Décembre

(est. 2011)

2010)

IDH (en
2011)

0,728

2012)

(78ème
mondial)

Taux de
chômage

Espérance
de vie à la
naissance
Durée
moyenne
de
scolarisati
on

32%

74,8 ans

73,4 ans

74,0 ans

76,6 ans

80,4 ans

79,76 ans

8,2 ans

10,6 ans

10,4 ans

9,8 ans

12,2 ans

X

Les difficultés économiques de la Macédoine ont plusieurs causes. Le manque
d’investissements étrangers est dû aux problèmes liés au nom du pays, à la guerre civile qui a eu
lieu en 2001 et à l’instabilité chronique des Balkans. De plus, les capacités administratives du pays
sont insuffisantes et la corruption est un obstacle au développement économique. Les difficultés de
cette économie se traduisent aussi au niveau de la balance commerciale, largement déficitaire en
2011 (3,667 milliards de dollars).
Cependant, depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le Premier ministre Nikola Gruevski est à
l’origine d’une politique dynamique devant permettre d’attirer les investisseurs : fiscalité très basse
pour les entreprises, fiscalité nulle dans les zones franches, main-d’œuvre peu chère et à certains
endroits terrains même gratuits. De plus, une vaste campagne de publicité a été menée en direction
des investisseurs. Des travaux ont été lancés afin d’améliorer les infrastructures du pays, avec par
14
exemple le projet impliquant plusieurs pays d’une autoroute reliant le port grec de Salonique aux
villes de Skopje, Belgrade puis Vienne.
Pour autant, en dépit de cette politique volontariste, l’économie macédonienne reste une économie
fragile et peu compétitive, minée par un chômage exceptionnellement fort10.
3) L’Union européenne peut-elle intégrer la Macédoine ?
Par ailleurs, côté européen, l’Union européenne peut-elle se permettre d’intégrer de nouveaux pays ? La question se pose d’autant plus que l’UE a connu récemment plusieurs élargissements : celui de mai 2004 a vu l’entrée de 10 nouveaux pays, celui de 2007 permettant l’entrée de la
Roumanie et de la Bulgarie. En juillet 2013, la Croatie sera le 28ème membre de l’Union européenne. C’est d’ailleurs l’expérience de l’élargissement de 2004 qui a poussé les pays membres de
l’UE à mentionner, lors du Conseil européen de juin 2006, la capacité d’intégration de l’Union pour
les futurs élargissements. Cette capacité avait déjà été mentionnée lors du sommet européen de Copenhague en 1993 : « La capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant
l’élan de l’intégration, constitue également un élément important répondant à l’intérêt général aussi bien de l’Union que des pays candidats. » L’expérience des élargissements de 2004 et 2007, la
situation des nouveaux pays candidats et des candidats potentiels ainsi que la situation économique
des états membres ont poussé au rappel de cette capacité d’intégration, au sein d’une stratégie dite
modifiée. Selon cette stratégie modifiée, l’intégration d’un nouvel état membre passe par la transformation des candidats en états membres bien préparés, mais aussi par la résolution par l’UE de ses
problèmes institutionnels actuels : fonctionnement du Parlement européen, pouvoirs de la Banque
centrale européenne (BCE). La mention de cette capacité d’intégration a également poussé l’Union
européenne à envisager un renforcement de sa Politique européenne de voisinage (PEV). Née du
constat que la capacité d’intégrer de nouveaux membres était limitée, cette nouvelle direction est
une sorte de compromis proposé à des pays n’ayant pas vocation à entrer dans l’UE, pouvant se
résumer à la formule suivante : « Moins que l’adhésion, mais plus qu’un partenariat. » Aujourd’hui, les pays concernés par la Politique européenne de voisinage sont l’Algérie, l’Arménie,
l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Moldavie, le Maroc, la Syrie, les Territoires palestiniens occupés, la Tunisie et l’Ukraine.

10

Article de Christophe CHATELOT, « Le plan marketing de la Macédoine pour attirer les investisseurs », Le Monde, 6
mars 2007.

15
Carte de la Politique européenne de voisinage (PEV)

Par ailleurs, si la politique d’élargissement de l’UE est actuellement en débat, c’est en raison
de la crise économique sans précédent que l’Union traverse actuellement. Cette crise a éclaté aux
Etats-Unis à partir de septembre 2008, avec la faillite de plusieurs banques, dont la banque Lehmann Brothers. Comme toutes les banques sont reliées entre elles, les banques d'autres pays ont été
touchées par cette crise. Il a fallu que les états interviennent pour sauver les banques en difficultés.
Or, cette crise à l’origine bancaire a fait apparaître la fragilité des finances publiques des pays européens. Dans ces conditions, l’Union européenne a mis en place le mécanisme européen de stabilité,
dont le but est d’augmenter la solidarité et la stabilité financière dans la zone euro. D’un montant de
500 milliards d'euros, ce mécanisme a ensuite été augmenté jusqu'à 800 milliards en mars 2012.
Cette crise a aussi mis en évidence la faiblesse de l'euro et révélé l'absence d'un véritable « gouvernement économique », les limites de la Banque Centrale Européenne (BCE), réduite dans ses compétences, ainsi que les difficultés à prendre des décisions à 27 et même à 17 (au niveau de l'Eurogroupe) en raison des divergences de vues entre les différents états11.
Dans ce contexte de crise économique, le débat sur l’élargissement de l’Union européenne redouble
d’intensité, avec des arguments divergents que présente le tableau ci-dessous.
-

Tableau sur le débat portant sur la question de l’élargissement de l’UE (Tableau réalisé par Bilal BENYAHIA) :
POUR LA POURSUITE DE

CONTRE LA POURSUITE DE

L’ELARGISSEMENT

L’ELARGISSEMENT

- Les élargissements précédents sont une - L’UE est déjà trop grande : L’UE aurait
réussite économique : Dans un rapport d'experts atteint depuis longtemps une taille ingérable,
publié en décembre 2006 par plusieurs instituts qui serait un obstacle supplémentaire à

11

Catherine LALUMIERE, La crise et l’avenir de l’Union européenne, Site des Maisons de l’Europe, 30 mars 2012.

16
économiques européens de premier plan, il l'entente de ses membres. "Il aurait été
apparaît que l'économie allemande a plus profité important de gérer les adhésions de manière
que prévu de l'élargissement à l'Est, grâce à politique et de les étaler dans le temps", écrit
l'interpénétration des marchés du capital et du le journaliste français Jean Quatremer du
travail. Les nouveaux pays membres profitent journal Libération, qui reproche à l'UE de ne
surtout des investissements directs, tandis que les pas être proche des citoyens: "En voulant aller
anciens pays de l'Union ont gagné de nouveaux trop vite, l'Union a brisé le fragile lien de
marchés,

et

tous

ont

élargi

leur

champ confiance qui l'unit à ses peuples: le train de

d'exportation.

l'Histoire, ce n'est pas seulement l'Est, c'est

- De nouveaux pays ont besoin d’intégrer l’UE : aussi l'Ouest. Et cela, la Commission et les
« La porte doit rester ouverte pour d'autres pays. gouvernements l'ont oublié."
», pense l'économiste hongrois Andras Inotai qui - L’UE doit se réformer : Le journaliste
dirige depuis 1991 l'Institute for World Economics tchèque Jiri Sobota note par ailleurs un besoin
of the Hungarian Academy of Sciences, et qui a de réformes institutionnelles au sein de l'UE et
préparé l'adhésion de la Hongrie à l'UE alors qu'il il est d'accord avec ses collègues de la presse
était en poste à Bruxelles de 1996 à 1998. "S'il y a européenne. Dans l'hebdomadaire Respect, il
une certaine lassitude liée à l'élargissement, elle écrit le 14 décembre 2006: "L'adhésion de
est due à l'incapacité de réformer des pays de nouveaux pays a toujours été assimilée à un
l'Europe

de

l'Ouest." pas vers une collaboration plus étroite –
notamment à travers les traités de Maastricht
et de Schengen. Depuis 2004 ce n'est plus le
cas, parce que le projet de Constitution
européenne est gelé."
-Le problème des délocalisations vers l’est :
L’intégration de nouveaux pays, au niveau de
développement plus faible, expose les pays les
plus riches aux risques des délocalisations.

Par conséquent, parmi les obstacles à l’adhésion future de la Macédoine dans l’Union
européenne, il y a les difficultés que connaît actuellement l’Union, que ce soit au niveau
économique ou au niveau politique. Pour autant, la poursuite de l’élargissement vers l’est ne seraitelle pas de nature à renforcer l’UE ?

17
III]

UNE INTEGRATION NECESSAIRE DE LA MACEDOINE :
1) L’importance des Balkans dans la construction européenne :

La région des Balkans est considérée historiquement comme une région instable, qui a été
marquée par de nombreux conflits, avec en particulier la guerre des Balkans (1912-1913) précédant
la Première guerre mondiale, la guerre en ex-Yougoslavie (1991-1995) et la guerre du Kosovo
(1999). Si la Macédoine n’a pas été frappée directement par la guerre en ex-Yougoslavie, elle a en
revanche été le théâtre en 2001 d’une guerre civile impliquant la minorité albanaise12. Lors d’un
recensement effectué par les autorités macédoniennes en 2003, les Albanais de Macédoine représentaient 25,17% de la population. L’intégration de cette minorité au sein de la société macédonienne est problématique, même plus de 10 ans après le déclenchement de la guerre civile. N’ayant
duré que quelques mois, cette guerre a été ponctuée par la signature le 13 août 2001 des accords
d’Ohrid. Ces accords ont été signés par deux partis macédoniens (VMRO-DPMN et SDSM) et deux
partis de la minorité albanaise (le Parti Démocrate des Albanais, DPA, et le Parti pour la Prospérité
Démocratique, DPA), avec un encadrement de l'ONU, de l'OTAN et de l’Union européenne.
L’objectif de ces accords était d’octroyer davantage de droits aux Albanais, souvent considérés
comme des citoyens de seconde zone. Parmi les points importants de ces accords, il y a en particulier :
-

La reconnaissance de l’albanais, aux côtés du macédonien, comme langue officielle. Cela
signifie que les lois doivent être officiellement écrites en macédonien et en albanais.

-

L’amendement de la constitution pour permettre aux députés albanais de s'opposer à toutes
les décisions parlementaires concernant leur minorité, sans passer par la majorité des suffrages.

-

La création d’une université albanaise, l'Université de l'Europe du Sud-Est, à Tetovo. Située
au nord-ouest du pays, cette université est financée en partie par l’état macédonien.

Ces accords constituent donc une étape importante pour l’amélioration des relations interethniques.
Ils ont permis une représentation accrue des Albanais au sein de la fonction publique, leur nombre
passant de 7 à 26% dans l’armée, de 3 à 15% dans la police. Cependant, les Albanais se considèrent
encore aujourd’hui victimes de discriminations. Ainsi, on constate une sous-représentation des
Albanais dans les institutions du pays. Dans le domaine de la justice, on compte très peu de juges
membres de la minorité albanaise, ce qui complique les délibérations et les échanges lors des procès
puisqu’il faut faire appel à des interprètes. Dans l’éducation, les accords d’Ohrid ne sont pas
parfaitement appliqués. Dans l’enseignement primaire, 25 % des élèves albanais reçoivent à l’heure
actuelle une éducation dans leur langue maternelle, ce qui est insuffisant puisque 100 % des enfants
12

Voir Annexe 2.

18
albanais ont le droit constitutionnel de recevoir une instruction en albanais. De plus, seulement un
tiers des enfants albanais intègrent l’enseignement secondaire. De plus, les tensions entre la
majorité macédonienne et la minorité albanaise restent fortes. Des incidents ont même éclaté en
avril 2012, à la suite de la découverte, dans les faubourgs nord de Skopje, de 5 corps de jeunes âgés
de 18 à 25 ans. Bien que l’enquête n’ait pas révélé d’éléments probants, des manifestations de
jeunes macédoniens ont éclaté à Skopje, en hostilité à la communauté albanaise.

Manifestations antialbanaises à Skopje, avril 2012

Dans ces conditions, l’adhésion de la Macédoine à l’Union européenne serait de nature à
réduire les tensions ethniques et à améliorer la situation de la minorité albanaise. Les sondages effectués auprès de la population de Macédoine font d’ailleurs apparaître un attachement plus grand à
l’Union européenne au sein de la minorité albanaise. En novembre 2010, 68% des Albanais déclaraient faire pleinement ou partiellement confiance à l’Union européenne (contre 49% des Macédoniens)13. L’UE serait, aux yeux des Albanais, synonyme de meilleure protection de leurs droits en
tant que minorité importante. Elle apparaît aussi clairement comme une union permettant la stabilité
et la diffusion de la paix, conformément aux objectifs fixés dès sa création. La poursuite de
l’élargissement vers l’Europe du sud-est permettrait de stabiliser une région des Balkans encore
marquée par de fortes tensions. C’est d’ailleurs pour cette raison que lors du Conseil européen de
Thessalonique (2003), les états membres déclarèrent soutenir « pleinement » et « résolument » les
perspectives européennes des Balkans occidentaux. Plus récemment, le rapporteur slovène de la
candidature macédonienne, Zoran Thaler14, a déclaré en septembre 2009 au Parlement européen :
« Les Balkans occidentaux sont comme une bicyclette : tant qu’elle roule, l’équilibre est assuré. Si
elle s’immobilise, en revanche… »

13

RAGARU, Nadège, www.ceri-sciencespo.com, avril 2011.
Le député européen Zoran Thaler a été le rapporteur de la candidature macédonienne à l’Union européenne de
septembre 2009 à mars 2011, date à laquelle il a été remplacé par le Britannique Richard Howitt.

14

19
L’ancien rapporteur de la candidature macédonienne à l’UE, Zoran Thaler

Enfin, sur le plan géopolitique, l’intégration de la Macédoine permettrait de parfaire la construction européenne en faisant de l’Union européenne un ensemble géographique continu et plus
cohérent. Aujourd’hui, parmi les sept pays issus de l’ex-Yougoslavie, seule la Slovénie a intégré
l’UE. Il y a comme un « trou » dans l’Union Européenne car la Grèce est isolée par le manque de
continuité territoriale au sein de l’Union15. Chris Patten, commissaire européen aux relations extérieures de 1994 à 2004, avait ainsi affirmé en 2004 qu’un « rideau d’argent » coupait l’Europe en
deux parties. Cela signifie que les Balkans, qui sont un groupe de pays pauvres, voire en retard,
risquent de rester à l’écart du développement économique. La poursuite de l’élargissement et
l’intégration de la Macédoine permettrait donc de stabiliser les Balkans, mais aussi de lutter contre
la criminalisation des sociétés balkaniques, avec la présence du crime organisé et de la corruption
dans toute la région. Il y a la plus forte concentration de trafics en Europe : trafic de cigarettes, de
drogues, de femmes et d’organes.
Par conséquent, compte tenu de l’instabilité chronique des Balkans, l’intégration de la Macédoine
au sein de l’UE, ainsi que des pays voisins, apparaît comme une nécessité.
2) Une réelle volonté d’entrer dans l’UE :
Par ailleurs, jeune pays, la Macédoine a très tôt exprimé sa volonté d’intégrer l’Union européenne. Cette volonté a plusieurs causes. Tout d’abord, après avoir vécu sous un régime communiste de 1945 à 1991, la Macédoine considère l’Union européenne comme un projet politique de
nature à renforcer la démocratie et les droits de l’homme. Ainsi, l’ensemble des partis politiques
macédoniens, qu’ils soient de la majorité gouvernementale ou d’opposition, ainsi que les partis représentant la minorité albanaise, militent en faveur de l’adhésion. Il est vrai qu’en dépit de la crise
qu’elle traverse, l’Union européenne garde un certain pouvoir d’attraction, comme l’a montré
l’attribution du Prix Nobel de la Paix en décembre 2012. L’UE s’appuie sur des textes forts insistant
sur la valorisation de la démocratie et des droits de l’homme, à l’image de la Charte des droits fondamentaux signée lors du sommet européen de Nice de décembre 2000 et intégrée au traité de Lisbonne de 2007. Composée de 54 articles, cette Charte expose, dès son préambule, que « l'Union se
15

Le Dessous des cartes, L’Union européenne, une alternative ?, 2004.

20
fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l'Etat de droit. Elle place la
personne au coeur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant le principe de
liberté, de sécurité et de justice. » De plus, dans cette Charte, les droits sont classés en six chapitres :
Dignité, Liberté, Egalité, Solidarité, Citoyenneté et Justice. Dans ces six chapitres, une attention
particulière est donnée à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, à la lutte contre les discriminations, au respect des diversités culturelle, religieuse et linguistique, à l’intégration des personnes handicapées et à la mise en place d’une justice impartiale
reposant sur la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense. Par conséquent,
l’intégration de la Macédoine, dans un pays en proie actuellement à de vives tensions, permettrait à
l’Union européenne de poursuivre son œuvre de diffusion de ses grands principes, conformément
aux traités de Nice et de Lisbonne et à la Charte des droits fondamentaux de 2000.
De plus, l’attrait de la Macédoine pour l’Union européenne s’explique aussi par des motifs
économiques. En effet, l’adhésion de la Macédoine à l’UE permettrait d’accélérer le développement
économique de ce pays et de mieux l’intégrer au sein du continent européen. Son intégration au sein
de l’espace Schengen de libre circulation des personnes, des biens et des marchandises faciliterait
les relations avec les pays voisins et favoriserait les investissements étrangers. D’ailleurs, si l’on
excepte son opposition liée au problème du nom à donner au pays, la Grèce est favorable à
l’adhésion de la Macédoine car sur le plan économique, les investissements grecs sont plus importants dans les pays des Balkans, dont la Macédoine, que dans les pays de l’Union européenne. Les
liens économiques gréco-macédoniens sont donc importants et ne demandent qu’à être renforcés, en
particulier avec l’intensification des réseaux de transports. Un autre pays voisin, l’Italie, voit aussi
d’un bon œil une adhésion prochaine de la Macédoine. Côté italien, la hausse du niveau de vie en
Macédoine et dans l’ensemble des Balkans serait de nature à entraîner une baisse de l’immigration
illégale.
Par ailleurs, l’adhésion de la Macédoine permettrait au pays de bénéficier d’importantes aides économiques, au titre de la politique de cohésion menée par l’UE. Cette politique consiste à développer
les états et les régions les plus en retard économiquement grâce à un financement commun. 83% du
budget prévu pour cette politique est consacré à la réduction des inégalités territoriales, entre régions riches et pauvres (fonds structurels), entre ville et campagne et entre anciens et nouveaux
membres (aides de préadhésion). Dans le cadre de la stratégie dite de Lisbonne, l’Union européenne
a fixé trois objectifs au sein de sa politique de cohésion :
-

L’objectif n°1, appelé également « Objectif Convergence », vise à accélérer le rattrapage
économique des pays et régions les moins développés de l’Union européenne. Il est financé
par le Fonds Européen de Développement Economique Régional (FEDER), le Fonds Social
Européen (FSE) et le Fonds de cohésion. Les financements FEDER et FSE concernent les
21
régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Comme
le montre la carte ci-dessous, les régions concernées par l’objectif 1 sont des régions
d’Europe du sud et de l’est, ainsi que les régions dites ultrapériphériques comme les
DROM-COM (Départements et Régions d’Outre-mer – Collectivités d’Outre-mer) pour la
France. Les pays d’Europe de l’est ayant récemment intégré l’UE bénéficient de cet objectif
et en cas d’adhésion, la Macédoine en serait également bénéficiaire. Sur la période 20072013, cet objectif représentait 81,53% du budget consacré à la politique de cohésion, soit un
total de 283,24 milliards d’euros.

Carte des régions éligibles à l’Objectif n°1 de Convergence

-

L’objectif n°2 est connu aussi sous le nom d’ « Objectif Compétitivité régionale et emploi ».
Concernant les pays n’étant pas éligibles à l’Objectif n°1, il vise à renforcer la compétitivité,
l’emploi et l’attractivité. L’innovation, la promotion de l’esprit d’entreprise et la protection
de l’environnement sont des thèmes clés de cet objectif. Cet objectif mobilise 15,95 % du
budget de la politique de cohésion, soit 55,41 milliards d’euros pour la période 2007-2013.
En cas d’adhésion, la Macédoine ne pourrait prétendre à cet objectif.

-

L’objectif n°3 est l’objectif de « Coopération territoriale », qui se développe autour de trois
types d’actions : la coopération transfrontalière, la coopération transnationale et la coopération interrégionale. Financé par le FEDER à hauteur de 8,75 milliards d'euros, il vise à promouvoir la coopération entre les régions européennes. L’entrée de la Macédoine dans l’UE
permettrait ainsi, grâce à cet objectif 3, de stimuler les initiatives transfrontalières et interrégionales et donc un rapprochement avec les pays voisins.
22
Déjà bénéficiaire de l’Instrument d’Aide de Préadhésion (IAP), la Macédoine pourrait, en cas
d’adhésion, voir l’aide financière européenne augmenter fortement. La possibilité d’une
accélération du développement économique du pays est un argument important, au même titre que
l’attrait pour un ensemble politique reposant sur la démocratie et les droits de l’homme. Pour autant,
si le sentiment favorable à l’Union européenne est majoritaire au sein de la population
macédonienne, on note également une certaine lassitude, liée à un processus long, entamé depuis
2004. Cette lassitude est due notamment au veto grec et à l’incapacité de trouver un compromis. Ce
sentiment est d’ailleurs partagé par les députés du Parlement européen, qui ont déploré la décision
du Conseil européen de ne pas fixer, pour le moment, de date d’ouverture des négociations
d’adhésion. Dans une déclaration, le Parlement a ainsi estimé que cette décision a causé « une
frustration et un mécontentement légitimes » au sein de l'opinion publique du pays. » Pour le député
travailliste et rapporteur de la candidature macédonienne Richard Howitt, « ce pays a sa place au
sein de l'UE et les négociations d'adhésion doivent débuter sans délai ».

Richard Howitt, rapporteur de la candidature de la Macédoine à l’UE depuis mai 2011

Par conséquent, la candidature de la Macédoine à l’UE bénéficie encore aujourd’hui d’un sentiment
favorable au sein de la population macédonienne, ce qui en fait un bon candidat à l’Union européenne. En effet, elle satisfait à l’une des conditions mentionnées quant à la capacité d’intégration
de l’Union européenne (2006), à savoir recevoir le soutien de son opinion publique. Cependant, ce
sentiment favorable pourrait évoluer en cas de blocage prolongé du processus.

3) L’entrée de la Macédoine dans l’UE, facteur de renforcement de la diversité
culturelle :
Enfin, la Macédoine apparaît comme un bon candidat à l’UE car son adhésion permettrait de
renforcer la diversité culturelle de l’Union. La promotion de la diversité culturelle est d’ailleurs un
axe important de la politique européenne. L'Union européenne mène une politique active en faveur
de la diversité culturelle, conformément à sa devise : « Unis dans la diversité ». Même si elle puise
ses racines dans une région ou un pays particuliers, la culture constitue un patrimoine commun que
l'UE entend préserver et rendre accessible aux autres. De plus, l'UE mène une politique de promotion de la diversité culturelle, notion qui figure dans les traités communautaires, notamment dans la
Charte des droits fondamentaux de 2000. Par ailleurs, l’UE a apporté un soutien actif à la Conven23
tion sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée en 2005 par
l'UNESCO. L'Union intègre également une dimension culturelle dans de nombreux autres domaines
d’action, comme l'enseignement (notamment l'apprentissage des langues), la recherche scientifique,
l'aide aux technologies de l'information et de la communication, ainsi que le développement social
et régional. L'UE participe aussi à la restauration du patrimoine culturel européen.
Dans ces conditions, la candidature macédonienne est une candidature intéressante, le pays possédant un patrimoine historique et culturel riche :
-

Au niveau linguistique, les langues parlées en Macédoine sont le macédonien et l’albanais,
soit deux langues non représentées au sein de l’UE.

-

Au niveau religieux, la religion majoritaire est la religion catholique, représentant 64,7% de
la population, mais l’on recense une forte minorité musulmane (33,3% de la population).

-

Au niveau architectural, la Macédoine se caractérise par sa grande diversité, avec les architectures médiévale (byzantine et bulgare), ottomane, socialiste et contemporaine. Parmi les
constructions d’époque médiévale, il y a la forteresse du tsar de Bulgarie Samuel Ier (Tsar
de 997 à 1014) à Ohrid et le monastère Saint-Jean Bigorski situé à Mavrovo et Rostoucha,
dans l’ouest du pays. L'église du monastère est dédiée à Saint Jean-Baptiste et « Bigorski »
vient du mot macédonien « bigor » qui signifie tuf, pierre avec laquelle le monastère est
construit. Le monastère est composé d'une église, d'un ossuaire, d'une tour de défense, de
bâtiments conventuels et d'une maison pour les visiteurs, construite récemment. Il se trouve
sur les pentes du mont Bistra, près d'une rivière et dans un environnement de forêts. Selon
des textes qui y sont conservés, le monastère aurait été fondé en 1020.

Forteresse du Tsar Samuel Ier

Monastère Saint-Jean Bigorski

De plus, la Macédoine conserve quelques très beaux exemples de l'architecture ottomane,
notamment dans le bazar de Skopje avec le caravansérail Koursoumli An et à Tetovo, où se trouve
la Mosquée peinte, construite au XVIIème siècle.
Façade de la Mosquée peinte de Tetovo

24
Caravansérail Koursoumli An de Skopje

Après la Seconde Guerre mondiale, le marché de la construction explose et l'architecture socialiste
est largement privilégiée. Le projet contemporain le plus audacieux est le plan de reconstruction de
Skopje, détruite à 80 % en 1963 à la suite d’un tremblement de terre. Ce plan fut notamment dirigé
par Kenzo Tange, qui avait déjà planifié la reconstruction d'Hiroshima. Depuis la fin du régime
communiste, l'architecture contemporaine occidentale fait son apparition, notamment à Skopje.

Exemples d’architectures socialiste et contemporaine à Skopje, avec les tours résidentielles de Karpoch 4 et le siège de l’Union
européenne

La Macédoine est donc un pays intéressant également par sa culture, que ce soit sur les plans
linguistique,

religieux

et

architecturaux.

Son

adhésion

constituerait

ainsi

un

d’enrichissement de l’Union européenne et renforcerait sa devise « Unis dans la diversité »

25

facteur
CONCLUSION
Entamé en 2004, le processus devant mener à l’adhésion de la Macédoine à l’Union
européenne a connu un ralentissement certain depuis 2009, date à laquelle la Commission
européenne a préconisé l’ouverture des négociations. Ce blocage est dû essentiellement au veto
formulé par la Grèce lors des sommets européens successifs en raison du problème du nom à
attribuer au pays. Malgré la nomination par l’ONU d’un médiateur chargé de résoudre le
contentieux entre les deux pays, aucune avancée significative n’a été relevée. Les propositions
faites par M. Nimetz le 16 avril dernier, portant sur un nouveau nom qui serait la République de
Macédoine septentrionale, permettront peut-être de débloquer la situation. Mais

derrière ce

problème, les autorités grecques craignent la montée d’un nationalisme macédonien se manifestant
à travers des querelles historiques et d’éventuelles revendications territoriales. La montée de ce
nationalisme macédonien est incontestable, comme le montre le projet Skopje 2014 et la politique
menée par le gouvernement Gruevski depuis 2006. Elle inquiète l’Union européenne, de même que
les pays voisins comme la Bulgarie. De plus, en cas d’ouverture des négociations d’adhésion, les
difficultés actuelles, liées à la montée du nationalisme mais aussi à la dégradation de la situation
politique et des libertés d’expression et de la presse, rendraient ces négociations plus difficiles et
plus longues.
Cependant, pour la Commission européenne et le Parlement, le report des négociations d’adhésion
est aussi une source de tensions. L’ouverture des négociations permettrait même d’apaiser ces
tensions et de faire reculer le nationalisme. Il est vrai qu’au sein de l’opinion publique
macédonienne, une certaine lassitude est en train de se manifester face à un processus long. Cette
frustration est liée aussi au processus plus rapide d’autres pays, à l’image de la Croatie, candidate en
2003 et qui intégrera l’UE en juillet 2013. Pour autant, ces obstacles ne sont pas de nature à
interrompre le processus d’adhésion de la Macédoine, dont la candidature a connu des avancées
significatives. Il est vrai que cette candidature présente un certain nombre d’atouts et a l’avantage
d’encourager la poursuite des objectifs que l’Union européenne s’est fixée depuis ses origines :
favoriser la paix, la démocratie et les droits de l’homme, mais aussi faire de l’Europe un ensemble
de pays au niveau de développement homogène tout en respectant la diversité culturelle. Si l’on
excepte le Conseil européen, les autres institutions européennes, telles que la Commission
européenne et le Parlement, sont favorables à une ouverture des négociations d’adhésion. Le haut
représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton, l’est
également. Dans ces conditions, il est encore difficile de se prononcer quant à une adhésion future
de la Macédoine au sein d’une Union européenne minée par les crises économique et politique,
même si le problème ne semble pas de savoir si la Macédoine intégrera un jour l’Union européenne,
mais plutôt quand.
26
ANNEXES
•

Annexe n°1 : Communication de la Commission européenne sur la candidature de
l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), Bruxelles, 10 octobre 2012 :

L'ancienne République yougoslave de Macédoine a obtenu le statut de pays candidat en 2005.
En 2009, la Commission a estimé que le pays remplissait de façon satisfaisante les critères politiques et recommandé l'ouverture de négociations. Elle a réitéré cette recommandation en 2010,
2011 et à présent en 2012. Elle est fermement convaincue que le passage à la phase suivante du
processus d'adhésion est nécessaire pour accélérer les réformes, en particulier celles qui touchent à
l'État de droit, et en consolider la viabilité, ainsi que pour renforcer les relations interethniques.
Cette mesure profiterait à l'ensemble de la région.
Le pays continue de remplir les engagements souscrits dans l'accord de stabilisation et
d'association (ASA). La Commission maintient sa proposition de passer à la deuxième phase de
l'association et encourage le Conseil à statuer rapidement à ce sujet, conformément à la disposition
correspondante de l'ASA. Le pays continue de remplir les critères politiques de manière satisfaisante. Le gouvernement a placé l'agenda européen au cœur de son action. Le dialogue de haut niveau sur l'adhésion mené avec la Commission a servi de catalyseur à l'accélération des réformes et
permis des progrès sensibles dans plusieurs domaines d'action clés. Le gouvernement a soumis au
Parlement des propositions relatives à l'amélioration du cadre législatif applicable aux élections et,
dans le domaine de la liberté d'expression, à la dépénalisation de la diffamation. Le premier examen
par le gouvernement de la mise en œuvre de l'accord-cadre d'Ohrid fournit un instrument précieux
de renforcement du dialogue entre les communautés.
La dynamique de réforme doit être poursuivie dans tous les domaines couverts par les critères politiques de façon notamment à garantir la mise en œuvre. Il y a lieu en particulier de renforcer l'État
de droit, y compris en ce qui concerne la liberté d'expression. Le processus de dialogue entre le
gouvernement et l'association des journalistes mené sous la forme d'une table ronde devrait demeurer une enceinte utile pour aborder des problèmes clés touchant aux médias. Les tensions qui ont
éclaté entre les communautés à la suite d'incidents violents au cours du premier semestre de 2012
sont préoccupantes. Les autorités ont fait preuve d'une attitude responsable face à ces événements et
doivent s'appuyer sur cette expérience pour renforcer plus étroitement les relations interethniques et
consolider la réconciliation, à la lumière également du débat sur le statut des victimes du conflit de
2001.
Alors que cela fera bientôt 20 ans que l'ancienne République yougoslave de Macédoine est
membre des Nations unies, le différend avec la Grèce sur la dénomination du pays n'est toujours pas
27
réglé. Un dialogue se déroule sous l'égide des Nations unies depuis les années 1990; il est complété
depuis 2009 par des contacts bilatéraux, notamment au niveau des premiers ministres. Ces processus toutefois n'ont jusque-là donné aucun résultat. En décembre, la Cour internationale de justice a
considéré que la Grèce avait enfreint l'accord intérimaire conclu avec le pays en émettant des objections à son adhésion à l'OTAN lors du sommet de Bucarest de 2008. Il reste essentiel de maintenir
des relations de bon voisinage et de trouver, sous l'égide des Nations unies, une solution négociée et
mutuellement acceptable à la question de la dénomination du pays. Il convient de trouver une solution sans plus tarder. Il y a lieu d'éviter toute action ou déclaration susceptible de nuire aux relations
de bon voisinage.

28
•

Annexe n°2 : Interview réalisée auprès d'Anastasia Guillon. De nationalité grecque, elle est
archéologue de formation. Elle vit en France depuis plusieurs années où elle exerce le
métier d'assistante pédagogique.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Grèce exerce son droit de veto à l’entrée de la
Macédoine dans l’UE ?
La Grèce en tant que pays membre de l’UE, exerce son droit de veto à l’entrée de la « République
de Macédoine » à cause du nom que l’ancienne République yougoslave de Macédoine a choisi, lors
de la déclaration de son indépendance en 1991 (L’ancienne République socialiste de Macédoine,
nom qu’elle portait depuis 1963, devient par soustraction de l’adjectif « socialiste », la République
de Macédoine).
La question du nom de l’ex-République yougoslave de Macédoine n’est pas seulement un différend
au sujet des événements historiques ou des symboles appartenant au patrimoine historique et
culturel grec. C’est le comportement d’un Etat membre de l’Organisation des Nations Unies, qui va
à l’encontre des principes fondamentaux d’ordre juridique international, à savoir le respect des
relations de bon voisinage, de souveraineté et d’intégrité territoriale.
Historiquement le terme « Macédoine », est à la fois le mot grec qui désigne le Royaume et la
culture des anciens Macédoniens, qui appartiennent

à la nation grecque et qui font

incontestablement partie du patrimoine historique et culturel grec.
Géographiquement, le terme se réfère à une région dans laquelle s’étend le territoire actuel de
différents pays des Balkans, avec la plus grande partie de celui-ci qui appartient à la Grèce et
d’autres plus petites de l’ex-République yougoslave de Macédoine, la Bulgarie et l’Albanie. Le
corps principal de Macédoine antique se trouve à l’intérieur de la frontière grecque actuelle et
occupe la partie nord du territoire grec, appelé, justement, Macédoine.
En fait, la Grèce refuse surtout que sa voisine porte le nom d’une de ses propres provinces, usurpant
ainsi son patrimoine historique. Dans le choix du nom « Macédoine », elle voit par ailleurs l’indice
d’un irrédentisme latent. Elle appréhende enfin que ses voisins ne s’arrogent un droit de regard sur
la population slavophone de Grèce septentrionale, considérée en macédoine comme une « minorité
macédonienne » ainsi que l’alimentation des sentiments nationalistes sur le territoire grec.
La Grèce, faisant preuve d’un esprit constructif, a fait un pas de consensus majeur, en acceptant la
proposition d’un nom composé avec un adjectif qualificatif géographique et utilisation « à l’égard
de tous » (« ergaomnes »).

Que pensent les Grecs du programme Skopje 2014 ?
Ils considèrent tout ceci comme une provocation de plus, qui accroît le trouble et renforce leurs
29
craintes. Une violation de l’accord intérimaire signé par les deux pays en 1995, lorsque sous les
auspices des Nations Unis, ils ont entamé des négociations. Cet accord les engage, en effet, à
respecter, mutuellement, un code « de bonne conduite » tout au long des négociations nécessaires
pour la résolution du problème du nom et oblige par ailleurs la Macédoine à éviter toute
revendication territoriale nationaliste vis-à-vis de la Grèce (cartes, manuels d’histoire,…), toute
revendication irrédentiste, toute usurpation des symboles, tels que le soleil de Vergina ou autres
appartenant au patrimoine historique et culturel grec (aéroport de Skopje rebaptisé « Aéroport
Alexandre le Grand »,…).
Evidemment, pour les Grecs, l’attitude provocatrice de Macédoine ne respecte pas le principe de
base de toute négociation entre les Etats, qui présuppose que les parties concernées doivent négocier
avec bonne foi, dans un esprit constructif afin d’épuiser toutes les possibilités pour parvenir à un
compromis.
En dehors des Grecs, il ne faut pas perdre de vue, que cet intense travail de marquage symbolique
des identités dans l’espace urbain, pratiqué depuis 2006, dessert la politique intérieure
macédonienne car il participe fortement au sentiment de fragilité identitaire parmi ses propres
citoyens (albanais/macédoniens).

Les Grecs pensent-ils, outre ce conflit, que l’entrée de la Macédoine serait nécessaire dans
l’UE et pourquoi ?
En fait, la Grèce ne s’oppose nullement à la perspective européenne et euro-atlantique de la
Macédoine, au contraire elle la soutient. Rappelons ici, qu’avec le consensus grec, la Macédoine est
devenu un pays candidat à l’UE, elle a atteint le point de rejoindre l’OTAN et c’est également avec
le consensus grec qu’a été aboli le régime des visas pour ses citoyens. La Grèce pense que la voie
européenne pour la Macédoine, est la meilleure garantie pour une coexistence pacifique des peuples
dans les Balkans et, à long terme, de stabilité politique pour le pays. Elle veut et cherche la
résolution la plus rapide possible de la question du nom avec une solution mutuellement acceptable,
claire et définitive, telle qu’elle ne créerait pas des foyers de tensions futures dans la région sensible
des Balkans.
A noter que, malgré ce problème, qui affecte les relations des deux pays, la Grèce continue à avoir
une présence économique de premier plan dans le pays voisin, ce qui contribue de manière
substantielle et significative à son développement, la création d’emplois, la création
d’infrastructures. Elle est convaincue que la résolution du problème permettrait d’exploiter
pleinement l’énorme potentiel inhérent à la coopération entre les deux pays.

Quels efforts pourraient faire la Grèce d’une part, et la Macédoine d’autre part pour apaiser
ce conflit ?
30
Il est vrai que dans le contexte de la crise économique en Europe, qui touche tout particulièrement
la Grèce, la question macédonienne ne fait pas partie de ses urgences, des préoccupations de
premier plan pour le gouvernement, pris dans la tourmente de sauver l’économie du pays et sa place
dans la zone euro.Toutefois, il faut continuer les contacts successifs au plus haut niveau politique et
les initiatives de dialogue. Aucun effort bilatéral n’est à ménager afin de trouver une solution au
plus tôt.
Pour ce faire, il faut agir au plus vite, respectueusement et intelligemment.
Les Grecs, doivent comprendre qu’on ne peut pas convaincre un pays qu’il ne mérite pas le nom
qu’il « usurpe » pendant des siècles grâce aux politiques monstrueuses des empires et des forces
étrangères. Les Skopjans ont appris que leur pays s’appelle Macédoine, non pas depuis 1991, ni
même depuis 1945, mais depuis leur prime enfance. Et les appellations ne changent pas du jour au
lendemain par des décrets ou des constitutions.
De son côté le gouvernement macédonien, doit arrêter les provocations et le durcissement de ses
positions. La proposition du nom composé serait-elle, peut- être, la meilleure base possible pour
trouver un compromis mutuellement bénéfique et honorable, qui ne créera ni gagnants, ni perdants ?
A mon humble avis, les deux pays n’ont rien à y gagner en se retournant sans cesse vers le passé
mais tout à y gagner à travers un dialogue respectueux et intelligeant, tourné plutôt vers l’avenir.
Les gouvernements respectifs doivent enfin comprendre que leurs peuples ne demandent qu’à vivre
et prospérer dans un climat de paix, de stabilité et de sérénité. Ce qu’ils ont de commun, dans leurs
différences, doit leur servir de trame à l’ouverture des pourparlers fructueux. J’espère qu’ils finiront
par trouver ce courage…
Pensez-vous que ce conflit va se résoudre et que la Grèce finira par lever son veto ?
Pour moi, le rôle de l’UE en tant que médiatrice dans cette affaire sera déterminant.
On peut penser que l’UE, en soutenant financièrement la Grèce, à cause de la crise économique
actuelle, elle va pouvoir lui demander en échange des concessions sur la querelle du nom. A mon
avis, il ne sera pas évident qu’un gouvernement grec, condamné à administrer une sévère politique
d’austérité, ait les moyens politiques de faire accepter cela à son électorat.
Cependant, les stratégies géopolitiques et les intérêts des « grands » qui les dictent, peuvent changer
à tout moment la donne. Ce que j’appellerai communément « la cuisine politique » des grands (hors
UE) n’est pas à négliger pour la résolution du problème. Qu’en sera-t-il et qui peut le savoir ?
L’UE de son côté, assez affaiblie par la crise économique qu’elle traverse, est-elle en ce moment
disponible – même si elle le désire pour des raisons évidentes - à accueillir tous les pays nés de la
défunte Yougoslavie et la Macédoine en l’occurrence ? Si oui, saura-t-elle retrouver sa capacité
d’influence et son pouvoir de médiation dans le conflit du nom et face aux grandes puissances du
moment ?
Personnellement, et dans ce contexte, je ne peux être ni optimiste, ni pessimiste. »
31
•

Annexe n°3 : La situation des Albanais en Macédoine, par Chaïnez DRICI :

La minorité albanaise constitue en Macédoine une minorité importante. Lors d’un recensement
effectué par les autorités macédoniennes en 2003, cette minorité représentait 25,17% de la
population. Or, l’intégration de cette minorité au sein de la société macédonienne est problématique.

•

2001 : Le problème albanais éclate :
En janvier 2001, des anciens combattants de la guerre de Kosovo lancent une guérilla dans le

nord-ouest du pays. Ils forment l'UCK-M, une organisation qui souhaite annexer les régions
albanaise de Macédoine au Kosovo. Les rebelles attaquent l'armée et la police le long de la frontière
kosovare et reçoivent le soutien de la population albanaise locale. Ils bénéficient par ailleurs
d'importants moyens financiers. En réplique, le gouvernement macédonien ferme la frontière avec
l'Albanie, afin d'éviter d'éventuelles arrivées d'armes et de combattants. Cependant, en mars, trois
soldats macédoniens sont tués par des insurgés albanais près de Tetovo. Skopje fait alors appel à
l'ONU. Les Albanais gagnent toutefois toujours plus de terrain chaque jour et prennent le contrôle
du nord du pays, où la minorité albanaise est très forte. En mai, l'armée macédonienne bombarde les
positions tenues par les soldats albanais, mais les Macédoniens finissent par se replier à cause de
trop nombreuses pertes. Au début de l'été, la situation, bien que tendue, est désamorcée grâce à une
médiation internationale.

32
•

13 août 2001 : Signature des accords d’Ohrid :
Les accords d'Ohrid ont été signés le 13 août 2001 par deux partis macédoniens et deux partis de

la minorité albanaise avec un encadrement de l'ONU, de l'OTAN et de l’Union européenne. Les
partis qui ont signé l'accord sont : l'organisation révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti
démocratique pour l’Unité nationale macédonienne (VMRO-DPMN), l'Union social-démocrate de
Macédoine (SDSM), le Parti démocrate des Albanais (DPA), et le parti pour la prospérité
démocratique (PDP). La cérémonie de signature des accords d’Ohrid a été d’ailleurs marquée par la
présence du représentant de l’Union européenne, Javier Solana, du secrétaire général de l’OTAN
George Robertson et de l’envoyé spécial des États-Unis James Perdew.
Ces accords octroient aux Albanais de Macédoine des droits destinés à améliorer leur condition
de minorité. La constitution est amendée pour permettre aux députés albanais de s'opposer à toutes
les décisions parlementaires concernant leur minorité (sans passer par la majorité des suffrages).
Les lois doivent être officiellement écrites en macédonien et en albanais. Une université albanaise,
l'Université de l'Europe du Sud-Est, est créée à Tetovo, Cette université est financée en partie par
l’état macédonien, elle se situe au nord-ouest du pays.
La Macédoine et la communauté internationale doivent donc rester vigilantes, mais peuvent se
vanter avec les accords d’Ohrid d’avoir évité au pays de plonger dans la guerre civile en 2001. Ces
accords sont depuis lors considérés comme l’un des plus grands succès de la communauté
internationale, et comme un exemple à suivre pour la résolution des conflits ethniques dans le
monde.

•

Quel est le bilan des Accords d’Ohrid ?
Suite à la signature des accords d’Ohrid, le gouvernement macédonien s’est attaché à mettre

rapidement en œuvre les mesures prévues par ces derniers, afin de mieux prendre en considération
les revendications albanaises. Ainsi, les albanophones ont obtenu une représentation accrue dans la
fonction publique. Dans l’armée, leur nombre est passé de 7 à 26 %, dans la police de 3 à 15%.
Cependant, les Albanais se considèrent encore aujourd’hui victimes de discriminations. Ainsi, on
constate une sous-représentation des Albanais dans les institutions du pays. Dans le domaine de la
justice, on compte très peu de juges membres de la minorité albanaise, ce qui complique les
délibérations et les échanges lors des procès puisqu’il faut faire appel à des interprètes. Dans
l’éducation, les accords d’Ohrid ne sont pas parfaitement appliqués. Dans l’enseignement primaire,
25 % des élèves albanais reçoivent à l’heure actuelle une éducation dans leur langue maternelle, ce
qui est insuffisant puisque 100 % des enfants albanais ont le droit constitutionnel de recevoir une
instruction en albanais. De plus, seulement un tiers des enfants albanais intègrent l’enseignement
33
secondaire.
Dans ces conditions, de nombreux foyers de tensions entre les communautés albanaise et
macédonienne restent encore présents, obligeant la Macédoine à rester vigilante pour parvenir à une
véritable stabilité, tout comme pour obtenir une réelle reconnaissance internationale. Le 12 avril
2012, des incidents entre les deux communautés ont éclaté. Elles ont fait suite à la découverte, dans
les faubourgs nord de Skopje, de 5 corps de jeunes âgés de 18 à 25 ans. Bien que l’enquête n’ait pas
révélé d’éléments probants, des manifestations de jeunes macédoniens ont éclaté à Skopje, en
hostilité à la communauté albanaise. Pour le chercheur suisso-macédonien Bashkim Iseni, la
tournure prise par l’affaire est « une conséquence du manque de volonté du gouvernement
d’appliquer correctement les accords d’Ohrid ». Toujours est-il que dans un contexte de crise
économique, les tensions entre les communautés macédonienne et albanophone sont de plus en plus
fortes et mettent en péril la cohabitation multiethnique.

34
•

Annexe n°4 : Le processus d'adhésion de la Macédoine, tableau réalisé lors d'un atelier de

travail avec Mme Evanno de la Maison de l'Europe à Douai

35
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
I]

SUR L’UNION EUROPEENNE :

•

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000010-elargissement-de-l-union-europeenne-nouveaux-defis

•

http://europa.eu/about-eu/countries/joining-eu/index_fr.htm

•

http://www.touteleurope.eu/fr/actions/constructioneuropeenne/elargissement/actualite/actualites-vuedetaillee/afficher/fiche/6061/t/44207/from/2247/breve/le-processus-delargissement-poursuit-saroute.html?cHash=7252d4d9fb

•

Catherine LALUMIERE, La crise et l’avenir de l’Union européenne, Site des Maisons de l’Europe, 30 mars 2012.

•

Le Dessous des cartes, L’Union européenne, une alternative ?, 2004.

II]

SUR LA MACEDOINE :

•

Le dessous des cartes, La Macédoine ou la difficile construction d’un état, Juin 2005.

•

Sous la direction d’Emilie BLANCHARD, Martin VEBER et Anthony LOZAC’H, Histoire-Géographie-Education
civique 3ème, Lelivrescolaire.fr, Paris, 2012.
•

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo/macedoine-arym/presentation-de-l-ancienne/

•

http://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/macedoine

•

http://www.euractiv.fr/elargissement-0/article/2010/04/07/pression-sur-macedoine-regler-differend-

sur-son-nom_66210
•

http://www.euractiv.fr/typo3-section-not-found/2010/02/08/ouverture-des-negociations-avec-

macedoine-repoussee-2010_51219
•

http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-la-grece-et-la-macedoine-a-l-ombre-d-

alexandre-le-grand
•
•

•

http://www.france24.com/fr/20110326-2011-europe-district-macedoine-partie2
L’Union européenne déplore les dérives nationalistes de la Macédoine, Lefigaro.fr, 31 octobre 2011.

« Intégration européenne de la Macédoine : Bruxelles affiche un optimisme prudent », Le courrier des Balkans, 16
avril 2013.

•

« Nimetz arrives in Skopje for name talks », BalkanInsight, 10 janvier 2013.

•

Christophe CHATELOT, « Le plan marketing de la Macédoine pour attirer les investisseurs », Le Monde, 6 mars
2007.

•

RAGARU, Nadège, www.ceri-sciencespo.com, avril 2011.

•

http://www.courrierinternational.com/article/2012/03/12/ces-couleuvres-que-l-ue-nous-fait-avale

•

http://www.balkaninsight.com/en/article/macedonia-is-losing-fight-against-corruption-ngo-warns

36

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La Macédoine, bon candidat pour l'UE ?

  • 1. SOMMAIRE INTRODUCTION p.2 I] QUELLES SONT LES CONDITIONS A L’ADHESION DE LA MACEDOINE ? p.4 1) Où en est la candidature de la Macédoine ? p.4 2) La Macédoine et les institutions européennes : p.5 3) L’ouverture des négociations et les critères de Copenhague : p.7 II] LES OBSTACLES A L’ADHESION DE LA MACEDOINE A L’UNION EUROPEENNE : p.9 1) Des relations tendues avec la Grèce : p.9 2) La Macédoine répond-elle aux critères de Copenhague ? p.11 a) La vie politique macédonienne : p.11 b) L’économie macédonienne, une économie peu compétitive : p.14 3) L’Union européenne peut-elle intégrer la Macédoine ? p.15 III] UNE INTEGRATION NECESSAIRE DE LA MACEDOINE : p.18 1) L’importance des Balkans dans la construction européenne p.18 2) Une réelle volonté d’entrer dans l’UE : p.20 3) L’entrée de la Macédoine dans l’UE, facteur de renforcement de la diversité culturelle : p.23 CONCLUSION p.26 ANNEXES p.27 Annexe n°1 : Communication de la Commission européenne sur la candidature de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), Bruxelles, 10 octobre 2012 p.27 Annexe n°2 : Interview réalisée auprès d'Anastasia Guillon p.29 Annexe n°3 : La situation des Albanais en Macédoine : p.32 Annexe n°4 : Le processus d'adhésion de la Macédoine p.35 BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE p.36 1
  • 2. INTRODUCTION La Macédoine, appelée officiellement Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), est un pays qui se situe au sud-est de l'Europe, à l’ouest de la chaîne montagneuse des Balkans. Ses pays voisins sont la Serbie et le Kosovo au nord ; la Bulgarie à l’est ; la Grèce au sud et l’Albanie à l’ouest. Sa superficie est de 25 713 km², il y a 2 082 370 habitants et sa capitale est Skopje (550 000 habitants). La monnaie nationale est le denar. Le pays est peuplé de deux groupes ethniques principaux. D’un côté, il y a les Macédoniens, dont la langue – le macédonien – est une langue slave. Ils sont majoritairement de religion orthodoxe. D’un autre côté, il y a les Albanais, qui sont de religion musulmane et dont la langue maternelle est l’albanais. Après Skopje, les villes importantes de ce petit pays sont Kumanovo (76 272 habitants), Tetovo (59 915 habitants), Bitola (93 585habitants), Prilep (66 246 habitants) et Ohrid (43 033 habitants). Gjorge Ivanov est le président depuis 2009. Nikola Gruevski est le premier ministre et le chef du Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE). Cartes du continent européen et de la Macédoine Par ailleurs, la Macédoine est un pays jeune, issu de l’ex-Yougoslavie, dont l’indépendance ne remonte qu’à 1991. Son histoire est riche, les autorités macédoniennes faisant remonter ses origines à la Macédoine antique, dont les figures les plus célèbres ont été Philippe II de Macédoine et son fils Alexandre le Grand. Dans l'Antiquité, la Macédoine était une région de passage entre les Balkans et la Méditerranée, et entre l’Europe et l’Orient. Quant au peuple macédonien, on lui connaît des origines multiples venant de Thrace et de Grèce. La Macédoine est slavisée à partir du VIème siècle après Jésus Christ. Mais elle passe ensuite sous l'influence des Byzantins, des Serbes et des Bulgares, pour enfin laisser la place à la domination ottomane à partir du XVe siècle, et ce 2
  • 3. jusqu’ au début du XXe siècle. La Macédoine et ses différentes influences au cours du Moyen-Age Au début du XXème siècle, la fin des grands empires que sont l’Empire des Habsbourg et celui des Ottomans laisse place à de nombreux états-nations. La Macédoine se voit alors partagée entre quatre Etats en 1913 : à l'ouest, un petit bout revient à l'Albanie ; à l'est, 9 % du territoire vont à la Bulgarie; au sud, 51 % sont attribués à la Grèce et au nord, 39 % reviennent aux Slaves du Sud, c’est-à-dire à ce qui deviendra le futur état yougoslave. A la suite de la 2nde Guerre mondiale, la Macédoine est l’une des six républiques de la Fédération de Yougoslavie. Ce pays est donc issu d’une histoire tumultueuse, au sein d’une région des Balkans encore instable aujourd’hui. C’est pourquoi la Macédoine, dont le nom est contesté par son voisin grec, tente de renforcer sa légitimité à l’échelle internationale. Son rapprochement vis-à-vis de l’Union européenne s’inscrit dans cette stratégie, avec le dépôt de sa candidature d’adhésion en mars 2004. L’Union européenne, dont les origines remontent au traité de Rome de 1957, est composée aujourd’hui de 27 pays membres. La Croatie sera, à partir du 1er juillet 2013, le 28ème état membre. L’UE poursuit d’ailleurs sa politique d’élargissement, avec l’existence d’autres candidatures officielles : la Serbie, la Turquie, l’Islande, le Monténégro et donc la Macédoine. Dans ces conditions, une question s’impose : Peut-on envisager une entrée prochaine de la Macédoine au sein de l’UE ? Pour y répondre, nous allons d’abord étudier les conditions à une future adhésion de la Macédoine (I), avant de distinguer les obstacles quant à une adhésion de ce pays (II) puis analyser les atouts éventuels de cette candidature (III). 3
  • 4. I] QUELLES SONT LES CONDITIONS A L’ADHESION DE LA MACE- DOINE ? 1) Où en est la candidature de la Macédoine ? Dès son indépendance, la Macédoine a mené une politique d’ouverture internationale, marquée par son adhésion à l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1993 puis au Conseil de l’Europe en 1995. Cette ouverture s’est également faite à l’échelle européenne, en plusieurs temps importants : - En 1998, la Macédoine signe un accord de coopération avec l’Union européenne. - En 2001, intervient la signature de l’Accord de Stabilisation et d’Association (ASA). Les ASA préparent les états signataires à une adhésion future en introduisant les règles communautaires (l'acquis) dans divers domaines. La conclusion d'un ASA prouve la capacité d'un pays à entretenir des relations plus approfondies avec l'Union. Signé en 2001, cet accord est officiellement entré en vigueur en avril 2004. - En 2003, lors du sommet européen de Thessalonique, la Macédoine est retenue comme candidate potentielle à l’adhésion. - En mars 2004, la Macédoine dépose officiellement sa demande d’adhésion à l’Union européenne. - En décembre 2005, le Conseil européen octroie à la Macédoine le statut de candidat officiel. - En 2009, la Commission européenne recommande l’ouverture des négociations d’adhésion entre la Macédoine et l’Union européenne. Cette recommandation a été renouvelée les années suivantes, donc en 2010, 2011 et 2012. En effet, le 10 octobre 2012, la Commission européenne a été à l’origine d’une communication1 préconisant à nouveau l’ouverture des négociations d’adhésion. Cependant, ces négociations n’ont à ce jour pas été ouvertes. - Depuis le 16 décembre 2009, les citoyens macédoniens bénéficient de l’exemption de visa pour se déplacer au sein de l’espace Schengen de libre circulation des personnes, des biens et des marchandises. - Depuis le 29 mars 2012, la Commission européenne a ouvert un dialogue de haut niveau sur l'adhésion avec Skopje. Par conséquent, la Macédoine est à ce jour à l’étape de préadhésion. Cela lui permet de bé- néficier d’aides de préadhésion au titre de l’Instrument d’Aide de Préadhésion (IAP). Ces aides ont été définies pour la période 2007-2013, leur montant est variable selon les années. La Macédoine n’est pas le seul pays bénéficiaire de l’Instrument d’Aide de Préadhésion. Cet instrument distingue deux catégories de pays : les pays candidats officiellement candidats et les pays potentiellement candidats (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo). L’aide accordée à la Macédoine a vu son mon- 1 Voir Annexe 1. 4
  • 5. tant augmenter progressivement, pour atteindre 105,8 millions d’euros en 2012. Pour l’ensemble de la période 2007-2013, c’est une aide de 662,5 millions d’euros qui a été accordée. En millions € 2007 2008 2009 2010 2011 2012 TOTAL Total 1218,4 1389,3 1390,6 1557,1 1707,8 1849,2 9112,4 Croatie 141,2 146 151,2 154,2 157,2 160,4 910,2 ARYM (Macé- 58,5 70,2 81,8 92,3 98,7 105,8 507,3 Turquie 497,2 538,7 566,4 653,7 781,9 899,5 3937,4 Albanie 61 70,7 81,2 93,2 95 96,9 498 Bosnie-Herzégovine 62,1 74,8 89,1 106 108,1 110,2 550,3 Monténégro 31,4 32,6 33,3 34 34,7 35,4 168,1 Serbie 189,7 190,9 194,8 198,7 202,7 206,8 1183,6 Kosovo 68,3 124,7 66,1 67,3 68,7 70 465,1 doine) Par ailleurs, les aides se répartissent selon des domaines divers : le développement régional, l’aide à la transition et au renforcement des institutions, le développement rural, le développement des ressources humaines et la coopération transfrontalière. En effet, l’Instrument d’Aide de Préadhésion a permis la multiplication des projets de coopération transfrontalière. Parmi ces projets, il y a celui entre la municipalité de Gevgelija et la Grèce, qui comprend la protection contre les inondations, ainsi que la sauvegarde et la promotion du système de santé public. Par ailleurs, une aide de 700000 euros a été accordée à la municipalité de Strumica afin de permettre la construction d’un parcours sportif gréco-macédonien, d’assurer l’indépendance énergétique d’une école élémentaire et de favoriser la restauration et la conservation des enceintes des Tours du tsar. 2) La Macédoine et les institutions européennes : Même si les négociations d’adhésion n’ont pas encore été ouvertes, la Macédoine entretient des relations approfondies avec l’Union européenne. Le pays est donc en contacts réguliers avec les institutions européennes, en particulier la Commission européenne. Présidée par le Portugais José Manuel Barroso, la Commission européenne, installée à Bruxelles, comprend 27 commissaires, dont le commissaire à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage Stefan Füle. 5
  • 6. Stefan Füle, le commissaire à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage Štefan Füle, né à Sokolov en 1962, est un diplomate tchèque. Il est commissaire européen à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage depuis le 10 février 2010. Ses prédécesseurs étaient Olli Rehn et Benita Ferrero-Waldner. Il est diplomate de formation, il a été diplômé de l'Institut d'état des relations internationales de Moscou. Avant d'être commissaire européen à l’élargissement et à la Politique européenne de voisinage, il était ministre des Affaires Européennes de la République Tchèque. Il s’est donc rendu en Macédoine à plusieurs reprises dans le cadre de l’avancement de la procédure d’adhésion de la Macédoine. En 2011, dans une déclaration sans précédent, il a prévenu la Macédoine qu'elle pourrait ne plus jouir de la recommandation pour le lancement de ses négociations d'adhésion si elle ne progressait pas dans ses réformes et persistait dans ses actions perçues par la Grèce comme des "provocations". Le 1er mars 2013, Stefan Füle était en déplacement en Macédoine à Skopje en vue de désamorcer les tensions grandissantes depuis décembre 2012 entre le gouvernement et l'opposition. Pour autant, en dépit des positions très tranchées du Commissaire à l’élargissement, la Commission européenne a émis un avis favorable à l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine. Exprimé à partir de 2009, cet avis favorable a été renouvelé en 2010, 2011 et 2012. Dans sa dernière communication, la Commission européenne « a estimé que le pays remplissait de façon satisfaisante les critères politiques et recommandé l'ouverture de négociations ». Elle a ainsi souligné les progrès réalisés par la Macédoine, en particulier dans le domaine politique, avec « des progrès sensibles dans plusieurs domaine clés ». Parmi ces progrès, la Commission évoque l’action du Parlement macédonien, le Sobranié, à l’origine de « propositions relatives à l’amélioration du cadre législatif applicable aux élections et, dans le domaine de la liberté d'expression, à la dépénalisation de la diffamation2 ». Pour autant, la Commission a également souligné des aspects devant être améliorés, évoquant ainsi l’importance du renforcement « de l’Etat de droit » et le caractère inquiétant des tensions interethniques récentes liées à la minorité albanaise. La Commission insiste aussi sur l’importance de la résolution du différend avec la Grèce : « Il convient de trouver une solution sans plus tarder3 ». C’est d’ailleurs en raison du problème opposant la Macédoine à la Grèce que les négociations d’adhésion n’ont pu être ouvertes. Réuni les 13 et 14 décembre 2012, le Conseil européen a une nouvelle fois reporté l’ouverture de ces négociations, en raison du veto formulé par la Grèce, 2 3 Voir Annexe 1. Idem. 6
  • 7. mais aussi de l’opposition, plus surprenante, de la Bulgarie qui se plaint d’une certaine agressivité de la Macédoine dans leurs relations bilatérales. A propos de la Grèce, le Conseil européen évoque en particulier la querelle liée au nom à accorder au pays, celui de Macédoine ne satisfaisant pas les autorités grecques. Bien que l’Union européenne ne soit pas directement impliquée dans la résolution du contentieux (géré par l’Organisation des Nations unies4) et ne formule pas de condition spécifique à cet égard, elle tient néanmoins à ce que les partis concernés trouvent une «solution mutuellement acceptable5». Lors d’une visite à Skopje le 16 avril 2013, le haut-représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Catherine Ashton a insisté sur la nécessité de trouver un accord : « Il faut un règlement sans plus tarder. Je sais que cela peut être difficile, cependant il n’existe pas d’autre alternative, il n’y a pas d’autre moyen d’aller de l’avant, c’est pourquoi il faut agir au plus vite pour qu’il ne soit pas trop tard. C’est le seul moyen de progresser vers l’intégration européenne6. » Concernant les relations avec la Bulgarie, les conclusions du Conseil européen font référence à « l’importance [pour la Macédoine] de maintenir de bonnes relations de voisinage» et de « traduire en actions concrètes et en résultats » les discussions engagées avec la Bulgarie. Par conséquent, bien que félicitées pour les progrès qu’elle a réalisés, la Macédoine se trouve encore aujourd’hui bloquée dans sa procédure d’adhésion à l’Union européenne. Le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton 3) L’ouverture des négociations et les critères de Copenhague : L’avancée de la candidature macédonienne à l’Union européenne dépend donc du veto grec et d’une opposition plus récente de la Bulgarie. De la levée de ces oppositions dépend un avis favorable du Conseil européen pour une ouverture des négociations d’adhésion. Lorsque ces négociations seront ouvertes, la Macédoine approfondira encore davantage ses relations avec l’Union européenne afin de satisfaire aux trois critères établis par le traité de Maastricht et lors du Conseil européen de Copenhague (juin 1993) et imposés à tout nouvel entrant. Ces trois critères se développent de la manière suivante : - Les critères politiques, en référence à des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, ainsi que le respect des minorités et leur protection. 4 Le médiateur onusien Matthew Nimetz est en charge du dossier de résolution du différend entre les deux pays. Rapport de suivi de la Commission européenne d’avril 2012. 6 Article de Jan, « Intégration européenne de la Macédoine : Bruxelles affiche un optimisme prudent », Le courrier des Balkans, 16 avril 2013. 5 7
  • 8. Il s’agit du critère le plus important, l’Union européenne s’étant développée dès ses origines comme un espace de paix et de stabilité politique. L’expérience douloureuse de la 2nde Guerre mondiale, qui a ravagé le continent européen, a achevé de convaincre les dirigeants européens de l’importance de construire un espace libéré des guerres. - Les critères économiques : Tout pays membre doit posséder une économie de marché viable et la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché. - Au niveau administratif et institutionnel, le critère dit de l’ « acquis communautaire » : L’acquis communautaire fait référence aux droits et obligations qui lient les états membres de l’Union européenne. Cette législation est divisée en 35 domaines politiques différents (chapitres), comme le transport, l'énergie, ou l'environnement. Chaque chapitre est négocié séparément. L'acquis n'est pas négociable. Les pays candidats doivent arrêter le calendrier et les modalités d'adoption et de mise en œuvre de l'acquis; l'UE obtient des garanties sur la date et l'efficacité des mesures prises par les pays candidats pour y parvenir. Pour pouvoir intégrer l’Union européenne, la Macédoine devra donc intégrer l’ensemble du droit de l’Union européenne au sein de sa législation nationale. Par conséquent, entamé en 2004, la procédure d’adhésion de la Macédoine à l’Union euro- péenne a connu depuis 2004 des avancées significatives. Cependant, malgré l’optimisme du médiateur de l’ONU Matthew Nimetz lors de sa dernière visite en Macédoine en janvier 20137, la querelle avec la Grèce constitue le principal obstacle à une adhésion prochaine du pays à l’Union européenne8. Le médiateur de l’ONU pour la Macédoine, Matthew Nimetz 7 Article de Sinisa Jakov Marusic, « Nimetz arrives in Skopje for name talks », BalkanInsight, 10 janvier 2013. Le 16 avril 2013, le médiateur Matthew Nimetz a proposé aux autorités macédonienne et grecque un nouveau nom : République de Macédoine septentrionale. 8 8
  • 9. II] LES OBSTACLES A L’ADHESION DE LA MACEDOINE A L’UNION EU- ROPEENNE : 1) Des relations tendues avec la Grèce : Le retard pris par la candidature macédonienne à l’Union européenne s’explique d’abord par l’opposition de son voisin du sud, la Grèce. Depuis l’indépendance de la Macédoine en 1991, la Grèce refuse que la Macédoine soit appelée ainsi car ce nom est aussi le nom d’une région du nord du pays. Aucune entente n'a été trouvée depuis. Officiellement, les autorités macédoniennes veulent faire preuve de bonne volonté, à l’image du président George Ivanov qui déclarait le 12 mai 2009 vouloir « accorder une attention particulière à nos relations avec la Grèce » avant de conclure : « Je ferai tout pour que ces relations se développent dans un esprit de bon voisinage. » Derrière ce problème du nom, se cachent des querelles d’ordre historique et culturel, en lien avec la Macédoine antique. En effet, les deux pays considèrent le royaume de Macédoine comme constitutif de leur héritage historique et culturel. Ce royaume antique s’étendait sur les territoires actuels de la Grèce, de la Bulgarie et de la Macédoine. Il est surtout connu pour être le royaume où naquit Alexandre le Grand en 356 avant Jésus-Christ (à Pella). Or, historiquement, le terme « Macédoine » est à la fois le mot grec qui désigne le royaume et la culture des anciens Macédoniens, qui ont été hellénisés et font donc partie du patrimoine historique et culturel grec. De plus, géographiquement, le corps principal de la Macédoine antique se trouve à l’intérieur de la Grèce actuelle9. Le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II de Macédoine (336 avant JC) Les autorités grecques craignent également que la reconnaissance officielle du nom de République de Macédoine ne donne ensuite lieu à des revendications territoriales de la part des autorités de Skopje, en particulier sur le nord de la Grèce jusqu’à la ville de Thessalonique. Trois périphéries (régions) grecques portent d’ailleurs le nom de Macédoine : la Macédoine centrale (dont la capitale est Thessalonique), la Macédoine occidentale et la Macédoine orientale et Thrace. Dans ces conditions, des noms de substitution ont été proposés, tels que « Macédoine du nord » ou « Macédoine du Vardar », mais ces propositions n’ont abouti à aucune avancée. Par ailleurs, ce différend à propos du nom à attribuer à la Macédoine a également motivé l’opposition grecque à l’adhésion de cette dernière à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) lors du 9 Voir Annexe 2. 9
  • 10. sommet de Bucarest d’avril 2008. Cela signifie qu’à ce jour, le pays est reconnu internationalement sous le nom d’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM). A ce problème du nom qui est le problème le plus grave, se sont ajoutés d’autres problèmes. Il y a d’abord eu celui du drapeau de la Macédoine, adopté en 1992. Ce premier drapeau de couleur rouge était frappé d’un soleil dit de Vergina, à savoir un soleil de 16 rayons rappelant l’un des insignes retrouvés lors de fouilles archéologiques sur une sépulture étant vraisemblablement celle de Philippe II de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand. Finalement, le 12 septembre 1995, à la suite de la signature d’un accord à New York, la Macédoine a opté pour un nouveau drapeau, ne comprenant plus que huit rayons de soleil. Avec cet accord, la Grèce a mis fin à son embargo sur le pétrole. Les deux pays avaient même rompu leurs relations économiques en février 1994. Le premier drapeau de la Macédoine (comprenant le soleil de Vergina) et l’actuel drapeau. La constitution du nouvel état a aussi été la source d’un contentieux entre la Grèce et la Macédoine. L’opposition grecque portait en particulier sur l’article 49 de cette constitution, faisant référence à l’assistance à apporter aux minorités macédoniennes établies dans les pays voisins. - Article 49 : « La république veille à la situation et aux droits des citoyens des pays voisins d'origine macédonienne et des expatriés macédoniens. Elle aide leur développement culturel et se charge de la promotion des rapports avec eux. La république veille aux droits culturels, économiques et sociaux des citoyens de la république à l'étranger. » Face aux pressions grecques, cet article a été finalement amendé le 6 janvier 1992. De plus, la Grèce, mais aussi la Bulgarie, dénoncent ce qu’ils considèrent comme une montée du nationalisme macédonien. Cette affirmation d’un nationalisme macédonien est liée à la politique menée par le premier ministre Nikola Gruevski depuis 2006 et qui consiste à faire remonter les origines du peuple macédonien à Alexandre le Grand. Le projet « Skopje 2014 », d’un montant de 500 millions d’euros, s’inscrit dans cette politique. Il prévoit la réhabilitation du centre –ville, avec la construction de statues gigantesques représentant des figures présumées de l’histoire macédonienne telles que l’empereur byzantin Justinien (527-565) et les moines Cyrille et Méthode. En juin 2011, une statue de 30 tonnes appelée Guerrier à cheval a été inaugurée. Cette inauguration a été vécue à Athènes comme une provocation en ce que ce guerrier à cheval fait fortement penser à Alexandre le Grand. 10
  • 11. Guerrier à cheval de Skopje 2) La Macédoine répond-elle aux critères de Copenhague ? Depuis l’ouverture du processus d’adhésion de la Macédoine, des progrès importants ont été réalisés, comme l’a souligné la Commission européenne dans sa communication d’octobre 2012. Pour autant, ces progrès ne semblent pas encore suffisants, des problèmes se manifestant dans les domaines politique et économique. a) La vie politique macédonienne : La Macédoine est, depuis son indépendance, une république démocratique reposant sur la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et le multipartisme. La scène politique macédonienne est dominée par deux partis principaux : le VMRO-DPMNE (Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne), qui est un parti conservateur attaché à la démocratie chrétienne et le SDSM (Union socialedémocrate de Macédoine). Héritier légal de la Ligue des communistes de Macédoine – le parti unique pendant la Guerre froide – l’Union sociale-démocrate de Macédoine a évolué, comme son nom l’indique, vers une ligne politique sociale-démocrate. Elle est membre du Parti Social Européen (PSE). Logos des partis VMRO-DPMNE et SDSM Cependant, on note une dégradation de la situation politique en Macédoine, avec plusieurs problèmes : 11
  • 12. - L’autoritarisme du pouvoir en place, dominé par le président George Ivanov et le premier ministre Nikola Gruevski, appartenant tous les deux au parti VMRO-DPMNE. Des informations ont été révélées à ce sujet par l’association fondée par l’Australien Julian Assange : Wikileaks. Cette association a réussi à s’emparer d’informations émanant de l’ambassade des Etats-Unis à Skopje. Ces informations font état de plusieurs arrestations d’hommes politiques macédoniens, effectuées en présence de journalistes appartenant à la presse progouvernementale. Ces hommes politiques sont soit d’anciens soutiens du premier ministre, soit des membres de l’opposition. Parmi les hommes politiques arrêtés, il y a eu Georgi Trekoski, ancien directeur du fonds macédonien pour la santé publiquement arrêté et accusé d'avoir abusé de sa position. D’autres hommes politiques ont été accusés d'opposition envers le président. - La corruption, qui mine la société macédonienne. Plusieurs affaires de corruption ont éclaté, notamment celle concernant la vente de bus à deux étages fabriqués en Chine et impliquant le chef des renseignements macédonien, Sasho Majalkov, qui n’est autre que le cousin de Nikola Gruevski, et Mile Janakieski, ministre des transports et des communications. La corruption est courante et concerne d’autres secteurs, comme la santé, la justice et la police. Selon une estimation de l'Office national des statistiques, la corruption coûterait aux Macédoniens jusqu'à un milliard d'euros par an, soit presque la moitié des recettes du budget de 2011 (2,3 milliards d'euros). Chaque personne paierait en moyenne 470 euros par an pour accéder aux services publics, ce qui fait de la Macédoine le plus mauvais pays des Balkans en matière de corruption. Les arrestations pour corruption sont nombreuses, mais les observateurs locaux et internationaux doutent de l'efficacité de l'état dans sa lutte contre la corruption. - La situation des médias, qui ne cesse de se dégrader. Un scandale a éclaté en 2011 en raison des sanctions prises contre la chaîne privée d’opposition A1. Cette chaîne a dû payer des amendes et a subi la perquisition et l'arrestation de son propriétaire : Velija Ramkovski. Celui-ci a été accusé de fraude fiscale à hauteur de 17,5 millions d'euros, ce qui aurait entraîné le gouvernement à geler les avoirs de la chaîne. Cela traduit donc une dégradation de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en Macédoine, ce que dénoncent de nombreux journalistes au sein de l’Association des Journalistes de Macédoine (AJM). 12
  • 13. Velija Ramkovski lors de son arrestation La situation politique en Macédoine est donc particulièrement tendue. Une dégradation a encore été notée depuis décembre 2012. En effet, depuis cette date, le pays connaît une crise politique grave. Cette crise a éclaté au Parlement macédonien, le Sobranié, lors du vote du budget pour l’année 2013. Les députés de l’opposition appartenant au SDSM se sont opposés au vote de ce budget, considéré comme trop lourd, et ont déposé plus de 1000 amendements afin d’obtenir une baisse du budget de 240 millions d’euros. Cette opposition a donné lieu à de fortes tensions, entraînant des affrontements au sein du Parlement et l’évacuation des députés de l’opposition par les forces de l’ordre. Ces affrontements se sont poursuivis dans les rues de Skopje, avec des manifestations de partisans des partis SDSM et VMRO-DPMNE aux abords du Parlement. A la suite de ces incidents, les députés de l’opposition, qui n’ont pas participé au vote du budget (approuvé par 63 voix pour, 4 voix contre), ont décidé dans un premier temps de ne plus siéger au Parlement. Un accord a ensuite été trouvé avec le gouvernement de Nikola Gruevski, permettant le bon déroulement des élections municipales de mars 2013. Affrontements au Parlement macédonien et dans les rues de la capitale, Skopje b) L’économie macédonienne, une économie peu compétitive : Par ailleurs, pour être un bon candidat à l’Union européenne, la Macédoine doit prouver sa solidité économique afin de respecter les critères économiques établis lors du sommet européen de Copenhague de 1993. Or, la Macédoine est encore aujourd’hui un pays peu développé, qui souffre de nombreux retards en termes d’investissements, de création d’emplois et d’alphabétisation. Ainsi, elle accuse un retard très important par rapport au géant de l’Union européenne qu’est l’Allemagne, mais aussi par rapport aux pays voisins, récemment entrés dans l’Union européenne (Bulgarie, Roumanie) ou qui sont sur le point de l’intégrer (Croatie). 13
  • 14. - Tableau de comparaison du niveau de développement de quelques pays européens (Tableau réalisé par Lorenzo FLORE) : MACEDOINE PIB par an et par habitant (en dollars en 2011) Salaire moyen (par mois) BULGARIE ROUMANIE CROATIE ALLEMAGNE Moyenne de l’UE 10 500 7 072 12300 18400 44 556 31607 245 euros 377 euros 466 euros 830,10 2800 euros par 2 395 euros mois (salaire euros brut, en 2008) 0,771 0,875 0,796 0,905 0,850 11,4 % 7,8 % (juin 17,7 % 6,7 % 9,5 % (Mars 2011) 2009) (janvier (Décembre (est. 2011) 2010) IDH (en 2011) 0,728 2012) (78ème mondial) Taux de chômage Espérance de vie à la naissance Durée moyenne de scolarisati on 32% 74,8 ans 73,4 ans 74,0 ans 76,6 ans 80,4 ans 79,76 ans 8,2 ans 10,6 ans 10,4 ans 9,8 ans 12,2 ans X Les difficultés économiques de la Macédoine ont plusieurs causes. Le manque d’investissements étrangers est dû aux problèmes liés au nom du pays, à la guerre civile qui a eu lieu en 2001 et à l’instabilité chronique des Balkans. De plus, les capacités administratives du pays sont insuffisantes et la corruption est un obstacle au développement économique. Les difficultés de cette économie se traduisent aussi au niveau de la balance commerciale, largement déficitaire en 2011 (3,667 milliards de dollars). Cependant, depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le Premier ministre Nikola Gruevski est à l’origine d’une politique dynamique devant permettre d’attirer les investisseurs : fiscalité très basse pour les entreprises, fiscalité nulle dans les zones franches, main-d’œuvre peu chère et à certains endroits terrains même gratuits. De plus, une vaste campagne de publicité a été menée en direction des investisseurs. Des travaux ont été lancés afin d’améliorer les infrastructures du pays, avec par 14
  • 15. exemple le projet impliquant plusieurs pays d’une autoroute reliant le port grec de Salonique aux villes de Skopje, Belgrade puis Vienne. Pour autant, en dépit de cette politique volontariste, l’économie macédonienne reste une économie fragile et peu compétitive, minée par un chômage exceptionnellement fort10. 3) L’Union européenne peut-elle intégrer la Macédoine ? Par ailleurs, côté européen, l’Union européenne peut-elle se permettre d’intégrer de nouveaux pays ? La question se pose d’autant plus que l’UE a connu récemment plusieurs élargissements : celui de mai 2004 a vu l’entrée de 10 nouveaux pays, celui de 2007 permettant l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie. En juillet 2013, la Croatie sera le 28ème membre de l’Union européenne. C’est d’ailleurs l’expérience de l’élargissement de 2004 qui a poussé les pays membres de l’UE à mentionner, lors du Conseil européen de juin 2006, la capacité d’intégration de l’Union pour les futurs élargissements. Cette capacité avait déjà été mentionnée lors du sommet européen de Copenhague en 1993 : « La capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan de l’intégration, constitue également un élément important répondant à l’intérêt général aussi bien de l’Union que des pays candidats. » L’expérience des élargissements de 2004 et 2007, la situation des nouveaux pays candidats et des candidats potentiels ainsi que la situation économique des états membres ont poussé au rappel de cette capacité d’intégration, au sein d’une stratégie dite modifiée. Selon cette stratégie modifiée, l’intégration d’un nouvel état membre passe par la transformation des candidats en états membres bien préparés, mais aussi par la résolution par l’UE de ses problèmes institutionnels actuels : fonctionnement du Parlement européen, pouvoirs de la Banque centrale européenne (BCE). La mention de cette capacité d’intégration a également poussé l’Union européenne à envisager un renforcement de sa Politique européenne de voisinage (PEV). Née du constat que la capacité d’intégrer de nouveaux membres était limitée, cette nouvelle direction est une sorte de compromis proposé à des pays n’ayant pas vocation à entrer dans l’UE, pouvant se résumer à la formule suivante : « Moins que l’adhésion, mais plus qu’un partenariat. » Aujourd’hui, les pays concernés par la Politique européenne de voisinage sont l’Algérie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Moldavie, le Maroc, la Syrie, les Territoires palestiniens occupés, la Tunisie et l’Ukraine. 10 Article de Christophe CHATELOT, « Le plan marketing de la Macédoine pour attirer les investisseurs », Le Monde, 6 mars 2007. 15
  • 16. Carte de la Politique européenne de voisinage (PEV) Par ailleurs, si la politique d’élargissement de l’UE est actuellement en débat, c’est en raison de la crise économique sans précédent que l’Union traverse actuellement. Cette crise a éclaté aux Etats-Unis à partir de septembre 2008, avec la faillite de plusieurs banques, dont la banque Lehmann Brothers. Comme toutes les banques sont reliées entre elles, les banques d'autres pays ont été touchées par cette crise. Il a fallu que les états interviennent pour sauver les banques en difficultés. Or, cette crise à l’origine bancaire a fait apparaître la fragilité des finances publiques des pays européens. Dans ces conditions, l’Union européenne a mis en place le mécanisme européen de stabilité, dont le but est d’augmenter la solidarité et la stabilité financière dans la zone euro. D’un montant de 500 milliards d'euros, ce mécanisme a ensuite été augmenté jusqu'à 800 milliards en mars 2012. Cette crise a aussi mis en évidence la faiblesse de l'euro et révélé l'absence d'un véritable « gouvernement économique », les limites de la Banque Centrale Européenne (BCE), réduite dans ses compétences, ainsi que les difficultés à prendre des décisions à 27 et même à 17 (au niveau de l'Eurogroupe) en raison des divergences de vues entre les différents états11. Dans ce contexte de crise économique, le débat sur l’élargissement de l’Union européenne redouble d’intensité, avec des arguments divergents que présente le tableau ci-dessous. - Tableau sur le débat portant sur la question de l’élargissement de l’UE (Tableau réalisé par Bilal BENYAHIA) : POUR LA POURSUITE DE CONTRE LA POURSUITE DE L’ELARGISSEMENT L’ELARGISSEMENT - Les élargissements précédents sont une - L’UE est déjà trop grande : L’UE aurait réussite économique : Dans un rapport d'experts atteint depuis longtemps une taille ingérable, publié en décembre 2006 par plusieurs instituts qui serait un obstacle supplémentaire à 11 Catherine LALUMIERE, La crise et l’avenir de l’Union européenne, Site des Maisons de l’Europe, 30 mars 2012. 16
  • 17. économiques européens de premier plan, il l'entente de ses membres. "Il aurait été apparaît que l'économie allemande a plus profité important de gérer les adhésions de manière que prévu de l'élargissement à l'Est, grâce à politique et de les étaler dans le temps", écrit l'interpénétration des marchés du capital et du le journaliste français Jean Quatremer du travail. Les nouveaux pays membres profitent journal Libération, qui reproche à l'UE de ne surtout des investissements directs, tandis que les pas être proche des citoyens: "En voulant aller anciens pays de l'Union ont gagné de nouveaux trop vite, l'Union a brisé le fragile lien de marchés, et tous ont élargi leur champ confiance qui l'unit à ses peuples: le train de d'exportation. l'Histoire, ce n'est pas seulement l'Est, c'est - De nouveaux pays ont besoin d’intégrer l’UE : aussi l'Ouest. Et cela, la Commission et les « La porte doit rester ouverte pour d'autres pays. gouvernements l'ont oublié." », pense l'économiste hongrois Andras Inotai qui - L’UE doit se réformer : Le journaliste dirige depuis 1991 l'Institute for World Economics tchèque Jiri Sobota note par ailleurs un besoin of the Hungarian Academy of Sciences, et qui a de réformes institutionnelles au sein de l'UE et préparé l'adhésion de la Hongrie à l'UE alors qu'il il est d'accord avec ses collègues de la presse était en poste à Bruxelles de 1996 à 1998. "S'il y a européenne. Dans l'hebdomadaire Respect, il une certaine lassitude liée à l'élargissement, elle écrit le 14 décembre 2006: "L'adhésion de est due à l'incapacité de réformer des pays de nouveaux pays a toujours été assimilée à un l'Europe de l'Ouest." pas vers une collaboration plus étroite – notamment à travers les traités de Maastricht et de Schengen. Depuis 2004 ce n'est plus le cas, parce que le projet de Constitution européenne est gelé." -Le problème des délocalisations vers l’est : L’intégration de nouveaux pays, au niveau de développement plus faible, expose les pays les plus riches aux risques des délocalisations. Par conséquent, parmi les obstacles à l’adhésion future de la Macédoine dans l’Union européenne, il y a les difficultés que connaît actuellement l’Union, que ce soit au niveau économique ou au niveau politique. Pour autant, la poursuite de l’élargissement vers l’est ne seraitelle pas de nature à renforcer l’UE ? 17
  • 18. III] UNE INTEGRATION NECESSAIRE DE LA MACEDOINE : 1) L’importance des Balkans dans la construction européenne : La région des Balkans est considérée historiquement comme une région instable, qui a été marquée par de nombreux conflits, avec en particulier la guerre des Balkans (1912-1913) précédant la Première guerre mondiale, la guerre en ex-Yougoslavie (1991-1995) et la guerre du Kosovo (1999). Si la Macédoine n’a pas été frappée directement par la guerre en ex-Yougoslavie, elle a en revanche été le théâtre en 2001 d’une guerre civile impliquant la minorité albanaise12. Lors d’un recensement effectué par les autorités macédoniennes en 2003, les Albanais de Macédoine représentaient 25,17% de la population. L’intégration de cette minorité au sein de la société macédonienne est problématique, même plus de 10 ans après le déclenchement de la guerre civile. N’ayant duré que quelques mois, cette guerre a été ponctuée par la signature le 13 août 2001 des accords d’Ohrid. Ces accords ont été signés par deux partis macédoniens (VMRO-DPMN et SDSM) et deux partis de la minorité albanaise (le Parti Démocrate des Albanais, DPA, et le Parti pour la Prospérité Démocratique, DPA), avec un encadrement de l'ONU, de l'OTAN et de l’Union européenne. L’objectif de ces accords était d’octroyer davantage de droits aux Albanais, souvent considérés comme des citoyens de seconde zone. Parmi les points importants de ces accords, il y a en particulier : - La reconnaissance de l’albanais, aux côtés du macédonien, comme langue officielle. Cela signifie que les lois doivent être officiellement écrites en macédonien et en albanais. - L’amendement de la constitution pour permettre aux députés albanais de s'opposer à toutes les décisions parlementaires concernant leur minorité, sans passer par la majorité des suffrages. - La création d’une université albanaise, l'Université de l'Europe du Sud-Est, à Tetovo. Située au nord-ouest du pays, cette université est financée en partie par l’état macédonien. Ces accords constituent donc une étape importante pour l’amélioration des relations interethniques. Ils ont permis une représentation accrue des Albanais au sein de la fonction publique, leur nombre passant de 7 à 26% dans l’armée, de 3 à 15% dans la police. Cependant, les Albanais se considèrent encore aujourd’hui victimes de discriminations. Ainsi, on constate une sous-représentation des Albanais dans les institutions du pays. Dans le domaine de la justice, on compte très peu de juges membres de la minorité albanaise, ce qui complique les délibérations et les échanges lors des procès puisqu’il faut faire appel à des interprètes. Dans l’éducation, les accords d’Ohrid ne sont pas parfaitement appliqués. Dans l’enseignement primaire, 25 % des élèves albanais reçoivent à l’heure actuelle une éducation dans leur langue maternelle, ce qui est insuffisant puisque 100 % des enfants 12 Voir Annexe 2. 18
  • 19. albanais ont le droit constitutionnel de recevoir une instruction en albanais. De plus, seulement un tiers des enfants albanais intègrent l’enseignement secondaire. De plus, les tensions entre la majorité macédonienne et la minorité albanaise restent fortes. Des incidents ont même éclaté en avril 2012, à la suite de la découverte, dans les faubourgs nord de Skopje, de 5 corps de jeunes âgés de 18 à 25 ans. Bien que l’enquête n’ait pas révélé d’éléments probants, des manifestations de jeunes macédoniens ont éclaté à Skopje, en hostilité à la communauté albanaise. Manifestations antialbanaises à Skopje, avril 2012 Dans ces conditions, l’adhésion de la Macédoine à l’Union européenne serait de nature à réduire les tensions ethniques et à améliorer la situation de la minorité albanaise. Les sondages effectués auprès de la population de Macédoine font d’ailleurs apparaître un attachement plus grand à l’Union européenne au sein de la minorité albanaise. En novembre 2010, 68% des Albanais déclaraient faire pleinement ou partiellement confiance à l’Union européenne (contre 49% des Macédoniens)13. L’UE serait, aux yeux des Albanais, synonyme de meilleure protection de leurs droits en tant que minorité importante. Elle apparaît aussi clairement comme une union permettant la stabilité et la diffusion de la paix, conformément aux objectifs fixés dès sa création. La poursuite de l’élargissement vers l’Europe du sud-est permettrait de stabiliser une région des Balkans encore marquée par de fortes tensions. C’est d’ailleurs pour cette raison que lors du Conseil européen de Thessalonique (2003), les états membres déclarèrent soutenir « pleinement » et « résolument » les perspectives européennes des Balkans occidentaux. Plus récemment, le rapporteur slovène de la candidature macédonienne, Zoran Thaler14, a déclaré en septembre 2009 au Parlement européen : « Les Balkans occidentaux sont comme une bicyclette : tant qu’elle roule, l’équilibre est assuré. Si elle s’immobilise, en revanche… » 13 RAGARU, Nadège, www.ceri-sciencespo.com, avril 2011. Le député européen Zoran Thaler a été le rapporteur de la candidature macédonienne à l’Union européenne de septembre 2009 à mars 2011, date à laquelle il a été remplacé par le Britannique Richard Howitt. 14 19
  • 20. L’ancien rapporteur de la candidature macédonienne à l’UE, Zoran Thaler Enfin, sur le plan géopolitique, l’intégration de la Macédoine permettrait de parfaire la construction européenne en faisant de l’Union européenne un ensemble géographique continu et plus cohérent. Aujourd’hui, parmi les sept pays issus de l’ex-Yougoslavie, seule la Slovénie a intégré l’UE. Il y a comme un « trou » dans l’Union Européenne car la Grèce est isolée par le manque de continuité territoriale au sein de l’Union15. Chris Patten, commissaire européen aux relations extérieures de 1994 à 2004, avait ainsi affirmé en 2004 qu’un « rideau d’argent » coupait l’Europe en deux parties. Cela signifie que les Balkans, qui sont un groupe de pays pauvres, voire en retard, risquent de rester à l’écart du développement économique. La poursuite de l’élargissement et l’intégration de la Macédoine permettrait donc de stabiliser les Balkans, mais aussi de lutter contre la criminalisation des sociétés balkaniques, avec la présence du crime organisé et de la corruption dans toute la région. Il y a la plus forte concentration de trafics en Europe : trafic de cigarettes, de drogues, de femmes et d’organes. Par conséquent, compte tenu de l’instabilité chronique des Balkans, l’intégration de la Macédoine au sein de l’UE, ainsi que des pays voisins, apparaît comme une nécessité. 2) Une réelle volonté d’entrer dans l’UE : Par ailleurs, jeune pays, la Macédoine a très tôt exprimé sa volonté d’intégrer l’Union européenne. Cette volonté a plusieurs causes. Tout d’abord, après avoir vécu sous un régime communiste de 1945 à 1991, la Macédoine considère l’Union européenne comme un projet politique de nature à renforcer la démocratie et les droits de l’homme. Ainsi, l’ensemble des partis politiques macédoniens, qu’ils soient de la majorité gouvernementale ou d’opposition, ainsi que les partis représentant la minorité albanaise, militent en faveur de l’adhésion. Il est vrai qu’en dépit de la crise qu’elle traverse, l’Union européenne garde un certain pouvoir d’attraction, comme l’a montré l’attribution du Prix Nobel de la Paix en décembre 2012. L’UE s’appuie sur des textes forts insistant sur la valorisation de la démocratie et des droits de l’homme, à l’image de la Charte des droits fondamentaux signée lors du sommet européen de Nice de décembre 2000 et intégrée au traité de Lisbonne de 2007. Composée de 54 articles, cette Charte expose, dès son préambule, que « l'Union se 15 Le Dessous des cartes, L’Union européenne, une alternative ?, 2004. 20
  • 21. fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l'Etat de droit. Elle place la personne au coeur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant le principe de liberté, de sécurité et de justice. » De plus, dans cette Charte, les droits sont classés en six chapitres : Dignité, Liberté, Egalité, Solidarité, Citoyenneté et Justice. Dans ces six chapitres, une attention particulière est donnée à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, à la lutte contre les discriminations, au respect des diversités culturelle, religieuse et linguistique, à l’intégration des personnes handicapées et à la mise en place d’une justice impartiale reposant sur la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense. Par conséquent, l’intégration de la Macédoine, dans un pays en proie actuellement à de vives tensions, permettrait à l’Union européenne de poursuivre son œuvre de diffusion de ses grands principes, conformément aux traités de Nice et de Lisbonne et à la Charte des droits fondamentaux de 2000. De plus, l’attrait de la Macédoine pour l’Union européenne s’explique aussi par des motifs économiques. En effet, l’adhésion de la Macédoine à l’UE permettrait d’accélérer le développement économique de ce pays et de mieux l’intégrer au sein du continent européen. Son intégration au sein de l’espace Schengen de libre circulation des personnes, des biens et des marchandises faciliterait les relations avec les pays voisins et favoriserait les investissements étrangers. D’ailleurs, si l’on excepte son opposition liée au problème du nom à donner au pays, la Grèce est favorable à l’adhésion de la Macédoine car sur le plan économique, les investissements grecs sont plus importants dans les pays des Balkans, dont la Macédoine, que dans les pays de l’Union européenne. Les liens économiques gréco-macédoniens sont donc importants et ne demandent qu’à être renforcés, en particulier avec l’intensification des réseaux de transports. Un autre pays voisin, l’Italie, voit aussi d’un bon œil une adhésion prochaine de la Macédoine. Côté italien, la hausse du niveau de vie en Macédoine et dans l’ensemble des Balkans serait de nature à entraîner une baisse de l’immigration illégale. Par ailleurs, l’adhésion de la Macédoine permettrait au pays de bénéficier d’importantes aides économiques, au titre de la politique de cohésion menée par l’UE. Cette politique consiste à développer les états et les régions les plus en retard économiquement grâce à un financement commun. 83% du budget prévu pour cette politique est consacré à la réduction des inégalités territoriales, entre régions riches et pauvres (fonds structurels), entre ville et campagne et entre anciens et nouveaux membres (aides de préadhésion). Dans le cadre de la stratégie dite de Lisbonne, l’Union européenne a fixé trois objectifs au sein de sa politique de cohésion : - L’objectif n°1, appelé également « Objectif Convergence », vise à accélérer le rattrapage économique des pays et régions les moins développés de l’Union européenne. Il est financé par le Fonds Européen de Développement Economique Régional (FEDER), le Fonds Social Européen (FSE) et le Fonds de cohésion. Les financements FEDER et FSE concernent les 21
  • 22. régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Comme le montre la carte ci-dessous, les régions concernées par l’objectif 1 sont des régions d’Europe du sud et de l’est, ainsi que les régions dites ultrapériphériques comme les DROM-COM (Départements et Régions d’Outre-mer – Collectivités d’Outre-mer) pour la France. Les pays d’Europe de l’est ayant récemment intégré l’UE bénéficient de cet objectif et en cas d’adhésion, la Macédoine en serait également bénéficiaire. Sur la période 20072013, cet objectif représentait 81,53% du budget consacré à la politique de cohésion, soit un total de 283,24 milliards d’euros. Carte des régions éligibles à l’Objectif n°1 de Convergence - L’objectif n°2 est connu aussi sous le nom d’ « Objectif Compétitivité régionale et emploi ». Concernant les pays n’étant pas éligibles à l’Objectif n°1, il vise à renforcer la compétitivité, l’emploi et l’attractivité. L’innovation, la promotion de l’esprit d’entreprise et la protection de l’environnement sont des thèmes clés de cet objectif. Cet objectif mobilise 15,95 % du budget de la politique de cohésion, soit 55,41 milliards d’euros pour la période 2007-2013. En cas d’adhésion, la Macédoine ne pourrait prétendre à cet objectif. - L’objectif n°3 est l’objectif de « Coopération territoriale », qui se développe autour de trois types d’actions : la coopération transfrontalière, la coopération transnationale et la coopération interrégionale. Financé par le FEDER à hauteur de 8,75 milliards d'euros, il vise à promouvoir la coopération entre les régions européennes. L’entrée de la Macédoine dans l’UE permettrait ainsi, grâce à cet objectif 3, de stimuler les initiatives transfrontalières et interrégionales et donc un rapprochement avec les pays voisins. 22
  • 23. Déjà bénéficiaire de l’Instrument d’Aide de Préadhésion (IAP), la Macédoine pourrait, en cas d’adhésion, voir l’aide financière européenne augmenter fortement. La possibilité d’une accélération du développement économique du pays est un argument important, au même titre que l’attrait pour un ensemble politique reposant sur la démocratie et les droits de l’homme. Pour autant, si le sentiment favorable à l’Union européenne est majoritaire au sein de la population macédonienne, on note également une certaine lassitude, liée à un processus long, entamé depuis 2004. Cette lassitude est due notamment au veto grec et à l’incapacité de trouver un compromis. Ce sentiment est d’ailleurs partagé par les députés du Parlement européen, qui ont déploré la décision du Conseil européen de ne pas fixer, pour le moment, de date d’ouverture des négociations d’adhésion. Dans une déclaration, le Parlement a ainsi estimé que cette décision a causé « une frustration et un mécontentement légitimes » au sein de l'opinion publique du pays. » Pour le député travailliste et rapporteur de la candidature macédonienne Richard Howitt, « ce pays a sa place au sein de l'UE et les négociations d'adhésion doivent débuter sans délai ». Richard Howitt, rapporteur de la candidature de la Macédoine à l’UE depuis mai 2011 Par conséquent, la candidature de la Macédoine à l’UE bénéficie encore aujourd’hui d’un sentiment favorable au sein de la population macédonienne, ce qui en fait un bon candidat à l’Union européenne. En effet, elle satisfait à l’une des conditions mentionnées quant à la capacité d’intégration de l’Union européenne (2006), à savoir recevoir le soutien de son opinion publique. Cependant, ce sentiment favorable pourrait évoluer en cas de blocage prolongé du processus. 3) L’entrée de la Macédoine dans l’UE, facteur de renforcement de la diversité culturelle : Enfin, la Macédoine apparaît comme un bon candidat à l’UE car son adhésion permettrait de renforcer la diversité culturelle de l’Union. La promotion de la diversité culturelle est d’ailleurs un axe important de la politique européenne. L'Union européenne mène une politique active en faveur de la diversité culturelle, conformément à sa devise : « Unis dans la diversité ». Même si elle puise ses racines dans une région ou un pays particuliers, la culture constitue un patrimoine commun que l'UE entend préserver et rendre accessible aux autres. De plus, l'UE mène une politique de promotion de la diversité culturelle, notion qui figure dans les traités communautaires, notamment dans la Charte des droits fondamentaux de 2000. Par ailleurs, l’UE a apporté un soutien actif à la Conven23
  • 24. tion sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée en 2005 par l'UNESCO. L'Union intègre également une dimension culturelle dans de nombreux autres domaines d’action, comme l'enseignement (notamment l'apprentissage des langues), la recherche scientifique, l'aide aux technologies de l'information et de la communication, ainsi que le développement social et régional. L'UE participe aussi à la restauration du patrimoine culturel européen. Dans ces conditions, la candidature macédonienne est une candidature intéressante, le pays possédant un patrimoine historique et culturel riche : - Au niveau linguistique, les langues parlées en Macédoine sont le macédonien et l’albanais, soit deux langues non représentées au sein de l’UE. - Au niveau religieux, la religion majoritaire est la religion catholique, représentant 64,7% de la population, mais l’on recense une forte minorité musulmane (33,3% de la population). - Au niveau architectural, la Macédoine se caractérise par sa grande diversité, avec les architectures médiévale (byzantine et bulgare), ottomane, socialiste et contemporaine. Parmi les constructions d’époque médiévale, il y a la forteresse du tsar de Bulgarie Samuel Ier (Tsar de 997 à 1014) à Ohrid et le monastère Saint-Jean Bigorski situé à Mavrovo et Rostoucha, dans l’ouest du pays. L'église du monastère est dédiée à Saint Jean-Baptiste et « Bigorski » vient du mot macédonien « bigor » qui signifie tuf, pierre avec laquelle le monastère est construit. Le monastère est composé d'une église, d'un ossuaire, d'une tour de défense, de bâtiments conventuels et d'une maison pour les visiteurs, construite récemment. Il se trouve sur les pentes du mont Bistra, près d'une rivière et dans un environnement de forêts. Selon des textes qui y sont conservés, le monastère aurait été fondé en 1020. Forteresse du Tsar Samuel Ier Monastère Saint-Jean Bigorski De plus, la Macédoine conserve quelques très beaux exemples de l'architecture ottomane, notamment dans le bazar de Skopje avec le caravansérail Koursoumli An et à Tetovo, où se trouve la Mosquée peinte, construite au XVIIème siècle. Façade de la Mosquée peinte de Tetovo 24
  • 25. Caravansérail Koursoumli An de Skopje Après la Seconde Guerre mondiale, le marché de la construction explose et l'architecture socialiste est largement privilégiée. Le projet contemporain le plus audacieux est le plan de reconstruction de Skopje, détruite à 80 % en 1963 à la suite d’un tremblement de terre. Ce plan fut notamment dirigé par Kenzo Tange, qui avait déjà planifié la reconstruction d'Hiroshima. Depuis la fin du régime communiste, l'architecture contemporaine occidentale fait son apparition, notamment à Skopje. Exemples d’architectures socialiste et contemporaine à Skopje, avec les tours résidentielles de Karpoch 4 et le siège de l’Union européenne La Macédoine est donc un pays intéressant également par sa culture, que ce soit sur les plans linguistique, religieux et architecturaux. Son adhésion constituerait ainsi un d’enrichissement de l’Union européenne et renforcerait sa devise « Unis dans la diversité » 25 facteur
  • 26. CONCLUSION Entamé en 2004, le processus devant mener à l’adhésion de la Macédoine à l’Union européenne a connu un ralentissement certain depuis 2009, date à laquelle la Commission européenne a préconisé l’ouverture des négociations. Ce blocage est dû essentiellement au veto formulé par la Grèce lors des sommets européens successifs en raison du problème du nom à attribuer au pays. Malgré la nomination par l’ONU d’un médiateur chargé de résoudre le contentieux entre les deux pays, aucune avancée significative n’a été relevée. Les propositions faites par M. Nimetz le 16 avril dernier, portant sur un nouveau nom qui serait la République de Macédoine septentrionale, permettront peut-être de débloquer la situation. Mais derrière ce problème, les autorités grecques craignent la montée d’un nationalisme macédonien se manifestant à travers des querelles historiques et d’éventuelles revendications territoriales. La montée de ce nationalisme macédonien est incontestable, comme le montre le projet Skopje 2014 et la politique menée par le gouvernement Gruevski depuis 2006. Elle inquiète l’Union européenne, de même que les pays voisins comme la Bulgarie. De plus, en cas d’ouverture des négociations d’adhésion, les difficultés actuelles, liées à la montée du nationalisme mais aussi à la dégradation de la situation politique et des libertés d’expression et de la presse, rendraient ces négociations plus difficiles et plus longues. Cependant, pour la Commission européenne et le Parlement, le report des négociations d’adhésion est aussi une source de tensions. L’ouverture des négociations permettrait même d’apaiser ces tensions et de faire reculer le nationalisme. Il est vrai qu’au sein de l’opinion publique macédonienne, une certaine lassitude est en train de se manifester face à un processus long. Cette frustration est liée aussi au processus plus rapide d’autres pays, à l’image de la Croatie, candidate en 2003 et qui intégrera l’UE en juillet 2013. Pour autant, ces obstacles ne sont pas de nature à interrompre le processus d’adhésion de la Macédoine, dont la candidature a connu des avancées significatives. Il est vrai que cette candidature présente un certain nombre d’atouts et a l’avantage d’encourager la poursuite des objectifs que l’Union européenne s’est fixée depuis ses origines : favoriser la paix, la démocratie et les droits de l’homme, mais aussi faire de l’Europe un ensemble de pays au niveau de développement homogène tout en respectant la diversité culturelle. Si l’on excepte le Conseil européen, les autres institutions européennes, telles que la Commission européenne et le Parlement, sont favorables à une ouverture des négociations d’adhésion. Le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton, l’est également. Dans ces conditions, il est encore difficile de se prononcer quant à une adhésion future de la Macédoine au sein d’une Union européenne minée par les crises économique et politique, même si le problème ne semble pas de savoir si la Macédoine intégrera un jour l’Union européenne, mais plutôt quand. 26
  • 27. ANNEXES • Annexe n°1 : Communication de la Commission européenne sur la candidature de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), Bruxelles, 10 octobre 2012 : L'ancienne République yougoslave de Macédoine a obtenu le statut de pays candidat en 2005. En 2009, la Commission a estimé que le pays remplissait de façon satisfaisante les critères politiques et recommandé l'ouverture de négociations. Elle a réitéré cette recommandation en 2010, 2011 et à présent en 2012. Elle est fermement convaincue que le passage à la phase suivante du processus d'adhésion est nécessaire pour accélérer les réformes, en particulier celles qui touchent à l'État de droit, et en consolider la viabilité, ainsi que pour renforcer les relations interethniques. Cette mesure profiterait à l'ensemble de la région. Le pays continue de remplir les engagements souscrits dans l'accord de stabilisation et d'association (ASA). La Commission maintient sa proposition de passer à la deuxième phase de l'association et encourage le Conseil à statuer rapidement à ce sujet, conformément à la disposition correspondante de l'ASA. Le pays continue de remplir les critères politiques de manière satisfaisante. Le gouvernement a placé l'agenda européen au cœur de son action. Le dialogue de haut niveau sur l'adhésion mené avec la Commission a servi de catalyseur à l'accélération des réformes et permis des progrès sensibles dans plusieurs domaines d'action clés. Le gouvernement a soumis au Parlement des propositions relatives à l'amélioration du cadre législatif applicable aux élections et, dans le domaine de la liberté d'expression, à la dépénalisation de la diffamation. Le premier examen par le gouvernement de la mise en œuvre de l'accord-cadre d'Ohrid fournit un instrument précieux de renforcement du dialogue entre les communautés. La dynamique de réforme doit être poursuivie dans tous les domaines couverts par les critères politiques de façon notamment à garantir la mise en œuvre. Il y a lieu en particulier de renforcer l'État de droit, y compris en ce qui concerne la liberté d'expression. Le processus de dialogue entre le gouvernement et l'association des journalistes mené sous la forme d'une table ronde devrait demeurer une enceinte utile pour aborder des problèmes clés touchant aux médias. Les tensions qui ont éclaté entre les communautés à la suite d'incidents violents au cours du premier semestre de 2012 sont préoccupantes. Les autorités ont fait preuve d'une attitude responsable face à ces événements et doivent s'appuyer sur cette expérience pour renforcer plus étroitement les relations interethniques et consolider la réconciliation, à la lumière également du débat sur le statut des victimes du conflit de 2001. Alors que cela fera bientôt 20 ans que l'ancienne République yougoslave de Macédoine est membre des Nations unies, le différend avec la Grèce sur la dénomination du pays n'est toujours pas 27
  • 28. réglé. Un dialogue se déroule sous l'égide des Nations unies depuis les années 1990; il est complété depuis 2009 par des contacts bilatéraux, notamment au niveau des premiers ministres. Ces processus toutefois n'ont jusque-là donné aucun résultat. En décembre, la Cour internationale de justice a considéré que la Grèce avait enfreint l'accord intérimaire conclu avec le pays en émettant des objections à son adhésion à l'OTAN lors du sommet de Bucarest de 2008. Il reste essentiel de maintenir des relations de bon voisinage et de trouver, sous l'égide des Nations unies, une solution négociée et mutuellement acceptable à la question de la dénomination du pays. Il convient de trouver une solution sans plus tarder. Il y a lieu d'éviter toute action ou déclaration susceptible de nuire aux relations de bon voisinage. 28
  • 29. • Annexe n°2 : Interview réalisée auprès d'Anastasia Guillon. De nationalité grecque, elle est archéologue de formation. Elle vit en France depuis plusieurs années où elle exerce le métier d'assistante pédagogique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Grèce exerce son droit de veto à l’entrée de la Macédoine dans l’UE ? La Grèce en tant que pays membre de l’UE, exerce son droit de veto à l’entrée de la « République de Macédoine » à cause du nom que l’ancienne République yougoslave de Macédoine a choisi, lors de la déclaration de son indépendance en 1991 (L’ancienne République socialiste de Macédoine, nom qu’elle portait depuis 1963, devient par soustraction de l’adjectif « socialiste », la République de Macédoine). La question du nom de l’ex-République yougoslave de Macédoine n’est pas seulement un différend au sujet des événements historiques ou des symboles appartenant au patrimoine historique et culturel grec. C’est le comportement d’un Etat membre de l’Organisation des Nations Unies, qui va à l’encontre des principes fondamentaux d’ordre juridique international, à savoir le respect des relations de bon voisinage, de souveraineté et d’intégrité territoriale. Historiquement le terme « Macédoine », est à la fois le mot grec qui désigne le Royaume et la culture des anciens Macédoniens, qui appartiennent à la nation grecque et qui font incontestablement partie du patrimoine historique et culturel grec. Géographiquement, le terme se réfère à une région dans laquelle s’étend le territoire actuel de différents pays des Balkans, avec la plus grande partie de celui-ci qui appartient à la Grèce et d’autres plus petites de l’ex-République yougoslave de Macédoine, la Bulgarie et l’Albanie. Le corps principal de Macédoine antique se trouve à l’intérieur de la frontière grecque actuelle et occupe la partie nord du territoire grec, appelé, justement, Macédoine. En fait, la Grèce refuse surtout que sa voisine porte le nom d’une de ses propres provinces, usurpant ainsi son patrimoine historique. Dans le choix du nom « Macédoine », elle voit par ailleurs l’indice d’un irrédentisme latent. Elle appréhende enfin que ses voisins ne s’arrogent un droit de regard sur la population slavophone de Grèce septentrionale, considérée en macédoine comme une « minorité macédonienne » ainsi que l’alimentation des sentiments nationalistes sur le territoire grec. La Grèce, faisant preuve d’un esprit constructif, a fait un pas de consensus majeur, en acceptant la proposition d’un nom composé avec un adjectif qualificatif géographique et utilisation « à l’égard de tous » (« ergaomnes »). Que pensent les Grecs du programme Skopje 2014 ? Ils considèrent tout ceci comme une provocation de plus, qui accroît le trouble et renforce leurs 29
  • 30. craintes. Une violation de l’accord intérimaire signé par les deux pays en 1995, lorsque sous les auspices des Nations Unis, ils ont entamé des négociations. Cet accord les engage, en effet, à respecter, mutuellement, un code « de bonne conduite » tout au long des négociations nécessaires pour la résolution du problème du nom et oblige par ailleurs la Macédoine à éviter toute revendication territoriale nationaliste vis-à-vis de la Grèce (cartes, manuels d’histoire,…), toute revendication irrédentiste, toute usurpation des symboles, tels que le soleil de Vergina ou autres appartenant au patrimoine historique et culturel grec (aéroport de Skopje rebaptisé « Aéroport Alexandre le Grand »,…). Evidemment, pour les Grecs, l’attitude provocatrice de Macédoine ne respecte pas le principe de base de toute négociation entre les Etats, qui présuppose que les parties concernées doivent négocier avec bonne foi, dans un esprit constructif afin d’épuiser toutes les possibilités pour parvenir à un compromis. En dehors des Grecs, il ne faut pas perdre de vue, que cet intense travail de marquage symbolique des identités dans l’espace urbain, pratiqué depuis 2006, dessert la politique intérieure macédonienne car il participe fortement au sentiment de fragilité identitaire parmi ses propres citoyens (albanais/macédoniens). Les Grecs pensent-ils, outre ce conflit, que l’entrée de la Macédoine serait nécessaire dans l’UE et pourquoi ? En fait, la Grèce ne s’oppose nullement à la perspective européenne et euro-atlantique de la Macédoine, au contraire elle la soutient. Rappelons ici, qu’avec le consensus grec, la Macédoine est devenu un pays candidat à l’UE, elle a atteint le point de rejoindre l’OTAN et c’est également avec le consensus grec qu’a été aboli le régime des visas pour ses citoyens. La Grèce pense que la voie européenne pour la Macédoine, est la meilleure garantie pour une coexistence pacifique des peuples dans les Balkans et, à long terme, de stabilité politique pour le pays. Elle veut et cherche la résolution la plus rapide possible de la question du nom avec une solution mutuellement acceptable, claire et définitive, telle qu’elle ne créerait pas des foyers de tensions futures dans la région sensible des Balkans. A noter que, malgré ce problème, qui affecte les relations des deux pays, la Grèce continue à avoir une présence économique de premier plan dans le pays voisin, ce qui contribue de manière substantielle et significative à son développement, la création d’emplois, la création d’infrastructures. Elle est convaincue que la résolution du problème permettrait d’exploiter pleinement l’énorme potentiel inhérent à la coopération entre les deux pays. Quels efforts pourraient faire la Grèce d’une part, et la Macédoine d’autre part pour apaiser ce conflit ? 30
  • 31. Il est vrai que dans le contexte de la crise économique en Europe, qui touche tout particulièrement la Grèce, la question macédonienne ne fait pas partie de ses urgences, des préoccupations de premier plan pour le gouvernement, pris dans la tourmente de sauver l’économie du pays et sa place dans la zone euro.Toutefois, il faut continuer les contacts successifs au plus haut niveau politique et les initiatives de dialogue. Aucun effort bilatéral n’est à ménager afin de trouver une solution au plus tôt. Pour ce faire, il faut agir au plus vite, respectueusement et intelligemment. Les Grecs, doivent comprendre qu’on ne peut pas convaincre un pays qu’il ne mérite pas le nom qu’il « usurpe » pendant des siècles grâce aux politiques monstrueuses des empires et des forces étrangères. Les Skopjans ont appris que leur pays s’appelle Macédoine, non pas depuis 1991, ni même depuis 1945, mais depuis leur prime enfance. Et les appellations ne changent pas du jour au lendemain par des décrets ou des constitutions. De son côté le gouvernement macédonien, doit arrêter les provocations et le durcissement de ses positions. La proposition du nom composé serait-elle, peut- être, la meilleure base possible pour trouver un compromis mutuellement bénéfique et honorable, qui ne créera ni gagnants, ni perdants ? A mon humble avis, les deux pays n’ont rien à y gagner en se retournant sans cesse vers le passé mais tout à y gagner à travers un dialogue respectueux et intelligeant, tourné plutôt vers l’avenir. Les gouvernements respectifs doivent enfin comprendre que leurs peuples ne demandent qu’à vivre et prospérer dans un climat de paix, de stabilité et de sérénité. Ce qu’ils ont de commun, dans leurs différences, doit leur servir de trame à l’ouverture des pourparlers fructueux. J’espère qu’ils finiront par trouver ce courage… Pensez-vous que ce conflit va se résoudre et que la Grèce finira par lever son veto ? Pour moi, le rôle de l’UE en tant que médiatrice dans cette affaire sera déterminant. On peut penser que l’UE, en soutenant financièrement la Grèce, à cause de la crise économique actuelle, elle va pouvoir lui demander en échange des concessions sur la querelle du nom. A mon avis, il ne sera pas évident qu’un gouvernement grec, condamné à administrer une sévère politique d’austérité, ait les moyens politiques de faire accepter cela à son électorat. Cependant, les stratégies géopolitiques et les intérêts des « grands » qui les dictent, peuvent changer à tout moment la donne. Ce que j’appellerai communément « la cuisine politique » des grands (hors UE) n’est pas à négliger pour la résolution du problème. Qu’en sera-t-il et qui peut le savoir ? L’UE de son côté, assez affaiblie par la crise économique qu’elle traverse, est-elle en ce moment disponible – même si elle le désire pour des raisons évidentes - à accueillir tous les pays nés de la défunte Yougoslavie et la Macédoine en l’occurrence ? Si oui, saura-t-elle retrouver sa capacité d’influence et son pouvoir de médiation dans le conflit du nom et face aux grandes puissances du moment ? Personnellement, et dans ce contexte, je ne peux être ni optimiste, ni pessimiste. » 31
  • 32. • Annexe n°3 : La situation des Albanais en Macédoine, par Chaïnez DRICI : La minorité albanaise constitue en Macédoine une minorité importante. Lors d’un recensement effectué par les autorités macédoniennes en 2003, cette minorité représentait 25,17% de la population. Or, l’intégration de cette minorité au sein de la société macédonienne est problématique. • 2001 : Le problème albanais éclate : En janvier 2001, des anciens combattants de la guerre de Kosovo lancent une guérilla dans le nord-ouest du pays. Ils forment l'UCK-M, une organisation qui souhaite annexer les régions albanaise de Macédoine au Kosovo. Les rebelles attaquent l'armée et la police le long de la frontière kosovare et reçoivent le soutien de la population albanaise locale. Ils bénéficient par ailleurs d'importants moyens financiers. En réplique, le gouvernement macédonien ferme la frontière avec l'Albanie, afin d'éviter d'éventuelles arrivées d'armes et de combattants. Cependant, en mars, trois soldats macédoniens sont tués par des insurgés albanais près de Tetovo. Skopje fait alors appel à l'ONU. Les Albanais gagnent toutefois toujours plus de terrain chaque jour et prennent le contrôle du nord du pays, où la minorité albanaise est très forte. En mai, l'armée macédonienne bombarde les positions tenues par les soldats albanais, mais les Macédoniens finissent par se replier à cause de trop nombreuses pertes. Au début de l'été, la situation, bien que tendue, est désamorcée grâce à une médiation internationale. 32
  • 33. • 13 août 2001 : Signature des accords d’Ohrid : Les accords d'Ohrid ont été signés le 13 août 2001 par deux partis macédoniens et deux partis de la minorité albanaise avec un encadrement de l'ONU, de l'OTAN et de l’Union européenne. Les partis qui ont signé l'accord sont : l'organisation révolutionnaire macédonienne intérieure – Parti démocratique pour l’Unité nationale macédonienne (VMRO-DPMN), l'Union social-démocrate de Macédoine (SDSM), le Parti démocrate des Albanais (DPA), et le parti pour la prospérité démocratique (PDP). La cérémonie de signature des accords d’Ohrid a été d’ailleurs marquée par la présence du représentant de l’Union européenne, Javier Solana, du secrétaire général de l’OTAN George Robertson et de l’envoyé spécial des États-Unis James Perdew. Ces accords octroient aux Albanais de Macédoine des droits destinés à améliorer leur condition de minorité. La constitution est amendée pour permettre aux députés albanais de s'opposer à toutes les décisions parlementaires concernant leur minorité (sans passer par la majorité des suffrages). Les lois doivent être officiellement écrites en macédonien et en albanais. Une université albanaise, l'Université de l'Europe du Sud-Est, est créée à Tetovo, Cette université est financée en partie par l’état macédonien, elle se situe au nord-ouest du pays. La Macédoine et la communauté internationale doivent donc rester vigilantes, mais peuvent se vanter avec les accords d’Ohrid d’avoir évité au pays de plonger dans la guerre civile en 2001. Ces accords sont depuis lors considérés comme l’un des plus grands succès de la communauté internationale, et comme un exemple à suivre pour la résolution des conflits ethniques dans le monde. • Quel est le bilan des Accords d’Ohrid ? Suite à la signature des accords d’Ohrid, le gouvernement macédonien s’est attaché à mettre rapidement en œuvre les mesures prévues par ces derniers, afin de mieux prendre en considération les revendications albanaises. Ainsi, les albanophones ont obtenu une représentation accrue dans la fonction publique. Dans l’armée, leur nombre est passé de 7 à 26 %, dans la police de 3 à 15%. Cependant, les Albanais se considèrent encore aujourd’hui victimes de discriminations. Ainsi, on constate une sous-représentation des Albanais dans les institutions du pays. Dans le domaine de la justice, on compte très peu de juges membres de la minorité albanaise, ce qui complique les délibérations et les échanges lors des procès puisqu’il faut faire appel à des interprètes. Dans l’éducation, les accords d’Ohrid ne sont pas parfaitement appliqués. Dans l’enseignement primaire, 25 % des élèves albanais reçoivent à l’heure actuelle une éducation dans leur langue maternelle, ce qui est insuffisant puisque 100 % des enfants albanais ont le droit constitutionnel de recevoir une instruction en albanais. De plus, seulement un tiers des enfants albanais intègrent l’enseignement 33
  • 34. secondaire. Dans ces conditions, de nombreux foyers de tensions entre les communautés albanaise et macédonienne restent encore présents, obligeant la Macédoine à rester vigilante pour parvenir à une véritable stabilité, tout comme pour obtenir une réelle reconnaissance internationale. Le 12 avril 2012, des incidents entre les deux communautés ont éclaté. Elles ont fait suite à la découverte, dans les faubourgs nord de Skopje, de 5 corps de jeunes âgés de 18 à 25 ans. Bien que l’enquête n’ait pas révélé d’éléments probants, des manifestations de jeunes macédoniens ont éclaté à Skopje, en hostilité à la communauté albanaise. Pour le chercheur suisso-macédonien Bashkim Iseni, la tournure prise par l’affaire est « une conséquence du manque de volonté du gouvernement d’appliquer correctement les accords d’Ohrid ». Toujours est-il que dans un contexte de crise économique, les tensions entre les communautés macédonienne et albanophone sont de plus en plus fortes et mettent en péril la cohabitation multiethnique. 34
  • 35. • Annexe n°4 : Le processus d'adhésion de la Macédoine, tableau réalisé lors d'un atelier de travail avec Mme Evanno de la Maison de l'Europe à Douai 35
  • 36. BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE I] SUR L’UNION EUROPEENNE : • http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000010-elargissement-de-l-union-europeenne-nouveaux-defis • http://europa.eu/about-eu/countries/joining-eu/index_fr.htm • http://www.touteleurope.eu/fr/actions/constructioneuropeenne/elargissement/actualite/actualites-vuedetaillee/afficher/fiche/6061/t/44207/from/2247/breve/le-processus-delargissement-poursuit-saroute.html?cHash=7252d4d9fb • Catherine LALUMIERE, La crise et l’avenir de l’Union européenne, Site des Maisons de l’Europe, 30 mars 2012. • Le Dessous des cartes, L’Union européenne, une alternative ?, 2004. II] SUR LA MACEDOINE : • Le dessous des cartes, La Macédoine ou la difficile construction d’un état, Juin 2005. • Sous la direction d’Emilie BLANCHARD, Martin VEBER et Anthony LOZAC’H, Histoire-Géographie-Education civique 3ème, Lelivrescolaire.fr, Paris, 2012. • http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo/macedoine-arym/presentation-de-l-ancienne/ • http://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/macedoine • http://www.euractiv.fr/elargissement-0/article/2010/04/07/pression-sur-macedoine-regler-differend- sur-son-nom_66210 • http://www.euractiv.fr/typo3-section-not-found/2010/02/08/ouverture-des-negociations-avec- macedoine-repoussee-2010_51219 • http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-la-grece-et-la-macedoine-a-l-ombre-d- alexandre-le-grand • • • http://www.france24.com/fr/20110326-2011-europe-district-macedoine-partie2 L’Union européenne déplore les dérives nationalistes de la Macédoine, Lefigaro.fr, 31 octobre 2011. « Intégration européenne de la Macédoine : Bruxelles affiche un optimisme prudent », Le courrier des Balkans, 16 avril 2013. • « Nimetz arrives in Skopje for name talks », BalkanInsight, 10 janvier 2013. • Christophe CHATELOT, « Le plan marketing de la Macédoine pour attirer les investisseurs », Le Monde, 6 mars 2007. • RAGARU, Nadège, www.ceri-sciencespo.com, avril 2011. • http://www.courrierinternational.com/article/2012/03/12/ces-couleuvres-que-l-ue-nous-fait-avale • http://www.balkaninsight.com/en/article/macedonia-is-losing-fight-against-corruption-ngo-warns 36