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NN°° 9494 s 11 e re r T R I M E S T R ET R I M E S T R E 1 9 9 81 9 9 8
ARCHITECTE
J.-P. Lott (Dubus & Lott
architectes)
Page 1
S o m m a i r e
Poitiers Bñtiment d’enseignement
Pour tous renseignements concernant les articles de la revue, s’adresser
à CIMBÉTON q Directeur de la publication : Michael Temenides q
Directeur de la rédaction : Bernard Darbois q Conseiller technique : Jean
Schumacher q RĂ©dacteur en chef : Norbert Laurent q RĂ©daction et
réalisation : ALTEDIA SYNELOG - 49, rue Ganneron - 75018 Paris -
Tél. : 01 44 85 67 89 - Fax : 01 42 26 24 89 q DépÎt légal : 1er
trimestre 1998
ISSN 0010-6852 1996 q
ARCHITECTES
R. Porro et R. de La Noue
Page 6
VĂ©lizy Casernement
ARCHITECTE
D. Kahane
Page 14
Paris Logements
formation
Page 24
Vallée du RhÎne TGV Méditerranée
ARCHITECTES
L. et E. Beaudouin
Page 19
Nancy École d’ingĂ©nieurs
RĂ©alisations
Solutions béton
Pages 12/13
q HĂ©liport de Paris. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
q École française du bĂ©ton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
q Multimédia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Bloc-notes
Page 36
q Livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
q Exposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Bloc-notes
RĂ©alisations
ARCHITECTE
S. Dubuisson
Page 32
Saint-Selve Chais
RĂ©alisation
Poitiers, École supĂ©rieure des personnels d’encadrement du ministĂšre de l’Éducation nationale :
Hervé Abbadie, Alain Photo ; Vélizy, casernement de CRS : Guillaume Maucuit-Lecomte ; Paris,
logements : Alain Goustard ; Nancy, Ă©cole d’ingĂ©nieurs : Jean-Marie Monthiers ; TGV MĂ©diterranĂ©e :
Philippe Giraud/Terres du Sud, Jean-Jacques d’Angelo/SNCF ; Saint-Selve, chais : Georges Fessy.
SchĂ©mas : Éric Perrier, Philippe Simon et Xavier TĂ©not. MultimĂ©dia : Yann Kerveno.
EN COUVERTURE : LE BÂTIMENT DE L’ESPEMEN (ÉCOLE SUPÉRIEURE DES PERSONNELS
D’ENCADREMENT DU MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE).
w
CIM CENTRE D’INFORMATION SUR
LE CIMENT ET SES APPLICATIONS
7, place de la DĂ©fense - LA DÉFENSE 4
92974 Paris-la-DĂ©fense CedexTĂ©l. : 01 55 23 01 00 - Fax : 01 55 23 01 10
ERRATUM – CONSTRUCTION MODERNE N° 93
Place Chalon – Stanislas Fiszer – Maütre d’ouvrage : Semaest.
Gros Ɠuvre : Quillery environnement urbain.
HĂŽtel : architecte d’opĂ©ration, Jean-Yves Le Mesle.
BET : Beaulieu Ing.
Logements : architecte associé pour la conception et
l’exĂ©cution, Christian Schwinn.
Poitiers Bñtiment d’enseignement
Une architecture
de volumes
NON LOIN DU FUTUROSCOPE DE POITIERS, LE BÂTIMENT DE
L’ÉCOLE DES CADRES DE L’ÉDUCATION NATIONALE JETTE LES BASES
D’UN NOUVEAU QUARTIER. SES VOLUMES, SA FAÇON BIEN
PARTICULIÈRE D’OCCUPER L’ESPACE, SONT AUTANT DE MOYENS DE
S’AFFIRMER ET DE MARQUER L’AMBIANCE DU LIEU.
v Sur la façade principale, au sud-est, le
bĂątiment de l’hĂ©bergement : sa façade
incurvée, sa forme lenticulaire qui dessine
un pignon fuyant comme un empennage,
dressent les premiers signes d’un Ă©difice
magistral.
RĂ©alisation
continue de tous les cadres de l’Éducation
nationale. Chaque année, 5 000 à 6 000 per-
sonnes sont appelĂ©es Ă  frĂ©quenter l’établisse-
ment. Elles peuvent venir pour des périodes
trĂšs courtes ou au contraire assez longues,
ce qui nĂ©cessite dans ce cas d’assurer leur
hébergement. En période de forte fréquenta-
tion, de 500 Ă  600 personnes peuvent ĂȘtre
prĂ©sentes le mĂȘme jour dans le bĂątiment.
Sur 10 000 m2
, l’édifice abrite les bureaux
1
À proximitĂ© du Futuroscope, le conseil
général de la Vienne a promu le développe-
ment d’un quartier destinĂ© Ă  accueillir essen-
tiellement des organismes de formation ou
des entreprises produisant des technologies
innovantes. DĂ©localisĂ©e Ă  Poitiers, l’Espemen
(École supĂ©rieure des personnels d’encadre-
ment du ministùre de l’Éducation nationale)
a donc tout naturellement trouvé sa place en
ce lieu. L’école assure la formation initiale et
donc implanté et dessiné de façon à dégager
un espace de recul. Il permet de créer une
place sur laquelle sont mises en scĂšne la
façade principale et l’entrĂ©e. Comme l’auto-
route passe à proximité, sont installés sur
cette façade le hall, les circulations et l’audi-
torium – totalement aveugle –, afin de pro-
téger le plus possible salles de cours et
bureaux des nuisances issues du trafic. Il
existe assez peu d’ouvertures sur la façade principale, ce qui va dans le sens de sa mise
en scùne dans une architecture de volumes.”
La composition architecturale met ici en Ă©vi-
dence les parties de l’édifice. Chaque forme
immédiatement identifiable abrite un élé-
ment spĂ©cifique du programme. À l’excep-
tion de la partie hĂ©bergement, l’ensemble de
l’édifice est installĂ© dans un dĂ©caissĂ© d’un
Poitiers Bñtiment d’enseignement❍
2 Construction Moderne n° 94
de l’administration, un nombre important
de salles de cours, un centre de ressources
(1 000 m2
), un amphithéùtre, qui répondent
aux besoins des personnels permanents
ainsi qu’aux besoins de formation ou de
documentation. À cela s’ajoutent un res-
taurant de 1 200 places et un ensemble de
115 chambres qui permettent l’accueil des
stagiaires.
BĂ©ton et formes plastiques
“Ce bĂątiment s’inscrit dans la continuitĂ© de
nos prĂ©cĂ©dentes rĂ©alisations liĂ©es Ă  l’ensei-
gnement (Ă©cole d’ingĂ©nieurs ESIEE Ă 
Amiens, faculté de sciences et de droit
d’Évreux...), qui laissent une part impor-
tante au bĂ©ton et aux formes plastiques qu’il
permet de développer, précise Jean-Pierre
Lott. Dans le futur, le site sera trĂšs urbain.
Pour exprimer la prĂ©sence d’un tel Ă©difice
public, il ne peut ĂȘtre question d’en placer
l’entrĂ©e au bord de la rue. Le bĂątiment est
Au centre, en recul par rapport Ă  la rue,
la coque majestueuse du hall d’entrĂ©e.
DerriÚre, le bùtiment étire sa longue façade
arrondie.
Ú
Sur la gauche de la coque, le bĂątiment
accueille en partie basse le centre de ressources
et dans les étages supérieurs des salles de
cours protégées par les lignes réguliÚres
des brise-soleil.
Sur la façade opposée (nord-ouest), carac-
térisée par les lignes continues des brise-soleil
en béton, le corps de bùtiment abritant bureaux
et salles de cours domine la figure. D’un cĂŽtĂ©,
quatre poteaux puissamment posés sur leur
pied largement évasé semblent le soulever pour
laisser place au volume plus transparent du
centre de ressources et Ă  un passage public
qui traverse l’édifice. De l’autre cĂŽtĂ©, Ă  l’articu-
lation avec l’hĂ©bergement, une partie de la salle
de restaurant surgit au niveau du registre bas.
3
q Un Ă©difice qui participe
de la valeur institutionnelle
et de l’image de l’école
Ú
Ú
niveau par rapport au terrain naturel, ce qui
explique l’existence d’un rez-de-chaussĂ©e
haut et d’un rez-de-chaussĂ©e bas. Cette dis-
position a permis de rĂ©duire l’emprise au sol
du bĂątiment en densifiant la construction, et
d’installer le hall d’entrĂ©e au milieu du bĂąti-
ment. Elle renforce aussi la puretĂ© de l’écri-
ture des volumes sur la façade principale, en
estompant la perception de leur ligne de
contact avec le sol naturel. De plus, le visi-
teur découvre, au rythme de son avancée
vers l’entrĂ©e, l’émergence des volumes
depuis le sol d’assise en contrebas. PrĂ©cĂ©dĂ©e
par une passerelle qui franchit le vide créé
par le dĂ©caissĂ©, l’entrĂ©e est simplement mar-
quée par une ouverture dans la paroi uni-
forme de la coque en béton.
Mise en scùne de l’espace
Une fois le seuil franchi, le hall révÚle le
cƓur du bñtiment. Arrivant au niveau du
rez-de-chaussée haut, le visiteur traverse
sous la voûte de la coque le vaste espace de
ce hall qui se développe sur 4 niveaux en
dessous et au-dessus de lui. Tout au long de
la passerelle qui le conduit à l’accueil, il
découvre le spectacle des rampes, des esca-
liers, des coursives en balcon sur le vide, et
la grande enveloppe courbe de l’amphi-
théùtre. Le mouvement des formes, des pas-
serelles, des coursives, s’accompagne du jeu
des zones d’ombre et de lumiùre. Toutes les
parties communes et les circulations se réfÚ-
rent au hall central, véritable foyer spatial et
lieu fédérateur du projet. Dans la mise en
scÚne de cet espace, les vues en plongée ou
en contre-plongée donnent à voir les mul-
tiples aspects de l’architecture de ce bñti-
ment et de la vie qui s’y dĂ©roule.
Un traitement varié des volumes
Dans tout l’édifice, les circulations sont
conçues comme de véritables promenades
architecturales animĂ©es par l’enchaĂźnement
des perspectives, des formes et des parois
courbes qui accompagnent les parcours. Les
contractions et dilatations de l’espace per-
mettent d’amĂ©nager des salons d’étage, des
points de reprographie, des zones de
détente. Si cette architecture est riche en
courbes dans ses espaces communs et ses
circulations, les bureaux et les salles de for-
mation sont trĂšs rationnels et fonctionnels.
DiffĂ©rents lieux atypiques ponctuent l’édi-
fice. Ainsi l’amphithĂ©Ăątre dresse dans le hall
sa coque blanche tout en rondeurs. Le centre
de ressources offre des espaces en mezza-
nine oĂč les zones de lecture s’ouvrent gĂ©nĂ©-
reusement sur l’extĂ©rieur. La salle de restau-
rant se compose de deux parties décalées
Poitiers Bñtiment d’enseignement❍
4 Construction Moderne n° 94
Le volume de l’hĂ©bergement est sculptĂ©
dans la masse blanche du béton.
Les fenĂȘtres en longueur des chambres et
toutes les autres ouvertures sont ciselées dans
la matiĂšre, venant ainsi animer les parois
et souligner le mouvement. Le rez-de-chaussée
trÚs largement vitré laisse deviner la présence
de la salle de restauration, Ă  laquelle on accĂšde
depuis le boulevard.
La coque est décollée du sol sur la partie
du hall en rez-de-chaussée bas. Dans le plan
vertical, l’arc de rive en dĂ©vers de la coque est
séparé du volume des bureaux et des salles
de cours par une verriĂšre qui laisse glisser la
lumiÚre le long des coursives. Cette arrivée
de lumiÚre naturelle est relayée par une autre
fente lumineuse qui traverse la coque perpen-
diculairement à l’arc. L’ensemble de ces trans-
parences renforce la présence plastique de la
voûte tout en lui conférant une grande légÚreté.
Deux poteaux qui participent à la stabilité struc-
turelle dynamisent la lecture de l’espace.
Ú
Ú
q Le hall central,
véritable foyer spatial et lieu
fédérateur du projet
d’un demi-niveau. Celle qui longe le bou-
levard est scandĂ©e par les “poteaux tulipes”
soutenant les Ă©tages de l’hĂ©bergement.
Une architecture expressive
Le bĂątiment de l’Espemen affirme sa prĂ©-
sence par le mouvement de ses volumes
blancs. L’enchaünement des formes et des
lignes courbes en fait un véritable événe-
ment plastique. Il marque de sa présence et
de sa personnalité ce quartier en devenir,
prĂ©figurant l’espace urbain et l’ambiance du
lieu. Son architecture expressive lui donne
une identité forte dans son site, mais aussi,
de façon plus symbolique, Ă  l’échelle natio-
nale. Car cet Ă©difice participe de la valeur
institutionnelle et de l’image de marque de
l’école. En effet, au-delĂ  de ce qu’ils auront
appris dans ces lieux, les stagiaires garde-
ront le souvenir de cette architecture géné-
reuse qui dépasse sa fonction et offre au
regard le spectacle du “jeu savant et magni-
fique des volumes sous la lumiùre”.
NORBERT LAURENT s
L’édifice est entiĂšrement rĂ©alisĂ© en bĂ©ton
coulé en place ou préfabriqué. La structure
générale est de type poteaux-poutres. Les
brise-soleil sont préfabriqués en usine et
clavetĂ©s en façade. Pour le bĂątiment de l’hĂ©-
bergement, les “poteaux tulipes” supportent
les voiles en console des Ă©tages. Les allĂšges
des façades sont elles aussi préfabriquées.
Comme pour les brise-soleil, la préfabrica-
tion a été retenue pour suivre précisément
les courbures des façades. L’ensemble des
parois en béton brut reçoit un ragréage pour
Ă©pouser parfaitement l’épure des formes
dessinĂ©es par l’architecte. L’application
d’une peinture blanche vient donner son
aspect dĂ©finitif Ă  l’ouvrage.
La coque, ossature et peau
La coque du hall d’entrĂ©e est entiĂšrement
réalisée en béton coulé en place de 40 MPa.
Sa structure est constituée par un arc de
rive en dévers et un ensemble de nervures.
Ce squelette supporte la coque de couver-
ture en béton qui dessine la forme voulue
par l’architecte. Dans son principe, la struc-
ture fonctionne comme un trépied constitué
par l’arc en dĂ©vers et une nervure (file 13)
qui est encastrĂ©e dans l’arc. Cette nervure,
portée par un poteau en pied et un
autre à 3 m de l’arc, fait office de tirant. L’arc
et la nervure forment ainsi un élément trÚs
rigide : le maximum de déplacement admis
en tĂȘte de l’arc est de l’ordre de 3 cm. Un
poteau vient soulager une partie des efforts
dans l’arc. Dans une moindre mesure, les
autres nervures et la coque elle-mĂȘme parti-
cipent aussi à la tenue de l’arc.
Un béton fini à la main
Une fois l’arc de rive et les nervures rĂ©ali-
sĂ©s, la coque de couverture, d’une Ă©pais-
seur de 15 cm, est coulée. Pour ce faire, un
coffrage de sous-face est installé entre les
nervures. Une premiÚre couche est réalisée
sur environ 13 cm de façon à enrober tous
les aciers. Compte tenu de la forme géné-
rale de l’ouvrage, un bĂ©ton trĂšs compact est
mis en Ɠuvre pour Ă©viter tout risque de
déversement. Les deux derniers centimÚtres
sont réalisés avec un mortier de ciment à
base de résine. Pour obtenir la forme défini-
tive, cette seconde couche est passée à la
main. À l’aide d’un laser, un gĂ©omĂštre, prĂ©-
sent en permanence sur le chantier, donne
aux compagnons les points de surface défi-
nitifs. Une résine blanche à base de polyuré-
thane est projetĂ©e sur la coque. D’une
Ă©paisseur de 4 mm, elle assure l’étanchĂ©itĂ©.
5
MAÎTRE D’OUVRAGE : MINISTÈRE
DE L’ÉDUCATION NATIONALE
CONDUCTEUR D’OPÉRATION : CONSEIL
GÉNÉRAL DE LA VIENNE
ARCHITECTE : J.-P. LOTT
(DUBUS & LOTT ARCHITECTES)
BET STRUCTURE : ETCO
BUREAU DE CONTRÔLE : APAVE
ENTREPRISE GROS ƒUVRE : SOGEA
ATLANTIQUE
Le béton,
structurel et plastique
VĂ©lizy Casernement
Un cantonnement
Renaissance
LE CANTONNEMENT DE PASSAGE DES CRS À VÉLIZY, DANS LES
YVELINES, N’A RIEN D’UN BÂTIMENT COMME LES AUTRES. PAR
SA FONCTION, D’ABORD, QUI EST CELLE D’UN BÂTIMENT MILITAIRE.
PAR SON ARCHITECTURE, ENSUITE, LARGEMENT INSPIRÉE D’UN
TABLEAU DE LA RENAISSANCE.
Appuyés sur un socle incliné en béton
noir bien ancré dans le sol, les bùtiments
s’élancent vers le ciel dans une dynamique
exacerbée.
RĂ©alisation
En pénétrant dans le grand hall du canton-
nement de passage des CRS qu’il vient de
livrer Ă  VĂ©lizy, l’architecte Ricardo Porro ne
peut s’empĂȘcher de s’écrier : “L’imagination
au pouvoir !” Il faut dire que le sexagĂ©naire
cubain n’a rien perdu de cette verve et de ce
brio qui lui ont permis, il y a déjà plus de
trente ans, en construisant notamment
l’École des beaux-arts de La Havane, d’accĂ©-
der Ă  la reconnaissance internationale.
Associé depuis dix ans avec Renaud de La
Noue, il exerce aujourd’hui son talent en
France, sur des programmes socio-Ă©ducatifs
ou des opérations de logements. La recher-
che formelle expressionniste qui préoccupe
les deux hommes, leur intĂ©rĂȘt partagĂ© pour
un urbanisme tourné avant tout vers la
convivialité, en font des personnages un peu
à part dans le paysage de l’architecture d’au-
jourd’hui. Aussi, c’est presque un paradoxe
que de les voir Ɠuvrer sur un programme a
priori austĂšre comme ce cantonnement pour
les Compagnies républicaines de sécurité.
Au final, le résultat est surprenant. Bien loin
de toute réponse rationaliste ou techniciste,
v
les architectes ont trouvé le ton pour conce-
voir un bùtiment qui dégage force et puis-
sance et prĂ©serve en mĂȘme temps une cer-
taine intimité, de quoi rester facile à vivre au
quotidien. En somme un bĂątiment Ă  la
mesure des besoins de confort et de repos
que peuvent connaĂźtre des hommes qui sont
appelĂ©s Ă  s’illustrer dans des conditions
généralement violentes. En multipliant les
points d’échange et de rencontre, en propo-
sant des lieux diffĂ©renciĂ©s, Ă  l’éclairage riche
et soignĂ©, ils parviennent “à crĂ©er, au travers
de l’architecture, un environnement poĂ©-
tique qui met en valeur la dignité de ceux
qui l’occupent.” Alors, dans le cadre de cette
architecture largement empreinte de futu-
risme, les policiers révÚlent leur visage caché,
et l’homme apparaüt sous l’uniforme.
Fonction, symbolisme et inspiration
Pour réussir dans leur entreprise, Porro et
de La Noue ont nourri leur inspiration de
symboles et d’images en rapport avec la
fonction du bñtiment. “En fait, nous recher-
chons un dialogue, une relation forte entre
la vie interne des espaces que nous produi-
sons et l’atmosphùre que nous leur don-
nons. Évidemment, pour des CRS, il ne
s’agissait pas de rĂ©aliser un bĂątiment miĂšvre
ou fragile. Nous voulions exprimer la vigueur
et la puissance que nous avions trouvées
dans La Bataille de San Romano, de Paulo
Uccelo, un tableau de la Renaissance ita-
lienne qui Ă©voque la force et la violence
d’une armĂ©e de cavaliers. Nous avons donc
dessinĂ© les bĂątiments dans l’esprit des forces
dĂ©chaĂźnĂ©es reprĂ©sentĂ©es par le peintre.”
L’Ɠuvre picturale se traduit par une archi-
tecture “en mouvement” dont les parties
semblent se déplacer, à la maniÚre de cer-
tains bĂątiments futuristes.
Prenant appui sur un socle incliné en béton
noir bien ancré dans le sol, les différents édi-
fices qui composent le cantonnement “mon-
tent vers le ciel dans une dynamique exacer-
bée et semblent exploser à chacune de leurs
extrémités en un jeu de toitures super-
posĂ©es.” Les bĂątiments reprennent le jeu des
lances des chevaliers représentées dans le
tableau à travers un ensemble de débords,
7
Source de l’inspiration des architectes,
La Bataille de San Romano, de Paulo Uccelo
(galerie des Offices, Ă  Florence).
v Les pignons explosent en un jeu de
décalages et de toitures superposées.
q Un environnement
poétique qui valorise la
dignité des hommes
v
VĂ©lizy BĂątiment militaire❍
8 Construction Moderne n° 94
d’élĂ©ments saillants, de poteaux inclinĂ©s, qui
produisent un désordre apparent.
À cette rĂ©fĂ©rence picturale s’ajoute le souci
de s’inscrire dans la tradition des construc-
tions militaires. C’est-à-dire de conjuguer
une Ă©vidente puissance des bĂątiments avec
une expression symbolique des composants
architecturaux. Ainsi, les lucarnes en béton
préfabriqué, alignées comme une armée de
baĂŻonnettes ou de canons, annoncent sans
ambiguïté la destination du casernement.
C’est aussi le cas du soubassement en bĂ©ton
noir, qui rappelle les bastions et les forts de
défense élaborés par Vauban.
Des modĂšles en trois dimensions
La mise en forme de cette architecture dans
laquelle l’espace est traitĂ© dans toutes ses
directions, s’établit essentiellement au niveau
de la maquette. “Toute une quantitĂ© de
maquettes extraordinaires qui permettent
d’expĂ©rimenter, d’évaluer et de concrĂ©tiser
la dynamique du projet”, explique Ricardo
Porro. Le travail de conception débute par
l’organisation du programme sur le terrain.
Toutes les solutions possibles sont envisa-
gées, de façon objective et purement fonc-
tionnelle. Ensuite, les images générées par
les formes sont analysĂ©es. Puis s’élabore le
choix qui définit le parti architectural, dont
l’étude se poursuit avec l’aide, lĂ  encore, de
modĂšles en trois dimensions. Ce plaisir de la
conception, de l’expĂ©rimentation en volume
est revendiqué totalement par les deux asso-
ciĂ©s, qui affirment “croire plus Ă  l’Homo
ludens, l’homme qui joue, qu’à l’Homo
sapiens, l’homme qui sait.”
Enfin, les plans permettent de communi-
quer le projet aux entreprises. L’attribution
d’une mission M1 et des dĂ©lais assez larges
ont permis aux architectes de travailler le
projet dans ses moindres détails, en dessi-
nant les bĂątiments sous tous leurs angles.
Les documents d’exĂ©cution ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s
d’aprĂšs la maquette dĂ©finitive, qui sera
d’ailleurs prĂ©sente sur le chantier pendant
toute la durée des travaux.
Lieu de travail et lieu de résidence
Premiùre phase d’un ensemble qui accueil-
lera Ă  terme quelque 600 personnes, le can-
tonnement de passage s’inscrit dans le plan
de masse gĂ©nĂ©ral qui fut l’objet du concours
remporté en 1991 par les deux architectes.
RĂ©alisable en quatre phases, le site de VĂ©lizy
accueillera au total cinq compagnies de
120 CRS. Pour les uns, la caserne sera un
v Posée sur des poteaux inclinés, une
poutre Ă©merge du restaurant comme le mĂąt
de beauprĂ© d’un voilier. Le dĂ©calage par
rapport à l’axe statique amplifie l’effet de
déséquilibre et de dynamisme.
q Les deux architectes
revendiquent le plaisir de
la conception et de l’expĂ©ri-
mentation en volume
9
v Les bow-windows préfabriqués en béton
gris clair soutiennent un acrotĂšre puissant
qui détermine la façade.
lieu de travail qu’ils quitteront le soir pour
regagner leur domicile ; pour les autres, les
compagnies de province en déplacement, le
cantonnement constituera un lieu clos dans
lequel les hommes auront Ă  vivre pendant
les quelques semaines que durera leur inter-
vention.
Une organisation spatiale avec Venise
pour modĂšle
L’ensemble est implantĂ© dans un immense ter-
rain situé au sud-ouest de Paris, occupé par des
bùtiments datant des années soixante et desti-
nĂ©s Ă  ĂȘtre dĂ©molis. EntourĂ©e d’un parking, la
parcelle est fermée par un grillage. Dans cet
environnement difficile, les concepteurs ont
proposé une organisation spatiale rythmée par
des places, des espaces de liaison, des lieux
calmes, d’autres plus vivants, qui donnent au
casernement un vĂ©ritable sens urbain. C’est une
notion essentielle dans la pensée de Ricardo
Porro, qui voit dans la ville de Venise l’une de
ses plus grandes influences : “Ce n’est pas la
forme ou la décoration de la cité vénitienne qui
nous intĂ©resse dans le cas prĂ©sent, mais l’en-
chaĂźnement urbain des bĂątiments. Et ici, Ă 
VĂ©lizy, nous avons cherchĂ© Ă  en retrouver l’es-
prit pour cette petite ville qu’est le caserne-
ment.”
Multiplier les accĂšs
Plus qu’un trùs grand bñtiment dans lequel
aurait pris place l’ensemble des fonctions,
les architectes projettent alors une succes-
sion d’immeubles de faible hauteur, organi-
sĂ©s en Ăźlot. Il ne s’agit pas, cependant, d’un
cƓur d’ülot classique dans lequel seraient
clairement différenciées une partie exté-
rieure publique et une partie intérieure pri-
vĂ©e. Ici, les blocs d’immeubles forment des
entités poreuses dans lesquelles les piétons
pénÚtrent de toutes parts, grùce à un sys-
tĂšme de placettes qui, reliant les Ă©difices les
uns aux autres, constituent de véritables
lieux de vie et de rencontre. DĂšs lors, toute
l’activitĂ© se trouve Ă  l’intĂ©rieur de l’ülot.
Seules sont maintenues Ă  l’extĂ©rieur des
immeubles les voies pour les automobiles –
voies d’accùs et de service.
Conçu pour une compagnie en déplacement,
le cantonnement de passage comprend une
partie “hĂ©bergement” de 120 chambres
regroupées dans un premier bùtiment en L
de trois niveaux. Cet immeuble s’organise de
part et d’autre d’un hall central traversant. La
liaison entre les deux parties est assurée par
l’escalier principal qui occupe le cƓur du
hall. De chaque cÎté, la disposition parfaite-
ment répétitive des chambres est tempérée
par le soin apporté aux couloirs, qui dessi-
nent une succession de chicanes et aména-
gent un seuil d’entrĂ©e pour chaque chambre.
Un second Ă©difice abrite des espaces com-
muns de restauration et de détente. Une
grande poutre structure le bĂątiment en arti-
culant les différentes toitures. Ces derniÚres
;
;
;;;;
;;;;
;;
;;
;;
;;
;
;
;;
;;
;
;
;
répondent dans leur spatialité à la diversité
du programme. Au rez-de-chaussée, le vaste
réfectoire pour les gardiens, le restaurant
des brigadiers et la salle circulaire – presque
confinĂ©e – des officiers sont tous en relation
directe avec les cuisines. À l’étage, le foyer-
bar, organisé en mezzanine, est complété
par des locaux de réunion et des salles de
jeux. Cet équipement sera partagé avec le
casernement, destiné à une compagnie rési-
dant Ă  demeure, qui constituera la deuxiĂšme
tranche des travaux. Bien que différent du
bĂątiment d’hĂ©bergement, ce lieu de restaura-
tion et de détente fait partie intégrante du
cantonnement, et l’espace entre les deux
bùtiments est traité comme un intérieur, un
entre-deux qui contribue réellement au pro-
gramme.
Le béton, gage de résistance
Le béton armé, matériau dominant, répond
en premier lieu à l’un des principaux sou-
haits exprimĂ©s par le maĂźtre d’ouvrage : la
solidité, la solidité et encore la solidité. En
effet, parce qu’ils sont appelĂ©s Ă  intervenir
dans des situations extrĂȘmes, c’est le plus
souvent dans un Ă©tat de grande tension ner-
veuse que les hommes rentrent dans leurs
cantonnements. Aussi le béton brut a-t-il été
retenu pour sa résistance aux dégradations.
Les garde-corps, les escaliers, le bar, exploi-
tent la robustesse du matériau au travers de
formes simples. C’est aussi le cas des cloisons
séparatrices entre les chambres, pour les-
quelles le béton, qui allie résistance aux
chocs et performances acoustiques, a été
préféré à des systÚmes de cloisons sÚches.
DeuxiĂšme raison de ce choix, le respect des
dĂ©lais et la facilitĂ© d’exĂ©cution du chantier.
Ainsi la technique du béton banché, utilisée
en structure, a-t-elle Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  l’en-
semble de la maçonnerie, et cela bien que le
bĂątiment d’hĂ©bergement, qui est construit
par une succession de voiles de refend, ne
présente pas de façade porteuse. Enfin,
c’est la capacitĂ© plastique du matĂ©riau Ă 
exprimer la force et la puissance qui a séduit
les concepteurs dans leur recherche. Le sou-
bassement, qui reprend la typologie d’une
VĂ©lizy BĂątiment militaire❍
10 Construction Moderne n° 94
q L’impression de force
et de puissance dégagée
par le béton a séduit les
architectes w Dans un environnement difficile, les
bĂątiments composent un enchaĂźnement de
lieux qui donnent au casernement une
véritable dimension urbaine.
11
forteresse, est formé de modules préfabri-
quĂ©s en bĂ©ton noir, composĂ© Ă  partir d’agrĂ©-
gats de basalte. Ces éléments, non porteurs,
sont posĂ©s en pente et intĂšgrent une fenĂȘtre
qui qualifie l’espace intĂ©rieur des chambres.
En pied de façade, un caniveau couvert de
dalles en bĂ©ton de mĂȘme nature rĂ©cupĂšre
les eaux et assure la liaison avec un parterre
de pavés verts en béton teinté dans la masse.
Un matériau qui vieillira lentement
À l’étage, les bow-windows prĂ©fabriquĂ©s en
béton gris clair soutiennent un acrotÚre
puissant, formĂ© dans le mĂȘme matĂ©riau. Les
meneaux qui décomposent les vitrages, les
poutres saillantes, les poteaux qui débor-
dent du bùtiment, sont aussi réalisés en
bĂ©ton brut Ă  partir d’un matĂ©riau gris foncĂ©.
Un bĂ©ton courant, qui puisse “prendre de la
patine et vieillir lentement avec l’édifice.” De
forte section, tous ces éléments qui partici-
pent de la qualification des espaces exté-
rieurs sont “globalement un peu surdimen-
sionnés, admet Renaud de La Noue. Leur
Ă©paisseur est voulue, pensĂ©e pour l’Ɠil plus
que pour la recherche de performances.”
Dans le mĂȘme esprit, la poutre qui Ă©merge
violemment de la proue du restaurant est
posée sur des poteaux inclinés. Des dés de
bĂ©ton, dĂ©calĂ©s par rapport Ă  l’axe statique,
relient les différents éléments, ce qui ampli-
fie l’effet de dĂ©sĂ©quilibre et de dynamisme.
Des Ă©quipements de grande classe
ExubĂ©rant, riche, gĂ©nĂ©reux, l’édifice dessinĂ©
par Renaud de La Noue et Ricardo Porro
répond à un programme nouveau qui
tranche avec les lieux de casernement habi-
tuels. Au travers d’un travail soignĂ© sur les
espaces intérieurs et leurs relations, les deux
concepteurs ont mis en place un systĂšme
d’entre-deux, de lieux, de moments qui
apportent un confort physique et psycholo-
gique aux CRS. Ils ont ainsi produit un lieu
unitaire dans lequel les usagers se disent trĂšs
Ă  l’aise, et que certains vont mĂȘme jusqu’à
qualifier de “Rolls des cantonnements”.
HERVÉ CIVIDINO s
MAÎTRE D’OUVRAGE : MINISTÈRE
DE L’INTÉRIEUR
MAÎTRE D’OUVRAGE DÉLÉGUÉ : PRÉFECTURE
DES YVELINES
ARCHITECTES : RICARDO PORRO
ET RENAUD DE LA NOUE
BET : GET INGÉNIERIE SA
ENTREPRISE GROS ƒUVRE : BATEG
v En mezzanine sur les espaces de
restauration, le foyer-bar.
BĂ©ton hautes performances
Un héliport
futuriste Ă  Paris
Bloc-notes
12 Construction Moderne n° 94
LES POINTS CLÉS DU BHP
q Porosité trÚs faible
(4 Ă  5 fois moins qu’un bĂ©ton courant)
q Résistances élevées :
– 60 à 100 MPa à 28 jours
– 15 à 20 MPa à 12 heures
q Durabilité exceptionnelle :
– rĂ©sistance aux milieux agressifs,
industriels, marins, salins
– rĂ©sistance au gel/dĂ©gel
– rĂ©sistance Ă  la carbonatation
q Fluidité du béton frais :
– affaissement au cîne d’Abrams > 20 cm
– facilitĂ© de pompage et de mise
en place du béton
À Paris, capitale internationale, il s’avùre
plus que jamais nécessaire de permettre
aux hĂ©licoptĂšres des “hommes pressĂ©s” de
se poser à proximité du centre-ville ou des
quartiers d’affaires comme la DĂ©fense.
Aujourd’hui encore, l’hĂ©liport d’Issy-les-
Moulineaux répond à cette nécessité, avec
environ 15 000 mouvements par an. Cepen-
dant, il est situé dans un milieu urbain
dense, et à ce titre il est l’objet des attaques
des riverains qui rejettent les nuisances liées
Ă  son trafic.
L’architecte Alexandre Lecomte-Souvre a
choisi de porter sa rĂ©flexion sur l’intĂ©gration
d’un hĂ©liport Ă  proximitĂ© de Paris. Il s’est
tout naturellement intĂ©ressĂ© au site d’Issy-
les-Moulineaux. Si le lieu est marqué par
l’histoire aĂ©ronautique, la prĂ©sence du bou-
levard périphérique, le voisinage de Paris-
Expo (4e
parc d’exposition en Europe), la
proximitĂ© des principaux quartiers d’affaires
et du palais des CongrĂšs sont autant
d’atouts qui plaident en faveur du main-
tien de l’hĂ©liport Ă  Issy-les-Moulineaux.
Alexandre Lecomte-Souvre a inventé un
ouvrage qui, s’il semble encore utopique
aujourd’hui, prĂ©figure peut-ĂȘtre ce que
seront les héliports du XXIe
siùcle. Il s’agit
d’une mĂ©gastructure en BHP, flanquĂ©e de
trois tours-ascenseurs, qui porte Ă  60 m du
sol naturel la plate-forme d’atterrissage.
Celle-ci, longue de 350 m et large de 80 m,
peut accueillir 50 appareils. Sous la piste et
dans la partie centrale de la mégastructure,
sont installés les hangars des hélicoptÚres et
les bureaux des sociétés exploitantes.
MaĂźtriser les nuisances sonores
Par son aspect futuriste, ce projet peut sur-
prendre les observateurs extérieurs et les
conduire à s’interroger sur les raisons qui ont
motivĂ© les choix de l’architecte. Il faut garder
prĂ©sent Ă  l’esprit que l’un des obstacles
majeurs Ă  l’intĂ©gration des hĂ©liports en zone
urbaine est constitué par les nuisances
sonores, Ă©cueil d’autant plus sensible que
les populations riveraines considĂšrent sou-
vent ce moyen de transport comme l’apa-
nage de quelques particuliers privilégiés. La
prise en compte de ces nuisances a conduit
les pouvoirs publics Ă  Ă©tablir, pour les sites
d’implantation des aĂ©rodromes, des plans
d’exposition au bruit (PEB) qui permettent
une vĂ©ritable maĂźtrise de l’urbanisation sur
les zones concernées. Ces plans sont éta-
blis Ă  partir de courbes de gĂȘne, notion dĂ©fi-
nie par un indice dit psophique (IP), qui
intĂšgre le bruit de crĂȘte provoquĂ© par le pas-
sage d’un avion (ou d’un hĂ©licoptĂšre) et l’ad-
dition de ces bruits au fil de la journée. Les
zones A et B, dont l’indice supĂ©rieur s’élĂšve
respectivement Ă  96 et 89, sont celles oĂč les
constructions nouvelles sont interdites. Ces
PEB sont Ă©tablis pour des bruits au sol : si
l’on considĂšre que le bruit au sol gĂ©nĂ©rĂ© par
un hĂ©licoptĂšre est divisĂ© par deux lorsqu’il
se trouve Ă  une altitude de 150 m, on voit
l’avantage qu’il y a Ă  crĂ©er des pistes d’atter-
rissage surélevées.
Une technologie d’avant-garde
Sa proposition de réaliser une plate-forme
d’environ 1 ha à 60 m de haut induit la prise
en compte de contraintes importantes,
aussi bien pour la stabilité que pour les
risques accidentels tels que l’incendie ou le
sĂ©isme. L’originalitĂ© du projet repose ici sur
l’emploi du BHP (bĂ©ton hautes perfor-
mances), dont les caractéristiques permet-
tent une réduction sensible du dimension-
nement de l’ouvrage et offrent des
avantages sur le plan de la mise en Ɠuvre.
La pérennité, primordiale pour un ouvrage
de cette nature, est également assurée par
le BHP.
Cet ouvrage explore donc de nouvelles voies
pour permettre de conserver un héliport en
milieu urbain dense en réduisant les nui-
sances, auxquelles les riverains sont parti-
culiĂšrement sensibles.
13
FORMATION
Le premier numéro des Carnets de
l’École française du bĂ©ton est paru.
Au sommaire :
- les premiùres actions de l’EFB ;
- les fiches d’information ;
- les livres récents ;
- la composition du ComitĂ© d’orientation.
Disponible sur simple demande Ă  EFB/
CIMBETON.
NOUVEAUTÉ
entreprises, les bureaux d’études, les agences
d’architecture, les administrations... pour la
diffusion et la promotion des connaissances
dans le domaine de la construction en béton.
Elle est une Ă©cole sans murs, ouverte Ă  tous :
architectes, ingénieurs, techniciens, ensei-
gnants et chercheurs.
Ses premiÚres actions se matérialisent déjà
par l’organisation ou la coorganisation de
séminaires de transfert et de diffusion des
rĂ©sultats de projets nationaux ou d’universitĂ©s
d’hiver et d’étĂ©, par la rĂ©daction de modules
d’appui Ă  l’enseignement du bĂ©ton, l’élabora-
tion d’outils pĂ©dagogiques, la promotion de
livres de rĂ©fĂ©rence et d’ouvrages pĂ©dago-
giques.
L’École française du bĂ©ton est soutenue par le
plan GĂ©nie civil du ministĂšre de l’Équipement
et administrée par un bureau composé
comme suit :
q PrĂ©sident d’honneur : J.-C. Parriaud
(CNISF)
q Président : Y. Malier (ENS de Cachan)
q Directeur : J.-A. Calgaro (Setra)
q Directeurs adjoints : R. Cantarel (IGEN),
M. TéménidÚs (Cimbéton), J.-M. Déchery
(CHEC)
q ChargĂ©s de mission : R.-M. Faure (CETU) –
multimĂ©dia –, F. Buyle-Bodin (UA) – rela-
tions enseignement supérieur
Extraits de l’éditorial du premier numĂ©ro des Carnets
de l’EFB, signĂ© Yves Malier et Jean-Armand Calgaro.
Depuis plusieurs an-
nées, des enseignants,
des ingĂ©nieurs d’entre-
prises, de bureaux d’étu-
des et d’administrations,
des chercheurs appellent de leurs vƓux la
mise en place, dans les champs de la
construction en bĂ©ton, d’une structure lĂ©gĂšre
dont l’objectif principal serait de fĂ©dĂ©rer et de
promouvoir, au plan national, des actions de
transfert des résultats de la recherche et des
actions de formation, parfois réalisées de
façon excellente localement ou régionale-
ment, mais qui, souvent, n’atteignent qu’une
infime partie des publics visés et laissent ainsi
un dĂ©ficit de valorisation, donc d’applica-
tions, de bien des résultats de recherche et de
beaucoup d’innovations.
Dans le domaine du béton, beaucoup de pays,
en parfaite synergie avec leurs associations
scientifiques et leurs écoles ou universités,
ont développé des structures transversales
efficaces dont les retombées sont positives
pour tous les acteurs de la construction.
L’École française du bĂ©ton est donc, avant
tout, une structure de rĂ©flexion et d’anima-
tion, jetant un pont entre les organismes d’en-
seignement, les laboratoires de recherche, les
En bref
Internet :
oĂč aller pour s’informer ?
De plus en plus prĂ©sents sur le “rĂ©seau
de rĂ©seaux”, les architectes disposent
maintenant de plusieurs sites pour
s’orienter sur le Web. Aleph est un cyber-
espace europĂ©en d’architecture mis en
place par le laboratoire d’Exploration
des technologies nouvelles en architec-
ture (ETNA) de Bourg-la-Reine. TrĂšs
sobre, on y trouve par exemple la liste
des concours internationaux. On y
trouve Ă©galement un service de recher-
ches diffĂ©rĂ©es, des infos d’actualitĂ©, les
listes de diffusion francophones, etc.
Autre serveur ressource, BatOnLine
propose lui aussi une foule d’informa-
tions aisément accessibles à destination
des architectes et des prescripteurs de
la construction. Les industriels y présen-
tent leurs derniÚres nouveautés, on peut
y faire figurer son portfolio, consulter
quelques-uns des textes officiels, etc.
À voir Ă©galement, le site espagnol IAZ
qui est une mine de renseignements sur
l’actualitĂ© de l’architecture du monde
hispanique. Un mot encore pour le site
personnel d’Éric Gagnaire, consacrĂ© Ă  la
reconstruction en France.
s Aleph : <http://aleph.afuu.fr>
BatOnLine : <http://www.batonline.com>
IAZ : <http://www.iaz.com>
La reconstruction :
<http://wwwusers.imaginet.fr/~gagnaire/>
Multimédia
14 Construction Moderne n° 94
Paris Logements
Le calme aux portes
de Paris
C’EST À LA PORTE D’AUBERVILLIERS, ENTRE LE PÉRIPHÉRIQUE ET LES
BOULEVARDS EXTÉRIEURS, QUE LA SAGI A LANCÉ LA CONSTRUCTION
DE 160 NOUVEAUX LOGEMENTS. UNE MISSION DÉLICATE
QUE L’ATELIER PARISIEN D’URBANISME, ÉPAULÉ PAR LES QUALITÉS
ACOUSTIQUES DU BÉTON, A SU MENER À BIEN.
RĂ©alisation
intense. Deux ülots de part et d’autre du
boulevard Mac-Donald, pour un terrain au
passĂ© industriel : cĂŽtĂ© capitale, d’immenses
entrepÎts, cÎté périphérique, des terrains
anciennement occupĂ©s par l’hĂŽpital Claude-
Bernard et aujourd’hui en friche. Dans ce
lieu dĂ©laissĂ©, l’Atelier parisien d’urbanisme
(Apur) a souhaité transformer le tissu urbain
et prolonger la ceinture de logements des
habitations à bon marché (HBM). Une atti-
tude caractéristique de ses actions au cours
des vingt derniÚres années : les friches
industrielles de Bercy, de la ZAC Citroën, de
la Seine-Rive-Gauche, en sont les exemples
les plus célÚbres. Le tissu industriel est donc
réinvesti par de nouveaux morceaux de
ville, au profit du logement. Ici, l’Apur a
conçu un plan oĂč trois Ăźlots viennent s’ali-
gner le long du boulevard en demeurant le
plus loin possible du périphérique. Un mur
antibruit a été récemment construit qui pro-
tÚge les étages inférieurs des nuisances
sonores de ce dernier et redonne Ă  un mail
magnifiquement plantĂ© le statut d’espace de
promenade.
Des volumes stricts
La composition et la volumétrie des ßlots
obéissent à des rÚgles strictes : trois ßlots de
50 x 80,5 m séparés par des allées de 20 m
de large. Les constructions s’alignent au
Au nord de Paris, le secteur de la porte
d’Aubervilliers forme une zone plutît hos-
tile. Entre le périphérique et les voies de
chemin de fer de la gare de l’Est, entre un
grand axe de sortie de Paris et le canal Saint-
Denis, il y a là un espace totalement enclavé,
sectionné par une artÚre à la circulation
v En cƓur d’ülot, balcons et terrasses
dominent un jardin dont l’ambiance paisible
contraste avec l’environnement immĂ©diat.
pourtour extérieur de chacun des ßlots et
ferment les quatre cÎtés. Le gabarit des bùti-
ments est identique, avec une hauteur de
huit Ă©tages dont un en retrait, hors la cons-
truction sur les allées dont 40 % du volume
peut ne pas ĂȘtre construit. La densitĂ© est
forte, mais il est fait obligation de dégager au
centre de chaque Ăźlot un espace vide de
1 000 m2
sans construction avec un jardin
en pleine terre de 800 m2
.
DĂ©finition d’une coupe commune
Chacun des ßlots est attribué par concours
Ă  un architecte. Gilles Bouchez, Marie
Schweitzer et Daniel Kahane sont ainsi dési-
gnĂ©s. C’est alors qu’un travail de concerta-
tion a lieu qui amÚne les architectes à définir
une coupe commune du boulevard au péri-
phérique. Un dénivelé existe, qui est com-
pensé par un socle horizontal, marqué par
une base en granit bleu de Lanhélin sur
laquelle reposent les constructions. CÎté
boulevard, les bĂątiments sont au niveau du
trottoir, cÎté mail et périphérique, ils déga-
gent un socle d’une hauteur moyenne per-
mettant d’introduire avec facilitĂ© l’ouverture
vers les garages souterrains. Le rez-de-
chaussée de chaque bùtiment est transparent
dans le sens longitudinal et révÚle depuis le
boulevard la vue sur les arbres du mail. Des
percĂ©es transversales sont rĂ©servĂ©es d’un Ăźlot
à l’autre.
Immeubles Ă©crans
L’ülot rectangulaire rĂ©alisĂ© par Daniel
Kahane est composé de cinq constructions
réparties en trois typologies. Une diversité
qui s’explique par le contexte et les nui-
sances sonores.
15
Panneaux de béton poli et habillage en
bois caractérisent les façades des
immeubles villas.
Boulevard Mac-Donald Rue du Mail Mail planté Mur anti-bruit Bd périphérique
Traits d’union entre les plots, les balcons
se rejoignent et dessinent des terrasses
suspendues ouvertes sur l’allĂ©e piĂ©tonne et
l’intĂ©rieur de l’ülot.
Enclavés entre deux grands axes de circulation, les logements sont soumis à de fortes pressions sonores.
v
v
Paris Logements❍
16 Construction Moderne n° 94
Sur le boulevard Mac-Donald comme sur le
cĂŽtĂ© est de l’ülot, sont placĂ©s deux immeu-
bles Ă©crans. Ils possĂšdent chacun une double
façade en verre et leurs appartements sont
traversants. La double façade offre à chaque
logement une “piĂšce” supplĂ©mentaire d’au
moins 20 m2
. Cette derniÚre est traitée de
façon intime : sol en plastique bleu, murs et
sous-face recouverts de panneaux de bois,
fenĂȘtres coulissantes qui ouvrent en totalitĂ©.
Des boutiques doivent venir s’installer sur le
boulevard. Elles préserveront la transpa-
rence et laisseront apparaĂźtre la structure en
béton gris.
v Les balcons offrent d’agrĂ©ables
prolongements.
q La grille qui fédÚre
les immeubles entre eux se
retrouve dans une horizontale
de référence
R U E D U M A I L
B O U L E V A R D M A C D O N A L D
Aux angles, les façades en panneaux préfa-
briqués de béton poli blanc stabilisent
visuellement le bùti. Les modénatures, les
nez de plancher en béton ressortis pour les
balcons, participent à la grille qui fédÚre les
trois types de bĂątiments.
BĂątiment bouclier
Face au pĂ©riphĂ©rique, l’architecte a conçu
un bùtiment bouclier dont la façade exté-
rieure arrondie est recouverte de panneaux
d’aluminium. Les trois premiers niveaux
sont protégés des nuisances dues aux auto-
mobiles par le mur antibruit. Pour les Ă©tages
supérieurs, qui demeurent exposés au bruit,
les balcons ont des garde-corps qui jouent le
rĂŽle d’abat-son. Il s’agit en fait de rĂ©sona-
teurs à fente : formés de caissons creux rem-
plis d’absorbant acoustique, ils prĂ©sentent
une fente par laquelle le son pénÚtre pour y
ĂȘtre captĂ©. En outre, les sous-faces des bal-
cons sont recouvertes de tÎle perforée
munie d’un absorbant acoustique afin d’em-
pĂȘcher le son de faire Ă©cho sur le garde-
corps, tandis que des menuiseries équipées
de verres acoustiques réduisent de maniÚre
remarquable le bruit de fond de la circulation
automobile. Les logements sont traversants.
Visible au rez-de-chaussée rendu transpa-
rent, la structure entiÚrement en béton gris
ressort dans les balcons. LaissĂ©s bruts Ă  l’in-
tĂ©rieur, les bĂ©tons sont lazurĂ©s Ă  l’extĂ©rieur.
Leur couleur, leur matiĂšre, jouent alors avec
celles de l’aluminium.
Immeubles villas
À l’ouest, le bñti est moins dense. Deux
immeubles villas, qui comportent quatre
faces, sont tournés vers les autres ßlots et
font bloc. Les trois façades visibles de l’extĂ©-
rieur sont constituĂ©es d’un jeu de panneaux
préfabriqués de béton. Un béton blanc,
fabriqué avec des granulats de quartz et de
marbre blanc, puis poli. La hauteur du pan-
neau est celle d’un Ă©tage et sa largeur est
déterminée par un calepinage savant qui
marque une symĂ©trie avec les fenĂȘtres des
espaces de service ou des chambres. Sur le
chantier, le montage s’est apparentĂ© Ă  un jeu
de dominos. Dans les entrées, la façade se
retourne, et le béton poli pénÚtre dans
chaque partie commune. La façade inté-
rieure à l’ülot est recouverte de planches de
bois (red cedar), du réséda brut, traité mais
non verni, qui deviendra rapidement gris
argentĂ© pour s’harmoniser avec le bĂ©ton. Les
logements, organisés en duplex, ne sont pas
traversants, mais ils offrent une double
orientation par les angles des bĂątiments. Un
travail important a Ă©tĂ© accompli sur l’expres-
sion de la structure en béton : chaque loge-
ment possĂšde un balcon suspendu de 3 x 3 m
qui fait terrasse et est utilisé comme tel.
17
v Dans les immeubles villas, chaque
logement possĂšde un balcon suspendu qui
fait office de terrasse.
Paris Logements❍
18 Construction Moderne n° 94
La grille qui fédÚre les immeubles entre eux
se retrouve ici dans une horizontale de réfé-
rence qui passe du bĂątiment bouclier aux
immeubles villas et aux immeubles Ă©crans.
Cette horizontale est constituĂ©e d’élĂ©ments
en béton : chaque nez de plancher en béton
est ressorti du bĂątiment bouclier et est
visuellement prolongé par la tablette préfa-
briquée en béton poli du garde-corps de
chaque terrasse des immeubles villas.
Le travail du paysagiste
En cƓur d’ülot, alors que le socle des
immeubles reste Ă  niveau, que le terrain
alentour s’enfonce lĂ©gĂšrement vers le pĂ©ri-
phérique et que des immeubles hauts cer-
nent la cour, quiconque eût choisi de
rehausser le sol naturel. Au contraire, le pay-
sagiste a ici enfoncé le jardin pour retrouver
le niveau originel, avec une mise en scĂšne
oĂč des gradins et des passerelles en bois
viennent souligner encore la déclivité. Desti-
nĂ©s Ă  l’origine Ă  l’amĂ©nagement du jardin de
la BibliothĂšque de France, de gigantesques
cailloux ont été récupérés et posés là, parmi
des plantes savamment disposées qui don-
nent un dessin sophistiqué au jardin et le
fleurissent par vagues de couleurs au prin-
temps. Au sud, le paysagiste a aussi planté
trois arbres du Japon.
Afin de créer une atmosphÚre de calme et de
plénitude sur le jardin, la majorité des faces
construites sont en béton, tramées et de
couleur blanche. Pour les immeubles Ă©crans
et l’immeuble bouclier, les façades sont en
bĂ©ton enduit blanc, et l’ensemble des
allĂšges, tablettes et mains courantes est en
éléments préfabriqués de béton poli qui
soulignent la grille de la composition. La
trame des bùtiments est répétitive, avec des
murs de refend placés selon un rythme
régulier (6 m, 6 m, 3 m). Les escaliers placés
cÎté jardin marquent celui-ci de grandes
verticales de béton poli. Pour les immeubles
villas, les façades en béton sont recouvertes
de bois. Enfin, pour le sol qui ceinture le jar-
din et dessert les immeubles, le matériau
choisi est un béton de ciment blanc désac-
tivĂ© avec des agrĂ©gats clairs, oĂč vient s’in-
cruster un quadrillage en bois Azobe. Les
marches sont en pierre de Trani, une pierre
blanche lorsqu’elle est bouchardĂ©e. Notons
encore le caillebotis qui fait le tour de la
cour et suit les façades des constructions : il
permet d’éviter les relevĂ©s d’étanchĂ©itĂ© et
offre un dĂ©tail d’une grande simplicitĂ© pour
la base des bĂątiments.
Le projet est une vĂ©ritable leçon d’architec-
ture. Le travail accompli est imposant, Ă©vi-
dent, qui permet de maĂźtriser un grand
nombre de dĂ©tails. L’ülot est calme, parfaite-
ment équilibré, tant par sa position que par
ses masses, ses éléments architectoniques,
ses matĂ©riaux. Dans l’univers de la porte
d’Aubervilliers qui paraissait condamnĂ© au
chaos, il fera peut-ĂȘtre bon vivre dans ces
logements.
SYLVIE CHIRAT s
MAÎTRE D’OUVRAGE : SAGI
MAÎTRE D’ƒUVRE : DANIEL KAHANE,
ARCHITECTE, AVEC JACQUES LEGUY,
ACOUSTICIEN, ET JACQUES COULON,
PAYSAGISTE
BUREAU D’ÉTUDES : KHEPHREN (BET
STRUCTURE) ET ALTO (BET FLUIDES)
ENTREPRISE GÉNÉRALE : BOUYGUES
v Sur le boulevard Mac-Donald et le cÎté est
de l’ülot, les deux immeubles forment Ă©cran.
Nancy École d’ingĂ©nieurs
La lumiÚre, matériau
d’architecture
LA NOUVELLE ÉCOLE D’INGÉNIEURS DE NANCY VIENT CÔTOYER
L’ÉCOLE D’ARCHITECTURE DE LIVIO VACCHINI. OUTRE LA RECHERCHE
D’UNE UNITÉ FORMELLE ENTRE LES BÂTIMENTS, LE TRAVAIL SUR
LA LUMIÈRE NE LAISSE PAS D’ÉMOUVOIR.
v ComposĂ© d’un parallĂ©lĂ©pipĂšde simple,
l’édifice crĂ©e une unitĂ© dans le dĂ©sordre
urbain.
x À l’origine, il s’agissait pour les architectes
de dĂ©velopper le thĂšme lancĂ© par l’école
d’architecture de Livio Vacchini, toute
proche, cela afin d’asseoir les bases d’un
quartier cohérent.
RĂ©alisation
le bùtiment voisin et la géométrie de la rue
par l’intermĂ©diaire d’un petit pavillon d’en-
trée indépendant.
Le bùtiment est conçu sur le principe du
plan libre, ancrĂ© au sol par deux blocs d’es-
caliers revĂȘtus de pierre, libĂ©rant les façades
des contraintes structurelles, et permettant
de vitrer entiùrement l’assise des deux pre-
miers Ă©tages et de “faire la transparence” sur
les angles. En vue de créer une unité dans le
désordre urbain environnant, les architectes
se sont proposĂ© d’établir un dialogue avec le
projet de Livio Vacchini. L’idĂ©e constructive
de l’école d’architecture est ainsi reprise
pour fonder une cohĂ©rence Ă  l’échelle du
quartier. Les façades sont faites de grands
panneaux de béton blanc préfabriqués qui
L’école d’ingĂ©nieurs rĂ©alisĂ©e par les archi-
tectes Laurent et Emmanuelle Beaudouin,
associés à Lucien Colin, Dominique Henriet
et Paul Morand, est située à proximité de
l’école d’architecture de Livio Vacchini dans
le quartier de la ZAC Stanislas-Meurthe Ă 
Nancy, bordée par un pont qui franchit le
canal de la Marne au Rhin. ComposĂ© d’un
parallélépipÚde simple dont le gabarit est
donnĂ© par le plan d’urbanisme, calĂ© Ă  l’angle
de la rue et du pont, l’édifice s’articule avec
19
Nancy École d’ingĂ©nieurs❍
20 Construction Moderne n° 94
utilisent un béton légÚrement rosé de la
mĂȘme composition que celui de l’école
d’architecture. Les modules horizontaux
sont similaires Ă  ceux de l’école : de mĂȘme
hauteur, 86 cm, mais de longueur différente,
5,92 m, ils correspondent Ă  la trame cons-
tructive. Une modénature légÚrement diffé-
rente et un profil en pointe de diamant per-
mettent de moduler la lumiĂšre de maniĂšre
plus spécifique. Concernant la fabrication et
la mise en Ɠuvre des panneaux, l’entreprise
est la mĂȘme que pour l’école de Livio
Vacchini. Les panneaux sont accrochés aux
refends par l’intermĂ©diaire de corniĂšres bou-
lonnées sur des consoles, et clavetés aux
extrémités : leur étanchéité est assurée au
niveau des joints par une goulotte encastrée
permettant de rejeter l’eau Ă  l’extĂ©rieur.
En cohérence également avec le travail de
l’architecte tessinois, le projet est fondĂ© sur
un systĂšme de proportions issu du Modulor
de Le Corbusier. Dans un mĂȘme souci de
vérité constructive, la façade est formée
d’une double Ă©paisseur de bĂ©ton qui permet
d’obtenir une cohĂ©rence intĂ©rieure et extĂ©-
rieure, et de rendre la structure aussi lisible
que possible.
Un volume insolite pour l’entrĂ©e
En opposition avec la rigueur géométrique
du projet, le pavillon polychrome de l’entrĂ©e
apparaßt comme un objet insolite, qui déve-
loppe un langage formel et constructif trĂšs
différent. Les voiles suspendus et les
volumes flottants en porte-à-faux créent un
univers plastique plus libre, dans le but de
dilater visuellement l’espace intersticiel entre
les deux bùtiments, et de réaliser une conti-
nuité entre la rue et le canal par un jardin
planté. Les parois du bùtiment, construit en
bĂ©ton coulĂ© en place, sont isolĂ©es par l’extĂ©-
rieur Ă  l’aide d’un Ă©lĂ©ment en polystyrĂšne
recouvert d’une rĂ©sine de fibre de verre et
d’un enduit colorĂ©.
La pureté du volume principal, considérée
comme “trĂšs difficile” selon les quatre schĂ©-
mas de composition de Le Corbusier, cor-
respond en mĂȘme temps Ă  une recherche
personnelle développée par les architectes
et illustrée dans leurs derniers projets : la
médiathÚque de Poitiers ou bien la biblio-
thĂšque universitaire de Belfort, en construc-
tion actuellement. Cette rigueur géomé-
trique est naturellement compensée par un
travail trĂšs riche sur l’espace intĂ©rieur, avec
v Dans le pavillon de l’entrĂ©e, les voiles
suspendus et les volumes flottants en porte-
Ă -faux crĂ©ent un univers plastique oĂč
l’espace se dilate.
v Les panneaux préfabriqués utilisent un
béton légÚrement rosé qui rappelle celui de
l’école d’architecture voisine.
x L’école d’ingĂ©nieurs de Nancy s’inscrit
dans le droit fil des principes esthétiques
de la médiathÚque de Poitiers : pureté
et rigueur géométrique se lisent déjà dans
cette création récente des architectes.
des imbrications d’étages permettant de
dilater les piÚces, malgré un programme trÚs
serré dans le gabarit imposé. Le rez-de-
chaussĂ©e est un espace d’accueil continu
autour des deux amphithéùtres, avec une
cafétéria donnant sur le jardin cÎté canal et
un espace de rencontre double hauteur cÎté
rue. Les deux amphithĂ©Ăątres peuvent ĂȘtre
réunis en supprimant la cloison centrale ;
leur niveau le plus bas vient s’encastrer dans
la hauteur du parc de stationnement souter-
rain. Les deux premiers Ă©tages contiennent
les salles de cours desservies par une circula-
tion centrale. Les deux derniers accueillent
les bureaux des chercheurs, de l’administra-
tion, et le centre de documentation. Ils se
rĂ©partissent autour d’un vide central Ă©clairĂ©
zénithalement, occupé par un escalier trapé-
zoïdal monumental à la façon de l’escalier
de la villa Malaparte d’Adalberto Libera, qui
aboutit sur une terrasse extérieure orientée à
l’ouest sur le canal. L’espace de la biblio-
thÚque, également orientée vers le canal, se
développe verticalement le long de la façade
par un espace en triple hauteur : ses réserves
sont glissĂ©es sous l’escalier du hall central.
Le toit-terrasse, accessible depuis le dernier
niveau, poursuit le thĂšme de la promenade
architecturale vers le ciel.
La modulation de la lumiÚre est une préoc-
cupation chĂšre aux architectes. Chaque
espace intérieur est systématiquement éclairé
de maniĂšre naturelle, parfois indirectement,
comme les espaces de distribution des salles
de cours Ă  travers les cloisons de briques de
verre, ou bien zénithalement, par des canons
Ă  lumiĂšre pour les deux derniers niveaux.
OrientĂ©s Ă  l’est ou Ă  l’ouest, ces puits de jour
21
v Le rez-de-chaussée est un espace
d’accueil continu organisĂ© autour des deux
amphithéùtres.
v Le travail en coupe agrandit l’espace
des piĂšces et enrichit le jeu de la lumiĂšre
naturelle.
suspendus, colorés de rouge et de jaune,
renforcent les effets du soleil de Nancy et
donnent une dimension abstraite Ă  la
lumiĂšre intĂ©rieure. L’éclairage de la biblio-
thĂšque Ă  l’ouest est Ă©galement modulĂ© par
un systÚme de brise-soleil en verre sérigra-
phié, dont les lames sont orientées différem-
ment sur trois registres, pour alternative-
ment protéger du soleil ou bien faire
pĂ©nĂ©trer la lumiĂšre jusqu’au fond de la salle.
Un systÚme légÚrement différent sur la
façade sud permet de faire pivoter électri-
quement les lames selon les besoins. Dans
cette architecture, chaque élément est
empreint d’une rigueur de pensĂ©e qui pro-
longe la clarté des choix constructifs, pour-
suivant ainsi une expĂ©rience qui s’enrichit
d’un projet à l’autre.
NATHALIE RÉGNIER s
q Ici, chaque élément
est le reflet d’une grande
rigueur de pensée
de solutions mixtes. En effet,
pour la médiathÚque de Poi-
tiers, comme pour le musée des
Beaux-Arts que nous construi-
sons actuellement Ă  Nancy,
certaines parties sont coulées
en place, et d’autres, comme
certaines poutres, pour des
raisons de simplification tech-
nique, sont préfabriquées sur
le site. Une fois mises en place,
il est trĂšs difficile de faire la dif-
férence. De ce point de vue,
cela ne change rien à l’architec-
ture. La continuité de la struc-
ture et de la matiÚre est préser-
vĂ©e. Par contre, l’utilisation de
panneaux de béton préfabri-
qués impose une conception
architecturale immédiatement
liée à la matiÚre ; le projet se
compose mentalement avec une
certaine logique structurelle, et
une rigueur des trames construc-
tives. L’emploi de panneaux
en façade entraßne une organi-
sation des espaces intérieurs et
une position des ouvertures
liées à la dimension du panneau.
En mĂȘme temps, la proportion
horizontale des panneaux per-
met de troubler la compréhen-
sion des niveaux depuis l’extĂ©-
rieur, et de rendre unitaire, par
leur Ă©chelle, un bĂątiment dont la
coupe est trĂšs complexe.
C. M. : Ce bĂątiment semble ĂȘtre
une démonstration technique et
plastique de ce que l’on peut
faire avec différents matériaux :
le béton, le verre, la pierre, etc.
Attribuez-vous un rÎle spéci-
fique à chaque matériau ?
L. B. : Je n’aime pas l’idĂ©e
qu’un Ă©difice fasse Ă©talage de
ses matĂ©riaux, comme s’il
s’agissait d’un salon du bñti-
ment. Nous essayons toujours
d’utiliser les matĂ©riaux dans une
certaine continuité. Deux maté-
riaux pour une façade, c’est
dĂ©jĂ  beaucoup. Pour l’École du
génie des systÚmes industriels,
la grande force géométrique du
volume prismatique est soulignée
par l’utilisation des panneaux de
bĂ©ton blanc. Le verre n’est pas
traité comme une matiÚre en
soi. Seule alternative au béton,
la pierre bleue du Hainault fait
socle dans le prolongement du
sol, pour ancrer par un matériau
plus “rural” le bñtiment à la terre.
Entretien avec
Laurent Beaudouin,
architecte de l’école d’ingĂ©nieurs de Nancy
22 Construction Moderne n° 94
Nancy École d’ingĂ©nieurs❍
déjà construits. Nous avons
choisi de faire du travail de Livio
Vacchini pour l’école d’architec-
ture un thÚme qui serait déve-
loppĂ© dans d’autres construc-
tions. Malheureusement, tous
les Ă©difices de la ZAC n’ont pas
respecté cette idée, qui risque
finalement de passer inaperçue.
C. M. : Compose-t-on différem-
ment selon que l’on utilise du
béton préfabriqué ou du béton
coulé en place ?
L. B. : L’impact du choix
constructif est trĂšs visible dans
ce projet : le volume prismatique
est en béton blanc préfabriqué,
le pavillon d’entrĂ©e aux volumes
plus libres est en béton coulé
en place. En réalité, la réponse
n’est pas si simple : lorsque l’on
construit avec du béton coulé
en place, il s’agit trùs souvent
Construction Moderne :
À quel moment, et comment
le choix d’un matĂ©riau de
construction intervient-il dans
la conception d’un Ă©difice ?
Laurent Beaudouin : Le choix
du matériau précÚde presque
le projet. C’est un peu comme,
pour un cinéaste, faire un film
en ayant en tĂȘte l’acteur qui va
le jouer. L’aspect du matĂ©riau,
c’est ce qui va donner au bñti-
ment son caractĂšre, comme
Ă  un ĂȘtre humain. C’est donc un
choix fait au départ. Par exemple,
pour l’École du gĂ©nie des sys-
tùmes industriels, l’emploi de
panneaux de béton préfabriqué
Ă©tait dĂ©cidĂ© dĂšs l’origine du pro-
jet : étant donné la complexité
gĂ©omĂ©trique du plan d’urba-
nisme, il nous a semblé néces-
saire de développer un minimum
de cohérence avec les bùtiments
23
À l’intĂ©rieur, le bois d’OkoumĂ©
apporte une douceur qui com-
pense la sévérité du dehors.
Les menuiseries sont en acier,
protĂ©gĂ©es Ă  l’extĂ©rieur par des
capots en aluminium pour affir-
mer la finesse des profils.
C. M. : En quoi ces matériaux
contribuent-ils à révéler
les lumiĂšres architecturales ?
La lumiÚre est-elle un matériau
d’architecture au mĂȘme titre
que les autres matériaux ?
L. B. : Nous avons voulu
expérimenter, dans cette école,
ce que pouvait produire un
matériau dont la surface, par
des géométries particuliÚres,
jouerait avec la lumiĂšre, Ă 
la maniùre de l’architecture
ancienne, comme cette Ă©glise Ă 
Naples avec ses pierres taillées
en pointe de diamant. La
lumiĂšre de Nancy, brumeuse,
plutĂŽt blanche, adoucit le jeu de
facettes des panneaux de béton,
en atténuant les ombres.
La lumiÚre en tant que matériau
d’architecture est un thùme que
nous développons à travers
nos projets, mais ce n’est pas
un thĂšme qui se rapporte aux
façades ; la lumiÚre est un
matĂ©riau de l’espace intĂ©rieur,
auquel nous donnons des rĂŽles
différents selon les usages. Les
brise-soleil de la façade ouest
sont utilisés pour obtenir une
lumiĂšre diffuse, confortable,
dans la bibliothùque. À l’inverse,
les puits de jour de l’espace
central de distribution trans-
forment la lumiÚre en une géo-
mĂ©trie forte et colorĂ©e. C’est
une maniùre d’humaniser la
nature, par l’abstraction. Para-
doxalement, l’abstraction est un
phĂ©nomĂšne humain : c’est la
capacitĂ© de l’esprit Ă  organiser
les choses, pour rendre la
nature compréhensible. Cette
transformation de la lumiĂšre
naturelle en une géométrie
abstraite Ă  l’intĂ©rieur module
la lumiĂšre du soleil comme celle
d’un projecteur de cinĂ©ma.
Le jaune du soleil de midi et
le rouge du soleil couchant
s’affrontent ou se combinent,
selon l’endroit oĂč l’on se trouve,
pour Ă©galer parfois la lumiĂšre
extérieure.
C. M. : Pour quelle raison
certains éléments architec-
toniques sont-ils récurrents
dans vos projets ?
L. B. : Effectivement, certains
thÚmes de recherche sont déve-
loppĂ©s d’un projet Ă  l’autre,
donnant l’impression que
nous faisons toujours le mĂȘme
bĂątiment : la modulation de
la lumiùre, l’expression de la
structure ou le parcours archi-
tectural sont des thĂšmes
permanents dans notre travail.
Nous utilisons souvent les brise-
soleil, par exemple. C’est une
invention architecturale et plas-
tique de Le Corbusier, qui
a été reprise et transformée par
d’autres architectes. Curieu-
sement, cette invention est telle-
ment marquée par le sceau de
Le Corbusier que personne
aujourd’hui n’ose l’utiliser.
Pourtant, le brise-soleil est un
Ă©lĂ©ment trĂšs fort d’un point de
vue plastique, et en mĂȘme
temps un objet utile pour l’archi-
tecture : il permet d’amener la
lumiĂšre dans un bĂątiment sans
amener la chaleur. Nous l’avons
d’abord utilisĂ© assez “littĂ©ra-
lement”, en modifiant simple-
ment la matiĂšre : Ă  Nancy, le
verre sérigraphié filtrant a permis
de transformer l’idĂ©e du brise-
soleil, d’en faire un Ă©lĂ©ment utili-
sable dans la lumiĂšre particu-
liÚre de nos régions.
En mĂȘme temps, le brise-soleil
a la capacitĂ© d’assurer l’unitĂ©
de la façade en la traitant
comme une surface, comme un
“nid d’abeilles”, et non comme
un empilement. L’apport des
artistes des années soixante et
de l’Op-Art à ce sujet, avec leur
travail sur la répétition, sur la
géométrie optique, est détermi-
nant. La dimension plastique
du brise-soleil permet de s’af-
franchir des niveaux, de gérer
la dimension d’un Ă©difice sans
nuire Ă  son Ă©chelle. C’est une
invention pour laquelle il reste
encore Ă  inventer.
Propos recueillis par
Nathalie RĂ©gnier
MAÎTRE D’OUVRAGE : DISTRICT URBAIN
DE NANCY
MAÎTRE D’OUVRAGE DÉLÉGUÉ : SOLOREM
MAÎTRE D’ƒUVRE : L. ET E. BEAUDOUIN,
ARCHITECTES MANDATAIRES, L. COLIN,
D. HENRIET, P. MAURAND, ARCHITECTES
ASSOCIÉS
ENTREPRISE GROS ƒUVRE : PERTHUY
Vallée du RhÎne TGV Méditerranée
Innovations et
environnement
DESTINÉ À RELIER PARIS À MARSEILLE EN 3 HEURES DÈS LA FIN DE L’AN 2000, LE TGV MÉDITERRANÉE
POSE AUSSI LES PREMIERS JALONS D’UNE LIAISON FERROVIAIRE RAPIDE VERS L’ESPAGNE, VIA NÎMES ET
MONTPELLIER, ET VERS L’ITALIE. SES OUVRAGES D’ART, CÉLÈBRES AVANT MÊME LEUR MISE EN SERVICE
POUR LEUR INSCRIPTION DANS LES PAYSAGES DE LA VALLÉE DU RHÔNE, DE LA PROVENCE ET DU
LANGUEDOC, TOTALISENT PRÈS DU QUART DES 250 KM DE LIGNE. COUP D’ƒIL SUR LES PLUS DIGNES
ET PRESTIGIEUX REPRÉSENTANTS DE CETTE FUSION ENTRE
ARCHITECTURE ET GÉNIE CIVIL, OUVRAGES D’EXCEPTION POUR
SITES À METTRE EN VALEUR.
LE TGV MÉDITERRANÉE EN CHIFFRES
‱ 250 km de ligne.
‱ 3 000 km de variantes.
‱ 300 mesures pour la protection
de l’environnement.
‱ 2 millions de plans cotĂ©s au
millimĂštre.
‱ 5 000 procĂ©dures de travaux.
‱ 3 ans et demi de travaux.
‱ 508 ouvrages courants, dont
13 grands viaducs.
‱ 7 viaducs exceptionnels.
‱ 28 et 38 millions de mùtres
cubes de déblais et remblais.
‱ 1,5 million de mùtres cubes
de béton.
‱ 600 000 tonnes de ciment.
‱ 24,2 milliards de francs,
financés à 90 % par la SNCF
et à 10 % par l’État.
‱ 57 000 emplois sur 5 ans pour
100 millions d’heures de travail.
Solutions béton
24 Construction Moderne n° 94
“Nous avons rĂ©volutionnĂ© nos processus
d’étude en intĂ©grant les contraintes environ-
nementales dùs le stade de l’avant-projet
sommaire, explique Gilles Cartier, directeur
du TGV Méditerranée à la SNCF. Ont été
rassemblĂ©s autour d’une mĂȘme table des
géologues, des ingénieurs en génie civil, des
Il aura fallu une dizaine d’annĂ©es de ges-
tation pour que le projet du TGV MĂ©diterra-
née prenne corps. Dix années consacrées à
l’étude du tracĂ© et de ses 3 000 km de
variantes, Ă  l’examen des contraintes gĂ©o-
techniques et hydrauliques, à l’analyse des
enjeux Ă©conomiques et sociaux.
paysagistes, des spĂ©cialistes de l’écologie...
Auparavant, cette composante Ă©tait rappor-
tée à des études déjà bien avancées. Jamais
la SNCF n’était allĂ©e aussi loin.”
Cette volontĂ© trĂšs forte d’insĂ©rer la ligne au
sein d’une rĂ©gion renommĂ©e pour sa beautĂ©
n’est sans doute pas Ă©trangĂšre Ă  la forte
mobilisation des résidants opposés au pro-
jet. “C’est paradoxal, mais nous avons peut-
ĂȘtre pĂ©chĂ© par excĂšs de transparence lors
des opérations de consultation publique,
explique le responsable de la communica-
tion Michel Pronost. En proposant 3 000 km
de variantes, nous avons aussi créé 3 000 km
d’inquiĂ©tude...” L’étude paysagĂšre a d’ailleurs
passĂ© au crible toutes les communes, l’une
aprùs l’autre, sur une largeur de 150 m de
part et d’autre de la ligne !
pleinement à cette réflexion paysagiste...
L’architecture, mais aussi l’environnement,
intÚgrent profondément les spécificités cli-
matiques, la protection contre le soleil et le
vent étant parachevée par des alignements
de platanes et autres espĂšces tels que le pin
ou le cyprùs (gares d’Arbois, d’Avignon et de
Valence).
La mission de la SNCF comprend une
dimension d’amĂ©nagement du territoire Ă 
part entiĂšre, en anticipant par exemple les
modifications du réseau routier, ou en orga-
nisant la recomposition du tissu parcellaire.
Il en est de mĂȘme en matiĂšre d’environne-
ment. Citons l’exemple des nombreuses
anciennes carriÚres situées aux environs de
la ligne, qui seront comblées avec les déblais
des chantiers, puis revégétalisées. La SNCF
finance par ailleurs la plantation d’un mil-
lion d’arbres sur 3 ans pour les abords du
tracĂ©, et a chargĂ© l’Office national des forĂȘts
d’une mission globale visant à limiter l’im-
pact du TGV sur la nature, et notamment Ă 
minimiser les risques d’incendie.
En matiÚre de préservation de la faune,
enfin, la SNCF a prévu de nombreux pas-
25
Montélimar
VERS LYON
Pierrelatte
Orange
Avignon
Aix-en-
Provence
NĂźmes
Marseille
Valence
Arles
1
2
4 bis
6
8
7
9
10
13
14
12
25
22
20
16
17
19
11
15
5
7 bis
12bis
3
4
11
18
21
23
Mer Méditerranée
RhĂŽne
3 ‱ Viaduc de la Grenette (947 m)
4 ‱ Tunnel de Tartaiguille (2 430 m)
11 ‱ Viaducs sur le Rhîne (2 x 1 500 m)
18 ‱ Viaduc de Vernùgues (1 210 m)
21 ‱ Viaduc de Ventabren (1 730 m)
23 ‱ Ouvrages souterrains d’arrivĂ©e sur
Marseille (7 834 m)
Un travail considérable
sur les paysages
Confié par la SNCF à Didier Courtemanche,
paysagiste renommé, le schéma directeur
paysager du tracé a été établi en prenant en
compte l’histoire des lieux, la population, la
composition des sites (présence de gar-
rigues, de coteaux ou de plaines) et les tech-
niques agricoles locales (cultures en terrasses,
protection des cultures maraĂźchĂšres du mis-
tral par des haies...). Cette étude générale a
débouché sur la sélection de 10 paysagistes
locaux, choisis en particulier pour leur capa-
cité à nouer le dialogue avec les riverains et
les Ă©lus. L’intervention de SĂ©bastien Giorgis
Ă  Tavel, oĂč la ligne sort d’un massif en tra-
versant d’anciennes cultures en terrasses,
prĂ©voit par exemple de modeler Ă  l’iden-
tique le remblai supportant les voies, mĂȘlant
ainsi végétation locale et pierres sÚches.
L’implantation et la conception des gares du
TGV Méditerranée sont le fruit de réflexions
visant Ă  faciliter les interconnexions entre les
dessertes routiĂšres et les lignes Ă  grande
vitesse et les lignes régionales. Elles participent
v La SNCF a réalisé de nombreuses consultations avec les riverains pour intégrer ce vaste
chantier dans l’environnement.
26 Construction Moderne n° 94
abaisser de moitié le niveau acoustique au
niveau des zones habitées (réduction de 65 à
62 dB[A])”, souligne Michel Roujon, respon-
sable du service GĂ©nie civil. D’oĂč ces Ă©crans
sur les ouvrages, ces murs et ces merlons
paysagers en section courante. Les riverains
sont mĂȘme assurĂ©s que les nuisances sono-
res diminueront, avec la mise en circulation
future de trains plus silencieux (60 dB[A] Ă 
terme). “La loi sur le bruit, au mĂȘme titre
que la loi sur l’eau, a dĂ» ĂȘtre intĂ©grĂ©e au cours
du projet, celui-ci ayant débuté avant leur
entrĂ©e en vigueur”, ajoute Michel Roujon.
En obligeant Ă  limiter Ă  seulement 5 cm
l’élĂ©vation des eaux dans le lit des cours
d’eau mais aussi toute zone inondable, l’ap-
plication de la loi sur l’eau a entraĂźnĂ© une
forte augmentation du nombre d’ouvrages à
VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e❏
Long de 947 m et constitué de travées de
41 Ă  53 m, ce premier grand ouvrage du nord
de la ligne franchit un profond talweg, qui
porte la hauteur maximale des piles Ă  60 m.
Les piles, d’une grande densitĂ© de ferrail-
lage pour résister au flambement (135 kg/m3
),
sont constituĂ©es d’une partie trapĂ©zoĂŻdale
en béton teinté en ocre dans la masse et
sablĂ©, surmontĂ©e d’une partie oblongue en
béton gris. Le tablier en béton précontraint
est poussé au fur et à mesure que sont
fabriquĂ©s les caissons. “Les conditions gĂ©o-
logiques se sont avérées trÚs pénalisantes,
entraĂźnant un retard de 4 mois et demi sur le
Viaduc de la Grenette :
grande hauteur et fondations hors normes
planning, explique Didier Thierry, chef de
district Ă  la SNCF. Failles et zones man-
quant de portance ont conduit Ă  surdimen-
sionner les appuis.” TĂ©moin la pile 16, pour
laquelle étaient envisagées des fondations
superficielles de 2,50 m de haut et qui a
nécessité la réalisation de 12 pieux de
32 m de profondeur et de 2 m de diamĂštre !
Architecte : Jean-François Blassel / Concepteur :
Michel Virlogeux / Entreprises : Quillery et
Cie – Roziùre TP – SERF – Armature SA –
Presspali France – Spie Batignolles TP
Calcaire
Stampien supérieur
Argiles marneuses
Stampien inférieur
Grùs de l’Albien Marnes de l’Aptien
Viaduc de la Grenette Tunnel de Tartaiguille
Talweg du Lombard
sages souterrains pour petits et grands
animaux, l’amĂ©nagement de talus, de haies
et de zones de gagnage (champs de blé, de
luzerne) pour entretenir la vie animale. Mais
le fait le plus marquant dans ce domaine
reste l’interruption des travaux pendant la
pĂ©riode de nidification de l’aigle de Bonelli,
une espÚce menacée et protégée !
Nouvelle donne réglementaire
L’évolution de la rĂ©glementation, telle la loi
sur le bruit, a rendu la tĂąche de la SNCF trĂšs
complexe. “Une Ă©tude de la totalitĂ© du par-
cours, menĂ©e Ă  l’aide d’un logiciel de simula-
tion acoustique adapté aux applications fer-
roviaires, nous a amenés à prévoir 80 km de
protection phonique supplémentaires pour
des endroits oĂč un simple remblai aurait
suffi, en particulier sur les grands franchisse-
ments (vallées du RhÎne, de la Durance
).
“L’écartement des piles des viaducs a Ă©gale-
ment Ă©tĂ© augmentĂ©â€, prĂ©cise le responsable.
Consultation d’architectes
La conception de 7 viaducs, classés ouvrages
exceptionnels – il s’en construit au plus une
dizaine chaque annĂ©e en France –, a Ă©troite-
ment associé architectes, paysagistes et ingé-
nieurs. Suite Ă  un appel Ă  candidature
auquel ont rĂ©pondu 75 cabinets d’archi-
tectes, une commission associant la direc-
tion de l’Architecture et de l’Urbanisme, les
directions rĂ©gionales de l’Environnement,
les architectes des BĂątiments de France et les
maires des communes traversées, a réalisé
une sĂ©lection des projets. Un atelier d’archi-
tecture regroupant les cabinets Amédéo,
Duval, Urb’ain (Giger) et Lavigne a permis
de dĂ©finir les principes d’une vĂ©ritable
“image de ligne” depuis Valence jusqu’à
Marseille et Montpellier, tout en adaptant
chaque ouvrage au site traversé.
En optant pour un systĂšme de consultation
plutît que de concours, la SNCF a pu s’as-
socier Ă  un ou plusieurs architectes dĂšs la
phase de l’avant-projet sommaire. “Quand la
technique permettait de mettre en compéti-
tion ouvrages en béton et ouvrages mixtes,
nous l’avons fait, reprend Michel Roujon.
En gĂ©nĂ©ral, le bĂ©ton s’est rĂ©vĂ©lĂ© technique-
ment et économiquement plus adapté à la
rĂ©alisation d’ouvrages de grande taille.”
L’articulation des compĂ©tences a donnĂ©
priorité aux architectes. Aux ingénieurs,
ensuite, de rendre ces solutions construc-
tibles. Une mission d’autant plus difficile
27
Tunnel de Tartaiguille :
un terrain hétérogÚne
Situé dans le prolongement du viaduc de
la Grenette, ce tunnel d’une longueur de
2 430 m passe sous le col de Tartaiguille.
La pĂ©nĂ©tration dans une couche d’argile
a nécessité de modifier radicalement la
mĂ©thode d’excavation, aprĂšs avoir pro-
gressĂ© par demi-sections sur 1 500 m. “La
forte pression du terrain entraĂźnait des
convergences de 40 cm qui n’étaient
pas acceptables, explique Jean-Marc
Estre, chef de section Ă  la SNCF. Nous
excavons dorénavant par sections com-
plÚtes, selon la méthode de Lunardi. Cette
technique nouvelle, donc extrĂȘmement
difficile Ă  maĂźtriser, consiste Ă  consolider
le front de taille avant terrassement Ă  la
pelle hydraulique par des boulons en
fibres de verre de 24 m de long. La pose
des cintres de soutÚnement de la voûte,
l’application du bĂ©ton projetĂ© armĂ© de
fibres métalliques et destiné à stabiliser
provisoirement le terrain, sont inchan-
gées. Viennent ensuite la construction du
radier et de la voĂ»te en bĂ©ton armĂ©.”
Le tunnel, attaqué par ses deux extrémi-
tés, présente une section intérieure de
100 m2
(soit 180 m2
excavés) pour per-
mettre le croisement sans risque de
deux TGV lancés à 300 km/h. La coque
en bĂ©ton de 50 Ă  80 cm d’épaisseur,
protĂ©gĂ©e par une membrane d’étan-
chĂ©itĂ©, est Ă©difiĂ©e Ă  l’aide d’un coffrage
glissant et ne doit présenter aucun
dĂ©faut d’aspect... mĂȘme si personne ne
pourra jamais les remarquer !
Entreprises : Quillery – Demathieu & Bard
que les données topographiques, en impo-
sant des portées et des hauteurs de piles
plus importantes que sur les TGV précé-
dents, ont demandé de recourir à des solu-
tions technologiques trĂšs pointues, encore
jamais appliquées sur des ponts ferroviaires.
Un cahier des charges
trĂšs contraignant
Résister aux efforts engendrés par deux TGV
qui se croisent, l’un en pleine accĂ©lĂ©ration,
l’autre en plein freinage, par un vent de
200 km/h et le tout pendant un tremble-
ment de terre, voilà, briÚvement résumées,
les contraintes que doivent supporter les
viaducs du TGV Méditerranée. Solution :
une grande inertie des structures, un ancrage
des piles sur des massifs de fondation impo-
sants, une solidarisation du tablier aux
appuis pour Ă©viter qu’il ne se soulĂšve, la rĂ©a-
lisation de butées dans le sens transversal ou
encore la pose d’amortisseurs au niveau des
culées, disposition qui vise à obtenir une
sécurité supplémentaire vis-à-vis de la fissu-
ration des appuis.
v Les viaducs du TGV Méditerranée doivent
résister à des contraintes mécaniques
statiques et dynamiques exceptionnelles.
28 Construction Moderne n° 94
VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e❏
Destiné au franchissement de la vallée
de Cazan, dans les Bouches-du-RhĂŽne,
ce viaduc de 1 210 m doit son originalité
Ă  un tablier de type multicaisson en
béton précontraint de section semi-cylin-
drique, dont la hauteur décroßt de 5,25 m
à 1,50 m au fur et à mesure que l’on se
rapproche des extrémités, la courbure
basse étant progressivement tronquée.
Construit par encorbellement au centre
et par poussage aux extrémités, moyen-
nant des systĂšmes de retenue par cĂąbles
du fait de la déclivité du tracé, ce tablier
repose sur des piles simple ou double fût
de forme variable, qui s’espacent lors-
que la hauteur augmente. Ainsi, la portée
va de 80 m au centre Ă  15 m en rive.
L’ensemble de ces dispositions rĂ©sulte
d’un compromis entre la volontĂ© de
finesse de l’architecte et les contraintes
de rĂ©sistance et de dĂ©formabilitĂ©. “Le
chantier s’est donc rĂ©vĂ©lĂ© trĂšs technique
du fait de l’ajustement permanent des
coffrages spéciaux, variables en tous
Viaduc de VernĂšgues :
le plus complexe
Coupe transversale
sur tablier poussé
Coupe transversale sur tablier
en encorbellement
sens, chaque partie d’ouvrage Ă©tant
unique”, assure HervĂ© Derambure, chef
de district Ă  la SNCF. Avec comme
autres contraintes l’obtention d’un pare-
ment exempt de toute imperfection sur
les voussoirs, et la nécessité de décoffrer
rapidement pour suivre le rythme du
chantier (23 mois de travaux). “La sec-
tion courbe et la finesse des parois ont
demandĂ© la combinaison d’une vibration
externe, appliquée sur les parois des cof-
frages, et d’une vibration interne à l’aide
d’une aiguille, conclut le responsable. La
finition sera parachevée par un léger
sablage de la totalitĂ© de l’édifice.”
Architecte : Alain Amédéo / Entreprises :
Dodin Sud – Sogea SA – Sogea Sud-Est
Soulignons aussi que la SNCF est le premier
maütre d’ouvrage à mettre en application les
derniers textes réglementaires définissant les
accélérations nominales à prendre en
compte en cas de séisme, qui interviennent
dans le dimensionnement des piles.
Un autre élément dont il faut faire état est la
prise en compte des exigences liées à la spé-
cificitĂ© ferroviaire. “Nos ponts-rail supportent
3 fois plus de charges et 10 fois plus d’ef-
forts de freinage qu’un ouvrage routier, ainsi
qu’une vitesse maximale de 350 km/h dans
le cas du TGV, explique Christian Bousquet,
chef de la division des grands ouvrages en
béton. La maßtrise des problÚmes vibratoires
et de déformation des tabliers impose des
structures porteuses d’une trùs grande rigi-
ditĂ©.” Les exigences de sĂ©curitĂ© demandent
par exemple d’assurer en toutes circons-
tances le maintien du contact roue-rail et
l’absence de dĂ©consolidation du ballast
malgré les amplifications dynamiques.
Des solutions constructives
exceptionnelles
Pour répondre à ces contraintes nombreuses
et exceptionnelles, la SNCF a dĂ» trouver le
juste Ă©quilibre entre le recours Ă  des solu-
tions expérimentales, limitées pour les ouvra-
ges en béton à un petit nombre de réalisa-
tions en béton hautes performances B60 et
B80 entre Orange et MontĂ©limar, qui s’inscri-
vent dans le cadre du projet BHP 2000, et le
respect d’impĂ©ratifs de durabilitĂ© et de sĂ©cu-
rité trÚs sévÚres.
Le caractÚre innovant réside davantage dans
l’adaptation à des ouvrages de trùs grande
taille de techniques pointues déjà validées
en France ou Ă  l’étranger : prĂ©contrainte
extérieure, préfabrication, rotation de
fléaux, séparation de tabliers par joint canti-
lever, utilisation de béton blanc, excavation
de tunnel en pleine section...
Un béton clair, proche du calcaire des mas-
sifs rocheux de la région, a été utilisé pour
le plus grand viaduc de la ligne nouvelle
(1 730 m). ÉdifiĂ© sur deux culĂ©es et 36 piles
creuses de section hexagonale s’évasant en
partie haute, le tablier se décompose en
deux sections poussées nord et sud de
1 172 m et 358 m à base de travées de 30 à
45 m, la portion intermédiaire étant réalisée
par encorbellement afin d’obtenir la portĂ©e
de 100 m nécessaire au franchissement de
l’autoroute A8.
Viaduc de Ventabren :
une spectaculaire rotation de fléaux
On retiendra le chiffre de 33 000 tonnes,
correspondant au poids du tablier nord qui
a été poussé, mais surtout la technique de
construction des flĂ©aux enjambant l’A8 Ă 
40 m de hauteur : “Pour des raisons de
sĂ©curitĂ©, il n’était pas possible de travailler
au-dessus des voies, explique Adrien Coul-
let, chef de district Ă  la SNCF. Les deux
fléaux ont donc été construits parallÚlement
Ă  l’autoroute, pour ĂȘtre ensuite pivotĂ©s de
28°, puis basculés de 1,7 et 2 % afin de les
ramener Ă  leur position dĂ©finitive.” Un sou-
venir inoubliable pour les intervenants, mais
aussi pour la foule de spectateurs venue
assister Ă  une premiĂšre mondiale, ce prin-
cipe n’ayant encore jamais Ă©tĂ© appliquĂ© Ă 
des flĂ©aux d’un tel poids (3 600 tonnes).
RĂ©alisĂ©es de nuit pour minimiser la gĂȘne
occasionnĂ©e par l’interruption du trafic, les
rotations ont été menées en quelques
heures grĂące Ă  l’association d’un axe mĂ©tal-
lique de 20 cm de diamĂštre et de 4 appuis
Inox-TĂ©flon (faible coefficient de frottement)
reprenant les charges, dont l’un Ă©tait Ă©quipĂ©
d’un vĂ©rin Ă  des fins d’équilibrage. Les
efforts, recueillis par des capteurs de pres-
sion, étaient analysés en permanence par
un micro-ordinateur. “Le flĂ©au a Ă©tĂ© mis en
mouvement par traction sur un cùble fixé à
une extrĂ©mitĂ©, conclut l’ingĂ©nieur. L’intelli-
gence des entreprises a été de privilégier
une méthode simple dans son principe, et
donc plus facile à maütriser.”
Architecte : Charles Lavigne / Entreprises :
Campenon Bernard SGE – Campenon Ber-
nard Sud – Spie Batignolles TP – Spie Citra
Sud-Est
Construction des flĂ©aux parallĂšlement Ă  l’autoroute
Rotation du premier fléau (circulation aménagée)
Rotation du second fléau (circulation aménagée)
Route
départementale
Autoroute
Coupe transversale type pont poussé
(travée de 67 m)
Coupe transversale type pont
à hauteur variable (travée de 100 m)
3,75 m
8,50 m
4,55 m
(Sur pile) (En travée)
29
30 Construction Moderne n° 94
Le plus long tunnel français est en fait une
succession de 4 ouvrages, dont 2 tranchées
couvertes, qui totalisent 7 834 m. Pour res-
pecter le planning de 33 mois, les entre-
prises ont mis en place 6 fronts d’attaque
simultanĂ©s Ă  partir de 3 puits d’accĂšs (pas
d’attaque Ă  l’air libre). La mĂ©thode d’exca-
vation est classique (progression par demi-
sections, soutÚnement par cintres et béton
projeté, renfort du front de taille par boulon-
nage). “La technique de la voĂ»te parapluie,
qui consiste à injecter du béton sur 12 à 15 m
VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e❏
Utilisée depuis 10 ans sur des ponts-routes,
la technique de la précontrainte extérieure,
oĂč les cĂąbles restent dissociĂ©s de l’ñme des
caissons afin d’en faciliter la maintenance, a
ainsi été employée pour la premiÚre fois par
la SNCF. “Les voussoirs restent tradition-
nellement assemblés par précontrainte inté-
rieure lors du poussage du tablier, détaille
Christian Bousquet. La précontrainte exté-
rieure de continuité reprend quant à elle les
efforts engendrés par les superstructures
(ballast, Ă©quipements, etc.) et par le passage
des trains.”
Si cette technique a été généralisée à tous les
viaducs, elle n’a en revanche Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă 
des voussoirs préfabriqués que sur le double
viaduc d’Avignon, ouvrage en bĂ©ton blanc
sans précédent, siÚge de nombreuses inno-
vations. “Ce viaduc cumule les particulari-
tés, souligne Marc Jerram, le spécialiste du
bĂ©ton et de l’étanchĂ©itĂ© Ă  la SNCF. Certaines
piles ont été réalisées avec un béton com-
posé pour tenir compte du risque de corro-
sion. Elles ont dĂ» ĂȘtre prĂ©contraintes pour
obtenir la résistance désirée, une disposition
trĂšs rarement utilisĂ©e sur des piles.”
Traversée souterraine entre CabriÚs et Marseille :
grande longueur et attaque par puits
de profondeur au-dessus du noyau Ă  exca-
ver, a permis d’avancer dans les terrains les
plus instables, explique Dominique Settini,
chef de section Ă  la SNCF. Certaines parties
ont Ă©tĂ© faites en pleine section Ă  l’explosif,
avec l’aide d’un robot de forage offrant un
rendement de 150 trous à l’heure.”
La longueur de l’ouvrage a obligĂ© les entre-
prises à pomper les bétons depuis la sur-
face jusqu’au front de taille sur des dis-
tances considĂ©rables (jusqu’à 2 km). La
difficulté ? La mise au point de formulations
trÚs élaborées devant à la fois garantir une
excellente fluidité, nécessaire au pompage,
et offrir la rapidité de prise nécessaire au
soutùnement du terrain et à l’avancement
des travaux.
Entreprises : Spie Batignolles – Borie SAE –
Guintoli – Fougerolle – Fougerolle Ballot –
Campenon Bernard SGE – Campenon Ber-
nard Sud – Razel – Pico – Bachy
Durabilité et qualité
La durée de vie de 100 ans imposée par le
cahier des charges s’est traduite – entre
autres – par l’emploi de granulats non rĂ©ac-
tifs pour la composition des bétons, qui
appartiennent tous à la classe de prévention C
vis-Ă -vis de l’alcali-rĂ©action. Les exigences
de rĂ©sistance et de qualitĂ© d’aspect ont
amené les entreprises à utiliser une large
palette de bétons (B28, B32, B44, B52), for-
mulés à base de ciment blanc ou gris de type
CPA-CEM I, CPJ-CEM II ou CHF-CEM IV
(certains ont été fournis spécialement par les
producteurs), ainsi que des colorants. “Globa-
lement, le TGV Méditerranée fait appel à des
bétons de plus haute résistance que les B35 ou
B40 utilisĂ©s sur les lignes prĂ©cĂ©dentes”, prĂ©cise
Marc Jerram. La SNCF a mis en place sur ce
projet un programme d’assurance qualitĂ©
novateur et complet, allant des Ă©tudes Ă  la
rĂ©alisation en passant par l’organisation du
chantier, et qui a mĂȘme incitĂ© certaines
31
de 5 à 8 m) employés sur les travées de
100 m, qui sont destinées à espacer les
appuis dans le fleuve. “Ces Ă©lĂ©ments de
145 t sont positionnĂ©s Ă  l’aide d’une poutre
treillis de lancement de 233 m, reposant sur
la partie du viaduc existante et la pile sui-
vante le temps nĂ©cessaire Ă  l’assemblage
par prĂ©contrainte”, ajoute le responsable.
Les deux viaducs sont exceptionnels Ă  plu-
sieurs titres : l’échelle (premiers ouvrages de
cette taille en béton blanc préfabriqué avec
prĂ©contrainte extĂ©rieure), la prĂ©sence d’un
joint de tablier à appui glissant situé entre
les piles (articulation cantilever) et l’utilisa-
tion d’un BHP de type B52. Et ce, en main-
tenant constamment une qualité de réalisa-
tion “haut de gamme” qui fait de ces viaducs
de prestige de véritables références.
Deux ouvrages parallÚles en béton de
ciment blanc, distants de 45 m et d’une lon-
gueur de 1500 m, permettront aux lignes
Marseille-Paris et Marseille-NĂźmes de fran-
chir le RhÎne en Avignon. Des délais de réa-
lisation serrés (30 mois au total) ont amené
les entreprises à préfabriquer sur place les
quelque 838 voussoirs, transformant pour
l’occasion l’aire de la Courtine, situĂ©e sur la
rive gauche, en une gigantesque usine Ă  ciel
ouvert (15 ha).
Au total, 120 000 m3
de béton seront sortis
des 4 centrales à béton mobilisées sur le
chantier, dont 38 000 m3
pour la préfabrica-
tion. Les piles, constituées de fûts tronco-
niques creux de 12 Ă  47 m de hauteur, sont
coulĂ©es en place. “Elles sont formulĂ©es avec
un ciment de type CHF-CEM IV pour obtenir
la résistance requise aux agressions du ter-
rain, détaille Gilbert Lucotte, chef de section à
la SNCF. L’adjonction de granulats calcaires a
permis d’obtenir une teinte claire. Le tablier est
rĂ©alisĂ© en bĂ©ton blanc (de type CPA-CEM I).”
Il y a de quoi ĂȘtre impressionnĂ© par les plus
grands voussoirs Ă  inertie variable (hauteur :
Double viaduc d’Avignon :
béton blanc haut de gamme en grande série
Voussoirs d’articulation - Viaduc d’Avignon
entreprises à s’engager sur la voie de la certi-
fication. Ce niveau d’exigence explique celui
des prestations offertes. Malgré des impéra-
tifs de planning (3 ans et demi de travaux au
total) et des contraintes méthodologiques et
budgétaires hors du commun, aucun dépas-
sement financier n’a Ă©tĂ© constatĂ©. Consciente
de l’importance de la fiabilitĂ© du dĂ©lai de
production et de la qualité des études, la
SNCF a mĂȘme choisi pour les terrassements
et les 508 ouvrages courants de fournir trĂšs
en amont les documents d’exĂ©cution aux
entreprises, élaborés par des bureaux
d’études sous contrat direct avec la SNCF, et
d’en assurer elle-mĂȘme le contrĂŽle technique
! “L’addition des contraintes et du nombre
des ouvrages fait du projet du TGV MĂ©diter-
ranée un véritable exploit, conclut Christian
Bousquet. La tùche a été difficile, mais Î
combien passionnante !” JEAN-PHILIPPE BONDY
s
Architecte : Jean-François Blassel / Concepteur :
Michel Virlogeux / Entreprises : Bouygues –
GTM Construction – Bouygues Off Shore –
DTP Terrassement Intrafor
SchĂ©ma de principe d’une pile
Nota : suivant la nature du sol en place, la pile s’appuie soit
sur une fondation superficielle (semelle), soit sur des
fondations profondes ou semi-profondes (semelle et pieux).
Voussoir
(béton armé)
ChevĂȘtre
(béton armé)
Fût de pile
(béton armé)
Semelle
(béton armé)
Pieux
Piles Ă  terre Piles en riviĂšre
Voussoir
(béton armé)
ChevĂȘtre
(béton armé)
Semelle
(béton armé)
Bouchon
hydraulique
BĂątardeaux
en
palplanches
Parement
extérieur ouvrage
v Les tabliers élémentaires sont séparés par un joint cantilever. Les appareils de dilatation
sont placés sur la partie porteuse (en console) de la travée concernée. Cette partie du
tablier est bloquée longitudinalement par encastrement sur la pile la plus proche.
32 Construction Moderne n° 94
Saint-Selve Chais
Du béton
sur mesure
POUR SE FONDRE DANS LE PAYSAGE, LES CHAIS DE SAINT-SELVE
ONT EU RECOURS À UNE ÉTONNANTE DIVERSITÉ DE PANNEAUX
PRÉFABRIQUÉS EN BÉTON POLI. UN BÉTON AUX GRANULATS BIGARRÉS
QUI VIENT ENCHÂSSER L’ÉDIFICE DANS L’ARRIÈRE-PLAN ILLUSTRE
DU VIGNOBLE BORDELAIS.
RĂ©alisation
v Le béton poli coloré exprime ici, dans
une construction monolithique, la matiĂšre
de cette terre des Graves oĂč pousse la
vigne. Certaines surfaces biseautées,
creuses ou en saillie, ont été polies à la
main.
hangars agricoles qui façonnent le paysage
bordelais, cet Ă©difice, que le designer a
choisi de voir d’abord comme un objet, tra-
duit dans sa distribution la technicité des
processus de fabrication d’un cĂ©page. Long
et sobre, le bùtiment aux murs de béton rosé
s’enracine dans le prĂ©cieux vignoble en
jouant avec la lumiĂšre, le relief et les ombres.
Les couleurs des Graves
AdaptĂ© Ă  l’échelle du site, l’édifice se laisse
dĂ©couvrir depuis la route. LatĂ©ral Ă  l’axe du
domaine, dans la terre caillouteuse des
Graves, il frĂŽle les derniers rangs de vigne.
Le brisis se révÚle en premier, puis les murs
colorés qui se fondent dans un paysage sou-
vent embrumé. La terre est brune, les bran-
chages, terre de Sienne. Pour s’adapter à
l’environnement, les teintes des panneaux
prĂ©fabriquĂ©s en bĂ©ton poli, qui servent d’élĂ©-
ments de parement, ont été étudiées soi-
gneusement avec l’entreprise Delta prĂ©fabri-
cation. Complété par des adjuvants destinés
à augmenter sa compacité et à éliminer les
microfissurations, le bĂ©ton se compose d’une
douzaine d’élĂ©ments diffĂ©rents : granit, por-
phyre lie-de-vin, marbre blanc, marbre noir
moucheté, oxyde de fer rouge, ciment gris,
etc. Sa texture minérale confÚre une vocation
patrimoniale à la propriété, tout en restant
dans une fourchette budgétaire raisonnable.
La plantation d’une vigne de 68 ha et le
lancement d’un nouveau cru dans la rĂ©gion
des Graves ont donné lieu à la premiÚre réa-
lisation architecturale de Sylvain Dubuisson,
designer, mĂȘme s’il faut d’abord voir lĂ  une
nouvelle Ă©tape dans sa collaboration avec le
propriĂ©taire des lieux, qui possĂšde d’autres
domaines viticoles et qui lui avait déjà confié
la réalisation de quelques aménagements
avant de l’entraüner dans cette aventure.
Réinterprétation contemporaine des chais et
33
La hauteur de la construction est réglée de
telle sorte que, depuis l’entrĂ©e de la pro-
priĂ©tĂ©, le long faĂźtage se confonde avec l’ho-
rizon. Respectant la logique du cycle de
fabrication du vin, l’ensemble des fonctions
du programme est regroupé dans un unique
bñtiment de 120 m de long. Au cƓur du
dispositif, le grand atrium oĂč l’on rĂ©cep-
tionne les vendanges est, avec sa toiture
auvent, l’unique espace largement ouvert
sur l’extĂ©rieur. Le “bouteiller” et le logement
du maĂźtre de chai occupent la partie est.
Plus ramassĂ©e, l’aile ouest accueille le cuvier
et le chai Ă  barriques, deux volumes paral-
lĂšles qui s’étirent sur une cinquantaine de
mĂštres. Les fentes des chais Ă  barriques et les
fenĂȘtres chanfreinĂ©es de la salle de dĂ©gusta-
tion rythment cette construction monoli-
thique en cadrant des vues sur l’extĂ©rieur.
AssociĂ© Ă  Sylvain Dubuisson, l’architecte-
sculpteur Vincent Barré a prolongé la logique
paysagĂšre du projet en dessinant la grille
d’entrĂ©e du domaine et les portes monu-
mentales des chais.
Dans ce bùtiment, les éléments de modéna-
ture dessinés par Dubuisson exigeaient une
q Le béton rosé
s’enracine dans le vignoble
mise en Ɠuvre minutieuse à laquelle la sou-
plesse d’utilisation du bĂ©ton poli rĂ©pondait
bien. Le matĂ©riau sert d’écrin au vin, le
béton poli cisÚle une architecture massive
dont il souligne la compacité.
Une multitude de panneaux différents
et des ouvertures de toutes tailles
Simple a priori, la géométrie du bùtiment est
plus complexe qu’il n’y paraüt. Pour souli-
gner l’intĂ©gration au site, un mur en sur-
plomb compose la façade est. S’y ajoutent
quantitĂ© d’ouvertures de tailles diverses
dotĂ©es de tableaux en biais, l’inscription en
négatif des incisions horizontales en béton
brut qui animent les façades, et des éléments
spĂ©cifiques comme les linteaux d’entrĂ©e,
v Le plan du bùtiment est trapézoïdal.
Pour se raccorder dans les angles avec les
façades sud et nord (verticales), la section
des rainures du pignon est, qui est en
surplomb, tient compte de l’inclinaison
de la façade.
1 - Accrochage des panneaux
béton sur la lisse métallique.
Façades sud et nord
2 - Ancrage des panneaux
béton dans la fondation.
boulon Halfen
rail Halfen
cale
crapautage
du panneau béton
UAP
fourreau Ø 40
joint mousse
goujon
Saint-Selve Chais❍
34 Construction Moderne n° 94
CoupeÉlĂ©vation
Coupe ÉlĂ©vation
boĂźte pour
scellement
dont la sous-face est Ă  la fois biaise et plane.
Ajoutons encore qu’il a fallu “tricher” avec la
géométrie pour garder son aspect parallélé-
pipédique au bùtiment malgré le relief acci-
denté du terrain. Nous est alors dévoilée la
raison de l’étonnante diversitĂ© des panneaux
préfabriqués qui tiennent lieu de parement :
au total, 121 panneaux de 99 types diffé-
rents, pour une surface polie d’environ
2 000 m2
intĂ©grant 5 % d’ouvertures. L’en-
treprise a donc tenu compte de nombreux
plans de coffrage et d’une multitude de
plans de détail et de ferraillage.
Conçus comme une “peau trùs fine”, ces
panneaux, tantÎt simples, tantÎt jumelés,
sont scellés à leur base par des goujons et
fixés dans leur partie supérieure à la char-
pente métallique par un systÚme de rails
incorporés dans le béton, de boulons et
d’équerres. Notons pour ces panneaux leur
trĂšs faible Ă©paisseur (18 cm et mĂȘme 16 cm
si l’on tient compte du rainurage) en compa-
raison de leur surface (3,60 m de large sur
7 m de haut en moyenne).
Coulage en deux temps et travail
de précision
Les panneaux borgnes, qui intĂšgrent un
motif trapézoïdal, ont été réalisés en deux
temps : une premiĂšre “galette” de bĂ©ton de
parement a été coulée à plat, complétée
ensuite par un béton destiné à assurer la
résistance. Les panneaux avec retour inté-
grant les meneaux ou les tableaux d’ouver-
ture ont nécessité au coulage des précau-
tions minutieuses quant au remplissage des
tableaux. En raison de la variété dans la
forme des ouvertures, tous les panneaux qui
en comportent sont particuliers. Les piĂšces
planes ont été coulées dans des moules
métalliques à hauteur modulable intégrant
des motifs en métal pour le rainurage.
Les piĂšces avec ouverture, angles, linteau ou
meneau ont été réalisées dans des moules
spécifiques, tantÎt tout en bois, tantÎt mixtes
bois et métal, ou encore en béton. Cette
manutention délicate a sollicité en perma-
nence mécaniciens et menuisiers moulistes
pour fabriquer et dimensionner les moules
q La diversité dans le
dessin des panneaux a exigé
des plans d’exĂ©cution sur
mesure
Détail façade ouest
Détail façade est
35
MAÎTRE D’OUVRAGE : SCA DES CHÂTEAUX
DE BRANDA ET DE CADILLAC
ARCHITECTE : SYLVAIN DUBUISSON,
ARCHITECTE-CONCEPTEUR, AVEC
VINCENT BARRÉ, ARCHITECTE-SCULPTEUR,
ASSISTÉ DE FLORENCE CARMINATI
BET STRUCTURE : COBET
SHON : 4 580 M2
ENTREPRISE DE PRÉFABRICATION : DELTA
PRÉFABRICATION
TERRASSEMENT, MAÇONNERIE : SILVA DUMEZ
en respectant la taille et les raccords des rai-
nures. Pour rĂ©aliser les piĂšces d’angle, dont
la largeur variait de 2,12 Ă  7 cm sur la hau-
teur et selon le type d’angle (aigu et obtus en
façade est, droit en façade ouest), il a fallu
Coupe A - A ÉlĂ©vation
A
A
DĂ©tail fenĂȘtre sur cuvier
veiller à ce que la répartition des granulats soit
identique à celle des panneaux coulés à plat.
Composé de 33 panneaux de hauteur
variable, le soubassement absorbe la pente
du terrain. Ces panneaux sont brochés dans
leur partie basse sur les fondations et fixés
au dallage dans leur partie haute par des liai-
sons acier-béton.
CHRISTINE DESMOULINS s
Construction moderne 94
Construction moderne 94
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Construction moderne 94

  • 1. NN°° 9494 s 11 e re r T R I M E S T R ET R I M E S T R E 1 9 9 81 9 9 8
  • 2. ARCHITECTE J.-P. Lott (Dubus & Lott architectes) Page 1 S o m m a i r e Poitiers BĂątiment d’enseignement Pour tous renseignements concernant les articles de la revue, s’adresser Ă  CIMBÉTON q Directeur de la publication : Michael Temenides q Directeur de la rĂ©daction : Bernard Darbois q Conseiller technique : Jean Schumacher q RĂ©dacteur en chef : Norbert Laurent q RĂ©daction et rĂ©alisation : ALTEDIA SYNELOG - 49, rue Ganneron - 75018 Paris - TĂ©l. : 01 44 85 67 89 - Fax : 01 42 26 24 89 q DĂ©pĂŽt lĂ©gal : 1er trimestre 1998 ISSN 0010-6852 1996 q ARCHITECTES R. Porro et R. de La Noue Page 6 VĂ©lizy Casernement ARCHITECTE D. Kahane Page 14 Paris Logements formation Page 24 VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e ARCHITECTES L. et E. Beaudouin Page 19 Nancy École d’ingĂ©nieurs RĂ©alisations Solutions bĂ©ton Pages 12/13 q HĂ©liport de Paris. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 q École française du bĂ©ton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 q MultimĂ©dia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Bloc-notes Page 36 q Livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 q Exposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Bloc-notes RĂ©alisations ARCHITECTE S. Dubuisson Page 32 Saint-Selve Chais RĂ©alisation Poitiers, École supĂ©rieure des personnels d’encadrement du ministĂšre de l’Éducation nationale : HervĂ© Abbadie, Alain Photo ; VĂ©lizy, casernement de CRS : Guillaume Maucuit-Lecomte ; Paris, logements : Alain Goustard ; Nancy, Ă©cole d’ingĂ©nieurs : Jean-Marie Monthiers ; TGV MĂ©diterranĂ©e : Philippe Giraud/Terres du Sud, Jean-Jacques d’Angelo/SNCF ; Saint-Selve, chais : Georges Fessy. SchĂ©mas : Éric Perrier, Philippe Simon et Xavier TĂ©not. MultimĂ©dia : Yann Kerveno. EN COUVERTURE : LE BÂTIMENT DE L’ESPEMEN (ÉCOLE SUPÉRIEURE DES PERSONNELS D’ENCADREMENT DU MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE). w CIM CENTRE D’INFORMATION SUR LE CIMENT ET SES APPLICATIONS 7, place de la DĂ©fense - LA DÉFENSE 4 92974 Paris-la-DĂ©fense CedexTĂ©l. : 01 55 23 01 00 - Fax : 01 55 23 01 10 ERRATUM – CONSTRUCTION MODERNE N° 93 Place Chalon – Stanislas Fiszer – MaĂźtre d’ouvrage : Semaest. Gros Ɠuvre : Quillery environnement urbain. HĂŽtel : architecte d’opĂ©ration, Jean-Yves Le Mesle. BET : Beaulieu Ing. Logements : architecte associĂ© pour la conception et l’exĂ©cution, Christian Schwinn.
  • 3. Poitiers BĂątiment d’enseignement Une architecture de volumes NON LOIN DU FUTUROSCOPE DE POITIERS, LE BÂTIMENT DE L’ÉCOLE DES CADRES DE L’ÉDUCATION NATIONALE JETTE LES BASES D’UN NOUVEAU QUARTIER. SES VOLUMES, SA FAÇON BIEN PARTICULIÈRE D’OCCUPER L’ESPACE, SONT AUTANT DE MOYENS DE S’AFFIRMER ET DE MARQUER L’AMBIANCE DU LIEU. v Sur la façade principale, au sud-est, le bĂątiment de l’hĂ©bergement : sa façade incurvĂ©e, sa forme lenticulaire qui dessine un pignon fuyant comme un empennage, dressent les premiers signes d’un Ă©difice magistral. RĂ©alisation continue de tous les cadres de l’Éducation nationale. Chaque annĂ©e, 5 000 Ă  6 000 per- sonnes sont appelĂ©es Ă  frĂ©quenter l’établisse- ment. Elles peuvent venir pour des pĂ©riodes trĂšs courtes ou au contraire assez longues, ce qui nĂ©cessite dans ce cas d’assurer leur hĂ©bergement. En pĂ©riode de forte frĂ©quenta- tion, de 500 Ă  600 personnes peuvent ĂȘtre prĂ©sentes le mĂȘme jour dans le bĂątiment. Sur 10 000 m2 , l’édifice abrite les bureaux 1 À proximitĂ© du Futuroscope, le conseil gĂ©nĂ©ral de la Vienne a promu le dĂ©veloppe- ment d’un quartier destinĂ© Ă  accueillir essen- tiellement des organismes de formation ou des entreprises produisant des technologies innovantes. DĂ©localisĂ©e Ă  Poitiers, l’Espemen (École supĂ©rieure des personnels d’encadre- ment du ministĂšre de l’Éducation nationale) a donc tout naturellement trouvĂ© sa place en ce lieu. L’école assure la formation initiale et
  • 4. donc implantĂ© et dessinĂ© de façon Ă  dĂ©gager un espace de recul. Il permet de crĂ©er une place sur laquelle sont mises en scĂšne la façade principale et l’entrĂ©e. Comme l’auto- route passe Ă  proximitĂ©, sont installĂ©s sur cette façade le hall, les circulations et l’audi- torium – totalement aveugle –, afin de pro- tĂ©ger le plus possible salles de cours et bureaux des nuisances issues du trafic. Il existe assez peu d’ouvertures sur la façade principale, ce qui va dans le sens de sa mise en scĂšne dans une architecture de volumes.” La composition architecturale met ici en Ă©vi- dence les parties de l’édifice. Chaque forme immĂ©diatement identifiable abrite un Ă©lĂ©- ment spĂ©cifique du programme. À l’excep- tion de la partie hĂ©bergement, l’ensemble de l’édifice est installĂ© dans un dĂ©caissĂ© d’un Poitiers BĂątiment d’enseignement❍ 2 Construction Moderne n° 94 de l’administration, un nombre important de salles de cours, un centre de ressources (1 000 m2 ), un amphithĂ©Ăątre, qui rĂ©pondent aux besoins des personnels permanents ainsi qu’aux besoins de formation ou de documentation. À cela s’ajoutent un res- taurant de 1 200 places et un ensemble de 115 chambres qui permettent l’accueil des stagiaires. BĂ©ton et formes plastiques “Ce bĂątiment s’inscrit dans la continuitĂ© de nos prĂ©cĂ©dentes rĂ©alisations liĂ©es Ă  l’ensei- gnement (Ă©cole d’ingĂ©nieurs ESIEE Ă  Amiens, facultĂ© de sciences et de droit d’Évreux...), qui laissent une part impor- tante au bĂ©ton et aux formes plastiques qu’il permet de dĂ©velopper, prĂ©cise Jean-Pierre Lott. Dans le futur, le site sera trĂšs urbain. Pour exprimer la prĂ©sence d’un tel Ă©difice public, il ne peut ĂȘtre question d’en placer l’entrĂ©e au bord de la rue. Le bĂątiment est Au centre, en recul par rapport Ă  la rue, la coque majestueuse du hall d’entrĂ©e. DerriĂšre, le bĂątiment Ă©tire sa longue façade arrondie. Ú
  • 5. Sur la gauche de la coque, le bĂątiment accueille en partie basse le centre de ressources et dans les Ă©tages supĂ©rieurs des salles de cours protĂ©gĂ©es par les lignes rĂ©guliĂšres des brise-soleil. Sur la façade opposĂ©e (nord-ouest), carac- tĂ©risĂ©e par les lignes continues des brise-soleil en bĂ©ton, le corps de bĂątiment abritant bureaux et salles de cours domine la figure. D’un cĂŽtĂ©, quatre poteaux puissamment posĂ©s sur leur pied largement Ă©vasĂ© semblent le soulever pour laisser place au volume plus transparent du centre de ressources et Ă  un passage public qui traverse l’édifice. De l’autre cĂŽtĂ©, Ă  l’articu- lation avec l’hĂ©bergement, une partie de la salle de restaurant surgit au niveau du registre bas. 3 q Un Ă©difice qui participe de la valeur institutionnelle et de l’image de l’école Ú Ú niveau par rapport au terrain naturel, ce qui explique l’existence d’un rez-de-chaussĂ©e haut et d’un rez-de-chaussĂ©e bas. Cette dis- position a permis de rĂ©duire l’emprise au sol du bĂątiment en densifiant la construction, et d’installer le hall d’entrĂ©e au milieu du bĂąti- ment. Elle renforce aussi la puretĂ© de l’écri- ture des volumes sur la façade principale, en estompant la perception de leur ligne de contact avec le sol naturel. De plus, le visi- teur dĂ©couvre, au rythme de son avancĂ©e vers l’entrĂ©e, l’émergence des volumes depuis le sol d’assise en contrebas. PrĂ©cĂ©dĂ©e par une passerelle qui franchit le vide crĂ©Ă© par le dĂ©caissĂ©, l’entrĂ©e est simplement mar- quĂ©e par une ouverture dans la paroi uni- forme de la coque en bĂ©ton. Mise en scĂšne de l’espace Une fois le seuil franchi, le hall rĂ©vĂšle le cƓur du bĂątiment. Arrivant au niveau du rez-de-chaussĂ©e haut, le visiteur traverse sous la voĂ»te de la coque le vaste espace de ce hall qui se dĂ©veloppe sur 4 niveaux en dessous et au-dessus de lui. Tout au long de la passerelle qui le conduit Ă  l’accueil, il dĂ©couvre le spectacle des rampes, des esca- liers, des coursives en balcon sur le vide, et la grande enveloppe courbe de l’amphi- thĂ©Ăątre. Le mouvement des formes, des pas- serelles, des coursives, s’accompagne du jeu des zones d’ombre et de lumiĂšre. Toutes les parties communes et les circulations se rĂ©fĂš- rent au hall central, vĂ©ritable foyer spatial et lieu fĂ©dĂ©rateur du projet. Dans la mise en scĂšne de cet espace, les vues en plongĂ©e ou en contre-plongĂ©e donnent Ă  voir les mul- tiples aspects de l’architecture de ce bĂąti- ment et de la vie qui s’y dĂ©roule. Un traitement variĂ© des volumes Dans tout l’édifice, les circulations sont conçues comme de vĂ©ritables promenades architecturales animĂ©es par l’enchaĂźnement des perspectives, des formes et des parois courbes qui accompagnent les parcours. Les contractions et dilatations de l’espace per- mettent d’amĂ©nager des salons d’étage, des points de reprographie, des zones de dĂ©tente. Si cette architecture est riche en courbes dans ses espaces communs et ses circulations, les bureaux et les salles de for- mation sont trĂšs rationnels et fonctionnels. DiffĂ©rents lieux atypiques ponctuent l’édi- fice. Ainsi l’amphithĂ©Ăątre dresse dans le hall sa coque blanche tout en rondeurs. Le centre de ressources offre des espaces en mezza- nine oĂč les zones de lecture s’ouvrent gĂ©nĂ©- reusement sur l’extĂ©rieur. La salle de restau- rant se compose de deux parties dĂ©calĂ©es
  • 6. Poitiers BĂątiment d’enseignement❍ 4 Construction Moderne n° 94 Le volume de l’hĂ©bergement est sculptĂ© dans la masse blanche du bĂ©ton. Les fenĂȘtres en longueur des chambres et toutes les autres ouvertures sont ciselĂ©es dans la matiĂšre, venant ainsi animer les parois et souligner le mouvement. Le rez-de-chaussĂ©e trĂšs largement vitrĂ© laisse deviner la prĂ©sence de la salle de restauration, Ă  laquelle on accĂšde depuis le boulevard. La coque est dĂ©collĂ©e du sol sur la partie du hall en rez-de-chaussĂ©e bas. Dans le plan vertical, l’arc de rive en dĂ©vers de la coque est sĂ©parĂ© du volume des bureaux et des salles de cours par une verriĂšre qui laisse glisser la lumiĂšre le long des coursives. Cette arrivĂ©e de lumiĂšre naturelle est relayĂ©e par une autre fente lumineuse qui traverse la coque perpen- diculairement Ă  l’arc. L’ensemble de ces trans- parences renforce la prĂ©sence plastique de la voĂ»te tout en lui confĂ©rant une grande lĂ©gĂšretĂ©. Deux poteaux qui participent Ă  la stabilitĂ© struc- turelle dynamisent la lecture de l’espace. Ú Ú q Le hall central, vĂ©ritable foyer spatial et lieu fĂ©dĂ©rateur du projet d’un demi-niveau. Celle qui longe le bou- levard est scandĂ©e par les “poteaux tulipes” soutenant les Ă©tages de l’hĂ©bergement. Une architecture expressive Le bĂątiment de l’Espemen affirme sa prĂ©- sence par le mouvement de ses volumes blancs. L’enchaĂźnement des formes et des lignes courbes en fait un vĂ©ritable Ă©vĂ©ne- ment plastique. Il marque de sa prĂ©sence et de sa personnalitĂ© ce quartier en devenir, prĂ©figurant l’espace urbain et l’ambiance du lieu. Son architecture expressive lui donne une identitĂ© forte dans son site, mais aussi, de façon plus symbolique, Ă  l’échelle natio- nale. Car cet Ă©difice participe de la valeur institutionnelle et de l’image de marque de l’école. En effet, au-delĂ  de ce qu’ils auront appris dans ces lieux, les stagiaires garde- ront le souvenir de cette architecture gĂ©nĂ©- reuse qui dĂ©passe sa fonction et offre au regard le spectacle du “jeu savant et magni- fique des volumes sous la lumiĂšre”. NORBERT LAURENT s
  • 7. L’édifice est entiĂšrement rĂ©alisĂ© en bĂ©ton coulĂ© en place ou prĂ©fabriquĂ©. La structure gĂ©nĂ©rale est de type poteaux-poutres. Les brise-soleil sont prĂ©fabriquĂ©s en usine et clavetĂ©s en façade. Pour le bĂątiment de l’hĂ©- bergement, les “poteaux tulipes” supportent les voiles en console des Ă©tages. Les allĂšges des façades sont elles aussi prĂ©fabriquĂ©es. Comme pour les brise-soleil, la prĂ©fabrica- tion a Ă©tĂ© retenue pour suivre prĂ©cisĂ©ment les courbures des façades. L’ensemble des parois en bĂ©ton brut reçoit un ragrĂ©age pour Ă©pouser parfaitement l’épure des formes dessinĂ©es par l’architecte. L’application d’une peinture blanche vient donner son aspect dĂ©finitif Ă  l’ouvrage. La coque, ossature et peau La coque du hall d’entrĂ©e est entiĂšrement rĂ©alisĂ©e en bĂ©ton coulĂ© en place de 40 MPa. Sa structure est constituĂ©e par un arc de rive en dĂ©vers et un ensemble de nervures. Ce squelette supporte la coque de couver- ture en bĂ©ton qui dessine la forme voulue par l’architecte. Dans son principe, la struc- ture fonctionne comme un trĂ©pied constituĂ© par l’arc en dĂ©vers et une nervure (file 13) qui est encastrĂ©e dans l’arc. Cette nervure, portĂ©e par un poteau en pied et un autre Ă  3 m de l’arc, fait office de tirant. L’arc et la nervure forment ainsi un Ă©lĂ©ment trĂšs rigide : le maximum de dĂ©placement admis en tĂȘte de l’arc est de l’ordre de 3 cm. Un poteau vient soulager une partie des efforts dans l’arc. Dans une moindre mesure, les autres nervures et la coque elle-mĂȘme parti- cipent aussi Ă  la tenue de l’arc. Un bĂ©ton fini Ă  la main Une fois l’arc de rive et les nervures rĂ©ali- sĂ©s, la coque de couverture, d’une Ă©pais- seur de 15 cm, est coulĂ©e. Pour ce faire, un coffrage de sous-face est installĂ© entre les nervures. Une premiĂšre couche est rĂ©alisĂ©e sur environ 13 cm de façon Ă  enrober tous les aciers. Compte tenu de la forme gĂ©nĂ©- rale de l’ouvrage, un bĂ©ton trĂšs compact est mis en Ɠuvre pour Ă©viter tout risque de dĂ©versement. Les deux derniers centimĂštres sont rĂ©alisĂ©s avec un mortier de ciment Ă  base de rĂ©sine. Pour obtenir la forme dĂ©fini- tive, cette seconde couche est passĂ©e Ă  la main. À l’aide d’un laser, un gĂ©omĂštre, prĂ©- sent en permanence sur le chantier, donne aux compagnons les points de surface dĂ©fi- nitifs. Une rĂ©sine blanche Ă  base de polyurĂ©- thane est projetĂ©e sur la coque. D’une Ă©paisseur de 4 mm, elle assure l’étanchĂ©itĂ©. 5 MAÎTRE D’OUVRAGE : MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE CONDUCTEUR D’OPÉRATION : CONSEIL GÉNÉRAL DE LA VIENNE ARCHITECTE : J.-P. LOTT (DUBUS & LOTT ARCHITECTES) BET STRUCTURE : ETCO BUREAU DE CONTRÔLE : APAVE ENTREPRISE GROS ƒUVRE : SOGEA ATLANTIQUE Le bĂ©ton, structurel et plastique
  • 8. VĂ©lizy Casernement Un cantonnement Renaissance LE CANTONNEMENT DE PASSAGE DES CRS À VÉLIZY, DANS LES YVELINES, N’A RIEN D’UN BÂTIMENT COMME LES AUTRES. PAR SA FONCTION, D’ABORD, QUI EST CELLE D’UN BÂTIMENT MILITAIRE. PAR SON ARCHITECTURE, ENSUITE, LARGEMENT INSPIRÉE D’UN TABLEAU DE LA RENAISSANCE. AppuyĂ©s sur un socle inclinĂ© en bĂ©ton noir bien ancrĂ© dans le sol, les bĂątiments s’élancent vers le ciel dans une dynamique exacerbĂ©e. RĂ©alisation En pĂ©nĂ©trant dans le grand hall du canton- nement de passage des CRS qu’il vient de livrer Ă  VĂ©lizy, l’architecte Ricardo Porro ne peut s’empĂȘcher de s’écrier : “L’imagination au pouvoir !” Il faut dire que le sexagĂ©naire cubain n’a rien perdu de cette verve et de ce brio qui lui ont permis, il y a dĂ©jĂ  plus de trente ans, en construisant notamment l’École des beaux-arts de La Havane, d’accĂ©- der Ă  la reconnaissance internationale. AssociĂ© depuis dix ans avec Renaud de La Noue, il exerce aujourd’hui son talent en France, sur des programmes socio-Ă©ducatifs ou des opĂ©rations de logements. La recher- che formelle expressionniste qui prĂ©occupe les deux hommes, leur intĂ©rĂȘt partagĂ© pour un urbanisme tournĂ© avant tout vers la convivialitĂ©, en font des personnages un peu Ă  part dans le paysage de l’architecture d’au- jourd’hui. Aussi, c’est presque un paradoxe que de les voir Ɠuvrer sur un programme a priori austĂšre comme ce cantonnement pour les Compagnies rĂ©publicaines de sĂ©curitĂ©. Au final, le rĂ©sultat est surprenant. Bien loin de toute rĂ©ponse rationaliste ou techniciste, v
  • 9. les architectes ont trouvĂ© le ton pour conce- voir un bĂątiment qui dĂ©gage force et puis- sance et prĂ©serve en mĂȘme temps une cer- taine intimitĂ©, de quoi rester facile Ă  vivre au quotidien. En somme un bĂątiment Ă  la mesure des besoins de confort et de repos que peuvent connaĂźtre des hommes qui sont appelĂ©s Ă  s’illustrer dans des conditions gĂ©nĂ©ralement violentes. En multipliant les points d’échange et de rencontre, en propo- sant des lieux diffĂ©renciĂ©s, Ă  l’éclairage riche et soignĂ©, ils parviennent “à crĂ©er, au travers de l’architecture, un environnement poĂ©- tique qui met en valeur la dignitĂ© de ceux qui l’occupent.” Alors, dans le cadre de cette architecture largement empreinte de futu- risme, les policiers rĂ©vĂšlent leur visage cachĂ©, et l’homme apparaĂźt sous l’uniforme. Fonction, symbolisme et inspiration Pour rĂ©ussir dans leur entreprise, Porro et de La Noue ont nourri leur inspiration de symboles et d’images en rapport avec la fonction du bĂątiment. “En fait, nous recher- chons un dialogue, une relation forte entre la vie interne des espaces que nous produi- sons et l’atmosphĂšre que nous leur don- nons. Évidemment, pour des CRS, il ne s’agissait pas de rĂ©aliser un bĂątiment miĂšvre ou fragile. Nous voulions exprimer la vigueur et la puissance que nous avions trouvĂ©es dans La Bataille de San Romano, de Paulo Uccelo, un tableau de la Renaissance ita- lienne qui Ă©voque la force et la violence d’une armĂ©e de cavaliers. Nous avons donc dessinĂ© les bĂątiments dans l’esprit des forces dĂ©chaĂźnĂ©es reprĂ©sentĂ©es par le peintre.” L’Ɠuvre picturale se traduit par une archi- tecture “en mouvement” dont les parties semblent se dĂ©placer, Ă  la maniĂšre de cer- tains bĂątiments futuristes. Prenant appui sur un socle inclinĂ© en bĂ©ton noir bien ancrĂ© dans le sol, les diffĂ©rents Ă©di- fices qui composent le cantonnement “mon- tent vers le ciel dans une dynamique exacer- bĂ©e et semblent exploser Ă  chacune de leurs extrĂ©mitĂ©s en un jeu de toitures super- posĂ©es.” Les bĂątiments reprennent le jeu des lances des chevaliers reprĂ©sentĂ©es dans le tableau Ă  travers un ensemble de dĂ©bords, 7 Source de l’inspiration des architectes, La Bataille de San Romano, de Paulo Uccelo (galerie des Offices, Ă  Florence). v Les pignons explosent en un jeu de dĂ©calages et de toitures superposĂ©es. q Un environnement poĂ©tique qui valorise la dignitĂ© des hommes v
  • 10. VĂ©lizy BĂątiment militaire❍ 8 Construction Moderne n° 94 d’élĂ©ments saillants, de poteaux inclinĂ©s, qui produisent un dĂ©sordre apparent. À cette rĂ©fĂ©rence picturale s’ajoute le souci de s’inscrire dans la tradition des construc- tions militaires. C’est-Ă -dire de conjuguer une Ă©vidente puissance des bĂątiments avec une expression symbolique des composants architecturaux. Ainsi, les lucarnes en bĂ©ton prĂ©fabriquĂ©, alignĂ©es comme une armĂ©e de baĂŻonnettes ou de canons, annoncent sans ambiguĂŻtĂ© la destination du casernement. C’est aussi le cas du soubassement en bĂ©ton noir, qui rappelle les bastions et les forts de dĂ©fense Ă©laborĂ©s par Vauban. Des modĂšles en trois dimensions La mise en forme de cette architecture dans laquelle l’espace est traitĂ© dans toutes ses directions, s’établit essentiellement au niveau de la maquette. “Toute une quantitĂ© de maquettes extraordinaires qui permettent d’expĂ©rimenter, d’évaluer et de concrĂ©tiser la dynamique du projet”, explique Ricardo Porro. Le travail de conception dĂ©bute par l’organisation du programme sur le terrain. Toutes les solutions possibles sont envisa- gĂ©es, de façon objective et purement fonc- tionnelle. Ensuite, les images gĂ©nĂ©rĂ©es par les formes sont analysĂ©es. Puis s’élabore le choix qui dĂ©finit le parti architectural, dont l’étude se poursuit avec l’aide, lĂ  encore, de modĂšles en trois dimensions. Ce plaisir de la conception, de l’expĂ©rimentation en volume est revendiquĂ© totalement par les deux asso- ciĂ©s, qui affirment “croire plus Ă  l’Homo ludens, l’homme qui joue, qu’à l’Homo sapiens, l’homme qui sait.” Enfin, les plans permettent de communi- quer le projet aux entreprises. L’attribution d’une mission M1 et des dĂ©lais assez larges ont permis aux architectes de travailler le projet dans ses moindres dĂ©tails, en dessi- nant les bĂątiments sous tous leurs angles. Les documents d’exĂ©cution ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s d’aprĂšs la maquette dĂ©finitive, qui sera d’ailleurs prĂ©sente sur le chantier pendant toute la durĂ©e des travaux. Lieu de travail et lieu de rĂ©sidence PremiĂšre phase d’un ensemble qui accueil- lera Ă  terme quelque 600 personnes, le can- tonnement de passage s’inscrit dans le plan de masse gĂ©nĂ©ral qui fut l’objet du concours remportĂ© en 1991 par les deux architectes. RĂ©alisable en quatre phases, le site de VĂ©lizy accueillera au total cinq compagnies de 120 CRS. Pour les uns, la caserne sera un v PosĂ©e sur des poteaux inclinĂ©s, une poutre Ă©merge du restaurant comme le mĂąt de beauprĂ© d’un voilier. Le dĂ©calage par rapport Ă  l’axe statique amplifie l’effet de dĂ©sĂ©quilibre et de dynamisme. q Les deux architectes revendiquent le plaisir de la conception et de l’expĂ©ri- mentation en volume
  • 11. 9 v Les bow-windows prĂ©fabriquĂ©s en bĂ©ton gris clair soutiennent un acrotĂšre puissant qui dĂ©termine la façade. lieu de travail qu’ils quitteront le soir pour regagner leur domicile ; pour les autres, les compagnies de province en dĂ©placement, le cantonnement constituera un lieu clos dans lequel les hommes auront Ă  vivre pendant les quelques semaines que durera leur inter- vention. Une organisation spatiale avec Venise pour modĂšle L’ensemble est implantĂ© dans un immense ter- rain situĂ© au sud-ouest de Paris, occupĂ© par des bĂątiments datant des annĂ©es soixante et desti- nĂ©s Ă  ĂȘtre dĂ©molis. EntourĂ©e d’un parking, la parcelle est fermĂ©e par un grillage. Dans cet environnement difficile, les concepteurs ont proposĂ© une organisation spatiale rythmĂ©e par des places, des espaces de liaison, des lieux calmes, d’autres plus vivants, qui donnent au casernement un vĂ©ritable sens urbain. C’est une notion essentielle dans la pensĂ©e de Ricardo Porro, qui voit dans la ville de Venise l’une de ses plus grandes influences : “Ce n’est pas la forme ou la dĂ©coration de la citĂ© vĂ©nitienne qui nous intĂ©resse dans le cas prĂ©sent, mais l’en- chaĂźnement urbain des bĂątiments. Et ici, Ă  VĂ©lizy, nous avons cherchĂ© Ă  en retrouver l’es- prit pour cette petite ville qu’est le caserne- ment.” Multiplier les accĂšs Plus qu’un trĂšs grand bĂątiment dans lequel aurait pris place l’ensemble des fonctions, les architectes projettent alors une succes- sion d’immeubles de faible hauteur, organi- sĂ©s en Ăźlot. Il ne s’agit pas, cependant, d’un cƓur d’ülot classique dans lequel seraient clairement diffĂ©renciĂ©es une partie extĂ©- rieure publique et une partie intĂ©rieure pri- vĂ©e. Ici, les blocs d’immeubles forment des entitĂ©s poreuses dans lesquelles les piĂ©tons pĂ©nĂštrent de toutes parts, grĂące Ă  un sys- tĂšme de placettes qui, reliant les Ă©difices les uns aux autres, constituent de vĂ©ritables lieux de vie et de rencontre. DĂšs lors, toute l’activitĂ© se trouve Ă  l’intĂ©rieur de l’ülot. Seules sont maintenues Ă  l’extĂ©rieur des immeubles les voies pour les automobiles – voies d’accĂšs et de service. Conçu pour une compagnie en dĂ©placement, le cantonnement de passage comprend une partie “hĂ©bergement” de 120 chambres regroupĂ©es dans un premier bĂątiment en L de trois niveaux. Cet immeuble s’organise de part et d’autre d’un hall central traversant. La liaison entre les deux parties est assurĂ©e par l’escalier principal qui occupe le cƓur du hall. De chaque cĂŽtĂ©, la disposition parfaite- ment rĂ©pĂ©titive des chambres est tempĂ©rĂ©e par le soin apportĂ© aux couloirs, qui dessi- nent une succession de chicanes et amĂ©na- gent un seuil d’entrĂ©e pour chaque chambre. Un second Ă©difice abrite des espaces com- muns de restauration et de dĂ©tente. Une grande poutre structure le bĂątiment en arti- culant les diffĂ©rentes toitures. Ces derniĂšres ; ; ;;;; ;;;; ;; ;; ;; ;; ; ; ;; ;; ; ; ;
  • 12. rĂ©pondent dans leur spatialitĂ© Ă  la diversitĂ© du programme. Au rez-de-chaussĂ©e, le vaste rĂ©fectoire pour les gardiens, le restaurant des brigadiers et la salle circulaire – presque confinĂ©e – des officiers sont tous en relation directe avec les cuisines. À l’étage, le foyer- bar, organisĂ© en mezzanine, est complĂ©tĂ© par des locaux de rĂ©union et des salles de jeux. Cet Ă©quipement sera partagĂ© avec le casernement, destinĂ© Ă  une compagnie rĂ©si- dant Ă  demeure, qui constituera la deuxiĂšme tranche des travaux. Bien que diffĂ©rent du bĂątiment d’hĂ©bergement, ce lieu de restaura- tion et de dĂ©tente fait partie intĂ©grante du cantonnement, et l’espace entre les deux bĂątiments est traitĂ© comme un intĂ©rieur, un entre-deux qui contribue rĂ©ellement au pro- gramme. Le bĂ©ton, gage de rĂ©sistance Le bĂ©ton armĂ©, matĂ©riau dominant, rĂ©pond en premier lieu Ă  l’un des principaux sou- haits exprimĂ©s par le maĂźtre d’ouvrage : la soliditĂ©, la soliditĂ© et encore la soliditĂ©. En effet, parce qu’ils sont appelĂ©s Ă  intervenir dans des situations extrĂȘmes, c’est le plus souvent dans un Ă©tat de grande tension ner- veuse que les hommes rentrent dans leurs cantonnements. Aussi le bĂ©ton brut a-t-il Ă©tĂ© retenu pour sa rĂ©sistance aux dĂ©gradations. Les garde-corps, les escaliers, le bar, exploi- tent la robustesse du matĂ©riau au travers de formes simples. C’est aussi le cas des cloisons sĂ©paratrices entre les chambres, pour les- quelles le bĂ©ton, qui allie rĂ©sistance aux chocs et performances acoustiques, a Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rĂ© Ă  des systĂšmes de cloisons sĂšches. DeuxiĂšme raison de ce choix, le respect des dĂ©lais et la facilitĂ© d’exĂ©cution du chantier. Ainsi la technique du bĂ©ton banchĂ©, utilisĂ©e en structure, a-t-elle Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  l’en- semble de la maçonnerie, et cela bien que le bĂątiment d’hĂ©bergement, qui est construit par une succession de voiles de refend, ne prĂ©sente pas de façade porteuse. Enfin, c’est la capacitĂ© plastique du matĂ©riau Ă  exprimer la force et la puissance qui a sĂ©duit les concepteurs dans leur recherche. Le sou- bassement, qui reprend la typologie d’une VĂ©lizy BĂątiment militaire❍ 10 Construction Moderne n° 94 q L’impression de force et de puissance dĂ©gagĂ©e par le bĂ©ton a sĂ©duit les architectes w Dans un environnement difficile, les bĂątiments composent un enchaĂźnement de lieux qui donnent au casernement une vĂ©ritable dimension urbaine.
  • 13. 11 forteresse, est formĂ© de modules prĂ©fabri- quĂ©s en bĂ©ton noir, composĂ© Ă  partir d’agrĂ©- gats de basalte. Ces Ă©lĂ©ments, non porteurs, sont posĂ©s en pente et intĂšgrent une fenĂȘtre qui qualifie l’espace intĂ©rieur des chambres. En pied de façade, un caniveau couvert de dalles en bĂ©ton de mĂȘme nature rĂ©cupĂšre les eaux et assure la liaison avec un parterre de pavĂ©s verts en bĂ©ton teintĂ© dans la masse. Un matĂ©riau qui vieillira lentement À l’étage, les bow-windows prĂ©fabriquĂ©s en bĂ©ton gris clair soutiennent un acrotĂšre puissant, formĂ© dans le mĂȘme matĂ©riau. Les meneaux qui dĂ©composent les vitrages, les poutres saillantes, les poteaux qui dĂ©bor- dent du bĂątiment, sont aussi rĂ©alisĂ©s en bĂ©ton brut Ă  partir d’un matĂ©riau gris foncĂ©. Un bĂ©ton courant, qui puisse “prendre de la patine et vieillir lentement avec l’édifice.” De forte section, tous ces Ă©lĂ©ments qui partici- pent de la qualification des espaces extĂ©- rieurs sont “globalement un peu surdimen- sionnĂ©s, admet Renaud de La Noue. Leur Ă©paisseur est voulue, pensĂ©e pour l’Ɠil plus que pour la recherche de performances.” Dans le mĂȘme esprit, la poutre qui Ă©merge violemment de la proue du restaurant est posĂ©e sur des poteaux inclinĂ©s. Des dĂ©s de bĂ©ton, dĂ©calĂ©s par rapport Ă  l’axe statique, relient les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, ce qui ampli- fie l’effet de dĂ©sĂ©quilibre et de dynamisme. Des Ă©quipements de grande classe ExubĂ©rant, riche, gĂ©nĂ©reux, l’édifice dessinĂ© par Renaud de La Noue et Ricardo Porro rĂ©pond Ă  un programme nouveau qui tranche avec les lieux de casernement habi- tuels. Au travers d’un travail soignĂ© sur les espaces intĂ©rieurs et leurs relations, les deux concepteurs ont mis en place un systĂšme d’entre-deux, de lieux, de moments qui apportent un confort physique et psycholo- gique aux CRS. Ils ont ainsi produit un lieu unitaire dans lequel les usagers se disent trĂšs Ă  l’aise, et que certains vont mĂȘme jusqu’à qualifier de “Rolls des cantonnements”. HERVÉ CIVIDINO s MAÎTRE D’OUVRAGE : MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR MAÎTRE D’OUVRAGE DÉLÉGUÉ : PRÉFECTURE DES YVELINES ARCHITECTES : RICARDO PORRO ET RENAUD DE LA NOUE BET : GET INGÉNIERIE SA ENTREPRISE GROS ƒUVRE : BATEG v En mezzanine sur les espaces de restauration, le foyer-bar.
  • 14. BĂ©ton hautes performances Un hĂ©liport futuriste Ă  Paris Bloc-notes 12 Construction Moderne n° 94 LES POINTS CLÉS DU BHP q PorositĂ© trĂšs faible (4 Ă  5 fois moins qu’un bĂ©ton courant) q RĂ©sistances Ă©levĂ©es : – 60 Ă  100 MPa Ă  28 jours – 15 Ă  20 MPa Ă  12 heures q DurabilitĂ© exceptionnelle : – rĂ©sistance aux milieux agressifs, industriels, marins, salins – rĂ©sistance au gel/dĂ©gel – rĂ©sistance Ă  la carbonatation q FluiditĂ© du bĂ©ton frais : – affaissement au cĂŽne d’Abrams > 20 cm – facilitĂ© de pompage et de mise en place du bĂ©ton À Paris, capitale internationale, il s’avĂšre plus que jamais nĂ©cessaire de permettre aux hĂ©licoptĂšres des “hommes pressĂ©s” de se poser Ă  proximitĂ© du centre-ville ou des quartiers d’affaires comme la DĂ©fense. Aujourd’hui encore, l’hĂ©liport d’Issy-les- Moulineaux rĂ©pond Ă  cette nĂ©cessitĂ©, avec environ 15 000 mouvements par an. Cepen- dant, il est situĂ© dans un milieu urbain dense, et Ă  ce titre il est l’objet des attaques des riverains qui rejettent les nuisances liĂ©es Ă  son trafic. L’architecte Alexandre Lecomte-Souvre a choisi de porter sa rĂ©flexion sur l’intĂ©gration d’un hĂ©liport Ă  proximitĂ© de Paris. Il s’est tout naturellement intĂ©ressĂ© au site d’Issy- les-Moulineaux. Si le lieu est marquĂ© par l’histoire aĂ©ronautique, la prĂ©sence du bou- levard pĂ©riphĂ©rique, le voisinage de Paris- Expo (4e parc d’exposition en Europe), la proximitĂ© des principaux quartiers d’affaires et du palais des CongrĂšs sont autant d’atouts qui plaident en faveur du main- tien de l’hĂ©liport Ă  Issy-les-Moulineaux. Alexandre Lecomte-Souvre a inventĂ© un ouvrage qui, s’il semble encore utopique aujourd’hui, prĂ©figure peut-ĂȘtre ce que seront les hĂ©liports du XXIe siĂšcle. Il s’agit d’une mĂ©gastructure en BHP, flanquĂ©e de trois tours-ascenseurs, qui porte Ă  60 m du sol naturel la plate-forme d’atterrissage. Celle-ci, longue de 350 m et large de 80 m, peut accueillir 50 appareils. Sous la piste et dans la partie centrale de la mĂ©gastructure, sont installĂ©s les hangars des hĂ©licoptĂšres et les bureaux des sociĂ©tĂ©s exploitantes. MaĂźtriser les nuisances sonores Par son aspect futuriste, ce projet peut sur- prendre les observateurs extĂ©rieurs et les conduire Ă  s’interroger sur les raisons qui ont motivĂ© les choix de l’architecte. Il faut garder prĂ©sent Ă  l’esprit que l’un des obstacles majeurs Ă  l’intĂ©gration des hĂ©liports en zone urbaine est constituĂ© par les nuisances sonores, Ă©cueil d’autant plus sensible que les populations riveraines considĂšrent sou- vent ce moyen de transport comme l’apa- nage de quelques particuliers privilĂ©giĂ©s. La prise en compte de ces nuisances a conduit les pouvoirs publics Ă  Ă©tablir, pour les sites d’implantation des aĂ©rodromes, des plans d’exposition au bruit (PEB) qui permettent une vĂ©ritable maĂźtrise de l’urbanisation sur les zones concernĂ©es. Ces plans sont Ă©ta- blis Ă  partir de courbes de gĂȘne, notion dĂ©fi- nie par un indice dit psophique (IP), qui intĂšgre le bruit de crĂȘte provoquĂ© par le pas- sage d’un avion (ou d’un hĂ©licoptĂšre) et l’ad- dition de ces bruits au fil de la journĂ©e. Les zones A et B, dont l’indice supĂ©rieur s’élĂšve respectivement Ă  96 et 89, sont celles oĂč les constructions nouvelles sont interdites. Ces PEB sont Ă©tablis pour des bruits au sol : si l’on considĂšre que le bruit au sol gĂ©nĂ©rĂ© par un hĂ©licoptĂšre est divisĂ© par deux lorsqu’il se trouve Ă  une altitude de 150 m, on voit l’avantage qu’il y a Ă  crĂ©er des pistes d’atter- rissage surĂ©levĂ©es. Une technologie d’avant-garde Sa proposition de rĂ©aliser une plate-forme d’environ 1 ha Ă  60 m de haut induit la prise en compte de contraintes importantes, aussi bien pour la stabilitĂ© que pour les risques accidentels tels que l’incendie ou le sĂ©isme. L’originalitĂ© du projet repose ici sur l’emploi du BHP (bĂ©ton hautes perfor- mances), dont les caractĂ©ristiques permet- tent une rĂ©duction sensible du dimension- nement de l’ouvrage et offrent des avantages sur le plan de la mise en Ɠuvre. La pĂ©rennitĂ©, primordiale pour un ouvrage de cette nature, est Ă©galement assurĂ©e par le BHP. Cet ouvrage explore donc de nouvelles voies pour permettre de conserver un hĂ©liport en milieu urbain dense en rĂ©duisant les nui- sances, auxquelles les riverains sont parti- culiĂšrement sensibles.
  • 15. 13 FORMATION Le premier numĂ©ro des Carnets de l’École française du bĂ©ton est paru. Au sommaire : - les premiĂšres actions de l’EFB ; - les fiches d’information ; - les livres rĂ©cents ; - la composition du ComitĂ© d’orientation. Disponible sur simple demande Ă  EFB/ CIMBETON. NOUVEAUTÉ entreprises, les bureaux d’études, les agences d’architecture, les administrations... pour la diffusion et la promotion des connaissances dans le domaine de la construction en bĂ©ton. Elle est une Ă©cole sans murs, ouverte Ă  tous : architectes, ingĂ©nieurs, techniciens, ensei- gnants et chercheurs. Ses premiĂšres actions se matĂ©rialisent dĂ©jĂ  par l’organisation ou la coorganisation de sĂ©minaires de transfert et de diffusion des rĂ©sultats de projets nationaux ou d’universitĂ©s d’hiver et d’étĂ©, par la rĂ©daction de modules d’appui Ă  l’enseignement du bĂ©ton, l’élabora- tion d’outils pĂ©dagogiques, la promotion de livres de rĂ©fĂ©rence et d’ouvrages pĂ©dago- giques. L’École française du bĂ©ton est soutenue par le plan GĂ©nie civil du ministĂšre de l’Équipement et administrĂ©e par un bureau composĂ© comme suit : q PrĂ©sident d’honneur : J.-C. Parriaud (CNISF) q PrĂ©sident : Y. Malier (ENS de Cachan) q Directeur : J.-A. Calgaro (Setra) q Directeurs adjoints : R. Cantarel (IGEN), M. TĂ©mĂ©nidĂšs (CimbĂ©ton), J.-M. DĂ©chery (CHEC) q ChargĂ©s de mission : R.-M. Faure (CETU) – multimĂ©dia –, F. Buyle-Bodin (UA) – rela- tions enseignement supĂ©rieur Extraits de l’éditorial du premier numĂ©ro des Carnets de l’EFB, signĂ© Yves Malier et Jean-Armand Calgaro. Depuis plusieurs an- nĂ©es, des enseignants, des ingĂ©nieurs d’entre- prises, de bureaux d’étu- des et d’administrations, des chercheurs appellent de leurs vƓux la mise en place, dans les champs de la construction en bĂ©ton, d’une structure lĂ©gĂšre dont l’objectif principal serait de fĂ©dĂ©rer et de promouvoir, au plan national, des actions de transfert des rĂ©sultats de la recherche et des actions de formation, parfois rĂ©alisĂ©es de façon excellente localement ou rĂ©gionale- ment, mais qui, souvent, n’atteignent qu’une infime partie des publics visĂ©s et laissent ainsi un dĂ©ficit de valorisation, donc d’applica- tions, de bien des rĂ©sultats de recherche et de beaucoup d’innovations. Dans le domaine du bĂ©ton, beaucoup de pays, en parfaite synergie avec leurs associations scientifiques et leurs Ă©coles ou universitĂ©s, ont dĂ©veloppĂ© des structures transversales efficaces dont les retombĂ©es sont positives pour tous les acteurs de la construction. L’École française du bĂ©ton est donc, avant tout, une structure de rĂ©flexion et d’anima- tion, jetant un pont entre les organismes d’en- seignement, les laboratoires de recherche, les En bref Internet : oĂč aller pour s’informer ? De plus en plus prĂ©sents sur le “rĂ©seau de rĂ©seaux”, les architectes disposent maintenant de plusieurs sites pour s’orienter sur le Web. Aleph est un cyber- espace europĂ©en d’architecture mis en place par le laboratoire d’Exploration des technologies nouvelles en architec- ture (ETNA) de Bourg-la-Reine. TrĂšs sobre, on y trouve par exemple la liste des concours internationaux. On y trouve Ă©galement un service de recher- ches diffĂ©rĂ©es, des infos d’actualitĂ©, les listes de diffusion francophones, etc. Autre serveur ressource, BatOnLine propose lui aussi une foule d’informa- tions aisĂ©ment accessibles Ă  destination des architectes et des prescripteurs de la construction. Les industriels y prĂ©sen- tent leurs derniĂšres nouveautĂ©s, on peut y faire figurer son portfolio, consulter quelques-uns des textes officiels, etc. À voir Ă©galement, le site espagnol IAZ qui est une mine de renseignements sur l’actualitĂ© de l’architecture du monde hispanique. Un mot encore pour le site personnel d’Éric Gagnaire, consacrĂ© Ă  la reconstruction en France. s Aleph : <http://aleph.afuu.fr> BatOnLine : <http://www.batonline.com> IAZ : <http://www.iaz.com> La reconstruction : <http://wwwusers.imaginet.fr/~gagnaire/> MultimĂ©dia
  • 16. 14 Construction Moderne n° 94 Paris Logements Le calme aux portes de Paris C’EST À LA PORTE D’AUBERVILLIERS, ENTRE LE PÉRIPHÉRIQUE ET LES BOULEVARDS EXTÉRIEURS, QUE LA SAGI A LANCÉ LA CONSTRUCTION DE 160 NOUVEAUX LOGEMENTS. UNE MISSION DÉLICATE QUE L’ATELIER PARISIEN D’URBANISME, ÉPAULÉ PAR LES QUALITÉS ACOUSTIQUES DU BÉTON, A SU MENER À BIEN. RĂ©alisation intense. Deux Ăźlots de part et d’autre du boulevard Mac-Donald, pour un terrain au passĂ© industriel : cĂŽtĂ© capitale, d’immenses entrepĂŽts, cĂŽtĂ© pĂ©riphĂ©rique, des terrains anciennement occupĂ©s par l’hĂŽpital Claude- Bernard et aujourd’hui en friche. Dans ce lieu dĂ©laissĂ©, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a souhaitĂ© transformer le tissu urbain et prolonger la ceinture de logements des habitations Ă  bon marchĂ© (HBM). Une atti- tude caractĂ©ristique de ses actions au cours des vingt derniĂšres annĂ©es : les friches industrielles de Bercy, de la ZAC CitroĂ«n, de la Seine-Rive-Gauche, en sont les exemples les plus cĂ©lĂšbres. Le tissu industriel est donc rĂ©investi par de nouveaux morceaux de ville, au profit du logement. Ici, l’Apur a conçu un plan oĂč trois Ăźlots viennent s’ali- gner le long du boulevard en demeurant le plus loin possible du pĂ©riphĂ©rique. Un mur antibruit a Ă©tĂ© rĂ©cemment construit qui pro- tĂšge les Ă©tages infĂ©rieurs des nuisances sonores de ce dernier et redonne Ă  un mail magnifiquement plantĂ© le statut d’espace de promenade. Des volumes stricts La composition et la volumĂ©trie des Ăźlots obĂ©issent Ă  des rĂšgles strictes : trois Ăźlots de 50 x 80,5 m sĂ©parĂ©s par des allĂ©es de 20 m de large. Les constructions s’alignent au Au nord de Paris, le secteur de la porte d’Aubervilliers forme une zone plutĂŽt hos- tile. Entre le pĂ©riphĂ©rique et les voies de chemin de fer de la gare de l’Est, entre un grand axe de sortie de Paris et le canal Saint- Denis, il y a lĂ  un espace totalement enclavĂ©, sectionnĂ© par une artĂšre Ă  la circulation v En cƓur d’ülot, balcons et terrasses dominent un jardin dont l’ambiance paisible contraste avec l’environnement immĂ©diat.
  • 17. pourtour extĂ©rieur de chacun des Ăźlots et ferment les quatre cĂŽtĂ©s. Le gabarit des bĂąti- ments est identique, avec une hauteur de huit Ă©tages dont un en retrait, hors la cons- truction sur les allĂ©es dont 40 % du volume peut ne pas ĂȘtre construit. La densitĂ© est forte, mais il est fait obligation de dĂ©gager au centre de chaque Ăźlot un espace vide de 1 000 m2 sans construction avec un jardin en pleine terre de 800 m2 . DĂ©finition d’une coupe commune Chacun des Ăźlots est attribuĂ© par concours Ă  un architecte. Gilles Bouchez, Marie Schweitzer et Daniel Kahane sont ainsi dĂ©si- gnĂ©s. C’est alors qu’un travail de concerta- tion a lieu qui amĂšne les architectes Ă  dĂ©finir une coupe commune du boulevard au pĂ©ri- phĂ©rique. Un dĂ©nivelĂ© existe, qui est com- pensĂ© par un socle horizontal, marquĂ© par une base en granit bleu de LanhĂ©lin sur laquelle reposent les constructions. CĂŽtĂ© boulevard, les bĂątiments sont au niveau du trottoir, cĂŽtĂ© mail et pĂ©riphĂ©rique, ils dĂ©ga- gent un socle d’une hauteur moyenne per- mettant d’introduire avec facilitĂ© l’ouverture vers les garages souterrains. Le rez-de- chaussĂ©e de chaque bĂątiment est transparent dans le sens longitudinal et rĂ©vĂšle depuis le boulevard la vue sur les arbres du mail. Des percĂ©es transversales sont rĂ©servĂ©es d’un Ăźlot Ă  l’autre. Immeubles Ă©crans L’ülot rectangulaire rĂ©alisĂ© par Daniel Kahane est composĂ© de cinq constructions rĂ©parties en trois typologies. Une diversitĂ© qui s’explique par le contexte et les nui- sances sonores. 15 Panneaux de bĂ©ton poli et habillage en bois caractĂ©risent les façades des immeubles villas. Boulevard Mac-Donald Rue du Mail Mail plantĂ© Mur anti-bruit Bd pĂ©riphĂ©rique Traits d’union entre les plots, les balcons se rejoignent et dessinent des terrasses suspendues ouvertes sur l’allĂ©e piĂ©tonne et l’intĂ©rieur de l’ülot. EnclavĂ©s entre deux grands axes de circulation, les logements sont soumis Ă  de fortes pressions sonores. v v
  • 18. Paris Logements❍ 16 Construction Moderne n° 94 Sur le boulevard Mac-Donald comme sur le cĂŽtĂ© est de l’ülot, sont placĂ©s deux immeu- bles Ă©crans. Ils possĂšdent chacun une double façade en verre et leurs appartements sont traversants. La double façade offre Ă  chaque logement une “piĂšce” supplĂ©mentaire d’au moins 20 m2 . Cette derniĂšre est traitĂ©e de façon intime : sol en plastique bleu, murs et sous-face recouverts de panneaux de bois, fenĂȘtres coulissantes qui ouvrent en totalitĂ©. Des boutiques doivent venir s’installer sur le boulevard. Elles prĂ©serveront la transpa- rence et laisseront apparaĂźtre la structure en bĂ©ton gris. v Les balcons offrent d’agrĂ©ables prolongements. q La grille qui fĂ©dĂšre les immeubles entre eux se retrouve dans une horizontale de rĂ©fĂ©rence R U E D U M A I L B O U L E V A R D M A C D O N A L D
  • 19. Aux angles, les façades en panneaux prĂ©fa- briquĂ©s de bĂ©ton poli blanc stabilisent visuellement le bĂąti. Les modĂ©natures, les nez de plancher en bĂ©ton ressortis pour les balcons, participent Ă  la grille qui fĂ©dĂšre les trois types de bĂątiments. BĂątiment bouclier Face au pĂ©riphĂ©rique, l’architecte a conçu un bĂątiment bouclier dont la façade extĂ©- rieure arrondie est recouverte de panneaux d’aluminium. Les trois premiers niveaux sont protĂ©gĂ©s des nuisances dues aux auto- mobiles par le mur antibruit. Pour les Ă©tages supĂ©rieurs, qui demeurent exposĂ©s au bruit, les balcons ont des garde-corps qui jouent le rĂŽle d’abat-son. Il s’agit en fait de rĂ©sona- teurs Ă  fente : formĂ©s de caissons creux rem- plis d’absorbant acoustique, ils prĂ©sentent une fente par laquelle le son pĂ©nĂštre pour y ĂȘtre captĂ©. En outre, les sous-faces des bal- cons sont recouvertes de tĂŽle perforĂ©e munie d’un absorbant acoustique afin d’em- pĂȘcher le son de faire Ă©cho sur le garde- corps, tandis que des menuiseries Ă©quipĂ©es de verres acoustiques rĂ©duisent de maniĂšre remarquable le bruit de fond de la circulation automobile. Les logements sont traversants. Visible au rez-de-chaussĂ©e rendu transpa- rent, la structure entiĂšrement en bĂ©ton gris ressort dans les balcons. LaissĂ©s bruts Ă  l’in- tĂ©rieur, les bĂ©tons sont lazurĂ©s Ă  l’extĂ©rieur. Leur couleur, leur matiĂšre, jouent alors avec celles de l’aluminium. Immeubles villas À l’ouest, le bĂąti est moins dense. Deux immeubles villas, qui comportent quatre faces, sont tournĂ©s vers les autres Ăźlots et font bloc. Les trois façades visibles de l’extĂ©- rieur sont constituĂ©es d’un jeu de panneaux prĂ©fabriquĂ©s de bĂ©ton. Un bĂ©ton blanc, fabriquĂ© avec des granulats de quartz et de marbre blanc, puis poli. La hauteur du pan- neau est celle d’un Ă©tage et sa largeur est dĂ©terminĂ©e par un calepinage savant qui marque une symĂ©trie avec les fenĂȘtres des espaces de service ou des chambres. Sur le chantier, le montage s’est apparentĂ© Ă  un jeu de dominos. Dans les entrĂ©es, la façade se retourne, et le bĂ©ton poli pĂ©nĂštre dans chaque partie commune. La façade intĂ©- rieure Ă  l’ülot est recouverte de planches de bois (red cedar), du rĂ©sĂ©da brut, traitĂ© mais non verni, qui deviendra rapidement gris argentĂ© pour s’harmoniser avec le bĂ©ton. Les logements, organisĂ©s en duplex, ne sont pas traversants, mais ils offrent une double orientation par les angles des bĂątiments. Un travail important a Ă©tĂ© accompli sur l’expres- sion de la structure en bĂ©ton : chaque loge- ment possĂšde un balcon suspendu de 3 x 3 m qui fait terrasse et est utilisĂ© comme tel. 17 v Dans les immeubles villas, chaque logement possĂšde un balcon suspendu qui fait office de terrasse.
  • 20. Paris Logements❍ 18 Construction Moderne n° 94 La grille qui fĂ©dĂšre les immeubles entre eux se retrouve ici dans une horizontale de rĂ©fĂ©- rence qui passe du bĂątiment bouclier aux immeubles villas et aux immeubles Ă©crans. Cette horizontale est constituĂ©e d’élĂ©ments en bĂ©ton : chaque nez de plancher en bĂ©ton est ressorti du bĂątiment bouclier et est visuellement prolongĂ© par la tablette prĂ©fa- briquĂ©e en bĂ©ton poli du garde-corps de chaque terrasse des immeubles villas. Le travail du paysagiste En cƓur d’ülot, alors que le socle des immeubles reste Ă  niveau, que le terrain alentour s’enfonce lĂ©gĂšrement vers le pĂ©ri- phĂ©rique et que des immeubles hauts cer- nent la cour, quiconque eĂ»t choisi de rehausser le sol naturel. Au contraire, le pay- sagiste a ici enfoncĂ© le jardin pour retrouver le niveau originel, avec une mise en scĂšne oĂč des gradins et des passerelles en bois viennent souligner encore la dĂ©clivitĂ©. Desti- nĂ©s Ă  l’origine Ă  l’amĂ©nagement du jardin de la BibliothĂšque de France, de gigantesques cailloux ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s et posĂ©s lĂ , parmi des plantes savamment disposĂ©es qui don- nent un dessin sophistiquĂ© au jardin et le fleurissent par vagues de couleurs au prin- temps. Au sud, le paysagiste a aussi plantĂ© trois arbres du Japon. Afin de crĂ©er une atmosphĂšre de calme et de plĂ©nitude sur le jardin, la majoritĂ© des faces construites sont en bĂ©ton, tramĂ©es et de couleur blanche. Pour les immeubles Ă©crans et l’immeuble bouclier, les façades sont en bĂ©ton enduit blanc, et l’ensemble des allĂšges, tablettes et mains courantes est en Ă©lĂ©ments prĂ©fabriquĂ©s de bĂ©ton poli qui soulignent la grille de la composition. La trame des bĂątiments est rĂ©pĂ©titive, avec des murs de refend placĂ©s selon un rythme rĂ©gulier (6 m, 6 m, 3 m). Les escaliers placĂ©s cĂŽtĂ© jardin marquent celui-ci de grandes verticales de bĂ©ton poli. Pour les immeubles villas, les façades en bĂ©ton sont recouvertes de bois. Enfin, pour le sol qui ceinture le jar- din et dessert les immeubles, le matĂ©riau choisi est un bĂ©ton de ciment blanc dĂ©sac- tivĂ© avec des agrĂ©gats clairs, oĂč vient s’in- cruster un quadrillage en bois Azobe. Les marches sont en pierre de Trani, une pierre blanche lorsqu’elle est bouchardĂ©e. Notons encore le caillebotis qui fait le tour de la cour et suit les façades des constructions : il permet d’éviter les relevĂ©s d’étanchĂ©itĂ© et offre un dĂ©tail d’une grande simplicitĂ© pour la base des bĂątiments. Le projet est une vĂ©ritable leçon d’architec- ture. Le travail accompli est imposant, Ă©vi- dent, qui permet de maĂźtriser un grand nombre de dĂ©tails. L’ülot est calme, parfaite- ment Ă©quilibrĂ©, tant par sa position que par ses masses, ses Ă©lĂ©ments architectoniques, ses matĂ©riaux. Dans l’univers de la porte d’Aubervilliers qui paraissait condamnĂ© au chaos, il fera peut-ĂȘtre bon vivre dans ces logements. SYLVIE CHIRAT s MAÎTRE D’OUVRAGE : SAGI MAÎTRE D’ƒUVRE : DANIEL KAHANE, ARCHITECTE, AVEC JACQUES LEGUY, ACOUSTICIEN, ET JACQUES COULON, PAYSAGISTE BUREAU D’ÉTUDES : KHEPHREN (BET STRUCTURE) ET ALTO (BET FLUIDES) ENTREPRISE GÉNÉRALE : BOUYGUES v Sur le boulevard Mac-Donald et le cĂŽtĂ© est de l’ülot, les deux immeubles forment Ă©cran.
  • 21. Nancy École d’ingĂ©nieurs La lumiĂšre, matĂ©riau d’architecture LA NOUVELLE ÉCOLE D’INGÉNIEURS DE NANCY VIENT CÔTOYER L’ÉCOLE D’ARCHITECTURE DE LIVIO VACCHINI. OUTRE LA RECHERCHE D’UNE UNITÉ FORMELLE ENTRE LES BÂTIMENTS, LE TRAVAIL SUR LA LUMIÈRE NE LAISSE PAS D’ÉMOUVOIR. v ComposĂ© d’un parallĂ©lĂ©pipĂšde simple, l’édifice crĂ©e une unitĂ© dans le dĂ©sordre urbain. x À l’origine, il s’agissait pour les architectes de dĂ©velopper le thĂšme lancĂ© par l’école d’architecture de Livio Vacchini, toute proche, cela afin d’asseoir les bases d’un quartier cohĂ©rent. RĂ©alisation le bĂątiment voisin et la gĂ©omĂ©trie de la rue par l’intermĂ©diaire d’un petit pavillon d’en- trĂ©e indĂ©pendant. Le bĂątiment est conçu sur le principe du plan libre, ancrĂ© au sol par deux blocs d’es- caliers revĂȘtus de pierre, libĂ©rant les façades des contraintes structurelles, et permettant de vitrer entiĂšrement l’assise des deux pre- miers Ă©tages et de “faire la transparence” sur les angles. En vue de crĂ©er une unitĂ© dans le dĂ©sordre urbain environnant, les architectes se sont proposĂ© d’établir un dialogue avec le projet de Livio Vacchini. L’idĂ©e constructive de l’école d’architecture est ainsi reprise pour fonder une cohĂ©rence Ă  l’échelle du quartier. Les façades sont faites de grands panneaux de bĂ©ton blanc prĂ©fabriquĂ©s qui L’école d’ingĂ©nieurs rĂ©alisĂ©e par les archi- tectes Laurent et Emmanuelle Beaudouin, associĂ©s Ă  Lucien Colin, Dominique Henriet et Paul Morand, est situĂ©e Ă  proximitĂ© de l’école d’architecture de Livio Vacchini dans le quartier de la ZAC Stanislas-Meurthe Ă  Nancy, bordĂ©e par un pont qui franchit le canal de la Marne au Rhin. ComposĂ© d’un parallĂ©lĂ©pipĂšde simple dont le gabarit est donnĂ© par le plan d’urbanisme, calĂ© Ă  l’angle de la rue et du pont, l’édifice s’articule avec 19
  • 22. Nancy École d’ingĂ©nieurs❍ 20 Construction Moderne n° 94 utilisent un bĂ©ton lĂ©gĂšrement rosĂ© de la mĂȘme composition que celui de l’école d’architecture. Les modules horizontaux sont similaires Ă  ceux de l’école : de mĂȘme hauteur, 86 cm, mais de longueur diffĂ©rente, 5,92 m, ils correspondent Ă  la trame cons- tructive. Une modĂ©nature lĂ©gĂšrement diffĂ©- rente et un profil en pointe de diamant per- mettent de moduler la lumiĂšre de maniĂšre plus spĂ©cifique. Concernant la fabrication et la mise en Ɠuvre des panneaux, l’entreprise est la mĂȘme que pour l’école de Livio Vacchini. Les panneaux sont accrochĂ©s aux refends par l’intermĂ©diaire de corniĂšres bou- lonnĂ©es sur des consoles, et clavetĂ©s aux extrĂ©mitĂ©s : leur Ă©tanchĂ©itĂ© est assurĂ©e au niveau des joints par une goulotte encastrĂ©e permettant de rejeter l’eau Ă  l’extĂ©rieur. En cohĂ©rence Ă©galement avec le travail de l’architecte tessinois, le projet est fondĂ© sur un systĂšme de proportions issu du Modulor de Le Corbusier. Dans un mĂȘme souci de vĂ©ritĂ© constructive, la façade est formĂ©e d’une double Ă©paisseur de bĂ©ton qui permet d’obtenir une cohĂ©rence intĂ©rieure et extĂ©- rieure, et de rendre la structure aussi lisible que possible. Un volume insolite pour l’entrĂ©e En opposition avec la rigueur gĂ©omĂ©trique du projet, le pavillon polychrome de l’entrĂ©e apparaĂźt comme un objet insolite, qui dĂ©ve- loppe un langage formel et constructif trĂšs diffĂ©rent. Les voiles suspendus et les volumes flottants en porte-Ă -faux crĂ©ent un univers plastique plus libre, dans le but de dilater visuellement l’espace intersticiel entre les deux bĂątiments, et de rĂ©aliser une conti- nuitĂ© entre la rue et le canal par un jardin plantĂ©. Les parois du bĂątiment, construit en bĂ©ton coulĂ© en place, sont isolĂ©es par l’extĂ©- rieur Ă  l’aide d’un Ă©lĂ©ment en polystyrĂšne recouvert d’une rĂ©sine de fibre de verre et d’un enduit colorĂ©. La puretĂ© du volume principal, considĂ©rĂ©e comme “trĂšs difficile” selon les quatre schĂ©- mas de composition de Le Corbusier, cor- respond en mĂȘme temps Ă  une recherche personnelle dĂ©veloppĂ©e par les architectes et illustrĂ©e dans leurs derniers projets : la mĂ©diathĂšque de Poitiers ou bien la biblio- thĂšque universitaire de Belfort, en construc- tion actuellement. Cette rigueur gĂ©omĂ©- trique est naturellement compensĂ©e par un travail trĂšs riche sur l’espace intĂ©rieur, avec v Dans le pavillon de l’entrĂ©e, les voiles suspendus et les volumes flottants en porte- Ă -faux crĂ©ent un univers plastique oĂč l’espace se dilate. v Les panneaux prĂ©fabriquĂ©s utilisent un bĂ©ton lĂ©gĂšrement rosĂ© qui rappelle celui de l’école d’architecture voisine. x L’école d’ingĂ©nieurs de Nancy s’inscrit dans le droit fil des principes esthĂ©tiques de la mĂ©diathĂšque de Poitiers : puretĂ© et rigueur gĂ©omĂ©trique se lisent dĂ©jĂ  dans cette crĂ©ation rĂ©cente des architectes.
  • 23. des imbrications d’étages permettant de dilater les piĂšces, malgrĂ© un programme trĂšs serrĂ© dans le gabarit imposĂ©. Le rez-de- chaussĂ©e est un espace d’accueil continu autour des deux amphithĂ©Ăątres, avec une cafĂ©tĂ©ria donnant sur le jardin cĂŽtĂ© canal et un espace de rencontre double hauteur cĂŽtĂ© rue. Les deux amphithĂ©Ăątres peuvent ĂȘtre rĂ©unis en supprimant la cloison centrale ; leur niveau le plus bas vient s’encastrer dans la hauteur du parc de stationnement souter- rain. Les deux premiers Ă©tages contiennent les salles de cours desservies par une circula- tion centrale. Les deux derniers accueillent les bureaux des chercheurs, de l’administra- tion, et le centre de documentation. Ils se rĂ©partissent autour d’un vide central Ă©clairĂ© zĂ©nithalement, occupĂ© par un escalier trapĂ©- zoĂŻdal monumental Ă  la façon de l’escalier de la villa Malaparte d’Adalberto Libera, qui aboutit sur une terrasse extĂ©rieure orientĂ©e Ă  l’ouest sur le canal. L’espace de la biblio- thĂšque, Ă©galement orientĂ©e vers le canal, se dĂ©veloppe verticalement le long de la façade par un espace en triple hauteur : ses rĂ©serves sont glissĂ©es sous l’escalier du hall central. Le toit-terrasse, accessible depuis le dernier niveau, poursuit le thĂšme de la promenade architecturale vers le ciel. La modulation de la lumiĂšre est une prĂ©oc- cupation chĂšre aux architectes. Chaque espace intĂ©rieur est systĂ©matiquement Ă©clairĂ© de maniĂšre naturelle, parfois indirectement, comme les espaces de distribution des salles de cours Ă  travers les cloisons de briques de verre, ou bien zĂ©nithalement, par des canons Ă  lumiĂšre pour les deux derniers niveaux. OrientĂ©s Ă  l’est ou Ă  l’ouest, ces puits de jour 21 v Le rez-de-chaussĂ©e est un espace d’accueil continu organisĂ© autour des deux amphithĂ©Ăątres. v Le travail en coupe agrandit l’espace des piĂšces et enrichit le jeu de la lumiĂšre naturelle. suspendus, colorĂ©s de rouge et de jaune, renforcent les effets du soleil de Nancy et donnent une dimension abstraite Ă  la lumiĂšre intĂ©rieure. L’éclairage de la biblio- thĂšque Ă  l’ouest est Ă©galement modulĂ© par un systĂšme de brise-soleil en verre sĂ©rigra- phiĂ©, dont les lames sont orientĂ©es diffĂ©rem- ment sur trois registres, pour alternative- ment protĂ©ger du soleil ou bien faire pĂ©nĂ©trer la lumiĂšre jusqu’au fond de la salle. Un systĂšme lĂ©gĂšrement diffĂ©rent sur la façade sud permet de faire pivoter Ă©lectri- quement les lames selon les besoins. Dans cette architecture, chaque Ă©lĂ©ment est empreint d’une rigueur de pensĂ©e qui pro- longe la clartĂ© des choix constructifs, pour- suivant ainsi une expĂ©rience qui s’enrichit d’un projet Ă  l’autre. NATHALIE RÉGNIER s q Ici, chaque Ă©lĂ©ment est le reflet d’une grande rigueur de pensĂ©e
  • 24. de solutions mixtes. En effet, pour la mĂ©diathĂšque de Poi- tiers, comme pour le musĂ©e des Beaux-Arts que nous construi- sons actuellement Ă  Nancy, certaines parties sont coulĂ©es en place, et d’autres, comme certaines poutres, pour des raisons de simplification tech- nique, sont prĂ©fabriquĂ©es sur le site. Une fois mises en place, il est trĂšs difficile de faire la dif- fĂ©rence. De ce point de vue, cela ne change rien Ă  l’architec- ture. La continuitĂ© de la struc- ture et de la matiĂšre est prĂ©ser- vĂ©e. Par contre, l’utilisation de panneaux de bĂ©ton prĂ©fabri- quĂ©s impose une conception architecturale immĂ©diatement liĂ©e Ă  la matiĂšre ; le projet se compose mentalement avec une certaine logique structurelle, et une rigueur des trames construc- tives. L’emploi de panneaux en façade entraĂźne une organi- sation des espaces intĂ©rieurs et une position des ouvertures liĂ©es Ă  la dimension du panneau. En mĂȘme temps, la proportion horizontale des panneaux per- met de troubler la comprĂ©hen- sion des niveaux depuis l’extĂ©- rieur, et de rendre unitaire, par leur Ă©chelle, un bĂątiment dont la coupe est trĂšs complexe. C. M. : Ce bĂątiment semble ĂȘtre une dĂ©monstration technique et plastique de ce que l’on peut faire avec diffĂ©rents matĂ©riaux : le bĂ©ton, le verre, la pierre, etc. Attribuez-vous un rĂŽle spĂ©ci- fique Ă  chaque matĂ©riau ? L. B. : Je n’aime pas l’idĂ©e qu’un Ă©difice fasse Ă©talage de ses matĂ©riaux, comme s’il s’agissait d’un salon du bĂąti- ment. Nous essayons toujours d’utiliser les matĂ©riaux dans une certaine continuitĂ©. Deux matĂ©- riaux pour une façade, c’est dĂ©jĂ  beaucoup. Pour l’École du gĂ©nie des systĂšmes industriels, la grande force gĂ©omĂ©trique du volume prismatique est soulignĂ©e par l’utilisation des panneaux de bĂ©ton blanc. Le verre n’est pas traitĂ© comme une matiĂšre en soi. Seule alternative au bĂ©ton, la pierre bleue du Hainault fait socle dans le prolongement du sol, pour ancrer par un matĂ©riau plus “rural” le bĂątiment Ă  la terre. Entretien avec Laurent Beaudouin, architecte de l’école d’ingĂ©nieurs de Nancy 22 Construction Moderne n° 94 Nancy École d’ingĂ©nieurs❍ dĂ©jĂ  construits. Nous avons choisi de faire du travail de Livio Vacchini pour l’école d’architec- ture un thĂšme qui serait dĂ©ve- loppĂ© dans d’autres construc- tions. Malheureusement, tous les Ă©difices de la ZAC n’ont pas respectĂ© cette idĂ©e, qui risque finalement de passer inaperçue. C. M. : Compose-t-on diffĂ©rem- ment selon que l’on utilise du bĂ©ton prĂ©fabriquĂ© ou du bĂ©ton coulĂ© en place ? L. B. : L’impact du choix constructif est trĂšs visible dans ce projet : le volume prismatique est en bĂ©ton blanc prĂ©fabriquĂ©, le pavillon d’entrĂ©e aux volumes plus libres est en bĂ©ton coulĂ© en place. En rĂ©alitĂ©, la rĂ©ponse n’est pas si simple : lorsque l’on construit avec du bĂ©ton coulĂ© en place, il s’agit trĂšs souvent Construction Moderne : À quel moment, et comment le choix d’un matĂ©riau de construction intervient-il dans la conception d’un Ă©difice ? Laurent Beaudouin : Le choix du matĂ©riau prĂ©cĂšde presque le projet. C’est un peu comme, pour un cinĂ©aste, faire un film en ayant en tĂȘte l’acteur qui va le jouer. L’aspect du matĂ©riau, c’est ce qui va donner au bĂąti- ment son caractĂšre, comme Ă  un ĂȘtre humain. C’est donc un choix fait au dĂ©part. Par exemple, pour l’École du gĂ©nie des sys- tĂšmes industriels, l’emploi de panneaux de bĂ©ton prĂ©fabriquĂ© Ă©tait dĂ©cidĂ© dĂšs l’origine du pro- jet : Ă©tant donnĂ© la complexitĂ© gĂ©omĂ©trique du plan d’urba- nisme, il nous a semblĂ© nĂ©ces- saire de dĂ©velopper un minimum de cohĂ©rence avec les bĂątiments
  • 25. 23 À l’intĂ©rieur, le bois d’OkoumĂ© apporte une douceur qui com- pense la sĂ©vĂ©ritĂ© du dehors. Les menuiseries sont en acier, protĂ©gĂ©es Ă  l’extĂ©rieur par des capots en aluminium pour affir- mer la finesse des profils. C. M. : En quoi ces matĂ©riaux contribuent-ils Ă  rĂ©vĂ©ler les lumiĂšres architecturales ? La lumiĂšre est-elle un matĂ©riau d’architecture au mĂȘme titre que les autres matĂ©riaux ? L. B. : Nous avons voulu expĂ©rimenter, dans cette Ă©cole, ce que pouvait produire un matĂ©riau dont la surface, par des gĂ©omĂ©tries particuliĂšres, jouerait avec la lumiĂšre, Ă  la maniĂšre de l’architecture ancienne, comme cette Ă©glise Ă  Naples avec ses pierres taillĂ©es en pointe de diamant. La lumiĂšre de Nancy, brumeuse, plutĂŽt blanche, adoucit le jeu de facettes des panneaux de bĂ©ton, en attĂ©nuant les ombres. La lumiĂšre en tant que matĂ©riau d’architecture est un thĂšme que nous dĂ©veloppons Ă  travers nos projets, mais ce n’est pas un thĂšme qui se rapporte aux façades ; la lumiĂšre est un matĂ©riau de l’espace intĂ©rieur, auquel nous donnons des rĂŽles diffĂ©rents selon les usages. Les brise-soleil de la façade ouest sont utilisĂ©s pour obtenir une lumiĂšre diffuse, confortable, dans la bibliothĂšque. À l’inverse, les puits de jour de l’espace central de distribution trans- forment la lumiĂšre en une gĂ©o- mĂ©trie forte et colorĂ©e. C’est une maniĂšre d’humaniser la nature, par l’abstraction. Para- doxalement, l’abstraction est un phĂ©nomĂšne humain : c’est la capacitĂ© de l’esprit Ă  organiser les choses, pour rendre la nature comprĂ©hensible. Cette transformation de la lumiĂšre naturelle en une gĂ©omĂ©trie abstraite Ă  l’intĂ©rieur module la lumiĂšre du soleil comme celle d’un projecteur de cinĂ©ma. Le jaune du soleil de midi et le rouge du soleil couchant s’affrontent ou se combinent, selon l’endroit oĂč l’on se trouve, pour Ă©galer parfois la lumiĂšre extĂ©rieure. C. M. : Pour quelle raison certains Ă©lĂ©ments architec- toniques sont-ils rĂ©currents dans vos projets ? L. B. : Effectivement, certains thĂšmes de recherche sont dĂ©ve- loppĂ©s d’un projet Ă  l’autre, donnant l’impression que nous faisons toujours le mĂȘme bĂątiment : la modulation de la lumiĂšre, l’expression de la structure ou le parcours archi- tectural sont des thĂšmes permanents dans notre travail. Nous utilisons souvent les brise- soleil, par exemple. C’est une invention architecturale et plas- tique de Le Corbusier, qui a Ă©tĂ© reprise et transformĂ©e par d’autres architectes. Curieu- sement, cette invention est telle- ment marquĂ©e par le sceau de Le Corbusier que personne aujourd’hui n’ose l’utiliser. Pourtant, le brise-soleil est un Ă©lĂ©ment trĂšs fort d’un point de vue plastique, et en mĂȘme temps un objet utile pour l’archi- tecture : il permet d’amener la lumiĂšre dans un bĂątiment sans amener la chaleur. Nous l’avons d’abord utilisĂ© assez “littĂ©ra- lement”, en modifiant simple- ment la matiĂšre : Ă  Nancy, le verre sĂ©rigraphiĂ© filtrant a permis de transformer l’idĂ©e du brise- soleil, d’en faire un Ă©lĂ©ment utili- sable dans la lumiĂšre particu- liĂšre de nos rĂ©gions. En mĂȘme temps, le brise-soleil a la capacitĂ© d’assurer l’unitĂ© de la façade en la traitant comme une surface, comme un “nid d’abeilles”, et non comme un empilement. L’apport des artistes des annĂ©es soixante et de l’Op-Art Ă  ce sujet, avec leur travail sur la rĂ©pĂ©tition, sur la gĂ©omĂ©trie optique, est dĂ©termi- nant. La dimension plastique du brise-soleil permet de s’af- franchir des niveaux, de gĂ©rer la dimension d’un Ă©difice sans nuire Ă  son Ă©chelle. C’est une invention pour laquelle il reste encore Ă  inventer. Propos recueillis par Nathalie RĂ©gnier MAÎTRE D’OUVRAGE : DISTRICT URBAIN DE NANCY MAÎTRE D’OUVRAGE DÉLÉGUÉ : SOLOREM MAÎTRE D’ƒUVRE : L. ET E. BEAUDOUIN, ARCHITECTES MANDATAIRES, L. COLIN, D. HENRIET, P. MAURAND, ARCHITECTES ASSOCIÉS ENTREPRISE GROS ƒUVRE : PERTHUY
  • 26. VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e Innovations et environnement DESTINÉ À RELIER PARIS À MARSEILLE EN 3 HEURES DÈS LA FIN DE L’AN 2000, LE TGV MÉDITERRANÉE POSE AUSSI LES PREMIERS JALONS D’UNE LIAISON FERROVIAIRE RAPIDE VERS L’ESPAGNE, VIA NÎMES ET MONTPELLIER, ET VERS L’ITALIE. SES OUVRAGES D’ART, CÉLÈBRES AVANT MÊME LEUR MISE EN SERVICE POUR LEUR INSCRIPTION DANS LES PAYSAGES DE LA VALLÉE DU RHÔNE, DE LA PROVENCE ET DU LANGUEDOC, TOTALISENT PRÈS DU QUART DES 250 KM DE LIGNE. COUP D’ƒIL SUR LES PLUS DIGNES ET PRESTIGIEUX REPRÉSENTANTS DE CETTE FUSION ENTRE ARCHITECTURE ET GÉNIE CIVIL, OUVRAGES D’EXCEPTION POUR SITES À METTRE EN VALEUR. LE TGV MÉDITERRANÉE EN CHIFFRES ‱ 250 km de ligne. ‱ 3 000 km de variantes. ‱ 300 mesures pour la protection de l’environnement. ‱ 2 millions de plans cotĂ©s au millimĂštre. ‱ 5 000 procĂ©dures de travaux. ‱ 3 ans et demi de travaux. ‱ 508 ouvrages courants, dont 13 grands viaducs. ‱ 7 viaducs exceptionnels. ‱ 28 et 38 millions de mĂštres cubes de dĂ©blais et remblais. ‱ 1,5 million de mĂštres cubes de bĂ©ton. ‱ 600 000 tonnes de ciment. ‱ 24,2 milliards de francs, financĂ©s Ă  90 % par la SNCF et Ă  10 % par l’État. ‱ 57 000 emplois sur 5 ans pour 100 millions d’heures de travail. Solutions bĂ©ton 24 Construction Moderne n° 94 “Nous avons rĂ©volutionnĂ© nos processus d’étude en intĂ©grant les contraintes environ- nementales dĂšs le stade de l’avant-projet sommaire, explique Gilles Cartier, directeur du TGV MĂ©diterranĂ©e Ă  la SNCF. Ont Ă©tĂ© rassemblĂ©s autour d’une mĂȘme table des gĂ©ologues, des ingĂ©nieurs en gĂ©nie civil, des Il aura fallu une dizaine d’annĂ©es de ges- tation pour que le projet du TGV MĂ©diterra- nĂ©e prenne corps. Dix annĂ©es consacrĂ©es Ă  l’étude du tracĂ© et de ses 3 000 km de variantes, Ă  l’examen des contraintes gĂ©o- techniques et hydrauliques, Ă  l’analyse des enjeux Ă©conomiques et sociaux.
  • 27. paysagistes, des spĂ©cialistes de l’écologie... Auparavant, cette composante Ă©tait rappor- tĂ©e Ă  des Ă©tudes dĂ©jĂ  bien avancĂ©es. Jamais la SNCF n’était allĂ©e aussi loin.” Cette volontĂ© trĂšs forte d’insĂ©rer la ligne au sein d’une rĂ©gion renommĂ©e pour sa beautĂ© n’est sans doute pas Ă©trangĂšre Ă  la forte mobilisation des rĂ©sidants opposĂ©s au pro- jet. “C’est paradoxal, mais nous avons peut- ĂȘtre pĂ©chĂ© par excĂšs de transparence lors des opĂ©rations de consultation publique, explique le responsable de la communica- tion Michel Pronost. En proposant 3 000 km de variantes, nous avons aussi crĂ©Ă© 3 000 km d’inquiĂ©tude...” L’étude paysagĂšre a d’ailleurs passĂ© au crible toutes les communes, l’une aprĂšs l’autre, sur une largeur de 150 m de part et d’autre de la ligne ! pleinement Ă  cette rĂ©flexion paysagiste... L’architecture, mais aussi l’environnement, intĂšgrent profondĂ©ment les spĂ©cificitĂ©s cli- matiques, la protection contre le soleil et le vent Ă©tant parachevĂ©e par des alignements de platanes et autres espĂšces tels que le pin ou le cyprĂšs (gares d’Arbois, d’Avignon et de Valence). La mission de la SNCF comprend une dimension d’amĂ©nagement du territoire Ă  part entiĂšre, en anticipant par exemple les modifications du rĂ©seau routier, ou en orga- nisant la recomposition du tissu parcellaire. Il en est de mĂȘme en matiĂšre d’environne- ment. Citons l’exemple des nombreuses anciennes carriĂšres situĂ©es aux environs de la ligne, qui seront comblĂ©es avec les dĂ©blais des chantiers, puis revĂ©gĂ©talisĂ©es. La SNCF finance par ailleurs la plantation d’un mil- lion d’arbres sur 3 ans pour les abords du tracĂ©, et a chargĂ© l’Office national des forĂȘts d’une mission globale visant Ă  limiter l’im- pact du TGV sur la nature, et notamment Ă  minimiser les risques d’incendie. En matiĂšre de prĂ©servation de la faune, enfin, la SNCF a prĂ©vu de nombreux pas- 25 MontĂ©limar VERS LYON Pierrelatte Orange Avignon Aix-en- Provence NĂźmes Marseille Valence Arles 1 2 4 bis 6 8 7 9 10 13 14 12 25 22 20 16 17 19 11 15 5 7 bis 12bis 3 4 11 18 21 23 Mer MĂ©diterranĂ©e RhĂŽne 3 ‱ Viaduc de la Grenette (947 m) 4 ‱ Tunnel de Tartaiguille (2 430 m) 11 ‱ Viaducs sur le RhĂŽne (2 x 1 500 m) 18 ‱ Viaduc de VernĂšgues (1 210 m) 21 ‱ Viaduc de Ventabren (1 730 m) 23 ‱ Ouvrages souterrains d’arrivĂ©e sur Marseille (7 834 m) Un travail considĂ©rable sur les paysages ConfiĂ© par la SNCF Ă  Didier Courtemanche, paysagiste renommĂ©, le schĂ©ma directeur paysager du tracĂ© a Ă©tĂ© Ă©tabli en prenant en compte l’histoire des lieux, la population, la composition des sites (prĂ©sence de gar- rigues, de coteaux ou de plaines) et les tech- niques agricoles locales (cultures en terrasses, protection des cultures maraĂźchĂšres du mis- tral par des haies...). Cette Ă©tude gĂ©nĂ©rale a dĂ©bouchĂ© sur la sĂ©lection de 10 paysagistes locaux, choisis en particulier pour leur capa- citĂ© Ă  nouer le dialogue avec les riverains et les Ă©lus. L’intervention de SĂ©bastien Giorgis Ă  Tavel, oĂč la ligne sort d’un massif en tra- versant d’anciennes cultures en terrasses, prĂ©voit par exemple de modeler Ă  l’iden- tique le remblai supportant les voies, mĂȘlant ainsi vĂ©gĂ©tation locale et pierres sĂšches. L’implantation et la conception des gares du TGV MĂ©diterranĂ©e sont le fruit de rĂ©flexions visant Ă  faciliter les interconnexions entre les dessertes routiĂšres et les lignes Ă  grande vitesse et les lignes rĂ©gionales. Elles participent v La SNCF a rĂ©alisĂ© de nombreuses consultations avec les riverains pour intĂ©grer ce vaste chantier dans l’environnement.
  • 28. 26 Construction Moderne n° 94 abaisser de moitiĂ© le niveau acoustique au niveau des zones habitĂ©es (rĂ©duction de 65 Ă  62 dB[A])”, souligne Michel Roujon, respon- sable du service GĂ©nie civil. D’oĂč ces Ă©crans sur les ouvrages, ces murs et ces merlons paysagers en section courante. Les riverains sont mĂȘme assurĂ©s que les nuisances sono- res diminueront, avec la mise en circulation future de trains plus silencieux (60 dB[A] Ă  terme). “La loi sur le bruit, au mĂȘme titre que la loi sur l’eau, a dĂ» ĂȘtre intĂ©grĂ©e au cours du projet, celui-ci ayant dĂ©butĂ© avant leur entrĂ©e en vigueur”, ajoute Michel Roujon. En obligeant Ă  limiter Ă  seulement 5 cm l’élĂ©vation des eaux dans le lit des cours d’eau mais aussi toute zone inondable, l’ap- plication de la loi sur l’eau a entraĂźnĂ© une forte augmentation du nombre d’ouvrages Ă  VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e❏ Long de 947 m et constituĂ© de travĂ©es de 41 Ă  53 m, ce premier grand ouvrage du nord de la ligne franchit un profond talweg, qui porte la hauteur maximale des piles Ă  60 m. Les piles, d’une grande densitĂ© de ferrail- lage pour rĂ©sister au flambement (135 kg/m3 ), sont constituĂ©es d’une partie trapĂ©zoĂŻdale en bĂ©ton teintĂ© en ocre dans la masse et sablĂ©, surmontĂ©e d’une partie oblongue en bĂ©ton gris. Le tablier en bĂ©ton prĂ©contraint est poussĂ© au fur et Ă  mesure que sont fabriquĂ©s les caissons. “Les conditions gĂ©o- logiques se sont avĂ©rĂ©es trĂšs pĂ©nalisantes, entraĂźnant un retard de 4 mois et demi sur le Viaduc de la Grenette : grande hauteur et fondations hors normes planning, explique Didier Thierry, chef de district Ă  la SNCF. Failles et zones man- quant de portance ont conduit Ă  surdimen- sionner les appuis.” TĂ©moin la pile 16, pour laquelle Ă©taient envisagĂ©es des fondations superficielles de 2,50 m de haut et qui a nĂ©cessitĂ© la rĂ©alisation de 12 pieux de 32 m de profondeur et de 2 m de diamĂštre ! Architecte : Jean-François Blassel / Concepteur : Michel Virlogeux / Entreprises : Quillery et Cie – RoziĂšre TP – SERF – Armature SA – Presspali France – Spie Batignolles TP Calcaire Stampien supĂ©rieur Argiles marneuses Stampien infĂ©rieur GrĂšs de l’Albien Marnes de l’Aptien Viaduc de la Grenette Tunnel de Tartaiguille Talweg du Lombard sages souterrains pour petits et grands animaux, l’amĂ©nagement de talus, de haies et de zones de gagnage (champs de blĂ©, de luzerne) pour entretenir la vie animale. Mais le fait le plus marquant dans ce domaine reste l’interruption des travaux pendant la pĂ©riode de nidification de l’aigle de Bonelli, une espĂšce menacĂ©e et protĂ©gĂ©e ! Nouvelle donne rĂ©glementaire L’évolution de la rĂ©glementation, telle la loi sur le bruit, a rendu la tĂąche de la SNCF trĂšs complexe. “Une Ă©tude de la totalitĂ© du par- cours, menĂ©e Ă  l’aide d’un logiciel de simula- tion acoustique adaptĂ© aux applications fer- roviaires, nous a amenĂ©s Ă  prĂ©voir 80 km de protection phonique supplĂ©mentaires pour des endroits oĂč un simple remblai aurait suffi, en particulier sur les grands franchisse- ments (vallĂ©es du RhĂŽne, de la Durance
). “L’écartement des piles des viaducs a Ă©gale- ment Ă©tĂ© augmentĂ©â€, prĂ©cise le responsable. Consultation d’architectes La conception de 7 viaducs, classĂ©s ouvrages exceptionnels – il s’en construit au plus une dizaine chaque annĂ©e en France –, a Ă©troite- ment associĂ© architectes, paysagistes et ingĂ©- nieurs. Suite Ă  un appel Ă  candidature auquel ont rĂ©pondu 75 cabinets d’archi- tectes, une commission associant la direc- tion de l’Architecture et de l’Urbanisme, les directions rĂ©gionales de l’Environnement, les architectes des BĂątiments de France et les
  • 29. maires des communes traversĂ©es, a rĂ©alisĂ© une sĂ©lection des projets. Un atelier d’archi- tecture regroupant les cabinets AmĂ©dĂ©o, Duval, Urb’ain (Giger) et Lavigne a permis de dĂ©finir les principes d’une vĂ©ritable “image de ligne” depuis Valence jusqu’à Marseille et Montpellier, tout en adaptant chaque ouvrage au site traversĂ©. En optant pour un systĂšme de consultation plutĂŽt que de concours, la SNCF a pu s’as- socier Ă  un ou plusieurs architectes dĂšs la phase de l’avant-projet sommaire. “Quand la technique permettait de mettre en compĂ©ti- tion ouvrages en bĂ©ton et ouvrages mixtes, nous l’avons fait, reprend Michel Roujon. En gĂ©nĂ©ral, le bĂ©ton s’est rĂ©vĂ©lĂ© technique- ment et Ă©conomiquement plus adaptĂ© Ă  la rĂ©alisation d’ouvrages de grande taille.” L’articulation des compĂ©tences a donnĂ© prioritĂ© aux architectes. Aux ingĂ©nieurs, ensuite, de rendre ces solutions construc- tibles. Une mission d’autant plus difficile 27 Tunnel de Tartaiguille : un terrain hĂ©tĂ©rogĂšne SituĂ© dans le prolongement du viaduc de la Grenette, ce tunnel d’une longueur de 2 430 m passe sous le col de Tartaiguille. La pĂ©nĂ©tration dans une couche d’argile a nĂ©cessitĂ© de modifier radicalement la mĂ©thode d’excavation, aprĂšs avoir pro- gressĂ© par demi-sections sur 1 500 m. “La forte pression du terrain entraĂźnait des convergences de 40 cm qui n’étaient pas acceptables, explique Jean-Marc Estre, chef de section Ă  la SNCF. Nous excavons dorĂ©navant par sections com- plĂštes, selon la mĂ©thode de Lunardi. Cette technique nouvelle, donc extrĂȘmement difficile Ă  maĂźtriser, consiste Ă  consolider le front de taille avant terrassement Ă  la pelle hydraulique par des boulons en fibres de verre de 24 m de long. La pose des cintres de soutĂšnement de la voĂ»te, l’application du bĂ©ton projetĂ© armĂ© de fibres mĂ©talliques et destinĂ© Ă  stabiliser provisoirement le terrain, sont inchan- gĂ©es. Viennent ensuite la construction du radier et de la voĂ»te en bĂ©ton armĂ©.” Le tunnel, attaquĂ© par ses deux extrĂ©mi- tĂ©s, prĂ©sente une section intĂ©rieure de 100 m2 (soit 180 m2 excavĂ©s) pour per- mettre le croisement sans risque de deux TGV lancĂ©s Ă  300 km/h. La coque en bĂ©ton de 50 Ă  80 cm d’épaisseur, protĂ©gĂ©e par une membrane d’étan- chĂ©itĂ©, est Ă©difiĂ©e Ă  l’aide d’un coffrage glissant et ne doit prĂ©senter aucun dĂ©faut d’aspect... mĂȘme si personne ne pourra jamais les remarquer ! Entreprises : Quillery – Demathieu & Bard que les donnĂ©es topographiques, en impo- sant des portĂ©es et des hauteurs de piles plus importantes que sur les TGV prĂ©cĂ©- dents, ont demandĂ© de recourir Ă  des solu- tions technologiques trĂšs pointues, encore jamais appliquĂ©es sur des ponts ferroviaires. Un cahier des charges trĂšs contraignant RĂ©sister aux efforts engendrĂ©s par deux TGV qui se croisent, l’un en pleine accĂ©lĂ©ration, l’autre en plein freinage, par un vent de 200 km/h et le tout pendant un tremble- ment de terre, voilĂ , briĂšvement rĂ©sumĂ©es, les contraintes que doivent supporter les viaducs du TGV MĂ©diterranĂ©e. Solution : une grande inertie des structures, un ancrage des piles sur des massifs de fondation impo- sants, une solidarisation du tablier aux appuis pour Ă©viter qu’il ne se soulĂšve, la rĂ©a- lisation de butĂ©es dans le sens transversal ou encore la pose d’amortisseurs au niveau des culĂ©es, disposition qui vise Ă  obtenir une sĂ©curitĂ© supplĂ©mentaire vis-Ă -vis de la fissu- ration des appuis. v Les viaducs du TGV MĂ©diterranĂ©e doivent rĂ©sister Ă  des contraintes mĂ©caniques statiques et dynamiques exceptionnelles.
  • 30. 28 Construction Moderne n° 94 VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e❏ DestinĂ© au franchissement de la vallĂ©e de Cazan, dans les Bouches-du-RhĂŽne, ce viaduc de 1 210 m doit son originalitĂ© Ă  un tablier de type multicaisson en bĂ©ton prĂ©contraint de section semi-cylin- drique, dont la hauteur dĂ©croĂźt de 5,25 m Ă  1,50 m au fur et Ă  mesure que l’on se rapproche des extrĂ©mitĂ©s, la courbure basse Ă©tant progressivement tronquĂ©e. Construit par encorbellement au centre et par poussage aux extrĂ©mitĂ©s, moyen- nant des systĂšmes de retenue par cĂąbles du fait de la dĂ©clivitĂ© du tracĂ©, ce tablier repose sur des piles simple ou double fĂ»t de forme variable, qui s’espacent lors- que la hauteur augmente. Ainsi, la portĂ©e va de 80 m au centre Ă  15 m en rive. L’ensemble de ces dispositions rĂ©sulte d’un compromis entre la volontĂ© de finesse de l’architecte et les contraintes de rĂ©sistance et de dĂ©formabilitĂ©. “Le chantier s’est donc rĂ©vĂ©lĂ© trĂšs technique du fait de l’ajustement permanent des coffrages spĂ©ciaux, variables en tous Viaduc de VernĂšgues : le plus complexe Coupe transversale sur tablier poussĂ© Coupe transversale sur tablier en encorbellement sens, chaque partie d’ouvrage Ă©tant unique”, assure HervĂ© Derambure, chef de district Ă  la SNCF. Avec comme autres contraintes l’obtention d’un pare- ment exempt de toute imperfection sur les voussoirs, et la nĂ©cessitĂ© de dĂ©coffrer rapidement pour suivre le rythme du chantier (23 mois de travaux). “La sec- tion courbe et la finesse des parois ont demandĂ© la combinaison d’une vibration externe, appliquĂ©e sur les parois des cof- frages, et d’une vibration interne Ă  l’aide d’une aiguille, conclut le responsable. La finition sera parachevĂ©e par un lĂ©ger sablage de la totalitĂ© de l’édifice.” Architecte : Alain AmĂ©dĂ©o / Entreprises : Dodin Sud – Sogea SA – Sogea Sud-Est Soulignons aussi que la SNCF est le premier maĂźtre d’ouvrage Ă  mettre en application les derniers textes rĂ©glementaires dĂ©finissant les accĂ©lĂ©rations nominales Ă  prendre en compte en cas de sĂ©isme, qui interviennent dans le dimensionnement des piles. Un autre Ă©lĂ©ment dont il faut faire Ă©tat est la prise en compte des exigences liĂ©es Ă  la spĂ©- cificitĂ© ferroviaire. “Nos ponts-rail supportent 3 fois plus de charges et 10 fois plus d’ef- forts de freinage qu’un ouvrage routier, ainsi qu’une vitesse maximale de 350 km/h dans le cas du TGV, explique Christian Bousquet, chef de la division des grands ouvrages en bĂ©ton. La maĂźtrise des problĂšmes vibratoires et de dĂ©formation des tabliers impose des structures porteuses d’une trĂšs grande rigi- ditĂ©.” Les exigences de sĂ©curitĂ© demandent par exemple d’assurer en toutes circons- tances le maintien du contact roue-rail et l’absence de dĂ©consolidation du ballast malgrĂ© les amplifications dynamiques. Des solutions constructives exceptionnelles Pour rĂ©pondre Ă  ces contraintes nombreuses et exceptionnelles, la SNCF a dĂ» trouver le juste Ă©quilibre entre le recours Ă  des solu- tions expĂ©rimentales, limitĂ©es pour les ouvra- ges en bĂ©ton Ă  un petit nombre de rĂ©alisa- tions en bĂ©ton hautes performances B60 et B80 entre Orange et MontĂ©limar, qui s’inscri- vent dans le cadre du projet BHP 2000, et le respect d’impĂ©ratifs de durabilitĂ© et de sĂ©cu- ritĂ© trĂšs sĂ©vĂšres. Le caractĂšre innovant rĂ©side davantage dans l’adaptation Ă  des ouvrages de trĂšs grande taille de techniques pointues dĂ©jĂ  validĂ©es en France ou Ă  l’étranger : prĂ©contrainte extĂ©rieure, prĂ©fabrication, rotation de flĂ©aux, sĂ©paration de tabliers par joint canti- lever, utilisation de bĂ©ton blanc, excavation de tunnel en pleine section...
  • 31. Un bĂ©ton clair, proche du calcaire des mas- sifs rocheux de la rĂ©gion, a Ă©tĂ© utilisĂ© pour le plus grand viaduc de la ligne nouvelle (1 730 m). ÉdifiĂ© sur deux culĂ©es et 36 piles creuses de section hexagonale s’évasant en partie haute, le tablier se dĂ©compose en deux sections poussĂ©es nord et sud de 1 172 m et 358 m Ă  base de travĂ©es de 30 Ă  45 m, la portion intermĂ©diaire Ă©tant rĂ©alisĂ©e par encorbellement afin d’obtenir la portĂ©e de 100 m nĂ©cessaire au franchissement de l’autoroute A8. Viaduc de Ventabren : une spectaculaire rotation de flĂ©aux On retiendra le chiffre de 33 000 tonnes, correspondant au poids du tablier nord qui a Ă©tĂ© poussĂ©, mais surtout la technique de construction des flĂ©aux enjambant l’A8 Ă  40 m de hauteur : “Pour des raisons de sĂ©curitĂ©, il n’était pas possible de travailler au-dessus des voies, explique Adrien Coul- let, chef de district Ă  la SNCF. Les deux flĂ©aux ont donc Ă©tĂ© construits parallĂšlement Ă  l’autoroute, pour ĂȘtre ensuite pivotĂ©s de 28°, puis basculĂ©s de 1,7 et 2 % afin de les ramener Ă  leur position dĂ©finitive.” Un sou- venir inoubliable pour les intervenants, mais aussi pour la foule de spectateurs venue assister Ă  une premiĂšre mondiale, ce prin- cipe n’ayant encore jamais Ă©tĂ© appliquĂ© Ă  des flĂ©aux d’un tel poids (3 600 tonnes). RĂ©alisĂ©es de nuit pour minimiser la gĂȘne occasionnĂ©e par l’interruption du trafic, les rotations ont Ă©tĂ© menĂ©es en quelques heures grĂące Ă  l’association d’un axe mĂ©tal- lique de 20 cm de diamĂštre et de 4 appuis Inox-TĂ©flon (faible coefficient de frottement) reprenant les charges, dont l’un Ă©tait Ă©quipĂ© d’un vĂ©rin Ă  des fins d’équilibrage. Les efforts, recueillis par des capteurs de pres- sion, Ă©taient analysĂ©s en permanence par un micro-ordinateur. “Le flĂ©au a Ă©tĂ© mis en mouvement par traction sur un cĂąble fixĂ© Ă  une extrĂ©mitĂ©, conclut l’ingĂ©nieur. L’intelli- gence des entreprises a Ă©tĂ© de privilĂ©gier une mĂ©thode simple dans son principe, et donc plus facile Ă  maĂźtriser.” Architecte : Charles Lavigne / Entreprises : Campenon Bernard SGE – Campenon Ber- nard Sud – Spie Batignolles TP – Spie Citra Sud-Est Construction des flĂ©aux parallĂšlement Ă  l’autoroute Rotation du premier flĂ©au (circulation amĂ©nagĂ©e) Rotation du second flĂ©au (circulation amĂ©nagĂ©e) Route dĂ©partementale Autoroute Coupe transversale type pont poussĂ© (travĂ©e de 67 m) Coupe transversale type pont Ă  hauteur variable (travĂ©e de 100 m) 3,75 m 8,50 m 4,55 m (Sur pile) (En travĂ©e) 29
  • 32. 30 Construction Moderne n° 94 Le plus long tunnel français est en fait une succession de 4 ouvrages, dont 2 tranchĂ©es couvertes, qui totalisent 7 834 m. Pour res- pecter le planning de 33 mois, les entre- prises ont mis en place 6 fronts d’attaque simultanĂ©s Ă  partir de 3 puits d’accĂšs (pas d’attaque Ă  l’air libre). La mĂ©thode d’exca- vation est classique (progression par demi- sections, soutĂšnement par cintres et bĂ©ton projetĂ©, renfort du front de taille par boulon- nage). “La technique de la voĂ»te parapluie, qui consiste Ă  injecter du bĂ©ton sur 12 Ă  15 m VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©e❏ UtilisĂ©e depuis 10 ans sur des ponts-routes, la technique de la prĂ©contrainte extĂ©rieure, oĂč les cĂąbles restent dissociĂ©s de l’ñme des caissons afin d’en faciliter la maintenance, a ainsi Ă©tĂ© employĂ©e pour la premiĂšre fois par la SNCF. “Les voussoirs restent tradition- nellement assemblĂ©s par prĂ©contrainte intĂ©- rieure lors du poussage du tablier, dĂ©taille Christian Bousquet. La prĂ©contrainte extĂ©- rieure de continuitĂ© reprend quant Ă  elle les efforts engendrĂ©s par les superstructures (ballast, Ă©quipements, etc.) et par le passage des trains.” Si cette technique a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  tous les viaducs, elle n’a en revanche Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă  des voussoirs prĂ©fabriquĂ©s que sur le double viaduc d’Avignon, ouvrage en bĂ©ton blanc sans prĂ©cĂ©dent, siĂšge de nombreuses inno- vations. “Ce viaduc cumule les particulari- tĂ©s, souligne Marc Jerram, le spĂ©cialiste du bĂ©ton et de l’étanchĂ©itĂ© Ă  la SNCF. Certaines piles ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es avec un bĂ©ton com- posĂ© pour tenir compte du risque de corro- sion. Elles ont dĂ» ĂȘtre prĂ©contraintes pour obtenir la rĂ©sistance dĂ©sirĂ©e, une disposition trĂšs rarement utilisĂ©e sur des piles.” TraversĂ©e souterraine entre CabriĂšs et Marseille : grande longueur et attaque par puits de profondeur au-dessus du noyau Ă  exca- ver, a permis d’avancer dans les terrains les plus instables, explique Dominique Settini, chef de section Ă  la SNCF. Certaines parties ont Ă©tĂ© faites en pleine section Ă  l’explosif, avec l’aide d’un robot de forage offrant un rendement de 150 trous Ă  l’heure.” La longueur de l’ouvrage a obligĂ© les entre- prises Ă  pomper les bĂ©tons depuis la sur- face jusqu’au front de taille sur des dis- tances considĂ©rables (jusqu’à 2 km). La difficultĂ© ? La mise au point de formulations trĂšs Ă©laborĂ©es devant Ă  la fois garantir une excellente fluiditĂ©, nĂ©cessaire au pompage, et offrir la rapiditĂ© de prise nĂ©cessaire au soutĂšnement du terrain et Ă  l’avancement des travaux. Entreprises : Spie Batignolles – Borie SAE – Guintoli – Fougerolle – Fougerolle Ballot – Campenon Bernard SGE – Campenon Ber- nard Sud – Razel – Pico – Bachy DurabilitĂ© et qualitĂ© La durĂ©e de vie de 100 ans imposĂ©e par le cahier des charges s’est traduite – entre autres – par l’emploi de granulats non rĂ©ac- tifs pour la composition des bĂ©tons, qui appartiennent tous Ă  la classe de prĂ©vention C vis-Ă -vis de l’alcali-rĂ©action. Les exigences de rĂ©sistance et de qualitĂ© d’aspect ont amenĂ© les entreprises Ă  utiliser une large palette de bĂ©tons (B28, B32, B44, B52), for- mulĂ©s Ă  base de ciment blanc ou gris de type CPA-CEM I, CPJ-CEM II ou CHF-CEM IV
  • 33. (certains ont Ă©tĂ© fournis spĂ©cialement par les producteurs), ainsi que des colorants. “Globa- lement, le TGV MĂ©diterranĂ©e fait appel Ă  des bĂ©tons de plus haute rĂ©sistance que les B35 ou B40 utilisĂ©s sur les lignes prĂ©cĂ©dentes”, prĂ©cise Marc Jerram. La SNCF a mis en place sur ce projet un programme d’assurance qualitĂ© novateur et complet, allant des Ă©tudes Ă  la rĂ©alisation en passant par l’organisation du chantier, et qui a mĂȘme incitĂ© certaines 31 de 5 Ă  8 m) employĂ©s sur les travĂ©es de 100 m, qui sont destinĂ©es Ă  espacer les appuis dans le fleuve. “Ces Ă©lĂ©ments de 145 t sont positionnĂ©s Ă  l’aide d’une poutre treillis de lancement de 233 m, reposant sur la partie du viaduc existante et la pile sui- vante le temps nĂ©cessaire Ă  l’assemblage par prĂ©contrainte”, ajoute le responsable. Les deux viaducs sont exceptionnels Ă  plu- sieurs titres : l’échelle (premiers ouvrages de cette taille en bĂ©ton blanc prĂ©fabriquĂ© avec prĂ©contrainte extĂ©rieure), la prĂ©sence d’un joint de tablier Ă  appui glissant situĂ© entre les piles (articulation cantilever) et l’utilisa- tion d’un BHP de type B52. Et ce, en main- tenant constamment une qualitĂ© de rĂ©alisa- tion “haut de gamme” qui fait de ces viaducs de prestige de vĂ©ritables rĂ©fĂ©rences. Deux ouvrages parallĂšles en bĂ©ton de ciment blanc, distants de 45 m et d’une lon- gueur de 1500 m, permettront aux lignes Marseille-Paris et Marseille-NĂźmes de fran- chir le RhĂŽne en Avignon. Des dĂ©lais de rĂ©a- lisation serrĂ©s (30 mois au total) ont amenĂ© les entreprises Ă  prĂ©fabriquer sur place les quelque 838 voussoirs, transformant pour l’occasion l’aire de la Courtine, situĂ©e sur la rive gauche, en une gigantesque usine Ă  ciel ouvert (15 ha). Au total, 120 000 m3 de bĂ©ton seront sortis des 4 centrales Ă  bĂ©ton mobilisĂ©es sur le chantier, dont 38 000 m3 pour la prĂ©fabrica- tion. Les piles, constituĂ©es de fĂ»ts tronco- niques creux de 12 Ă  47 m de hauteur, sont coulĂ©es en place. “Elles sont formulĂ©es avec un ciment de type CHF-CEM IV pour obtenir la rĂ©sistance requise aux agressions du ter- rain, dĂ©taille Gilbert Lucotte, chef de section Ă  la SNCF. L’adjonction de granulats calcaires a permis d’obtenir une teinte claire. Le tablier est rĂ©alisĂ© en bĂ©ton blanc (de type CPA-CEM I).” Il y a de quoi ĂȘtre impressionnĂ© par les plus grands voussoirs Ă  inertie variable (hauteur : Double viaduc d’Avignon : bĂ©ton blanc haut de gamme en grande sĂ©rie Voussoirs d’articulation - Viaduc d’Avignon entreprises Ă  s’engager sur la voie de la certi- fication. Ce niveau d’exigence explique celui des prestations offertes. MalgrĂ© des impĂ©ra- tifs de planning (3 ans et demi de travaux au total) et des contraintes mĂ©thodologiques et budgĂ©taires hors du commun, aucun dĂ©pas- sement financier n’a Ă©tĂ© constatĂ©. Consciente de l’importance de la fiabilitĂ© du dĂ©lai de production et de la qualitĂ© des Ă©tudes, la SNCF a mĂȘme choisi pour les terrassements et les 508 ouvrages courants de fournir trĂšs en amont les documents d’exĂ©cution aux entreprises, Ă©laborĂ©s par des bureaux d’études sous contrat direct avec la SNCF, et d’en assurer elle-mĂȘme le contrĂŽle technique ! “L’addition des contraintes et du nombre des ouvrages fait du projet du TGV MĂ©diter- ranĂ©e un vĂ©ritable exploit, conclut Christian Bousquet. La tĂąche a Ă©tĂ© difficile, mais ĂŽ combien passionnante !” JEAN-PHILIPPE BONDY s Architecte : Jean-François Blassel / Concepteur : Michel Virlogeux / Entreprises : Bouygues – GTM Construction – Bouygues Off Shore – DTP Terrassement Intrafor SchĂ©ma de principe d’une pile Nota : suivant la nature du sol en place, la pile s’appuie soit sur une fondation superficielle (semelle), soit sur des fondations profondes ou semi-profondes (semelle et pieux). Voussoir (bĂ©ton armĂ©) ChevĂȘtre (bĂ©ton armĂ©) FĂ»t de pile (bĂ©ton armĂ©) Semelle (bĂ©ton armĂ©) Pieux Piles Ă  terre Piles en riviĂšre Voussoir (bĂ©ton armĂ©) ChevĂȘtre (bĂ©ton armĂ©) Semelle (bĂ©ton armĂ©) Bouchon hydraulique BĂątardeaux en palplanches Parement extĂ©rieur ouvrage v Les tabliers Ă©lĂ©mentaires sont sĂ©parĂ©s par un joint cantilever. Les appareils de dilatation sont placĂ©s sur la partie porteuse (en console) de la travĂ©e concernĂ©e. Cette partie du tablier est bloquĂ©e longitudinalement par encastrement sur la pile la plus proche.
  • 34. 32 Construction Moderne n° 94 Saint-Selve Chais Du bĂ©ton sur mesure POUR SE FONDRE DANS LE PAYSAGE, LES CHAIS DE SAINT-SELVE ONT EU RECOURS À UNE ÉTONNANTE DIVERSITÉ DE PANNEAUX PRÉFABRIQUÉS EN BÉTON POLI. UN BÉTON AUX GRANULATS BIGARRÉS QUI VIENT ENCHÂSSER L’ÉDIFICE DANS L’ARRIÈRE-PLAN ILLUSTRE DU VIGNOBLE BORDELAIS. RĂ©alisation v Le bĂ©ton poli colorĂ© exprime ici, dans une construction monolithique, la matiĂšre de cette terre des Graves oĂč pousse la vigne. Certaines surfaces biseautĂ©es, creuses ou en saillie, ont Ă©tĂ© polies Ă  la main. hangars agricoles qui façonnent le paysage bordelais, cet Ă©difice, que le designer a choisi de voir d’abord comme un objet, tra- duit dans sa distribution la technicitĂ© des processus de fabrication d’un cĂ©page. Long et sobre, le bĂątiment aux murs de bĂ©ton rosĂ© s’enracine dans le prĂ©cieux vignoble en jouant avec la lumiĂšre, le relief et les ombres. Les couleurs des Graves AdaptĂ© Ă  l’échelle du site, l’édifice se laisse dĂ©couvrir depuis la route. LatĂ©ral Ă  l’axe du domaine, dans la terre caillouteuse des Graves, il frĂŽle les derniers rangs de vigne. Le brisis se rĂ©vĂšle en premier, puis les murs colorĂ©s qui se fondent dans un paysage sou- vent embrumĂ©. La terre est brune, les bran- chages, terre de Sienne. Pour s’adapter Ă  l’environnement, les teintes des panneaux prĂ©fabriquĂ©s en bĂ©ton poli, qui servent d’élĂ©- ments de parement, ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es soi- gneusement avec l’entreprise Delta prĂ©fabri- cation. ComplĂ©tĂ© par des adjuvants destinĂ©s Ă  augmenter sa compacitĂ© et Ă  Ă©liminer les microfissurations, le bĂ©ton se compose d’une douzaine d’élĂ©ments diffĂ©rents : granit, por- phyre lie-de-vin, marbre blanc, marbre noir mouchetĂ©, oxyde de fer rouge, ciment gris, etc. Sa texture minĂ©rale confĂšre une vocation patrimoniale Ă  la propriĂ©tĂ©, tout en restant dans une fourchette budgĂ©taire raisonnable. La plantation d’une vigne de 68 ha et le lancement d’un nouveau cru dans la rĂ©gion des Graves ont donnĂ© lieu Ă  la premiĂšre rĂ©a- lisation architecturale de Sylvain Dubuisson, designer, mĂȘme s’il faut d’abord voir lĂ  une nouvelle Ă©tape dans sa collaboration avec le propriĂ©taire des lieux, qui possĂšde d’autres domaines viticoles et qui lui avait dĂ©jĂ  confiĂ© la rĂ©alisation de quelques amĂ©nagements avant de l’entraĂźner dans cette aventure. RĂ©interprĂ©tation contemporaine des chais et
  • 35. 33 La hauteur de la construction est rĂ©glĂ©e de telle sorte que, depuis l’entrĂ©e de la pro- priĂ©tĂ©, le long faĂźtage se confonde avec l’ho- rizon. Respectant la logique du cycle de fabrication du vin, l’ensemble des fonctions du programme est regroupĂ© dans un unique bĂątiment de 120 m de long. Au cƓur du dispositif, le grand atrium oĂč l’on rĂ©cep- tionne les vendanges est, avec sa toiture auvent, l’unique espace largement ouvert sur l’extĂ©rieur. Le “bouteiller” et le logement du maĂźtre de chai occupent la partie est. Plus ramassĂ©e, l’aile ouest accueille le cuvier et le chai Ă  barriques, deux volumes paral- lĂšles qui s’étirent sur une cinquantaine de mĂštres. Les fentes des chais Ă  barriques et les fenĂȘtres chanfreinĂ©es de la salle de dĂ©gusta- tion rythment cette construction monoli- thique en cadrant des vues sur l’extĂ©rieur. AssociĂ© Ă  Sylvain Dubuisson, l’architecte- sculpteur Vincent BarrĂ© a prolongĂ© la logique paysagĂšre du projet en dessinant la grille d’entrĂ©e du domaine et les portes monu- mentales des chais. Dans ce bĂątiment, les Ă©lĂ©ments de modĂ©na- ture dessinĂ©s par Dubuisson exigeaient une q Le bĂ©ton rosĂ© s’enracine dans le vignoble mise en Ɠuvre minutieuse Ă  laquelle la sou- plesse d’utilisation du bĂ©ton poli rĂ©pondait bien. Le matĂ©riau sert d’écrin au vin, le bĂ©ton poli cisĂšle une architecture massive dont il souligne la compacitĂ©. Une multitude de panneaux diffĂ©rents et des ouvertures de toutes tailles Simple a priori, la gĂ©omĂ©trie du bĂątiment est plus complexe qu’il n’y paraĂźt. Pour souli- gner l’intĂ©gration au site, un mur en sur- plomb compose la façade est. S’y ajoutent quantitĂ© d’ouvertures de tailles diverses dotĂ©es de tableaux en biais, l’inscription en nĂ©gatif des incisions horizontales en bĂ©ton brut qui animent les façades, et des Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques comme les linteaux d’entrĂ©e, v Le plan du bĂątiment est trapĂ©zoĂŻdal. Pour se raccorder dans les angles avec les façades sud et nord (verticales), la section des rainures du pignon est, qui est en surplomb, tient compte de l’inclinaison de la façade. 1 - Accrochage des panneaux bĂ©ton sur la lisse mĂ©tallique. Façades sud et nord 2 - Ancrage des panneaux bĂ©ton dans la fondation. boulon Halfen rail Halfen cale crapautage du panneau bĂ©ton UAP fourreau Ø 40 joint mousse goujon
  • 36. Saint-Selve Chais❍ 34 Construction Moderne n° 94 CoupeÉlĂ©vation Coupe ÉlĂ©vation boĂźte pour scellement dont la sous-face est Ă  la fois biaise et plane. Ajoutons encore qu’il a fallu “tricher” avec la gĂ©omĂ©trie pour garder son aspect parallĂ©lĂ©- pipĂ©dique au bĂątiment malgrĂ© le relief acci- dentĂ© du terrain. Nous est alors dĂ©voilĂ©e la raison de l’étonnante diversitĂ© des panneaux prĂ©fabriquĂ©s qui tiennent lieu de parement : au total, 121 panneaux de 99 types diffĂ©- rents, pour une surface polie d’environ 2 000 m2 intĂ©grant 5 % d’ouvertures. L’en- treprise a donc tenu compte de nombreux plans de coffrage et d’une multitude de plans de dĂ©tail et de ferraillage. Conçus comme une “peau trĂšs fine”, ces panneaux, tantĂŽt simples, tantĂŽt jumelĂ©s, sont scellĂ©s Ă  leur base par des goujons et fixĂ©s dans leur partie supĂ©rieure Ă  la char- pente mĂ©tallique par un systĂšme de rails incorporĂ©s dans le bĂ©ton, de boulons et d’équerres. Notons pour ces panneaux leur trĂšs faible Ă©paisseur (18 cm et mĂȘme 16 cm si l’on tient compte du rainurage) en compa- raison de leur surface (3,60 m de large sur 7 m de haut en moyenne). Coulage en deux temps et travail de prĂ©cision Les panneaux borgnes, qui intĂšgrent un motif trapĂ©zoĂŻdal, ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en deux temps : une premiĂšre “galette” de bĂ©ton de parement a Ă©tĂ© coulĂ©e Ă  plat, complĂ©tĂ©e ensuite par un bĂ©ton destinĂ© Ă  assurer la rĂ©sistance. Les panneaux avec retour intĂ©- grant les meneaux ou les tableaux d’ouver- ture ont nĂ©cessitĂ© au coulage des prĂ©cau- tions minutieuses quant au remplissage des tableaux. En raison de la variĂ©tĂ© dans la forme des ouvertures, tous les panneaux qui en comportent sont particuliers. Les piĂšces planes ont Ă©tĂ© coulĂ©es dans des moules mĂ©talliques Ă  hauteur modulable intĂ©grant des motifs en mĂ©tal pour le rainurage. Les piĂšces avec ouverture, angles, linteau ou meneau ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es dans des moules spĂ©cifiques, tantĂŽt tout en bois, tantĂŽt mixtes bois et mĂ©tal, ou encore en bĂ©ton. Cette manutention dĂ©licate a sollicitĂ© en perma- nence mĂ©caniciens et menuisiers moulistes pour fabriquer et dimensionner les moules q La diversitĂ© dans le dessin des panneaux a exigĂ© des plans d’exĂ©cution sur mesure DĂ©tail façade ouest DĂ©tail façade est
  • 37. 35 MAÎTRE D’OUVRAGE : SCA DES CHÂTEAUX DE BRANDA ET DE CADILLAC ARCHITECTE : SYLVAIN DUBUISSON, ARCHITECTE-CONCEPTEUR, AVEC VINCENT BARRÉ, ARCHITECTE-SCULPTEUR, ASSISTÉ DE FLORENCE CARMINATI BET STRUCTURE : COBET SHON : 4 580 M2 ENTREPRISE DE PRÉFABRICATION : DELTA PRÉFABRICATION TERRASSEMENT, MAÇONNERIE : SILVA DUMEZ en respectant la taille et les raccords des rai- nures. Pour rĂ©aliser les piĂšces d’angle, dont la largeur variait de 2,12 Ă  7 cm sur la hau- teur et selon le type d’angle (aigu et obtus en façade est, droit en façade ouest), il a fallu Coupe A - A ÉlĂ©vation A A DĂ©tail fenĂȘtre sur cuvier veiller Ă  ce que la rĂ©partition des granulats soit identique Ă  celle des panneaux coulĂ©s Ă  plat. ComposĂ© de 33 panneaux de hauteur variable, le soubassement absorbe la pente du terrain. Ces panneaux sont brochĂ©s dans leur partie basse sur les fondations et fixĂ©s au dallage dans leur partie haute par des liai- sons acier-bĂ©ton. CHRISTINE DESMOULINS s