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Construction moderne 94
- 1. NN°° 9494 s 11 e re r T R I M E S T R ET R I M E S T R E 1 9 9 81 9 9 8
- 2. ARCHITECTE
J.-P. Lott (Dubus & Lott
architectes)
Page 1
S o m m a i r e
Poitiers BĂątiment dâenseignement
Pour tous renseignements concernant les articles de la revue, sâadresser
Ă CIMBĂTON q Directeur de la publication : Michael Temenides q
Directeur de la rédaction : Bernard Darbois q Conseiller technique : Jean
Schumacher q RĂ©dacteur en chef : Norbert Laurent q RĂ©daction et
réalisation : ALTEDIA SYNELOG - 49, rue Ganneron - 75018 Paris -
Tél. : 01 44 85 67 89 - Fax : 01 42 26 24 89 q DépÎt légal : 1er
trimestre 1998
ISSN 0010-6852 1996 q
ARCHITECTES
R. Porro et R. de La Noue
Page 6
VĂ©lizy Casernement
ARCHITECTE
D. Kahane
Page 14
Paris Logements
formation
Page 24
Vallée du RhÎne TGV Méditerranée
ARCHITECTES
L. et E. Beaudouin
Page 19
Nancy Ăcole dâingĂ©nieurs
RĂ©alisations
Solutions béton
Pages 12/13
q HĂ©liport de Paris. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
q Ăcole française du bĂ©ton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
q Multimédia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Bloc-notes
Page 36
q Livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
q Exposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Bloc-notes
RĂ©alisations
ARCHITECTE
S. Dubuisson
Page 32
Saint-Selve Chais
RĂ©alisation
Poitiers, Ăcole supĂ©rieure des personnels dâencadrement du ministĂšre de lâĂducation nationale :
Hervé Abbadie, Alain Photo ; Vélizy, casernement de CRS : Guillaume Maucuit-Lecomte ; Paris,
logements : Alain Goustard ; Nancy, Ă©cole dâingĂ©nieurs : Jean-Marie Monthiers ; TGV MĂ©diterranĂ©e :
Philippe Giraud/Terres du Sud, Jean-Jacques dâAngelo/SNCF ; Saint-Selve, chais : Georges Fessy.
SchĂ©mas : Ăric Perrier, Philippe Simon et Xavier TĂ©not. MultimĂ©dia : Yann Kerveno.
EN COUVERTURE : LE BĂTIMENT DE LâESPEMEN (ĂCOLE SUPĂRIEURE DES PERSONNELS
DâENCADREMENT DU MINISTĂRE DE LâĂDUCATION NATIONALE).
w
CIM CENTRE DâINFORMATION SUR
LE CIMENT ET SES APPLICATIONS
7, place de la DĂ©fense - LA DĂFENSE 4
92974 Paris-la-DĂ©fense CedexTĂ©l. : 01 55 23 01 00 - Fax : 01 55 23 01 10
ERRATUM â CONSTRUCTION MODERNE N° 93
Place Chalon â Stanislas Fiszer â MaĂźtre dâouvrage : Semaest.
Gros Ćuvre : Quillery environnement urbain.
HĂŽtel : architecte dâopĂ©ration, Jean-Yves Le Mesle.
BET : Beaulieu Ing.
Logements : architecte associé pour la conception et
lâexĂ©cution, Christian Schwinn.
- 3. Poitiers BĂątiment dâenseignement
Une architecture
de volumes
NON LOIN DU FUTUROSCOPE DE POITIERS, LE BĂTIMENT DE
LâĂCOLE DES CADRES DE LâĂDUCATION NATIONALE JETTE LES BASES
DâUN NOUVEAU QUARTIER. SES VOLUMES, SA FAĂON BIEN
PARTICULIĂRE DâOCCUPER LâESPACE, SONT AUTANT DE MOYENS DE
SâAFFIRMER ET DE MARQUER LâAMBIANCE DU LIEU.
v Sur la façade principale, au sud-est, le
bĂątiment de lâhĂ©bergement : sa façade
incurvée, sa forme lenticulaire qui dessine
un pignon fuyant comme un empennage,
dressent les premiers signes dâun Ă©difice
magistral.
RĂ©alisation
continue de tous les cadres de lâĂducation
nationale. Chaque année, 5 000 à 6 000 per-
sonnes sont appelĂ©es Ă frĂ©quenter lâĂ©tablisse-
ment. Elles peuvent venir pour des périodes
trĂšs courtes ou au contraire assez longues,
ce qui nĂ©cessite dans ce cas dâassurer leur
hébergement. En période de forte fréquenta-
tion, de 500 Ă 600 personnes peuvent ĂȘtre
prĂ©sentes le mĂȘme jour dans le bĂątiment.
Sur 10 000 m2
, lâĂ©difice abrite les bureaux
1
à proximité du Futuroscope, le conseil
général de la Vienne a promu le développe-
ment dâun quartier destinĂ© Ă accueillir essen-
tiellement des organismes de formation ou
des entreprises produisant des technologies
innovantes. DĂ©localisĂ©e Ă Poitiers, lâEspemen
(Ăcole supĂ©rieure des personnels dâencadre-
ment du ministĂšre de lâĂducation nationale)
a donc tout naturellement trouvé sa place en
ce lieu. LâĂ©cole assure la formation initiale et
- 4. donc implanté et dessiné de façon à dégager
un espace de recul. Il permet de créer une
place sur laquelle sont mises en scĂšne la
façade principale et lâentrĂ©e. Comme lâauto-
route passe à proximité, sont installés sur
cette façade le hall, les circulations et lâaudi-
torium â totalement aveugle â, afin de pro-
téger le plus possible salles de cours et
bureaux des nuisances issues du trafic. Il
existe assez peu dâouvertures sur la façade principale, ce qui va dans le sens de sa mise
en scĂšne dans une architecture de volumes.â
La composition architecturale met ici en Ă©vi-
dence les parties de lâĂ©difice. Chaque forme
immédiatement identifiable abrite un élé-
ment spĂ©cifique du programme. Ă lâexcep-
tion de la partie hĂ©bergement, lâensemble de
lâĂ©difice est installĂ© dans un dĂ©caissĂ© dâun
Poitiers BĂątiment dâenseignementâ
2 Construction Moderne n° 94
de lâadministration, un nombre important
de salles de cours, un centre de ressources
(1 000 m2
), un amphithéùtre, qui répondent
aux besoins des personnels permanents
ainsi quâaux besoins de formation ou de
documentation. Ă cela sâajoutent un res-
taurant de 1 200 places et un ensemble de
115 chambres qui permettent lâaccueil des
stagiaires.
BĂ©ton et formes plastiques
âCe bĂątiment sâinscrit dans la continuitĂ© de
nos prĂ©cĂ©dentes rĂ©alisations liĂ©es Ă lâensei-
gnement (Ă©cole dâingĂ©nieurs ESIEE Ă
Amiens, faculté de sciences et de droit
dâĂvreux...), qui laissent une part impor-
tante au bĂ©ton et aux formes plastiques quâil
permet de développer, précise Jean-Pierre
Lott. Dans le futur, le site sera trĂšs urbain.
Pour exprimer la prĂ©sence dâun tel Ă©difice
public, il ne peut ĂȘtre question dâen placer
lâentrĂ©e au bord de la rue. Le bĂątiment est
Au centre, en recul par rapport Ă la rue,
la coque majestueuse du hall dâentrĂ©e.
DerriÚre, le bùtiment étire sa longue façade
arrondie.
Ă
- 5. Sur la gauche de la coque, le bĂątiment
accueille en partie basse le centre de ressources
et dans les étages supérieurs des salles de
cours protégées par les lignes réguliÚres
des brise-soleil.
Sur la façade opposée (nord-ouest), carac-
térisée par les lignes continues des brise-soleil
en béton, le corps de bùtiment abritant bureaux
et salles de cours domine la figure. Dâun cĂŽtĂ©,
quatre poteaux puissamment posés sur leur
pied largement évasé semblent le soulever pour
laisser place au volume plus transparent du
centre de ressources et Ă un passage public
qui traverse lâĂ©difice. De lâautre cĂŽtĂ©, Ă lâarticu-
lation avec lâhĂ©bergement, une partie de la salle
de restaurant surgit au niveau du registre bas.
3
q Un Ă©difice qui participe
de la valeur institutionnelle
et de lâimage de lâĂ©cole
Ă
Ă
niveau par rapport au terrain naturel, ce qui
explique lâexistence dâun rez-de-chaussĂ©e
haut et dâun rez-de-chaussĂ©e bas. Cette dis-
position a permis de rĂ©duire lâemprise au sol
du bĂątiment en densifiant la construction, et
dâinstaller le hall dâentrĂ©e au milieu du bĂąti-
ment. Elle renforce aussi la puretĂ© de lâĂ©cri-
ture des volumes sur la façade principale, en
estompant la perception de leur ligne de
contact avec le sol naturel. De plus, le visi-
teur découvre, au rythme de son avancée
vers lâentrĂ©e, lâĂ©mergence des volumes
depuis le sol dâassise en contrebas. PrĂ©cĂ©dĂ©e
par une passerelle qui franchit le vide créé
par le dĂ©caissĂ©, lâentrĂ©e est simplement mar-
quée par une ouverture dans la paroi uni-
forme de la coque en béton.
Mise en scĂšne de lâespace
Une fois le seuil franchi, le hall révÚle le
cĆur du bĂątiment. Arrivant au niveau du
rez-de-chaussée haut, le visiteur traverse
sous la voûte de la coque le vaste espace de
ce hall qui se développe sur 4 niveaux en
dessous et au-dessus de lui. Tout au long de
la passerelle qui le conduit Ă lâaccueil, il
découvre le spectacle des rampes, des esca-
liers, des coursives en balcon sur le vide, et
la grande enveloppe courbe de lâamphi-
théùtre. Le mouvement des formes, des pas-
serelles, des coursives, sâaccompagne du jeu
des zones dâombre et de lumiĂšre. Toutes les
parties communes et les circulations se réfÚ-
rent au hall central, véritable foyer spatial et
lieu fédérateur du projet. Dans la mise en
scÚne de cet espace, les vues en plongée ou
en contre-plongée donnent à voir les mul-
tiples aspects de lâarchitecture de ce bĂąti-
ment et de la vie qui sây dĂ©roule.
Un traitement varié des volumes
Dans tout lâĂ©difice, les circulations sont
conçues comme de véritables promenades
architecturales animĂ©es par lâenchaĂźnement
des perspectives, des formes et des parois
courbes qui accompagnent les parcours. Les
contractions et dilatations de lâespace per-
mettent dâamĂ©nager des salons dâĂ©tage, des
points de reprographie, des zones de
détente. Si cette architecture est riche en
courbes dans ses espaces communs et ses
circulations, les bureaux et les salles de for-
mation sont trĂšs rationnels et fonctionnels.
DiffĂ©rents lieux atypiques ponctuent lâĂ©di-
fice. Ainsi lâamphithĂ©Ăątre dresse dans le hall
sa coque blanche tout en rondeurs. Le centre
de ressources offre des espaces en mezza-
nine oĂč les zones de lecture sâouvrent gĂ©nĂ©-
reusement sur lâextĂ©rieur. La salle de restau-
rant se compose de deux parties décalées
- 6. Poitiers BĂątiment dâenseignementâ
4 Construction Moderne n° 94
Le volume de lâhĂ©bergement est sculptĂ©
dans la masse blanche du béton.
Les fenĂȘtres en longueur des chambres et
toutes les autres ouvertures sont ciselées dans
la matiĂšre, venant ainsi animer les parois
et souligner le mouvement. Le rez-de-chaussée
trÚs largement vitré laisse deviner la présence
de la salle de restauration, Ă laquelle on accĂšde
depuis le boulevard.
La coque est décollée du sol sur la partie
du hall en rez-de-chaussée bas. Dans le plan
vertical, lâarc de rive en dĂ©vers de la coque est
séparé du volume des bureaux et des salles
de cours par une verriĂšre qui laisse glisser la
lumiÚre le long des coursives. Cette arrivée
de lumiÚre naturelle est relayée par une autre
fente lumineuse qui traverse la coque perpen-
diculairement Ă lâarc. Lâensemble de ces trans-
parences renforce la présence plastique de la
voûte tout en lui conférant une grande légÚreté.
Deux poteaux qui participent à la stabilité struc-
turelle dynamisent la lecture de lâespace.
Ă
Ă
q Le hall central,
véritable foyer spatial et lieu
fédérateur du projet
dâun demi-niveau. Celle qui longe le bou-
levard est scandĂ©e par les âpoteaux tulipesâ
soutenant les Ă©tages de lâhĂ©bergement.
Une architecture expressive
Le bĂątiment de lâEspemen affirme sa prĂ©-
sence par le mouvement de ses volumes
blancs. LâenchaĂźnement des formes et des
lignes courbes en fait un véritable événe-
ment plastique. Il marque de sa présence et
de sa personnalité ce quartier en devenir,
prĂ©figurant lâespace urbain et lâambiance du
lieu. Son architecture expressive lui donne
une identité forte dans son site, mais aussi,
de façon plus symbolique, Ă lâĂ©chelle natio-
nale. Car cet Ă©difice participe de la valeur
institutionnelle et de lâimage de marque de
lâĂ©cole. En effet, au-delĂ de ce quâils auront
appris dans ces lieux, les stagiaires garde-
ront le souvenir de cette architecture géné-
reuse qui dépasse sa fonction et offre au
regard le spectacle du âjeu savant et magni-
fique des volumes sous la lumiĂšreâ.
NORBERT LAURENT s
- 7. LâĂ©difice est entiĂšrement rĂ©alisĂ© en bĂ©ton
coulé en place ou préfabriqué. La structure
générale est de type poteaux-poutres. Les
brise-soleil sont préfabriqués en usine et
clavetĂ©s en façade. Pour le bĂątiment de lâhĂ©-
bergement, les âpoteaux tulipesâ supportent
les voiles en console des Ă©tages. Les allĂšges
des façades sont elles aussi préfabriquées.
Comme pour les brise-soleil, la préfabrica-
tion a été retenue pour suivre précisément
les courbures des façades. Lâensemble des
parois en béton brut reçoit un ragréage pour
Ă©pouser parfaitement lâĂ©pure des formes
dessinĂ©es par lâarchitecte. Lâapplication
dâune peinture blanche vient donner son
aspect dĂ©finitif Ă lâouvrage.
La coque, ossature et peau
La coque du hall dâentrĂ©e est entiĂšrement
réalisée en béton coulé en place de 40 MPa.
Sa structure est constituée par un arc de
rive en dévers et un ensemble de nervures.
Ce squelette supporte la coque de couver-
ture en béton qui dessine la forme voulue
par lâarchitecte. Dans son principe, la struc-
ture fonctionne comme un trépied constitué
par lâarc en dĂ©vers et une nervure (file 13)
qui est encastrĂ©e dans lâarc. Cette nervure,
portée par un poteau en pied et un
autre Ă 3 m de lâarc, fait office de tirant. Lâarc
et la nervure forment ainsi un élément trÚs
rigide : le maximum de déplacement admis
en tĂȘte de lâarc est de lâordre de 3 cm. Un
poteau vient soulager une partie des efforts
dans lâarc. Dans une moindre mesure, les
autres nervures et la coque elle-mĂȘme parti-
cipent aussi Ă la tenue de lâarc.
Un béton fini à la main
Une fois lâarc de rive et les nervures rĂ©ali-
sĂ©s, la coque de couverture, dâune Ă©pais-
seur de 15 cm, est coulée. Pour ce faire, un
coffrage de sous-face est installé entre les
nervures. Une premiÚre couche est réalisée
sur environ 13 cm de façon à enrober tous
les aciers. Compte tenu de la forme géné-
rale de lâouvrage, un bĂ©ton trĂšs compact est
mis en Ćuvre pour Ă©viter tout risque de
déversement. Les deux derniers centimÚtres
sont rĂ©alisĂ©s avec un mortier de ciment Ă
base de résine. Pour obtenir la forme défini-
tive, cette seconde couche est passée à la
main. Ă lâaide dâun laser, un gĂ©omĂštre, prĂ©-
sent en permanence sur le chantier, donne
aux compagnons les points de surface défi-
nitifs. Une résine blanche à base de polyuré-
thane est projetĂ©e sur la coque. Dâune
Ă©paisseur de 4 mm, elle assure lâĂ©tanchĂ©itĂ©.
5
MAĂTRE DâOUVRAGE : MINISTĂRE
DE LâĂDUCATION NATIONALE
CONDUCTEUR DâOPĂRATION : CONSEIL
GĂNĂRAL DE LA VIENNE
ARCHITECTE : J.-P. LOTT
(DUBUS & LOTT ARCHITECTES)
BET STRUCTURE : ETCO
BUREAU DE CONTRĂLE : APAVE
ENTREPRISE GROS ĆUVRE : SOGEA
ATLANTIQUE
Le béton,
structurel et plastique
- 8. VĂ©lizy Casernement
Un cantonnement
Renaissance
LE CANTONNEMENT DE PASSAGE DES CRS Ă VĂLIZY, DANS LES
YVELINES, NâA RIEN DâUN BĂTIMENT COMME LES AUTRES. PAR
SA FONCTION, DâABORD, QUI EST CELLE DâUN BĂTIMENT MILITAIRE.
PAR SON ARCHITECTURE, ENSUITE, LARGEMENT INSPIRĂE DâUN
TABLEAU DE LA RENAISSANCE.
Appuyés sur un socle incliné en béton
noir bien ancré dans le sol, les bùtiments
sâĂ©lancent vers le ciel dans une dynamique
exacerbée.
RĂ©alisation
En pénétrant dans le grand hall du canton-
nement de passage des CRS quâil vient de
livrer Ă VĂ©lizy, lâarchitecte Ricardo Porro ne
peut sâempĂȘcher de sâĂ©crier : âLâimagination
au pouvoir !â Il faut dire que le sexagĂ©naire
cubain nâa rien perdu de cette verve et de ce
brio qui lui ont permis, il y a déjà plus de
trente ans, en construisant notamment
lâĂcole des beaux-arts de La Havane, dâaccĂ©-
der Ă la reconnaissance internationale.
Associé depuis dix ans avec Renaud de La
Noue, il exerce aujourdâhui son talent en
France, sur des programmes socio-Ă©ducatifs
ou des opérations de logements. La recher-
che formelle expressionniste qui préoccupe
les deux hommes, leur intĂ©rĂȘt partagĂ© pour
un urbanisme tourné avant tout vers la
convivialité, en font des personnages un peu
Ă part dans le paysage de lâarchitecture dâau-
jourdâhui. Aussi, câest presque un paradoxe
que de les voir Ćuvrer sur un programme a
priori austĂšre comme ce cantonnement pour
les Compagnies républicaines de sécurité.
Au final, le résultat est surprenant. Bien loin
de toute réponse rationaliste ou techniciste,
v
- 9. les architectes ont trouvé le ton pour conce-
voir un bùtiment qui dégage force et puis-
sance et prĂ©serve en mĂȘme temps une cer-
taine intimité, de quoi rester facile à vivre au
quotidien. En somme un bĂątiment Ă la
mesure des besoins de confort et de repos
que peuvent connaĂźtre des hommes qui sont
appelĂ©s Ă sâillustrer dans des conditions
généralement violentes. En multipliant les
points dâĂ©change et de rencontre, en propo-
sant des lieux diffĂ©renciĂ©s, Ă lâĂ©clairage riche
et soignĂ©, ils parviennent âĂ crĂ©er, au travers
de lâarchitecture, un environnement poĂ©-
tique qui met en valeur la dignité de ceux
qui lâoccupent.â Alors, dans le cadre de cette
architecture largement empreinte de futu-
risme, les policiers révÚlent leur visage caché,
et lâhomme apparaĂźt sous lâuniforme.
Fonction, symbolisme et inspiration
Pour réussir dans leur entreprise, Porro et
de La Noue ont nourri leur inspiration de
symboles et dâimages en rapport avec la
fonction du bĂątiment. âEn fait, nous recher-
chons un dialogue, une relation forte entre
la vie interne des espaces que nous produi-
sons et lâatmosphĂšre que nous leur don-
nons. Ăvidemment, pour des CRS, il ne
sâagissait pas de rĂ©aliser un bĂątiment miĂšvre
ou fragile. Nous voulions exprimer la vigueur
et la puissance que nous avions trouvées
dans La Bataille de San Romano, de Paulo
Uccelo, un tableau de la Renaissance ita-
lienne qui Ă©voque la force et la violence
dâune armĂ©e de cavaliers. Nous avons donc
dessinĂ© les bĂątiments dans lâesprit des forces
dĂ©chaĂźnĂ©es reprĂ©sentĂ©es par le peintre.â
LâĆuvre picturale se traduit par une archi-
tecture âen mouvementâ dont les parties
semblent se déplacer, à la maniÚre de cer-
tains bĂątiments futuristes.
Prenant appui sur un socle incliné en béton
noir bien ancré dans le sol, les différents édi-
fices qui composent le cantonnement âmon-
tent vers le ciel dans une dynamique exacer-
bée et semblent exploser à chacune de leurs
extrémités en un jeu de toitures super-
posĂ©es.â Les bĂątiments reprennent le jeu des
lances des chevaliers représentées dans le
tableau à travers un ensemble de débords,
7
Source de lâinspiration des architectes,
La Bataille de San Romano, de Paulo Uccelo
(galerie des Offices, Ă Florence).
v Les pignons explosent en un jeu de
décalages et de toitures superposées.
q Un environnement
poétique qui valorise la
dignité des hommes
v
- 10. VĂ©lizy BĂątiment militaireâ
8 Construction Moderne n° 94
dâĂ©lĂ©ments saillants, de poteaux inclinĂ©s, qui
produisent un désordre apparent.
Ă cette rĂ©fĂ©rence picturale sâajoute le souci
de sâinscrire dans la tradition des construc-
tions militaires. Câest-Ă -dire de conjuguer
une Ă©vidente puissance des bĂątiments avec
une expression symbolique des composants
architecturaux. Ainsi, les lucarnes en béton
préfabriqué, alignées comme une armée de
baĂŻonnettes ou de canons, annoncent sans
ambiguïté la destination du casernement.
Câest aussi le cas du soubassement en bĂ©ton
noir, qui rappelle les bastions et les forts de
défense élaborés par Vauban.
Des modĂšles en trois dimensions
La mise en forme de cette architecture dans
laquelle lâespace est traitĂ© dans toutes ses
directions, sâĂ©tablit essentiellement au niveau
de la maquette. âToute une quantitĂ© de
maquettes extraordinaires qui permettent
dâexpĂ©rimenter, dâĂ©valuer et de concrĂ©tiser
la dynamique du projetâ, explique Ricardo
Porro. Le travail de conception débute par
lâorganisation du programme sur le terrain.
Toutes les solutions possibles sont envisa-
gées, de façon objective et purement fonc-
tionnelle. Ensuite, les images générées par
les formes sont analysĂ©es. Puis sâĂ©labore le
choix qui définit le parti architectural, dont
lâĂ©tude se poursuit avec lâaide, lĂ encore, de
modĂšles en trois dimensions. Ce plaisir de la
conception, de lâexpĂ©rimentation en volume
est revendiqué totalement par les deux asso-
ciĂ©s, qui affirment âcroire plus Ă lâHomo
ludens, lâhomme qui joue, quâĂ lâHomo
sapiens, lâhomme qui sait.â
Enfin, les plans permettent de communi-
quer le projet aux entreprises. Lâattribution
dâune mission M1 et des dĂ©lais assez larges
ont permis aux architectes de travailler le
projet dans ses moindres détails, en dessi-
nant les bĂątiments sous tous leurs angles.
Les documents dâexĂ©cution ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s
dâaprĂšs la maquette dĂ©finitive, qui sera
dâailleurs prĂ©sente sur le chantier pendant
toute la durée des travaux.
Lieu de travail et lieu de résidence
PremiĂšre phase dâun ensemble qui accueil-
lera Ă terme quelque 600 personnes, le can-
tonnement de passage sâinscrit dans le plan
de masse gĂ©nĂ©ral qui fut lâobjet du concours
remporté en 1991 par les deux architectes.
RĂ©alisable en quatre phases, le site de VĂ©lizy
accueillera au total cinq compagnies de
120 CRS. Pour les uns, la caserne sera un
v Posée sur des poteaux inclinés, une
poutre Ă©merge du restaurant comme le mĂąt
de beauprĂ© dâun voilier. Le dĂ©calage par
rapport Ă lâaxe statique amplifie lâeffet de
déséquilibre et de dynamisme.
q Les deux architectes
revendiquent le plaisir de
la conception et de lâexpĂ©ri-
mentation en volume
- 11. 9
v Les bow-windows préfabriqués en béton
gris clair soutiennent un acrotĂšre puissant
qui détermine la façade.
lieu de travail quâils quitteront le soir pour
regagner leur domicile ; pour les autres, les
compagnies de province en déplacement, le
cantonnement constituera un lieu clos dans
lequel les hommes auront Ă vivre pendant
les quelques semaines que durera leur inter-
vention.
Une organisation spatiale avec Venise
pour modĂšle
Lâensemble est implantĂ© dans un immense ter-
rain situé au sud-ouest de Paris, occupé par des
bùtiments datant des années soixante et desti-
nĂ©s Ă ĂȘtre dĂ©molis. EntourĂ©e dâun parking, la
parcelle est fermée par un grillage. Dans cet
environnement difficile, les concepteurs ont
proposé une organisation spatiale rythmée par
des places, des espaces de liaison, des lieux
calmes, dâautres plus vivants, qui donnent au
casernement un vĂ©ritable sens urbain. Câest une
notion essentielle dans la pensée de Ricardo
Porro, qui voit dans la ville de Venise lâune de
ses plus grandes influences : âCe nâest pas la
forme ou la décoration de la cité vénitienne qui
nous intĂ©resse dans le cas prĂ©sent, mais lâen-
chaĂźnement urbain des bĂątiments. Et ici, Ă
VĂ©lizy, nous avons cherchĂ© Ă en retrouver lâes-
prit pour cette petite ville quâest le caserne-
ment.â
Multiplier les accĂšs
Plus quâun trĂšs grand bĂątiment dans lequel
aurait pris place lâensemble des fonctions,
les architectes projettent alors une succes-
sion dâimmeubles de faible hauteur, organi-
sĂ©s en Ăźlot. Il ne sâagit pas, cependant, dâun
cĆur dâĂźlot classique dans lequel seraient
clairement différenciées une partie exté-
rieure publique et une partie intérieure pri-
vĂ©e. Ici, les blocs dâimmeubles forment des
entités poreuses dans lesquelles les piétons
pénÚtrent de toutes parts, grùce à un sys-
tĂšme de placettes qui, reliant les Ă©difices les
uns aux autres, constituent de véritables
lieux de vie et de rencontre. DĂšs lors, toute
lâactivitĂ© se trouve Ă lâintĂ©rieur de lâĂźlot.
Seules sont maintenues Ă lâextĂ©rieur des
immeubles les voies pour les automobiles â
voies dâaccĂšs et de service.
Conçu pour une compagnie en déplacement,
le cantonnement de passage comprend une
partie âhĂ©bergementâ de 120 chambres
regroupées dans un premier bùtiment en L
de trois niveaux. Cet immeuble sâorganise de
part et dâautre dâun hall central traversant. La
liaison entre les deux parties est assurée par
lâescalier principal qui occupe le cĆur du
hall. De chaque cÎté, la disposition parfaite-
ment répétitive des chambres est tempérée
par le soin apporté aux couloirs, qui dessi-
nent une succession de chicanes et aména-
gent un seuil dâentrĂ©e pour chaque chambre.
Un second Ă©difice abrite des espaces com-
muns de restauration et de détente. Une
grande poutre structure le bĂątiment en arti-
culant les différentes toitures. Ces derniÚres
;
;
;;;;
;;;;
;;
;;
;;
;;
;
;
;;
;;
;
;
;
- 12. répondent dans leur spatialité à la diversité
du programme. Au rez-de-chaussée, le vaste
réfectoire pour les gardiens, le restaurant
des brigadiers et la salle circulaire â presque
confinĂ©e â des officiers sont tous en relation
directe avec les cuisines. Ă lâĂ©tage, le foyer-
bar, organisé en mezzanine, est complété
par des locaux de réunion et des salles de
jeux. Cet équipement sera partagé avec le
casernement, destiné à une compagnie rési-
dant Ă demeure, qui constituera la deuxiĂšme
tranche des travaux. Bien que différent du
bĂątiment dâhĂ©bergement, ce lieu de restaura-
tion et de détente fait partie intégrante du
cantonnement, et lâespace entre les deux
bùtiments est traité comme un intérieur, un
entre-deux qui contribue réellement au pro-
gramme.
Le béton, gage de résistance
Le béton armé, matériau dominant, répond
en premier lieu Ă lâun des principaux sou-
haits exprimĂ©s par le maĂźtre dâouvrage : la
solidité, la solidité et encore la solidité. En
effet, parce quâils sont appelĂ©s Ă intervenir
dans des situations extrĂȘmes, câest le plus
souvent dans un Ă©tat de grande tension ner-
veuse que les hommes rentrent dans leurs
cantonnements. Aussi le béton brut a-t-il été
retenu pour sa résistance aux dégradations.
Les garde-corps, les escaliers, le bar, exploi-
tent la robustesse du matériau au travers de
formes simples. Câest aussi le cas des cloisons
séparatrices entre les chambres, pour les-
quelles le béton, qui allie résistance aux
chocs et performances acoustiques, a été
préféré à des systÚmes de cloisons sÚches.
DeuxiĂšme raison de ce choix, le respect des
dĂ©lais et la facilitĂ© dâexĂ©cution du chantier.
Ainsi la technique du béton banché, utilisée
en structure, a-t-elle Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă lâen-
semble de la maçonnerie, et cela bien que le
bĂątiment dâhĂ©bergement, qui est construit
par une succession de voiles de refend, ne
présente pas de façade porteuse. Enfin,
câest la capacitĂ© plastique du matĂ©riau Ă
exprimer la force et la puissance qui a séduit
les concepteurs dans leur recherche. Le sou-
bassement, qui reprend la typologie dâune
VĂ©lizy BĂątiment militaireâ
10 Construction Moderne n° 94
q Lâimpression de force
et de puissance dégagée
par le béton a séduit les
architectes w Dans un environnement difficile, les
bĂątiments composent un enchaĂźnement de
lieux qui donnent au casernement une
véritable dimension urbaine.
- 13. 11
forteresse, est formé de modules préfabri-
quĂ©s en bĂ©ton noir, composĂ© Ă partir dâagrĂ©-
gats de basalte. Ces éléments, non porteurs,
sont posĂ©s en pente et intĂšgrent une fenĂȘtre
qui qualifie lâespace intĂ©rieur des chambres.
En pied de façade, un caniveau couvert de
dalles en bĂ©ton de mĂȘme nature rĂ©cupĂšre
les eaux et assure la liaison avec un parterre
de pavés verts en béton teinté dans la masse.
Un matériau qui vieillira lentement
Ă lâĂ©tage, les bow-windows prĂ©fabriquĂ©s en
béton gris clair soutiennent un acrotÚre
puissant, formĂ© dans le mĂȘme matĂ©riau. Les
meneaux qui décomposent les vitrages, les
poutres saillantes, les poteaux qui débor-
dent du bùtiment, sont aussi réalisés en
bĂ©ton brut Ă partir dâun matĂ©riau gris foncĂ©.
Un bĂ©ton courant, qui puisse âprendre de la
patine et vieillir lentement avec lâĂ©difice.â De
forte section, tous ces éléments qui partici-
pent de la qualification des espaces exté-
rieurs sont âglobalement un peu surdimen-
sionnés, admet Renaud de La Noue. Leur
Ă©paisseur est voulue, pensĂ©e pour lâĆil plus
que pour la recherche de performances.â
Dans le mĂȘme esprit, la poutre qui Ă©merge
violemment de la proue du restaurant est
posée sur des poteaux inclinés. Des dés de
bĂ©ton, dĂ©calĂ©s par rapport Ă lâaxe statique,
relient les différents éléments, ce qui ampli-
fie lâeffet de dĂ©sĂ©quilibre et de dynamisme.
Des Ă©quipements de grande classe
ExubĂ©rant, riche, gĂ©nĂ©reux, lâĂ©difice dessinĂ©
par Renaud de La Noue et Ricardo Porro
répond à un programme nouveau qui
tranche avec les lieux de casernement habi-
tuels. Au travers dâun travail soignĂ© sur les
espaces intérieurs et leurs relations, les deux
concepteurs ont mis en place un systĂšme
dâentre-deux, de lieux, de moments qui
apportent un confort physique et psycholo-
gique aux CRS. Ils ont ainsi produit un lieu
unitaire dans lequel les usagers se disent trĂšs
Ă lâaise, et que certains vont mĂȘme jusquâĂ
qualifier de âRolls des cantonnementsâ.
HERVĂ CIVIDINO s
MAĂTRE DâOUVRAGE : MINISTĂRE
DE LâINTĂRIEUR
MAĂTRE DâOUVRAGE DĂLĂGUĂ : PRĂFECTURE
DES YVELINES
ARCHITECTES : RICARDO PORRO
ET RENAUD DE LA NOUE
BET : GET INGĂNIERIE SA
ENTREPRISE GROS ĆUVRE : BATEG
v En mezzanine sur les espaces de
restauration, le foyer-bar.
- 14. BĂ©ton hautes performances
Un héliport
futuriste Ă Paris
Bloc-notes
12 Construction Moderne n° 94
LES POINTS CLĂS DU BHP
q Porosité trÚs faible
(4 Ă 5 fois moins quâun bĂ©ton courant)
q Résistances élevées :
â 60 Ă 100 MPa Ă 28 jours
â 15 Ă 20 MPa Ă 12 heures
q Durabilité exceptionnelle :
â rĂ©sistance aux milieux agressifs,
industriels, marins, salins
â rĂ©sistance au gel/dĂ©gel
â rĂ©sistance Ă la carbonatation
q Fluidité du béton frais :
â affaissement au cĂŽne dâAbrams > 20 cm
â facilitĂ© de pompage et de mise
en place du béton
Ă Paris, capitale internationale, il sâavĂšre
plus que jamais nécessaire de permettre
aux hĂ©licoptĂšres des âhommes pressĂ©sâ de
se poser à proximité du centre-ville ou des
quartiers dâaffaires comme la DĂ©fense.
Aujourdâhui encore, lâhĂ©liport dâIssy-les-
Moulineaux répond à cette nécessité, avec
environ 15 000 mouvements par an. Cepen-
dant, il est situé dans un milieu urbain
dense, et Ă ce titre il est lâobjet des attaques
des riverains qui rejettent les nuisances liées
Ă son trafic.
Lâarchitecte Alexandre Lecomte-Souvre a
choisi de porter sa rĂ©flexion sur lâintĂ©gration
dâun hĂ©liport Ă proximitĂ© de Paris. Il sâest
tout naturellement intĂ©ressĂ© au site dâIssy-
les-Moulineaux. Si le lieu est marqué par
lâhistoire aĂ©ronautique, la prĂ©sence du bou-
levard périphérique, le voisinage de Paris-
Expo (4e
parc dâexposition en Europe), la
proximitĂ© des principaux quartiers dâaffaires
et du palais des CongrĂšs sont autant
dâatouts qui plaident en faveur du main-
tien de lâhĂ©liport Ă Issy-les-Moulineaux.
Alexandre Lecomte-Souvre a inventé un
ouvrage qui, sâil semble encore utopique
aujourdâhui, prĂ©figure peut-ĂȘtre ce que
seront les héliports du XXIe
siĂšcle. Il sâagit
dâune mĂ©gastructure en BHP, flanquĂ©e de
trois tours-ascenseurs, qui porte Ă 60 m du
sol naturel la plate-forme dâatterrissage.
Celle-ci, longue de 350 m et large de 80 m,
peut accueillir 50 appareils. Sous la piste et
dans la partie centrale de la mégastructure,
sont installés les hangars des hélicoptÚres et
les bureaux des sociétés exploitantes.
MaĂźtriser les nuisances sonores
Par son aspect futuriste, ce projet peut sur-
prendre les observateurs extérieurs et les
conduire Ă sâinterroger sur les raisons qui ont
motivĂ© les choix de lâarchitecte. Il faut garder
prĂ©sent Ă lâesprit que lâun des obstacles
majeurs Ă lâintĂ©gration des hĂ©liports en zone
urbaine est constitué par les nuisances
sonores, Ă©cueil dâautant plus sensible que
les populations riveraines considĂšrent sou-
vent ce moyen de transport comme lâapa-
nage de quelques particuliers privilégiés. La
prise en compte de ces nuisances a conduit
les pouvoirs publics Ă Ă©tablir, pour les sites
dâimplantation des aĂ©rodromes, des plans
dâexposition au bruit (PEB) qui permettent
une vĂ©ritable maĂźtrise de lâurbanisation sur
les zones concernées. Ces plans sont éta-
blis Ă partir de courbes de gĂȘne, notion dĂ©fi-
nie par un indice dit psophique (IP), qui
intĂšgre le bruit de crĂȘte provoquĂ© par le pas-
sage dâun avion (ou dâun hĂ©licoptĂšre) et lâad-
dition de ces bruits au fil de la journée. Les
zones A et B, dont lâindice supĂ©rieur sâĂ©lĂšve
respectivement Ă 96 et 89, sont celles oĂč les
constructions nouvelles sont interdites. Ces
PEB sont Ă©tablis pour des bruits au sol : si
lâon considĂšre que le bruit au sol gĂ©nĂ©rĂ© par
un hĂ©licoptĂšre est divisĂ© par deux lorsquâil
se trouve Ă une altitude de 150 m, on voit
lâavantage quâil y a Ă crĂ©er des pistes dâatter-
rissage surélevées.
Une technologie dâavant-garde
Sa proposition de réaliser une plate-forme
dâenviron 1 ha Ă 60 m de haut induit la prise
en compte de contraintes importantes,
aussi bien pour la stabilité que pour les
risques accidentels tels que lâincendie ou le
sĂ©isme. LâoriginalitĂ© du projet repose ici sur
lâemploi du BHP (bĂ©ton hautes perfor-
mances), dont les caractéristiques permet-
tent une réduction sensible du dimension-
nement de lâouvrage et offrent des
avantages sur le plan de la mise en Ćuvre.
La pérennité, primordiale pour un ouvrage
de cette nature, est également assurée par
le BHP.
Cet ouvrage explore donc de nouvelles voies
pour permettre de conserver un héliport en
milieu urbain dense en réduisant les nui-
sances, auxquelles les riverains sont parti-
culiĂšrement sensibles.
- 15. 13
FORMATION
Le premier numéro des Carnets de
lâĂcole française du bĂ©ton est paru.
Au sommaire :
- les premiĂšres actions de lâEFB ;
- les fiches dâinformation ;
- les livres récents ;
- la composition du ComitĂ© dâorientation.
Disponible sur simple demande Ă EFB/
CIMBETON.
NOUVEAUTĂ
entreprises, les bureaux dâĂ©tudes, les agences
dâarchitecture, les administrations... pour la
diffusion et la promotion des connaissances
dans le domaine de la construction en béton.
Elle est une Ă©cole sans murs, ouverte Ă tous :
architectes, ingénieurs, techniciens, ensei-
gnants et chercheurs.
Ses premiĂšres actions se matĂ©rialisent dĂ©jĂ
par lâorganisation ou la coorganisation de
séminaires de transfert et de diffusion des
rĂ©sultats de projets nationaux ou dâuniversitĂ©s
dâhiver et dâĂ©tĂ©, par la rĂ©daction de modules
dâappui Ă lâenseignement du bĂ©ton, lâĂ©labora-
tion dâoutils pĂ©dagogiques, la promotion de
livres de rĂ©fĂ©rence et dâouvrages pĂ©dago-
giques.
LâĂcole française du bĂ©ton est soutenue par le
plan GĂ©nie civil du ministĂšre de lâĂquipement
et administrée par un bureau composé
comme suit :
q PrĂ©sident dâhonneur : J.-C. Parriaud
(CNISF)
q Président : Y. Malier (ENS de Cachan)
q Directeur : J.-A. Calgaro (Setra)
q Directeurs adjoints : R. Cantarel (IGEN),
M. TéménidÚs (Cimbéton), J.-M. Déchery
(CHEC)
q ChargĂ©s de mission : R.-M. Faure (CETU) â
multimĂ©dia â, F. Buyle-Bodin (UA) â rela-
tions enseignement supérieur
Extraits de lâĂ©ditorial du premier numĂ©ro des Carnets
de lâEFB, signĂ© Yves Malier et Jean-Armand Calgaro.
Depuis plusieurs an-
nées, des enseignants,
des ingĂ©nieurs dâentre-
prises, de bureaux dâĂ©tu-
des et dâadministrations,
des chercheurs appellent de leurs vĆux la
mise en place, dans les champs de la
construction en bĂ©ton, dâune structure lĂ©gĂšre
dont lâobjectif principal serait de fĂ©dĂ©rer et de
promouvoir, au plan national, des actions de
transfert des résultats de la recherche et des
actions de formation, parfois réalisées de
façon excellente localement ou régionale-
ment, mais qui, souvent, nâatteignent quâune
infime partie des publics visés et laissent ainsi
un dĂ©ficit de valorisation, donc dâapplica-
tions, de bien des résultats de recherche et de
beaucoup dâinnovations.
Dans le domaine du béton, beaucoup de pays,
en parfaite synergie avec leurs associations
scientifiques et leurs écoles ou universités,
ont développé des structures transversales
efficaces dont les retombées sont positives
pour tous les acteurs de la construction.
LâĂcole française du bĂ©ton est donc, avant
tout, une structure de rĂ©flexion et dâanima-
tion, jetant un pont entre les organismes dâen-
seignement, les laboratoires de recherche, les
En bref
Internet :
oĂč aller pour sâinformer ?
De plus en plus prĂ©sents sur le ârĂ©seau
de rĂ©seauxâ, les architectes disposent
maintenant de plusieurs sites pour
sâorienter sur le Web. Aleph est un cyber-
espace europĂ©en dâarchitecture mis en
place par le laboratoire dâExploration
des technologies nouvelles en architec-
ture (ETNA) de Bourg-la-Reine. TrĂšs
sobre, on y trouve par exemple la liste
des concours internationaux. On y
trouve Ă©galement un service de recher-
ches diffĂ©rĂ©es, des infos dâactualitĂ©, les
listes de diffusion francophones, etc.
Autre serveur ressource, BatOnLine
propose lui aussi une foule dâinforma-
tions aisément accessibles à destination
des architectes et des prescripteurs de
la construction. Les industriels y présen-
tent leurs derniÚres nouveautés, on peut
y faire figurer son portfolio, consulter
quelques-uns des textes officiels, etc.
Ă voir Ă©galement, le site espagnol IAZ
qui est une mine de renseignements sur
lâactualitĂ© de lâarchitecture du monde
hispanique. Un mot encore pour le site
personnel dâĂric Gagnaire, consacrĂ© Ă la
reconstruction en France.
s Aleph : <http://aleph.afuu.fr>
BatOnLine : <http://www.batonline.com>
IAZ : <http://www.iaz.com>
La reconstruction :
<http://wwwusers.imaginet.fr/~gagnaire/>
Multimédia
- 16. 14 Construction Moderne n° 94
Paris Logements
Le calme aux portes
de Paris
CâEST Ă LA PORTE DâAUBERVILLIERS, ENTRE LE PĂRIPHĂRIQUE ET LES
BOULEVARDS EXTĂRIEURS, QUE LA SAGI A LANCĂ LA CONSTRUCTION
DE 160 NOUVEAUX LOGEMENTS. UNE MISSION DĂLICATE
QUE LâATELIER PARISIEN DâURBANISME, ĂPAULĂ PAR LES QUALITĂS
ACOUSTIQUES DU BĂTON, A SU MENER Ă BIEN.
RĂ©alisation
intense. Deux Ăźlots de part et dâautre du
boulevard Mac-Donald, pour un terrain au
passĂ© industriel : cĂŽtĂ© capitale, dâimmenses
entrepÎts, cÎté périphérique, des terrains
anciennement occupĂ©s par lâhĂŽpital Claude-
Bernard et aujourdâhui en friche. Dans ce
lieu dĂ©laissĂ©, lâAtelier parisien dâurbanisme
(Apur) a souhaité transformer le tissu urbain
et prolonger la ceinture de logements des
habitations à bon marché (HBM). Une atti-
tude caractéristique de ses actions au cours
des vingt derniÚres années : les friches
industrielles de Bercy, de la ZAC Citroën, de
la Seine-Rive-Gauche, en sont les exemples
les plus célÚbres. Le tissu industriel est donc
réinvesti par de nouveaux morceaux de
ville, au profit du logement. Ici, lâApur a
conçu un plan oĂč trois Ăźlots viennent sâali-
gner le long du boulevard en demeurant le
plus loin possible du périphérique. Un mur
antibruit a été récemment construit qui pro-
tÚge les étages inférieurs des nuisances
sonores de ce dernier et redonne Ă un mail
magnifiquement plantĂ© le statut dâespace de
promenade.
Des volumes stricts
La composition et la volumétrie des ßlots
obéissent à des rÚgles strictes : trois ßlots de
50 x 80,5 m séparés par des allées de 20 m
de large. Les constructions sâalignent au
Au nord de Paris, le secteur de la porte
dâAubervilliers forme une zone plutĂŽt hos-
tile. Entre le périphérique et les voies de
chemin de fer de la gare de lâEst, entre un
grand axe de sortie de Paris et le canal Saint-
Denis, il y a là un espace totalement enclavé,
sectionné par une artÚre à la circulation
v En cĆur dâĂźlot, balcons et terrasses
dominent un jardin dont lâambiance paisible
contraste avec lâenvironnement immĂ©diat.
- 17. pourtour extérieur de chacun des ßlots et
ferment les quatre cÎtés. Le gabarit des bùti-
ments est identique, avec une hauteur de
huit Ă©tages dont un en retrait, hors la cons-
truction sur les allées dont 40 % du volume
peut ne pas ĂȘtre construit. La densitĂ© est
forte, mais il est fait obligation de dégager au
centre de chaque Ăźlot un espace vide de
1 000 m2
sans construction avec un jardin
en pleine terre de 800 m2
.
DĂ©finition dâune coupe commune
Chacun des ßlots est attribué par concours
Ă un architecte. Gilles Bouchez, Marie
Schweitzer et Daniel Kahane sont ainsi dési-
gnĂ©s. Câest alors quâun travail de concerta-
tion a lieu qui amÚne les architectes à définir
une coupe commune du boulevard au péri-
phérique. Un dénivelé existe, qui est com-
pensé par un socle horizontal, marqué par
une base en granit bleu de Lanhélin sur
laquelle reposent les constructions. CÎté
boulevard, les bĂątiments sont au niveau du
trottoir, cÎté mail et périphérique, ils déga-
gent un socle dâune hauteur moyenne per-
mettant dâintroduire avec facilitĂ© lâouverture
vers les garages souterrains. Le rez-de-
chaussée de chaque bùtiment est transparent
dans le sens longitudinal et révÚle depuis le
boulevard la vue sur les arbres du mail. Des
percĂ©es transversales sont rĂ©servĂ©es dâun Ăźlot
Ă lâautre.
Immeubles Ă©crans
LâĂźlot rectangulaire rĂ©alisĂ© par Daniel
Kahane est composé de cinq constructions
réparties en trois typologies. Une diversité
qui sâexplique par le contexte et les nui-
sances sonores.
15
Panneaux de béton poli et habillage en
bois caractérisent les façades des
immeubles villas.
Boulevard Mac-Donald Rue du Mail Mail planté Mur anti-bruit Bd périphérique
Traits dâunion entre les plots, les balcons
se rejoignent et dessinent des terrasses
suspendues ouvertes sur lâallĂ©e piĂ©tonne et
lâintĂ©rieur de lâĂźlot.
Enclavés entre deux grands axes de circulation, les logements sont soumis à de fortes pressions sonores.
v
v
- 18. Paris Logementsâ
16 Construction Moderne n° 94
Sur le boulevard Mac-Donald comme sur le
cĂŽtĂ© est de lâĂźlot, sont placĂ©s deux immeu-
bles Ă©crans. Ils possĂšdent chacun une double
façade en verre et leurs appartements sont
traversants. La double façade offre à chaque
logement une âpiĂšceâ supplĂ©mentaire dâau
moins 20 m2
. Cette derniÚre est traitée de
façon intime : sol en plastique bleu, murs et
sous-face recouverts de panneaux de bois,
fenĂȘtres coulissantes qui ouvrent en totalitĂ©.
Des boutiques doivent venir sâinstaller sur le
boulevard. Elles préserveront la transpa-
rence et laisseront apparaĂźtre la structure en
béton gris.
v Les balcons offrent dâagrĂ©ables
prolongements.
q La grille qui fédÚre
les immeubles entre eux se
retrouve dans une horizontale
de référence
R U E D U M A I L
B O U L E V A R D M A C D O N A L D
- 19. Aux angles, les façades en panneaux préfa-
briqués de béton poli blanc stabilisent
visuellement le bùti. Les modénatures, les
nez de plancher en béton ressortis pour les
balcons, participent à la grille qui fédÚre les
trois types de bĂątiments.
BĂątiment bouclier
Face au pĂ©riphĂ©rique, lâarchitecte a conçu
un bùtiment bouclier dont la façade exté-
rieure arrondie est recouverte de panneaux
dâaluminium. Les trois premiers niveaux
sont protégés des nuisances dues aux auto-
mobiles par le mur antibruit. Pour les Ă©tages
supérieurs, qui demeurent exposés au bruit,
les balcons ont des garde-corps qui jouent le
rĂŽle dâabat-son. Il sâagit en fait de rĂ©sona-
teurs à fente : formés de caissons creux rem-
plis dâabsorbant acoustique, ils prĂ©sentent
une fente par laquelle le son pénÚtre pour y
ĂȘtre captĂ©. En outre, les sous-faces des bal-
cons sont recouvertes de tÎle perforée
munie dâun absorbant acoustique afin dâem-
pĂȘcher le son de faire Ă©cho sur le garde-
corps, tandis que des menuiseries équipées
de verres acoustiques réduisent de maniÚre
remarquable le bruit de fond de la circulation
automobile. Les logements sont traversants.
Visible au rez-de-chaussée rendu transpa-
rent, la structure entiÚrement en béton gris
ressort dans les balcons. LaissĂ©s bruts Ă lâin-
tĂ©rieur, les bĂ©tons sont lazurĂ©s Ă lâextĂ©rieur.
Leur couleur, leur matiĂšre, jouent alors avec
celles de lâaluminium.
Immeubles villas
Ă lâouest, le bĂąti est moins dense. Deux
immeubles villas, qui comportent quatre
faces, sont tournés vers les autres ßlots et
font bloc. Les trois façades visibles de lâextĂ©-
rieur sont constituĂ©es dâun jeu de panneaux
préfabriqués de béton. Un béton blanc,
fabriqué avec des granulats de quartz et de
marbre blanc, puis poli. La hauteur du pan-
neau est celle dâun Ă©tage et sa largeur est
déterminée par un calepinage savant qui
marque une symĂ©trie avec les fenĂȘtres des
espaces de service ou des chambres. Sur le
chantier, le montage sâest apparentĂ© Ă un jeu
de dominos. Dans les entrées, la façade se
retourne, et le béton poli pénÚtre dans
chaque partie commune. La façade inté-
rieure Ă lâĂźlot est recouverte de planches de
bois (red cedar), du réséda brut, traité mais
non verni, qui deviendra rapidement gris
argentĂ© pour sâharmoniser avec le bĂ©ton. Les
logements, organisés en duplex, ne sont pas
traversants, mais ils offrent une double
orientation par les angles des bĂątiments. Un
travail important a Ă©tĂ© accompli sur lâexpres-
sion de la structure en béton : chaque loge-
ment possĂšde un balcon suspendu de 3 x 3 m
qui fait terrasse et est utilisé comme tel.
17
v Dans les immeubles villas, chaque
logement possĂšde un balcon suspendu qui
fait office de terrasse.
- 20. Paris Logementsâ
18 Construction Moderne n° 94
La grille qui fédÚre les immeubles entre eux
se retrouve ici dans une horizontale de réfé-
rence qui passe du bĂątiment bouclier aux
immeubles villas et aux immeubles Ă©crans.
Cette horizontale est constituĂ©e dâĂ©lĂ©ments
en béton : chaque nez de plancher en béton
est ressorti du bĂątiment bouclier et est
visuellement prolongé par la tablette préfa-
briquée en béton poli du garde-corps de
chaque terrasse des immeubles villas.
Le travail du paysagiste
En cĆur dâĂźlot, alors que le socle des
immeubles reste Ă niveau, que le terrain
alentour sâenfonce lĂ©gĂšrement vers le pĂ©ri-
phérique et que des immeubles hauts cer-
nent la cour, quiconque eût choisi de
rehausser le sol naturel. Au contraire, le pay-
sagiste a ici enfoncé le jardin pour retrouver
le niveau originel, avec une mise en scĂšne
oĂč des gradins et des passerelles en bois
viennent souligner encore la déclivité. Desti-
nĂ©s Ă lâorigine Ă lâamĂ©nagement du jardin de
la BibliothĂšque de France, de gigantesques
cailloux ont été récupérés et posés là , parmi
des plantes savamment disposées qui don-
nent un dessin sophistiqué au jardin et le
fleurissent par vagues de couleurs au prin-
temps. Au sud, le paysagiste a aussi planté
trois arbres du Japon.
Afin de créer une atmosphÚre de calme et de
plénitude sur le jardin, la majorité des faces
construites sont en béton, tramées et de
couleur blanche. Pour les immeubles Ă©crans
et lâimmeuble bouclier, les façades sont en
bĂ©ton enduit blanc, et lâensemble des
allĂšges, tablettes et mains courantes est en
éléments préfabriqués de béton poli qui
soulignent la grille de la composition. La
trame des bùtiments est répétitive, avec des
murs de refend placés selon un rythme
régulier (6 m, 6 m, 3 m). Les escaliers placés
cÎté jardin marquent celui-ci de grandes
verticales de béton poli. Pour les immeubles
villas, les façades en béton sont recouvertes
de bois. Enfin, pour le sol qui ceinture le jar-
din et dessert les immeubles, le matériau
choisi est un béton de ciment blanc désac-
tivĂ© avec des agrĂ©gats clairs, oĂč vient sâin-
cruster un quadrillage en bois Azobe. Les
marches sont en pierre de Trani, une pierre
blanche lorsquâelle est bouchardĂ©e. Notons
encore le caillebotis qui fait le tour de la
cour et suit les façades des constructions : il
permet dâĂ©viter les relevĂ©s dâĂ©tanchĂ©itĂ© et
offre un dĂ©tail dâune grande simplicitĂ© pour
la base des bĂątiments.
Le projet est une vĂ©ritable leçon dâarchitec-
ture. Le travail accompli est imposant, Ă©vi-
dent, qui permet de maĂźtriser un grand
nombre de dĂ©tails. LâĂźlot est calme, parfaite-
ment équilibré, tant par sa position que par
ses masses, ses éléments architectoniques,
ses matĂ©riaux. Dans lâunivers de la porte
dâAubervilliers qui paraissait condamnĂ© au
chaos, il fera peut-ĂȘtre bon vivre dans ces
logements.
SYLVIE CHIRAT s
MAĂTRE DâOUVRAGE : SAGI
MAĂTRE DâĆUVRE : DANIEL KAHANE,
ARCHITECTE, AVEC JACQUES LEGUY,
ACOUSTICIEN, ET JACQUES COULON,
PAYSAGISTE
BUREAU DâĂTUDES : KHEPHREN (BET
STRUCTURE) ET ALTO (BET FLUIDES)
ENTREPRISE GĂNĂRALE : BOUYGUES
v Sur le boulevard Mac-Donald et le cÎté est
de lâĂźlot, les deux immeubles forment Ă©cran.
- 21. Nancy Ăcole dâingĂ©nieurs
La lumiÚre, matériau
dâarchitecture
LA NOUVELLE ĂCOLE DâINGĂNIEURS DE NANCY VIENT CĂTOYER
LâĂCOLE DâARCHITECTURE DE LIVIO VACCHINI. OUTRE LA RECHERCHE
DâUNE UNITĂ FORMELLE ENTRE LES BĂTIMENTS, LE TRAVAIL SUR
LA LUMIĂRE NE LAISSE PAS DâĂMOUVOIR.
v ComposĂ© dâun parallĂ©lĂ©pipĂšde simple,
lâĂ©difice crĂ©e une unitĂ© dans le dĂ©sordre
urbain.
x Ă lâorigine, il sâagissait pour les architectes
de dĂ©velopper le thĂšme lancĂ© par lâĂ©cole
dâarchitecture de Livio Vacchini, toute
proche, cela afin dâasseoir les bases dâun
quartier cohérent.
RĂ©alisation
le bùtiment voisin et la géométrie de la rue
par lâintermĂ©diaire dâun petit pavillon dâen-
trée indépendant.
Le bùtiment est conçu sur le principe du
plan libre, ancrĂ© au sol par deux blocs dâes-
caliers revĂȘtus de pierre, libĂ©rant les façades
des contraintes structurelles, et permettant
de vitrer entiĂšrement lâassise des deux pre-
miers Ă©tages et de âfaire la transparenceâ sur
les angles. En vue de créer une unité dans le
désordre urbain environnant, les architectes
se sont proposĂ© dâĂ©tablir un dialogue avec le
projet de Livio Vacchini. LâidĂ©e constructive
de lâĂ©cole dâarchitecture est ainsi reprise
pour fonder une cohĂ©rence Ă lâĂ©chelle du
quartier. Les façades sont faites de grands
panneaux de béton blanc préfabriqués qui
LâĂ©cole dâingĂ©nieurs rĂ©alisĂ©e par les archi-
tectes Laurent et Emmanuelle Beaudouin,
associés à Lucien Colin, Dominique Henriet
et Paul Morand, est située à proximité de
lâĂ©cole dâarchitecture de Livio Vacchini dans
le quartier de la ZAC Stanislas-Meurthe Ă
Nancy, bordée par un pont qui franchit le
canal de la Marne au Rhin. ComposĂ© dâun
parallélépipÚde simple dont le gabarit est
donnĂ© par le plan dâurbanisme, calĂ© Ă lâangle
de la rue et du pont, lâĂ©difice sâarticule avec
19
- 22. Nancy Ăcole dâingĂ©nieursâ
20 Construction Moderne n° 94
utilisent un béton légÚrement rosé de la
mĂȘme composition que celui de lâĂ©cole
dâarchitecture. Les modules horizontaux
sont similaires Ă ceux de lâĂ©cole : de mĂȘme
hauteur, 86 cm, mais de longueur différente,
5,92 m, ils correspondent Ă la trame cons-
tructive. Une modénature légÚrement diffé-
rente et un profil en pointe de diamant per-
mettent de moduler la lumiĂšre de maniĂšre
plus spécifique. Concernant la fabrication et
la mise en Ćuvre des panneaux, lâentreprise
est la mĂȘme que pour lâĂ©cole de Livio
Vacchini. Les panneaux sont accrochés aux
refends par lâintermĂ©diaire de corniĂšres bou-
lonnées sur des consoles, et clavetés aux
extrémités : leur étanchéité est assurée au
niveau des joints par une goulotte encastrée
permettant de rejeter lâeau Ă lâextĂ©rieur.
En cohérence également avec le travail de
lâarchitecte tessinois, le projet est fondĂ© sur
un systĂšme de proportions issu du Modulor
de Le Corbusier. Dans un mĂȘme souci de
vérité constructive, la façade est formée
dâune double Ă©paisseur de bĂ©ton qui permet
dâobtenir une cohĂ©rence intĂ©rieure et extĂ©-
rieure, et de rendre la structure aussi lisible
que possible.
Un volume insolite pour lâentrĂ©e
En opposition avec la rigueur géométrique
du projet, le pavillon polychrome de lâentrĂ©e
apparaßt comme un objet insolite, qui déve-
loppe un langage formel et constructif trĂšs
différent. Les voiles suspendus et les
volumes flottants en porte-à -faux créent un
univers plastique plus libre, dans le but de
dilater visuellement lâespace intersticiel entre
les deux bùtiments, et de réaliser une conti-
nuité entre la rue et le canal par un jardin
planté. Les parois du bùtiment, construit en
bĂ©ton coulĂ© en place, sont isolĂ©es par lâextĂ©-
rieur Ă lâaide dâun Ă©lĂ©ment en polystyrĂšne
recouvert dâune rĂ©sine de fibre de verre et
dâun enduit colorĂ©.
La pureté du volume principal, considérée
comme âtrĂšs difficileâ selon les quatre schĂ©-
mas de composition de Le Corbusier, cor-
respond en mĂȘme temps Ă une recherche
personnelle développée par les architectes
et illustrée dans leurs derniers projets : la
médiathÚque de Poitiers ou bien la biblio-
thĂšque universitaire de Belfort, en construc-
tion actuellement. Cette rigueur géomé-
trique est naturellement compensée par un
travail trĂšs riche sur lâespace intĂ©rieur, avec
v Dans le pavillon de lâentrĂ©e, les voiles
suspendus et les volumes flottants en porte-
Ă -faux crĂ©ent un univers plastique oĂč
lâespace se dilate.
v Les panneaux préfabriqués utilisent un
béton légÚrement rosé qui rappelle celui de
lâĂ©cole dâarchitecture voisine.
x LâĂ©cole dâingĂ©nieurs de Nancy sâinscrit
dans le droit fil des principes esthétiques
de la médiathÚque de Poitiers : pureté
et rigueur géométrique se lisent déjà dans
cette création récente des architectes.
- 23. des imbrications dâĂ©tages permettant de
dilater les piÚces, malgré un programme trÚs
serré dans le gabarit imposé. Le rez-de-
chaussĂ©e est un espace dâaccueil continu
autour des deux amphithéùtres, avec une
cafétéria donnant sur le jardin cÎté canal et
un espace de rencontre double hauteur cÎté
rue. Les deux amphithĂ©Ăątres peuvent ĂȘtre
réunis en supprimant la cloison centrale ;
leur niveau le plus bas vient sâencastrer dans
la hauteur du parc de stationnement souter-
rain. Les deux premiers Ă©tages contiennent
les salles de cours desservies par une circula-
tion centrale. Les deux derniers accueillent
les bureaux des chercheurs, de lâadministra-
tion, et le centre de documentation. Ils se
rĂ©partissent autour dâun vide central Ă©clairĂ©
zénithalement, occupé par un escalier trapé-
zoĂŻdal monumental Ă la façon de lâescalier
de la villa Malaparte dâAdalberto Libera, qui
aboutit sur une terrasse extĂ©rieure orientĂ©e Ă
lâouest sur le canal. Lâespace de la biblio-
thÚque, également orientée vers le canal, se
développe verticalement le long de la façade
par un espace en triple hauteur : ses réserves
sont glissĂ©es sous lâescalier du hall central.
Le toit-terrasse, accessible depuis le dernier
niveau, poursuit le thĂšme de la promenade
architecturale vers le ciel.
La modulation de la lumiÚre est une préoc-
cupation chĂšre aux architectes. Chaque
espace intérieur est systématiquement éclairé
de maniĂšre naturelle, parfois indirectement,
comme les espaces de distribution des salles
de cours Ă travers les cloisons de briques de
verre, ou bien zénithalement, par des canons
Ă lumiĂšre pour les deux derniers niveaux.
OrientĂ©s Ă lâest ou Ă lâouest, ces puits de jour
21
v Le rez-de-chaussée est un espace
dâaccueil continu organisĂ© autour des deux
amphithéùtres.
v Le travail en coupe agrandit lâespace
des piĂšces et enrichit le jeu de la lumiĂšre
naturelle.
suspendus, colorés de rouge et de jaune,
renforcent les effets du soleil de Nancy et
donnent une dimension abstraite Ă la
lumiĂšre intĂ©rieure. LâĂ©clairage de la biblio-
thĂšque Ă lâouest est Ă©galement modulĂ© par
un systÚme de brise-soleil en verre sérigra-
phié, dont les lames sont orientées différem-
ment sur trois registres, pour alternative-
ment protéger du soleil ou bien faire
pĂ©nĂ©trer la lumiĂšre jusquâau fond de la salle.
Un systÚme légÚrement différent sur la
façade sud permet de faire pivoter électri-
quement les lames selon les besoins. Dans
cette architecture, chaque élément est
empreint dâune rigueur de pensĂ©e qui pro-
longe la clarté des choix constructifs, pour-
suivant ainsi une expĂ©rience qui sâenrichit
dâun projet Ă lâautre.
NATHALIE RĂGNIER s
q Ici, chaque élément
est le reflet dâune grande
rigueur de pensée
- 24. de solutions mixtes. En effet,
pour la médiathÚque de Poi-
tiers, comme pour le musée des
Beaux-Arts que nous construi-
sons actuellement Ă Nancy,
certaines parties sont coulées
en place, et dâautres, comme
certaines poutres, pour des
raisons de simplification tech-
nique, sont préfabriquées sur
le site. Une fois mises en place,
il est trĂšs difficile de faire la dif-
férence. De ce point de vue,
cela ne change rien Ă lâarchitec-
ture. La continuité de la struc-
ture et de la matiÚre est préser-
vĂ©e. Par contre, lâutilisation de
panneaux de béton préfabri-
qués impose une conception
architecturale immédiatement
liée à la matiÚre ; le projet se
compose mentalement avec une
certaine logique structurelle, et
une rigueur des trames construc-
tives. Lâemploi de panneaux
en façade entraßne une organi-
sation des espaces intérieurs et
une position des ouvertures
liées à la dimension du panneau.
En mĂȘme temps, la proportion
horizontale des panneaux per-
met de troubler la compréhen-
sion des niveaux depuis lâextĂ©-
rieur, et de rendre unitaire, par
leur Ă©chelle, un bĂątiment dont la
coupe est trĂšs complexe.
C. M. : Ce bĂątiment semble ĂȘtre
une démonstration technique et
plastique de ce que lâon peut
faire avec différents matériaux :
le béton, le verre, la pierre, etc.
Attribuez-vous un rÎle spéci-
fique à chaque matériau ?
L. B. : Je nâaime pas lâidĂ©e
quâun Ă©difice fasse Ă©talage de
ses matĂ©riaux, comme sâil
sâagissait dâun salon du bĂąti-
ment. Nous essayons toujours
dâutiliser les matĂ©riaux dans une
certaine continuité. Deux maté-
riaux pour une façade, câest
dĂ©jĂ beaucoup. Pour lâĂcole du
génie des systÚmes industriels,
la grande force géométrique du
volume prismatique est soulignée
par lâutilisation des panneaux de
bĂ©ton blanc. Le verre nâest pas
traité comme une matiÚre en
soi. Seule alternative au béton,
la pierre bleue du Hainault fait
socle dans le prolongement du
sol, pour ancrer par un matériau
plus âruralâ le bĂątiment Ă la terre.
Entretien avec
Laurent Beaudouin,
architecte de lâĂ©cole dâingĂ©nieurs de Nancy
22 Construction Moderne n° 94
Nancy Ăcole dâingĂ©nieursâ
déjà construits. Nous avons
choisi de faire du travail de Livio
Vacchini pour lâĂ©cole dâarchitec-
ture un thÚme qui serait déve-
loppĂ© dans dâautres construc-
tions. Malheureusement, tous
les Ă©difices de la ZAC nâont pas
respecté cette idée, qui risque
finalement de passer inaperçue.
C. M. : Compose-t-on différem-
ment selon que lâon utilise du
béton préfabriqué ou du béton
coulé en place ?
L. B. : Lâimpact du choix
constructif est trĂšs visible dans
ce projet : le volume prismatique
est en béton blanc préfabriqué,
le pavillon dâentrĂ©e aux volumes
plus libres est en béton coulé
en place. En réalité, la réponse
nâest pas si simple : lorsque lâon
construit avec du béton coulé
en place, il sâagit trĂšs souvent
Construction Moderne :
Ă quel moment, et comment
le choix dâun matĂ©riau de
construction intervient-il dans
la conception dâun Ă©difice ?
Laurent Beaudouin : Le choix
du matériau précÚde presque
le projet. Câest un peu comme,
pour un cinéaste, faire un film
en ayant en tĂȘte lâacteur qui va
le jouer. Lâaspect du matĂ©riau,
câest ce qui va donner au bĂąti-
ment son caractĂšre, comme
Ă un ĂȘtre humain. Câest donc un
choix fait au départ. Par exemple,
pour lâĂcole du gĂ©nie des sys-
tĂšmes industriels, lâemploi de
panneaux de béton préfabriqué
Ă©tait dĂ©cidĂ© dĂšs lâorigine du pro-
jet : étant donné la complexité
gĂ©omĂ©trique du plan dâurba-
nisme, il nous a semblé néces-
saire de développer un minimum
de cohérence avec les bùtiments
- 25. 23
Ă lâintĂ©rieur, le bois dâOkoumĂ©
apporte une douceur qui com-
pense la sévérité du dehors.
Les menuiseries sont en acier,
protĂ©gĂ©es Ă lâextĂ©rieur par des
capots en aluminium pour affir-
mer la finesse des profils.
C. M. : En quoi ces matériaux
contribuent-ils à révéler
les lumiĂšres architecturales ?
La lumiÚre est-elle un matériau
dâarchitecture au mĂȘme titre
que les autres matériaux ?
L. B. : Nous avons voulu
expérimenter, dans cette école,
ce que pouvait produire un
matériau dont la surface, par
des géométries particuliÚres,
jouerait avec la lumiĂšre, Ă
la maniĂšre de lâarchitecture
ancienne, comme cette Ă©glise Ă
Naples avec ses pierres taillées
en pointe de diamant. La
lumiĂšre de Nancy, brumeuse,
plutĂŽt blanche, adoucit le jeu de
facettes des panneaux de béton,
en atténuant les ombres.
La lumiÚre en tant que matériau
dâarchitecture est un thĂšme que
nous développons à travers
nos projets, mais ce nâest pas
un thĂšme qui se rapporte aux
façades ; la lumiÚre est un
matĂ©riau de lâespace intĂ©rieur,
auquel nous donnons des rĂŽles
différents selon les usages. Les
brise-soleil de la façade ouest
sont utilisés pour obtenir une
lumiĂšre diffuse, confortable,
dans la bibliothĂšque. Ă lâinverse,
les puits de jour de lâespace
central de distribution trans-
forment la lumiÚre en une géo-
mĂ©trie forte et colorĂ©e. Câest
une maniĂšre dâhumaniser la
nature, par lâabstraction. Para-
doxalement, lâabstraction est un
phĂ©nomĂšne humain : câest la
capacitĂ© de lâesprit Ă organiser
les choses, pour rendre la
nature compréhensible. Cette
transformation de la lumiĂšre
naturelle en une géométrie
abstraite Ă lâintĂ©rieur module
la lumiĂšre du soleil comme celle
dâun projecteur de cinĂ©ma.
Le jaune du soleil de midi et
le rouge du soleil couchant
sâaffrontent ou se combinent,
selon lâendroit oĂč lâon se trouve,
pour Ă©galer parfois la lumiĂšre
extérieure.
C. M. : Pour quelle raison
certains éléments architec-
toniques sont-ils récurrents
dans vos projets ?
L. B. : Effectivement, certains
thÚmes de recherche sont déve-
loppĂ©s dâun projet Ă lâautre,
donnant lâimpression que
nous faisons toujours le mĂȘme
bĂątiment : la modulation de
la lumiĂšre, lâexpression de la
structure ou le parcours archi-
tectural sont des thĂšmes
permanents dans notre travail.
Nous utilisons souvent les brise-
soleil, par exemple. Câest une
invention architecturale et plas-
tique de Le Corbusier, qui
a été reprise et transformée par
dâautres architectes. Curieu-
sement, cette invention est telle-
ment marquée par le sceau de
Le Corbusier que personne
aujourdâhui nâose lâutiliser.
Pourtant, le brise-soleil est un
Ă©lĂ©ment trĂšs fort dâun point de
vue plastique, et en mĂȘme
temps un objet utile pour lâarchi-
tecture : il permet dâamener la
lumiĂšre dans un bĂątiment sans
amener la chaleur. Nous lâavons
dâabord utilisĂ© assez âlittĂ©ra-
lementâ, en modifiant simple-
ment la matiĂšre : Ă Nancy, le
verre sérigraphié filtrant a permis
de transformer lâidĂ©e du brise-
soleil, dâen faire un Ă©lĂ©ment utili-
sable dans la lumiĂšre particu-
liÚre de nos régions.
En mĂȘme temps, le brise-soleil
a la capacitĂ© dâassurer lâunitĂ©
de la façade en la traitant
comme une surface, comme un
ânid dâabeillesâ, et non comme
un empilement. Lâapport des
artistes des années soixante et
de lâOp-Art Ă ce sujet, avec leur
travail sur la répétition, sur la
géométrie optique, est détermi-
nant. La dimension plastique
du brise-soleil permet de sâaf-
franchir des niveaux, de gérer
la dimension dâun Ă©difice sans
nuire Ă son Ă©chelle. Câest une
invention pour laquelle il reste
encore Ă inventer.
Propos recueillis par
Nathalie RĂ©gnier
MAĂTRE DâOUVRAGE : DISTRICT URBAIN
DE NANCY
MAĂTRE DâOUVRAGE DĂLĂGUĂ : SOLOREM
MAĂTRE DâĆUVRE : L. ET E. BEAUDOUIN,
ARCHITECTES MANDATAIRES, L. COLIN,
D. HENRIET, P. MAURAND, ARCHITECTES
ASSOCIĂS
ENTREPRISE GROS ĆUVRE : PERTHUY
- 26. Vallée du RhÎne TGV Méditerranée
Innovations et
environnement
DESTINĂ Ă RELIER PARIS Ă MARSEILLE EN 3 HEURES DĂS LA FIN DE LâAN 2000, LE TGV MĂDITERRANĂE
POSE AUSSI LES PREMIERS JALONS DâUNE LIAISON FERROVIAIRE RAPIDE VERS LâESPAGNE, VIA NĂMES ET
MONTPELLIER, ET VERS LâITALIE. SES OUVRAGES DâART, CĂLĂBRES AVANT MĂME LEUR MISE EN SERVICE
POUR LEUR INSCRIPTION DANS LES PAYSAGES DE LA VALLĂE DU RHĂNE, DE LA PROVENCE ET DU
LANGUEDOC, TOTALISENT PRĂS DU QUART DES 250 KM DE LIGNE. COUP DâĆIL SUR LES PLUS DIGNES
ET PRESTIGIEUX REPRĂSENTANTS DE CETTE FUSION ENTRE
ARCHITECTURE ET GĂNIE CIVIL, OUVRAGES DâEXCEPTION POUR
SITES Ă METTRE EN VALEUR.
LE TGV MĂDITERRANĂE EN CHIFFRES
âą 250 km de ligne.
âą 3 000 km de variantes.
âą 300 mesures pour la protection
de lâenvironnement.
⹠2 millions de plans cotés au
millimĂštre.
⹠5 000 procédures de travaux.
âą 3 ans et demi de travaux.
âą 508 ouvrages courants, dont
13 grands viaducs.
âą 7 viaducs exceptionnels.
âą 28 et 38 millions de mĂštres
cubes de déblais et remblais.
âą 1,5 million de mĂštres cubes
de béton.
âą 600 000 tonnes de ciment.
âą 24,2 milliards de francs,
financés à 90 % par la SNCF
et Ă 10 % par lâĂtat.
âą 57 000 emplois sur 5 ans pour
100 millions dâheures de travail.
Solutions béton
24 Construction Moderne n° 94
âNous avons rĂ©volutionnĂ© nos processus
dâĂ©tude en intĂ©grant les contraintes environ-
nementales dĂšs le stade de lâavant-projet
sommaire, explique Gilles Cartier, directeur
du TGV Méditerranée à la SNCF. Ont été
rassemblĂ©s autour dâune mĂȘme table des
géologues, des ingénieurs en génie civil, des
Il aura fallu une dizaine dâannĂ©es de ges-
tation pour que le projet du TGV MĂ©diterra-
nĂ©e prenne corps. Dix annĂ©es consacrĂ©es Ă
lâĂ©tude du tracĂ© et de ses 3 000 km de
variantes, Ă lâexamen des contraintes gĂ©o-
techniques et hydrauliques, Ă lâanalyse des
enjeux Ă©conomiques et sociaux.
- 27. paysagistes, des spĂ©cialistes de lâĂ©cologie...
Auparavant, cette composante Ă©tait rappor-
tée à des études déjà bien avancées. Jamais
la SNCF nâĂ©tait allĂ©e aussi loin.â
Cette volontĂ© trĂšs forte dâinsĂ©rer la ligne au
sein dâune rĂ©gion renommĂ©e pour sa beautĂ©
nâest sans doute pas Ă©trangĂšre Ă la forte
mobilisation des résidants opposés au pro-
jet. âCâest paradoxal, mais nous avons peut-
ĂȘtre pĂ©chĂ© par excĂšs de transparence lors
des opérations de consultation publique,
explique le responsable de la communica-
tion Michel Pronost. En proposant 3 000 km
de variantes, nous avons aussi créé 3 000 km
dâinquiĂ©tude...â LâĂ©tude paysagĂšre a dâailleurs
passĂ© au crible toutes les communes, lâune
aprĂšs lâautre, sur une largeur de 150 m de
part et dâautre de la ligne !
pleinement à cette réflexion paysagiste...
Lâarchitecture, mais aussi lâenvironnement,
intÚgrent profondément les spécificités cli-
matiques, la protection contre le soleil et le
vent étant parachevée par des alignements
de platanes et autres espĂšces tels que le pin
ou le cyprĂšs (gares dâArbois, dâAvignon et de
Valence).
La mission de la SNCF comprend une
dimension dâamĂ©nagement du territoire Ă
part entiĂšre, en anticipant par exemple les
modifications du réseau routier, ou en orga-
nisant la recomposition du tissu parcellaire.
Il en est de mĂȘme en matiĂšre dâenvironne-
ment. Citons lâexemple des nombreuses
anciennes carriÚres situées aux environs de
la ligne, qui seront comblées avec les déblais
des chantiers, puis revégétalisées. La SNCF
finance par ailleurs la plantation dâun mil-
lion dâarbres sur 3 ans pour les abords du
tracĂ©, et a chargĂ© lâOffice national des forĂȘts
dâune mission globale visant Ă limiter lâim-
pact du TGV sur la nature, et notamment Ă
minimiser les risques dâincendie.
En matiÚre de préservation de la faune,
enfin, la SNCF a prévu de nombreux pas-
25
Montélimar
VERS LYON
Pierrelatte
Orange
Avignon
Aix-en-
Provence
NĂźmes
Marseille
Valence
Arles
1
2
4 bis
6
8
7
9
10
13
14
12
25
22
20
16
17
19
11
15
5
7 bis
12bis
3
4
11
18
21
23
Mer Méditerranée
RhĂŽne
3 âą Viaduc de la Grenette (947 m)
4 âą Tunnel de Tartaiguille (2 430 m)
11 âą Viaducs sur le RhĂŽne (2 x 1 500 m)
18 âą Viaduc de VernĂšgues (1 210 m)
21 âą Viaduc de Ventabren (1 730 m)
23 âą Ouvrages souterrains dâarrivĂ©e sur
Marseille (7 834 m)
Un travail considérable
sur les paysages
Confié par la SNCF à Didier Courtemanche,
paysagiste renommé, le schéma directeur
paysager du tracé a été établi en prenant en
compte lâhistoire des lieux, la population, la
composition des sites (présence de gar-
rigues, de coteaux ou de plaines) et les tech-
niques agricoles locales (cultures en terrasses,
protection des cultures maraĂźchĂšres du mis-
tral par des haies...). Cette étude générale a
débouché sur la sélection de 10 paysagistes
locaux, choisis en particulier pour leur capa-
cité à nouer le dialogue avec les riverains et
les Ă©lus. Lâintervention de SĂ©bastien Giorgis
Ă Tavel, oĂč la ligne sort dâun massif en tra-
versant dâanciennes cultures en terrasses,
prĂ©voit par exemple de modeler Ă lâiden-
tique le remblai supportant les voies, mĂȘlant
ainsi végétation locale et pierres sÚches.
Lâimplantation et la conception des gares du
TGV Méditerranée sont le fruit de réflexions
visant Ă faciliter les interconnexions entre les
dessertes routiĂšres et les lignes Ă grande
vitesse et les lignes régionales. Elles participent
v La SNCF a réalisé de nombreuses consultations avec les riverains pour intégrer ce vaste
chantier dans lâenvironnement.
- 28. 26 Construction Moderne n° 94
abaisser de moitié le niveau acoustique au
niveau des zones habitĂ©es (rĂ©duction de 65 Ă
62 dB[A])â, souligne Michel Roujon, respon-
sable du service GĂ©nie civil. DâoĂč ces Ă©crans
sur les ouvrages, ces murs et ces merlons
paysagers en section courante. Les riverains
sont mĂȘme assurĂ©s que les nuisances sono-
res diminueront, avec la mise en circulation
future de trains plus silencieux (60 dB[A] Ă
terme). âLa loi sur le bruit, au mĂȘme titre
que la loi sur lâeau, a dĂ» ĂȘtre intĂ©grĂ©e au cours
du projet, celui-ci ayant débuté avant leur
entrĂ©e en vigueurâ, ajoute Michel Roujon.
En obligeant Ă limiter Ă seulement 5 cm
lâĂ©lĂ©vation des eaux dans le lit des cours
dâeau mais aussi toute zone inondable, lâap-
plication de la loi sur lâeau a entraĂźnĂ© une
forte augmentation du nombre dâouvrages Ă
VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©eâ
Long de 947 m et constitué de travées de
41 Ă 53 m, ce premier grand ouvrage du nord
de la ligne franchit un profond talweg, qui
porte la hauteur maximale des piles Ă 60 m.
Les piles, dâune grande densitĂ© de ferrail-
lage pour résister au flambement (135 kg/m3
),
sont constituĂ©es dâune partie trapĂ©zoĂŻdale
en béton teinté en ocre dans la masse et
sablĂ©, surmontĂ©e dâune partie oblongue en
béton gris. Le tablier en béton précontraint
est poussé au fur et à mesure que sont
fabriquĂ©s les caissons. âLes conditions gĂ©o-
logiques se sont avérées trÚs pénalisantes,
entraĂźnant un retard de 4 mois et demi sur le
Viaduc de la Grenette :
grande hauteur et fondations hors normes
planning, explique Didier Thierry, chef de
district Ă la SNCF. Failles et zones man-
quant de portance ont conduit Ă surdimen-
sionner les appuis.â TĂ©moin la pile 16, pour
laquelle étaient envisagées des fondations
superficielles de 2,50 m de haut et qui a
nécessité la réalisation de 12 pieux de
32 m de profondeur et de 2 m de diamĂštre !
Architecte : Jean-François Blassel / Concepteur :
Michel Virlogeux / Entreprises : Quillery et
Cie â RoziĂšre TP â SERF â Armature SA â
Presspali France â Spie Batignolles TP
Calcaire
Stampien supérieur
Argiles marneuses
Stampien inférieur
GrĂšs de lâAlbien Marnes de lâAptien
Viaduc de la Grenette Tunnel de Tartaiguille
Talweg du Lombard
sages souterrains pour petits et grands
animaux, lâamĂ©nagement de talus, de haies
et de zones de gagnage (champs de blé, de
luzerne) pour entretenir la vie animale. Mais
le fait le plus marquant dans ce domaine
reste lâinterruption des travaux pendant la
pĂ©riode de nidification de lâaigle de Bonelli,
une espÚce menacée et protégée !
Nouvelle donne réglementaire
LâĂ©volution de la rĂ©glementation, telle la loi
sur le bruit, a rendu la tĂąche de la SNCF trĂšs
complexe. âUne Ă©tude de la totalitĂ© du par-
cours, menĂ©e Ă lâaide dâun logiciel de simula-
tion acoustique adapté aux applications fer-
roviaires, nous a amenés à prévoir 80 km de
protection phonique supplémentaires pour
des endroits oĂč un simple remblai aurait
suffi, en particulier sur les grands franchisse-
ments (vallĂ©es du RhĂŽne, de la DuranceâŠ).
âLâĂ©cartement des piles des viaducs a Ă©gale-
ment Ă©tĂ© augmentĂ©â, prĂ©cise le responsable.
Consultation dâarchitectes
La conception de 7 viaducs, classés ouvrages
exceptionnels â il sâen construit au plus une
dizaine chaque annĂ©e en France â, a Ă©troite-
ment associé architectes, paysagistes et ingé-
nieurs. Suite Ă un appel Ă candidature
auquel ont rĂ©pondu 75 cabinets dâarchi-
tectes, une commission associant la direc-
tion de lâArchitecture et de lâUrbanisme, les
directions rĂ©gionales de lâEnvironnement,
les architectes des BĂątiments de France et les
- 29. maires des communes traversées, a réalisé
une sĂ©lection des projets. Un atelier dâarchi-
tecture regroupant les cabinets Amédéo,
Duval, Urbâain (Giger) et Lavigne a permis
de dĂ©finir les principes dâune vĂ©ritable
âimage de ligneâ depuis Valence jusquâĂ
Marseille et Montpellier, tout en adaptant
chaque ouvrage au site traversé.
En optant pour un systĂšme de consultation
plutĂŽt que de concours, la SNCF a pu sâas-
socier Ă un ou plusieurs architectes dĂšs la
phase de lâavant-projet sommaire. âQuand la
technique permettait de mettre en compéti-
tion ouvrages en béton et ouvrages mixtes,
nous lâavons fait, reprend Michel Roujon.
En gĂ©nĂ©ral, le bĂ©ton sâest rĂ©vĂ©lĂ© technique-
ment et économiquement plus adapté à la
rĂ©alisation dâouvrages de grande taille.â
Lâarticulation des compĂ©tences a donnĂ©
priorité aux architectes. Aux ingénieurs,
ensuite, de rendre ces solutions construc-
tibles. Une mission dâautant plus difficile
27
Tunnel de Tartaiguille :
un terrain hétérogÚne
Situé dans le prolongement du viaduc de
la Grenette, ce tunnel dâune longueur de
2 430 m passe sous le col de Tartaiguille.
La pĂ©nĂ©tration dans une couche dâargile
a nécessité de modifier radicalement la
mĂ©thode dâexcavation, aprĂšs avoir pro-
gressĂ© par demi-sections sur 1 500 m. âLa
forte pression du terrain entraĂźnait des
convergences de 40 cm qui nâĂ©taient
pas acceptables, explique Jean-Marc
Estre, chef de section Ă la SNCF. Nous
excavons dorénavant par sections com-
plÚtes, selon la méthode de Lunardi. Cette
technique nouvelle, donc extrĂȘmement
difficile Ă maĂźtriser, consiste Ă consolider
le front de taille avant terrassement Ă la
pelle hydraulique par des boulons en
fibres de verre de 24 m de long. La pose
des cintres de soutÚnement de la voûte,
lâapplication du bĂ©ton projetĂ© armĂ© de
fibres métalliques et destiné à stabiliser
provisoirement le terrain, sont inchan-
gées. Viennent ensuite la construction du
radier et de la voĂ»te en bĂ©ton armĂ©.â
Le tunnel, attaqué par ses deux extrémi-
tés, présente une section intérieure de
100 m2
(soit 180 m2
excavés) pour per-
mettre le croisement sans risque de
deux TGV lancés à 300 km/h. La coque
en bĂ©ton de 50 Ă 80 cm dâĂ©paisseur,
protĂ©gĂ©e par une membrane dâĂ©tan-
chĂ©itĂ©, est Ă©difiĂ©e Ă lâaide dâun coffrage
glissant et ne doit présenter aucun
dĂ©faut dâaspect... mĂȘme si personne ne
pourra jamais les remarquer !
Entreprises : Quillery â Demathieu & Bard
que les données topographiques, en impo-
sant des portées et des hauteurs de piles
plus importantes que sur les TGV précé-
dents, ont demandé de recourir à des solu-
tions technologiques trĂšs pointues, encore
jamais appliquées sur des ponts ferroviaires.
Un cahier des charges
trĂšs contraignant
Résister aux efforts engendrés par deux TGV
qui se croisent, lâun en pleine accĂ©lĂ©ration,
lâautre en plein freinage, par un vent de
200 km/h et le tout pendant un tremble-
ment de terre, voilà , briÚvement résumées,
les contraintes que doivent supporter les
viaducs du TGV Méditerranée. Solution :
une grande inertie des structures, un ancrage
des piles sur des massifs de fondation impo-
sants, une solidarisation du tablier aux
appuis pour Ă©viter quâil ne se soulĂšve, la rĂ©a-
lisation de butées dans le sens transversal ou
encore la pose dâamortisseurs au niveau des
culées, disposition qui vise à obtenir une
sécurité supplémentaire vis-à -vis de la fissu-
ration des appuis.
v Les viaducs du TGV Méditerranée doivent
résister à des contraintes mécaniques
statiques et dynamiques exceptionnelles.
- 30. 28 Construction Moderne n° 94
VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©eâ
Destiné au franchissement de la vallée
de Cazan, dans les Bouches-du-RhĂŽne,
ce viaduc de 1 210 m doit son originalité
Ă un tablier de type multicaisson en
béton précontraint de section semi-cylin-
drique, dont la hauteur décroßt de 5,25 m
Ă 1,50 m au fur et Ă mesure que lâon se
rapproche des extrémités, la courbure
basse étant progressivement tronquée.
Construit par encorbellement au centre
et par poussage aux extrémités, moyen-
nant des systĂšmes de retenue par cĂąbles
du fait de la déclivité du tracé, ce tablier
repose sur des piles simple ou double fût
de forme variable, qui sâespacent lors-
que la hauteur augmente. Ainsi, la portée
va de 80 m au centre Ă 15 m en rive.
Lâensemble de ces dispositions rĂ©sulte
dâun compromis entre la volontĂ© de
finesse de lâarchitecte et les contraintes
de rĂ©sistance et de dĂ©formabilitĂ©. âLe
chantier sâest donc rĂ©vĂ©lĂ© trĂšs technique
du fait de lâajustement permanent des
coffrages spéciaux, variables en tous
Viaduc de VernĂšgues :
le plus complexe
Coupe transversale
sur tablier poussé
Coupe transversale sur tablier
en encorbellement
sens, chaque partie dâouvrage Ă©tant
uniqueâ, assure HervĂ© Derambure, chef
de district Ă la SNCF. Avec comme
autres contraintes lâobtention dâun pare-
ment exempt de toute imperfection sur
les voussoirs, et la nécessité de décoffrer
rapidement pour suivre le rythme du
chantier (23 mois de travaux). âLa sec-
tion courbe et la finesse des parois ont
demandĂ© la combinaison dâune vibration
externe, appliquée sur les parois des cof-
frages, et dâune vibration interne Ă lâaide
dâune aiguille, conclut le responsable. La
finition sera parachevée par un léger
sablage de la totalitĂ© de lâĂ©difice.â
Architecte : Alain Amédéo / Entreprises :
Dodin Sud â Sogea SA â Sogea Sud-Est
Soulignons aussi que la SNCF est le premier
maĂźtre dâouvrage Ă mettre en application les
derniers textes réglementaires définissant les
accélérations nominales à prendre en
compte en cas de séisme, qui interviennent
dans le dimensionnement des piles.
Un autre élément dont il faut faire état est la
prise en compte des exigences liées à la spé-
cificitĂ© ferroviaire. âNos ponts-rail supportent
3 fois plus de charges et 10 fois plus dâef-
forts de freinage quâun ouvrage routier, ainsi
quâune vitesse maximale de 350 km/h dans
le cas du TGV, explique Christian Bousquet,
chef de la division des grands ouvrages en
béton. La maßtrise des problÚmes vibratoires
et de déformation des tabliers impose des
structures porteuses dâune trĂšs grande rigi-
ditĂ©.â Les exigences de sĂ©curitĂ© demandent
par exemple dâassurer en toutes circons-
tances le maintien du contact roue-rail et
lâabsence de dĂ©consolidation du ballast
malgré les amplifications dynamiques.
Des solutions constructives
exceptionnelles
Pour répondre à ces contraintes nombreuses
et exceptionnelles, la SNCF a dĂ» trouver le
juste Ă©quilibre entre le recours Ă des solu-
tions expérimentales, limitées pour les ouvra-
ges en béton à un petit nombre de réalisa-
tions en béton hautes performances B60 et
B80 entre Orange et MontĂ©limar, qui sâinscri-
vent dans le cadre du projet BHP 2000, et le
respect dâimpĂ©ratifs de durabilitĂ© et de sĂ©cu-
rité trÚs sévÚres.
Le caractÚre innovant réside davantage dans
lâadaptation Ă des ouvrages de trĂšs grande
taille de techniques pointues déjà validées
en France ou Ă lâĂ©tranger : prĂ©contrainte
extérieure, préfabrication, rotation de
fléaux, séparation de tabliers par joint canti-
lever, utilisation de béton blanc, excavation
de tunnel en pleine section...
- 31. Un béton clair, proche du calcaire des mas-
sifs rocheux de la région, a été utilisé pour
le plus grand viaduc de la ligne nouvelle
(1 730 m). ĂdifiĂ© sur deux culĂ©es et 36 piles
creuses de section hexagonale sâĂ©vasant en
partie haute, le tablier se décompose en
deux sections poussées nord et sud de
1 172 m et 358 m Ă base de travĂ©es de 30 Ă
45 m, la portion intermédiaire étant réalisée
par encorbellement afin dâobtenir la portĂ©e
de 100 m nécessaire au franchissement de
lâautoroute A8.
Viaduc de Ventabren :
une spectaculaire rotation de fléaux
On retiendra le chiffre de 33 000 tonnes,
correspondant au poids du tablier nord qui
a été poussé, mais surtout la technique de
construction des flĂ©aux enjambant lâA8 Ă
40 m de hauteur : âPour des raisons de
sĂ©curitĂ©, il nâĂ©tait pas possible de travailler
au-dessus des voies, explique Adrien Coul-
let, chef de district Ă la SNCF. Les deux
fléaux ont donc été construits parallÚlement
Ă lâautoroute, pour ĂȘtre ensuite pivotĂ©s de
28°, puis basculés de 1,7 et 2 % afin de les
ramener Ă leur position dĂ©finitive.â Un sou-
venir inoubliable pour les intervenants, mais
aussi pour la foule de spectateurs venue
assister Ă une premiĂšre mondiale, ce prin-
cipe nâayant encore jamais Ă©tĂ© appliquĂ© Ă
des flĂ©aux dâun tel poids (3 600 tonnes).
RĂ©alisĂ©es de nuit pour minimiser la gĂȘne
occasionnĂ©e par lâinterruption du trafic, les
rotations ont été menées en quelques
heures grĂące Ă lâassociation dâun axe mĂ©tal-
lique de 20 cm de diamĂštre et de 4 appuis
Inox-TĂ©flon (faible coefficient de frottement)
reprenant les charges, dont lâun Ă©tait Ă©quipĂ©
dâun vĂ©rin Ă des fins dâĂ©quilibrage. Les
efforts, recueillis par des capteurs de pres-
sion, étaient analysés en permanence par
un micro-ordinateur. âLe flĂ©au a Ă©tĂ© mis en
mouvement par traction sur un cĂąble fixĂ© Ă
une extrĂ©mitĂ©, conclut lâingĂ©nieur. Lâintelli-
gence des entreprises a été de privilégier
une méthode simple dans son principe, et
donc plus facile Ă maĂźtriser.â
Architecte : Charles Lavigne / Entreprises :
Campenon Bernard SGE â Campenon Ber-
nard Sud â Spie Batignolles TP â Spie Citra
Sud-Est
Construction des flĂ©aux parallĂšlement Ă lâautoroute
Rotation du premier fléau (circulation aménagée)
Rotation du second fléau (circulation aménagée)
Route
départementale
Autoroute
Coupe transversale type pont poussé
(travée de 67 m)
Coupe transversale type pont
à hauteur variable (travée de 100 m)
3,75 m
8,50 m
4,55 m
(Sur pile) (En travée)
29
- 32. 30 Construction Moderne n° 94
Le plus long tunnel français est en fait une
succession de 4 ouvrages, dont 2 tranchées
couvertes, qui totalisent 7 834 m. Pour res-
pecter le planning de 33 mois, les entre-
prises ont mis en place 6 fronts dâattaque
simultanĂ©s Ă partir de 3 puits dâaccĂšs (pas
dâattaque Ă lâair libre). La mĂ©thode dâexca-
vation est classique (progression par demi-
sections, soutÚnement par cintres et béton
projeté, renfort du front de taille par boulon-
nage). âLa technique de la voĂ»te parapluie,
qui consiste à injecter du béton sur 12 à 15 m
VallĂ©e du RhĂŽne TGV MĂ©diterranĂ©eâ
Utilisée depuis 10 ans sur des ponts-routes,
la technique de la précontrainte extérieure,
oĂč les cĂąbles restent dissociĂ©s de lâĂąme des
caissons afin dâen faciliter la maintenance, a
ainsi été employée pour la premiÚre fois par
la SNCF. âLes voussoirs restent tradition-
nellement assemblés par précontrainte inté-
rieure lors du poussage du tablier, détaille
Christian Bousquet. La précontrainte exté-
rieure de continuité reprend quant à elle les
efforts engendrés par les superstructures
(ballast, Ă©quipements, etc.) et par le passage
des trains.â
Si cette technique a été généralisée à tous les
viaducs, elle nâa en revanche Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă
des voussoirs préfabriqués que sur le double
viaduc dâAvignon, ouvrage en bĂ©ton blanc
sans précédent, siÚge de nombreuses inno-
vations. âCe viaduc cumule les particulari-
tés, souligne Marc Jerram, le spécialiste du
bĂ©ton et de lâĂ©tanchĂ©itĂ© Ă la SNCF. Certaines
piles ont été réalisées avec un béton com-
posé pour tenir compte du risque de corro-
sion. Elles ont dĂ» ĂȘtre prĂ©contraintes pour
obtenir la résistance désirée, une disposition
trĂšs rarement utilisĂ©e sur des piles.â
Traversée souterraine entre CabriÚs et Marseille :
grande longueur et attaque par puits
de profondeur au-dessus du noyau Ă exca-
ver, a permis dâavancer dans les terrains les
plus instables, explique Dominique Settini,
chef de section Ă la SNCF. Certaines parties
ont Ă©tĂ© faites en pleine section Ă lâexplosif,
avec lâaide dâun robot de forage offrant un
rendement de 150 trous Ă lâheure.â
La longueur de lâouvrage a obligĂ© les entre-
prises à pomper les bétons depuis la sur-
face jusquâau front de taille sur des dis-
tances considĂ©rables (jusquâĂ 2 km). La
difficulté ? La mise au point de formulations
trÚs élaborées devant à la fois garantir une
excellente fluidité, nécessaire au pompage,
et offrir la rapidité de prise nécessaire au
soutĂšnement du terrain et Ă lâavancement
des travaux.
Entreprises : Spie Batignolles â Borie SAE â
Guintoli â Fougerolle â Fougerolle Ballot â
Campenon Bernard SGE â Campenon Ber-
nard Sud â Razel â Pico â Bachy
Durabilité et qualité
La durée de vie de 100 ans imposée par le
cahier des charges sâest traduite â entre
autres â par lâemploi de granulats non rĂ©ac-
tifs pour la composition des bétons, qui
appartiennent tous à la classe de prévention C
vis-Ă -vis de lâalcali-rĂ©action. Les exigences
de rĂ©sistance et de qualitĂ© dâaspect ont
amené les entreprises à utiliser une large
palette de bétons (B28, B32, B44, B52), for-
mulés à base de ciment blanc ou gris de type
CPA-CEM I, CPJ-CEM II ou CHF-CEM IV
- 33. (certains ont été fournis spécialement par les
producteurs), ainsi que des colorants. âGloba-
lement, le TGV Méditerranée fait appel à des
bétons de plus haute résistance que les B35 ou
B40 utilisĂ©s sur les lignes prĂ©cĂ©dentesâ, prĂ©cise
Marc Jerram. La SNCF a mis en place sur ce
projet un programme dâassurance qualitĂ©
novateur et complet, allant des Ă©tudes Ă la
rĂ©alisation en passant par lâorganisation du
chantier, et qui a mĂȘme incitĂ© certaines
31
de 5 à 8 m) employés sur les travées de
100 m, qui sont destinées à espacer les
appuis dans le fleuve. âCes Ă©lĂ©ments de
145 t sont positionnĂ©s Ă lâaide dâune poutre
treillis de lancement de 233 m, reposant sur
la partie du viaduc existante et la pile sui-
vante le temps nĂ©cessaire Ă lâassemblage
par prĂ©contrainteâ, ajoute le responsable.
Les deux viaducs sont exceptionnels Ă plu-
sieurs titres : lâĂ©chelle (premiers ouvrages de
cette taille en béton blanc préfabriqué avec
prĂ©contrainte extĂ©rieure), la prĂ©sence dâun
joint de tablier à appui glissant situé entre
les piles (articulation cantilever) et lâutilisa-
tion dâun BHP de type B52. Et ce, en main-
tenant constamment une qualité de réalisa-
tion âhaut de gammeâ qui fait de ces viaducs
de prestige de véritables références.
Deux ouvrages parallÚles en béton de
ciment blanc, distants de 45 m et dâune lon-
gueur de 1500 m, permettront aux lignes
Marseille-Paris et Marseille-NĂźmes de fran-
chir le RhÎne en Avignon. Des délais de réa-
lisation serrés (30 mois au total) ont amené
les entreprises à préfabriquer sur place les
quelque 838 voussoirs, transformant pour
lâoccasion lâaire de la Courtine, situĂ©e sur la
rive gauche, en une gigantesque usine Ă ciel
ouvert (15 ha).
Au total, 120 000 m3
de béton seront sortis
des 4 centrales à béton mobilisées sur le
chantier, dont 38 000 m3
pour la préfabrica-
tion. Les piles, constituées de fûts tronco-
niques creux de 12 Ă 47 m de hauteur, sont
coulĂ©es en place. âElles sont formulĂ©es avec
un ciment de type CHF-CEM IV pour obtenir
la résistance requise aux agressions du ter-
rain, dĂ©taille Gilbert Lucotte, chef de section Ă
la SNCF. Lâadjonction de granulats calcaires a
permis dâobtenir une teinte claire. Le tablier est
rĂ©alisĂ© en bĂ©ton blanc (de type CPA-CEM I).â
Il y a de quoi ĂȘtre impressionnĂ© par les plus
grands voussoirs Ă inertie variable (hauteur :
Double viaduc dâAvignon :
béton blanc haut de gamme en grande série
Voussoirs dâarticulation - Viaduc dâAvignon
entreprises Ă sâengager sur la voie de la certi-
fication. Ce niveau dâexigence explique celui
des prestations offertes. Malgré des impéra-
tifs de planning (3 ans et demi de travaux au
total) et des contraintes méthodologiques et
budgétaires hors du commun, aucun dépas-
sement financier nâa Ă©tĂ© constatĂ©. Consciente
de lâimportance de la fiabilitĂ© du dĂ©lai de
production et de la qualité des études, la
SNCF a mĂȘme choisi pour les terrassements
et les 508 ouvrages courants de fournir trĂšs
en amont les documents dâexĂ©cution aux
entreprises, élaborés par des bureaux
dâĂ©tudes sous contrat direct avec la SNCF, et
dâen assurer elle-mĂȘme le contrĂŽle technique
! âLâaddition des contraintes et du nombre
des ouvrages fait du projet du TGV MĂ©diter-
ranée un véritable exploit, conclut Christian
Bousquet. La tùche a été difficile, mais Î
combien passionnante !â JEAN-PHILIPPE BONDY
s
Architecte : Jean-François Blassel / Concepteur :
Michel Virlogeux / Entreprises : Bouygues â
GTM Construction â Bouygues Off Shore â
DTP Terrassement Intrafor
SchĂ©ma de principe dâune pile
Nota : suivant la nature du sol en place, la pile sâappuie soit
sur une fondation superficielle (semelle), soit sur des
fondations profondes ou semi-profondes (semelle et pieux).
Voussoir
(béton armé)
ChevĂȘtre
(béton armé)
Fût de pile
(béton armé)
Semelle
(béton armé)
Pieux
Piles Ă terre Piles en riviĂšre
Voussoir
(béton armé)
ChevĂȘtre
(béton armé)
Semelle
(béton armé)
Bouchon
hydraulique
BĂątardeaux
en
palplanches
Parement
extérieur ouvrage
v Les tabliers élémentaires sont séparés par un joint cantilever. Les appareils de dilatation
sont placés sur la partie porteuse (en console) de la travée concernée. Cette partie du
tablier est bloquée longitudinalement par encastrement sur la pile la plus proche.
- 34. 32 Construction Moderne n° 94
Saint-Selve Chais
Du béton
sur mesure
POUR SE FONDRE DANS LE PAYSAGE, LES CHAIS DE SAINT-SELVE
ONT EU RECOURS Ă UNE ĂTONNANTE DIVERSITĂ DE PANNEAUX
PRĂFABRIQUĂS EN BĂTON POLI. UN BĂTON AUX GRANULATS BIGARRĂS
QUI VIENT ENCHĂSSER LâĂDIFICE DANS LâARRIĂRE-PLAN ILLUSTRE
DU VIGNOBLE BORDELAIS.
RĂ©alisation
v Le béton poli coloré exprime ici, dans
une construction monolithique, la matiĂšre
de cette terre des Graves oĂč pousse la
vigne. Certaines surfaces biseautées,
creuses ou en saillie, ont été polies à la
main.
hangars agricoles qui façonnent le paysage
bordelais, cet Ă©difice, que le designer a
choisi de voir dâabord comme un objet, tra-
duit dans sa distribution la technicité des
processus de fabrication dâun cĂ©page. Long
et sobre, le bùtiment aux murs de béton rosé
sâenracine dans le prĂ©cieux vignoble en
jouant avec la lumiĂšre, le relief et les ombres.
Les couleurs des Graves
AdaptĂ© Ă lâĂ©chelle du site, lâĂ©difice se laisse
dĂ©couvrir depuis la route. LatĂ©ral Ă lâaxe du
domaine, dans la terre caillouteuse des
Graves, il frĂŽle les derniers rangs de vigne.
Le brisis se révÚle en premier, puis les murs
colorés qui se fondent dans un paysage sou-
vent embrumé. La terre est brune, les bran-
chages, terre de Sienne. Pour sâadapter Ă
lâenvironnement, les teintes des panneaux
prĂ©fabriquĂ©s en bĂ©ton poli, qui servent dâĂ©lĂ©-
ments de parement, ont été étudiées soi-
gneusement avec lâentreprise Delta prĂ©fabri-
cation. Complété par des adjuvants destinés
à augmenter sa compacité et à éliminer les
microfissurations, le bĂ©ton se compose dâune
douzaine dâĂ©lĂ©ments diffĂ©rents : granit, por-
phyre lie-de-vin, marbre blanc, marbre noir
moucheté, oxyde de fer rouge, ciment gris,
etc. Sa texture minérale confÚre une vocation
patrimoniale à la propriété, tout en restant
dans une fourchette budgétaire raisonnable.
La plantation dâune vigne de 68 ha et le
lancement dâun nouveau cru dans la rĂ©gion
des Graves ont donné lieu à la premiÚre réa-
lisation architecturale de Sylvain Dubuisson,
designer, mĂȘme sâil faut dâabord voir lĂ une
nouvelle Ă©tape dans sa collaboration avec le
propriĂ©taire des lieux, qui possĂšde dâautres
domaines viticoles et qui lui avait déjà confié
la réalisation de quelques aménagements
avant de lâentraĂźner dans cette aventure.
Réinterprétation contemporaine des chais et
- 35. 33
La hauteur de la construction est réglée de
telle sorte que, depuis lâentrĂ©e de la pro-
priĂ©tĂ©, le long faĂźtage se confonde avec lâho-
rizon. Respectant la logique du cycle de
fabrication du vin, lâensemble des fonctions
du programme est regroupé dans un unique
bĂątiment de 120 m de long. Au cĆur du
dispositif, le grand atrium oĂč lâon rĂ©cep-
tionne les vendanges est, avec sa toiture
auvent, lâunique espace largement ouvert
sur lâextĂ©rieur. Le âbouteillerâ et le logement
du maĂźtre de chai occupent la partie est.
Plus ramassĂ©e, lâaile ouest accueille le cuvier
et le chai Ă barriques, deux volumes paral-
lĂšles qui sâĂ©tirent sur une cinquantaine de
mĂštres. Les fentes des chais Ă barriques et les
fenĂȘtres chanfreinĂ©es de la salle de dĂ©gusta-
tion rythment cette construction monoli-
thique en cadrant des vues sur lâextĂ©rieur.
AssociĂ© Ă Sylvain Dubuisson, lâarchitecte-
sculpteur Vincent Barré a prolongé la logique
paysagĂšre du projet en dessinant la grille
dâentrĂ©e du domaine et les portes monu-
mentales des chais.
Dans ce bùtiment, les éléments de modéna-
ture dessinés par Dubuisson exigeaient une
q Le béton rosé
sâenracine dans le vignoble
mise en Ćuvre minutieuse Ă laquelle la sou-
plesse dâutilisation du bĂ©ton poli rĂ©pondait
bien. Le matĂ©riau sert dâĂ©crin au vin, le
béton poli cisÚle une architecture massive
dont il souligne la compacité.
Une multitude de panneaux différents
et des ouvertures de toutes tailles
Simple a priori, la géométrie du bùtiment est
plus complexe quâil nây paraĂźt. Pour souli-
gner lâintĂ©gration au site, un mur en sur-
plomb compose la façade est. Sây ajoutent
quantitĂ© dâouvertures de tailles diverses
dotĂ©es de tableaux en biais, lâinscription en
négatif des incisions horizontales en béton
brut qui animent les façades, et des éléments
spĂ©cifiques comme les linteaux dâentrĂ©e,
v Le plan du bùtiment est trapézoïdal.
Pour se raccorder dans les angles avec les
façades sud et nord (verticales), la section
des rainures du pignon est, qui est en
surplomb, tient compte de lâinclinaison
de la façade.
1 - Accrochage des panneaux
béton sur la lisse métallique.
Façades sud et nord
2 - Ancrage des panneaux
béton dans la fondation.
boulon Halfen
rail Halfen
cale
crapautage
du panneau béton
UAP
fourreau Ă 40
joint mousse
goujon
- 36. Saint-Selve Chaisâ
34 Construction Moderne n° 94
CoupeĂlĂ©vation
Coupe ĂlĂ©vation
boĂźte pour
scellement
dont la sous-face est Ă la fois biaise et plane.
Ajoutons encore quâil a fallu âtricherâ avec la
géométrie pour garder son aspect parallélé-
pipédique au bùtiment malgré le relief acci-
denté du terrain. Nous est alors dévoilée la
raison de lâĂ©tonnante diversitĂ© des panneaux
préfabriqués qui tiennent lieu de parement :
au total, 121 panneaux de 99 types diffé-
rents, pour une surface polie dâenviron
2 000 m2
intĂ©grant 5 % dâouvertures. Lâen-
treprise a donc tenu compte de nombreux
plans de coffrage et dâune multitude de
plans de détail et de ferraillage.
Conçus comme une âpeau trĂšs fineâ, ces
panneaux, tantÎt simples, tantÎt jumelés,
sont scellés à leur base par des goujons et
fixés dans leur partie supérieure à la char-
pente métallique par un systÚme de rails
incorporés dans le béton, de boulons et
dâĂ©querres. Notons pour ces panneaux leur
trĂšs faible Ă©paisseur (18 cm et mĂȘme 16 cm
si lâon tient compte du rainurage) en compa-
raison de leur surface (3,60 m de large sur
7 m de haut en moyenne).
Coulage en deux temps et travail
de précision
Les panneaux borgnes, qui intĂšgrent un
motif trapézoïdal, ont été réalisés en deux
temps : une premiĂšre âgaletteâ de bĂ©ton de
parement a été coulée à plat, complétée
ensuite par un béton destiné à assurer la
résistance. Les panneaux avec retour inté-
grant les meneaux ou les tableaux dâouver-
ture ont nécessité au coulage des précau-
tions minutieuses quant au remplissage des
tableaux. En raison de la variété dans la
forme des ouvertures, tous les panneaux qui
en comportent sont particuliers. Les piĂšces
planes ont été coulées dans des moules
métalliques à hauteur modulable intégrant
des motifs en métal pour le rainurage.
Les piĂšces avec ouverture, angles, linteau ou
meneau ont été réalisées dans des moules
spécifiques, tantÎt tout en bois, tantÎt mixtes
bois et métal, ou encore en béton. Cette
manutention délicate a sollicité en perma-
nence mécaniciens et menuisiers moulistes
pour fabriquer et dimensionner les moules
q La diversité dans le
dessin des panneaux a exigé
des plans dâexĂ©cution sur
mesure
Détail façade ouest
Détail façade est
- 37. 35
MAĂTRE DâOUVRAGE : SCA DES CHĂTEAUX
DE BRANDA ET DE CADILLAC
ARCHITECTE : SYLVAIN DUBUISSON,
ARCHITECTE-CONCEPTEUR, AVEC
VINCENT BARRĂ, ARCHITECTE-SCULPTEUR,
ASSISTĂ DE FLORENCE CARMINATI
BET STRUCTURE : COBET
SHON : 4 580 M2
ENTREPRISE DE PRĂFABRICATION : DELTA
PRĂFABRICATION
TERRASSEMENT, MAĂONNERIE : SILVA DUMEZ
en respectant la taille et les raccords des rai-
nures. Pour rĂ©aliser les piĂšces dâangle, dont
la largeur variait de 2,12 Ă 7 cm sur la hau-
teur et selon le type dâangle (aigu et obtus en
façade est, droit en façade ouest), il a fallu
Coupe A - A ĂlĂ©vation
A
A
DĂ©tail fenĂȘtre sur cuvier
veiller à ce que la répartition des granulats soit
identique à celle des panneaux coulés à plat.
Composé de 33 panneaux de hauteur
variable, le soubassement absorbe la pente
du terrain. Ces panneaux sont brochés dans
leur partie basse sur les fondations et fixés
au dallage dans leur partie haute par des liai-
sons acier-béton.
CHRISTINE DESMOULINS s