Mairies communes du Pays de Fouesnant --phpba qzou
Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant dylet8
1. Philippe RIVIERE
CLOHARS-FOUESNANT
UN MOT……SUR LE PRESBYTERE
Seul les écrits restent. . .
Dans le bourg de Clohars, derrière la mairie à gauche du stade de football, dissimulé
par les ruines d'une vieille longère et par les arbres, se cache le presbytère. Tournant le dos au
reste du bourg, avec son petit jardin mal entretenu (où trône un superbe puit), de prime abord,
la maison peut sembler close...
Pourtant, si aujourd'hui elle n'a plus vocation de presbytère, la demeure abrite toujours des
prêtres, mais retraités, qui s'y succèdent pendant de plus ou moins longues périodes. Cette
imposante bâtisse, propriété de la commune, pourrait d'ici à quelques années, se voir
transformer de maison du culte en maison de la culture.
Ce presbytère fut érigé par la municipalité, en 1840, respectant ainsi
la volonté des époux Le Quilliec qui, en 1834, firent don à la commune du domaine de
Kerper, (une grande partie du bourg actuel) à la condition d'y bâtir un presbytère et une école
publique élémentaire, de garçons.
La mairie, face à ce geste d'une rare générosité, (dont allait découler une foultitude de
péripéties) ne pouvait faire moins que de le rappeler à la mémoire de tous, en le faisant graver
sur une plaque et en l'apposant au-dessus de la porte d'entrée de l'habitation du curé.
Cette plaque d'ardoise, que le temps a malmenée, nous livre le message suivant :
Mot à maux. . .
Terrain orthographié «
terrein », ma première réaction a
été de me dire que c'était trop
beau pour être vrai, que j'étais
sûrement face à une ancienne
forme de français. . .
Je me suis donc plongé dans de vieux dictionnaires, j'ai parcouru nombre de livres et
journaux d'époque, registres, comptes-rendus municipaux, actes divers. . . . rien, tout ce que
j'ai pu lire, rédigé en cette première moitié du 19ème, m'a donné l'écriture moderne du mot.
Alors, faute d'orthographe pure et simple ? C'est la conclusion que j'allai tirer de mes
recherches, lorsqu'un samedi, m'étant rendu justement au presbytère pour faire quelques
photographies, je fus reçu par le locataire actuel des lieux, le père Le Roux. Ce dernier
toujours affable et connaissant mon goût pour les vieux écrits, me confia un livre, bien élimé
mais tout à fait lisible, écrit en « vieux françois », un traité de médecine générale, titré « Avis
aux gens de la campagne ou traité des maladies les plus communes » datant de 1772 ! Rédigé
par un M. Didelot, cet ouvrage de médecine empirique (bien nommé, tant la mise en pratique
de son contenu devait, bien souvent, avoir pour effet d'empirer le mal) publié « avec
approbation & privilège du roi », est un régal! aussi de mesurer l'étendue du chemin parcouru,
en un peu plus de 2 siècles, par la médecine !
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2. Le presbytère pris en faute…oh !!!!
Une fois que l'on a compris que « f » se lis « s », la lecture devient facile voir même,
pour certains passages, assez savoureuse et permet ainsi de mesurer l’étendue du chemin
parcouru en un peu plus de 2 siècles par la médecine.
Louis XV, qui devait être emporté, en 1774, par une « variole confluente et maligne »,
avait donné son aval royal, à la publication et au commerce de ce livre, pour une durée de six
années consécutives renouvelables, comme le voulait la règle du temps, ce qui fait qu'il était
encore distribué et lu au début du règne de son successeur.
Et c'est donc en prenant connaissance des remèdes prescrits pour soigner les maux de
tête sous Louis XVI, que m'est apparu « mon mot », dans le chapitre consacré à l'eau, cette
phrase :
« L'eau est souvent mauvaise, par le terrein dans lequel elle se trouve... »
Je n'avais pas remonté mes sources suffisamment loin, il me fallait aller jusqu'à un peu
avant la révolution, pour trouver cette forme d'écriture. Comme quoi il faut toujours se garder
d'échafauder trop vite des théories, néanmoins (ou devrais-je dire, tête en moins ?) de 1772 à
1840, cela fait un bail, difficile de dire que les deux formes de français aient cohabité jusque
là, en tout cas dans les ouvrages, les textes officiels et les documents épistolaires que j'ai pu
consulter, la forme ancienne n'est plus usitée, depuis des décennies.
Mais s'il est permis, je pense, déjà de parler d'une faute de français, la vieille écriture
du mot, peut-être toujours prônée par de vieux magisters, encore suffisamment présente dans
les esprits de l'époque, doublée d'une certaine approximation de l'orthographe en vigueur et
surtout du faible nombre de gens à la maîtriser, a certainement fait que ce qui aujourd'hui
serait intolérable, hier, ne choqua pas grand monde. . .
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3. Imaginabilis. . .
Tout de même, essayons de concevoir ce qui a pu se passer. Nous sommes en 1840, en
plein dans ce que les historiens appellent « l'époque révolutionnaire » (1789-1850), si le
temps est révolu où le simple fait de mettre certains mots en « en-tête », pouvait vous
conduire à perdre la vôtre, la censure, sous Louis Philippe, est encore très sévère.
Certes les auteurs et les éditeurs d'écrits subversifs ne risquaient plus de se faire étêter,
mais il leur fallait encore une bonne dose d'inconscience ou de courage pour s'attaquer à
l'ordre établi, car les peines de prison et les lourdes amendes distribuées à leur encontre
étaient de nature à calmer les pamphlétaires les plus entêtés.
Loin du charivari (du latin « caribaria » qui
veut dire . . . mal de tête)
(1) de la
capitale, à Clohars-Fouesnant où personne ne fut jamais vraiment dérangé par les maux de
la révolution, nul ne se prend la tête avec les écrits et quand la commune décide de faire
inscrire quelques lignes sur une ardoise et de la sceller sur le logis du père desservant, foin
de persifleur.
Cette réalisation a, probablement, été confiée à l'entrepreneur en charge de la
construction du bâtiment. Ce dernier ou l'un de ses ouvriers, savait-il seulement lire et
écrire ? Rien n'est moins sur, il a peut-être travaillé d'après un gabarit, s'appliquant juste à
reproduire au mieux, les « signes » sur la pierre ? Après s'être isolé pour ciseler, au
moment de rendre sa copie, notre homme de l'art ne s'est-il pas fait relire ? Une
compétence probablement rarissime autour de lui, ou alors, chose tout à fait plausible,
personne n'aura été interpellé.
Est-ce le modèle qui, au départ, était faux ? Ou bien notre sculpteur, qui, emporté par
son élan, aura tapé n'importe quoi ?
Quand s'est-on rendu compte de la faute de frappe ? Et qui ?
Le mystère reste entier, faute de témoignage. De toute façon, ici, point de retour
possible, pas de bon à tirer, pas de ciseau à épaissir !
Pourquoi le maître d'oeuvre, (la mairie) n'a t-il pas exigé une autre plaque, correctement
frappée ? Peut-être est-ce lui qui a fourni le modèle et du coup il lui devenait difficile de se
retourner contre l'artisan ?
Le plus vraisemblable est que personne ne s'est rendu compte de rien, avant la
livraison de la plaque, voir de sa pose, ou pire, qu'au moment de l'inauguration de la
maison !
Car une fois achevé, comme il se doit, le presbytère a dû être inauguré! En présence,
certainement, d'une brochette de personnalités triées sur le volet, ecclésiastiques, élus,
nobles, artisans. . . (Plus quelques pique-assiettes, comme toujours) parmi ces personnes,
bon nombre d'illettrés, que l'orthographe d'une manière générale, qu'elle soit couchée sur
du papier ou gravée dans de l'ardoise, laissait de marbre, mais aussi quelques-uns,
maîtrisant parfaitement lecture et écriture, (les gens du clergé et de la noblesse,
notamment) qui n'ont pas du manquer d'être surpris, en levant les yeux sur le fronton.
L'artisan, immanquablement, a du être l'objet de railleries, tout au long de la
cérémonie, ainsi que le maire. Peut-être aussi que cette faute aura inspiré une personnalité,
dans l'élaboration de son discours et fait rire l'assemblée ?
(1) Egalement le nom d'un journal, satirique et caricatural, créé à cette époque. Constamment
en procès, il connut un grand succès et des ventes, rapidement, se retrouva...en tête.
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4. Quant aux donateurs, s’ils étaient présents, (et s'ils savaient lire) cette grosse faute, dans
une phrase gravée en leur honneur, n'a pu que les conforter dans le bien fondé de leur
intention et de l'urgence à ouvrir des écoles élémentaires! Et d'ailleurs, le message a été reçu à
Clohars où l'école, 2ème voeu des époux Le Quillec, a ouvert ses portes dans la foulée....16
ans après !
Enfin, lorsque notre graveur s'en alla répondre de ses fautes devant l'éternel,
nul doute qu'elles furent toutes effacées, sauf une, indélébile, magnifique,
fixée depuis plus d'un siècle et demi, sur un mur de Clohars-Fouesnant...
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