2. NewDay.fr
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Comment sauver l’opinion face à … ?
La question qui alimente ce jour les cercles Améri-
cains de réflexion est la suivante : Barack Obama
n’est-il pas aussi, voire d’abord, l’élu de Mo-
veOn.org ?
MoveOn est une association dont l’action repose
sur deux postulats :
- le citoyen est toujours plus important que
l’élu. C’est le citoyen qui est à la base de tout.
C’est lui qui fait et détient le pouvoir, pour
que le citoyen puisse exercer convenable
ment ses droits, c'est-à-dire se prononcer en
totale connaissance de cause, il doit être
«averti».
- le «citoyen averti» est à la démocratie ce que
le «consommateur averti» est à la consomma-
tion quotidienne. C’est celui qui sait déchiffrer
les fausses promesses, poser les bonnes ques-
tions, ne se laisse pas piéger par les annonces
racoleuses…
Mais comment construire «un citoyen averti» ?
A certains égards, la réponse peut paraître sim-
ple. Il s’agit d’abord de dénoncer les «complots
du concurrent». Il s’agit ensuite d’appliquer la
«publicité comparative».
En ce qui concerne la notion du «complot», l’axe
consiste à dénoncer publiquement les comporte-
ments qui portent atteinte à la considération des
consommateurs ou des citoyens.
Les premiers pratiquent alors le boycott des pro-
duits désignés pour cibles.
Les seconds votent contre des candidats ou contre
des responsables qui ne respectent pas certaines
valeurs.
Aux USA, cette logique crée une véritable dictatu-
re du consommateur ou du citoyen et malheur à
l’entreprise ou à l’élu qui entre dans le collimateur
de groupes de pression qui organisent alors une
clameur qui peut emporter presque tout sur son
chemin.
Cette clameur est d’autant plus redoutable qu’el-
le ne vise pas toujours à établir une stricte maté-
rialité des faits mais à convaincre que le vrai est
révélé.
En effet, une différence considérable est née
progressivement entre «l’objectivement proba-
ble » et « le subjectivement certain».
Dans une époque qui se dit scientifique, la place
de ce que le groupe social croit vrai n’a probable-
ment jamais été aussi grande.
Le réel importe moins que ce qu’on croit qu’il
est.
Des campagnes habiles constituent souvent une
structuration du corps social et le rendent ensuite
quasi imperméable à des considérations plus ob-
jectives.
Certes, de nombreux repères techniques peuvent
intervenir en politique.
Il est ainsi possible de comparer :
- les déclarations et les actes,
- les bonnes intentions et les votes,
- les chiffres officiels et des statistiques d’au-
tres sources,
- les résultats d’un Etat et ceux des voisins,
- les résultats d’une période donnée et ceux
d’une période antérieure,
….
Mais au-delà de tels repères chiffrés, quasi-
scientifiques se sont profilés d’autres méthodes
3. NewDay.fr
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qui visent à structurer l’opinion sur des bases
considérablement plus subjectives. Là débute
l’opération dite de manipulation.
Aux Etats-Unis, une légende a entouré Karl Rove.
Le Conseiller le plus proche du Président Bush a
été au centre d’une réputation sulfureuse mais
établissant aussi une incontestable efficacité.
Cette réputation est née d’une succession de
«coups tordus» prêtés à l’intéressé et souvent re-
vendiqués par l’intéressé. Le premier d’entre eux
aurait débuté à l’âge de 20 ans quand, dans l’Illi-
nois, Karl Rove se présente comme un supporter
d’un candidat démocrate, lui dérobe du papier à
en tête et transforme chacune de ses réunions
publiques en annonces de fêtes avec «filles et biè-
re gratuite» distribuées aux marginaux et aux clo-
chards. La fin de campagne du candidat démocra-
te allait se transformer en «chemin de croix» le
conduisant directement à l’échec contrairement
aux pronostics initiaux.
Karl Rove a été l’indiscutable maître d’œuvre des
succès des campagnes de GW Bush dont les deux
dernières campagnes présidentielles.
Il a introduit comme règles majeures quatre
concepts.
Le premier est celui dit du «push polling». Il s’agit
de poser des questions biaisées lors d’un sondage
pour modifier les intentions de votes des élec-
teurs. Le sondage ne porte pas seulement comme
message le chiffre qui donne la photographie de
l’électorat sur une question donnée mais c’est
l’existence même du contenu de la question qui
devient le message.
Ainsi, en 1994, il commande un sondage qui, par-
mi les questions, comporte la question suivante
« voteriez-vous toujours pour Ann Richards pour le
poste de Gouverneur du Texas en sachant que son
équipe est entièrement composée de lesbiennes
?». Il transforme le sondage d’outil quasi-
scientifique en instrument d’un message au
« hasard » d’une question.
Il a reproduit méthodiquement ce système lors de
la présidentielle de 2000 à l’occasion de la primai-
re difficile contre McCain en demandant si «les
électeurs voteraient pour McCain si celui-ci s’était
rendu coupable de trahison durant sa guerre du
Vietnam».
Il reproduira le même dispositif lors de la campa-
gne de 2004 contre Kerry au moment où celui-ci
caracole en tête des sondages.
Le second repère majeur dans la technique de
Karl Rove, c’est la conviction que le vote à organi-
ser est le «vote contre» et non pas le «vote
pour». C’est cette logique qui place désormais les
campagnes négatives républicaines en outils les
plus élaborés et efficaces des campagnes électora-
les.
Le troisième repère c’est de s’attaquer d’abord
aux qualités majeures de ses concurrents sans
respecter aucune précaution sur la vérité desdi-
tes attaques. Dès l’instant qu’un concurrent est
doté d’un point fort, celui-ci fait l’objet d’un ma-
traquage systématique pour au moins jeter le
doute sur cette qualité «objective».
Ainsi, l’été 2004, bien que titulaire des décorations
militaires les plus prestigieuses attribuées après
des enquêtes minutieuses, John Kerry fait l’objet
d’une campagne mettant en cause la réalité de
son engagement pendant la guerre du Vietnam.
Rove aurait monté de toutes pièces à l’aide de mi-
litants républicains rémunérés des déclarations
fabriquées visant à attaquer Kerry sur sa qualité
principale : son engagement pendant la guerre du
Vietnam.
Il s’en est suivi un matraquage de communication
notamment par des campagnes web qui ont
conduit à jeter le doute pendant un moment et
conduire Kerry à mobiliser toute son énergie pour
se justifier sur un point inconcevable en début de
campagne. Il ne tournera la page que lorsque la
4. NewDay.fr
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chute de Kerry dans les sondages avait été amor-
cée.
Le quatrième repère majeur de Karl Rove réside
dans le dynamisme des dernières semaines de
campagne électorale. Il est persuadé que les élec-
teurs ont la «mémoire courte» et qu’ils peuvent
changer d’avis jusqu’au dernier moment.
Les dernières semaines de campagne doivent
donc être un vrai «feu d’artifice» et tout particu-
lièrement les derniers jours avant le vote.
Avec de tels repères, Rove a fait naître une nou-
velle génération de communicants politiques.
A voir certaines pratiques actuelles, n’est-il pas
possible de déduire que Karl Rove a fait école ? Et
si oui, quelles sont aujourd’hui les 20 techniques
de manipulations qui méritent une attention parti-
culière.
1) La technique du «vote rejet»
Début août 2004, après la convention démocrate
de Boston qui s’est tenue du 26 au 29 juillet 2004,
l’écart entre George Bush et John Kerry est désor-
mais très faible.
C’est le moment choisi par le Président sortant
pour engager une nouvelle étape de communica-
tion dans sa campagne électorale.
Jusqu’en août 2004, Kerry, comme Mc Cain, incar-
nait une figure emblématique de la guerre du
Vietnam. Lors des primaires républicaines, après la
victoire écrasante de Mc Cain dans le New Hamp-
shire, George Bush avait déjà ouvert des hostilités
de façon collatérale sur les états de service du Sé-
nateur Mc Cain. Il s’agissait d’insinuer des doutes.
En août 2004, une opération de toute autre enver-
gure est engagée contre JF Kerry. Les Républicains
font lever tous les tabous et conduisent une atta-
que en règle contre les états de service de JF Kerry
lors de la guerre du Vietnam. C’est la 1ère
fois que
des attaques seront portées non seulement sur les
points faibles d’un candidat mais sur les points
forts de celui-ci afin que rien ne résiste à l’affron-
tement.
Cette technique est le résultat de l’apparition dans
les équipes de campagne d’une nouvelle fonction :
«opposition research».
Une fonction nouvelle à part entière qui est offi-
ciellement appelée «opposition research»,
«oppo» dans le jargon quotidien.
Cette fonction consiste à passer au microscope
tout ce qui pourrait nuire au concurrent dans sa
vie.
Tous les magazines, journaux, votes sont épluchés
pour détecter les failles de l’adversaire, ses points
manifestement faibles. Bien davantage, aucun
point fort n’est désormais reconnu comme insur-
montable ou incontestable.
Selon certaines sources dignes de confiance, 40
personnes auraient travaillé dans une cellule de ce
type pour chaque candidat à la dernière élection
présidentielle américaine. Puis, toutes les informa-
tions sont intégrées sur ordinateur.
Le RNC ( Republican National Committee ) a même
organisé un service interne de logistique qui cou-
vre en permanence les principaux démocrates.
Tout est classé par thème. Vous appuyez sur un
mot et toutes les déclarations sortent avec leurs
contradictions, leurs excès, les votes…Cette mé-
thode a pris une telle importance que désormais
Le premier service des «oppo» consiste à fouiller
dans le passé de leur propre candidat pour identi-
fier ses points faibles afin de prévenir et de s’orga-
niser en conséquence. Ils effectuent ce travail
avant même de s’occuper des candidats concur-
rents. Les campagnes électorales deviennent des
vrais lieux de guerre avec pour objectif quasi-
5. NewDay.fr
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déclaré : la destruction pure et simple de l’adver-
saire.
Cette «technique» connaît un développement ac-
céléré avec la place désormais prise par Internet.
Le circuit entre l’émetteur et le récepteur est tel-
lement court que de telles «révélations» n’ont
plus à être filtrées par un intermédiaire extérieur
comme un journal.
L’informatique offre des possibilités de stockage
et de croisement d’informations qui démultiplient
les possibilités d’une telle approche. Lors de l’élec-
tion présidentielle de 1990, chaque membre in-
fluent de l’état-major de campagne de Bill Clinton
avait sur ordinateur une documentation classée
par thème relative au Président sortant : promes-
ses non tenues, financiers des campagnes, votes …
Tout était ainsi réuni pour répondre sur l’instant à
une initiative de leur concurrent.
Cette approche rencontre une conjoncture d’au-
tant plus porteuse que les programmes politiques
ont perdu de leur importance. L’enjeu n’est plus
d’analyser un programme mais de mieux connaî-
tre une personnalité, son histoire, son tempéra-
ment.
L’enjeu n’est plus de croire dans l’opposition entre
un candidat honnête et un opposant malhonnête.
La malhonnêteté est partagée. Ce qui l’est moins
c’est d’établir le degré de gravité.
Par conséquent, cette première technique consis-
te à détourner l’objet du vote pour mettre le focus
sur de prétendues fautes d’un candidat et amener
l’opinion à sanctionner ces «fautes».
Le scrutin devient un «jugement démocratique»
visant à écarter de la responsabilité un candidat
sans considération pour son programme.
2) Installer une «machine à gagner les
élections»
Avec le progrès des techniques, l’un des rêves
d’organisateurs a été de substituer la modélisation
à la spontanéité des programmes.
Cette approche est née aux Etats-Unis. Mais elle a
vite dépassé ce seul Etat. En mai 1997, au 1er éta-
ge de la Millbank Tower, une tour défraîchie au
bord de la Tamise, Tony Blair a installé le modèle
«Excalibur». Ce modèle comprenait un program-
me «rapid rebuttal » ( riposte rapide ) très directe-
ment inspiré des techniques de la «war room» de
Bill Clinton. En 30 minutes, ce programme infor-
matique mettait en évidence toutes les contradic-
tions d’un concurrent, ses votes défaillants…
Mais surtout, au moment où l’Europe découvre un
jeune premier ministre britannique qui vient de
mettre un terme à un record historique de Gou-
vernement conservateur, elle ignore que le modè-
le qu’il a installé anticipe les conséquences électo-
rales de sa moindre décision.
Il est toujours souriant, apparaît frais et innocent.
Sa victoire ne doit pour autant rien au hasard ou
aux bonnes fées. Il l’a conquise à la force du poi-
gnet en prenant le meilleur des avancées dans les
techniques modernes de communication. Sa vic-
toire est d’abord celle d’un remarquable profes-
sionnel préparé comme «pour un débarquement »
selon la formule en vogue à Londres à cette épo-
que.
A l’approche des élections, son parti «New La-
bour» a installé Excalibur. C’est un super-
ordinateur qui en 30 minutes met en évidence les
contradictions des concurrents, les votes emblé-
matiques, les déclarations enflammées… Derrière
ce nom barbare figure surtout une méthode qui a
intégré toutes les avancées en matière de commu-
nication moderne. Voilà quelques unes des mesu-
res adoptées à cette époque.
Tout d’abord, grâce à la qualité de la démocratie
6. NewDay.fr
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britannique, un shadow cabinet a été constitué.
Les secrétaires généraux des principales adminis-
trations ont été autorisés à venir exposer les prin-
cipaux dossiers et répondre aux questions. Sur
cette base intégrant des contraintes légitimes de
gouvernement, le programme a été construit en
faisant appel aux productions de think tanks. Ces
clubs de réflexion privés ont planché sur des sujets
politiques très pointus.
Le service communication a alors bâti le program-
me du leader travailliste en «nourrissant la pres-
se» en permanence. Cette «méthode Deaver»
consiste à planifier l’information pour ne jamais se
retrouver en position défensive face aux médias.
Une matière choisie lui est ainsi donnée comme
sujet quotidien de traitement. C’est l’inversion du
système. Deuxième point majeur, dans cette ma-
tière, tout repose sur l’image. L’image prime tou-
jours. Quand il y a choc entre l’œil et l’oreille, les
études montrent que l’œil l’emporte systémati-
quement. Le spectateur retient ce qu’il a vu infini-
ment plus que ce qu’il a entendu. Tout le profes-
sionnalisme consiste à ce que l’image porte le bon
message au bon moment pour les bonnes cibles.
Chaque relais de la campagne dont les candidats
aux législatives est équipé d’un pager et d’un fax.
Chaque demi-journée, chacun d’entre eux reçoit
les messages du jour à délivrer à la presse, aux op-
posants…
Sur le plan général, des sondages quasi-quotidiens
garantissent la vérification en temps réel de l’op-
portunité des actions conduites. La fonction de ce
dispositif est de «simuler» les conséquences élec-
torales de chaque annonce, chaque image, cha-
que message à partir d’un scénario bâti par éta-
pe.
La fiabilité de cette simulation repose sur la dé-
marche suivante :
- intégrer informatiquement tous les éléments qui
composent l’environnement d’une décision des
électeurs,
- identifier les conséquences cohérentes classi-
ques d’une annonce par corps électoral,
- construire les évènements qui font le lien positif
entre les deux premières données
Ce modèle a été poussé à son extrême perfor-
mance par R. Wirthlin, proche conseiller de Ronald
Reagan. Les membres de l’équipe de Richard Wir-
thlin ont indiqué ultérieurement que les enseigne-
ments étaient donnés en moyenne en 47 se-
condes après avoir questionné l’ordinateur. Leur
méthode avait consisté à rassembler les informa-
tions disponibles sur les comportements électo-
raux de 480 catégories d’électeurs distinguées se-
lon leur lieu de résidence, leur sexe, leur âge, leur
catégorie socio-professionnelle, leur religion, leur
pouvoir d’achat…
Les conservateurs britanniques avaient installé un
appareil performant ( un 80 000 ICL ME29 ) auquel
les travaillistes ont attribué beaucoup de victoires
de M. Thatcher. En 1997, les travaillistes ont rele-
vé le défi.
La « méthode Wirthlin » ne consiste pas à déter-
miner des intentions de votes mais des critères
de comportements électoraux. Cette différence
permet d’explorer les stratégies et de déterminer
les choix les plus efficaces. Les résultats permet-
tent d’affiner la décision, de tester des comporte-
ments, de vérifier sans cesse les conséquences de
telle ou telle attitude. En 1984, DMI, agence de R.
Wirthlin, avait emmagasiné un nombre considéra-
ble de données résultats de 150 000 interviews
d’américains répartis en 110 catégories et sous
catégories d’électeurs.
Cette méthode est celle qui a conduit à la victoire
en mai 1997. Au pouvoir Tony Blair a appliqué les
méthodes de «campagne permanente».
Chaque fois que le responsable politique donne le
sentiment de prendre un risque par une position
«courageuse», il sait qu’il a l’opinion avec lui parce
que les sondages lui ont garanti la pertinence posi-
tive de sa position.
7. NewDay.fr
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C’est la mise en marché de l’opinion par seg-
ments de clientèles-cibles.
3) Le push polling
Au départ de l’histoire des sondages, les repères
sont simples : il s’agit d’améliorer la connaissance
permanente de l’opinion tout en respectant quel-
ques précautions techniques dont les précautions
suivantes :
a) La majorité ne fait pas toute l’opinion : au ré-
sultat «59 % des électeurs pensent que… », il ne
faut pas traduire les « électeurs pensent que… ».
Le détail des chiffres est un enjeu majeur. C’est
d ‘autant plus le cas que l’enquête est éloignée du
jour du vote.
b) L’intelligence des petits chiffres : les principaux
enseignements d’une enquête résident plus dans
les ventilations (politiques, catégories socio-
professionnelles, géographiques…) et dans les
croisements que dans les résultats bruts globaux.
c) L’enquête est un polaroïd qui s’efface : photo-
graphies de l’opinion à un moment précis, les chif-
fres vivent un mouvement permanent.
d) L’enquête permet d’abord de déterminer les
cibles. Une bonne communication consiste à s’a-
dresser à des cibles. L’enquête est donc le point
de passage préalable à toute communication bien
organisée.
Il importe de distinguer deux catégories d’enquê-
tes : les enquêtes de repérage et celles de dépista-
ge.
Les premières visent à donner des repères précis
pour la détermination de la stratégie de communi-
cation, le planning, l’organisation des opérations.
Les secondes consistent, sur une périodicité plus
brève, à « prendre la température » de l’électorat
(et surtout des électorats indécis) au fur et à me-
sure que l’échéance électorale approche.
Pour les enquêtes dites de repérage, les objectifs
d’informations à collecter sont clairs. Pour l’essen-
tiel, ils sont au nombre de sept :
1) Qui sont les électeurs indécis qui feront sou-
vent la décision (âges, sexes, localités, catégories
socio-professionnelles, préférences partisa-
nes,…) ?
2) Quels sont les thèmes porteurs
(préoccupations majeures, rejets confirmés, atten-
tes consensuelles,…) ?
3) Qui sont les «Pour» et les «Contre» le pouvoir
en place ?
4) Sur quels comportements et à quels thèmes
réagissent-ils (réflexes de mobilisation) ?
5) Quel est le profil perçu du candidat (notoriété,
bonnes/mauvaises opinions, qualités, défauts,…)
et les profils de ses concurrents ?
6) Quels sont les adhésions et les rejets face aux
propositions éventuelles dans le cadre de votre
programme ?
7) Quel est l’impact des médias auxquels il est
possible de faire appel (profil des lecteurs des
quotidiens, magazines et des auditeurs de ra-
dios,…) ?
En ce qui concerne les enquêtes dites de dépista-
ge, il s’agit d’enquêtes sur des échantillons plus
réduits, qui ponctuent les mouvements des élec-
torats au fur et à mesure du déroulement d’une
campagne électorale. Ces informations doivent
être disponibles très rapidement. L’objectif de ces
enquêtes est unique : bien vérifier l’impact de la
stratégie définie après le ou les sondage(s) de re-
pérage.
Au fur et à mesure de la remise des résultats de
ces enquêtes des indicateurs décisifs sont à sur-
8. NewDay.fr
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veiller.
- Le positionnement sur l’échelle Droite/Gauche
Même si ce clivage est désormais moindre dans la
vie politique française, il ne peut être perdu de
vue dans une logique de second tour. Quelle force
politique domine ?
Chaque force politique et son profil : âges, sexes,
C.S.P., localités,…
- Les préférences partisanes
En la matière, la question est simple : une étiquet-
te politique est-elle un « plus » ou un frein ?
- L’opinion publique et le pouvoir national
Chaque élection est « contaminée » par l’état de
satisfaction ou d’insatisfaction du pouvoir national
en exercice. Quels sont l’état d’insatisfaction et le
degré de politisation du scrutin ?
- Connaissance et perception des personnalités
en présence
Il s’agit de suivre l’évolution des points forts et des
points faibles de chaque personnalité en présen-
ce.
- Les facteurs des comportements de vote
Dans ce domaine, l’enjeu consiste à identifier les
relations entre les thèmes structurants quasi-
permanents et les sujets d’actualité qui peuvent
émerger pendant une campagne électorale. Le
comportement zapping de l’électorat impose de
suivre avec une attention plus soutenue ces évè-
nements d’actualité.
Ces enquêtes correspondent à une « logique ver-
tueuse ». La 1ère vague consiste à disposer des
données fiables pour adopter une politique. La
seconde vague permet d’évaluer l’accueil effectué
à cette politique. La troisième vague permet d’a-
dapter les messages en fonction des résultats en-
registrés et ainsi de suite. C’est un mécanisme
permanent de feed back ou de dialogue entre un
émetteur de messages et l’opinion publique.
Cette logique vertueuse a été malmenée par trois
méthodes :
La place du vote utile : le sondage photogra-
phie l’opinion mais il la construit aussi tout
particulièrement pour une partie de votes
indécis qui vont se positionner par un ré-
flexe légitimiste moutonnier. Leur candidat
devient vite celui qui «peut gagner». Ils se
détacheront de celui qui n’a «aucune chan-
ce de gagner». Par conséquent, l’annonce
du résultat de l’intention de vote structure
l’intention de vote.
La question structure la réponse : cette struc-
turation peut être subtile. Dernièrement,
une enquête d’opinion en France a installé
en « opposant vedette » un leader d’extrê-
me-gauche au prix de l’éclatement de l’of-
fre socialiste en 6 candidats … Le même
électorat se dispersait ouvrant un espace
irréel politiquement à un candidat
« marginal ». Le contenu même de la ques-
tion induisait une réponse qui allait être
ensuite montée en épingle.
L’échantillon impacte la réponse : là encore
en France, un quotidien national a lancé un
sondage sur la base d’un échantillon repo-
sant sur les 15 ans et plus … alors même
que l’âge pour voter est de 18 ans. La place
respective des échantillons peut impacter
très sérieusement un résultat. De même,
selon l’importance globale de l’échantillon,
la marge technique d’erreur peut réduire à
néant l’information liée à la réponse. Dans
bon nombre de cas, tant qu’un écart 53/47
n’est pas creusé, la réalité de la victoire est
longtemps très hypothétique.
4) Les campagnes par enjeu ou le
scrutin referendum
L’exemple le plus efficace de campagne par enjeu
a été les élections fédérales Canadiennes du 23
janvier 2006 qui ont été des élections riches de
9. NewDay.fr
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multiples enseignements sur les campagnes élec-
torales dans des démocraties avancées.
Une nouvelle majorité a pris corps en moins de
60 jours. Jusqu’à la mi-décembre 2005, tous les
observateurs pronostiquaient la victoire facile du
Parti Libéral c'est-à-dire la victoire du Premier Mi-
nistre sortant. Une victoire tellement aisée que
nombreux ont été les écrits sur l’inutilité même de
cette campagne électorale. La période clef a été
du 05 au 15 janvier 2006. De nouvelles révélations
sur certains scandales ont terriblement fragilisé le
pouvoir en place. Ce dernier n’est pas parvenu à
inverser la tendance lors de deux débats publics
télévisés. Le 15 janvier, des sondages donnaient
corps à une nouvelle majorité. Cette nouvelle ten-
dance devait connaître une légère érosion dans les
derniers jours de campagne tout en conservant
une avance significative.
Les faits ont été les suivants.
Commandites, scandale et corruption : ces trois
mots ont dominé les débats de la campagne élec-
torale fédérale canadienne 2006.
Le scandale des commandites a été le thème uni-
que de la campagne du Parti Conservateur.
Ce scandale repose sur des liens entre le Parti Li-
béral et une société Earnscliffe. David Herle et Elly
Alboim, qui étaient au nombre des directeurs
d’Earnscliffe, ont été les conseillers de campagne
de Paul Martin, Premier Ministre sortant et leader
du Parti Libéral, pendant les dix ans où il a tenté
d’accéder à la direction du parti.
Le 31 mars 2005, le député conservateur Dean
Allison a fait inscrire une question demandant des
renseignements sur les « subventions, contribu-
tions et garanties de prêt » et les « contrats » en-
tre le gouvernement du Canada et Earnscliffe.
Dans sa réponse, le 26 septembre 2005, le gouver-
nement Martin a fourni de l’information sur huit
contrats entre Earnscliffe et le ministère des Fi-
nances au cours de la période visée par la vérifica-
tion faite en 2003 par la vérificatrice générale (de
1999 à 2003).
La valeur des plus petits contrats entre Earnscliffe
et le ministère des Finances pendant la période
visée par l’étude de la vérificatrice générale totali-
se 78 524 $. Celle des contrats plus élevés atteint
769 865 $.
Si ces chiffres sont exacts, ils signifient concrète-
ment que, lorsqu’il était aux Finances, Paul Martin
a rétribué Earnscliffe entre 78 524 $ et 769 865 $
pour des contrats sans prestation écrite défendant
que les études donnaient lieu à des rapports ex-
clusivement verbaux.
Lorsque les travaux de la vérificatrice générale sur
les commandites ont été renvoyés pour enquête
au juge Gomery, Paul Martin a expressément ex-
clu du mandat le chapitre du rapport de la vérifi-
catrice générale consacré aux recherches sur l’opi-
nion publique.
Le juge John Gomery a procédé à son enquête.
Dans son premier rapport, le commissaire note
d’abord qu’il est convaincu que bon nombre de
témoins qu'il a entendus lui ont menti.
Mais au bout du compte, le commissaire en arrive
néanmoins à la conclusion selon laquelle le Parti
libéral du Canada (PLC) a reçu au moins 679 497 $
en contributions illégales de la part du publicitaire
Jean Brault et de l'entrepreneur Jacques Corri-
veau, ami intime de l'ex-premier ministre Jean
Chrétien. Ce montant gonfle à 769 497 $ selon
d’autres décomptes.
En procédant à des décomptes complémentaires,
il est même possible de déduire que le Parti Libé-
ral a touché illégalement près de 880 000 $ grâce
aux commandites.
Le rapport d'enquête blâme donc M. Corriveau,
l'ex-ministre provincial et organisateur libéral
10. NewDay.fr
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Marc-Yvan Côté (qui a reçu et distribué des som-
mes obtenues de façon illicite), Benoît Corbeil et
Michel Béliveau (anciens directeurs du PLC-Q), Jo-
seph Morselli (un collecteur de fonds du parti)
«pour leur inconduite», de même que l'institution
du PLC-Q.
Sur ces bases, s’est ouverte une nouvelle étape
marquée par l’estimation effectuée par chaque
parti. Ainsi, le Bloc québécois a convenu d'exiger
la remise de 5,4 millions $ en se basant sur sa pro-
pre évaluation des malversations.
Le Parti Conservateur a axé toute sa campagne
sur ce scandale.
Plus précisément, le Parti Conservateur s’est en-
gagé à :
veiller à ce que toutes les recherches du gou-
vernement sur l’opinion publique soient
automatiquement publiées six mois après
la fin du projet et à interdire les rapports
exclusivement verbaux,
commander un examen indépendant sur les
pratiques du gouvernement en matière de
recherche sur l’opinion publique dont il est
question au chapitre 5 du rapport publié
par la vérificatrice générale en novembre
2003 pour voir si d’autres mesures s’impo-
sent, par exemple un prolongement de
l’enquête Gomery,
élargir le processus d’appel d’offres pour les
contrats gouvernementaux de publicité et
de sondage pour empêcher les maisons qui
sont proches du pouvoir de monopoliser
les marchés de l’État.
Constatant combien ce sujet intéressait l’opinion
publique, le Parti Conservateur a fait un pas sup-
plémentaire en ouvrant le dossier plus général de
l’argent en politique.
Dans ce cadre, le Parti Conservateur s’est engagé
à :
limiter les dons de particuliers à des partis ou
des candidats à un maximum de 1 000 $,
interdire toutes les contributions des sociétés,
des syndicats et des organisations à des
partis politiques, à des circonscriptions et à
des candidats,
interdire les dons en espèces à des partis poli-
tiques ou à des candidats de plus de 20 $,
étendre à 10 années la période au cours de
laquelle les infractions à la Loi électorale
pourront faire l’objet d’une enquête et de
poursuites.
Le vote du 23 janvier 2006 a d’abord été un vote
moral. Le message passé par les électeurs cana-
diens a été clair. En période de crise, il n’est pas
possible de demander des obligations de résultats
aux dirigeants. Mais au moment où la crise sévit
pour chacun, les dirigeants doivent au moins être
irréprochables quant à leur intégrité personnelle.
En perdant ses ancrages idéologiques, l’électorat
gagne en instabilité. Tout rebondissement majeur
à un moment clef de la campagne peut désormais
ancrer différemment les corps électoraux.
Ce rebondissement en moins de 60 jours a mon-
tré que les campagnes sont maintenant des en-
jeux de profils et non pas de contenus. Plusieurs
facteurs expliquent cette évolution. Tout d’abord,
le temps consacré à la politique par les citoyens
est de moins en moins important. Par conséquent,
la sélection des messages est plus redoutable que
jamais. Ensuite, dans cette sélection, la perception
émotionnelle prime sur l’analyse rationnelle. En-
fin, comme l’avenir paraît imprévisible, les ci-
toyens donnent la priorité à des traits de tempéra-
ment plutôt qu’à des promesses sur le lendemain.
Il faut noter que ce dernier point est empreint
d’un certain bon sens.
La vraie bataille devient celle du positionnement
culturel de l’élection. Cette étape consiste à ame-
11. NewDay.fr
EXPRIMEO
ner l’électorat sur le terrain du choix. Tout l’enjeu
réside dans la finalisation de ce choix. L’élection
n’est plus une sélection dans une large gamme de
propositions. Mais elle devient une sorte de réfé-
rendum sur un sujet initialement indéfini et que
l’opinion va progressivement ériger en thème
principal de l’élection.
La campagne présidentielle de GW Bush en 2004,
puis celle de T. Blair et celle de S. Harper sont des
modèles de cette nouvelle technique de campa-
gne. La phase pré-électorale est la période de dé-
termination du sujet du choix. La campagne active
devient la démonstration que l’un des candidats
est la réponse à ce choix. Le rejet de l’autre candi-
dat est aussi une forme de réponse à ce choix.
5) Le marketing de la compassion
La période actuelle est marquée par un profond
divorce entre l'individualisme croissant et la tenta-
tion de mettre en oeuvre une charité moderne qui
solidarise face aux injustices les plus criantes.
L’opinion est très sélective dans ses centres d’inté-
rêts. Elle agit par pulsions. Mais une fois l’intérêt
créé, sa mobilisation peut être très réactive et im-
portante.
Comment comprendre ce nouvel état d'esprit ?
Un marketing de la compassion a vu le jour. Il ré-
pond à des critères de plus en plus normalisés.
Cette technique repose sur quatre phases très
différentes :
- l’ouverture de la bataille pour une nouvelle gé-
nérosité,
- la phase de croissance,
- la phase de maturité,
- la phase de déclin.
En France, les causes du tiers-monde, de la recher-
che médicale, de l'environnement actuellement,
ont largement supplanté en termes de rendement
des thèmes plus anciens sur l'aide aux personnes
âgées, les handicapés qui avaient été très en vo-
gue auprès des donateurs au début des années
1970.
Ce marketing de la compassion est en réalité
marqué par cinq nouvelles caractéristiques.
Selon la mode du secteur concerné, il importe de
faire naître la crainte de «ne pas en être». C’est la
première étape qui permet la mobilisation des
personnalités. La charité a une bonne image et
tous ceux qui de près ou de loin peuvent partici-
per à une campagne largement médiatisée sont
ou deviennent sympathiques, humains. C'est donc
un nouveau champ de communication qui s'ouvre
pour ces personnes avec une réhabilitation de leur
fonction sociale. Les politiques dont les fonctions
sont très malmenées y voient rapidement une re-
valorisation facile.
Le second temps est celui de la concurrence qui
existe inéluctablement même sur le marché de la
générosité. Cette concurrence entraîne toujours
des risques d'éviction des causes les moins dyna-
miques et moins médiatisées.
Le troisième temps est celui où la recherche des
fonds privés ne doit pas pour autant conduire à
justifier ou à faciliter le désengagement de l'État. Il
y a là un travail considérable de communication
qui peut s’apparenter à la justification d’un
«toujours plus» qui impose pour le moins le main-
tien des dotations publiques.
Le quatrième temps est celui de la professionnali-
sation des acteurs qui doivent progressivement
veiller à ce que des structures très organisées suc-
cèdent au militantisme, au bénévolat, au volonta-
riat.
Le dernier temps, une fois cette phase de maturi-
té atteinte, c'est que les financements privés des
12. NewDay.fr
EXPRIMEO
actions engagées ne connaissent pas des diffi-
cultés ou pire encore des scandales de nature à
démobiliser et accélérer la phase mort de l'action.
Sous ces différents volets, on s'aperçoit alors, en
termes de communication, que le don est devenu
un produit qui, comme les autres, doit respecter
un certain nombre de contraintes professionnel-
les. La bataille pour la générosité a envahi l’écono-
mie et la politique car c’est une bataille d’image
dans un dernier domaine consensuel.
La compassion est le levier d’une réhabilitation
accélérée de certaines institutions ou personnali-
tés. Les bateaux aux noms évocateurs vont se
multiplier en oubliant que le coût de leur cons-
truction puis de l’équipage permettraient de sau-
ver des milliers de vie…
Le marketing de la compassion échappe pour
beaucoup aux règles de la raison. L’émotion est
reine. Dans ces circonstances, la raison a souvent
un combat perdu d’avance.
6) L’image pour seul message
La communication moderne est marquée par deux
caractéristiques :
- elle est visuelle,
- elle est émotionnelle.
Tout l’enjeu consiste à distinguer le contenu
émotionnel de la réaction émotionnelle. Ce qui
importe, c’est bien entendu la réaction émotion-
nelle c'est-à-dire la conséquence qui résulte du
message visuel.
Plus la réaction émotionnelle est forte plus l’im-
pact du message est grand, efficace donc persua-
sif.
Cette logique donne naissance à un nouveau parti
pris de communication.
Parce qu’elle est émotionnelle, l’écriture visuelle
doit être sensuelle, valorisante, liée au plaisir, à
l’utilité et au respect de la nature.
L’écriture doit chercher l’intérêt mais aussi la
curiosité.
Cette communication dans le paysage politique
Français ces dernières années a connu un succès
majeur : le reportage TV sur le bain de Dominique
de Villepin lors des journées des Jeunes UMP à la
Baule en 2005.
La naissance «grand public» de Dominique de Vil-
lepin est intervenue à cette date.
L’acte en lui-même n’est pas une nouveauté dans
la politique française. 31 ans plus tôt, en pleine
campagne électorale, VGE avait pris la même ini-
tiative en conviant ou en acceptant des médias
lors d’un bain de mer. Dans les années 80, Fran-
çois Léotard s’est créé une étoile médiatique en
gérant de façon habile le jogging quasi-quotidien,
la participation aux marathons les plus prestigieux.
Images d’autant plus fortes que la course a tou-
jours été perçue comme un symbole de liberté.
Ce type de vidéo est d’une efficacité redoutable.
La curiosité, la sensualité, le plaisir : tout était ré-
uni pour des images fortes en émotion et fortes
en réaction émotionnelle à deux degrés. Le degré
direct qui est le message premier de l’image :
homme en forme qui prend soin de son corps.
L’impact indirect qui est double tant à l’endroit
d’un Président à cette époque hospitalisé
(parallèle avec 1974) que de l’ensemble de la clas-
se politique française peu caractérisée par des
élus «sexy». Dominique de Villepin sortait d’un
coup de la classe politique des notables aux for-
mes arrondies, peu sportives, photographiés à ta-
ble plus qu’à la sortie des … eaux.
13. NewDay.fr
EXPRIMEO
7) Le vidéo clip remplace les
programmes
Le vidéo clip devient un outil permanent de com-
munication. Sur les sites Internet, l’avenir est aux
vidéos plus qu’aux discours en fichiers joints pdf.
Une nouvelle étape de communication est née.
Chaque acte va vivre un arbitrage préalable pour
déterminer l’image forte porteuse du bon messa-
ge. C’est donc une approche nouvelle quant aux
décisions d’un responsable public ou d’un candi-
dat.
Il ne suffit plus seulement de penser au contenu
de la décision ou du projet, aux mots forts, aux
chiffres clefs.
Il faut aussi, voire surtout, arbitrer :
- le lieu de l’annonce,
- le look de l’élu ou du candidat ( costume ou
pas, cravate ou pas, couleurs dominan-
tes…),
- l’entourage présent aux côtés de l’élu ou du
candidat,
- les gestes majeurs,
…
Cette communication émotionnelle repose sur
une succession d’images imprimées dans nos tê-
tes. Si le pouvoir n’appartiendra pas aux plus
«apparents», il appartiendra aux plus «reconnus».
Les images symboliques tiennent lieu d’argu-
ments et de programmes. L’électeur ne se rap-
pellera plus d’un mot, encore moins d’un pro-
gramme mais d’une succession d’images.
Cette mode de l’image a donné naissance à une
bibliothèque spécialisée : YouTube.
En 2005, trois anciens employés de Paypal créent
un site web offrant un service de partage pour le
visionnage de clips vidéos. Ce site peut héberger
n’importe quelle vidéo en utilisant des mots clefs.
En moins d’un an, YouTube s’est imposé comme
l’un des sites communautaires leaders de partage
de vidéos.
Des chiffres donnent la vraie dimension de cette
société qui a moins de 20 mois d’existence :
• 100 millions de films sont visionnés chaque
jour,
• cette base documentaire s’enrichit de
65 000 nouvelles vidéos chaque jour,
L’un des tournants fut le spot vidéo de Nike diffu-
sé en août 2006 sous la forme d’une vidéo ama-
teur. Ce vrai film commercial maquillé en faux film
amateur a fait l’objet dans de brefs délais de plus
de 7 millions de consultations … battant ainsi bon
nombre de scores de campagnes publicitaires offi-
cielles onéreuses.
Ce score surprenant montre aussi l’une des limites
de cette information supposée authentique car
venue des amateurs. Outre le vulgaire, des man-
œuvres stupéfiantes peuvent affecter cette base
documentaire.
C’est ce dernier volet qui mérite une attention
particulière.
YouTube a su réunir trois qualités majeures pour
susciter une forte fréquentation :
• une logique communautaire. Ce n’est pas
une information officielle mais celle de chaque
membre de cette « communauté des visiteurs »
de ce site,
• incarner une source d’information différente
des autres supports,
• l’information non-officielle, spontanée, celle
de « tout un chacun ». Parce que cette informa-
tion est spontanée, « non encadrée », elle est
perçue comme plus vraie que celle qui est pas-
sée au tamis des professionnels.
Par ces caractéristiques, YouTube a donné un style
qui devrait être repris dans la blogosphère.
Pendant des décennies, des supports d’informa-
14. NewDay.fr
EXPRIMEO
tions ont consacré une énergie considérable pour
gagner leurs galons de « professionnels ».
S’ils avaient imaginé qu’un jour parce que l’infor-
mation deviendrait le fait de non professionnels,
elle gagnerait en qualité et en audience ...
8) La bataille des commentaires
supplante la réalité des faits
Des différences profondes existent historique-
ment entre les médias Français et les médias Amé-
ricains.
Ces derniers ont une tradition bien plus globale
d’indépendance. La diversité des supports est plus
grande aux Etats Unis qu’en France. Mais surtout,
les médias Américains se veulent plus attachés
aux faits que les médias Français.
La vérité des faits est ce qui compte le plus. D’où
l’investigation auprès des témoins, des acteurs
afin de défendre le droit de savoir qui est reconnu
au public.
Le «média d’opinion» a longtemps été considéré
comme une hérésie au pays des résultats finan-
ciers.
Les règles étaient simples :
- les médias à forte audience font partie d’un
groupe chargé surtout de rapporter des dividen-
des aux actionnaires, pour cela, il faut attirer
beaucoup de publicités,
- pour réussir, il importe d’attirer le lecteur en lui
parlant d’abord des sujets qui concernent le com-
mun des mortels : sports, crimes, faits et gestes
des personnalités locales, extravagances des ve-
dettes du cinéma principalement.
Dans ce contexte, les informations politiques oc-
cupent une place mineure parce qu’elles intéres-
sent modérément les lecteurs.
Telles étaient les règles d’or du côté des médias.
Quant à leurs partenaires privilégiés, les annon-
ceurs, les repères étaient simples : la publicité doit
être un investissement rentabilisé par l’accroisse-
ment des ventes.
Dans ce contexte général, il y avait aussi un autre
facteur d’équilibre d’ailleurs peu souvent évoqué.
Si les actionnaires étaient souvent du camp répu-
blicain, les journalistes étaient souvent du camp
démocrate. Chacun se «supporte» en ne provo-
quant pas l’autre.
Avec le 11 septembre 2001, ce paysage a beau-
coup changé. La lutte contre le terrorisme, deve-
nue la grande cause nationale, a considérable-
ment modifié l’esprit d’investigation de la presse
dans certains domaines de l’action publique fédé-
rale. Alors que les médias sont toujours friands
d’excitation, voire d’exagération qui font vendre
les produits et attirent la clientèle ; là, ils se sont
astreints à un sens nouveau des responsabilités.
Dans un premier temps, dans des circonstances
exceptionnelles, pouvoir fédéral et médias ont re-
connu un «devoir d’interaction» qui se serait dis-
socié de la manipulation et de la conspiration.
La manipulation serait l’information reconnue
comme instrumentalisée par le pouvoir fédéral. La
conspiration serait l’information qui ne reconnais-
sait pas la spécificité et la gravité des contraintes
d’un pouvoir en guerre contre le terrorisme.
Cette notion d’interaction était censée résumer le
point d’équilibre de deux pouvoirs responsabilisés
par un respect mutuel et surtout le respect d’une
nation fragile.
Mais voilà, il ressort progressivement que dans ce
pays qui a un besoin permanent de «nouvelles»,
ce point d’équilibre aurait exagérément limité les
pouvoirs des médias et leur obligation de ne pas
passer sous silence ce qui est dangereux pour la
15. NewDay.fr
EXPRIMEO
démocratie américaine. Les révélations auraient
été largement insuffisantes.
Les médias traditionnels sont ainsi devenus les
victimes d’un grand contournement par la com-
munication en ligne. Une nouvelle information est
née faite de proximité affichée mais surtout d’in-
filtration, de révélations permanentes et du rejet
généralisé d’un «politiquement correct» qui dis-
créditerait les supports traditionnels dont la conni-
vence aurait été révélée lors de la guerre d’Irak.
Ce climat place actuellement les médias améri-
cains dans une véritable tourmente au pays où ils
ont été reconnus les premiers comme le quatriè-
me pouvoir.
La blogosphère Américaine donne le tournis aux
médias classiques. Ces derniers vont devoir révi-
ser leurs méthodes et probablement investir en
masse cette blogosphère pour l’intégrer car il leur
devient difficile de lutter de face.
La situation en France est différente. L’information
en France est malade. Si cette maladie est quasi
généralisée, elle frappe maintenant tout particu-
lièrement la presse écrite quotidienne.
Les ventes sont en forte et permanente régres-
sion.
Bien davantage, des maux profonds affectent l’uti-
lité même de ces supports.
Premier travers, la presse quotidienne, y compris
la presse régionale, est devenue davantage une
presse d’opinion que d’information. Elle a une
coloration de plus en plus partisane. Elle s’intéres-
se davantage à interpréter les faits qu’à en rappor-
ter le détail. Elle donne ainsi une place très impor-
tante au subjectif.
Hier, seuls les éditoriaux étaient censés laisser une
grande part à l’opinion. Aujourd’hui, presque cha-
que article comporte tellement de commentaires
subjectifs qu’un journal semble composé d’édito-
riaux généralisés.
Cette approche est très «exclusive».
Tous ceux qui ne se retrouvent pas dans cette in-
terprétation généralisée décrochent rapidement.
Bien davantage, ils se sentent agressés car ce n’est
pas ce qu’ils attendent de ce produit d’informa-
tion. Le journal quotidien devient un outil de rai-
sonnement alors qu’il devrait être d’abord l’outil
du droit du public de savoir.
La priorité ne devrait pas être donnée à l’interpré-
tation mais à la vérité des faits. Le journaliste, y
compris le localier, est ainsi devenu un
«intellectuel» qui conceptualise tout y compris la
plus insignifiante foire locale alors qu’il devrait
être d’abord un détective vigilant de la vérité des
faits : chiffres sur les personnes présentes, compa-
raison des fréquentations d’une année sur l’autre,
détail des déclarations des personnalités comme
du temps passé ...
Par cette réalité éditoriale, la presse française
montre qu’elle n’a toujours pas voulu couper le
cordon avec l’Etat se situant toujours dans la logi-
que historique de l’information en France.
En effet, toute l’histoire de l’information en Fran-
ce a été traditionnellement dominée par plusieurs
traits caractéristiques :
• avant 1945, les chaînes de radios privées
étaient autorisées à côté des chaînes publiques
appartenant à l’Etat,
• de 1945 à 1982 a été appliqué le strict mo-
nopole d’Etat sur les radios en dehors de radios
privées qui couvraient le territoire français à
condition de placer leurs émetteurs à l’étranger,
• pour l’audiovisuel, le monopole d’Etat était
rigoureusement respecté. Pendant longtemps,
le discours politique français exprimait officielle-
ment que la télévision était un service d’intérêt
public comme la Poste ou le téléphone, il faut
attendre 1982 pour que le monopole d’Etat soit
aboli,
16. NewDay.fr
EXPRIMEO
• pour la presse écrite, les groupes Lagardère
et Dassault, très dépendants de marchés d’Etat
sont devenus les premiers actionnaires de grou-
pes de presse.
En France, Internet ne remet pas encore fonda-
mentalement en question cette tradition, cette
logique. En effet, l’information via Internet touche
encore peu les «électeurs indécis». Les analyses
des internautes montrent que la fréquentation
des sites est très clivante. Elle mobilise surtout les
«pro» qui viennent chercher l’information qui les
«rassure» et les «anti» qui viennent se documen-
ter sur l’information de leurs opposants.
Les indécis n’ont pas encore installé Internet com-
me leur source d’informations au même titre que
la presse traditionnelle.
Par conséquent, cette presse traditionnelle oc-
cupe une place croissante de «faiseur d’opinion»
dans des conditions probablement sans précédent
compte tenu de la diminution des titres et de la
concentration des actionnariats.
Cette presse vit de commentaires permanents et,
par conséquent, structure l’opinion en permanen-
ce dès l’instant que cette dernière ne prend pas le
temps de se documenter par des sources différen-
tes.
9) La logique nouvelle d’une annonce
par jour ou «comment faire
la météo»
Il a fallu attendre fin 2007 pour que la France ou-
vre le débat sur le nouveau rythme de communi-
cation. Jean-Louis Missika (Le Monde 05/09/07)
puis Alastair Campbell (Le Monde 17/09/07) ont
exposé alors avec détails et conviction les enjeux
de ce sujet.
Ils ont manifestement des approches distinctes
sur les conditions et surtout les conséquences de
l’hyper-visibilité.
Au-delà des divergences, il y a un constat com-
mun. La nouvelle ère de communication réside
dans le fait de considérer l’opinion comme seul
interlocuteur permanent.
L’hyper-visibilité est devenue une nécessité. Elle
est la seule façon de maintenir le lien avec un pu-
blic de plus en plus exposé à des messages divers
et de plus en plus exigeant.
Alastair Campbell (ancien Conseiller de Tony Blair)
rappelle l’expression d’usage «il faut faire la mé-
téo». L’enjeu consiste donc à préempter le terrain
et à imposer aux autres d’y venir.
Pour cela, une nouvelle méthode voit le jour aux
US qui est celle de la communication par un mot.
Il s’agit de prendre une marque ou le positionne-
ment d’un homme politique et de travailler son
pouvoir d’évocation par la technique de l’enton-
noir : les 100 mots, puis les 50, puis les 20 et le
mot clef qui résume tout.
C’est ce mot clef qu’il faut matraquer en perma-
nence pour que l’opinion le reçoive, l’enregistre,
l’accepte, se l’approprie.
Dans la journée, tout est zapping.
Pour échapper à cette érosion immédiate, le
message doit être percutant, concret, unique et
répété.
Il doit être unique dans son évocation mais multi-
ple dans ses applications. Parce qu’il est unique
dans son évocation, il admet la répétition qui est
la meilleure garantie de sa perception.
Ainsi, dans la foulée immédiate de son élection,
Nicolas Sarkozy a choisi l’action proche. Même
quand il est en vacances aux USA, il demeure
« l’action proche » :
• il réagit aux évènements Français,
• il élimine les distances en se déplaçant pour
17. NewDay.fr
EXPRIMEO
l’enterrement de Mr Lustiger,
• les communiqués de presse sont quotidiens,
• il conserve au moins un passage TV quoti-
dien,
…
C’est toujours le même pouvoir d’évocation appli-
qué à des thèmes divers.
Cette logique peut faire naître des dérapages.
Obama se veut le «candidat des gens ordinaires».
Pour montrer qu’il est ordinaire, son épouse mul-
tiplie les confidences sur ses attitudes privées
dans des conditions qui vont parfois au-delà du
« politiquement correct ». La polémique enfle à
cet instant. Elle se calme et il ne reste que le pou-
voir d’évocation quand quelques jours plus tard
l’opinion est passée à un autre sujet.
Cette méthode ne résiste pas devant deux assas-
sins :
• les voix divergentes dans son propre camp
qui imposent de démultiplier les messages donc
de sortir de la logique de l’unicité,
• l’erreur sur le message attendu par l’opi-
nion.
C’est une nouvelle technique de communication
qui voit progressivement le jour. Elle porte en elle
la surexposition donc le risque d’une usure accélé-
rée. Mais dans l’attente d’en découvrir tous les
aspects négatifs, pour l’instant elle s’installe com-
me la clef du succès ; ce qui est loin d’être négli-
geable… La logique de cette manipulation est d’in-
verser la chaîne de l’information. C’est le respon-
sable politique qui se lance dans une sorte de fuite
en avant permanente en créant des informations
et non plus en réagissant à des informations exté-
rieures.
10) La stratégie relationnelle ou
communautaire
Derrière Facebook, chacun perçoit bien que l’en-
jeu de la démocratie moderne consiste à trouver
un nouvel équilibre pour s’éloigner de l’élitisme
qui isole sans tomber dans le populisme qui ré-
duit.
5 tendances durables se profilent :
- Nous passons de la high tech à la high com.
Nous passons de l’ère technologique à l’è-
re communicante.
- Cette nouvelle ère sera relationnelle. La
communication réussie fait participer et
adhérer.
- Cette stratégie relationnelle doit être une
pensée active. Cette formule montre le
nouvel équilibre qu’il faut créer. Il ne s’agit
pas seulement d’exprimer une aspiration
mais de l’ancrer dans la mobilisation de
chacun pour qu’elle devienne un objet de
mission collective.
- Parce qu’elle est d’abord action, cette stra-
tégie relationnelle doit être en prise direc-
te avec «les gens». Cette relation alors vi-
vante devient ensuite réalité.
- Cette stratégie relationnelle doit viser le
dépassement pour satisfaire une nouvelle
soif d’idéal. La crise actuelle est certes fi-
nancière, économique, sociale, voire mê-
me politique. Mais au-delà, elle est psycho-
logique et matérielle. Elle est matérielle
parce que l’immensité des défis montre
qu’il n’est plus question de vivre mais de
veiller à survivre. Elle est psychologique car
il s’agit de définir une nouvelle morale de
l’efficacité. Les idéologies semblent ne plus
rien avoir à dire. Les partis politiques sont
à la traîne. Qui va contribuer à définir une
société qui va redevenir vivable ? C’est la
question posée.
Dans cette redéfinition, il faut permettre à cha-
cun de participer activement tout en respectant
les droits à l’individualité.
18. NewDay.fr
EXPRIMEO
C’est avec cette exigence que des supports d’é-
changes comme Facebook ont trouvé leur légiti-
mité.
Le micro a changé de main. Les caméras se sont
retournées. La parole est désormais dans l’opi-
nion, dans la salle, sur Internet.
Le fameux slogan «nous, c’est vous» est plus perti-
nent que jamais. Il s’agit d’intégrer que ce sont
les citoyens qui font la pub du candidat.
Cette évolution était d’ailleurs annoncée dans la
publicité purement commerciale.
L’une des plus belles campagnes de ce type fut
celle de groupe prêt-à-porter Esprit au début des
années 90.
Les clients ont reçu un mailing leur demandant
«que feriez-vous pour changer le monde ?». Les
meilleures réponses sont ensuite apparues sur les
affiches de la marque avec photos et noms des
auteurs à l’appui. Un système de dialogue à l’état
pur.
Ce système a bien entendu des limites.
C’est une souveraineté moderne des citoyens qui
leur est reconnue. Jusqu’alors, la souveraineté
résidait surtout dans les choix du quotidien ordi-
naire. Désormais, de nouvelles frontières sont
possibles.
Cette évolution est une nouvelle étape dans la
démocratie d’opinion.
Le «Prince» qui décide seul, rusé, qui sait se faire
craindre car cela est plus sûr que d’être aimé … a
fait son temps.
La Raison d’Etat a aussi fait son temps. Cette
«raison» qui a été longtemps composée d’une
«morale» sans limite de l’efficacité et de l’utilité.
Dans ce contexte, cette notion de «raison d’Etat»
a aussi «fait son temps».
Sous ces deux volets, par la citoyenneté perma-
nente et la transparence portées par des outils
comme Facebook, il y a globalement une nouvelle
donne.
Mais cette nouvelle donne ne comporte pas que
des aspects positifs. Parce que la logique est l’in-
formation directe, elle n’est passée au tri d’aucu-
ne expertise. Les emballements trouvent donc un
terrain particulier.
Ce n’est pas parce qu’une communauté affirme un
chiffre ou une « révélation » que c’est vrai. La mul-
tiplicité des sources d’informations augmente
d’autant les facteurs de manipulations.
11) La disparition des intermédiaires
pour évoluer vers l’information en
direct permanent : Twitter
Lors du premier trimestre 2009, le site Twitter a
franchi le seuil des 19 millions de visiteurs uni-
ques.
Ce chiffre repose uniquement sur les visites direc-
tes sur le site. Il ne recouvre donc pas les utilisa-
tions par ceux qui font appel à Twitter par d’au-
tres canaux techniques.
Au rythme de croissance des derniers mois, ce
chiffre devrait s’élever à plus de 50 millions de vi-
siteurs uniques dès … fin 2009.
Ces chiffres montrent à la fois l’ampleur du phéno-
mène mais aussi son accélération.
Twitter a débuté en mars 2006 à San Francisco au
sein d’une start-up Odeo Inc.
C’est un service de microblogging qui permet aux
utilisateurs de s’informer grâce à des messages
ultra courts de 140 caractères au maximum.
En 2008, Barack Obama a beaucoup utilisé ce dis-
19. NewDay.fr
EXPRIMEO
positif pour envoyer des flashs d’informations.
Que change Twitter ?
Trois changements majeurs sont portés par Twit-
ter :
1) C’est d’abord un nouveau rythme de com-
munication et de campagne. La
«campagne papier» reposait sur des sé-
quences temps longues. Dans l’univers du
courrier électronique, une petite heure
suffit pour une campagne d’une très forte
ampleur.
2) C’est l’érosion des intermédiaires, voire
des arbitres. Lorsqu’un candidat lançait à
la télé ou sur une radio une attaque contre
un concurrent, le journaliste veillait à offrir
une réponse voire même tentait d’établir
de lui-même une sorte de «vérité officiel-
le». Ce filtrage est terminé. L’émetteur et
le récepteur fonctionnent en direct. C’est
un face à face virtuel qui comble le fossé
entre l’émetteur et le récepteur.
3) Les anciennes campagnes reposaient sur le
principe du message centralisé. Toute l’or-
ganisation politique est basée sur ce princi-
pe de la centralisation qui émet une infor-
mation officielle unique. Avec Twitter, non
seulement l’information va très vite de
l’émetteur au récepteur mais surtout le
récepteur peut contribuer à alimenter l’in-
formation. Il l’alimente par deux canaux
très importants. Il peut adapter son conte-
nu et diffuser l’information avec son pro-
pre commentaire. Il nourrit la liste des des-
tinataires en donnant naissance à des cam-
pagnes à la carte avec une démultiplication
quasi inconcevable auparavant. La nouvelle
campagne est une avalanche de messages
enrichis par les contributions de la chaîne,
que ces contributions concernent le conte-
nu et/ou les destinataires.
Par ses caractéristiques, Twitter élimine tout inter-
médiaire entre un émetteur et un récepteur.
Cette information directe autorise donc beaucoup
plus facilement les manipulations directes, volon-
taires ou pas.
12) Le calendrier électoral qui change les
enjeux des élections
La vie publique Française paraît fâchée avec son
calendrier électoral. Ainsi, il a fallu attendre l’été
2007 pour connaître la date définitive des élec-
tions municipales et cantonales finalement déca-
lées d’une année.
Une fois ces élections fixées, des composantes po-
litiques majeures ont transformé un scrutin local
en premier test de l’exercice présidentiel.
Ces exemples concrets montrent les troubles qui
affectent le calendrier électoral Français perturbé
dans son calendrier comme dans le sens des élec-
tions.
Au-delà des interrogations, il y a désormais un
constat : la prééminence en faveur de l’élection
présidentielle qui modifie tout le fonctionnement
institutionnel habituel.
Placer les élections législatives dans la foulée des
élections présidentielles revient à
«présidentialiser» l’élection parlementaire dans
des conditions qui s’avèreront probablement ex-
cessives et malsaines dans la durée.
Le régime présidentiel américain comporte des
renouvellements partiels des deux Chambres de
nature à pondérer le seul calendrier présidentiel.
Cette nouvelle donne est lourde de conséquences
sur le terrain des élections législatives. Chaque
candidat doit désormais examiner avec une atten-
tion particulière la question suivante : où faire
campagne ?
20. NewDay.fr
EXPRIMEO
Chaque candidat doit choisir le théâtre d’opéra-
tion qu’il entend occuper. Son positionnement
pendant l’élection présidentielle devient désor-
mais un réel rendez-vous de pré-campagne. Doit-il
s’engager derrière un perdant probable ? Dans ce
cas, sa participation ne se transformera-t-elle pas
en plongeoir et non pas en tremplin?
Seconde interrogation nouvelle : la place accordée
aux problèmes nationaux. Les élections législatives
ont été longtemps un savant mélange de politique
nationale et de politique locale. Le calendrier très
raccourci entre l’élection présidentielle et le re-
nouvellement de l’Assemblée Nationale
«nationalise» le débat des législatives.
Cette évolution fait naître une autre catégorie de
problèmes stratégiques pour chaque candidat :
doser la part qu’il accorde entre son engagement
national et celle liée à son indépendance person-
nelle. On assiste ainsi à deux profils très différents.
D’une part, les acteurs du débat national lié à la
présidentielle qui s’impliquent dans une équipe en
acceptant tous les aléas. D’autre part, les féodaux
locaux qui se tiennent à l’écart de ce débat pour
personnaliser au maximum leur ancrage sur le ter-
rain.
Une coupure aussi marquée n’est pas saine pour
le débat politique Français ainsi privé de profils
complémentaires utiles à un choix de qualité.
Dans la multiplication considérable des échelons
territoriaux et le partage de plus en plus imbriqué
des compétences, les citoyens Français tendent à
ne reconnaître que deux qualités électives : celle
du Président de la République, symbole du pou-
voir national et celle du Maire, symbole du pou-
voir de proximité.
Parce que ces deux autorités politiques ont des
identités fortes, ces deux élections ont un rythme
propre.
Pour les autres, à l’exemple caricatural des régio-
nales et des cantonales, les élections sont impac-
tées par une multitude de considérations collaté-
rales.
Placées à une petite année des élections Présiden-
tielles, les municipales ont constitué la première
rencontre du nouveau pouvoir présidentiel avec le
suffrage universel national. Elles ont perdu leur
particularisme pour revenir à la case des élections
de mars 1983 qui avaient été marquées par un
profond climat de sanction contre le pouvoir so-
cialiste.
Dans toutes les hypothèses, ce calendrier a pro-
duit des effets négatifs sérieux. Il présidentialise
excessivement le scrutin législatif et de ce fait al-
tère la fonction parlementaire déjà très dépossé-
dée de prérogatives dans la Constitution de 1958.
Il place un scrutin majeur (élections municipales)
dans une logique de «réaction» qui est malsaine
par rapport à la vocation de gestion de cet éche-
lon. A ces reproches majeurs s’ajoute celui d’une
refonte des échéances dans des délais aussi brefs
ce qui ne constitue pas un gage de bonne qualité
des équilibres institutionnels. Il est nécessaire que
les élus traitent sérieusement ce calendrier électo-
ral qui nuit dangereusement au bon équilibre des
pouvoirs.
13) La religion qui prend le pas sur
la politique
La France est un pays profondément marqué par
la religion catholique, même si la place de l’Eglise
s’est considérablement réduite ces dernières dé-
cennies.
Quand on parle «d’amenuisement» de la place de
la religion catholique encore faut-il avoir des repè-
res précis.
Au début des années 50, pour 42 % des person-
nes, soit près d’un Français sur deux, la foi oc-
cupait une place importante dans les décisions de
la vie de tous les jours.
21. NewDay.fr
EXPRIMEO
Ce chiffre est passé à 38 %. C’est une diminution
mais pas nécessairement une diminution aussi im-
portante que la tendance que l’on croit pouvoir
observer.
Dans l’histoire Française, le vrai tournant est la
vulgarisation de la philosophie des Lumières. Les
partisans de la Révolution Française de 1789
voyaient dans l’Eglise catholique une alliée de la
monarchie contre laquelle ils entendaient lutter.
Par conséquent, lutter contre la monarchie et lut-
ter contre l’Eglise constituaient deux combats
identiques. D’où cette première conception de la
République fondamentalement anti-cléricale.
D’où aussi, à cette époque, l’image de l’institu-
teur, gardien des valeurs républicaines, qui était
supposé incarner dans chaque village de France le
«concurrent» du curé.
D’où enfin cette logique de laïcité qui porte une
conception de l’Etat neutre devant laisser la reli-
gion à l’extérieur des services publics.
Cette approche a permis d’émanciper les reli-
gions minoritaires : le protestantisme et le judaïs-
me.
Dans cette logique, la religion relève du strict do-
maine de la vie privée.
Toute cette logique ne peut qu’être sérieusement
ébranlée par l’émergence de l’islam qui est désor-
mais la deuxième religion en France. C’est une
émergence qui a connu une accélération considé-
rable.
En 1965, il y avait en France 4 mosquées constitu-
tives officiellement de lieux de prières pour musul-
mans.
Il y a aujourd’hui officiellement plus de 900 imams
et près de 2 000 lieux de prières…
La France compte désormais plus de 5 millions de
musulmans. Cette religion a des repères fonda-
mentaux qui structurellement sont peu compati-
bles avec la laïcité de la société française.
Les enquêtes montrent en effet que la très grande
majorité des musulmans (87 %) pensent que l’i-
slam ne peut être séparé des lois de la Républi-
que. C’est un 1er signal d’alerte pour une concep-
tion majeure dans l’organisation de la société
Française.
Mais surtout, cette tendance religieuse est très
présente chez les jeunes. Les jeunes ont une ex-
trême sensibilité à des combats internationaux de
«leur religion». La guerre en Irak, le conflit israélo-
palestinien, les attentats intégristes sont de réels
centres d’intérêt et de mobilisation pour eux. Ce
second élément constitue lui aussi un indicateur
d’alerte important.
C’est ce climat qui porte en lui une poussée indis-
cutable et particulièrement préoccupante des ac-
tes d’antisémitisme en France. Là aussi des repè-
res chiffrés sont plus explicites que de longues dé-
monstrations.
En 1999, 9 actes de violence avaient été recensés
dans ce cadre. La barrière des 100 actes de violen-
ce a été franchie en 2000. Leur fréquence et leur
gravité sont directement liées à l’évolution de la
situation au Proche-Orient.
Cette situation doit être regardée en face. Elle
mérite une large et forte mobilisation collective.
Elle traduit un échec de l’intégration républicai-
ne. Elle porte en elle une échelle de risques multi-
ples et d’une profonde gravité.
Notre Etat doit donc partir à la reconquête du
terrain perdu pour réaffirmer ses valeurs fonda-
trices dont la laïcité dans des circonstances nou-
velles qui interpellent tout pouvoir.
Toute radicalisation en la matière fait naître des
enjeux qui dépassent le débat politique classi-
que.
22. NewDay.fr
EXPRIMEO
14) La course aux célébrités :
le détournement de la fonction
Une campagne électorale a toujours été l'art de la
transformation : transformation des mécontente-
ments en votes d'espoir, transformation d'aspira-
tions collectives diffuses en visions claires de so-
ciété.
La candidature est le premier acte déterminant
de cette transformation.
C'est un instant d'autant plus particulier que
l'homme public n'est plus perçu pareillement se-
lon qu'il est ou qu'il n'est pas publiquement candi-
dat.
Le challenger désigné gagne en notoriété, voire en
crédibilité puisqu'il devient alors un potentiel déci-
deur de premier plan.
Le sortant perd une partie de sa légitimité, se ba-
nalise puisqu'il devient un éventuel et potentiel
sorti.
S'ouvre alors une période pleine de rebondisse-
ments, d'incertitudes pendant laquelle personne
n'est à l'abri d'étonnantes surprises.
Une fois candidat, l'homme public doit alors com-
muniquer son message, poser les jalons de sa
transformation.
En la matière, la France a pris du retard. La publici-
té politique connaît en effet des contraintes d'ar-
rière-garde à l'exemple de l'interdiction des publi-
cités télévisées.
Avec des moyens limités quant aux supports auto-
risés et par le plafonnement des financements, le
candidat doit choisir les images qui porteront ses
messages en créant si possible un véritable élec-
trochoc.
Le rythme de communication, sa créativité, ses
rebondissements traduisent la réalité de la vie des
équipes en présence.
C'est l'apparition en surface de la nature profon-
de.
Le style n'est pas une apparence. C'est l'apparition
en surface de la nature profonde des êtres et des
choses.
Ce style doit permettre d'assurer la rencontre en-
tre un individu, une équipe et un territoire.
Le style, c'est l'arme qui va toucher l'attention des
citoyens.
Chaque jour, une personne est exposée en
moyenne à 500 messages. Elle en perçoit de 30 à
80. Moins de 10 d'entre eux vont influencer son
comportement.
Ce premier point technique permet de ramener
les enjeux à leur juste proportion.
Si le style d'une campagne n'est pas incisif, il n'y
a aucune possibilité de s'introduire parmi ces 10
messages qui vont influencer un comportement.
Pour donner de la consistance à ces messages,
l’un des moyens traditionnels réside dans l’organi-
sation de visites de personnalités.
Ces visites répondent à deux registres.
D’une part, la recherche d’identification : qui se
ressemble s’assemble. Par une présence forte à
ses côtés, le candidat gagne en image de marque
en partageant une partie de celle de son invité.
D’autre part, l’électeur vote pour une destinée et
pas pour la banalité.
L’opinion préfèrera toujours la tête d’affiche au
simple candidat qui affiche sa tête.
Par consé-
quent, la
23. NewDay.fr
EXPRIMEO
Par conséquent, la présence de personnalités est
une valeur ajoutée indiscutable.
En réalité, compte tenu de la dévalorisation des
personnalités politiques, la présence de célébrités
sans rapport avec la politique est alors une vraie
valeur ajoutée : sportifs, acteurs, écrivains…
Ce qui est important c’est :
- la forte notoriété de la célébrité en question,
- l’examen de l’image de marque de cette célébri-
té afin qu’elle complète efficacement l’image de
marque du candidat.
Là aussi, c’est une évolution à l’anglo-saxonne où
la célébrité est censée engager sa « marque »
pour attester de la crédibilité de l’engagement du
candidat pour une action ou une valeur donnée et
impacter l’opinion sur des bases souvent totale-
ment extérieures à l’enjeu réel du scrutin.
15) Les audits : faire parler les chiffres
au-delà des faits
Un universitaire posait à ses étudiants la question
simple suivante : «un savant a inventé un nouveau
moyen de communication entre les hommes,
agréable, utile et en même temps important élé-
ment de liberté. Mais le coût, le prix à payer est au
minimum de 85 000 morts par an dans le monde.
Faut-il l’interdire ?»
«Oui» répondent unanimes les étudiants. Le pro-
fesseur de leur indiquer : «vous venez de condam-
ner l’automobile».
Il en est de même de l’usage des audits.
C’est un sujet bien trop vaste et complexe pour
graver rapidement un avis définitif dans le mar-
bre.
Une chose est certaine, c’est que la décentrali-
sation impose aux élus un mode de communica-
tion différent dans la gestion des finances publi-
ques.
Ce mode de gestion est actuellement aggravé
par la situation de crise économique et le débat
sur le pouvoir d’achat.
La politique d’évaluation des politiques publiques
est un sujet très en retard en France.
L’enjeu est double :
- définir les finalités de l’évaluation,
- clarifier l’objectivité de l’évaluation.
Au niveau de l’Etat, l’évaluation des politiques pu-
bliques est apparue dans les années 80 avec la
création de comités ponctuels.
En 1988, le comité d’évaluation des Universités a
été institué.
En 1990, le décret du 22 janvier 1990, établi sur la
base du rapport Viveret, a mis en place un dispo-
sitif ayant vocation à évaluer l’ensemble des poli-
tiques publiques et comprenant un Comité Inter-
ministériel de l’évaluation.
Au niveau des collectivités locales, l’une des pre-
mières collectivités à mettre en place ce dispositif
fut le Conseil Général de l’Hérault.
Ces dates récentes attestent d’un mouvement
tardif lié à des facteurs importants.
La France est habituée à une forte présence de
contrôles. Le contrôle et l’audit d’évaluation ne
respectent pas les mêmes principes.
Le contrôle c’est la conformité d’une action à des
règles précises.
L’évaluation vise à analyser des effets d’une action
et à en apprécier sa qualité. Une confusion est née
entre ces deux notions différentes.
24. NewDay.fr
EXPRIMEO
Comme les contrôles portent un a priori de dé-
fiance, les évaluations ont été freinées. Les
contrôles débouchent parfois sur une sanction.
Les évaluations ont, là aussi, vécu une assimila-
tion avec la notion de « sanction politique » liée à
la publication d’audits sévères pour une gestion.
Pour toutes ces raisons, les audits ont perdu de
leur image de marque technique pour devenir
une sorte de règlements de comptes politiques
derrière la supposée neutralité d’expertise. Cette
confusion fait prendre du retard à l’évaluation
des politiques publiques.
L’évaluation, c’est d’abord une méthode de for-
mulation des politiques. C’est ensuite une métho-
de de définition de leurs mises en œuvre.
C’est enfin, ultime étape, une évaluation des ef-
fets des politiques ainsi conduites.
Ce degré de contrôle montre la spécificité de l’é-
valuation par rapport aux critères classiques de
contrôles.
L’évaluation impose la mise en place de tableaux
de bord, de critères de suivi des dépenses, de cri-
tères pour l’impact des «fruits de l’action».
Sous cet angle, les audits d’évaluation s’éloignent
donc considérablement de la logique de la sanc-
tion. La crédibilité de l’audit d’évaluation repose
d’abord sur la rigueur et la pertinence de la col-
lecte et du traitement des informations adéqua-
tes.
C’est donc un jugement de valeur et non pas de
conformité au regard de règles.
Ces audits sont appelés à connaître un développe-
ment important parce qu’ils portent en eux la dé-
finition du sens d’une action publique et la défini-
tion des moyens appropriés, méthode attendue
par l’opinion publique avide du «gouverner
mieux».
16) La mondialisation ou
comment passer le mistigri des mauvaises
nouvelles
L’actualité économique récente avec les démons-
trations d’une mondialisation qui s’accélère a ins-
tallé une perception permanente de mondialisa-
tion.
Il n’est plus question de résister à cette tendance.
Il s’agit d’en comprendre les facteurs, les effets et
de veiller à ce que cette évolution ne conduise pas
à un développement anarchique destructeur de
territoires ou d’équilibres humains. Sous ce der-
nier volet, la question qui retient l’attention de
chacun est la suivante : la mondialisation peut-
elle être humanisée ?
La réponse à cette question repose sur la défini-
tion des relations entre le pouvoir économique et
l’ensemble des autres pouvoirs. S’il y a une mon-
dialisation économique qui n’est pas accompa-
gnée d’une harmonisation sociale internationale, il
est probable que les entreprises joueront sur les
différences sociales pour aller là où la rentabilité
les conduit.
Aujourd’hui, le défi principal réside dans le décala-
ge qui existe entre d’un côté la vitesse de cons-
truction de groupes économiques mondiaux et
d’un autre côté la lenteur d’une réelle construc-
tion internationale entre les Etats. Ce décalage fait
la force de l’économie. Plus ce décalage demeure-
ra ou même s’accentuera, plus la force de l’écono-
mie impactera les réalités quotidiennes.
Sous cet angle, la période actuelle ne peut que
nous inquiéter. L’Union Européenne a œuvré en
faveur d’une harmonisation économique. Mais
elle a buté sur l’unité politique et sociale qui de-
vait pour le moins accompagner cette harmonisa-
tion économique. Les échecs des consultations
populaires en 2005 sur le traité constitutionnel
européen ont bloqué ce volet de la construction
politique de l’Europe. Si bien qu’aujourd’hui le dé-
calage préalablement exposé entre l’économique
25. NewDay.fr
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et le reste ne peut que s’aggraver alors même que
les conditions d’origine sont relativement commu-
nes, que penser d’une tentative d’harmonisation
entre des territoires aux géographies encore plus
lointaines, aux cultures encore plus distinctes ?
Ce constat est souvent absent du débat politique.
C’est dommage car ce constat est effectué par les
citoyens qui attachent des conséquences majeu-
res à cette situation.
Trois conséquences majeures pratiques en résul-
tent quant à l’état d’esprit de l’opinion publique :
• la mondialisation est perçue comme une dé-
possession démocratique,
• parce que cette dépossession démocratique
inquiète, la mondialisation est non pas res-
sentie comme une avancée mais comme une
menace généralisée,
• cette menace transforme en profondeur no-
tre perception de l’avancée dans le temps
qui n’est plus associée comme une marche
vers le progrès mais comme une chute dans
l’inconnu.
Cette nouvelle atmosphère intellectuelle est une
caractéristique sans précédent.
Elle engendre des sentiments nouveaux pour les-
quels le choix serait simplement entre la nostalgie
et la peur.
Aucune avancée collective sérieuse ne peut être
construite sur de tels socles psychologiques.
Nous devons donner des réponses concrètes à ce
défi. Les citoyens doivent retrouver la conviction
qu’ils vont se réapproprier leur avenir.
La mondialisation doit être l’affaire de tous. Elle
doit devenir le cœur de nos débats internes et non
pas une affaire « étrangère » lointaine.
Ce rapport au progrès conditionne le retour d’un
moral collectif positif qui modifiera notamment le
rapport à la réforme.
17) L’Etat spectacle ou l’émergence du
spectacle d’un triste Etat
Les deux dernières décennies ont vu naître et se
développer en France un certain nombre de ten-
dances nouvelles qui ont fondamentalement mo-
difié les équilibres de notre vie politique.
Tout d’abord, nous avons assisté à la généralisa-
tion d‘un catastrophisme permanent. Nous som-
mes passés d’un pessimisme ambiant fort à un
catastrophisme où la surenchère à la dramatisa-
tion semble ne plus avoir de limite.
Seconde tendance, l’émergence de «nouveaux
gourous» qui sévissent sans aucune humilité. Les
prêtres ne sont plus des directeurs de conscience
reconnus. Les intellectuels sont morts avec SAR-
TRE, ARON. Les hommes politiques sont livrés aux
jugements péremptoires et sans appel sur leurs
«défauts indécrottables».
Une nouvelle race de «maîtres à penser» est née.
Ils animent des émissions de TV ou de radio, font
du cinéma ou de la chanson et parfois même les
deux et «eux savent».
On ne sait pas trop pourquoi et à quel titre mais
comme dans la présente période il vaut mieux
croire que chercher à comprendre, chacun s’en
remet docilement à leurs jugements sur tous les
sujets dans tous les domaines…
Ils éditent les nouvelles « tables de la loi » que
tout responsable public doit en permanence res-
pecter sous peine d’exclusion.
Enfin dernière tendance, la nouvelle France dé-
boussolée qui s’en remet à la dérision avec dérai-
son. Il est bien clair que la société française a
connu et connaît encore de profondes mutations.
La crise dès 1973 n’avait pas excessivement
26. NewDay.fr
EXPRIMEO
inquiété. A cette époque, il ne faisait pas de doute
que le pouvoir allait y remédier.
En 1981, toujours malades, les Français ont décidé
alors de changer de médecin. Après 23 ans de
«frustrations», ils donnèrent libre cours à leur joie
du Printemps 81.
Plusieurs printemps après, les impôts étaient plus
lourds, le chômage plus élevé, le franc plus bas.
Pour beaucoup, le rêve était fini.
Par le biais de l’alternance, les Français s’étaient
enrichis d’une expérience nécessaire mais ils se
sont appauvris d’un constat d’une gauche qui a
failli.
Depuis cette époque, c’est la fin de l’enthousias-
me. Les différences entre droite et gauche se sont
estompées en matière économique.
Pendant les années au pouvoir, la gauche s’est ap-
pliquée, au-delà ses réformes sociales, à démon-
trer qu’elle était capable de gérer.
De son côté, la droite s’efforce d’apparaître com-
me le champion d’une sorte de libéralisme à visa-
ge humain qui ne mettrait pas en cause les acquis
sociaux et se donnerait comme priorité de créer
des emplois dans un pays qui n’a pas cessé d’en
perdre depuis quelques années.
La montée des mécontentements a favorisé la for-
te ascension des extrêmes. Et les promesses non-
tenues, les décisions à contre-courant, la détério-
ration des rapports entre les membres de la classe
politique ont terni de façon durable l’image des
partis et des hommes politiques.
Dans un cadre aussi éloigné des repères habi-
tuels, il est facile de tout tourner en dérision avec
les refrains désormais connus de tous :
- face à une nouvelle proposition, il suffit de lais-
ser tomber « et pourquoi ne l’avez-vous pas mise
en œuvre quand vous étiez au pouvoir ? »,
- face à un chiffre officiel, il suffit de laisser enten-
dre « vous en êtes sûr ? »,
- face à une promesse, il suffit de commenter
« vous dites cela aujourd’hui mais de-
main... ».
Ces réactions ont sapé et sapent en permanence
la fiabilité et la crédibilité de tout débat public.
Dans ce contexte, un nouvel «Etat spectacle» est
né.
Ses terrains sont :
- la compassion. Il ne s’agit pas tant de lutter
contre les drames permanents mais surtout de les
accompagner avec l’émotion intense,
- l’humanitaire. Plus le pays est éloigné et incon-
nu, plus l’ambition parait grande et mériter le res-
pect,
- la tolérance. Dans ce domaine, la règle du jeu est
simple. Il faut dire en permanence que « tout ce
vaut ». Malheur au premier qui cherchera à réta-
blir des hiérarchies,
- l’association d‘images avec les « nouveaux maî-
tres à penser ». Partant du principe de la sagesse
populaire qui dit « qui se ressemble s’assemble »
être aux côtés des « nouveaux gourous » est un
formidable laisser passer pour la popularité.
Cet Etat spectacle est de plus en plus un triste
spectacle d’Etat. Sa dernière illustration est l’en-
gouement national pour des mesures de défense
de l’environnement qui n’ont manifestement au-
cun poids à l’échelle de la planète.
18) le politiquement correct ou
le mimétisme de la pensée
La vie politique française n'a jamais été caractéri-
sée par une grande tolérance.
L’influence de la religion catholique et les racines
latines expliquent une vie politique souvent en-
flammée.
27. NewDay.fr
EXPRIMEO
Chaque fois que la tolérance a gagné en importan-
ce en installant de larges zones d’accords dans la
vie politique française ce fut l'effet de la raison
compte tenu de la gravité des circonstances et
non pas le produit du sentiment initial immédiat
de l’opinion et encore moins de sa tradition.
La contestation et le conflit sont des données de
fond de la société française et ce depuis les origi-
nes.
Bien davantage, culturellement, l'opinion Françai-
se a tendance à considérer que le caractère
conflictuel de la vie politique ferait partie de la
qualité de cette vie politique.
Avec cet état d’esprit, tout est organisé pour faire
émerger le conflit. Il n’est pas rare de voir les ac-
teurs de la vie politique Française exagérer l’am-
pleur véritable des conflits voire même parfois
chercher à les faire naître alors qu’initialement les
oppositions n’allaient pas de soi.
Tout paraît donc organisé sur le principe selon
lequel le conflit est naturel en politique et à l’op-
posé l'absence de conflit ne serait qu’astuce ou
exception rarissime.
Sur ce terrain pourtant «défavorable», le politi-
quement correct s’est installé.
Par conséquent, le vrai enjeu consiste à identifier
où est aujourd'hui la réalité des zones de clivages
au sein même de l’opinion publique.
Le politiquement correct c’est une forme de-
consensus artificiel qui marque l'adhésion large-
ment répandue dans un groupe social en faveur
d’un ensemble de valeurs relatives aux modalités
d'organisation de la vie en collectivité.
Quel est aujourd’hui le langage du citoyen sur les
questions qui font son quotidien ?
L’heure du citoyen est à la mise en œuvre de 4
règles :
- la recherche de l’écart entre l’intention et l’ac-
tion. La coupure entre le citoyen et la vie publique
fait qu’il recherche désormais le véritable message
derrière l’expression brute. Tout est maintenant
affaire de décodage.
- L’acceptation de principe d’une large adhésion à
des valeurs communes.
- La recherche de réponses «à portée de main».
Derrière cette formule, c’est l’immédiat qui peut
réellement entrer dans les faits.
- Le rejet des solutions qui ne reposent pas sur le
dialogue, l’écoute, le respect des citoyens.
Dès l’instant que ces règles sont respectées, une
certaine forme de consensus est susceptible d’ê-
tre approchée.
Le politiquement correct devient une forme de
facilité de prêt à penser qui a constamment gagné
du terrain ces dernières années.
19 ) la logique de marque commerciale
appliquée à la politique
La société moderne est celle de l’image.
En politique, ce constat s’accompagne d’une autre
réalité. La communication est engagée par des
passionnés de la politique qui s’adressent à des
personnes pour lesquelles la vie politique est seu-
lement «un mal nécessaire».
En conséquence, il ne faut pas croire que de nom-
breuses heures seront consacrées aux messages
électoraux. Quelques rares minutes seront dispo-
nibles. Ce sont ces rares minutes qui comptent.
Dans ces minutes, il importe d’abord de capter
l’attention puis bâtir un pouvoir d’évocation cohé-
rent, efficace.
28. NewDay.fr
EXPRIMEO
Ce pouvoir d’évocation est aujourd’hui marqué
par la personnalisation.
S’agissant du phénomène de la personnalisation :
à un moment précis, une personnalité doit incar-
ner la voie souhaitée par la majorité. Il importe
alors de créer et de gérer son « Capital-Nom ».
Un homme politique doit aujourd’hui considérer
que son nom est sa principales enseigne. Le rejet
des partis politiques est tel que le prétendant vi-
sant loin et haut doit d’abord se faire un nom.
Comme une enseigne, son nom, pour être très
mobilisateur, doit remplir quatre qualités essen-
tielles :
- être spécifique,
- avoir une forte puissance d’évocation,
- viser à une certaine durée,
- être cohérent dans les « associations-valeurs ».
Cette construction doit être en adéquation avec
les attentes de l’opinion. Or, ces attentes évoluent
beaucoup et rapidement.
Parmi tous les changements profonds intervenus,
trois comportements nouveaux dont les consé-
quences sont considérables :
- On vote pour soi, pas pour un candidat. La
«nouvelle génération» des électeurs a une appro-
che citoyenne voisine de celle de la consommation
courante. Il s’agit de détecter les mesures qui per-
mettront d’améliorer son sort individuel.
On vote pour une star pas pour un responsable
politique. Le star système a frappé la vie politique
Française. Il s’agit de représenter des valeurs au-
delà des fonctions. Les fonctions ramènent à l’ac-
tion concrète. Les valeurs vont au-delà. Elles sont
le sens d’une destinée.
On vote pour un gagnant. Pas pour un perdant.
Le dernier exemple le plus caricatural au sein
pourtant d’un «électorat conceptuel», c’est le vo-
te du 16 novembre au sein du Parti Socialiste. Le
score de S. Royal n’aurait jamais été le même sans
les sondages la plaçant aussi largement en tête et
indiquant qu’elle était la seule à gagner le second
tour. Cette réalité est désormais perçue si large-
ment qu’elle détourne pour partie la vocation des
sondages instrumentalisés comme «témoins
scientifiques» de la victoire.
Dans cette logique, le story telling est devenu une
technique à part entière. Il s’agit de créer une
« histoire » qui est le récit organisé d’une vie, d’un
programme, d’une campagne.
Certains y voient l’industrie la plus élaborée du
mensonge. La mise en histoire donne prise à une
réécriture souvent très imaginative.
20) L’installation de la notoriété comme
point de passage du succès
Une élection est la plus imprévisible des consulta-
tions.
Et pourtant, progressivement, une équation s’est
dégagée.
Une élection serait :
E = N + P + C + X.
N, c’est la notoriété. L’opinion ne vote pas pour
un candidat qu’elle ne connaît pas. La notoriété ne
fait pas l’élection mais l’élection est hors d’attein-
te d’un inconnu.
P, c’est la popularité. La popularité doit accompa-
gner la notoriété.
En France, la popularité repose sur un positionne-
ment dans l’une des 4 cases suivantes :
- le Héros qui se détache du lot,
- le Séducteur qui répond à la mode du moment,
- le Juste qui incarne le point d’équilibre d’une so-
ciété,
- le Savant qui apporte une réponse technique de
confiance aux problèmes posés.
29. NewDay.fr
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Charles de Gaulle, François Mitterrand ont été des
Héros.
Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy appar-
tiennent à la catégorie des Séducteurs.
Jacques Chirac n’est parvenu à être élu que lors-
qu’il est devenu le Juste qui pouvait être le rem-
part contre les fractures sociales.
Raymond Barre, Edouard Balladur, Jacques Delors
… ont été des Savants. Leurs échecs montrent la
voie étroite de cette catégorie.
A chaque niveau, un candidat doit se positionner
sur l’une de ces cases.
C, c’est la conjoncture qui rythme les modes. L’é-
lection n’est pas un rendez-vous en dehors du
temps. Bien au contraire, c’est un rendez-vous
avec un calendrier qui vit et qui impose des cycles
différents de profils souhaités.
X, c’est les capacités à remplir pour une élection
donnée. C’est la part de variable appliquée aux
spécificités de la fonction en jeu.
Dans la longue marche vers une élection, chaque
étape impose ses actes fondamentaux.
Le candidat de la Séduction doit aller vers un
«rêve collectif». Il doit être le moteur du change-
ment d’une société, permettre de construire ce
rêve collectif.
Le candidat qui se veut Juste doit choisir des actes
liés à un magistère moral.
Le candidat qui se veut Héros doit travailler le pas-
sage de l’image à l’imagination. Il doit s’identifier à
de nouveaux modèles.
Cette approche fait la différence entre les
«campagnes statues» et les «campagnes sta-
tuts».
Les premières ne bougent pas. La notoriété et l’i-
mage de marque sont supposées acquises. Il faut
juste veiller à ce que la campagne n’altère pas la
seconde.
Ces campagnes de «postures» seront de plus en
plus difficiles à conduire car les nouveaux médias
refusent la passivité et font vivre la participation.
Par conséquent, les «postures» vivent mal la
contestation. Elles n’acceptent pas la participa-
tion.
Les «campagnes statuts» sont les campagnes d’a-
venir. Elles portent une identité à laquelle on sou-
haite s’associer. Ce sont les campagnes commu-
nautaires des temps modernes. Le plus belle cam-
pagne statut fut celle de Barack Obama en 2008.
Son site Internet avait pour fonctionnalités majeu-
res celle de l’appropriation par chacun. Le candi-
dat fut présent sur tous les réseaux sociaux : Fa-
cebbok, Twitter, Myspace …
Une nouvelle équation est née replaçant le ci-
toyen au centre de toutes les préoccupations. L’a-
venir va appartenir au contrat psychologique re-
posant sur la loyauté conditionnelle.
Les ancrages militants solides sont entièrement
érodés.
L’élection est le moment d’une rencontre entre
une offre politique et une demande majoritaire.
Le leader respecte son contrat. Il bénéficie du sou-
tien. Il rompt son contrat, le citoyen se sent alors
dégagé de tout sentiment de soutien sans avoir le
sentiment qu’une appartenance ait été brisée car
dans son esprit cette appartenance n’est jamais
intervenue. Il y avait une opportunité lors du vote.
Elle a été prise. Le citoyen va passer à une autre
opportunité sans état d’âme ni sentiment culpabi-
lisateur d’infidélité mais au contraire de maturité
par l’autonomie de ses choix. Cet état d’esprit
crée un terrain particulier pour accueillir les tech-
niques de manipulation puisque le zapping est ins-
tallé et justifie des évolutions brutales en fonction
de simples mouvements d’humeur.
30. NewDay.fr
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Le mot de l’équipe de rédaction
La chasse au neuf est ouverte. Un autre univers émerge porteur de nouveaux défis de conte-
nus, de supports, d’images. Nos guides pratiques se veulent un outil de réflexions, de connais-
sances, d’ouverture sur des choix en souhaitant que, pour cette vie publique qui est entre deux
âmes, ils permettent d’avoir l’esprit clair pour bien décider.
Denis BONZY
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