1. Evaluation de la rentabilité économique
de la filière Jatropha
dans la région de Teriya Bugu (Mali)
2010
Mémoire de fin d’étude Co-direction du mémoire :
Master «Agronomie et agroalimentaire» Roland PIROT CIRAD et Marie-Jeanne VALONY IRC
Spécialisation Systèmes Agraires Tropicaux
IRC Supagro, Montpellier Maître de stage terrain :
Sofian CONCHE Teriya Bugu
Benoît ALLARD
2. Résumé
Dans un contexte de développement des énergies renouvelables et de recherche d’autonomie énergétique, le Mali fait
la promotion de l’huile de Jatropha. Le village touristique de Teriya Bugu expérimente la mise en place d’une filière
courte : production des graines de Jatropha dans les exploitations familiales environnantes, et utilisation de l’huile
pour l’électrification du village de Teriya Bugu.
La plante, originaire d’Amérique centrale, est connue au Mali depuis plus de 5 siècles et utilisées pour ses vertues
thérapeutiques. Sa capacité d’adaptation est grande tant par rapport au type de sol, qu’au climat. Elle peut résister à
une pluviométrie de moins de 700mm/an.
De plus, sa culture peut se faire en haie ou en plein champ, ce qui rend flexible son appropriation par les paysans.
La sécurité alimentaire, l’adaptabilité aux exploitations locales, et la rentabilité de la filière sont des enjeux déterminants
pour la pérennité de la filière. La synthèse d’études précédentes et de nombreuses enquêtes de terrain détermineront : les ex-
ploitations concernées, l’intégration du Jatropha, l’investissement en temps de travail, les préoccupations des producteurs.
Le milieu dans lequel est situé notre étude est de type semi-aride ; la qualité des sols est changeante autour des villages.
L’économie de la zone est presque exclusivement agricole où l’arachide constitue la principale culture de rente. La
culture du Jatropha permet de diversifier les sources de revenu des paysans sans pour autant entrer en concurrence avec
les systèmes de culture ou d’élevage présents car il est cultivé avec prudence et son prix d’achat des graines est bas.
De plus, la filière est organisée de manière a restituer aux paysans un maximum de produits issus de la transformation
de la graine (tourteau, pied de presse).
Ainsi, en payant les paysans au revenu minimum local, en fonction du temps qu’ils investissent dans la culture du
Jatropha, on voit que celle-ci rapporte à peu près autant que la plupart des autres cultures de la zone.
Au niveau de Teriya Bugu, le calcul des coût des transport et transformation permettent de déterminer un prix d’achat
des graines plus élevé que l’actuel, mais dont la marge de manoeuvre actuelle est faible tant qu’il n’y aura pas d’in-
novations techniques.
Summary
In the context of renewable energy development and research of energy independence, Mali is promoting Jatropha
oil. The touristic village of Teriya Bugu experiences the establishment of a short chain: production of Jatropha seeds
in the surrounding family farms, and use of oil for the electrification of the village of Teriya Bugu.
The plant, native to Central America, is known in Mali for over 5 centuries and used for its therapeutic virtues. His
adaptability is high as compared to the soil type and climate. It can withstand a rainfall of less than 700mm/an.
Furthermore, it can be cultivated in hedges or fields, which makes flexible ownership by the peasants.
Food security, adaptability to local farms, and profitability of the industry are critical issues for the sustainability of
the sector. The synthesis of previous studies and numerous surveys of farmers will determine : the concerned farms,
the integration of Jatropha, investment in working time, the concerns of producers.
The environment in which our study is located is semi-arid ; soil quality is changing around the villages. The area
economy is almost exclusively agricultural, where groundnut is the main cash crop. The cultivation of Jatropha ena-
bles farmers to diversify sources of income, without competing with existing crops or livestock because it is grown
with care and the purchase price of seeds is low.
In addition, the chain is organized to restore the farmers a maximum of products from the processing of the seed
(meal, oil sediments).
Thus, by paying farmers to local minimum wage, depending on the time they invest in the cultivation of Jatropha, we
see that it brings as much money as the other crops cultivated in the area.
At Teriya Bugu, the calculation of cost of transport and processing allows to determine a purchase price of seeds
higher than the current one, but the flexibility is low until there will be technical innovations.
3. Remerciements
Avant toute chose je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé à réaliser ce stage
et ce mémoire :
Tout d’abord mes maîtres de stage Roland Pirot du CIRAD, qui m’a permis de réaliser ce
travail et a contribué par ses questionnements à l’avancée du mémoire, et Sofian Conche de
Teriya Bugu qui m’a suivi et soutenu sur le terrain en m’aidant à construire ce rapport tant
dans le fond que dans la forme.
Merci également à Marie-Jeanne Valony de l’IRC qui m’a fait prendre du recul sur mon travail
quand j’en avais besoin et qui a observé le bon déroulement de mon stage.
Ce stage n’aurait pas pu se passer si bien sans le soutien de Kader Magassouba, responsable
de la filière Jatropha, et l’aide précieuse de Ibrahim Samake et Oumar Dialla mes traducteurs,
merci à eux.
Enfin, merci aux autres membres de l’équipe Jatropha : Coulibaly, Traoré, Sanogo, avec qui
j’aurai aimé collaborer plus longtemps ; et à tous les employés de l’hôtel qui ont été si chaleu-
reux avec moi pendant toute la durée du séjour.
Bonne lecture,
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 3
4. Sommaire
Résumé
Remerciements
Sommaire
Liste des acronymes......................................................................................................7
Introduction...................................................................................................................9
Partie 1 : Le projet et ses enjeux
chapitre 1 : mise en contexte
1 Présentation du Mali et de la zone d’étude...........................................................................11
1.1 Le Mali
1.2 Localisation de la zone d’étude
2 Le Jatropha............................................................................................................................12
2.1 Origines et répartition
2.2 Caractéristiques de la plante
2.3 Produits
2.4 Suivi de la culture
2.5 Les différentes formes d’implantation : avantages et inconvénients.
3 Projets Jatropha et enjeux globaux.......................................................................................19
4 Le projet de Teriya Bugu......................................................................................................23
4.1 Origine du projet et objectifs
4.2 Besoins en huile de Teriya bugu
chapitre 2 : Problématique et méthodologie
1 Social, environnement, économie ?.....................................................................................27
1.1 Problématique
1.2 Objectifs
2 Méthodologie.........................................................................................................................28
2.1 Délimitation de la zone d’étude
2.2 Déroulement du stage
2.3 Outils employés
2.4 Caractérisation des exploitations
2.5 Analyse économique
3 Conclusion.............................................................................................................................32
Partie 2 : Le milieu et la place réservée au Jatropha
chapitre 1 : DIAGNOSTIC AGRAIRE
1 Situation environnementale...................................................................................................33
1.1 Contexte naturel
1.2 Contexte anthropique
1.3 Synthèse des différentes unités agro-écologiques de la zone
2 Evolution des systèmes agraires au cours du XXème siècle................................................38
3 Organisation du finage villageois..........................................................................................40
4 Situation économique du cercle de Bla................................................................................42
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 4
5. 5 Les Systèmes de Culture.......................................................................................................43
5.1 Les différents types de cultures
5.2 Les types de sol
5.3 Itinéraire technique
5.4 Performances économiques
6 Les systèmes d’élevage.........................................................................................................49
6.1 Les différents systèmes d’élevage
6.2 Comparaison économique des systèmes d’élevage
7 Les Systèmes de production.................................................................................................53
7.1 Clefs de détermination des systèmes de production
7.2 Les différents systèmes de production
7.3 Analyse économique des systèmes de production
8 Conclusion............................................................................................................................58
Chapitre 2 : Intégration de la culture Jatropha dans la zone d’étude
1 Caractéristiques des exploitations.........................................................................................59
1.1 Les exploitations concernées
1.2 Les cultures pratiquées par ces exploitations
2 Application au terrain............................................................................................................60
2.1 Modes d’implantation privilégiés et conséquences
2.2 Les itinéraires techniques paysans pour la culture du Jatropha
2.3 Nouvelle organisation du travail
3 Conclusion.............................................................................................................................66
4 Recommandations.................................................................................................................67
Partie 3 : La filière Jatropha de Teriya
chapitre 1 : organisation de la filière
1 Définition..............................................................................................................................69
2 Organisation..........................................................................................................................69
2.1 Produits
2.2 Les différents acteurs et leur rôle dans la filière
3 Prix et quantités....................................................................................................................74
4 Répartition des acteurs géographiquement...........................................................................75
5 Conclusion............................................................................................................................76
Chapitre 2 : Rentabilité économique
A Rentabilité pour les producteurs
1 Les coûts...............................................................................................................................77
1.1 Investissement de départ
1.1.1 La plantation
1.1.2 Protection contre les animaux
1.1.3 Mortalité des pieds
1.1.4 Infrastructures
1.1.5 En résumé
1.2 Coûts de suivi de la culture
1.3 Coûts de post-production
2 Les gains...............................................................................................................................82
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 5
6. 3 Calcul de rentabilité..............................................................................................................82
4 Comparaison avec les autres sytèmes de culture..................................................................84
5 Innovations techniques.........................................................................................................85
6 Conclusion............................................................................................................................86
B Rentabilité pour Teriya Bugu
1 Coûts de la filière Jatropha...................................................................................................87
1.1 Investissements de départ
1.1.1 Coûts matériels
1.1.2 Installation de la filière et des coopératives
1.2 Frais de fonctionnement de la filière
1.2.1 Coûts de production parcelles propres de Teriya bugu
1.2.2 Fonctionnement administratif
1.3 Séchage et stockage
1.4 Transport et transformation en fonction de différents scénarios.
1.4.1 Description des scénarios
1.4.2 Transport
1.4.3 Transformation
2 Les gains...............................................................................................................................94
3 Synthèse................................................................................................................................94
4 Ouverture de la filière...........................................................................................................97
5 Conclusion............................................................................................................................98
Partie 4 : Points de discussion et conclusion
1 Alimentation : Prise de recul au niveau national...................................................................99
2 Le coton en déprise ?..........................................................................................................101
3 Le Jatropha, dynamiques globales.......................................................................................102
4 Les autres oléagineux...........................................................................................................106
5 Conclusion finale.................................................................................................................107
Bibliographie...........................................................................................................................109
ANNEXES
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 6
7. Liste des acronymes
Organismes :
AAPBV Association des Amis du Père Bernard Vespieren AEDR : Association d’Entraide au
Développement Rural
ANADEB : Agence Nationale de Développement des Biocarburants
AMEDD : Association Malienne d’Eveil au Développement Durable CMDT : Compagnie
Malienne de Développement du Textile
CFDT : Compagnie Française de Développement Textile
CSA : Commissariat à la Sécurité Alimentaire
CIRAD : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développe-
ment
GERES : Groupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarités
GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
ONUDI : Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel
USAID : United States Agency for International Development
Autres acronymes :
BBT : Boeufs gardés par un Berger et bénéficiant de Tourteaux
BSBST : Boeufs Sans Berger et Sans Tourteaux
BSBT : Boeufs Sans Berger et bénéficiant de Tourteaux
Hj : Homme Jour, unité mesurant le nombre de jours nécessaire à un homme pour effectuer
un travail
HVB : Huile Végétale Brute
HVP : Huile végétale pure
ME : agriculteur Mono Equipé
MEa : agriculteur Mono Equipé ayant un niveau de capitalisation faible
MEA : agriculteur Mono Equipé ayant un niveau de capitalisation élevé
NE : agriculteur Non Equipé
ONG : Organisation Non Gouvernementale
Pê : Pêcheur
PE : agriculteur Pluri Equipé
PEa : agriculteur Pluri Equipé ayant un niveau de capitalisation faible
PEA : agriculteur Pluri Equipé ayant un niveau de capitalisation élevé
UBT : Unité de Bétail Tropical
VAB : Valeur Ajouté Brute
VGFP/2 : Vaches Gardées par la Famille au Parc en hivernage seulement
VGFP : Vaches Gardées par la Famille au Parc toute l’année
VFSC : Vaches Gardées par un Salarié ou Collectivement
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 7
8. Figure 1 : Cours du barril de pétrole ces 7 dernières années
Prix au litre (1baril
= 159 litres) : 0,359€
courant septembre
2010
$ (US)/barril
(Cours de l´euro :
1.2753 $)
De 2007 à mi-2008,
www.prixdubarril.com
le prix du pétrole a
très fortement aug-
menté avant de chu-
ter à nouveau.
Figure 2 : Ressources énergétiques en Afrique de l’Ouest
Diplomatie, HS n°12
En Afrique de l’ouest plusieurs pays bénéficient de réserves de gaz et/ou de pétrole plus ou
moins importantes. Le Mali n’en a pas ou peu (moins de 100 millions de barils de pétrole
et moins de 1 milliards de m3 de gaz) ce qui l‘oblige à trouver des solutions alternatives en
énergie.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 8
9. Introduction
Le Mali est un pays non producteur de pétrole qui pourtant en consomme énormément
pour le fonctionnement de ses groupes électrogènes dans la campagne et dans certaines zones
urbaines ; pour les activités industrielles ; et pour les véhicules.
De ce fait, le pays est très dépendant des pays pétroliers et son économie pâtit lourdement à
chaque crise pétrolière, la dernière remontant à 2008.
De plus, les accès restreints ou inexistants à l’énergie dans la campagne et dans les villes
obligent la population à se servir du bois pour le chauffage et la cuisine. Cette pratique liée à
des conditions climatiques rudes et à une extension des terres cultivées provoque une dyna-
mique de déforestation. Celle-ci engendre une dégradation des sols par l’érosion éolienne et
pluviale.
Dans les années 2000, l’Etat malien, cherchant un moyen de substitution au gasoil, fait se
diversifier l’agriculture avec l’apparition des cultures de plantes pour le biocarburant en plus
des cultures alimentaires. Ainsi il profite du secteur agricole dans lequel travaille une large
majorité de la population et qui lui rapporte le plus de revenus.
Les entreprises et ONG au Mali ont fait le choix du Jatropha curcas L. (autrement appelé
Pourghère ou ‘bagani’ en bambara) dont la culture a déjà fait l’objet d’expérimentations ces
dernières décennies dans plusieurs pays du Sud comme en Inde et au Mali.
Les projets apparus ces 4 dernières années ont soit pour objectif d’alimenter la campagne
malienne en carburant pour l’électrification, soit de développer une filière biodiesel principa-
lement pour le marché local.
Les premiers utilisent l’Huile Végétale Pure (HVP) - pressée puis filtrée - dans les généra-
teurs ou plateformes multifonctionnelles. Les seconds transforment leur huile en biodiesel par
un procédé de transestérification qui permet de l’utiliser dans les moteurs à injection directe
comme ceux des voitures.
Mais outre les aspects d’usage, ces projets proposent surtout une nouvelle culture de rente aux
producteurs maliens : le Jatropha.
Le complexe hôtelier de Teriya Bugu dirigé par l’association d’Entraide au Déve-
loppement Rural (AEDR) possède son propre projet Jatropha. Ses différents objectifs sont
d’apporter aux producteurs une nouvelle source de revenus pour la consommation familiale,
en plus des nombreux intérêts sociaux et environnementaux qu’apportent cette culture ; de
développer la recherche dans le domaine des biocarburants ; et d’atteindre l’autonomie éner-
gétique de l’hôtel, du village de Teriya Bugu, et de certains villages alentours.
Notre étude a pour principal objectif de déterminer la rentabilité de ce projet local : de la pro-
duction (intérêt des agriculteurs) à la transformation en électricité (intérêt de Teriya Bugu).
Pour appréhender l’ensemble des tenants et aboutissants du projet, notre étude s’organisera en
3 phases :
- une remise en contexte historique et géographique
- un diagnostic agraire qui synthétise les types de producteurs concernés par le projet
- une analyse économique du projet
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 9
10. Figure 3 : Délimitation de la zone d’étude
www.mapsorama.com
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Fond de carte Googlemap
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Teriya Bugu
Carte d’Afrique, Wate Charity ani
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Zone d’étude
Bla
20 km
Figure 4 : Ressources minières et agricoles en Afrique de l’Ouest
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 10
11. Partie 1 : Le projet et ses enjeux
chapitre 1 : mise en contexte
Dans cette première partie nous présenterons dans un premier temps : la zone dans
laquelle se situe le projet, la plante Jatropha et sa culture, et les différents projets qui la mettent
en valeur. Une fois le contexte décrit, nous expliquerons le projet de Teriya Bugu avec ses
origines et objectifs, et la manière dont nous avons procédé pour faire cette étude.
1 Présentation générale du Mali et de la zone d’étude
1.1 Le Mali
Informations générales :
PIB : 8,4 milliards de $, dont 45% par l’agriculture, 17% par l’industrie et 38% par les servi-
ces.
Indice de Développement Humain : 0,371 (178ème rang mondial) (Mapping food and bioe-
nergy in Africa, Fara 2010).
La population est estimée en 2009 à 13 010 000 habitants (encyclopédie Larousse en li-
gne) dont 7% ont accès à l’électricité. 91% utilisent du bois et du charbon comme première
source d’énergie.
Description (Informations encyclopédie Larousse en ligne) :
• Milieu naturel
La superficie du Mali est d’environ 1 240 000 km² dont les 2/3 sont désertiques ou semi-déser-
tiques. C’est un pays plat bordé de plateaux à l’ouest (plateaux mandingues) et à l’est (plateau
de Bandiagara) et de massifs au sud. L’intérieur du pays forme une cuvette autour du fleuve
Niger qui traverse le pays du sud-ouest au nord-est. La pente du fleuve diminue entre Ségou et
Mopti créant un delta intérieur. Les sols de la vallée du Niger sont d’origine sédimentaire (du
tertiaire et du quaternaire); c’est là que sont les meilleures terres pour cultiver. Ailleurs les sols
sont acides et avec cuirasse affleurante.
De plus, le fleuve crée un microclimat qui fait diminuer les écarts de température entre le jour
et la nuit, et augmenter l’humidité relative.
La végétation se clairsème du sud au nord : on passe de forêts claires au sud à une savane arbo-
rée puis buissonnante puis herbeuse dans le milieu soudano-sahélien, avant que la végétation
ne disparaisse totalement dans le désert.
• L’agriculture-élevage au cœur de l’économie
Les ressources en matière première du Mali sont assez limitées en quantité par rapport à ses
pays voisins comme le montre la figure 4 : les principales ressources exploitées sont l’agri-
culture et les mines d’or et de sel. L’agriculture occupe 79% de la population active et génère
75% des recettes d’exportation (FAO).
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 11
12. Au centre et au nord du pays (à la bordure et dans le Sahara), l’activité principale est l’élevage
nomade de bovins, ovins, et caprins. Le centre-sud et le sud (Ségou, Bamako, Sikasso) sont
dominés par l’agriculture sédentaire.
Les colonisateurs français ont introduit des cultures comme le riz et l’arachide aux cotés du
mil et du sorgho. Le développement de l’agriculture pendant la période coloniale devait faire
du Mali le «grenier de l’Afrique de l’Ouest» mais l’augmentation de la population et les séche-
resses ont engendré une diminution des exportations au profit de la population locale.
L’Etat a également promu le coton (en gris sur la carte ici à gauche, et l’arachide en orange)
au point de devenir le second producteur africain de coton après l’Egypte. L’urbanisation
grandissante depuis les années 60 a quant à elle provoqué le développement de cultures ma-
raîchères et fruitières.
La transformation des produits agricoles est opérée par les rizeries, huileries, tanneries, et
industries d’égrenage du coton.
• Découpage territorial
La politique de décentralisation du pays se présente sous sa division en 8 régions administrati-
ves, 49 cercles, 703 communes et la capitale Bamako. (Mapping food and bioenergy in Africa,
Fara 2010)
1.2 Localisation de la zone d’étude
Teriya Bugu est un village du cercle de Bla et de la commune de Korodougou, situé à 93km de
Ségou. Il se situe dans la région administrative de Ségou : zone aride dont la principale activité
réside dans l’agriculture.
La région est traversée par le fleuve Niger et son affluent le Bani où naviguent entre autres les
pinasses commerciales.
Notre zone est délimitée au nord par le Bani et s’étend au sud sur plus de 60km à vol d’oiseau.
La route nationale 6 qui la traverse est un «outil» de désenclavement important pour la zone
car elle permet d’acheminer des denrées ou de se déplacer jusqu’à Bamako.
2 Le Jatropha
2.1 Origines et répartition
Le Jatropha serait originaire d’Amérique centrale ou du Mexique (Wilbur, 1954 ; Aponte,
1978) puis aurait été introduit au Cap Vert au 16ème siècle par les Portugais avant de s’étendre
sur l’Afrique de l’Ouest, le reste du continent, et l’Asie.
L’exportation d’huile de Jatropha était une part importante de l’économie du Cap vert au début
du XXème siècle jusqu’à son indépendance (1975). (Global Market Study on Jatropha, WWF,
2008).
Il est désormais cultivé entre les latitudes 30°N et 35°S (Rijssenbeek et al., 2007), principale-
ment dans les zones arides et semi-arides (Jones et Miller, 1992 ; Makkar et al., 1997).
Au Mali, le Jatropha est présent ponctuellement du sud du pays jusqu’à la zone sahélienne, au
nord de laquelle les conditions climatiques deviennent trop rudes pour le cultiver.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 12
13. Figure 5 : Distribution de Jatropha curcas L. (Heller, 1996)
2.2 Caractéristiques de la plante
Le genre Jatropha fait partie de la famille des Euphorbiacées et de la sous- famille Crotonoi-
dées.
Figure 6 : Jatropha curcas L.
Cette plante est appelée en
Bambara «Bagani» c’est à dire
«poison». Cette dénomination
témoigne que les paysans en
connaissent les dangers mais ils
savent également utiliser les
propriétés thérapeutiques de la
plante.
S’il y a tant de spéculation autour
de cette plante dans les régions
sahélienne et soudanienne c’est
entre autres grâce à sa suppo-
Flora de Filipinas, Gran edicion, [Atlas II], F. M. Blanco
sée faible exigence en eau. Elle
n’aurait besoin que de 600mm/an
minimum (Henning, 2004).
La plante a en effet adopté une
stratégie et une morphologie qui
lui permettent de lutter contre la
sécheresse :
Elle possède une racine pivot qui
va chercher l’eau jusqu’à 2 mètres
de profondeur (Projet pourghère
DNHE-GT ; Mali). Sa croissance
racinaire est rapide ce qui diminue
l’impact des premières saisons sè-
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 13
14. ches. Enfin elle perd ses feuilles à la saison sèche (de février à avril) diminuant d’autant ses
besoins en eau.
Observable sous forme d’arbuste ou arbre, le Jatropha peut faire entre 2 et 10m (Domergue &
Pirot, 2008). Sa longévité pourrait atteindre 50 ans (Heller, 1996).1
Floraison et fructification
Le Jatropha est une plante monoïque à fleurs diclines : les fleurs mâles et femelles sont présen-
tes sur le même arbre (Domergue & Pirot, 2008). La floraison, liée au régime des pluies, à lieu
en août-septembre. La reproduction et la fructification s’étalent d’octobre à février, si bien que
l’on peut observer des fruits verts, jaunes et marrons sur le même arbre.
Les fruits sont mûrs lorsqu’ils sont jaunes à noirâtres. Mesurant en moyenne 3cm x 3,5cm, ils
contiennent de 1 à 3 graines toxiques de 1cm x 1,5 cm (Arbonnier, 2002) séparées dans des
loges appelées carpelles.
La pleine production de graines est atteinte la 4ème voire 5ème année après la plantation.
L’inflorescence se fait en bout de rameau donc la quantité de graine par arbuste dépendra en
partie du nombre de rameaux. Henning considère qu’une haie de Jatropha produit environ
0,8kg par mètre linéaire au Mali mais ces chiffres changent selon la pluviométrie - selon la
latitude à laquelle nous nous trouvons dans le pays - donc ne peuvent être généralisés.
Au Mali la teneur en huile de la graine est estimée à environ 35% (R.Pirot).
Maladies et ravageurs
Le Jatropha faisant partie des euphorbiacées, il est susceptible d’abriter des maladies transmis-
sibles à d’autres euphorbiacées comme le manioc ou le papayer. Il pourrait donc être risqué de
le planter à proximité de ces cultures.
D’après Heller (1996), le Jatropha pourrait être attaqué par le virus mosaïque qui apparaît
après un excès d’humidité à la saison des pluies desséchant les feuilles et les tiges du haut
vers le bas jusqu’à ce que la plante meurt. Mais jusqu’à présent il n’a été observé que sur le
Jatropha multifida L.
Des attaques d’hétéroptères (Pachychoris klugii) ont pu être observées en Amérique latine par
Grimm et Maes (1997). Au Mali ont pu être observées des attaques de criquets et termites.
2.3 Produits
Différentes parties de la plante peuvent être utilisées pour leurs vertus thérapeutiques, ce que
font les maliens depuis des décennies voire des siècles. Mais les graines sont la partie de l’ar-
buste dont on sait faire le plus de produits industriels ou artisanaux.
Produits thérapeutiques
1 Nous avons observé une moyenne de 3m de haut à nos latitudes.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 14
15. Parmi les produits non transformés - et dont l’utilisation est connue par la population de notre
zone d’étude - on peut citer entre autres l’usage des feuilles comme ayant des vertus antisep-
tiques, les graines mâchouillées qui faciliteraient le transit intestinal, et le latex des branches
qui frotté sur les dents soignerait les caries.
Huile Végétale Pure
Le pressage des graines libère une certaine quantité d’huile selon la teneur en huile de la
graine et le rendement de la presse utilisée.
Filtrée grossièrement elle peut être utilisée dans les lampes à flamme comme les lampes à pé-
trole à condition que celles-ci soient modifiées. Pour construire des lampes spécialement pour
huile de Jatropha, d’après Uellenberg (2007), il ne faudrait « qu’un verre, un morceau flottant,
(...) et une mèche en coton.» L’avantage est que l’huile de Jatropha brûle «plus lentement que
le pétrole et dégage moins de fumée ».
Filtrée finement (1 micron), elle peut être utilisée comme carburant dans les moteurs à com-
bustion (ou moteur diesel de type indien) qui font tourner les plateformes multifonctionnelles,
les générateurs, les moulins à grain et les pompes à eau etc.
Sur le tableau 1 on peut observer que la puissance du moteur est sensiblement la même que
l’on utilise de l’huile de Jatropha ou du gasoil. Cependant les deux liquides n’ont pas le même
pouvoir calorifique : 43,8 pour le gasoil et 38,8 pour l’huile de Jatropha (Vaitilingom, 2007)
donc l’huile de Jatropha sera consommée plus vite.
Tableau 1 : Comparaison gasoil et huile de Jatropha
(Mensier P. H. et Loury M. 1950 in Danlos 1994)
Après un processus d’estérification l’huile est transformée en biodiesel et peut être utilisée
dans des véhicules.
Le Tourteau
Une fois la graine broyée et l’huile extraite reste le tourteau. Les analyses du tableau 2 révèlent
que le tourteau contient de nombreux éléments minéraux.
Il peut être mis à composter avec d’autres déchets végétaux et du fumier dans les compostières
entretenues par les paysans, puis valorisé sous forme d’engrais organique à épandre sur les
cultures vivrières ou les champs de Jatropha.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 15
16. Tableau 2 : Composition du tourteau
Roland. Pirot, 2009
Il est recommandé de ne pas dépasser 5 tonnes de tourteau à l’hectare à cause des risques de
phyto-toxicité (Domergue et Pirot, 2008). En effet, bien que le tourteau de Jatropha soit com-
mercialisé comme engrais organique dans certains pays (Zimbabwé), son niveau de toxicité
sur les autres cultures n’est pas encore bien connu donc la généralisation de cette technique de
fertilisation doit être faite avec précaution.
Comme pour l’ensemble des compostières, il est possible de récupérer du biogaz généré par
le compostage du tourteau.
Enfin, la graine de Jatropha contenant des produits toxiques (la cursine, qui disparait à 70°C,
et l’ester de phorbol), le tourteau ne peut pas être distribué aux animaux comme complément
alimentaire - comme c’est le cas pour d’autres produits agricoles - à moins d’être détoxifié, ce
qui impliquerait de coûts importants.
Les briquettes inflammables
Les briquettes inflammables sont un procédé qui consiste à compacter des débris végétaux
liés avec de la gomme arabique et de la mélasse. Elles sont utilisées en milieu paysan pour la
cuisine par exemple. Une entreprise appelée «biomasse Mali» fabrique des briquettes de ce
genre à partir de tiges de coton et des techniques sont recherchées par Teriya Bugu pour tenter
d’en fabriquer à partir de la pulpe des fruits de Jatropha.
Les matières premières nécessaires ne sont cependant pas facilement trouvables et une forma-
tion à la carbonisation est nécessaire pour les personnes chargées de leur conception.
Les savons
Les femmes des villages où l’on trouve d’anciennes haies de Jatropha utilisent les graines pour
en faire du savon blanc.
Un long procédé de dépulpage (retrait de la coque du fruit) puis de décorticage (retrait de
l’enveloppe noire pour récupérer l’amande) précède la cuisson des amandes mélangées à de
l’acide caustique et de la lessive.
Ces savons sont quelques fois vendus sur les marchés mais plus généralement autoconsommés
par la famille, ce qui évite des dépenses supplémentaires par le chef de famille.
Le pied de presse ou filtrat (résidu d’huile resté sur la grille de la presse) ainsi que l’huile brute
peuvent également être utilisés pour la fabrication de savons (noirs avec pieds de presse, et
blancs avec l’huile brute) par saponification.
Les insecticides
Enfin, il est possible de fabriquer des produits insecticides biologiques à partir de l’huile ou
de ses résidus. D’après Henning (Henning, 2007) l’huile de Jatropha aurait des propriétés
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 16
17. pesticides contre le ver de la capsule du cotonnier la bruche de niébé et les termites. Mais ces
observations n’ont pas encore été prouvées scientifiquement, si bien que ces propriétés ne sont
pas mises en valeur non plus par Teriya Bugu.
2.4 Suivi de la culture
Plantation
Il y a plusieurs façons de multiplier le Jatropha, que nous développerons par la suite : le semis
direct, le repiquage après pépinière, et le bouturage.
La technique du semis direct qui consiste à disposer plusieurs graines dans un trou fumé of-
frirait une reprise souvent faible. Mais cela dépend beaucoup de la qualité de la graine et de la
façon dont elle a été stockée au préalable.
Au contraire, la plantation en pépinière met les graines dans de meilleures conditions de ger-
mination. Le taux de germination à Teriya Bugu est très élevé (98 à 100% avec des graines
sèches).
La technique par bouturage quant à elle influe sur la morphologie de la plante : sa croissance
et sa production de graines seraient plus importantes que celles d’une plante issue de semis
(observations sur les essais de Teriya Bugu) mais les plants bouturés ne développent pas de
racine pivot mais un système racinaire fasciculé qui rend la plante moins résistante aux vents
violents (Domergue et Pirot, 2008).
Fertilisation
D’après Domergue et Pirot (2008), les besoins du Jatropha sont : 30 kg/ha N et 10 kg/ha P2O5
la première année ; 45 kg/ha N et 20 kg/ha P2O5 les années suivantes. Les engrais choisis
devront par ailleurs tenir compte des minéraux déjà présents dans le sol.
Les paysans n’ayant pas facilement accès aux intrants ; la fertilisation doit donc surtout se
faire lors de la plantation. Les années suivantes elle peut être faite à condition que l’agriculteur
possède suffisamment de matière organique pour satisfaire en priorité ses cultures vivrières.
Taille
La taille doit permettre de donner une forme à l’arbuste qui facilite la cueillette, en diminuant
la hauteur ; et de multiplier le nombre de branches, donc d’inflorescences, pour intensifier la
fructification et le rendement des pieds.
Henning (2007) recommande une coupe rase les 3 premières années pour créer un buisson à
ramification basse qui facilite la récolte des fruits.
L’AEDR quant à elle recommande de tailler dès la deuxième année tous les ans à la période où
les pieds ont perdu leurs feuilles (avril-mai) soit peu de temps avant la première floraison.
Sarclage
Teriya Bugu conseille aux paysans d’effectuer 3 sarclages à la saison des pluies la première
année pour optimiser les conditions de croissance des plants en limitant la concurrence raci-
naire, puis au moins un sarclage par an les années suivantes.
Suivi phytosanitaire
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 17
18. Les soins phytosanitaires concernent principalement la destruction des termites ; le traitement
demande très peu de temps pendant la saison sèche.
Récolte
La récolte s’effectue d’octobre à février au moment de la fructification en 4 à 7 fois selon Te-
riya Bugu. Le ramassage se fait soit en cueillant les fruits directement sur l’arbre soit à l’aide
d’un bâton si les rameaux sont trop hauts.
Les fruits restent plusieurs jours sur l’arbre une fois la maturité atteinte ce qui offre une marge
de manœuvre aux personnes chargées de récolter. Cependant il arrive que certains fruits tom-
bent tout de même au sol risquant de pourrir ou germer.
2.5 Les différentes formes d’implantation : avantages et inconvénients.
Plusieurs formes d’implantation du Jatropha sont observables dans le milieu paysan ; les plus
représentées sont le plein champ, la culture intercalaire, et la haie.
- La première forme d’implantation, le plein champ consiste à planter les arbustes sur une
surface unie avec un écartement de 2mx2m ou 3mx3m.
Elle a plusieurs intérêts :
Planté sur des terres dont la productivité a baissé à force d’avoir été trop longtemps cultivées,
le Jatropha avec ses racines va restructurer le sol en profondeur et ses feuilles en tombant vont
enrichir sa couche superficielle. De plus, ces plantations participent à une reforestation de la
campagne tout en permettant un gain au producteur grâce à la vente des graines.
Cependant Teriya Bugu déconseille vivement cette forme d’implantation aux paysans car s’ils
décident de planter en trop grande quantité des champs de Jatropha à la place de leurs parcelles
vivrières, leur sécurité alimentaire pourrait être mise en péril. Etant une culture pérenne, si le
prix des graines venait à chuter ou si le principal acheteur (Teriya Bugu) ne leur achetait plus
les graines pour une raison quelconque, les producteurs n’auraient plus assez d’argent pour
s’acheter de la nourriture et n’auraient plus de terres cultivables pour se suffire en nourriture,
à moins de détruire leur plantation de Jatropha. L’arrachage des plants de Jatropha demande
de lourds moyens mécaniques (ce que les paysans n’ont pas) et le cas échéant la culture risque
fort de ne plus être replantée par la suite.
Même si les champs sont situés sur des terres non cultivées ils remplacent peut-être des espa-
ces pâturés par les animaux du village et peuvent diminuer la biodiversité en remplaçant des
buissons endémiques.
- La plantation en culture intercalaire consiste à planter le Jatropha par ligne (écartement de 2
à 3m entre les plants) espacées de 6m. Ainsi il est possible de cultiver entre chaque ligne des
céréales sèches, une culture de rente, ou - à petite échelle - faire du maraîchage dont la Valeur
Ajoutée Brute s’ajoutera à celle du Jatropha.
L’enrichissement en fumier fait aux cultures intercalaires profitera également au Jatropha qui
en contre partie contribue à créer de la matière organique avec ses feuilles, créant un cercle
vertueux.
Les plants étant taillés vers mai, ils n’auront pas encore complètement poussé au moment du
labour donc ne gêneront pas.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 18
19. Cette forme d’implantation offre les mêmes avantages que ceux de la culture plein champ et
permet de tirer un bénéfice de la terre en produisant une culture pendant les 4 premières années
de non-production du Jatropha.
Mais les agriculteurs connaissent mal ce système de culture et craignent une concurrence trop
importante du Jatropha sur l’autre culture. D’ailleurs le niveau de concurrence ou les éventuels
apports du Jatropha sur la culture intercalaire n’ont pas été mesurés scientifiquement.
Figure 7 : Haies de Jatropha
B.Allard 2010
- La plantation en haie quant à elle présente nombre d’avantages en plus des avantages éco-
nomiques :
Il y a régulièrement des conflits entre voisins à cause des délimitations de terres au moment de
la saison agricole ; la plantation d’une haie peut marquer définitivement la limite des champs
(après un accord à l’amiable).
Ayant des propriétés répulsives pour les animaux, une haie de Jatropha bien dense empêchera
ces derniers de divaguer sur les parcelles encloses. De plus, en se substituant aux haies mortes
traditionnelles, ces haies évitent l’abattage d’arbustes et d’arbres pour les construire.
Enfin cette « barrière » végétale est une très bonne protection contre l’érosion des terres par le
vent ou les pluies souvent violentes pendant l’hivernage.
3 Projets Jatropha et enjeux globaux
Les propriétés de l’huile de Jatropha et son utilisation comme biocarburant étaient déjà
connues dans les années 30 après les analyses de Droit et François en 1932, puis l’huile a été
utilisée pendant la seconde guerre mondiale dans les véhicules de l’armée dans les colonies
françaises (Domergue et Pirot, 2008).
Entre 1987 et 1997 sa culture était l’objet d’un projet appelé «Special Energy Programme
» de la GTZ, l’assistance technique allemande avant que celle-ci décide de consacrer ses
activités à un autre programme.
La CMDT (Compagnie Malienne de Développement du Textile) participa également à sa
promotion dans les années 80 dans la campagne malienne en mettant en avant les avantages
anti-érosifs et restructurateurs de sol de cette plante.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 19
20. Aujourd’hui 10 000km de haies ont été recensés au Mali (Henning 2002) pour 2 à 15km par
village, notamment dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou.
Parmi les nouveaux programmes portés par des Organismes internationaux on peut citer
l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel) qui aurait
commencé un projet de dissémination de plateformes multifonctionnelles à travers le Mali
dont au moins 15% fonctionneraient à l’huile de Jatropha (Dovebiotech).
La coopération Danoise (NAPA) également a un programme de développement dont l’un
des projets prioritaires a pour objectif global de « favoriser de façon durable la production en
quantité et en qualité de l’huile à partir des graines de la plante Pourghère ».
• Pourquoi le Jatropha ?
Tableau 3 : Propriétés huile carburant
Beaucoup de plantes sont cultivées pour
extraire de l’huile de leurs graines : le
palmier datier, la noix de coco, le soja,
le tournesol, l’arachide... Si le Jatropha
a été privilégié par rapport à ces cultures
pour l’utilisation d’huile végétale pure
(HVP) comme carburant c’est essentiel-
lement pour son pouvoir calorifique pro-
che de celui du gasoil (voir tableau 3) et
sa résistance à la sécheresse.
De plus de grands espoirs ont été susci-
Domergue et Pirot, 2008 tés sur ses rendements à l’hectare.
Et enfin toutes ces autres huiles sont
comestibles et utilisées dans l’industrie
agroalimentaire. Leur prix, vu ces débouchés, est trop élevé pour les transformer en biodie-
sel.
3.1 Situation des projets au Mali aujourd’hui
Au Mali il y a plusieurs projets d’agrocarburant à base d’huile de Jatropha. Parmi les plus
importants : 2 à l’échelle nationale concernent le biodiesel pour véhicules, 5 autres concernent
la production d’HVP pour l’alimentation de groupes électrogènes.
Mali biocarburant - entreprise située à Koulikoro - a pour objectif de transformer les graines
de Jatropha en biodiesel pour utilisation au Mali par l’intermédiaire de Shell Mali.
Le projet a démarré en 2007 et aurait l’objectif de faire planter 12000ha sur 2010-2014 (2100ha
en 2009).
Les producteurs sont organisés en coopératives qui leurs achètent les graines et les stockent.
Elles font ensuite appel à la presse mobile de l’union de coopératives, puis Malibiocarburant
vient récupérer l’huile aux coopératives.
L’objectif est de 40 000L d’HVP/mois ; les animateurs du projet incitent les paysans à planter
en culture intercalaire.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 20
21. Le projet Jatropha Mali Initiative (JMI), débuté en 2007 se situe dans la région de Kayes à
Kita. Il avait également un objectif de production de biodiesel mais a finalement orienté sa
stratégie vers l’alimentation des groupes industriels (contrat avec Caterpillar) en HVP.
Dans le premier objectif 166 villages étaient concernés pour 1300ha en 2009 tandis qu’ils vi-
saient12 000 ha (Burnod & Gautier, 2009). Les paysans sont regroupés en comités villageois
et une coopérative par commune achète les graines pour les revendre à JMI qui les transforme
en huile.
Mali Bio Énergie lance son projet de biocarburant à base d’huile de Jatropha en 2007 dans
l’office du Niger. La société se focalise essentiellement sur les cultures mixtes.
L’unité se matérialise en trois points :
- La plantation de Jatropha et les cultures mixtes associées.
- La mise en place d’une huilerie pour le pressage des graines et d’une unité de production
de biodiesel.
- La promotion de la culture du Jatropha auprès des agriculteurs locaux.
Pour ce qui est des projets d’électrification rurale on peut citer Mali Folke Center avec son
projet «Garalo Bagani Yelen» qui avait en 2008 fait planter 550 ha en plein champs et associa-
tions pour 450 producteurs (Burnod & Gautier, 2009).
Les producteurs sont regroupés dans des comités villageois et une coopérative se charge de la
collecte et du pressage. L’huile extraite servira à alimenter les groupes électrogènes fonction-
nant actuellement au gasoil installés par l’entreprise ACCESS.
Le projet GERES/AMEDD situé dans les Cercles de Couni, Yorrosso, et Conseguela, a égale-
ment des objectifs finaux d’électrification rurale. Subventionné par un investisseur privé le but
ici est de faire produire un maximum de graine, de les transformer, et de revendre l’huile.
Enfin, l’AEDR à Teriya Bugu dans la région de Ségou incite les producteurs à planter, les or-
ganise en coopérative au sein des villages, récupère les graines, les transforme, et consomme
elle-même l’électricité. La filière est locale donc l’argent est investit dans la zone ce qui aide
au développement.
L’ensemble de ces projets créent une demande forte en graines pour le moment largement
supérieure à l’offre.
3.2 Les différents enjeux de la culture du Jatropha.
La culture du Jatropha tend à se développer à travers tout le pays mettant en évidence plusieurs
enjeux majeurs. Nous essaierons d’appréhender les impacts réels de ceux-ci dans la suite du
dossier.
• Sécurité alimentaire.
Il arrive que des paysans revendent une partie de leur réserve en grain - initialement prévue
pour la consommation familiale - pendant l’année, pour acheter des produits de première
nécessité : Vêtements, soins médicaux, frais pour l’école... Si bien que la famille se retrouve
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 21
22. parfois en pénurie de céréales à la fin de l’année de production.
Une étude du Geres (Enjeux Jatropha paysans maliens, 2009) fait ressortir comme principales
causes de cette situation le climat, le manque de matériel et d’intrants, les mauvaises terres.
Mais la situation pourrait s’aggraver si les terres dévolues à la culture de céréales étaient utili-
sées pour planter du Jatropha. Un problème donc de compétition d’utilisation des terres.
Nous verrons comment les producteurs de Jatropha gèrent cette culture et si le problème est
réel.
• Intégration aux systèmes agraires
Le Jatropha est une culture pérenne et à priori assez peu exigeante et suppose l’immobilisation
des terres sur plusieurs dizaines d’années. Le choix de sa forme d’implantation aura d’impor-
tantes conséquences en matière de compétition d’usage des terres et de main d’oeuvre dans
l’avenir de l’exploitation.
Cependant il semblerait que le producteur voit juste à court terme ce que peut lui apporter telle
ou telle culture.
Nous étudierons l’impact de cette culture dans l’organisation du temps de travail et comment
elle s’insère le mieux spatialement dans les différents systèmes de production.
• Conflits sociaux
Cette culture pérenne peut générer des conflits relevés par le GERES sous deux formes : in-
ternes et externes.
Les agriculteurs s’ils multiplient les champs individuels pour cette culture ou une autre pour-
raient voir leur famille se disloquer, chacun ne pouvant plus participer autant au travail en
champs collectifs (qui assurent l’alimentation de la famille).
D’autres conflits peuvent surgir entre deux producteurs si la haie de l’un empiète sur le champ
de l’autre ou si son champ de Jatropha pousse sur une jachère qui servait d’alimentation au
bétail d’un éleveur.
La divagation des animaux du village dans les parcelles agricoles à la saison sèche peut en-
dommager les jeunes plants de Jatropha et créer des situations conflictuelles.
• Environnement
Le manque d’accès au gasoil et au gaz par les paysans pour cuisiner et se chauffer et les tech-
niques de protection des cultures avec des haies mortes obligent la population rurale à récu-
pérer (ramasser ou couper) du bois dans les champs ou en brousse, malgré l’interdiction des
organismes environnementaux de couper du bois vert.
La plantation de Jatropha a pour intérêt de reboiser cette campagne et de contribuer au main-
tien de l’écosystème en place (en fonction du mode d’implantation).
De plus, d’après Onua Amoah, le Jatropha peut être utilisé pour la reforestation dans le but de
séquestrer du carbone. Il ferait partie de la définition de «forêt» par le Clean Development Me-
chanism (CDM) car la couverture de son houppier dépasse 30% et il mesure entre 2 et 5m.
La substitution du gasoil par l’huile végétale pure de Jatropha permettrait également de dimi-
nuer les gaz à effet de serre, mais cela n’est pas encore prouvé. Ces aspects de séquestration
et de substitution du carbone peuvent avoir une valeur économique si des crédits carbone sont
achetés à Teriya Bugu.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 22
23. • Economie
Le Jatropha est considéré comme une culture de rente. Sa rentabilité économique dépend de
plusieurs facteurs : le rendement à l’hectare dont les chiffres dans la bibliographie sont inap-
plicables à la zone du projet Teriya Bugu, la capacité des producteurs à suivre la culture, et le
prix d’achat des graines qui est directement indexé sur le prix du gasoil.
Les enjeux économiques sont également importants pour les organisations porteuses de projet
: le transport et la transformation des graines en huile ont un coût qui peut être important et
il convient de faire en sorte que la somme de ces coûts soit inférieure au coût d’utilisation du
gasoil.
Notre étude mettra en évidence le temps de travail nécessaire au suivi de la culture et détermi-
nera une fourchette de prix qui assure à la fois la rentabilité des producteurs et celle de Teriya
Bugu.
• Energie
L’enjeu énergétique des projets Jatropha au Mali est majeur étant donné la difficulté d’accès
aux énergies fossiles en milieu rural. Ces projets s’ils sont orientés vers une production et une
consommation locale peuvent aider considérablement au développement de la zone. Cepen-
dant la zone de consommation d’électricité est rarement celle de la zone de production. Alors
l’accès à l’énergie est-il une priorité ? Si oui, le projet de Teriya Bugu pourrait-il s’étendre au
delà du village ?
4 Le projet de Teriya Bugu
4.1 Origine du projet et objectifs
Teriya Bugu est un village né dans les années 60 de la rencontre entre un père blanc
missionnaire, Bernard Vespieren, et un pêcheur somono du village de N’Goron, Lamine
Samake. Celui-ci permet au père de s’installer sur ses terres dans les années 80.
Le père Vespieren développa alors une ferme modèle avec vergers, potagers, grandes
cultures, élevages, pisciculture... autour desquels va se construire le village Teriya Bugu
1 («la case de l’amitié»multidimensionnelle : Social, environnement, éco-
Problématique en bambara).
Il mettra beaucoup d’énergie dans l’utilisation des énergies renouvelables comme le so-
nomiel’éolien et le biogaz.
laire,
1.1 Problématique
En 1993 est créée l’Association Malienne d’Entraide au Développement Rural (AEDR)
L’Etat malien met en place une politique de développement des filières agrocarburant
chargée d’appuyer les actions du père et d’en assurer la pérennité à sa mort.
qui s’organise sur le terrain à travers plusieurs entreprises et associations. L’AEDR (Associa-
Le père meurt en 2003 et la question suivante se pose alors : «Comment préserver les
tion d’Entraide au Développement Rural), comme la plupart des organismes porteurs d’un
emplois des 48 travailleurs, sachant que les recettes du centre, qui a une vocation princi-
projet Jatropha au Mali, a voulu mettre en place une filière qui s’appuie sur l’agriculture fami-
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 23
24. palement expérimentale, sont quasi nulles et que les charges sont immenses ?» (www.te-
riyabugu.com). L’idée est alors de reconvertir l’ensemble des bâtiments hérités en hôtel.
Organisation
Le village s’organise autour de 4 filières : l’hôtel, les activités communautaires, l’agricul-
ture et le Jatropha.
1 - La filière «Hôtel» gère tout ce qui concerne les activités touristiques aussi bien à Teriya
que dans les villages alentours. Le centre hôtelier est composé d’un hôtel de 27 cham-
bres, un restaurant, un bar et une salle de conférence de 100 places tous consommateurs
d’électricité.
2 - La filière «activités communautaires» se charge du bon fonctionnement de l’école
fondamentale qui comprend neuf classes (pour environ 250 élèves) et de la maternelle ;
de la bibliothèque, et du dispensaire-maternité.
3 - La filière agricole gère une forêt plantée de 200 000 d’eucalyptus pour l’usage domes-
tique et la vente ; ainsi que l’apiculture (140 ruches), la bananeraie, le maraichage, les
élevages (lapins, poules et canards qui alimentent le restaurant) et le zoo.
Les objectifs affichés par l’association sont multiples :
- Améliorer les conditions de vie des habitants de Teriya Bugu en créant des emplois
; en développant l’agriculture (arboriculture fruitière et maraîchage, élevage, apicul-
ture,…) ; en mettant en place des services communautaires : santé, éducation, alphabé-
tisation, électrification rurale et un réseau d’eau potable.
- Faire de Teriya Bugu un point central de développement des villages alentours en per-
mettant à ces derniers de mettre en place des activités touristiques ou, en l’occurrence,
de leur proposer une nouvelle culture de rente.
- Etre un centre pilote dans le domaine de l’écotourisme et dans l’utilisation des éner-
gies renouvelables au Mali (énergie photovoltaïque, chauffe-eau solaire, biogaz et bio-
carburants).
L’objectif global est d’enrichir la population locale et de lutter contre l’exode rural.
Actuellement des fonds sont alloués à l’AEDR par l’Association des Amis du Père Ber-
nard Vespieren (AAPBV) mais les structures décrites précédemment ont un coût d’entre-
tien et en énergie importants. La filière Jatropha mise en place en 2006 permettra peut-être
de les diminuer.
4 - La filière Jatropha est divisée en 2 volets principaux :
Le premier est le «volet recherche» qui consiste à observer le déroulement de la
culture du Jatropha sur des parcelles propres (croissance avec ou sans engrais, maladies,
rendements ...). Ces recherches permettront de déterminer plus précisément les besoins de
la plantes en intrants ou itinéraire technique.
Les partenaires techniques sont : le CIRAD, à l’initiative de ce volet et chargé du suivi
scientifique des parcelles ; et l’ANADEB (Agence Nationale de Développement des Bio-
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 24
25. carburants), chargée de la promotion des biocarburants au Mali.
Les partenaires financiers sont Enerbio jusque fin 2010, et l’Union Européenne (rem-
plaçant d’Enerbio) qui finance plusieurs partenaires dans le monde à travers le projet
«Jatropt».
Le second volet est le «volet paysan» entièrement financé par Total qui consiste
à mettre en place la filière Jatropha : Inciter et conseiller les paysans à la plantation du
Jatropha, mettre en place les coopératives, installer la zone de transformation, former les
techniciens et les paysans à la gestion...
Les objectifs principaux du projet Jatropha sont d’offrir aux paysans une nouvelle source
de revenus, de développer la recherche, et d’atteindre l’autonomie énergétique au niveau
du village voire au delà.
Pour appréhender l’ampleur du développement agricole nécessaire de la culture de Jatro-
pha, nous devons dans un premier temps calculer les besoins précis en énergie de Teriya
Bugu.
4.2 Besoins en huile de Teriya bugu
Teriya Bugu utilise des groupes électrogènes de type P 20MV à moteur diesel à injection
indirecte avec une capacité de réservoir de 163l. Leur consommation à 100% de charge
est de 5,4l/h et sous 50% de charge de 2,9l/h.
La consommation du village, du dispensaire, de l’école, et du centre de tourisme est de 39
000l à 64 000l/an depuis ces 5 dernières années. Pour le calcul des besoins nous prendrons
la valeur la plus haute.
Les données au niveau des rendements et de la transformation en huile sont assez varia-
bles, nous prendrons des fourchettes pour chacune d’elles :
- Le rendement en graines des plants de Jatropha est inconnu en zone sahélienne : les
projets Jatropha dans cette zone datent de moins de 5 ans donc les plants n’ont pas atteint
leur pleine productivité.
Cependant, Henning considère dans un rapport sur un projet au Mali qu’une haie produi-
rait 0,8kg par mètre et par an soit 2t/ha en 2x4m. A notre latitude les rendements risquant
d’être plus faibles, nos calculs seront effectués en supposant un rendement entre 0,8T et
1,5T/ha sur des parcelles de 1250 pieds (2x4m).
- La teneur en huile est de 31% à 40% selon la qualité de la graine (analyses 2009 CE-
TIOM sur variétés de plus de 4 ans).
- Le taux d’huile restant dans le tourteau est de 6,4% à 6,7% après analyse, sur des graines
contenant en moyenne 35% d’huile.
- On considère une quantité de 550 à 650Kg de tourteaux pour une tonne de graine.
- Densité de l’huile de Jatropha : 0,92 kg.L-1 (Jongschaap, 2007)
- Le pouvoir calorifique de l’huile par rapport au gasoil est inférieur de 10% donc pour
une consommation de maximum 64 000L par an de gasoil il faudrait : 70 400L d’huile de
Jatropha.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 25
26. Nous avons fait varier ces données pour réaliser le tableau 4. Le détail des calculs apparaît
en annexe.
Tableau 4 : Calcul de rendement de la presse et superficie nécessaire à Teriya Bugu
Explication des calculs :
- La masse d’huile est obtenue par multiplication du rendement à l’hectare par la teneur en
huile de la graine.
- La masse d’huile non récupérée est la masse du tourteau multipliée par son taux d’huile
théorique.
- La masse d’huile extraite est le résultat de la soustraction de l’huile non récupérée à la masse
d’huile à l’hectare.
- Le rendement d’extraction de l’huile est obtenu par la division de la masse d’huile à l’hecta-
re sur la masse d’huile extraite. Nos calculs révèlent une variation des rendements de la presse
de 86,0% à 91,2% pour une moyenne de 88,7%, soit 3,2kg de graines pour 1L d’huile.
- Le volume d’huile extrait est le résultat de la masse d’huile extraite divisée par la densité de
l’huile de Jatropha.
En prenant deux valeurs extrêmes : un rendement à l’hectare de 0,8T/ha avec le rendement de
presse minimum, et un rendement à l’hectare de 1,5T/ha avec le rendement de presse maxi-
mum, la surface nécessaire à l’autonomie énergétique de Teriya Bugu passe respectivement
de 304ha à 118ha.
En nous positionnant sur un rendement qui semble réaliste de 1T/ha et un rendement de presse
de 88,7%, nous obtenons un besoin de 209ha en moyenne.
En équivalant haie cela représente : 209ha x 1250 pieds x 0,5m d’espacement = 131 km
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 26
27. chapitre 2 : Problématique et méthodologie
liale, permettant ainsi à un grand nombre de familles de s’enrichir avec une nouvelle culture
de rente.
Mais l’agriculture familiale connait des problèmes de développement : agriculture non méca-
nisée, faibles moyens d’intensification, main d’œuvre en exode, diminution du rendement des
terres par surexploitation, etc.
Deux études ont été faites en 2008 et 2009 par Emilie Gaboret et Aby Ndoye afin de révéler la
situation agraire et sociale réelle de notre zone d’étude et de mettre en évidence les premiers
enjeux.
Le projet de filière agricole de Teriya Bugu peut donc prendre en compte ces données et ré-
flexions mais plusieurs points restent encore en suspend qui ne permettent pas à l’association
d’estimer ses besoins réels en superficie à cultiver : le rendement à l’hectare du Jatropha ; la
capacité qu’ont les paysans d’introduire cette culture à leur système de production. Notre étude
(dernière d’une série de 3 études mise en place en collaboration entre le CIRAD et l’AEDR)
devra estimer de manière réaliste ces données et, une fois la possibilité théorique de dévelop-
pement de cette culture mise en évidence, répondre à la question économique de la filière.
Ainsi se pose une problématique à 2 niveaux :
- Quel est l’impact de cette culture sur son environnement social et écologique ?
- Quelle fourchette de prix d’achat des graines permettra à cette culture d’être rentable à la fois
pour les producteurs et pour Teriya Bugu?
Le cas échéant est-ce que les producteurs vont pouvoir assumer cette culture sans créer de
disparités sociales ou au contraire les bénéfices de la filière équitablement répartis vont-ils
permettre de rehausser le niveau des plus pauvres?
1.2 Objectifs
Pour répondre à cette problématique, nous nous sommes fixés les objectifs suivants :
Objectif 1 : Révéler la situation agricole de la zone d’étude : Observer la façon dont l’agricul-
ture s’est adaptée à son milieu et présenter les différents systèmes de production et types de
producteurs présents dans la zone.
Cet objectif a pour but de mieux appréhender l’impact de l’introduction du Jatropha dans ce
paysage.
Objectif 2 : Voir les catégories de producteurs qui se sont lancés dans le Jatropha : Pourquoi
eux et sous quelle forme ils l’ont planté.
Tirer des dynamiques d’évolution actuelle et future de cette culture.
Objectif 3 : Déterminer la rentabilité de la culture de Jatropha pour le producteur et la compa-
rer avec les autres cultures de la zone.
Objectif 4 : Déterminer la rentabilité de la filière Jatropha pour Teriya Bugu en estimant les
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 27
28. coûts de transport et de transformation à travers plusieurs scénarii.
Proposer des choix d’organisation de la filière qui permettent de la rendre rentable.
2 Méthodologie
2.1 Délimitation de la zone d’étude
Les premières études réalisées par Emilie Gaboret et Aby Ndoye consacrées à une
analyse agraire et sociale s’étaient concentrées sur une zone allant du Bani à la RN6. Notre
zone d’étude - territoire d’un seul tenant - s’étend quant à elle sur une soixantaine de kilomè-
tres au sud de Teriya Bugu soit une vingtaine de kilomètres au delà de cette route. Nous avons
étendu notre zone afin de pouvoir interroger les propriétaires d’anciennes haies qui y sont
nombreux. De plus, l’agriculture y est sensiblement différente puisque cette partie de la zone
n’est pas influencée par le Bani et ses crues au contraire des alentours de Teriya Bugu.
Au total 19 villages ont été sélectionnés en fonction (dans l’ordre d’importance) de :
- la présence de planteurs de Jatropha (seuls les planteurs ont été interrogés)
- l’ancienneté des plantations (moitié avant 2007/moitié après 2007)
- leur situation géographique (faire en sorte que l’ensemble de la zone soit parcourue)
- la présence ou non de zone inondable
- la présence de femmes faisant du savon
- leur activité principale (agriculture, pêche)
La sélection des producteurs à enquêter ne s’est pas faite en fonction du type d’exploitation
dont ils faisaient partie (non équipés, pluri-équipés...) mais au hasard des rencontres afin de
pouvoir faire une estimation des types d’exploitations les plus impliquées dans la culture du
Jatropha.
2.2 Déroulement du stage
Le stage avait une durée de 4 mois et 1/2. Il s’est déroulé en 3 grandes phases :
- Une prise de connaissance précise du projet et une reconnaissance du terrain qui a permis
d’appréhender le milieu naturel dans lequel ce premier s’inscrivait. D’une durée de 4 semaines
cette phase a permis de cartographier la zone, et d’analyser les caractéristiques dominantes de
l’environnement : relief, hydrographie, pédologie, implantation des villages, cultures, boise-
ments...
- Une phase d’enquêtes sociales et économiques auprès des agriculteurs de 4 + 2 semaines.
Cette étape a permis d’appréhender les différentes catégories d’agriculteurs présents dans la
zone, leur façon de mettre en valeur le Jatropha, les coûts de production, et leurs attentes vis à
vis de cette nouvelle culture.
- Une phase d’enquêtes auprès des membres porteurs du projet : Organisateurs et techniciens.
Cette phase a duré 2 semaines et a permis de révéler l’organisation de la filière et les coûts liés
au suivi paysan et à la transformation.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 28
29. Chacune de ces phases était précédée d’une semaine de préparation des questionnaires, et
suivie d’une à plusieurs semaines de synthèse des données récupérées.
Une prise de recul a pu être faite lors du passage - à la moitié du stage - de Marie-Jeanne Va-
lony, professeur chargée du suivi de ce stage.
2.3 Outils employés
Tableau 5 : Outils employés pour l’étude
Pour répondre aux différents objectifs de notre étude nous avons utilisé les outils suivants :
• Bibliographie et synthèse des études
Synthèse études Observations Enquêtes Enquêtes
Bibliographie
précédentes de terrain paysannes Teriya Bugu
Paysage X X X
Histoire X X X
Diagnostic agraire X X X X
Implantation du Jatropha en
X X
milieu paysan
Définition des produits de la
X X
filière
Organisation de la filière X X
Rentabilité producteur X X X
Rentabilité coopératives X X
Rentabilité Teriya Bugu X X
La lecture des études d’E. Gaboret et A. Ndoye et de la bibliographie a été nécessaire tout au
long du stage afin d’y comparer les résultats trouvés lors de nos enquêtes. De plus la bibliogra-
phie permet de prendre du recul sur notre étude et de se poser d’autres questions.
Mais deux phases importantes de recherche bibliographiques ont été faites : l’une au début du
stage pour connaitre les informations manquantes ou floues, et l’autre à la fin du stage pour
argumenter notre réflexion.
• Etude du terrain
Les premières sorties de terrain avaient pour objectif d’appréhender l’organisation du pay-
sage.
Nous avons tenté de caractériser les facteurs biophysiques observables sur le terrain : la to-
pographie, les types de sol, l’hydrographie, la végétation dont les cultures ; puis les facteurs
socio-économiques : différentes populations, différentes activités, implantation des villages,
réseau routier...
Des entretiens ouverts (annexe 1) ont ensuite été effectués auprès de 4 chefs de villages âgés
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 29
30. pour connaitre l’évolution historique du territoire : discussions sur l’évolution de l’agriculture
et de la démographie de 1900 à aujourd’hui.
• Déroulement des sorties de terrain et enquêtes paysannes
Deux traducteurs ont été mis à ma disposition - alternant tous les 2 jours - pour le temps né-
cessaire à mes enquêtes. Les sorties s’effectuaient en moto.
Figure 8 : Enquêtes par village
Les «enquêtes paysannes» se sont
déroulées en 3 fois auprès de 69
agriculteurs dans 19 villages :
- La première série d’enquêtes s’est
faite sur 5 semaines à l’aide de ques-
tionnaires fermés (annexe 2). Elles
avaient pour but de déterminer dans
quel type d’exploitation le Jatropha
se trouvait, la proportion des diffé-
rentes cultures et l’intérêt que les
paysans leurs portaient par rapport
au Jatropha, la façon qu’ils avaient
de mettre ce dernier en valeur, les
coûts de production de sa culture,
et leurs intentions de culture dans
le futur.
- Une autre série d’enquêtes auprès
des coopératives à l’aide d’un ques-
tionnaire fermé (annexe 3) a permis
de comprendre leur organisation,
les attentes des membres bénévoles
chargés de leur fonctionnement, et
les coûts éventuels de fonctionne-
ment.
- Une dernière série d’enquêtes en entretiens (annexe 3) auprès des femmes qui font du savon
avait pour but d’appréhender les enjeux de cette culture pour eux et les coûts de transformation
des graines en savon.
Pour optimiser les phases d’enquête nous avons questionné les paysans à la fois sur leur ex-
ploitation, et sur les aspects sociaux et économiques liés à la culture du Jatropha. Chacune de
ces dimensions a ensuite été traitée à des moments différents.
• Enquêtes à Teriya Bugu
Les enquêtes auprès des membres de l’AEDR chargés du projet Jatropha étaient faites à l’aide
de questionnaires fermés. Ils concernés dans un premier temps l’organisation de la filière, et
dans un second temps les coûts et gains liés à son fonctionnement.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 30
31. Les chefs de projet, observateurs, animateurs, et techniciens ont été interrogés.
• Rencontres avec d’autres organismes
Des rencontres ont été organisées avec le GERES, où nous avons pu relever les différents obs-
tacles et réussites des projets ; ainsi qu’avec le directeur de Malibiocarburant qui a bien voulu
nous expliquer comment s’organisait la filière Jatropha de l’entreprise.
2.4 Caractérisation des exploitations
Pour «classer» les exploitations interrogées nous avons gardé les typologies utilisées par
E.Gaboret et A.Ndoye, afin de pouvoir comparer les résultats entre eux.
Pour cela la première partie des enquêtes concerne le nombre d’hectares, le nombre d’ani-
maux, et le matériel présent dans l’exploitation.
Les UBT (Unité de Bétail Tropical) sont calculés par 1 UBT pour un bovin, et 0,2 UBT pour
un ovin ou un caprin.
Les UBT/an/ha représentent la capacité d’intensification de l’exploitation.
2.5 Analyse économique
Informations générales :
La devise utilisée au Mali est le Franc CFA. 1 Fcfa = 0,152 € ou 1€ = 655,9 Fcfa.
Le revenu minimum mensuel fixé par l’Etat est de 28 460 Fcfa. Cependant, la rémunération
moyenne journalière dans notre zone pour des travaux agricoles s’élèverait à 1000Fcfa/jour
voire moins si la tâche est considérée facile par l’employeur.
• Rentabilité pour le paysan
Pour faire nos différents calculs économiques sur la mise en place et l’entretien du Jatropha
nous avons fait des estimations de temps de travail.
Les données les permettant sont issues de plusieurs sources :
Dans un premier temps nous avons récupéré des informations auprès des chefs de projet de
Teriya Bugu. Nous avons ensuite fait une synthèse des informations disponibles dans la bi-
bliographie.
Enfin, nous avons fait une moyenne des informations recueillies auprès des producteurs lors
de nos entretiens. De celles-là nous avons retiré les valeurs aberrantes en se fiant aux premiè-
res informations.
Ce temps est représenté en Hj (Journée de travail d’un homme) soit 8h.
Les Hj ne prennent pas en compte le temps travaillé avec l’aide d’animaux de trait, mais ceux-
là ne sont qu’exceptionnellement utilisés pour le labour d’avant plantation et sont mentionnés
le cas venu.
- Evaluation de la rentabilité économique de la filière Jatropha dans la région de Teriya Bugu - 31