2. 4-1300 - Amibiase
s
‚ Amibiase hépatique être différenciés des kystes d’amibes non pathogènes,
Elle est plus rare que l’amibiase intestinale aiguë.
les plus fréquemment observés étant ceux d’E. coli. Diagnostic différentiel
Elle peut être contemporaine d’une amibiase colique Une coproculture est toujours effectuée pour
symptomatique, succéder à plus ou moins long terme éliminer une infection bactérienne associée, en
particulier une shigellose, caractérisant la forme ‚ Pour l’amibiase intestinale
à un épisode intestinal aigu, ou apparaître
indépendamment de tout épisode classique amoebobacillaire, d’évolution préoccupante. Chez un malade dysentérique, l’absence d’E.
intestinal [1]. La rectoscopie, douloureuse lors d’un épisode aigu, histolytica histolytica dans les selles doit faire
Dans sa forme typique, l’amibiase hépatique se objective une muqueuse œdématiée, érythémateuse, rechercher une autre étiologie que l’amibiase, en
traduit par l’apparition brutale ou rapidement fragile au contact, parsemée d’ulcérations particulier un cancer, même si des kystes ou des
progressive de douleurs lancinantes de l’hypocondre punctiformes ou en « coups d’ongle », à bords épais et formes minuta sont découverts.
droit, irradiant en « bretelle » vers l’épaule droite, recouvertes de glaires, qui sont recueillies par L’examen parasitologique des selles comporte de
associées à une fièvre élevée à 39 ou 40 °C. Le foie est écouvillonnage au moyen d’un coton cardé. Ces manière systématique la recherche d’une parasitose
augmenté de volume, douloureux à la palpation, lésions peuvent être observées dans des rectocolites associée, et la coproculture, également systématique,
sinon à la manœuvre de l’ébranlement provoqué qui d’autre nature que l’amibiase. éliminera une dysenterie bacillaire ou une
sera pratiquée avec prudence. Parfois, un syndrome La coloscopie n’est surtout justifiée qu’en cas de salmonellose.
pleuropulmonaire de la base droite accompagne cette doute sur le diagnostic d’amibiase. Cependant, elle La biopsie de la muqueuse colique élimine, si
symptomatologie. Rarement est observé un ictère, le permet la découverte d’un exceptionnel amoebome besoin est, une rectocolite hémorragique, mais
plus souvent de nature rétentionnelle, suite au dont les biopsies montrent des amibes au sein d’un l’amibiase peut s’associer à cette colopathie dont elle
développement d’un abcès comprimant la voie biliaire tissu granulomateux. peut provoquer une poussée.
principale. La séro-immunologie, à la recherche d’anticorps Il faut différencier E. histolytica des autres espèces
L’évolution spontanée conduit à la rupture de antiamibiens est négative ou faiblement positive, sauf d’amibes, notamment E. coli, considérées comme non
l’abcès dans le péritoine, la plèvre, les bronches, ou en cas d’amoebome. pathogènes.
plus rarement la cavité péricardique, mettant en jeu le
pronostic vital. ‚ Amibiase hépatique ‚ Pour l’amibiase hépatique
Les formes atypiques, à symptomatologie atténuée Une hyperleucocytose par polynucléose Il faut distinguer les abcès intrahépatiques à germes
ou incomplète, telle une fièvre isolée prolongée, sont neutrophile et une vitesse de sédimentation des pyogènes, qui surviennent dans des tableaux
rares. hématies très accélérée (supérieure à 80 mm à la septicémiques et pour lesquels il n’y a pas d’anticorps
première heure) sont des anomalies hématologiques antiamibiens.
‚ Amibiase pleuropulmonaire constantes et précoces auxquelles s’associe parfois Les diagnostics de kyste hydatique surinfecté et de
une augmentation modérée du taux des transamina- cancer du foie sont facilement éliminés en confrontant
Elle s’observe chez 30 % des malades atteints
ses hépatiques. les résultats fournis par les divers examens
d’amibiase hépatique, mais peut aussi résulter de la
La radiographie pulmonaire révèle, lorsque l’abcès complémentaires.
migration sanguine directe d’emboles amibiens. Elle
se développe à la partie supérieure du foie, une
s’exprime sous forme d’une pleurésie sérofibrineuse
surélévation localisée de la coupole diaphragmatique,
ou sérohématique, d’une pneumopathie aiguë ou
s
sous la forme d’une image en « soleil couchant ». Le
subaiguë, parfois d’un abcès amibien pulmonaire,
dont la rupture provoque un pyothorax ou une
cliché pulmonaire peut montrer un petit épanchement Traitement
pleural droit avec un infiltrat parenchymateux associé.
vomique de couleur classiquement chocolat. Ces
manifestations douloureuses, évoluant sur un mode L’échographie abdominale, de réalisation simple et
fébrile, peuvent dominer la scène clinique. rapide, visualise une ou plusieurs lacunes hépatiques, ‚ Médicaments antiamibiens
des formations liquidiennes arrondies, dont la Les nitro-imidazolés, amoebicides tissulaires, ont
Les autres localisations de l’amibiase sont toutes
localisation et le volume (2 à 20 cm de diamètre), supplanté la 2-déhydroémétine qui n’est plus
exceptionnelles :
pourraient être précisées, les jours suivants, par une commercialisée. D’absorption rapide, dès la partie
– localisation cutanée ;
tomodensitométrie. Il est à signaler qu’à un stade proximale de l’intestin grêle, ils sont très diffusibles par
– péricardite amibienne par rupture d’un abcès du
d’évolution précoce, l’échographie peut être voie sanguine dans tous les tissus, et donc très
lobe gauche du foie ;
normale [4]. efficaces sur E. histolytica histolytica lorsque celle-ci a
– abcès amibien du cerveau ou de la rate.
Les examens séro-immunologiques, hémaggluti- envahi la muqueuse colique ou au-delà d’autres tissus
nation indirecte, Elisa et surtout immunofluorescence de l’organisme. Les nitro-imidazolés sont métabolisés
indirecte (positivité supérieure au 1/100), dont les dans le foie et s’éliminent par la bile dans l’intestin sous
s
résultats sont d’obtention plus tardive, montrent des forme d’un métabolite partiellement actif sur les
Diagnostic taux élevés d’anticorps sériques. Des faux positifs ont amibes de la lumière colique.
été signalés en cas de carcinome hépatocellulaire, de Le plus ancien, mais encore le plus utilisé, des nitro-
métastases hépatiques ou d’abcès à pyogènes. Les imidazolés est le métronidazole (Flagylt). De nouveaux
faux négatifs sont rares si l’on associe deux techniques dérivés, le tinidazole (Fasigynet), l’ornidazole (Tibéralt),
‚ Amibiase intestinale
différentes, mais il peut s’agir d’un retard à l’apparition le secnidazole (Flagentylt) se sont révélés de demi-vie
L’examen parasitologique des selles doit être des anticorps. De toute façon, lorsque le tableau plus longue et mieux tolérés. Leur pouvoir amoebicide
effectué avant tout traitement par un biologiste clinique est typique, on n’attend pas les résultats pour tissulaire au moins égal au nitro-imidazole permet de
expérimenté. pratiquer une épreuve thérapeutique les administrer en cures plus brèves, mais leur coût est
Dans l’amibiase intestinale aiguë, il est médicamenteuse. plus élevé (tableau I).
indispensable que les selles soient émises au mieux au La ponction, inutile dans la majorité des cas, L’action des nitro-imidazolés sur les amibes
laboratoire même ou qu’un échantillon y soit apporté montrerait que la lésion renferme un liquide épais, intraluminales reste imparfaite.
dans des délais très brefs pour éviter refroidissement et stérile, inodore, de couleur chocolat ou jaunâtre, fait Des effets secondaires fréquents mais générale-
dessiccation, en raison de la fragilité des amibes d’un mélange de tissu hépatique nécrosé et de sang, et ment modérés, surtout digestifs, sont atténués par la
hématophages. ne contenant pas ou peu d’amibes. fragmentation de la dose et la prise au cours des repas.
Le prélèvement à examiner immédiatement au L’examen parasitologique des selles peut être L’absorption d’alcool doit être évitée.
microscope entre lame et lamelle porte de préférence positif. Cependant la mise en évidence d’E. histolytica Les amoebicides dits de contact ont une action
sur des glaires mucosanglantes. dans les selles est inconstante et sa présence intraluminale colique prolongée car ils ne sont pas
En cas de négativité d’une première recherche, la éventuelle ne constitue pas un argument absolu en résorbés par la muqueuse intestinale. Ils détruisent les
répétition au moins deux autre fois de l’examen faveur d’une localisation hépatique de la parasitose. formes minuta du mucus et du bol fécal. Il en existe
parasitologique des selles est indispensable. La séro-immunologie doit toujours être associée à aujourd’hui peu de non absorbables (tableau II). Leur
S’il découvre des kystes d’amibes, le biologiste doit l’imagerie médicale pour porter avec certitude le efficacité partielle engage à répéter les cures
préciser leur nature : les kystes d’E. histolytica doivent diagnostic d’amibiase hépatique. thérapeutiques.
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Tableau I. – Amoebicides tissulaires : nitro-5-imidazolés. Traitement des amibiases coliques et extra-intestinales.
Spécialité Flagylt Fasigynet Tibéralt Flagentylt
Dénomination commune internatio- métronidazole tinidazole ornidazole secnidazole
nale
Présentation cp 250 mg et 500 mg, cuillère-mesure cp 500 mg cp 500 mg, ampoule injectable de cp 500 mg
125 mg, flacon ou poche 500 mg pour 500 mg et 1 g pour perfusion IV
perfusion IV
Posologie 3 × 500 mg/j (cp ou perfusion IV) chez l’adulte, 30 mg/kg/j chez l’enfant pendant 5 jours pour l’amibiase colique, 10 jours
pour l’amibiase hépatique (des durées plus courtes de traitement, soit 1 à 3 jours, sont possibles, surtout avec le tinidazole,
l’ornidazole et le secnidazole, mais rarement adoptées)
Effets indésirables Fréquents : inappétence, perturbation du goût, nausées, vomissements, gastralgies, diarrhée, céphalées, asthénie, vertiges,
somnolence, effet antabuse. Exceptionnels : confusion, paresthésies, polynévrites sensitivomotrices, incoordination des mou-
vements, ataxie, éruption cutanée, leucopénie
Contre-indications Hypersensibilité aux imidazolés, antécédents d’affections neurologiques périphériques ou centrales, grossesse, lactation,
leucopénie
cp : comprimé ; amp : ampoule ; IV : par voie intraveineuse.
Tableau II. – Amoebicide de contact. Traitement de l’amibiase-infestation et complément du traitement par un amoebicide tissulaire.
Spécialité (DCI) Présentation Posologie Effets indésirables
Intétrixt (tiliquinol- gélule à 500 mg 2 × 2 gélules/j chez l’adulte pendant 10 jours Hypertransaminasémie, neuropathie périphérique et
tilbroquinol) atteinte du nerf optique, en cas d’insuffısance rénale
ou hépatique
DCI : dénomination commune internationale.
‚ Indications Colopathie postamibienne guérison, elle est toujours associée au traitement
médicamenteux dont elle accroît l’efficacité.
De traitement uniquement symptomatique, la
Amibiase-infestation Lorsque la ponction est impossible ou dangereuse,
colopathie postamibienne peut aussi bénéficier de la
l’évacuation chirurgicale devient nécessaire. De même,
En dehors des régions d’endémie, c’est-à-dire si le réalisation de cures thermales.
la chirurgie s’impose pour des abcès perforés ou
risque de recontamination est très faible ou nul, le menaçant de se rompre dans la cavité péritonéale ou
traitement fait appel à une ou plusieurs cures d’un Amibiase hépatique
thoracique, ou pour ceux ne réagissant pas au
amoebicide de contact. Le déparasitage des porteurs Le traitement est avant tout médical et vise à traitement amoebicide, aidé ou non de ponctions. Au
sains a le double avantage de les mettre à l’abri d’une détruire les parasites. La chirurgie n’intervient qu’en drainage isolé avec aspiration continue, il est parfois
amibiase-maladie et de supprimer le danger de cas de complications ou de menace de leur survenue . préféré l’hépatectomie réglée, par une voie d’abord
contamination de l’entourage. L’amibiase hépatique relève d’un amoebicide dépendant du siège de l’abcès.
tissulaire, administré par voie orale ou, en cas de Amibiase pleuropulmonaire
Amibiase-colique aiguë non compliquée vomissements irréversibles, par voie parentérale. Si les
Un drainage pleural (ponction ou pleurotomie) est
Elle est traitée par un amoebicide tissulaire. Après 2 douleurs puis la fièvre cèdent le plus souvent
souvent nécessaire dans les formes pleurales, en plus
à 3 jours, les signes cliniques et les amibes rapidement (1 à 3 jours), si la polynucléose s’amende
du traitement amoebicide. Les séquelles bronchiques
en 7 ou 10 jours et si la vitesse de sédimentation
disparaissent ; après une dizaine de jours, les lésions ou parenchymateuses pouvant être traitées
sanguine diminue de moitié chaque semaine, le
sont cicatrisées. Ce traitement spécifique doit être secondairement par la chirurgie.
traitement peut n’être que médicamenteux, d’autant
associé à un traitement symptomatique (antispasmodi-
plus que la réalisation d’échotomographies Amoebome
ques, protecteurs de la muqueuse) et à un régime
successives permet d’attester de la régression Le traitement amoebicide entraîne une guérison
pauvre en fibres végétales. Il est conseillé de prescrire
progressive puis de la disparition des images rapide de la tuméfaction ; sinon, en cas de persistance
ensuite une cure d’un amoebicide de contact. Les
anormales en 3 à 6 mois, des anticorps antiamibiens de la lésion, on recourt à l’exérèse chirurgicale.
examens des selles vérifiant le déparasitage ne
en 6 mois à 1 an. Une cure d’un amoebicide de contact
s
doivent être pratiqués qu’une quinzaine de jours après
est toujours prescrite pour éviter des rechutes, même si
la fin du traitement. Conclusion
l’amibiase colique concomitante est asymptomatique.
Le seul traitement médicamenteux suffit à guérir
Amibiase-colique maligne
les trois quarts des amibiases hépatiques. Il faut savoir évoquer le diagnostic d’amibiase en
Dans un service de soins intensifs, elle nécessite La ponction évacuatrice, réalisée sous échographie présence de symptômes coliques ou hépatiques. La
l’administration d’un amoebicide tissulaire et d’une et en milieu chirurgical, n’est pratiquée d’emblée que mise en évidence du parasite lors des localisations
antibiothérapie à large spectre (quinolone) par voie pour les abcès très volumineux (> 10 cm), en particulier coliques ou la conjonction d’une sérologie positive et
parentérale. De plus, il faut mettre en place une du lobe gauche et ceux d’accès facile car superficiels. d’une image évocatrice en cas d’amibiase hépatique
aspiration gastrique et une sonde rectale, veiller à Elle peut aussi être pratiquée en cas de doute constituent les moyens du diagnostic.
l’équilibre hydroélectrolytique et à un apport diagnostique, évoquant la possibilité d’un abcès à Grâce au nitro-imidazole et à ses dérivés, la
alimentaire parentéral et, au besoin, pratiquer des pyogène, ou, en l’absence d’une amélioration après guérison est obtenue de façon simple et rapide dans la
transfusions sanguines. La décision d’une colectomie 48 heures malgré un traitement amoebicide bien plupart des cas. Des formes graves persistent
partielle ou totale peut être prise. conduit. Insuffisante à elle seule pour amener la cependant, imposant le recours à la chirurgie.
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Jean Delmont : Professeur des Universités, praticien hospitalier,
service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13915 Marseille cedex 20, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : J Delmont. Amibiase.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-1300, 2000, 4 p
Références
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L’amibiase hépatique. Concours Méd 1990 ; 112 : 2539-2544 l’échographie au diagnostic évolutif à propos de 983 cas. J Radiol 1987 ; 68 :
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[2] Aubry P, Lecamus JL, Andre LJ. Amibiase. Encycl Méd Chir (Éditions Scien-
tifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-083-A-10, [5] Picot S, Ambroise-Thomas P. Facteurs et conditions de pathogénicité d’Enta-
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