3. Le jury
Le président du jury sera le réalisateur américain Spike Lee.
Il sera accompagné dans sa tâche par
Mylène Farmer,
Maggie Gyllenhaal,
Tahar Rahim,
Mélanie Laurent,
Mati Diop,
Jessica Hausner,
Kleber Mendonça
Song Kang-ho
4.
5. Film d’ouverture:
ANNETTE
Los Angeles, de nos jours. Henry est
un comédien de stand-up à l’humour
féroce. Ann, une cantatrice de
renommée internationale. Ensemble,
sous le feu des projecteurs, ils
forment un couple épanoui et
glamour.
La naissance de leur premier enfant,
Annette, une fillette mystérieuse au
destin exceptionnel, va bouleverser
leur vie.
« Film incroyablement inspiré, qui nous
expose sans rémission au mal qui
empoisonne le cœur de l’homme jusque
dans l’amour censé le rédimer »
6. « Annette », l’hymne à la nuit de Leos
Carax
Projetée en ouverture du Festival de
Cannes, mardi, la comédie musicale,
interprétée par Marion Cotillard et
Adam Driver, sur une musique des
Sparks
Annette se colle au mystère, depuis
une Amérique réduite à peu. Sur une
idée et une composition du
groupe Sparks – phœnix musical
californien qui, depuis le glam-rock de
ses débuts, perdure et se renouvelle
depuis un demi-siècle –, le film chante,
mais sidère plutôt qu’il n’enchante.
C’est largement le plus noir, le plus
malaisant, le plus hérissé de son
auteur. Le plus stupéfiant et inventif,
aussi, avec le précédent Holy
Motors (2012), dont il s’éloigne
pourtant.
7. « Un film visuellement époustouflant sur
un agresseur qui ne peut tuer sa femme
parce qu'il l'aime trop.
Pourquoi tant de talent pour un macho de
ce niveau ?
C'est un fantastique opéra musical avec la
musique de Sparks.
Spike Lee va l’adorer. S'il s'agissait de
Noirs, il ne l'accepterait pas, mais comme
il s'agit des filles, il s'en fiche.
Un grand film. Un autre grand film
macho »
La script. María Guerra
8. «Tout s’est bien passé»
François Ozon
A 85 ans, le père
d'Emmanuèle est
hospitalisé après un
accident vasculaire
cérébral. Quand il se
réveille, diminué et
dépendant, cet homme
curieux de tout, aimant
passionnément la vie,
demande à sa fille de
l'aider à mourir.
9. Le cinéaste adapte le livre d’Emanuèle
Berheim, avec Sophie Marceau dans le rôle
de l’écrivaine accompagnant son père
jusqu’à la mort.
Dans un début de Festival dont
l’omniprésente et riante question, de film en
film, apparaît celle du face-à-face avec la
mort, on fera du nouveau François Ozon un
archétype, une réplique climatisée d’Amour
promise aux palmes du cœur et autres
médailles du râle, ou, surtout, un film aux
prises avec les grands thèmes du désir d’en
finir, l’euthanasie, les temporalités multiples
et secrètes du deuil – de soi, de son
existence, des autres, y compris avant même
que ceux-ci soient formellement «partis».
On n’aura pas tort, et pourtant c’est aussi,
comme souvent chez le prolifique cinéaste,
souterrainement un film sur le récit et
l’écriture où l’on ne voit jamais personne
écrire, et un film de fantômes, écrit par le
fantôme même dont le deuil hante tous les
plans – c’est là leur part la plus émouvant.e.
Le monde
10. Dans «le Genou d’Ahed», charge convulsive contre les errances nationalistes
et les institutions de son pays, le cinéaste israélien invente des formes
furieuses, y compris contre lui-même.
Après l’enfant prodige de l’Institutrice et le corps-projectile du vingtenaire
de Synonymes, Nadav Lapid poursuit et conclut, annonce-t-il, la trilogie de
ses alter ego. Et il la termine par une crise, vécue et piquée dans le désert
israélien par le film autant que son personnage, Y (de sa kafkaïenne initiale,
où on entend le Yoav des deux volets précédents), homme d’âge mur et
cinéaste au désespoir. Tout partira dans tous les sens.
L’intersection du corporel et du national, ce conflit élémentaire qui saturait
les films précédents, leurs thèmes, leurs formes, leurs uniformes – car
l’armée n’est jamais très loin – s’accumule au point d’exploser.
«Le genou d’Ahed» Nadav Lapic
11. LINGUI, LES LIENS SACRÉS
MAHAMAT-SALEH HAROUN
Dans les faubourgs de
N’djaména au Tchad, Amina
vit seule avec Maria, sa fille
unique de quinze ans. Son
monde déjà fragile s’écroule
le jour où elle découvre que
sa fille est enceinte.
Cette grossesse,
l'adolescente n’en veut pas.
Dans un pays où
l'avortement est non
seulement condamné par la
religion, mais aussi par la loi,
Amina se retrouve face à un
combat qui semble perdu
d’avance…
12. JULIE (EN 12 CHAPITRES)
JOACHIM TRIER
Julie, bientôt 30 ans,
n’arrive pas à se fixer dans
la vie. Alors qu’elle pense
avoir trouvé une certaine
stabilité auprès d’Aksel, 45
ans, auteur à succès, elle
rencontre le jeune et
séduisant Eivind.
13. Julie parle des relations amoureuses à l’ère #Metoo, se confronte à la responsabilité de l’art face à la
société, s’interroge sur la vertu de la fidélité à soi-même ou de l’engagement écologique...
Ca pourrait être ennuyeux, voire lénifiant et répétitif. C’est au contraire merveilleux, drôle, subtil et
touchant. Pour deux raisons majeures : d’abord l’intelligence stupéfiante de ce type et son sens
absolu de la mise en scène. Il y a une scène de fantasme à la poésie sidérante où le cinéaste arrête le
temps pour suivre la rencontre de deux solitudes. Il y a des séquences au réalisme blafard qui
voisinent avec des scènes à l’énergie pop irrésistibles et on passe de la romcom lumineuse au drame
suédois dépressif avec une même facilité. Mais tout cela ne serait rien s’il n’y avait pas quelqu’un
pour l’incarner. Renate Reinsve, inconnue jusqu’ici, est une Julie phénoménale, qui apporte ce qu’il
faut d’aspérité, de spontanéité et de puissance à ce personnage. Elle confère surtout au film son
arme absolue : l’extraordinaire authenticité et justesse de cette héroïne en quête.
14. «La fracture» de Catherine Corsini
Raf et Julie, un couple
au bord de la rupture, se
retrouvent dans un
service d’Urgences
proche de l'asphyxie le
soir d'une manifestation
parisienne des Gilets
Jaunes. Leur rencontre
avec Yann, un
manifestant blessé et en
colère, va faire voler en
éclats les certitudes et
les préjugés de chacun.
À l'extérieur, la tension
monte. L’hôpital, sous
pression, doit fermer
ses portes. Le personnel
est débordé. La nuit va
être longue…
15. En faisant se rencontrer un gilet jaune blessé lors
d’une manif et une artiste égoïste dans un service
d’urgences sous tension, Catherine Corsini
s’embourbe dans les vieux travers de la fiction de
gauche.
En mai 2019, le préfet des Alpes-Maritimes interdit
les manifestations des gilets jaunes dans le centre-
ville de Cannes, aux abords du Palais des festivals
et sur la Croisette. En juillet 2021, le mouvement de
protestation social amorcé en octobre 2018 et qui
avait expiré avec le premier confinement
réapparaît en compétition cannoise dans la
Fracture de Catherine Corsini, fiction cocotte-
minute où se bousculent les polytraumatismes
français contemporains dans le temps court d’une
nuit aux urgences au crescendo de crise de nerfs.
On ne pouvait qu’être intrigué par ce projet qui
entendait revenir sur un phénomène aux contours
inédits, qui a exposé pendant plusieurs mois aux
yeux de médias souvent dépassés ou perplexes et
à une violence policière plus que jamais aveugle,
des citoyens galvanisés par l’agrégat de
frustrations et de colères dont ils mesuraient
chaque samedi le pouvoir de perturbation.
16. «Benedetta» de Paul Verhoeven
Dans une explosion de plaisir et de
blasphèmes, au milieu d’une atmosphère de
contagion très à propos, le miraculeux profane
Paul Verhoeven fait de Virginie Efira une nonne
hérétique et jouisseuse.
«Toute nouveauté est dangereuse et toute
singularité est suspecte» : ce parfait slogan,
cité dans Immodest Acts, le livre de
l’historienne américaine Judith C. Brown qui a
inspiré le nouveau film de Paul Verhoeven,
ouvre le rapport d’enquête des envoyés du
nonce de Florence au couvent des théatines de
Pescia, en Toscane, quelque part aux alentours
de l’année 1623.
Là, sœur Benedetta Carlini donnerait du fil à
retordre à ses inquisiteurs, cracherait du
sublime et du grotesque à la face de ses
tortionnaires.
17. Paul Verhoeven s’amuse et
nous aussi. De l’histoire de
Benedetta Carlini, une nonne
italienne du XVIIe siècle en
proie à des stigmates qui lui
auraient valu la sanctification si
ses amours lesbiennes ne
l’avaient mise au ban, le
facétieux réalisateur de « Basic
Instinct » pointe les échos
contemporains (à défaut du
Covid et de Trump, la peste et
le nonce menacent).
Paul Verhoeven trousse une
délectable satire du pouvoir,
doublée d’un portrait de femme
comme il les aime : possédée et
manipulatrice, l’ambiguë Benedetta
triomphe du patriarcat délétère en
se montrant encore plus perverse.
Qu’elle découvre l’orgasme dans les
bras de l’espiègle Bartolomea
(Daphné Patakia, une révélation) ou
rivalise de crapulerie avec ses
ennemis, Virginie Efira ondoie,
souveraine, dans le rôle-titre.
18. Compartiment nº 6
Kuosmanen adapte le
roman de Rosa Liksom du
même nom, publié en
2011. À travers son film, il
nous emmène en voyage
avec Ljoha, une jeune
femme qui partage son
compartiment de train
avec un inconnu auquel
tout semble l'opposer.
19. Flag Day de Sean Penn
Sean Pennnous offre un
nouveau long-métrage
dans lequel il interprète
tantôt un faussaire,
tantôt un braqueur, aux
côtés de sa fille Dylan
Penn qui joue... sa fille.
Une nouvelle étape pour
l'acteur et réalisateur de
60 ans, qui avait vu son
film The Last Face éreinté
par la critique lors du
Festival de Cannes 2016.
20. Bergman Island de Mia Hansen-Løve
Un couple de cinéastes, Chris et Tony (Tim Roth, dans un
registre dépouillé où il excelle) qui s’installe pour écrire sur l’île
de Fårö, où vécut Bergman… Avec son film le plus
autobiographique, Mia Hansen-Løve n’a pas eu peur des
obstacles : traiter d’un sujet possiblement excluant ou se
confronter au maestro suédois.
Bergman Island fascine à l’inverse par l’incroyable limpidité de
son récit mêlant la réalité de ce couple et la fiction du scénario
écrit par Chris qui prend forme à l’écran.
D’abord, parce qu’elle sait désacraliser – sans l’abîmer – la
figure imposante de Bergman à travers la description des
parcours touristiques cinéphiles organisés sur cette île. Mais
surtout parce qu’elle ne signe pas plus un film sur lui que sur le
cinéma. Bergman Island est d’abord l’histoire d’une double
émancipation.
Celle d’une cinéaste, qui se vit comme totalement dépendante
du père de son enfant. Et celle de son héroïne, hantée par un
premier amour qu’elle n’a jamais pu oublier. Il règne sur ce
double récit la mélancolie de ces histoires terminées qui
continuent pourtant à briller comme des étoiles mortes.
Ce film a la grâce, celle de sa comédienne principale,
l’éblouissante Vicky Krieps. On y retrouve aussi des fragments
de tous les précédents Mia Hansen-Løve (du Père de mes
enfants à Un amour de jeunesse). Comme s’il concluait un cycle
et en ouvrait un autre. À la manière de ce que vivent ses
héroïnes. Autobiographique jusqu’au bout.
21. Tre piani de Nanni Moretti
Pour la première fois, Nanni Moretti a mis en
scène l’histoire d’un autre, en l’occurrence le
roman Trois Etages de l’écrivain israélien
Eshkol Nevo.
Avec Federica Pontremoli et Valia Santella, il
l’a transposé à Rome où trois cellules
familiales fermentent dans un immeuble
cossu. Au rez-de-chaussée, il y a Lucio
(Riccardo Scamarcio) et Sara (Elena Lietti)
avec leur petite fille Francesca.
Une nuit, la vitre dépolie qui les sépare de la
rue est fracassée par la voiture d’Andrea
(Alessandro Sperduti), le fils de Vittorio
(Nanni Moretti) l’inflexible magistrat qu’aime
pourtant Dora l’avocate. Ivre, Andrea a
renversé et tué une passante, sous les yeux de
Monica (Alba Rohrwacher) qui partait seule à
la maternité accoucher d’un premier enfant,
une fille, née d’un père toujours absent.
« C'est dans son absence de drame que réside
la grandeur de ce film qui pourrait remporter
un prix reconnaissant la subtilité et la
profondeur du regard de Nanni Moretti, qui
rend une réflexion pleine d'arêtes et
d'ambiguïtés. » La Script María Guerra
22. Drive my car de Ryusuke Hamaguchi
Découvert en France en 2018 grâce à
la sortie remarquée de son film fleuve
Senses, Ryusuke Hamaguchi est de
retour en compétition à Cannes avec
Drive My Car, pas moins de trois
heures – mais pour le Japonais
habitué des durées maousses, c’est
relativement court. Drive My Car
débute, comme son titre l’indique,
dans une voiture. Mais s’il reste fidèle
à son programme locomotif (une
grande partie du film se passe
effectivement à converser tout en
roulant), le film de Hamaguchi
réserve plus d’une surprise, brusques
tournants, soudaines sorties de route
et multiples déviations.
Adaptation d’une nouvelle de Haruki
Murakami.
« Et d’un art scénique dont Hamaguchi
filme les mots comme les silences, dans le
sillage d’Ingmar Bergman. Espérons que le
jury se révèle un tant soit peu cinéphile et
audacieux pour que « Drive My Car » figure
le plus haut possible au palmarès. »
L’Obs
23. «La fièvre de Petrov» de Kirill
Serebrennikov
Affaibli par une forte
fièvre, Petrov est entraîné
par son ami Igor dans une
longue déambulation
alcoolisée, à la lisière
entre le rêve et la réalité.
Progressivement, les
souvenirs d'enfance de
Petrov ressurgissent et se
confondent avec le
présent.
24. «The French Dispatch» de Wes Anderson
The French Dispatch met en
scène un recueil d’histoires
tirées du dernier numéro d’un
magazine américain publié
dans une ville française fictive
du 20e siècle.
Le dernier Wes Anderson
tourné à Angoulême, fascine
puis fatigue par son giga
manège d’époques, citations
et tableaux grand style mais
figés.
25. «Titane» de Julia Ducournau
Après « Grave », la jeune virtuose du cinéma
horrifique va secouer le Festival de Cannes avec
« Titane » et un Vincent Lindon transfiguré.
C’est le film qui va diviser la Croisette. Cinq ans
après « Grave », Julia Ducournau brigue pour la
première fois la palme d’or.
Proposition dingue où le transgenre flirte avec le
transhumanisme, « Titane » orchestre la
rencontre de deux âmes mortes : Alexia (Agathe
Rousselle), belle plante mutique, une plaque de
titane greffée à la tempe à la suite d’un accident
de la route, qui, lorsqu’elle ne lap-dance pas,
trucide ses congénères.
Et Vincent (Vincent Lindon), un pompier
vieillissant et gavé de stéroïdes, ravagé par la
disparition de son fils dix ans plus tôt.
Ducournau prend l’idée de « Crash » de
Cronenberg (sur la fusion sexuelle entre
l’humain et l’automobile) à la lettre, filme Lindon
comme un héros de Shyamalan et, d’un salon du
tuning à une caserne de pompiers, balaie les
tabous et nos repères avec un aplomb
ahurissant.
26. «Un héros» d'Asghar Farhadi
Rahim est en prison à cause
d'une dette qu'il n'a pas pu
rembourser. Lors d'une
permission de deux jours, il
tente de convaincre son
créancier de retirer sa plainte
contre le versement d'une
partie de la somme. Mais les
choses ne se passent pas
comme prévu…
Le cinéaste iranien tisse l’histoire d’une
rédemption impossible, chargeant son
scénario au détriment de l’émotion.
27. Les Olympiades deJacques Audiard
Palme d'or en 2015 pour Dheepan,
Jacques Audiard est de retour au
Festival de Cannes cette année avec
Les Olympiades, son nouveau film
porté par un quatuor de jeunes
acteurs en pleine exploration de leur
sexualité : Lucie Zhang, Makita
Samba, Noémie Merlant et Jehnny
Beth.
"Paris 13e, quartier des Olympiades.
Émilie rencontre Camille qui est
attiré par Nora qui elle-même croise
le chemin de Amber. Trois filles et un
garçon. Ils sont amis, parfois
amants, souvent les deux.«
Co-écrit avec Céline Sciamma et Léa
Mysius, sur une musique de Rone.
28. « Avec Les Olympiades, Audiard prend le
taureau de la modernité par les cornes. Il
construit une fresque urbaine, une réflexion
anguleuse et tranchante sur la liquidité
sentimentale de Bauman qui se déroule dans
le 13e arrondissement de Paris, un lieu peu
touristique et à forte densité d'Asiatiques.
Là, dans des appartements fermés et entre
des écrans éclairés, se croisent les histoires
de deux femmes et d'un jeune homme,
incapables de s'installer, même
fugitivement, dans une relation un peu
stable. Le récit s'envole, esquivant les
grilles, et ce vol frénétique sert de
métaphore et de chemin.
Oscar Wilde disait qu'il faut toujours être un
peu improbable, et c'est précisément
l'improbabilité de l'histoire et sa résistance
à la fermeture qui maintient Les Olympiades
sur pied avec une profonde fraîcheur. Aimer
à nouveau, pleurer, s'évanouir en sentant
une présence, tel est le délicieux espoir
qu'Audiard propose, même si la fin met
quelque peu à mal la cohérence du récit ».
La script. María Guerra
Les Olympiades (1969-1977) sont
l'opération immobilière la plus
emblématique des théories urbanistiques
appliquées à la rénovation urbaine du
secteur Italie 13e arrondissement à Paris
29. «Red Rocket» de Sean Baker
Mikey Saber revient dans sa
ville natale du Texas après
des années de carrière de
pornstar à Los Angeles. Il n'y
est pas vraiment le
bienvenu... Sans argent, sans
emploi, il doit retourner vivre
chez son ex-femme et sa
belle-mère… Pour payer son
loyer, il reprend ses petites
combines mais une rencontre
va lui donner l’espoir d’un
nouveau départ.
30. «L’Histoire de ma femme» d'Ildiko Enyedi
En adaptant l’histoire d’un marin qui
pour un jeu épouse la première
femme qui passe, Ildikó Enyedi nous
plonge dans trois heures de crises
conjugales enrobées d’académisme
inerte.
Drôle de pedigree cannois que celui
d’Ildikó Enyedi. Signature parmi les
moins identifiées à concourir cette
année pour la palme, elle débarque
pourtant en compète auréolée d’une
antériorité de revenante que nul
n’attendait plus : son tout premier
film, Mon XXe siècle, avait ravi la
caméra d’or en 1989. Depuis, la
carrière de la cinéaste hongroise, 65
ans, a connu d’énormes éclipses,
n’accouchant que d’une poignée de
longs métrages, et même aucun
entre 1999 et 2017, quand elle
resurgit et remporte l’ours d’or de la
Berlinale avec l’insipide Corps et âme.
31. Une femme se réveille en sursaut, tirée de son sommeil par un bruit étrange, sorte
de percussion à la fois claquante et sourde. Elle se lève brusquement et arpente son
appartement, ombre fuyante et spectrale, cherchant à savoir ce qu’il se passe. En
vain.
Une séquence traversée par une belle étrangeté, dont le nouveau film du cinéaste
thaïlandais ne se déparera jamais. S’il fallait en faire le résumé, ce serait l’histoire
d’une femme hantée par un bruit qu’à part elle, personne ne perçoit. Début d’une
(en) quête à la fois rationnelle et abstraite qui mènera l’héroïne, une botaniste
spécialiste des orchidées (Tilda Swinton, au sommet du sublime évanescent), à
traverser la Colombie, quitter la ville et ses repères pour se perdre dans les régions
montagneuses, leurs ancestrales coutumes culturelles et cultuelles afin de tenter
de résoudre ce mystère sonore.
«Memoria» d'Apichatpong Weerasethakul
32. «France» de Bruno Dumont
France est un film belgo-italo-germano-
français réalisé par Bruno Dumont dont
la sortie est prévue en 20211. Il s'agit
d'une adaptation de l'œuvre de Charles
Péguy.
Le film met en scène la vie d'une
journaliste vedette de la télévision,
prise dans une spirale d'événements
qui entraîneront sa chute. Entre drame
et comédie, France cherche à mettre
en parallèle la crise intime et publique
d'une jeune femme avec un tableau de
la France contemporaine.
France de Meurs est une journaliste
vedette de la télévision française. Sa
célébrité et un enchaînement
d'événements vont entraîner sa chute.
33. «Haut et Fort» de Nabil Ayouch
Le film est une fiction dont l’action se
déroule à Sidi Moumen, à Casablanca.
Il raconte l’histoire d’Anas, ancien
rappeur engagé dans un centre culturel
du quartier. Encouragés par leur nouveau
professeur, les jeunes vont tenter de se
libérer du poids de certaines traditions
pour vivre leur passion et s’exprimer à
travers la culture hip-hop.
Réalisé par Nabil Ayouch, et écrit par ce
dernier en collaboration avec Maryam
Touzani, le film est un hommage à la
jeunesse marocaine.
Il est interprété principalement par Anas
Basbousi, ainsi qu’Ismail Adouab, Meriam
Nakkach, Nouhaila Arif, Abdou Basbousi,
Zineb Boujemaa, Soufiane Bellali, Mehdi
Razzouk, Amina Kannan, Samah Barigou,
Maha Menan, Marwa Kniniche, Marouane
Bennani et Abderahaman Errahmani.
34. «Nitram» de Justin Kurzel
En Australie dans le milieu
des années 90, Nitram vit
chez ses parents, où le
temps s’écoule entre
solitude et frustration. Alors
qu'il propose ses services
comme jardinier, il
rencontre Helen, une
héritière marginale qui vit
seule avec ses animaux.
Ensemble, ils se
construisent une vie à part.
Quand Helen disparaît
tragiquement, la colère et la
solitude de Nitram
ressurgissent.
Commence alors une longue
descente qui va le mener au
pire.
35. «Les Intranquilles» de Joachim Lafosse
Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré
sa bipolarité, il tente de poursuivre sa vie avec
elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui
offrir ce qu’elle désire.
Les Intranquilles", c’est le portrait d’un couple,
incarné par Leila Bekti et Damien Bonnard, un
couple avec un petit garçon, un couple qui
s’aime passionnément…
Seulement voilà : le mari, artiste peintre, est
bipolaire, refuse de prendre ses médicaments
qui briment sa créativité, et sa femme,
désemparée, est en permanence sur le qui-vive,
redoutant une nouvelle crise.
Joachim Lafosse avoue volontiers avoir puisé
dans ses propres souvenirs d’enfance pour
élaborer le scénario de ce film…
36. Revolution of our Times de Kiwi Chow
Dernière minute ! Dans un geste typiquement
cannois, le festival a ajouté "at the very last
minute" un documentaire à sa Sélection
officielle . Armé d'images tournées sur place en
2019 et 2020 et de vidéos shootées au
smartphone par les manifestants, le réalisateur
Kiwi Chow y raconte la lutte des habitants de
Hong Kong pour leur liberté face au régime
chinois.
Ca doit faire la soupe à la grimace à Pékin : au-
delà de sa forme assez classique et de sa
narration chronologique ponctuée de
témoignages face caméra, le docu est
quasiment un acte de résistance en soi. On
plonge dans les coulisses d'une révolution
spontanée de citoyens, du chaos très organisé
où chacun à un rôle – même minime – à jouer.
C'est sûrement le point fort du film, qui ne se
limite pas à montrer des violences policières ou
des sièges de bâtiments officiel : Kiwi Chow
dresse aussi en creux le portrait de ces millions
d'habitants anonymes, qui n'ont rien d'autre en
commun que de refuser de lâcher leur mode de
vie durement acquis. Entre deux plans au drone
à peine croyables où l'on voit les manifestants
se disperser « like water » dans les rues de Hong
Kong, un témoin lâche : « On n'est personne. Et
personne c'est tout le monde. »
37. Ouistreham
La Quinzaine s’ouvrira sur le très
attendu Ouistreham, qui marque le
retour à la réalisation de l’écrivain
Emmanuel Carrière, qui n’avait plus
tourné depuis La Moustache (2005).
Ce projet, on le connait bien dans
l’agglomération de Caen, puisqu’il
s’agit de l’adaptation du Quai de
Ouistreham, le récit
autobiographique de Florence
Aubenas paru en 2010.
2) La quinzaine des
réalisateurs/trices:
38. En vedette, on retrouve l’excellente Juliette Binoche, qui incarne Marianne Winckler, l’alter
ego de Florence Aubenas. Loin de se prendre pour une star malgré son Oscar reçu en 1997
pour sa performance dans Le Patient Anglais, l’actrice française est particulièrement friande
de ce type de film à caractère social.
« Un film ordinaire, dirigé d’une manière très simple par Emmanuel Carrère. Juliette
Binoche, qui est une excellente actrice, est ici en dessous de son potentiel »
La Script, Maria Guerra
39. «Clara Sola»
Nathalie Alvarez Mesén
Film de magicienne et de naturaliste, de
guérisseuse et de sainte profane, Clara Sola
de Nathalie Alvarez Mesén est aussi un film
de combattante, qui préfère la pénombre à
la lumière crue, l’orée des sous-bois aux
fronts de libération déclarés. Femme
différente des autres gens, son héroïne,
dont le titre révèle à la fois le prénom et, on
l’apprend, le «nom secret», vit avec sa mère
et sa nièce, qui s’occupent d’elle au
quotidien, dans une maison des bois située à
l’écart d’un petit village du Costa Rica.
Connue dans la région pour faire des
miracles, guérir les maladies et savoir parler
aux animaux, Clara ne s’exprime pas comme
tout le monde, et son corps affiche un
certain âge, mais elle semble vivre dans
l’enfance ou dans un temps immémorial.
40. La Colline où rugissent les lionnes
de Luàna Bajrami
Sous forte influence de Sofia Coppola, le premier
long métrage de Luàna Bajrami met en scène une
bande de copines qui sortent des clous pour
prendre leur destin en main.
Quelque part au Kosovo, dans un village isolé, trois
jeunes femmes voient étouffer leurs rêves et leurs
ambitions. Dans leur quête d'indépendance, rien
ne pourra les arrêter : le temps est venu de laisser
rugir les lionnes.
41. Il suffisait de voir Antoneta Alamat Kusijanovic monter sur scène, extrêmement
enceinte et d’un pas très conquérant, pour deviner le genre de caractère qui l’a
conduite à emmener une quinzaine de personnes tourner sous l’eau, par
plusieurs mètres de fond, les plus belles séquences de Murina. Ou encore à
inviter les bonnes fées Martin Scorsese ou Hélène Louvart (directrice photo de
films d’Agnès Varda à se pencher sur le berceau du premier long métrage de la
cinéaste croate, dont celle-ci dit : «Nous y avons mis tout notre cœur, nos larmes,
notre joie et même notre sang.»
Le film se révèle aussi fait de comédiens sublimes, de paysages qui ne le sont pas
moins et de beaucoup de phrases, adages et paraboles, à commencer par la
métaphore que charrie la murène du titre.
Murina Antoneta Alamat Kusijanovic
42. Retour à Reims de Jean-Gabriel Périot
Dans cette œuvre-phare de la
pensée déterministe de Didier
Eribon, le philosophe et sociologue
retraçait son parcours de « transfuge
de classe » en dressant le portrait de
son milieu d’origine (parents et
grands-parents) et, à travers lui, de
la classe ouvrière au XXe siècle.
Lui épargnant les artifices d’une
fiction ripolinée et d’une incarnation
forcément réductrice, Périot retient
du texte quelques passages
marquants, surtout dévolus aux
femmes de sa famille (sa grand-mère
et sa mère) lus par Adèle Haenel et
montés sur des extraits de films,
archives ou émissions télévisées des
années 1930 jusqu’à aujourd’hui.
Images qui ne se contentent pas
d’illustrer le propos, mais lui
donnent matière à infuser, à travers
des corps, des visages, des lieux, des
représentations d’époque qui le
prolongent.
43. « Journal de Tûoa » Miguel Gomes
Voici un des premiers films exploités
qui se veuille un témoignage direct
sur le confinement. Il est signé du
radical et facétieux réalisateur
portugais Miguel Gomes ), associé
en la circonstance à la réalisatrice
Maureen Fazendeiro.
Il prend la forme, tombant sous le
sens, d’un journal du confinement
général portugais instauré en août
2020, en même temps que de la
chronique de son tournage – rien de
tel qu’une petite mise en abyme
alors qu’on se tient au bord du
gouffre.
Pour l’argument, voici donc
quelques amis bloqués dans une
maison de campagne lorsque la
catastrophe survient. Il apparaît bien
vite à la troupe qu’un film doit être
fait sur cette expérience collective
hors du commun.
44. « Hit the Road » de Panah Panahi
Panah Panahi est bien le fils de son
père, le remarquable cinéaste
iranien Jafar Panahi. Trois visages, le
Ballon blanc, le Miroir, le Cercle,
Sang et Or et Taxi Téhéran.
Que des grands films, tous primés
dans les festivals internationaux de
Cannes, Berlin, Venise et Locarno.
Un héritage pesant dont le fils
semble s’accommoder sans
problème. Son premier long
métrage, Hit the Road, a ébloui la
Quinzaine des réalisateurs, en
détournant des ingrédients chers au
cinéma iranien, l’enfance, la voiture
et les grands espaces, pour les
cuisiner à sa sauce au délicieux
humour aigre-doux.
45. Face à la mer Ely Dagher
Tourné au moment des explosions du port
de Beyrouth du 4 août 2020, Face à la mer
raconte l’histoire de Jalna (Manal Issa), une
jeune fille qui a quitté ses parents pour
suivre des études à Paris et qui retourne
soudainement à la capitale libanaise deux
ans après.
Ely Dagher réalise un film au montage
subtil, déstructuré (où la fin ressemble au
début, comme si les scènes avaient été
interverties). Il filme patiemment les
quartiers modernes de Beyrouth, vides et
fantomatiques, où les habitant·e·s survivent
et semblent errer comme des spectres à la
recherche d’un avenir introuvable. Pendant
ce temps-là, la mer les regarde.
Un beau film, travaillé, scandé, qui trouve
légitimement sa place dans la sélection de
la Quinzaine des réalisateurs.
46. Espagne, l'été. Libertad fait
irruption dans la vie de
Nora, 15 ans et bouscule le
calme habituel de ses
vacances en famille. Ces
deux jeunes filles que tout
oppose nouent alors une
amitié profonde qui
marquera leur entrée dans
l'adolescence.
47. Critique
« Merveilleux film sur le passage à
l'adolescence d'une fille de la
bourgeoisie catalane lors d'un été où
apparaît chez eux une jeune
Colombienne, fille de la femme de
ménage.
La protagoniste prend conscience de
ses privilèges sociaux.
Un film très intéressant. »
La script. María Guerra
48. Une jeune fille qui va
bien
Sandrine Kiberlain
Dans « Une jeune fille qui va bien », premier
film réalisé avec grâce, fantaisie et un certain
culot par Sandrine Kiberlain, Rebecca Marder
incarne Irène. Une apprentie comédienne qui
rêve d’entrer au Conservatoire, répète
Marivaux, vit dans une famille aimante.
Mais Irène est juive et nous sommes en 1942.
Une époque dont Sandrine Kiberlain
s’applique à gommer les signes : l’horreur qui
va s’abattre passe d’abord par les dialogues.
Irène ne songe qu’à l’amour, Irène ne songe
qu’au théâtre, mais Irène somatise tout de
même.
Cette merveilleuse Irène happée par la
marche de l’histoire, Rebecca Marder,
26 ans, l’interprète avec une finesse
d’écorchée vive.
49. Petite Nature» de Samuel
Theis.
Voilà l’histoire de Johnny, jeune garçon aux boucles
blondes et à la féminité frêle qui regarde le monde
des adultes dans sa cité HLM de Forbach.
Sa mère se débat dans une vie sentimentale triste
quand son nouveau prof va l’ouvrir à un autre monde.
Forcément passionnant, enivrant. Dangereux aussi.
Pas forcément pour celui que l’on croit.
Ecrit d’une plume emplie d’intelligence et de finesse,
«Petite nature» brasse des thèmes forts. Mais surtout
il ose se détacher du politiquement correct, très en
vogue en ce moment sur cette thématique dans le
cinéma français, pour questionner, déranger.
Tout cela filmé avec tendresse. D’où la force tranquille
d’un film tenu de bout en bout et porté par la
découverte majeure qu’est Allocha Reinert, jeune
garçon absolument prodigieux, émouvant, rebelle.
Une performance ahurissante qui vient porter une
oeuvre aussi simple que percutante.
Petite nature mais grand film.
50. Les amours d'Anaïs de Charline Bourgeois-Tacquet
Anaïs a trente ans et pas assez d’argent.
Elle a un amoureux qu’elle n’est plus sûre
d’aimer. Elle rencontre Daniel, à qui tout
de suite elle plaît. Mais Daniel vit avec
Émilie… qui plaît aussi à Anaïs. C’est
l’histoire d’une jeune femme qui s'agite.
Et c’est aussi l’histoire d’un grand désir.
C’est joyeux et libéré, sexy et
empouvoirant. Une réflexion sur les
émois du coeur comme projection d’un
soi fantasmé et illusoire, servie par deux
comédiennes incandescentes au sommet
de leur sensualité, « C’est bien, tu vas
pouvoir rencontrer des gens intéressants
» lance la mère d’Anaïs à sa fille en
apprenant qu’elle évolue dans le milieu
de l’édition. Et celle-ci de répondre avec
rage : « Je ne veux pas rencontrer des
gens intéressants, je veux moi-même être
quelqu’un d’intéressant ! »
Un film pétillant et solaire qui fait fi des
étiquettes et des cases. Et affirme qu’il
suffit de d’embrasser son désir pour
forcer le destin.
51. « Feathers » reçoit le
Grand Prix de la
Semaine de la critique
Le film de l’Egyptien Omar El Zohairy
s’est révélé le plus déroutant,
sidérant et brillant de la sélection
mettant en compétition des premiers
et deuxièmes longs-métrages.
52. Un monde de Laura Wandel
Dans son premier long présenté à
Un Certain Regard, la réalisatrice
belge raconte le harcèlement
scolaire en filmant à hauteur
d'enfant. Un film impressionnant et
étouffant.
Elle a eu l'envie de placer sa
caméra dans une cour de
récréation. Car elle a eu le
sentiment que c'est le premier lieu
où, dans sa vie, on se retrouve en
contact avec le monde extérieur et
où on fait ses armes pour la suite.
C'est l'apprentissage de
l'intégration à une communauté. Et
les graines qui poussent là, bonnes
ou mauvaises, restent en nous et
influencent nos vies d'adulte.
53. Bonne Mère de Hafsia Herzi
Bonne Mère est le deuxième long de Hafsia Herzi et
l’expérience emmagasinée a d’évidence nourri ce projet. Car la
réalisatrice monte d’un cran à partir d’un scénario plus carré
que Tu mérites un amour, mais toujours traversé par ce qui fait
sa force : sa capacité à laisser la vie envahir l’écran comme si sa
caméra n’existait pas pour ses comédiens.
De bruit, de fureur, de fous rires et de douceur : voilà comment
décrire le cinéma de Hafsia Herzi, qui s’impose comme une
auteure à part entière en seulement deux films.
« Tant que je suis debout, je resterai solide », dit son héroïne.
Un mot qui prend tout son sens pour définir cette mère de
famille nombreuse des quartiers nord de Marseille, femme de
ménage qui veille telle une louve sur une tribu riche en
personnalités tranchantes et amputée momentanément d’un
fils en prison.
Bonne Mère est le portrait de cette résistante qui plie mais ne
rompt pas. Le regard que Hafsia Herzi pose sur elle est
bouleversant d’humanité mais dépourvu d’angélisme. Idem
pour ses autres personnages à qui elle ne passe rien, sans les
juger, et en racontant par un prisme majoritairement féminin
ces quartiers que le cinéma a surtout montrés via des figures
masculines. Son film bouillonne mais se s’agite jamais en vain.
54. « Et il y eut un matin » Eran Kolirin
Il y eut un matin du talentueux cinéaste israélien Eran
Kolirin (La visite de la fanfare), montré dans la section « Un
certain regard » et inspiré par une nouvelle de l’écrivain et
journaliste israélien arabe Sayed Kashua.
Dans son nouveau film, Kolirin met en scène Sami, qui vit à
Jérusalem avec sa compagne et leur fils. Revenu dans son
village natal arabe le temps d’une soirée pour célébrer le
mariage de son frère, Sami se retrouve bloqué sur place le
lendemain matin car l’armée israélienne, pour des raisons
sécuritaires, encercle la bourgade et interdit à ses habitants
le moindre déplacement. Livrés à eux-mêmes, ces derniers
sont pris au piège d’une situation absurde qui révèle les
tempéraments des uns et des autres et, surtout, les
crispations politiques et humaines d’un territoire.
Un caïd local qui profite du désordre ambiant pour
exploiter son prochain, un jeune militaire israélien qui, à la
frontière, joue de la guitare et… de la mitraillette, un
chauffeur de taxi condamné à arpenter quelques rues de
façon dérisoire. Avec ses personnages aux abois et surtout
avec Sami, son héros mélancolique aux prises avec de
sévères conflits intérieurs, Eran Kolirin concocte une tragi-
comédie pertinente qui, sur un ton joyeusement désespéré
et sans didactisme, dresse le portrait d’une communauté
mal-en-point.
Une fiction tout en esbroufe qui manque terriblement de
subtilité, à l’inverse du précieux « Il y eut un matin ».
55. Moneyboys de Yilin Chen Bo
Dans une Chine en voie de modernisation,
le premier beau long métrage de Yilin
Chen Bo narre le quotidien d’un jeune qui
se prostitue pour aider sa famille.
«Mais qui ne se vend pas ?» demande,
bravache, ce jeune et joli garçon, revenu
des harassantes journées sans fin ni soleil
à l’usine, et tenté par les fruits
supposément faciles de la baise tarifée à
laquelle se livrent les autres protagonistes
de Moneyboys : une nouvelle vue en coupe
de la Chine en voie de modernisation
accélérée et violente, dont les mirages et
embardées entraînent les aspirants
travailleurs des campagnes sur la pente de
l’exode rural et ses débouchés de
promotion sociale très incertains.
Et, par-delà le tableau macro brossé en
toile de fond, le beau premier long
métrage de Yilin Chen Bo se présente
comme une peinture au couteau du
complexe réseau d’affects, d’intérêts et
de désirs qui ramifie les relations de Fei, la
vingtaine, prostitué.
56. Freda de Gessica Généus
Grâce à ce film, le Bénin se retrouve
sur la Croisette.
Freda est une coproduction Bénin-
Haïti-France. L'aventure a commencé
en 2018. Le film est d’actualité dans
la mesure où la violence dont il est
question dans cette fiction, palpable
dans la société haïtienne ces
dernières années, a conduit à
l’assassinat du président Jovenel
Moïse. Un événement tragique qui
coïncide avec la sortie du film.
Freda habite avec sa famille dans un
quartier populaire de Port-au-Prince.
Ils survivent grâce à leur petite
boutique de rue. Face à la précarité
et la montée de la violence en Haïti,
chacun se demande s’il faut partir ou
rester. Freda veut croire en l’avenir
de son pays.
57. Jane par Charlotte
Charlotte Gainsbourg a commencé à
filmer sa mère, Jane Birkin, pour la
regarder comme elle ne l'avait jamais
fait. La pudeur de l'une face à l'autre
n'avait jamais permis un tel
rapprochement. Mais par l'entremise
de la caméra, la glace se brise pour
faire émerger un échange inédit, sur
plusieurs années, qui efface peu à peu
les deux artistes et les met à nu dans
une conversation intime inédite et
universelle pour laisser apparaître une
mère face à une fille.
58. “Cahiers noirs”
Shlomit Elkabetz
Dans un taxi parisien, un homme apprend,
par un voyant marocain, que sa sœur est sur
le point de mourir. Pour tenter de déjouer la
prédiction, le frère entreprend alors un
voyage fictif entre le Maroc, Israël et Paris.
À partir d'archives familiales, intimes et
d'extraits de la trilogie écrite et réalisée par
Ronit et Shlomi Elkabetz, Cahiers Noirs :
Viviane et Cahiers Noirs : Ronit nous
immergent dans une histoire imaginaire où
le frère et la sœur revisitent le passé et le
présent pour défier un avenir implacable.
Mais la prophétie plane toujours, dans la vie
comme au cinéma.
59. Il faut pas moins de deux films à Shlomi
Elkabetz pour déplier la fresque écourtée
de son compagnonnage fusionnel avec sa
sœur Ronit Elkabetz, actrice et cinéaste
emportée par un cancer à 51 ans en avril
2016.
A l’entrée et à l’issue des trois heures et
demie de ce récit familial et biographique,
on déambule hagard dans un appartement
parisien démeublé où ils ont vécu plusieurs
années ensemble entre deux allers-retours
en Israël et les tournées internationales
pour présenter leurs films, port d’attache
et d’élection commun, idéalisé dans un
Paris respirant l’air d’une liberté qu’ils ont
conquise par une haute lutte synchrone,
laissant un jour le survivant comme
orphelin, dépossédé.
60. Cette musique ne joue pour
personne est une comédie
franco-belge réalisée par Samuel
Benchetrit.
Dans une ville portuaire du nord
de la France, des habitants isolés
s'habituent peu à peu à la
violence.
Leur quotidien va cependant
être soudainement bouleversée
par l'art et l'amour. Jésus et
Poussin doivent organiser une
fête pour la fille adolescente de
leur patron, qui traine dans des
affaires pas très claires.
De son côté, Jacky, un autre
homme de main, va découvrir le
théâtre auprès d'une femme
dont il tombe amoureux.
Neptune, lui, se met à déclamer
de la poésie
61. Tralala des frères Larrieu
Voilà deux jours que Mathieu Amalric campait un
commissaire amateur de gastronomie d’Ennui-sur-
Blasé pour Wes Anderson. Et ce n’était qu’un tour de
chauffe ! Car, dans la foulée, on le retrouvait
“banjolélé” (mix de banjo et de yukulélé) en
bandoulière dans Tralala des frères Larrieu qu’il
accompagne depuis des années.
En clochard céleste qui part pour Lourdes en quête
d’une jeune femme croisée dans Paris et y trouve une
mère qui croit voir en lui son fils disparu vingt ans
plus tôt, sa fantaisie naturelle et son regard malicieux
donnent le ton de cette comédie musicale dont on
ressort emballé.
Et hier soir, c’est avec la casquette de réalisateur qu’il
présentait Serre moi fort où à partir d’un point de
départ simplissime - une femme part un matin et
laisse derrière elle mari et enfants - il élaborait un
récit d’une puissance scénaristique et visuelle
renversantes. Avec en filigrane cette croyance dans
le pouvoir de la fiction capable de guérir les douleurs
les plus insoutenables.
62. Serre moi fort de Mathieu Amalric
Le film de Mathieu Amalric, agencé
autour du mystère d’un personnage en
fuite, peine à faire poindre l’émotion
malgré un traitement original.
Ça commence plutôt très bien : dans la
campagne française endormie, une
femme (Vicky Krieps, désormais
incontournable) arpente
nerveusement les étages de sa maison
en faisant attention de ne réveiller
personne – charmant mari, mignons
enfants.
Il y a une atmosphère de drame qui
frémit comme le lait sur le feu, une
lumière brumeuse et ouatée, comme
une fin de rêve, le parquet craque dans
le silence, elle griffonne un mot et s’en
va. C’est, hélas, à peu près la seule
scène qui (se) tient dans Serre-moi
fort, c’est-à-dire qui prend le temps
d’agencer ses plans, de construire de la
continuité temporelle et spatiale, de
faire le choix d’un minimum de durée
pour faire exister cette femme sur le
départ.
63. "Belle" de Mamoru Hosodar
«L'animation japonaise a un
problème avec les femmes»,
selon Mamoru Hosoda
L'histoire a pour décor une petite ville rurale
du Japon d'aujourd'hui. Une adolescente
timide et brisée par la mort accidentelle de
sa mère quand elle était petite, Suzu,
s'invente une double vie sur internet où elle
retrouve le goût de chanter et se surprend à
devenir l'égérie musicale de millions de
jeunes gens.
La métamorphose est complète. Suzu
devient Belle et l'uniforme de la petite
collégienne triste laisse place à un look
flamboyant de diva à la voix magnétique
dans ce monde numérique virtuel supporté
par une application ironiquement baptisée
«U», qui signifie «Toi» en anglais alors que le
site propose justement de transformer son
identité.
64.
65. I comete de Pascal Tagnati
Inclassable, le très beau premier film de Pascal
Tagnati nous propose de passer un été en Corse,
dans un village dont les habitants se révèlent les
incroyables acteurs de leur propre vie.
Déposé dans la marge du Festival de Cannes par la
très défricheuse sélection de l’Acid, le premier
film du Corse Pascal Tagnati arbore un titre
international – A Corsican Summer – qui fleure
bon l’apéro au Cap Corse et les plages de rêve.
Mais si le paysage (sublime, tout le film est situé
dans le village de Tolla, lacustre et verdoyant) est
un vrai enjeu, exit le sable chaud, les paillotes et
les touristes.
A la place, on rencontre des enfants mal élevés,
une camgirl à la rivière, une vieille dame
révolutionnaire, un ex-taulard en manque de sexe,
pour ne citer qu’eux.
Et si l’été s’impose comme fil conducteur de la
tension qui monte de la décontraction un brin
neurasthénique de début juillet à la fête de la
Vierge le 15 août, et ses orages, le film a beaucoup
d’ampleur.
66. La cinéaste de 38 ans présente «Soy Libre», documentaire
sur son cadet, un jeune homme à la dérive et assoiffé de
liberté à travers lequel elle se raconte elle-même.
Virtuellement, c’est un double portrait. Laure Portier, 38
ans, autrice du beau documentaire Soy Libre sur son frère,
Arnaud, s’excuse de s’exprimer à sa place, lui qui n’a pas
fait le voyage jusqu’à Cannes. «Pour qu’il accepte d’être
autant filmé, je me suis dit qu’il avait besoin de se raconter.
Peut-être même précisément à ces gens du milieu de la
culture qui, selon moi, lui fait peur. Je pense qu’il craint un
manque de bienveillance.»
Elle vient de sauter du train quelques heures auparavant,
encore groggy, «en état d’observation et aux
aguets» depuis le perchoir du Café des cinéastes de
l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion
(Acid).
Elle a amené avec elle un film de fratrie et de filiation.
Quinze ans d’images, entre 2005 et 2021, mettent en
évidence le lien têtu entre l’aînée cinéaste, qui a un jour
quitté les Deux-Sèvres pour étudier les images à Bruxelles,
et son cadet, décrocheur ayant glissé dans la délinquance.
Soy libre de Laure Portier
67. Marcher sur l'eau d'Aissa
Maïga
Marcher sur l'eau a été tourné dans le nord du
Niger entre 2018 et 2020 et raconte l'histoire du
village de Tatiste, victime du réchauffement
climatique, qui se bat pour avoir accès à l’eau
par la construction d'un forage. Chaque jour,
Houlaye quatorze ans, comme d’autres jeunes
filles, marche des kilomètres pour aller puiser
l'eau, essentielle à la vie du village. Cette tâche
quotidienne les empêche, entre autres, d'être
assidues à l'école.
L'absence d'eau pousse également les adultes à
quitter leur famille chaque année pour aller
chercher au-delà des frontières les ressources
nécessaires à leur survie.
Pourtant, cette région recouvre dans son sous-
sol un lac aquifère de plusieurs milliers de
kilomètres carrés. Sous l’impulsion des
habitants et par l’action de l’ONG Amman
Imman un forage apporterait l’eau tant
convoitée au centre du village et offrirait à tous
une vie meilleure.
68. Bigger than us de Flore Vasseur
Flore Vasseur (qui est avant
tout écrivaine et journaliste) est
la réalisatrice de Bigger than us,
le documentaire de la section
éphémère "Le cinéma pour le
climat".
Cette histoire suit Melati, jeune
indonésienne de 18 ans qui se
bat contre la pollution plastique
de son pays, qui décide d'aller à
la rencontre de d'autres jeunes
qui partagent son combat, à
travers le monde.
Un film qui pourrait ouvrir les
yeux.
69. Louis Garrel est toujours là où l’on ne l’attend
pas ! Avec La Croisade fait partie de la
section éphémère « Le cinéma pour le climat
» du Festival de Cannes, il s’aventure, avec
bonheur, dans le conte écologique, insolent
et juvénile.
Abel (Garrel lui-même) et Marianne (Laetitia
Casta) découvrent que, comme d’autres
enfants à travers le monde qui se sont
donnés pour mission de sauver la planète,
leur fils Joseph (Joseph Engel, déjà à l’affiche
de L’Homme fidèle) a vendu en douce leurs
objets les plus précieux.
Abel et Marianne sont des parents
modernes, compréhensifs, qui veulent bien
faire le tri entre poubelle bleue et verte,
certes, mais tout de même : « Quoi ??? Tu as
vendu toutes mes montres de collection ! »,
hurle papa. « Tu n’as tout de même pas
vendu ma petite robe Dior ??? », se désespère
maman…
La croisade Louis Garrel
70. Aline de Valérie Lemercier
Sous les paillettes, la femme. A
travers ce faux biopic inspiré
de la vraie Céline Dion, Valérie
Lemercier célèbre la chanteuse
ordinaire à la voix spectaculaire
autant qu’elle se raconte, elle,
en fille de la campagne
aimantée par les feux de la
rampe. A cette différence près
que Céline, elle, trouva
l’homme de sa vie et de sa
réussite en René (rebaptisé
Guy-Claude), de 26 ans son
aîné. Dans ce couple hors
norme qu’elle filme
amoureusement (et ce hiatus
entre Céline et elle), Lemercier
trouve le supplément d’âme
d’un drôle de film, où elle joue
Aline dès l’enfance !
71. De son vivant
Emmanuelle Bercot
Un homme condamné trop jeune par
la maladie. La souffrance d’une mère
face à l’inacceptable. Le dévouement
d’un médecin (le docteur SARA dans
son propre rôle) et d’une infirmière
pour les accompagner sur
l’impossible chemin. Une année,
quatre saisons, pour « danser » avec
la maladie, l’apprivoiser, et
comprendre ce que ça signifie :
mourir de son vivant.
72.
73. Queer Palm 20121
Sélection longs-métrages
Les Amours d'Anaïs de Charline Bourgeois-Tacquet France
Benedetta de Paul Verhoeven France
Bruno Reidal de Vincent Le Port France
La Colline où rugissent les lionne (Luaneshat e kodrës) de Luàna Bajrami
France Kosovo
Compartiment n° 6 (Hytti Nro 6) de Juho Kuosmanen Finlande
La Fracture de Catherine Corsini France
Ghost Song de Nicolas Peduzzi France
Great Freedom (Große Freiheit) de Sebastian Meise Autriche
Money Boys de C.B. Yi Autriche
Neptune Frost de Saul Williams et Anisia Uzeyman États-Unis
Les Olympiades de Jacques Audiard France
Petite nature de Samuel Theis France
Retour à Reims (Fragments) de Jean-Gabriel Périot France
Titane de Julia Ducournau France
Tout s'est bien passé de François Ozon France
Vénus sur la rive (Venus by River) de Lin Wang Chine
Women Do Cry (Zhenite plachat) de Mina Mileva et Vesela Kazavoka Bulgarie
74. "La Fracture" de Catherine Corsini reçoit la Queer Palm 2021
"Ce qui me tenait à cœur est de raconter un
couple de femmes d'une cinquantaine
d'années qui a vécu le fait de s'assumer. Dans
le film, l'homosexualité est un sujet et en
même temps n'en est pas un car il est intégré,
en déjouant les préjugés. C'est merveilleux
d'être récompensée pour cela", a confié
Catherine Corsini en recevant son prix.
Le jury de la "Queer Palm" a également
récompensé deux courts métrages dans la
sélection de la Cinéfondation, la pépinière du
Festival de Cannes qui accompagne chaque
année des étudiants d'écoles de cinéma du
monde entier: "La Caida Del Vencejo" de
l'Espagnol Gonzalo Quincoces, qui met en
scène un jeune issu des classes populaires dans
un cadre familial oppressant.
Le second court métrage primé est "Frida" de
l'Allemande Aleksandra Odic qui évoque le
rencontre entre une jeune infirmière et sa
patiente du même âge.