27 janvier 1945 - 65e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz
“Les gens ont été libérés, l’humanité pas” Shimon Peres
Respecter le contrat laïque
L'antisémitisme à gauche
1. La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.
MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.
Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide
N° 272 – Janvier 2010 – 28e ANNÉE
Le mot du Président
CYCLE "ÊTRE
JUIF AU
XXIE
SIÈCLE
?"
2
27 janvier 1945 - 65e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz
“Les gens ont été libérés, l’humanité pas” Shimon Peres
Être juif après Gaza
E. Benbassa 4
Respecter le contrat laïque
R. Azria 4
À LIRE
Les Arabes et la Shoah
L'antisémitisme à gauche
Lumière au quatrième
SOCIÉTÉ
HISTOIRE
Les philosophes français des Lumières
et la question juive [Partie I] F. Mathieu 5
CYCLE "JUIFS
DANS LE MONDE"
L'Angleterre et ses juifs
Mythes et réalités
CULTURE
Résistance
Ent
raid
té
i
e
idar
úol
D. Vidal 3
O. Gebuhrer 6
R. Wlos 6
Monsieur Brice, les patrons
et le racisme
J. Franck 3
Débat en faveur des thèses racistes dénoncé
par le syndicat des journalistes SNJCGT 3
Le “vénérable” Pie XII
PNM 5
JM. Galano 8
Joseph Kosma Itinéraire S. Arfouilloux 7
Invictus de Clint Eastwood et
entretien avec Anne Dissez
L. Laufer 7
Haïti, perle des Caraïbes, île martyre depuis des siècles
Le 12 janvier, PortauPrince subit un séisme de magnitude
sept sur l'échelle de Richter.
Le dernier bilan, provisoire, fait
état* de 75.000 morts, 250.000
blessés et d’un million de sans
abri. La ville n'est que dé
combres. Tout manque : l'eau, la nourriture, les soins.
N'hésitez pas à exprimer votre solidarité en adressant vos
dons au Secours Populaire Français, par virement (CCP
2333 S), en ligne (www.secourspopulaire.fr) ou par chèque
adressé au Secours populaire français Haïti Urgence BP
3303 75123 Paris Cedex 03.
* Source : Direction de la protection civile haïtienne
Agir !
Claudie Bassi-Lederman
A
Le N° 5,50 €
rrêter le massacre. Enrayer la dynami
que d’un système qui engendre la mi
sère, le chômage, la précarité, la détresse
matérielle et morale, qui suscite ou entre
tient l’intolérance, la peur de l’inconnu, la
haine et le racisme. Arrêter de financer des
expéditions militaires destinées à exporter
“la démocratie”.
Que restetil de 2009 ? “La crise plané
taire”, “le réchauffement planétaire” aux
allures de catastrophes naturelles et qui
permettent de passer sous silence les causes
de nos difficultés, à savoir les politiques
décidées au niveau mondial, au niveau de
l’Union européenne et au niveau national,
dans un but de rentabilité et de destruction
des services publics.
Démocratie l’Union Européenne avec 78
millions de pauvres, la France avec 3,7 mil
lions de travailleurs pauvres !
Démocratie lorsque le Pouvoir ne respecte
le suffrage populaire que s’il répond à ses
attentes : voir le Référendum sur la Consti
tution européenne.
Démocratie la Hongrie et les pays Baltes où
la liberté d’opinion autorise la haine raciale !
Démocratie quand, de connivence avec ses
pairs et dans le cadre de l’OTAN, voire de
l’ONU, le chef de l’Etat envoie des troupes
faire la guerre pour apporter aux popula
tions… la démocratie !
2009, dans nos mémoires, cela restera la
guerre de Gaza. Le but avoué était d’écraser
le Hamas, il est toujours présent. Ce ne fut
pas la seule, certes ! Guerre en Afghanistan.
Guerre au Yémen ? Sans parler des guerres
honteuses ici ou là.
Et 2010 ? Les perspectives sont alarmantes.
Poursuite du démantèlement de ce qui reste
du service public. Davantage d’impôts. Da
vantage de chômage. Médicaments plus
chers et moins bien remboursés. Retraites
dévalorisées… Persistance des discrimina
tions qui sapent les fondements de notre
République.
nous d’agir ensemble pour développer
des solidarités, donner vie à l’égalité
et à la citoyenneté, reconnaître les droits de
tous ceux qui résident sur notre sol. La
grève des travailleurs sans papiers a ainsi
été un mouvement de grande portée poli
A
Le 17 janvier 1945, l’Armée rouge a li
béré Varsovie des nazis. Plus de la moi
tié de la population d’avantguerre, esti
mée à 1,3 millions d’habitants était
morte, dont 98% de sa population juive.
La ville n’était plus que décombres.
Anticipant l’avancée de l’Armée rouge,
les SS du camp d’Auschwitz, proche de
Cracovie, procèdent à un dernier appel
et commencent l’évacuation du camp le
18 janvier 1945. Quelques 60.000 dépor
tés ont entrepris ainsi les dramatiques
marches de la mort.
Quand le 27 janvier, les soviétiques li
bèrent Auschwitz, ils découvrent 7.000
êtres humains à demimorts. Ils ont aus
si découvert 350.000 costumes d’hom
mes, 837.000 vêtements de femmes. Et
8.000 kilos de cheveux humains.
Traduit de Jewdays (jewishcurrents.org) par N.Mokobodzki
tique, en soi et par le soutien et la solidarité
d’une part importante de la population. De
puis toujours, les employeurs sont friands de
cette maind’œuvre étrangère, corvéable à
merci car soustraite au Droit du travail et
qu’on peut désigner à la vindicte.
A nous d’agir, parce que nous avons besoin
d’un enseignement et d’une recherche de
qualité, de bons médecins, de bons hôpi
taux, de logements décents, de justice et
non de guerres.
Agir aussi avec un bulletin de vote, même
si les gouvernements découpent sans arrêt
la carte électorale. Les voix, ça se compte.
Et plus nous serons nombreux à faire savoir
au Président de la République que ses choix
ne nous conviennent pas, plus il sera obligé
d’en tenir compte.
On peut tout changer. Les exemples ne
manquent pas, en Amérique latine, aux
EtatsUnis.
Bien des gens de par le monde agissent
avec intelligence, cœur et opiniâtreté pour
construire une démocratie participative.
2. 2
Le mot du Président
’année 2009 a été
marquée par des évé
nements d’importance
sur lesquels il est bon de
jeter un regard rétrospectif afin d’en
tirer les leçons et d'agir pour que
2010 soit meilleure.
2009 est caractérisée par la crise is
sue de l’éclatement d’une “bulle”
spéculative en 2008. Cette crise si
gnifie pour la plus grande partie de
la population : détérioration du pou
voir d’achat, chômage et aggravation
des conditions de vie. On en pré
voyait la sortie pour 2010, laquelle
est, à ce jour, encore en attente.
La crise trouve son origine dans un
système économique dont le seul
moteur est l’intérêt privé et le profit
financier. Ce moteur est malade : il
ne permet plus le développement
économique et social. Cela explique
en grande partie l’échec de la confé
rence de Copenhague à imposer le
respect de l’environnement.
Les différents plans de relance
adoptés ici ou là dans le monde sont
d’une efficacité douteuse car ils ne
s’attaquent pas à la racine du mal : le
profit.
Ainsi voiton en ce début 2010, la
bulle financière éclatée en 2008 se
reformer, entraînant un nouveau
risque de krach. Mais les
conséquences de cette crise sont en
core aggravées par la politique sar
kozyste : recul des aides sociales,
coupes claires dans les services pu
blics.
Sur le plan international, chacun a en
tête l’attaque israélienne de Gaza, le
très lourd bilan de celleci en vic
times palestiniennes et le blocus qui
s'en est suivi, empêchant la répara
tion des dégâts causés par Tsahal
tandis que le conflit n’a toujours pas
trouvé d’issue pacifique depuis plus
de 60 ans, faute de volonté politique
israélienne.
De plus, l’OTAN continue d’inter
venir en Afghanistan tandis que la si
tuation iranienne est plus que préoc
cupante. Certains pensaient, comme
le jury Nobel, que l’élection de Ba
rack Obama était une promesse de
paix. A cet espoir correspond à ce
jour une grave déception.
Dans ces deux domaines, seul l’en
gagement des peuples pour affirmer
leur désir de changement et de paix
peut apporter une amélioration.
Il faut un fort mouvement social
pour enrayer la crise et préparer
l’avenir.
Il faut un engagement de la société
civile mondiale pour imposer un
nouvel ordre international basé sur
des relations pacifiques.
Exprimer ces souhaits, c’est déjà for
muler les meilleurs vœux possibles
pour l’année 2010, que je voudrais
heureuse pour chacun de nos lec
teurs.
Jacques Lewkowicz
président de l'UJRE
Hommage à “Jacques Sylvère” - rédacteur de la Pnh
Marcel Cerf nous a quittés. Il avait te
nu la page historique dans la PNH, dont
cette année ouvre le 45e anniversaire.
L’UJRE se devait d’être présente à ses
obsèques. Viceprésident de la Société
des amis de la Commune de Pa
ris–1871, il était passionnément curieux
de tout, ouvert à tout ; ses yeux pé
tillaient de bonté, d’amour, de tolé
rance. Quand nous lui avions demandé
d’écrire quelques lignes sur l’époque de
la Naïe Presse, il avait, deux se
maines avant sa mort, écrit ces mots qui
témoignent de la fraîcheur, de la jeu
nesse d’esprit d’un homme qui n’était
plus que souffrance :
“Chroniqueur historique à la Presse
Nouvelle, version française de la Naïe
Presse, j'ai pris le pseudonyme de
Jacques Sylvère. A la Presse Nouvelle,
j'ai pu apprécier les grandes qualités
rédactionnelles du rédacteur en chef.
Ce fin lettré était très estimé de tous
ses collaborateurs. C'était un homme
affable et courtois. Il avait une haute
conception de la justice. Loyal et bon, il
savait, néanmoins, prendre des déci
sions énergiques quand les cir
constances l'exigeaient. IL était, par
ailleurs, polyglotte et érudit.
En 1977, j'ai été missionné par le jour
nal pour me rendre en Israël afin de
rendre compte de la Conférence inter
nationale pour la paix. Coïncidence ex
ceptionnelle, au même moment, Anouar
elSadate se proposait de négocier avec
l'Etat hébreu dans le respect du droit
des Palestiniens. Il a effectué un voyage
historique en Israël. Ma mission de
correspondant pour la PNH a pris une
tout autre dimension. Dans l'avion, j'ai
rencontré MendèsFrance qui s'était dé
placé pour la circonstance.”
La souffrance devenant intenable, il
n'en put écrire davantage, nous laissant
sur notre faim. Nous aurons l’occasion
de revenir sur cette grande figure infini
ment fraternelle. Qu’il suffise de dire
qu’à l’issue de la cérémonie, l’as
sistance chanta en chœur et à pleins
poumons Le temps des cerises. Une
forme de communion, rare dans un ci
metière,
qui nous unit tous dans
l’amour de l’humanité et de la dignité
humaine qui marque l’esprit de la
Commune. Jusqu’au bout, Marcel aura
eu l’art de partager, de donner...
pour l'UJRE,
N. Mokobodzki
P.N.M. Janvier 2010
Carnet
Claudine,
sa fille
Cypora et Grégory,
ses petitsenfants,
Adam,
son arrièrepetitfils
Toute sa famille,
Tous ses amis,
font part avec infiniment de chagrin
du décès de
Marcel CERF
Historien de la
Commune de Paris–1871
survenu le 1er janvier 2010
dans sa 99e année
Claudine CERF
Cypora et Grégory GUTIERREZ
A l erte à l ’ ant i s émi t i s me
e t au x menées fas ci stes en H ongri e !
Communiqué : L’UJRE proclame sa solidarité avec Vilmös Hanti, président de l’As
sociation antifasciste hongroise MEASZ association de résistants et antifascistes
hongrois. Le site d’extrême droite “HUNHIR”, tenu par des membres de la “Garde
Hongroise”, officiellement interdite, dénonce “les juifs traîtres à la patrie, les suc
cesseurs des terroristes” et déclare qu’il faudra, quant à Hanti, “le pendre par les
poignets et allumer le feu en dessous pour que la graisse tombe goutte à goutte”. Ce
la fait quelque temps que des amis hongrois nous faisaient part d’une inquiétante
montée de l’antisémitisme orchestrée par l’extrême droite. Nous n’avons pu vérifier
si M. Hanti est juif ou non. En tout état de cause, notre solidarité antifasciste lui est
acquise. UJRE, Paris, le 30 décembre 2009
Courrier des lecteurs - Vous réagissez ?
G. Jamet (Paris) : Chers amis, tout
d'abord mes vœux de santé, paix et
bonheur à tous. L'année commençante
l'a été sous de bons augures car le nu
méro 271 de la PNM m'en rend la lec
ture toujours plus indispensable et
revigorante. (…) À propos de l'encart
sur Pie XII (… voici un) courriel d'An
nie LacroixRiz, professeure d'histoire
à Paris 7, auteure entre autres, de Vati
can,l'Europe et le Reich (…) Son site
apporte des preuves à l'ignominie de
Pie XII "le pape d'Hitler". (…) Jean
Paul II n'en sort pas non plus indemne.
Petit bémol, la critique cinématogra
phique de Laura Laufer est bien sévère
pour le cinéma de la cuvée 2009 tout en
louant Vincere qui pour moi a deux dé
faut majeurs parce que lourds de retom
bées : le pathos qui empêche toute
réflexion, et la psychologisation des
chefs fascistes, très tendance dans
l'histoire aujourd'hui, qui permet d'éli
miner toute référence au système politi
coéconomique qui en a permis – et la
permet toujours l'éclosion et le "nous
ne savions pas". A ce propos, c'est ou
blier le film de la Palestinienne certes
sorti fin 2008 Le sel de la mer de An
nemarie Jacir et des films français
comme Welcome, Walter, Retour en ré
sistance, et celui que les médias et les
grands distributeurs ont vite mis au re
but : A l'origine de Xavier Giannoli.
L'intervention sur A2 de François Clu
zet en faveur de Salah Hamouri y se
raitelle pour quelque chose, sachant
que l'Union des patrons juifs (!) vient
d'honorer B. Hortefeux pour ses com
bats contre l'antisémitisme ? Ah,
comme notre rédactrice, j'ai omis L'ar
mée du crime... Bien fidèlement.
Alice Gibard (St. Pierre de Chandieu) : Bien que mes courriers n'aient jamais
été publiés, et l'on peut se demander pourquoi, peutêtre parce qu'ils ne vous
conviennent pas idéologiquement, je persiste cependant puisque vous sollicitez
des témoignages sur l'identité juive, ou ce que signifie être juif pour chacun.
[… suit le témoignage ...] Espérant que ces quelques lignes aideront à animer un dé
bat, qui hélas n'en finit pas ! Amicalement tout de même.
Chère amie, l'équipe de “bénévolesintermittents” de notre association et de la
rédaction de notre journal est parfois débordée de travail, c'est notre seule ex
cuse – mauvaise, nous en sommes conscients – pour ne pas vous avoir répondu.
Cette équipe est néanmoins fière de poursuivre la publication de la Pnm et d'œu
vrer à la création du prochain Espace de Mémoire dédié aux résistants juifs de
la M.o.i. Sur le “cycle opinions” évoqué, s'il est vrai que notre programmation
initiale 2009/2010 prévoyait de publier l'avis d'un certain nombre de “personna
lités”, et pourquoi pas, la tenue d'un colloque, notre programme est adaptable et
vous nous rappelez fort justement que la parole appartient autant à nos lec
teurs... Nous reportons donc la publication intégrale de votre contribution à un
numéro à paraître d'ici fin juin, et consacré au débat alimenté par nos lecteurs ;
en vous remerciant d'avance de votre compréhension. La question est : "Être juif
au XXIe siècle". Des candidats à la réponse ? A vos plumes !
Pnm
Souscription* n° 51 - du 15/12/09 au15/01/10
Vos dons permettent à l'UJRE de se maintenir au 14 rue de Paradis (loyer mensuel : 1300 €), de
poursuivre la publication de la Presse Nouvelle Magazine et d'accueillir nos associations amies :
Théâtre Abi Gezint, Choeur Golgevit, Mémoire des Résistants Juifs de la MOI, Amis de la CCE,
Jeunes Juifs Laïques. Grand merci !!!
Jacques Lewkowicz
président de l’UJRE
Nom
Montant
Nom
Montant
Total
770
(*) sauf mention explicite (adhésion, réabonnement ou don), les règlements reçus sont imputés en
priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don. Pour rappel, 66% des montants d’adhésion à
l’UJRE et des dons sont déductibles des revenus déclarables. Nous prions les abonnés à la PNM de
bien vouloir renouveler spontanément leur abonnement, pour nous épargner des frais de relance.
Votre PNM vous en remercie d’avance.
3. P.N.M. Janvier 2010
À lire
Billet d'humeur
“Les Arabes
et la Shoah”
N
ew York, le 29 novembre 1947 :
l’Assemblée générale des Na
tions unies décide de partager
la Palestine en un Etat juif, un Etat
arabe et une zone internationale
pour Jérusalem et les Lieux
saints. Mais le monde arabe re
fuse cette décision. Pourquoi,
demandetil, le génocide des
Juifs, perpétré en Europe par les
nazis avec la complicité de nom
breux gouvernements, devraitil
être “réparé” aux dépens des
Palestiniens, qui n’en portent aucune
responsabilité ?
A cette question, les propagandistes is
raéliens répondent de longue date en
excipant le personnage de Hadj Amine
alHusseini. Issu d’une des deux
grandes familles palestiniennes, nommé
Grand Mufti par la puissance manda
taire britannique, il se retournera contre
son “parrain” au point de passer le gros
de la Seconde Guerre mondiale à Rome
et Berlin. Dans les Balkans, il ira jus
qu’à créer une Légion SS musulmane.
Francolibanais, professeur à la Sc
hool of Oriental and African Studies de
l'Université de Londres, Gilbert Achcar,
Magazine Progressiste Juif
édité par l'U.J.R.E
N° de commission paritaire 0614 G 89897
Directeur de la publication
Jacques LEWKOWICZ
Administrateur
Sylvain Goldstein
Rédacteur en chef
Roland Wlos
Conseil de rédaction
Claudie BassiLederman, Jacques Dimet,
Jeannette GaliliLafon, Patrick Kamenka,
Nicole Mokobodzki
Secrétaire de rédaction
Gestion des abonnements
Raymonde Staroswiecki
Rédaction – Administration
14, rue de Paradis
75010 PARI S
Tel : 01 47 70 62 16
Fax : 01 45 23 00 96
Courriel : lujre@orange.fr
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postale, date de naissance, mèl et téléphone
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Nom et Prénom .........................
Adresse .....................................
Téléphone .................................
Courriel .....................................
3
Monsieur Brice, les patrons
et le racisme
dans son dernier livre, Les Arabes et la
Shoah. La guerre israéloarabe des
récits*, éclaire cette triste destinée sans
rien en dissimuler : ni le degré de la
collaboration du Mufti avec Mus
solini et Hitler, qui l’amènera à
approuver le judéocide ; ni le peu
de Palestiniens enrôlés sous le
drapeau nazi, quelques dizaines
contre 9.000 engagés dans l’ar
mée britannique ; ni, audelà, le
caractère marginal de ce choix
dans le mouvement national pa
lestinien et arabe.
Mais Achcar va plus loin : des années
1930 au début du XXIe siècle, il cerne
de plus près qu’on ne l’avait jamais fait
l’attitude des Arabes face au nazisme.
Impossible de résumer ici, en quelques
lignes, les quelques cinq cents pages de
cette démonstration argumentée et do
cumentée.
Comme dans le cas du Mufti, l’auteur
montre comment, avantguerre, la lo
gique selon laquelle “l’ennemi de mon
ennemi est mon ami**” poussa une
frange du mouvement national à recher
cher le soutien des dictatures ; et, après
guerre, comment la disparition de la Pa
lestine et l’expulsion de 900 000 des
siens, puis le conflit israéloarabe qui
s’ensuivit amena certains dirigeants
arabes à relativiser l’ampleur du judéo
cide, voire à accueillir – comme les
EtatsUnis d’ailleurs d’anciens nazis.
Pour autant, démontretil, le négation
nisme, proprement dit, ne s’est pas en
raciné dans des opinions qui n’ont
jamais eu de sympathie pour le na
zisme.
Voici une dizaine d’années, le grand
intellectuel américanopalestinien Ed
ward Saïd écrivait*** : “La thèse selon
laquelle l’Holocauste ne serait qu’une
fabrication des sionistes circule ici et là
de manière inacceptable. Pourquoi at
tendonsnous du monde entier qu’il
prenne conscience de nos souffrances
en tant qu’Arabes si nous ne sommes
pas en mesure de prendre conscience de
celles des autres, quand bien même il
s’agit de nos oppresseurs, et si nous
nous révélons incapables de traiter avec
les faits dès lors qu’ils dérangent la vi
sion simpliste d’intellectuels bienpen
sants qui refusent de voir le lien qui
existe entre l’Holocauste et Israël ? ”
Dominique Vidal
* Gilbert Achcar, Les Arabes et la Shoah. La
guerre israéloarabe des récits, Sindbad
Actes Sud, Arles, 2009, 528 p., 26 €.
** N’oublions pas que l’Organisation sio
niste mondiale conclut avec le gouverne
ment nazi, dès août 1933, l’accord dit de la
Haavara, grâce auquel plusieurs dizaines
de milliers de juifs allemands purent ga
gner la Palestine avec une partie de leur
capital, sous forme d’exportations du
Reich. Pis : fin 1940, le Lehi d’Itzhak Sha
mir dit aussi groupe Stern, issu d’une
scission de l’Irgoun fondée par Zeev Jabo
tinsky avait adressé au Reich une lettre
lui proposant une alliance stratégique. Mais
nul, à l’époque, n’imaginait la Shoah…
*** Le Monde diplomatique, août 1998.
Monsieur Brice est ministre de l'Inté
rieur. L'Union des Patrons Juifs de
France (UPJF) l'a honoré récemment
d'une distinction, reconnaissant dans
cet humaniste un pourfendeur du ra
cisme et de l'antisémitisme. On ne peut
qu'applaudir. Je m'autorise toutefois
quelques bémols dans l'admiration :
Un comparse du chanoine Nicolas, le
maître de tous les Français, ne peut
rien refuser au patronat, quelle que soit
sa forme.
L'UPJF n'est pas un syndicat mais un or
ganisme de combat raciste, prenant
pour cible tout ce qui est arabe et pa
lestinien. Les opposants à Netanya
hou, les partisans de la paix au
ProcheOrient, les musulmans de
toutes obédiences sont des antisémites,
les immigrés, les progressistes sont des
LE SNJ-CGT
antisémites. Monsieur Brice est contre
cet "antisémitisme" là.
Il est aussi contre le racisme antimu
sulman. La preuve : lors de l'Universi
té d'été de son parti (l'UMP), il a serré
la main d'un jeune arabe. En ajoutant
finement : "Un, ça va. Les problèmes
arrivent quand ils sont nombreux".
Joignant le geste à la parole, lorsqu'il
était ministre de l'Immigration, il se
plaisait à faire du chiffre en expulsant
beaucoup de "ces genslà". Je note que
son successeur, Monsieur Éric le sur
passe.
Buvant le calice jusqu'à la lie, j'ai
consulté le site de l'Union des Patrons
Juifs. Le style et le fond m'ont, à
quelques mots près, ramené en 1942,
au sortir de l'adolescence. C'est vrai
ment la lie.
Jacques Franck
Société
COMMUNIQUE
Le Syndicat National des Journalistes CGT dénonce un débat
en faveur des thèses racistes sur France Télévisions
La direction de France Télévisions a décidé de s’inscrire dans l’infâme débat sur
l’identité nationale en donnant la parole jeudi 14 janvier sur France 2 au ministre
des expulsions Eric Besson face à Marine Le Pen, représentante de l’extrême
droite.
Il est totalement inadmissible pour le SNJCGT qu’un tel spectacle ait lieu sur les
antennes du service public qui, comme on le voit déjà dans le cadre de ce débat,
servira encore mieux à flatter les mauvais instincts, à stigmatiser l’autre, à dé
noncer l’étranger et faire le lit des thèses racistes et xénophobes que soutient de
puis toujours le FN.
Les journalistes de France Télévisions et des autres medias ne seront pas les
fairevaloir d’un débat aux relents nationalistes, islamophobes et démagogiques
voulus par le gouvernement FillonSarkozy à la veille des régionales. Tout cela
n’est pas sans remettre au goût du jour les veilles formules haineuses de "la
France aux Français"
Fautil rappeler que le racisme n’est pas une opinion mais un délit ?
Le SNJCGT appelle à ce que ce débat, indigne du pays des droits de l’Homme,
soit déprogrammé.
Nous appelons les autres syndicats, la profession à se joindre à notre demande
de retrait de ce débat.
TOUS ENSEMBLE FAISONS ÉCHEC À LA BANALISATION DES IDÉES RACISTES, ANTI
SÉMITES ET XÉNOPHOBES. FAISONS ÉCHEC À UNE ÉMISSION, VÉRITABLE INSULTE AU
PEUPLE FRANÇAIS.
Montreuil, le 13 janvier 2010
Assemblée
Générale
Menschel
et Romanska
Du 1er au 21 février, la pièce du
dramaturge israélien, Hanokh Levin
(19431999) explore ce “terrible
paradoxe : comme elle est grande, la
petitesse humaine” !
Menschel et Romanska, qui se savent
être le destin l’un de l’autre, ne s’y
résignent pas. L’énergie qu’ils ne met
tent pas à transcender leur condition
d’insecte humain, ils la dilapident en
de vaines mesquineries...
Mise en scène : Olivier Balazuc
Interprétation : Daniel Kenigsberg
Horaires : du 1er au 5 février, du 11 au
13, du 18 au 20 à 21h, les dimanche 7,
14 et 21 à 17h 30.
Théâtre de la Vieille Grille
1, rue du Puitsdel'Ermite 75005 Paris
Information : 08 99 65 13 55 (N° 899)
Merci à tous les adhérents
de l'UJRE de prendre note de notre pro
chaine assemblée générale, le
Samedi 27 mars 2010
Partie privée
réservée aux adhérents à jour de leur cotisation
15:00 Rapport moral, rapport financier,
vote des orientations, divers.
Partie artistique - publique et gratuite
Invitez largement, famille et amis !
17:00 Extraits du spectacle Dona, Dona
par Claude Liberman et ses musiciens
[ klezmer & yiddish chanté en français ]
suivi du traditionnel pot de l'amitié
4. 4
C
Cycle opinions : être Juif au XXIeme siècle
Respecter le
contrat laïque
Être juif
après Gaza
omment être juif aujourd’hui
après Gaza ? Je me pose cette
question non seulement en
tant que Juive vivant en diaspora,
mais aussi comme une fille d’Israël,
qui a grandi dans ce pays et qui a dé
jà assisté à d’autres exactions graves
à l’endroit des Palestiniens.
Cette question aurait certes pu être
posée en maintes autres circon
stances. Mais peutêtre aujourd’hui
plus que jamais, devant le monde qui
a vu défiler les images d’horreur des
offensives israéliennes contre Gaza,
devant l’immense empathie ressentie
face aux destructions et au meurtre
de centaines de civils palestiniens,
700 au moins sur les 1400 tués, face
aux privations, aux humiliations et
aux mauvais traitements infligés par
une armée pourtant présentée par son
ministre de la Défense,
l’extravailliste Ehud Ba
rak, comme l’armée la
plus morale du monde,
peutêtre aujourd’hui, plus
que jamais, garder le si
lence reviendrait à accep
ter l’inacceptable.
Les Juifs qui ont subi per
sécutions, pogromes et
plus tard, pendant la Se
conde Guerre mondiale,
anéantissement, ont le devoir de se
poser tous les jours cette question
s’ils souhaitent encore regarder ceux
qui les entourent droit dans les yeux,
sans avoir honte.
Être juif n’est pas seulement adhérer
à une foi, observer une pratique,
mais avant tout, surtout dans un
monde largement sécularisé, assumer
une position éthique, qui rend co
responsable de tout acte, non seule
ment venant de soi, mais aussi
d’Israël comme Etat, tant le judaïsme
d’aujourd’hui ne se conçoit plus sans
l’attachement à ce pays.
L’Holocauste et Israël sont les deux
marqueurs identitaires de la plupart
des Juifs de diaspora et pour cette
raison, ceuxci ont le devoir de criti
quer Israël et la manière dont il a
mené cette guerre inhumaine contre
Gaza.
Le soutien à Israël ne peut qu’être
exigeant, pour que ce pays continue
à exister. Cette exigence n’a rien à
voir avec un soutien inconditionnel
du Hamas ou du terrorisme.
C’est avec la même intransigeance
éthique qu’il convient d’inciter les
forces politiques palestiniennes, y
compris le Hamas, à continuer de
demander, avec force et conviction,
et aussi bonne volonté, la création
d’un Etat palestinien indépendant
dans les frontières de 1967. La sur
vie d’Israël luimême en dépend.
C’est à la diaspora juive de deman
der aux Etats dont ils sont les ci
toyens, surtout en Europe, de sortir
de la pesante culpabilité qui les
écrase en raison de l’Holocauste et
de regarder avec plus de clair
voyance du côté palestinien.
Il ne sert à rien d’enterrer le rapport
de Richard Goldstone, devenu traître
au judaïsme parce qu’il a dénoncé ce
qui s’est passé pendant les offensives
contre Gaza, y compris les crimes de
guerre. Le même rapport ne
condamnetil pas aussi, pour crimes
de guerre, le Hamas, qui n’a cessé
d’envoyer ses roquettes vers le sud
d’Israël, mettant en danger la vie de
civils innocents ?
Israël a perdu pour la première fois
la guerre des médias. C’est mainte
nant qu’il est urgent de revenir aux
fondements de l’éthique
juive, sauf à accepter un
regain croissant d’anti
sémitisme.
Si Israël représentait hier
la sécurité pour ceux qui
avaient vécu la catastro
phe des années noires de
guerre, et pour leurs des
cendants, aujourd’hui le
tabou de l’Holocauste a
sauté (et ce, depuis la se
conde Intifada) et rien n’arrêtera la
vague antisémite qui gonfle si Israël
continue dans la voie de l’inhumanité.
Israël est en grande partie res
ponsable de la montée d’un nouvel
antisémitisme. Celuici est certes in
tolérable et rien ne le justifie. Mais le
fait est qu’il se confond avec la cri
tique virulente des dérives inaccep
tables de cet Etat, mettant dans le
même sac Israéliens et Juifs. Et si Is
raël souhaite encore compter avec
l’aide et le soutien de la diaspora
juive, il est temps qu’il change son
mode d’action. L’amour aveugle des
Juifs pour un Israël devenu autiste
pourrait bien faiblir face au rejet
dont ils sont la cible aujourd’hui
dans les pays dont ils sont citoyens à
part entière.
Être juif, c’est avant tout avoir ce re
gard porté sur soi et sur autrui pour
établir invariablement la balance
entre soi et le monde. Le nationa
lisme effréné est son ennemi mortel,
l’universalisme son salut.
Esther Benbassa
31/12/2009
www.estherbenbassa.net
NDLR Esther Benbassa est Directrice
d’Etudes à l’École Pratique des Hautes
études (Sorbonne, Paris), spécialiste
d’histoire des juifs et d’histoire contempo
raine, intellectuelle publique. Elle vient de
publier Etre juif après Gaza (Paris, CNRS
Éditions, 2009), 4 €.
P.N.M. Janvier 2010
Régine Azria est sociologue, chercheuse au Centre d'études interdisciplinaires des
faits religieux (CEIFR) de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Existetil à vos yeux une communau
té juive de France?
e récuse le terme de communauté
juive. C’est un déni des acquis de
la Révolution française. L’existence
des institutions communautaires est
autre chose. Elles sont d’ailleurs di
verses, elles n’ont pas les mêmes
fonctions et les mêmes orientations
idéologiques. Beaucoup de juifs en
France ne se reconnaissent pas dans
le terme de communauté juive,
même si l’on peut affirmer qu’il y a
consensus, par exemple, contre
l’antisémitisme.
Cette notion de communauté est une
notion piège. Ceci est le résultat
d’ailleurs de la séparation en France
de l’Église et de l’Etat, de la laïcité.
Pour autant il n'est pas question de
nier la réalité d'un judaïsme organisé
en France.
Peuton parler de retour du phéno
mène religieux parmi les juifs de
France ?
’est un phénomène qui est lié à
l’histoire du judaïsme en France
marqué, notamment après la guerre
d’Algérie, par la montée du ju
daïsme traditionnel venant des juifs
d’Afrique du Nord, qui avaient une
pratique
plus
culturelle
que
cultuelle. Il est clair que certains
quartiers des grandes villes ont été
marqués par ce phénomène avec la
réapparition et la visibilité d’une vie
juive collective.
Ce genre de pratique avait connu un
net recul après la guerre, d'une part
parce que les juifs pratiquants parmi
les juifs ashkénazes (boutiquiers,
tailleurs etc.) étaient très minori
taires et d'autre part, parce que leurs
pratiques étaient davantage tournées
vers le politique.
L’arrivée des juifs d’Afrique du
Nord a redonné vie à un nouveau
type de “rue juive”, avec une volon
té d’être plus visible. Ceci s’ex
plique aussi par le travail effectué
par les loubavitch auprès des séfa
rades et notamment auprès des
jeunes.
Il faut aussi prendre en compte
l’élection en 1981 du rabbin Sirat
puis celle du rabbin Sitruk. On est
ainsi passé d'un Consistoire relative
ment modéré religieusement et con
sensuel, au rigorisme. Ce change
ment de cap a été marqué également
par l'ouverture d’écoles juives ultra
religieuses, venant en parallèle de la
crise de l’école publique et de la mul
tiplication des incidents intercom
munautaires dans les quartiers
“sensibles” de plusieurs villes.
J
C
La prise de conscience identitaire au
sein de la population juive de France
s’est faite progressivement et a
commencé par rapport à Israël. Le
besoin de se montrer juif à l'exté
rieur, dans la rue, éventuellement en
mettant une kippa, la volonté d’af
ficher son identité notamment après
la Guerre des Six jours, alors qu’au
paravant la pratique était plutôt : juif
chez soi, citoyen au dehors.
Y atil dans le phénomène reli
gieux une recherche d'idéal en rai
son de la perte des valeurs dans les
sociétés modernes ?
D
evant la crise des valeurs, il est
sûr qu’il y a recherche de certi
tudes, d’encadrement. La crise des
grandes idéologies a créé un vide.
Le fait que les mariages entre juifs
et non juifs soient monnaie courante
plaide pour une ouverture, une sécu
larisation. C’est un signe important.
L’image de la Nation et de la laïcité
a changé en France depuis la grande
vague de 68 qui a provoqué un
télescopage dans la société en heur
tant le concept de la “nation, une et
indivisible”.
La société française s’est découverte
plurielle, phénomène auquel elle
n’était pas préparée.
Ces changements vont de pair avec
l’attachement des juifs français à
l'égard d'Israël. L'image de ce pays a
changé : on est passé de l’idée de re
fuge contre l’antisémitisme après la
deuxième guerre mondiale, à Israël,
terre de la promesse messianique.
En France, on peut pratiquer sa reli
gion comme on le veut et c’est plus
facile pour un juif que pour un mu
sulman. Il n’est pas dangereux de se
dire juif en France.
Il y a d’ailleurs de plus en plus
d’écoles religieuses confessionnelles
et de ce qu’on appelle au Canada les
“accommodements
raisonnables”
pour garantir aux élèves et étudiants
juifs pratiquants, le respect du shab
bat ou de kippour. Le Consistoire
négocie par exemple avec l’Educa
tion Nationale pour éviter de fixer
les examens lors des fêtes juives.
La République et la laïcité, contrai
rement aux idées reçues, ne sont pas
menacées par ces pratiques, pour au
tant que les “pratiquants” respectent
de leur côté le contrat laïque.
Régine Azria
Propos recueillis par
Patrick Kamenka
* Régine Azria, Le Judaïsme, La Découverte,
Coll. Repères, Paris, 2003, 128 p., 9,50 €
5. Histoire
P.N.M. Janvier 2010
5
Les philosophes français des Lumières et la question juive
De l’antijudaïsme au décret de la Constituante qui accorde aux Juifs la citoyenneté
Ie partie
A
lors qu’au XVIIe siècle
l’Église avait réussi à
contenir et brider le mouve
ment humaniste du XVIe, le XVIIIe
se caractérise par une détestation de
la religiosité qui avait prévalu au
siècle précédent. Pour combattre
l’Église et, plus généralement le
christianisme, on attaque les livres
auxquels celuici se réfère, notam
ment l’Ancien Testament, d’où un
antijudaïsme qui est en contradiction
avec l’esprit de tolérance professé et,
dans une certaine mesure, avec les
légers progrès accomplis dans le
traitement politique réservé à la
communauté juive essentiellement
localisée en Alsace, en Avignon et à
Bordeaux.
François Marie Arouet, dit Voltaire (16941778)
Voltaire, philosophe anticlérical, est
le tenant d’un antijudaïsme qui en
tend démasquer la Bible pour saper
les fondements de l’Église. La Bible
est pour lui un tissu de plagiats :
“Les Juifs firent […] de l’histoire et
de la fable ancienne ce que les fri
piers font de leurs vieux habits ; ils
les retournent et les vendent comme
neufs le plus chèrement qu’ils
peuvent.”
Il se régale ainsi, avec l’ironie qu’on
lui connaît, d’une liste d’emprunts
aux Phéniciens, aux Égyptiens, aux
Chaldéens, à la mythologie grecque,
entre autres. Dire que la Bible est le
point de rencontre de toutes les my
thologies, c’était pour Voltaire lui
ôter ses origines divines, son statut
de livre saint. Par ailleurs, Voltaire
voue aux Juifs une hostilité qui se
traduit par la reprise de clichés, cari
catures et accusations en vigueur de
puis le Moyen Âge. Il explique, par
exemple, les métiers ambulants que
doivent pratiquer certains Juifs
comme une persistance de “leur va
gabondage dans le désert”. Et accu
mule les qualifications les plus
outrancières : la nation juive est “la
plus détestable qui ait jamais souillé
la terre”, “une horde de voleurs et
d’usuriers” ; mais concède tout de
même qu’au moins, ils n’ont pas été
anthropophages : “C’eut été la seule
chose qui eut manqué au peuple de
Dieu pour être le plus abominable de
la terre”.
Voltaire, antisémite ?
Tout de même non, car il se disculpe
en dressant un tableau des sévices
que le monde chrétien a fait subir
aux Juifs : “Ma tendresse pour vous
n’a plus qu’un mot à vous dire. Nous
vous avons pendus entre deux chiens
pendant des siècles ; nous vous
avons arraché les dents pour vous
forcer à nous donner votre argent ;
nous vous avons chassés plusieurs
fois par avarice, et nous vous avons
rappelés par avance et par bêtise ;
nous vous faisons payer encore dans
plus d’une ville la liberté de respirer
l’air ; nous vous avons sacrifiés à
Dieu dans plus d’un royaume ; nous
vous avons brûlés en holocaustes :
car je ne veux pas, à votre exemple,
dissimuler que nous ayons offert à
Dieu des sacrifices de sang humain.”
On a cherché à expliquer la partialité
de celui qui reste le pourfendeur du
fanatisme, de celui pour qui la
“philosophie” doit favoriser l’esprit
de tolérance. Il faut peutêtre remon
ter, pour cela aux années 17501753
que Voltaire passe à la cour de Frédé
ric II à Berlin et Potsdam. Voltaire
qui accumule une fortune colossale
en spéculant sur l’approvisionnement
des armées eut une histoire fraudu
leuse d’achat et de vente de titres
confiés à un banquier juif, Hirschel.
Un procès entre les deux hommes
s’ensuivit. L’affaire étant plus qu’em
brouillée, les juges prussiens impo
sèrent un accord que Voltaire
n’accepta pas. Celuici falsifia des do
cuments et cria haut et fort qu’il
avait été trompé, ce qui mit Frédéric
II, sourcilleux en matière de (sa)
justice, dans une telle colère qu’il
écrivit en français une comédie versi
fiée, Le Procès de Tantalus, pastiche
du procès Voltaire Hirschel où l’un
était dépeint comme un gredin et
l’autre comme une fripouille.
L’Esprit des lois, œuvre majeure de
Montesquieu après Les Lettres per
sanes, dont certaines idées, telle la sé
paration des pouvoirs, seront reprises
dans les constitutions américaine et
française, est un texte fondateur des
principes de tolérance, qui contient
une idée nouvelle, révolutionnaire : il
convient de ne pas juger les Juifs,
mais de se juger par les Juifs. À l’en
contre du scepticisme de nombre de
ses contemporains, il ne considère
pas les religions comme des va
riantes d’une même erreur fon
damentale, mais, examinant cellesci
en tant qu’institutions, il leur recon
naît l’utilité d’un appareil idéolo
gique structurant, car “on tient
beaucoup aux choses dont on est
continuellement occupé.”
Le judaïsme cultive, selon lui, les
deux caractères essentiels d’une reli
gion : un culte riche et un fonds éle
vé. On peut faire changer de religion
un “peuple barbare” en raison de la
superficialité de celleci ; en re
vanche, la religion juive est trop
forte, trop distincte des autres, pour
qu’on puisse obtenir des conversions
faciles : même éloigné par les per
sécutions de sa pratique religieuse
originelle – Montesquieu pense aux
“Nouveaux Chrétiens” – un Juif lui
reste lié. Cette distinction, la religion
hébraïque la doit, pensetil, au fait
qu’elle est première, fondatrice :
“La religion juive est un vieux tronc
qui a produit deux branches qui ont
couvert toute la terre, je veux dire le
Mahométisme et le Christianisme ;
ou plutôt c’est une mère qui a engen
dré deux filles qui l’ont accablée de
mille plaies : car, en fait de religion,
les plus proches sont les plus
grandes ennemies. Mais, quelques
mauvais traitements qu’elle en ait
reçus, elle ne laisse pas de se glori
fier de les avoir mises au monde ;
elle se sert de l’une et de l’autre
pour embrasser le monde entier, tan
dis que d’un autre côté sa vieillesse
vénérable embrasse tous les temps.”
Lors, Montesquieu dénonce à
maintes reprises les exactions com
mises par les Chrétiens à l’endroit
des Juifs. Entre autres : “Ce qui se
passa en Angleterre donnera une
idée de ce qu’on fit dans d’autres
pays. Le roi Jean ayant fait empri
sonner les Juifs pour avoir leur bien,
il y en eut peu qui n’eussent au
moins quelque œil crevé. Ce roi fai
sait ainsi sa chambre de justice. Un
d’eux, à qui on arracha sept dents,
une chaque jour, donna dix mille
marcs d’argent à la huitième. Henri
III tira d’Aaron, juif d’York, quatorze
mille marcs d’argent, et dix mille
pour la reine. Dans ces tempslà, on
faisait violemment ce qu’on fait au
jourd’hui en Pologne avec quelque
mesure. Les rois ne pouvant fouiller
dans la bourse de leurs sujets, à
cause de leurs privilèges, mettaient à
la torture les Juifs, qu’on ne regar
dait pas comme citoyens.” [ à suivre ]
François Mathieu
CharlesLouis de Secondat, baron de La Brède et
de Montesquieu, dit Montesquieu (16891755)
Le “vénérable”
Pie XII
Lu
sur le
site du
Crif
“
Le B'nai B'rith a décidé de mener
une action contre le projet de béatifi
cation de Pie XII. Le BBF* a écrit au
Nonce Apostolique de France, rédigé
un communiqué de presse et lancé la
pétition ci–dessous : Contre la béatifi
cation de Pie XII Le B'nai B'rith, Or
ganisation non gouvernementale juive,
humaniste et pluraliste, a pris con
naissance de la signature, le 19
décembre par le Pape Benoît XVI, du
décret déclarant Pie XII, Pape de 1939
à 1958, “vénérable” compte tenu de
“ses vertus héroïques” en vue de sa
béatification. Il est avéré historique
ment qu'à l'époque dramatique où le
peuple juif subissait la barbarie nazie,
le Pape Pie XII, autorité suprême de la
chrétienté a, par son silence et sa pas
sivité apparente à l'égard de ce drame,
laissé implicitement mais en pleine
conscience s'accomplir les crimes na
zis. Nous demandons d'attendre jusqu'à
ce que l'ouverture des archives du Va
tican ait pu faire la lumière sur l'atti
tude de Pie XII avant d'envisager sa
béatification. Le B'nai B'rith appelle à
signer cette pétition : http://contrela
beatificationdepiexii.bbpetition.org
* BBF : B'naï B'rith de France
N
”
ous avons publié dans la PNM de
décembre le communiqué de
l'Ujre exprimant, face à la procédure
de béatification du pape Pie XII,
colère et indignation, les archives du
Vatican concernant cette période étant
toujours fermées... La béatification de
ce “vénérable serviteur de Dieu” se
rait d'autant plus contestable qu'à son
attitude envers les juifs, il faut ajouter
la passivité dont il a fait preuve et les
liens qu'il a entretenus avec le pou
voir nazi. Fautil rappeler qu'il a
confié au futur Paul VI le soin d'or
ganiser la “filière des rats”, grâce à
quoi nombre de criminels de guerre
nazis sont allés reprendre du service
en Amérique latine ?
Pnm
6. 6
Culture
Poi nt
d e vue
vu
P.N.M. Janvier 2010
à propos du livre
“L’ ant i s é mi t i s me à ga u ch e ”
de Michel Dreyfus
Ce qui suit est le condensé d’une critique beaucoup plus complète qu’on trouvera sur le site de l'UJRE (rubrique PNM). Nous prions l’auteur de l’ouvrage et nos lecteurs
ayant accès à Internet de se référer au texte complet. [Pour les autres, texte adressé à la demande ]
L
e livre dont il s’agit est écrit
par une plume clairement de
gauche. On devrait louer l’au
teur de traiter d’une question sem
blable aujourd’hui, aussi douloureuse
qu’elle soit : tout doit être ouvert,
l’élan d’une gauche nouvelle est à ce
prix. L’auteur met l’eau à la bouche en
citant les hallucinants anathèmes pro
férés lors de la dernière assemblée du
Crif par son Président dont l’Histoire
a déjà oublié le nom. On s’attend ainsi
à un travail majeur.
Or sa lecture m’a plongé dans un
malaise croissant et la brièveté rela
tive de cette chronique ne traitera que
de ce qui l’a provoqué. L’auteur de
ces lignes a parfaitement conscience
du biais qu’il introduit, ce faisant .
L’ouvrage est celui d’un historien.
Toute prétention à le critiquer sur sa
méthodologie devrait être de ma part
a priori exclue. On ne peut cependant
s’interdire l’observation suivante : les
références sont nombreuses, étayées ;
mais la règle change relativement au
Pcf. Pourquoi cette exception ? Là, les
citations, références sont (trop) rare
ment de première main ; l’auteur ne
s’estil pas posé la question de l’alté
ration que cela pouvait introduire dans
son étude ?
Trois remarques ici :
Le rapport à Marx du mouvement
ouvrier français est étrangement étu
dié. L’auteur y fait certes de nom
breuses références. Il s’arrête
longuement sur un écrit du jeune
Marx , “A propos de la question jui
ve”. Que cet écrit fasse partie du sujet
est hors de doute. Estil possible avec
les yeux d’aujourd’hui de faire cette
lecture avec “attention et probité”
comme le dit l’auteur qui cite Robert
Mandrou ? Or la question est dans le
fait que la démarche de Marx telle
qu’elle s’affirmera année après année
consiste à nourrir une conception phi
losophique et politique des connais
sances scientifiques les plus avancées
de son temps : l’antisémitisme ne peut
trouver place dans ce discours. D’où
vient alors qu’en lisant le livre, on
puisse avoir le sentiment que chez
l’auteur subsiste un doute ? Il se
contente d’apporter des regards
contradictoires au sujet d’un antisémi
tisme possible chez Marx.
Seul comme parti politique, le Pcf
se porta à la tête du combat sans
merci contre le fascisme, seul
comme Parti, il dénonça Munich.
Il commit d’autres actes significatifs
avant que ne soit signé le Pacte germa
nosoviétique dont
Michel Dreyfus ou
blie de préciser qu’il
fut précédé d’une
conférence militaire
tripartite entre le
RoyaumeUni,
la
France et l’URSS, con
férence qui avorta par
la faute exclusive de
la France et de la Grande–Bretagne.
Si l’on parle du Pacte, alors il faut tout
dire : ou bien la question de l’anti
sémitisme est traitée en l'isolant de
l’ensemble des questions politiques
centrales qui déterminent le sort de la
civilisation humaine ; ou bien l'on re
fuse cette problématique qui expose à
une étude complètement biaisée .
Et c’est bien là le problème que Mi
chel Dreyfus ne résout pas. Le Pcf se
posa ces questions à n’en pas douter.
On ne pourrait comprendre qu’il ait
créé la MOE, plus tard la MOI, et à
l’intérieur d’icelle une section juive,
s’il ne s’y était pas confronté, même
de façon partielle et très insatisfai
sante. Pour Michel Dreyfus, la créa
tion de ces organes reste une énigme.
Son traitement de l’UJRE est parfaite
ment méprisant, sans aucune ombre
de justification.
Il ne semble pas mesurer la psycholo
gie des acteurs de l’époque. Ces im
migrés juifs, la plupart pauvres, issus
de l’Est européen où la seule perspec
tive consistait à finir éventuellement
pendus à un croc de boucher,
n’avaient qu’une envie : en finir avec
une identité qui les condamnait au
mieux aux ghettos dont ils fuyaient
l’étouffement. Ils cherchaient de l’air
et le trouvèrent en France, mais seule
ment au sein du mouvement démocra
tique, spécifiquement au Pcf auquel ils
donnèrent nombre de dirigeants à tous
niveaux.
Mais il faut aller au bout : page 213,
l’auteur cite Georges Marchais dans
l’Humanité assorti d’un commentaire
de Cohn Bendit. L’auteur dit à ce su
jet que le mouvement étudiant sera
“scandalisé par ce propos”.
De quel “propos” s’agitil ? De celui
que CohnBendit prête à “l’intention
supposée” de G Marchais, du “pro
pos” que G Marchais n’a jamais te
nu ? Et quel “épisode” ne sera jamais
oublié sinon celui d’une parfaite
manipulation ? Aucun parti sinon le
Pcf ne se sera vu traîné ainsi dans la
boue pour antisémitisme. Il est vrai
que les autres sont blancs comme
neige à cet égard ; ce n’est pas ce que
dit Michel Dreyfus. Mais alors pour
quoi cette piqûre de rappel ?
Troisième remarque et conclusion :
Michel Dreyfus répète à de nom
breuses reprises que les “dérapages
communistes” ne font pas doctrine.
C'est à son honneur. Il est douteux
qu’il ait réalisé que l’antisémitisme est
un corps étranger absolument à tout ce
pour quoi le Pcf se bat ; corps étran
ger au marxisme, corps étranger à
TOUS les écrits de Lénine sans excep
tion, corps étranger à tout ce que de
vrait être une pensée de gauche. Par
contre, Michel Dreyfus le note de
temps à autre, l’antisémitisme est un
courant de droite et d’extrême droite.
Toutefois ce constat est insuffisant. La
lutte à mort contre le judéobolché
visme est l’un des éléments centraux
du nazisme et cela ne se trouve nulle
part dans le livre de Michel Dreyfus.
Sans doute, le Pcf n’en prit pas
conscience comme il eût été indispen
sable, ni n’en prit conscience à temps.
Malgré ses faiblesses ici soulignées, le
livre de Michel Dreyfus, s’il manque le
coche d’une réplique sans appel au
président du Crif, est un avertissement.
L’auteur de cette critique en est con
vaincu : il ne s’agit pas de voir que le
ventre est fécond ; le fait que l’anti
sémitisme soit étranger absolument à
tout ce que représente le Pcf est main
tenant une question qu’il ne peut plus
considérer comme allant de soi.
Olivier Gebuhrer
Critique d'
* Michel Dreyfus, L'antisémtisme à gauche
Histoire d'un paradoxe de 1830 à nos jours,
La Découverte, coll. Sciences Humaines, Pa
ris, 348 p., 23 €.
“Lumière au quatrième ”
de Rosette Alezard
N
otre amie Rosette Alezard a publié récemment un livre émouvant : “Lu
mière au quatrième”. Au fil des pages, elle égrène les souvenirs de ce
qu’elle a vécu. Comme beaucoup d’autres enfants juifs dans les années
40 le feront sans doute, j’y ai trouvé beaucoup de similitudes avec ce que j’ai
vécu moimême. En particulier durant ces années où nous devions nous cacher
pour échapper au destin tragique promis par l’occupant nazi et ses complices vi
chystes. Les épisodes qui relatent cette période sont d’autant plus mémorables
qu’ils nous montrent comment la mobilisation des habitants d’un village a parti
cipé au quotidien à cette action de solidarité.
L’action de ces femmes et de ces hommes qui n’ont pas ménagé leur peine en
s’engageant comme ils l’ont fait pour sauver des juifs et, audelà des résistants,
des communistes… constitue une facette importante de la Résistance bien sou
vent sousestimée et non prise en compte comme telle. Ce qu’ils ont fait avec
modestie et en dépit des risques encourus, ils l’ont fait par bonté et générosité.
Bien souvent, c’était le fait de gens simples qui, aux heures les plus noires, ont
courageusement relevé le défi de l’humanisme contre la barbarie. En sauvant ne
seraitce qu'une vie, ils ont du même coup sauvé l’honneur de leur pays aux
antipodes de l’action et du débat sur l’identité nationale, initiés par le tandem
Eric Besson et Nicolas Sarkozy qui, eux, déshonorent notre pays, notamment,
mais pas seulement, lorsqu’ils renvoient des Afghans dans leur pays en guerre.
Ce que l’auteure raconte, non sans humour et en restituant ses réflexions en
fantines sur ce que fut la vie avant les années terribles, en dit long sur son vécu
quotidien et celui de sa famille.
Ce qui frappe au travers des séquences qui forment son récit, c’est que les diffi
cultés dues à la pauvreté, les privations, la promiscuité… n’ont jamais altéré leur
sens de la dignité ni l’espoir qui n’a jamais cessé de les habiter, grâce à quoi ils
ont toujours été partie prenante de la vie sociale et culturelle.
De retour à Paris, Rosette retrouve son quartier populaire du 11ème et les rap
ports conviviaux de ses habitants et voisins ; la joie des retrouvailles n’estom
pant pas le vide laissé par les êtres chers qui ne sont pas revenus.
Sans grandiloquence et avec beaucoup de délicatesse, Rosette nous livre un té
moignage original en nous relatant le sort d'une jeune française juive com
muniste. Témoignage particulièrement bienvenu en ces temps où le pouvoir
cherche à nous opposer les uns aux autres pour mieux déconstruire tout ce qui
fonde la raison d’espérer.
Rosette a eu l’heureuse idée de joindre le texte autobiographique que sa mère
Chaja écrivit en 1963 et qui donne à voir la situation des juifs
dans cette Pologne d’hier que d’aucuns appellent le yiddishland.
Le livre refermé, l’on a envie de dire : “Merci, Rosette, pour ton
livre, véritable témoignage vrai et sincère d’un monde dont les
tares, sont, sous d’autres formes, restées fondamentalement les
mêmes et qu’il nous faudra bien changer”.
Roland Wlos
* Rosette Alezard, Lumière au quatrième, suivi de La petite ouvrière de Var
sovie par Rosette Alezard – Chaja Zilbertin, Publibook, 2009, 175 p., 20 €
7. P.N.M. Janvier 2010
Invictus
Jo s eph Ko s ma
l'itinéraire d’un musicien engagé
T
rait d’union entre Miles Davis Cannes pour Juliette ou La Clé des
et Bertolt Brecht, entre la mu Songes de Marcel Carné.
sique savante et les traditions La collaboration avec les poètes lui
populaires, la musique de Joseph vaut un succès durable : Desnos,
Kosma, juif hongrois né en 1905 à Aragon, Queneau… Prévert publie
Budapest, imprime une marque du son recueil poétique Paroles en
rable autant dans la chanson que 1946. Le succès de ce volume est
dans la musique de cinéma, pour les immense. Kosma met en musique un
quelles il saura inventer des formes grand nombre de textes, dont cer
nouvelles. Mais le com
tains font ainsi le tour
positeur des Feuilles
du monde Barbara,
mortes est aussi un mu
Chanson des escar
sicien classique.
gots qui vont à l’en
terrement, En sortant
Au conservatoire de
de l’école…
Budapest,
qui
lui
délivre son diplôme de
Les témoignages sur
composition et de di
le musicien le pré
rection d’orchestre en
sentent comme un
1926, Kosma croise Bé
bourreau de travail.
la Bartók. Il est ensuite Joseph Kosma (19051969)
Luimême
raconte
de passage à Berlin
qu’il composait au
dans les années 1930 en tant que piano des jours entiers sans bouger.
chef d’orchestre assistant de l’Opéra Son œuvre s’illustre aussi par des
National, après un départ forcé de la pièces classiques, parmi lesquelles
Hongrie. Grâce aux contacts qu’il de la musique de chambre : Trois
noue avec Bertolt Brecht et Hanns mouvements pour flûte et piano, Duo
Eisler, à sa formation classique se pour contrebasse et piano.
superpose le goût pour une musique Il aborde la création lyrique avec des
empruntant aux chansons leur légè œuvres qui célèbrent des luttes so
reté et leur ancrage dans vie, en ciales, comme la Ballade de celui
même temps qu’un engagement aux qui chanta dans les supplices, sur un
côtés du peuple.
texte d’Aragon dédié à Gabriel Péri.
Mais l’Allemagne vit ses dernières Sa passion pour le chant choral
heures de liberté. En 1933, fuyant les trouve à s’exprimer dans la chro
persécutions des juifs, des artistes et nique en sept tableaux de la Com
créateurs, de tous ceux qui ne se mune de Paris : À l’assaut du ciel, en
ralliaient pas à l’idéologie et l’esthé 1951, une fresque musicale sur des
tique nazies, il émigre en France.
textes d’Henri Bassis, pour la cho
Kosma s’associe alors à un groupe rale populaire Guy Môquet.
de jeunes gens menant une vie liber Fort de cette expérience, il décide de
taire, parmi eux JeanLouis Bar composer un opéra sur les Canuts de
rault, Jacques Prévert, Robert Lyon, tisserands en soie qui furent
Desnos, Darius Milhaud et Arthur vainqueurs des forces de l’ordre et
Honegger.
maîtres de la ville en 1831, avec sur
Exilé, Kosma est contraint de gagner leurs drapeaux la fière devise :
sa vie immédiatement. Il le fait sans “Vivre en travaillant…”. Sur un li
trahir ni la poésie ni la musique, vret de Jacques Gaucheron, cet ora
avec des chansons et des musiques torio est créé à Berlin en 1959.
de film. Prévert le présente à Jean Un Amour électronique, opérabouffe
Renoir et une collaboration s’établit en un acte écrit spécialement pour les
avec d’abord Le Crime de M. Lange Jeunesses musicales de France, fait
en 1935, puis La Grande Illusion, La l’objet d’une tournée dès 1960. Joué à
Bête humaine, La Règle du Jeu.
Budapest en 1963, il dénonce lui aus
Kosma sait poser son style, dans le si les hommes réduits à l’état de ma
quel la musique participe à la chine. Les Hussards, en 1969, année
construction d’un univers en même de sa mort, poursuivent son renouvel
temps que la lumière, les décors et la lement du genre de l’opéra.
photographie. Grâce à la protection Musique authentiquement populaire,
de Prévert, il continue à travailler l’œuvre de Kosma amorce une récon
dans la clandestinité pendant la ciliation avec la composition clas
guerre, écrivant notamment la mu sique contemporaine. Avec Prévert,
sique des Visiteurs du soir en 1942. Kosma a donné des ailes mélodiques
L’abondance des musiques de film à la poésie, Schubert n’en avaitil pas
réalisées après guerre est impression fait autant en son temps ?
nante, il remporte en 1951 le prix de
la meilleure partition musicale à
Sébastien Arfouilloux
7
de
Clint Eastwood
Culture
L
a libération il y aura bientôt vingt ans de Nelson Man
dela, leader du Congrès National Africain (ANC),
après vingtsept ans de prison et son élection en 1994 à la
tête de l’Etat sudafricain marquent de manière irréver
sible la fin du régime raciste, le terrible Apartheid.
Quelques mois plus tard, l’historique victoire des Spring
boks, équipe de rugby adorée des Blancs et haïe des Noirs,
lors de la coupe du monde de rugby, fut un des symboles
de La Naissance de cette nation.
C’est ce qu’a parfaitement compris Clint Eastwood. Ni hagiographie, ni bio
graphie, Eastwood se concentre sur son sujet : montrer comment Mandela,
arrivé à la Présidence, profitera de l’occasion que lui offre ce match pour
lancer sa politique de réconciliation.
Eastwood est ici porté par sa foi en une action et des personnages qui
d’ailleurs le méritent : ténacité et courage pour Mandela et Pienaar, capitaine
des Boks, incarnés par les excellents Morgan Freeman et Matt Damon.
Et le film, dès l’ouverture, annonce la couleur : les Noirs jouent au football
sur un terrain de fortune quand de l’autre côté de la route, les Blancs jouent
au rugby sur un terrain entretenu et parfaitement protégé.
Ce qui s’oppose ici, marche par deux : Noirs Blancs, Mandela Pienaar ;
football rugby ; garde rapprochée noire de Mandela et blancs nervis des an
ciens services spéciaux. Au début, chacun joue séparé. Au final, tous
marchent ensemble. Ce qui compte en sport comme en politique, c’est de
faire équipe. Le tout est d’y croire.
Comme ses personnages, le film avance, sincère, vrai, émouvant et malgré
les raccourcis inévitables dans une fiction de deux heures, plutôt bien docu
menté. Eastwood a visé l’essentiel en un tir juste. Droit au but !
Laura Laufer
Entretien* avec
Anne Dissez
Que pensezvous du film ?
Eastwood a bien compris le contexte où la très grande majorité des Blancs avaient
une trouille bleue, comme lors du départ des colons d’Algérie en 1962. En réalité,
le contexte international était différent et c’était mal connaître le peuple et toutes
les négociations qui avaient eu lieu avant entre l’ANC et les différents pays comme
les EtatsUnis, la GrandeBretagne... Les pays occidentaux exigeaient qu’il n’y ait
pas de procès de Nuremberg ou de règlements de compte. Même en Afrique du
Sud, aujourd’hui, on magnifie les luttes des townships et on passe sous silence le
rôle de la pression internationale sur le régime.
Le portrait qu’Eastwood fait de Mandela, que j’ai rencontré professionnellement,
est très juste. Cet homme qui est le père de la nation, à l’humanité visible, est en
même temps un homme de parti respectant les décisions de l’ANC.
Quand la Coupe du Monde de rugby en 1995 a commencé, avec la volonté politi
que de Mandela d’admettre l’équipe, plus les Springboks gagnaient, plus les Noirs
s’y intéressaient. Au moment de cette finale, on avait l’impression que les oiseaux
s’étaient tus. Il y avait un silence ! Je vais à Soweto, la ville était un désert. Quand
il y a eu le coup de sifflet final, ça n’a été qu’une immense clameur dans toute
l’Afrique du Sud !
Le plus important a été la Commission
Vérité et Réconciliation, fruit d’une né Qui est Anne Dissez ?
gociation entre les divers mouvements Ancienne animatrice d'un
sudafricains ainsi qu'avec certains pays Mouvement AntiApartheid
étrangers.
en France, dans les années
La commission a effacé beaucoup de 1980. Journaliste pour RFI deux ans en
traces, ou élucidé des actes du passé. Algérie qu'elle a dû quitter menacée
Desmond Tutu a mené ça, leur deman par les islamistes.
dant de dire pardon, et traduit au tribu Grand reporter en Afrique du Sud, elle
nal des gens de l’extrême droite et des a écrit dans de nombreux journaux
services spéciaux ou même des gens de (l'Humanité sous un pseudonyme, La
l’ANC.
Croix, Le Monde, Marianne) et parlé
La lutte a été tellement dure en 1985 sur de nombreuses antennes (France
1986. Il fallait conquérir le terrain. Ça Info, France Inter, France Culture,
s’est fait à la serpe et c’était une vraie RFI, A2, FR3...)
guerre.
Elle écrit toujours dans Le Monde
La réconciliation ne peut être qu’un diplomatique et vit en France depuis sa
processus à long terme et doit passer par retraite prise il y a cinq ans. Elle se
des choix sociaux. Propos recueillis par rend encore en Afrique Australe et est
Laura Laufer régulièrement invitée en Afrique du
Sud où elle séjourne au moins deux
* Extraits Version intégrale de l'entretien mois par an.
disponible sur le site : www.lauralaufer.com
8. 8
Cycle “Juifs dans le monde”
P.N.M. Janvier 2010
L’Angleterre et ses juifs - Mythes et réalités
P
as de pogromes en Angleterre, tales cependant : la première est que de développement économique et d’en
pas d’Affaire Dreyfus non plus. l’accès (graduel) aux droits et libertés richissement matériel. Le respect de
Pas de controverses majeures, et publics se fera, dans ce pays où les ré ces grandes familles juives, en général
dès le XIXe siècle un premier mi volutions sociales ne furent jamais à d’origine portugaise ou italienne, les
nistre, Disraeli, qui se réclamera tou l’ordre du jour, au profit d’une élite Aguilar, Pereira, Ricardo, Montefiore,
jours avec ostentation de ses riche et conservatrice (sur les six pre Marks (l’enseigne Marks & Spencer
origines… De grandes familles cé miers députés juifs à la Chambre des est restée l’enseigne juive par excel
lèbres et respectées, le plaidoyer poi communes, cinq étaient conservateurs, lence), Saphir, Lindsay, etc., distingue
gnant du pourtant détestable Shylock trois étaient de la famille Rothschild) ; d’abord de grandes réussites économi
dans Le Marchand de Venise, l’accueil la deuxième est que, une fois acquis, ques.
fait dès le XVIIIe siècle à tant de réfu ces droits et ces libertés ne seront Pour résumer, on peut dire que le Shy
giés venus d’Europe centrale : l’An jamais remis en cause.
lock de Shakespeare, méchant et mal
gleterre n’auraitelle pas constitué On a invoqué, pour expliquer le “philo heureux, symbolisait encore le juif
pour les juifs un havre de paix, une sémitisme” anglais, un certain paral médiéval, acteur économique mineur.
terre d’exception ? La réalité est autre lélisme entre deux cultures religieuses Le juif non plus redouté mais écouté,
ment plus contradictoire et plus nourries de références constantes à décideur politique et stimulant cultu
sombre.
l’Ancien Testament,
entre
des rel, incarné par la puissante figure de
Il est bon de commencer par une bana structures familiales et sociales valori Disraeli, apparaît en contrepoint d’une
lité de géopolitique : insulaire, à sant le passé et la tradition, un intérêt réussite économique, intellectuelle et
l’écart des grandes invasions et des partagé pour le commerce… Ces argu politique nationale dont il est le sym
grands courants migratoires qui ont fa ments sont ambigus car, à supposer bole et même l’incarnation.
çonné le reste de l’Europe, longtemps qu’ils soient fondés, ils pouvaient tout Certes, les sentiments troubles à
orientée en priorité vers ses propres aussi bien expliquer une concurrence, l’égard des juifs, mélange d’angoisse,
frontières intérieures (Écosse, Irlande, et s’agissant du commerce, les adver de cruauté et de séduction, ont existé
Pays de Galles) et vers la viabilisation saires de la réadmission des juifs ne en GrandeBretagne comme ailleurs :
dans la douleur d’un système politique s’étaient pas fait faute,
en témoigne toute une
original (Grande Charte, guerre des nous l’avons vu, de les
littérature populaire,
Deux Roses, “Glorious Revolu employer. Il semble
certains personnages
tion”…)*, la GrandeBretagne a été, plus raisonnable de
des romans de Di
depuis l’accomplissement de son uni penser que la disper
ckens ou de Walter
té, un pays où les décisions politiques sion même des juifs,
Scott. Ainsi dans Oli
ont toujours été commandées par des liée à leur fort senti
ver Twist, le célèbre
préoccupations économiques, et parti ment identitaire, ait été
Fagin, personnage si
culièrement commerciales. Le “prag perçue comme un atout
nistre des basfonds
matisme”, “l’empirisme”, voire le “li potentiel, pouvant faci
londoniens qui oblige
béralisme”
qui
sont
souvent liter l’accès des capi
une bande d’orphelins
revendiqués par les Anglais comme taux britanniques à des
à commettre toutes
leur marque de fabrique, expriment marchés difficilement Un prêteur juif anglais
sortes de petits délits
dans l’ordre des idées cette subordina accessibles, et tout par
qui conduiront nombre
tion des principes aux calculs d’inté ticulièrement à ce MoyenOrient, d’entre eux à la pendaison**. Mais ces
rêts. Que la GrandeBretagne ait été plaque tournante à michemin des sentiments n’ont jamais eu d’expres
par ailleurs un pays fortement Indes, où dès le XVIIe siècle les mi sion politique, à la différence de la
christianisé n’a rien changé à cette su lieux d’affaires étaient conscients France ou de l’Allemagne, si l’on ex
bordination : l’anglicanisme, imbriqué qu’une partie décisive allait se jouer. cepte peutêtre le début des années
dans les autres structures étatiques, a Les Anglais avaient compris très tôt 1930, où la crise économique de 1929
que la religion est un vecteur et ses terribles répercussions sociales
été un instrument au service
du commerce ; et tout un ont pu alimenter un temps les thèses ra
d’un consensus national fa
pan de leur pratique poli cistes et fascistes d’Oswald Mosley,
vorable aux intérêts d’une
tique, extérieure comme personnage complexe passé du conser
opulente gentry.
institutionnelle, dérive de cet vatisme traditionnel au travaillisme,
Les juifs sont arrivés en An
axiome.
puis fondateur, sous les auspices de
gleterre avec Guillaume le
e siècle,
C’est pourquoi il ne faut Mussolini, de la British Union of Fas
Conquérant. Au XII
peutêtre pas se hâter de cists qui fustigeait à la fois le “capita
ils sont expulsés en tant
mettre au compte de “l’ex lisme juif”, l’immigration et le
qu’éléments allogènes.
centricité anglaise” l’accepta mouvement ouvrier et qui organisa
Quand, en 1655, Cromwell
tion par les élites dirigeantes sous le nom de “chemises noires”, un
convoque à Whitehall une
des stupéfiantes professions important réseau paramilitaire directe
conférence pour décider de Benjamin Disraeli
de foi philosémites de Dis ment copié sur le modèle italien. Tenta
leur réadmission, le débat,
(18041881)
raeli, futur premier ministre tive éphémère au demeurant, parce que
derrière un assaut de ré
férences bibliques, voit s’opposer deux conservateur, qui, converti par son les cercles dirigeants, abrités de toute
conceptions antagoniques de l’écono père à l’anglicanisme, n’en professait menace révolutionnaire, élaboraient dé
mie : les antijuifs plaident pour le pas moins en termes péremptoires la jà la politique procheorientale qui al
maintien d’un statu quo dans les “supériorité des sémites” sur les lait aboutir à la déclaration Balfour et à
échanges et voient dans le dynamisme “Francs au nez plat”. Loin d’être des la création d’un home juif en Palestine
économique des juifs un facteur de dé provocations gratuites, ces propos susceptible d’asseoir, au détriment no
stabilisation, alors que les autres ap avaient pour fonction, et ont eu pour ef tamment de la France, le poids des inté
pellent de leurs vœux la libéralisation fet, d’agir à la façon d’un aiguillon sur rêts britanniques dans cette région du
des échanges, la concurrence et l’ou un capitalisme auquel il s’agissait d’in monde.
suffler en permanence hardiesse et es Voilà ce que recouvre en fait le “philo
verture à de nouveaux marchés.
sémitisme” anglais. Une contre
Réinstallés dans la société britannique, prit de conquête.
les juifs connaîtront une émancipation L’apport idéologique et culturel des épreuve nous en est fournie par le com
politique parallèle à celle des juifs de juifs a été valorisé dans l’exacte me portement des divers gouvernements
France. Avec deux différences capi sure où il se doublait d’une promesse britanniques après l’accession de Hit
ler au pouvoir.
Défiants à l’é
gard d’une nou
velle vague d’
immigration jui
ve venue de l’Est
et qui, comme en
France, était es
sentiellement
Arthur James Balfour
une immigration
(18481930)
ouvrière où se
trouvaient beaucoup d’éléments politi
sés et combatifs, soucieux au moins
dans un premier temps de ménager le
nazisme, ils fermèrent les frontières
aux réfugiés juifs venus d’Allemagne,
sans s’opposer toutefois à l’adoption
de leurs enfants par les familles an
glaises qui en feraient la demande.
C’est ainsi que des centaines de fa
milles furent séparées, les parents res
tés en Allemagne ayant fait, en toute
connaissance de cause, le choix de
sauver la vie de leurs enfants.
J.M. Galano
* NDLR Magna Carta : Grande Charte des
libertés (1215) - Guerre des Deux Roses :
14251455) - Glorious Revolution (1688)
: Guillaume d’Orange chasse le roi James
II (Stuart)
** Fagin sera pendu luimême, et Dickens le
dépeint alors comme pitoyable autant que
monstrueux. Ce personnage a beaucoup
intéressé le cinéma, notamment Alec Gui
ness et Roman Polanski. A noter la bande
dessinée de l’Américain Will Eisner Fagin
le juif (Delcour 2004), qui s’efforce de re
placer le personnage de Fagin dans le
contexte social de l’époque.
Le saviezvous ?
“Déclaration Balfour” : lettre ouver
te adressée le 2 novembre 1917 par
Arthur James Balfour, alors ministre
des Affaires étrangères du Royaume
Uni, à Lionel Walter Rothschild,
proche de Chaïm Weizman, alors
président de la Fédération Sioniste :
“Cher Lord Rothschild, J'ai le plaisir
de vous adresser, au nom du gouver
nement de Sa Majesté, la déclaration
cidessous de sympathie à l'adresse
des aspirations sionistes, déclaration
soumise au cabinet et approuvée par
lui. Le gouvernement de Sa Majesté
envisage favorablement l'établisse
ment en Palestine d'un foyer national
pour le peuple juif, et emploiera tous
ses efforts pour faciliter la réalisation
de cet objectif, étant clairement en
tendu que rien ne sera fait qui puisse
porter atteinte ni aux droits civiques
et religieux des collectivités non
juives existant en Palestine, ni aux
droits et au statut politique dont les
Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien
vouloir porter cette déclaration à la
connaissance de la Fédération sio
niste.”
Furentils “clairement entendus” ces
derniers mots, qui ne sont pas sans
actualité ?