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2032 : les futurs de la fabrique de la ville
Sylvain Grisot / dixit.net / @sylvaingrisot
LucSchuiten/www.vegetalcity.net
2Julien Fallet / @ jfallet / jfallet.w ordpress.com
3dixit.net / 2018
du passé faisons…
4dixit.net / 2018
Pourquoi 2032 ?
5
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dixit.net / 2018
6
Métropolisation
Evolution 2008-2013 de la population en
emploi 15-64 ans (France Stratégie)dixit.net / 2018
Evolution 2008-2013 de la population en emploi 15-64 ans (France Stratégie)
7
Le vieillissement
dixit.net / 2018
8dixit.net / 2018
Les mutations de l’acte de
construire
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Les hommes… et les
femmes dans l’entreprise
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Les barbares attaquent
dixit.net / 2018
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La voiture ou l’anti-ville
12dixit.net / 2018
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13dixit.net / 2018
…mais elle arrive
(doucement)
14dixit.net / 2018
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15dixit.net / 2018
Le retour de la production
urbaine
16dixit.net / 2018
L’agriculture urbaine
17dixit.net / 2018
Demain j’arrête…
18dixit.net / 2018
L’alliance avec le vivant
19dixit.net / 2018
Mais les terres agricoles
sont rares
20
… et l’étalement urbain
continue
dixit.net / 2018
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22dixit.net / 2018
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23dixit.net / 2018
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25dixit.net / 2018
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26dixit.net / 2018
Changer d’usage
27dixit.net / 2018
Réhabiliter et étendre
28dixit.net / 2018
Les parkings
29dixit.net / 2018
Valoriser le sous-sol
30dixit.net / 2018
Les sites d’exception
31dixit.net / 2018
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commerciales
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Le réemploi
33dixit.net / 2018
Valoriser les terres abimées
34dixit.net / 2018
Boucler la boucle
Bonjour, mon nom est Maël, j’ai 32 ans, et
je suis architecte au sein d’un réseau
collaboratif. Dans quelques minutes une
voiture autonome de la Coopérative va
passer pour m’emmener à la réunion de la
Métro que je dois animer, mais j’ai bien un
peu de temps pour vous raconter tout ça.
Bon je commence par où ? Depuis la
Grande Crise Agricole ? C’est à ce moment-
là que les choses ont commencé à changer
radicalement.
C’était au début des 20. Ça a commencé par
un scandale sanitaire comme il y en avait
régulièrement à l’époque : un produit
alimentaire dangereux, une maladie mal
contrôlée, puis la peur, quelques
gesticulations politiques, une nouvelle loi…
et tout était oublié un an après. Il paraît
que même les vaches devenaient folles en
ce temps-là.
Mais cette fois-ci c’était vraiment sérieux.
L’Organisation Mondiale de la Santé a
monté une nouvelle enquête sur un
produit agricole utilisé partout dans le
monde, le Glicoquelquechose. Elle a non
seulement montré qu’on déversait des
saloperies dans nos champs depuis des
années, mais que le problème dépassait
largement un produit isolé, et remettait en
cause toute la chaine de production
alimentaire.
Le choc a été massif : non seulement il a
fallu arrêter d’utiliser des produits qui
étaient devenus indispensables pour le
système productif agricole, mais il a aussi
fallu laisser reposer les terres pendant
plusieurs années avant de reprendre la
production.
Arrêt brutal de la machine agricole dans les
pays développés.
En Europe, la crise alimentaire a finalement
été moins douloureuse que prévue, grâce à
l’Afrique de l’Ouest qui a su valoriser ses
terres non polluées pour produire et
exporter massivement des denrées vers
l’Europe. C’est à ce moment-là que ma
Grand-Mère a découvert les patates douces
et le manioc, depuis elle ne s’en lasse pas.
Mais l’impact a largement dépassé le seul
secteur agricole.
La crise a fait réaliser à chacun l’importance
de ces terres, qu’on pensait juste bonnes à
occuper les ruraux dans l’année et
dépayser les urbains pendant les vacances.
Mais surtout les terres agricoles étaient
vouées à servir de zone d’extension à la
ville.
Or tout à coup ces terres étaient
redevenues vitales, d’autant plus que les
rendements sont devenus plus aléatoires
avec les techniques biologiques et le
changement climatique, et que la
population – elle - n’a pas cessé de grimper.
L’État a trainé à agir (il a surtout organisé
des colloques et réunit des commissions),
mais localement élus et citoyens se sont
mobilisés : de la grosse métropole à la plus
petite commune rurale, tous ont instauré
un moratoire sur la consommation des
terres agricoles, puis marqué
symboliquement par des plantations
d’arbres la fin de la ville, en instaurant une
limite définitive à son extension.
C’était en 2024.
C’était beau et effrayant, on se savait plus
comment faire la ville. Dans la profession
l’impact a été énorme, il a tout fallu
réinventer pour répondre aux besoins
d’habitat, de commerce, de développement
économique… Bref continuer à construire
la ville, mais sans l’étendre.
14 juin 2032, 8h14…
Les écoles d’archi se sont autodissoutes en
quelques mois, et ont reconverti leurs
locaux en fermes urbaines. Elles ont
constitué un réseau organisant une
nouvelle formation à la fois en ligne et sur
le terrain, avec des apprentis tournant
pendant plusieurs années pour vivre
successivement la position de chacun des
acteurs de la construction de la ville qu’il
fallait réinventer : Métropoles,
Constructeurs, Investisseurs, Associations
locales, Gestionnaires, Ingénieurs,
Industriels… J’ai fait partie des premières
promotions, c’était passionnant et
essentiel.
L’architecte est devenu à la fois créateur et
facilitateur d’un exercice pas facile : la
reconstruction permanente de la ville sur
elle-même. On a rapidement mobilisé tous
les espaces inutilisés pour répondre à la
demande de la croissance urbaine sans
s’étaler dans les champs : les délaissés
routiers, les pelouses inutiles des parcs
d’activité, les jardins de lotissement, les
toits, les golfs, et même les sous-sols…
Non seulement il a fallu faire à périmètre
constant sans empiéter sur les espaces
agricoles, mais il a fallu aussi répondre à
des changements radicaux de mode de vie.
Par exemple, avec l’explosion des flottes de
taxis autonomes les parkings délaissés sont
devenus autant d’espaces disponibles, les
centres commerciaux de périphérie ont été
abandonnés à cause de la concurrence
radicale du commerce en ligne… mais
surtout la mobilité résidentielle s’est
considérablement intensifiée, accentuée
par l’afflux des réfugiés alimentaires des
années 20, venus des USA très durement
touchés.
Il a fallu inventer de nouveaux outils :
l’industrialisation haute précision de
composants constructifs modulaires,
l’impression 3D d’ouvrages de génie civil,
les bâtiments dynamiques, les structures
ultra-légères en graphène, le stockage
énergétique recyclable, la climatisation
végétale…
Mais c’est surtout la méthode qui a changé
: avant l’archi concevait un bâtiment, et le
dialogue s’établissait avec les autorités au
moment du permis.
C’est fini tout ça. Désormais les bâtiments
se transforment en continu, s’adaptent aux
évolutions des besoins, des marchés, des
saisons. Dans le même bâtiment des
logements viennent s’ajouter pour
répondre aux besoins d’une promo
d’étudiants qui débarque. Ils sont ensuite
remplacés par des bureaux pendant les
vacances. Au même moment le rez-de-
chaussée a servi successivement de salle
de sport, de micro-usine, de boutique de
créateur puis de pôle de logistique urbaine.
Certains bâtiments dynamiques sont même
capables de grandir ou rétrécir en fonction
des besoins, et tous sont conçus pour voir
leurs composants recyclés à la fin de leur
vie, en général 10 à 15 ans. Oui, pas plus.
La réglementation s’est réduite au strict
minimum, remplacée par un dialogue en
continu entre collectivité, investisseur,
gestionnaire, usagers, riverains… Au lieu de
faire des procès et de remplir des
formulaires, on discute en permanence sur
les évolutions du bâtiment ou du quartier.
Chaque version fait l’objet d’un débat
animé par l’archi, et dont l’élu de quartier
doit assurer la transparence.
Là, je vais filer pour animer la discussion de
la version 14.2 de la tour Gamma 3 par
exemple. Ça va être intense puisqu’on doit
ajouter 12 étages de production végétale
pour l’été qui vient, mais on va très
certainement trouver une solution
consensuelle. Ça fait six ans que je suis la
vie de ce bâtiment, depuis que j’ai fini la
construction de sa version 1. Il a encore du
potentiel pour une bonne dizaine d’années
et, comme tout architecte d’aujourd’hui, je
suivrai son évolution jusqu’à sa
déconstruction.
On a appris à construire pour le présent,
sans obérer l’avenir, mais aussi à s’investir
dans le temps long, ça demande une
certaine humilité, et un bon sens du
dialogue.
Bon je dois filer à mon APSP. Ça veut dire
quoi ? “Atelier Participatif de Suivi de
Projet”, ces réunions participatives de suivi
de la vie des bâtiments et des quartiers.
Finalement la seule chose qu’on n’a pas
réussi à transformer, c’est la passion de la
profession pour les acronymes.
Vous allez voir, le futur est passionnant.
37dixit.net / 2018
14 juin 2032, 8h14…
38dixit.net / 2018
Toute ressemblance avec une situation réelle
ne sera pas tout à fait fortuite
39dixit.net / 2018
www.dixit.net
contact@dixit.net
@sylvaingrisot

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Décroissance ou sobriété ? Non, prospérité !
 

2032 : les futurs de la fabrique de la ville

  • 1. 2032 : les futurs de la fabrique de la ville Sylvain Grisot / dixit.net / @sylvaingrisot LucSchuiten/www.vegetalcity.net
  • 2. 2Julien Fallet / @ jfallet / jfallet.w ordpress.com
  • 3. 3dixit.net / 2018 du passé faisons…
  • 5. 5 Signaux faibles et ruptures Production d’appareils photos dixit.net / 2018
  • 6. 6 Métropolisation Evolution 2008-2013 de la population en emploi 15-64 ans (France Stratégie)dixit.net / 2018 Evolution 2008-2013 de la population en emploi 15-64 ans (France Stratégie)
  • 8. 8dixit.net / 2018 Les mutations de l’acte de construire
  • 9. 9dixit.net / 2018 Les hommes… et les femmes dans l’entreprise
  • 11. 11dixit.net / 2018 La voiture ou l’anti-ville
  • 13. 13dixit.net / 2018 …mais elle arrive (doucement)
  • 14. 14dixit.net / 2018 Et le stationnement ?
  • 15. 15dixit.net / 2018 Le retour de la production urbaine
  • 17. 17dixit.net / 2018 Demain j’arrête…
  • 19. 19dixit.net / 2018 Mais les terres agricoles sont rares
  • 20. 20 … et l’étalement urbain continue dixit.net / 2018
  • 25. 25dixit.net / 2018 Optimiser l’usage du sol
  • 30. 30dixit.net / 2018 Les sites d’exception
  • 31. 31dixit.net / 2018 Les futures friches commerciales
  • 33. 33dixit.net / 2018 Valoriser les terres abimées
  • 35. Bonjour, mon nom est Maël, j’ai 32 ans, et je suis architecte au sein d’un réseau collaboratif. Dans quelques minutes une voiture autonome de la Coopérative va passer pour m’emmener à la réunion de la Métro que je dois animer, mais j’ai bien un peu de temps pour vous raconter tout ça. Bon je commence par où ? Depuis la Grande Crise Agricole ? C’est à ce moment- là que les choses ont commencé à changer radicalement. C’était au début des 20. Ça a commencé par un scandale sanitaire comme il y en avait régulièrement à l’époque : un produit alimentaire dangereux, une maladie mal contrôlée, puis la peur, quelques gesticulations politiques, une nouvelle loi… et tout était oublié un an après. Il paraît que même les vaches devenaient folles en ce temps-là. Mais cette fois-ci c’était vraiment sérieux. L’Organisation Mondiale de la Santé a monté une nouvelle enquête sur un produit agricole utilisé partout dans le monde, le Glicoquelquechose. Elle a non seulement montré qu’on déversait des saloperies dans nos champs depuis des années, mais que le problème dépassait largement un produit isolé, et remettait en cause toute la chaine de production alimentaire. Le choc a été massif : non seulement il a fallu arrêter d’utiliser des produits qui étaient devenus indispensables pour le système productif agricole, mais il a aussi fallu laisser reposer les terres pendant plusieurs années avant de reprendre la production. Arrêt brutal de la machine agricole dans les pays développés. En Europe, la crise alimentaire a finalement été moins douloureuse que prévue, grâce à l’Afrique de l’Ouest qui a su valoriser ses terres non polluées pour produire et exporter massivement des denrées vers l’Europe. C’est à ce moment-là que ma Grand-Mère a découvert les patates douces et le manioc, depuis elle ne s’en lasse pas. Mais l’impact a largement dépassé le seul secteur agricole. La crise a fait réaliser à chacun l’importance de ces terres, qu’on pensait juste bonnes à occuper les ruraux dans l’année et dépayser les urbains pendant les vacances. Mais surtout les terres agricoles étaient vouées à servir de zone d’extension à la ville. Or tout à coup ces terres étaient redevenues vitales, d’autant plus que les rendements sont devenus plus aléatoires avec les techniques biologiques et le changement climatique, et que la population – elle - n’a pas cessé de grimper. L’État a trainé à agir (il a surtout organisé des colloques et réunit des commissions), mais localement élus et citoyens se sont mobilisés : de la grosse métropole à la plus petite commune rurale, tous ont instauré un moratoire sur la consommation des terres agricoles, puis marqué symboliquement par des plantations d’arbres la fin de la ville, en instaurant une limite définitive à son extension. C’était en 2024. C’était beau et effrayant, on se savait plus comment faire la ville. Dans la profession l’impact a été énorme, il a tout fallu réinventer pour répondre aux besoins d’habitat, de commerce, de développement économique… Bref continuer à construire la ville, mais sans l’étendre. 14 juin 2032, 8h14…
  • 36. Les écoles d’archi se sont autodissoutes en quelques mois, et ont reconverti leurs locaux en fermes urbaines. Elles ont constitué un réseau organisant une nouvelle formation à la fois en ligne et sur le terrain, avec des apprentis tournant pendant plusieurs années pour vivre successivement la position de chacun des acteurs de la construction de la ville qu’il fallait réinventer : Métropoles, Constructeurs, Investisseurs, Associations locales, Gestionnaires, Ingénieurs, Industriels… J’ai fait partie des premières promotions, c’était passionnant et essentiel. L’architecte est devenu à la fois créateur et facilitateur d’un exercice pas facile : la reconstruction permanente de la ville sur elle-même. On a rapidement mobilisé tous les espaces inutilisés pour répondre à la demande de la croissance urbaine sans s’étaler dans les champs : les délaissés routiers, les pelouses inutiles des parcs d’activité, les jardins de lotissement, les toits, les golfs, et même les sous-sols… Non seulement il a fallu faire à périmètre constant sans empiéter sur les espaces agricoles, mais il a fallu aussi répondre à des changements radicaux de mode de vie. Par exemple, avec l’explosion des flottes de taxis autonomes les parkings délaissés sont devenus autant d’espaces disponibles, les centres commerciaux de périphérie ont été abandonnés à cause de la concurrence radicale du commerce en ligne… mais surtout la mobilité résidentielle s’est considérablement intensifiée, accentuée par l’afflux des réfugiés alimentaires des années 20, venus des USA très durement touchés. Il a fallu inventer de nouveaux outils : l’industrialisation haute précision de composants constructifs modulaires, l’impression 3D d’ouvrages de génie civil, les bâtiments dynamiques, les structures ultra-légères en graphène, le stockage énergétique recyclable, la climatisation végétale… Mais c’est surtout la méthode qui a changé : avant l’archi concevait un bâtiment, et le dialogue s’établissait avec les autorités au moment du permis. C’est fini tout ça. Désormais les bâtiments se transforment en continu, s’adaptent aux évolutions des besoins, des marchés, des saisons. Dans le même bâtiment des logements viennent s’ajouter pour répondre aux besoins d’une promo d’étudiants qui débarque. Ils sont ensuite remplacés par des bureaux pendant les vacances. Au même moment le rez-de- chaussée a servi successivement de salle de sport, de micro-usine, de boutique de créateur puis de pôle de logistique urbaine. Certains bâtiments dynamiques sont même capables de grandir ou rétrécir en fonction des besoins, et tous sont conçus pour voir leurs composants recyclés à la fin de leur vie, en général 10 à 15 ans. Oui, pas plus. La réglementation s’est réduite au strict minimum, remplacée par un dialogue en continu entre collectivité, investisseur, gestionnaire, usagers, riverains… Au lieu de faire des procès et de remplir des formulaires, on discute en permanence sur les évolutions du bâtiment ou du quartier. Chaque version fait l’objet d’un débat animé par l’archi, et dont l’élu de quartier doit assurer la transparence. Là, je vais filer pour animer la discussion de la version 14.2 de la tour Gamma 3 par exemple. Ça va être intense puisqu’on doit ajouter 12 étages de production végétale pour l’été qui vient, mais on va très certainement trouver une solution consensuelle. Ça fait six ans que je suis la vie de ce bâtiment, depuis que j’ai fini la construction de sa version 1. Il a encore du potentiel pour une bonne dizaine d’années et, comme tout architecte d’aujourd’hui, je suivrai son évolution jusqu’à sa déconstruction. On a appris à construire pour le présent, sans obérer l’avenir, mais aussi à s’investir dans le temps long, ça demande une certaine humilité, et un bon sens du dialogue. Bon je dois filer à mon APSP. Ça veut dire quoi ? “Atelier Participatif de Suivi de Projet”, ces réunions participatives de suivi de la vie des bâtiments et des quartiers. Finalement la seule chose qu’on n’a pas réussi à transformer, c’est la passion de la profession pour les acronymes. Vous allez voir, le futur est passionnant.
  • 37. 37dixit.net / 2018 14 juin 2032, 8h14…
  • 38. 38dixit.net / 2018 Toute ressemblance avec une situation réelle ne sera pas tout à fait fortuite