1. VALENCIA TERRE D’OVALIE
R
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Posté le: oct 31, 2015 Francois Miguel Boudet (http://www.outsider-mag.fr/author/francois-miguel-boudet/) 0 (http://www.outsider-mag.fr/valencia-terre-
dovalie/#respond)
Découvrez auss
2. R ugby et Espagne. L’alliance des deux a tout de l’oxymore au pays du
football roi, de Pau Gasol et de Talant Dujshebaev. Pourtant, l’Ovalie a
ses inconditionnels de l’autre côté des Pyrénées. A Valencia, 8 clubs existent
depuis plusieurs décennies. Trois d’entre eux évoluent en Division Honor B,
l’équivalent de la 2e division. Outsider Mag est allé à leur rencontre.
L’histoire débute au Saint-Martin, un pub de la Ciutat Vella, en plein coeur du Valencia
historique. L’endroit rassemble la communauté anglophone qui se presse tout au
long de la Coupe du Monde pour assister aux matches avec les commentaires d’ITV
et quelques bières à la main. Au milieu d’eux, figurent également des membres du
CAU Rugby Valencia, facilement reconnaissables à leur oripeaux. Du rugby en
Espagne ? ¿ De verdad ? ¡ Sí señor ! Et même plus que ce que l’on pourrait imaginer.
Depuis plus d’un demi-siècle, la Communauté Valencienne abrite de nombreuses
équipes et Valencia peut s’enorgueillir de disposer de 8 clubs. Parmi eux, trois
s’escriment tous les weekends en Division Honor B, la Pro D2 locale : le CAU, Les
Abelles et le Tecnidex Valencia RC.
Le jour où Andy Schl
révélé (http://www.
mag.fr/jour-andy-sch
revele/)
Le 3 juin 2007 se termi
édition du Tour d’Italie. D
montait sur le podium av
rose à Milan, .
(http://www.outsider-m
andy-schleck-sest-r
3.
4. ENTRAÎNEMENT SOUS LA PLUIE POUR LES JOUEURS DU CAU
Authentique culture du jeu et du collectif
Le cadre est idyllique mais, malgré une température douce avoisinant les 20 degrés,
la pluie s’est mise à tomber drue au début de l’entraînement. Sur un terrain du Jardin
del Turia, en plein centre-ville, le CAU dispose de deux terrains synthétiques, dont un
absolument neuf digne d’un billard dessiné pour Ronnie O’Sullivan : « ça nous
change de ce qu’on avait quand on a commencé à jouer, rigole Fouad Osseiran, le
président du club né en 1973. Quand on a démarré, c’était sur des terrains en
5. terre, il y avait même des pierres, du gravier. Ça explique pourquoi certains
d’entre nous avons des genoux dans cet état (rires). Ici, c’est un régal et ça nous
a permis de beaucoup progresser ». Les Abelles et le Tecnidex Valencia RC (du nom
d’une entreprise de pesticides qui paye pour ce naming, pratique courante en
Espagne, ndlr) se partagent le Polideportivo de Quatre Carreres, en face de la
Fonteta, l’antre du Valencia Basket Club, et avec la Cité des Arts et des Sciences en
arrière-plan. En ce début de soirée, un groupe traditionnel falleres a sorti tambours
et dulçainas, flûtes typiques du folklore valencien, et propose un accompagnement
musical non loin de là. Régulièrement les deux clubs laissent un embut à des
apprentis footballeurs. « En 1971, on a plus commencé comme une équipe que
comme un club, raconte Manolo Contreras, le manager et vice-président des
Abelles. On était 20 ou 25 mecs. Au fur et à mesure, on a pu ouvrir une école de
jeunes. Aujourd’hui, on a 3 équipes senior et aussi une équipe de
féminines. Avant de venir ici, en 2010, on allait sur un terrain à 15 km de
Valencia, au bord de la plage, puis au Campo del Rio. C’était sur de l’herbe. Mais
quand il faisait chaud ou qu’il pleuvait la veille, je te raconte pas comment on
souffrait ! ». Toni Gimeno, entraîneur au CAU, abonde : « à Valencia, il pleut assez
peu. Les seuls endroits où il restait de la pelouse, c’étaient aux quatre
6. coins. Quand on est allé faire des tournois en France avec nos équipes de jeunes,
on s’est rendu compte que les terrains en herbe naturelle étaient en meilleur
état et aussi plus nombreux ».
Beaucoup de clubs en France rêveraient
de disposer de telles infrastructures. Le
mécénat et une politique incitative de
pratique du sport au sein de la
Communauté Valencienne, avant-
dernière du pays en termes de licenciés
par habitant toutes disciplines
confondues, ont permis de développer
de nouvelles infrastructures même si, de
prime abord, le rugby ne venait pas
immédiatement à l’esprit : « c’est sûr
que les pays avec une véritable
tradition ne s’attendent pas à voir des clubs de rugby en Espagne, explique Toni
Gimeno. Notre niveau est ce qu’il est mais nous avons des joueurs qui évoluent
7. en France où ils étudient, près de Lyon. Nous avons 6 garçons qui ont été
sélectionnés avec les U19 pour jouer contre la Russie. D’autres préparent les JO
de Rio avec l’équipe de 7″. En tout, ce sont plus de 400 licenciés qui portent le
maillot du CAU : « avec les parents, ça fait une belle famille (rires). On apprend
aux enfants la culture du rugby, la 3e mi-temps ». Evidemment, il ne s’agit pas là
d’écluser les pintes mais d’expliquer que ce qui se passe sur le terrain reste sur le
terrain. « On parle des valeurs de notre sport mais je crois qu’elles sont
communes à toutes les autres disciplines, ajoute-t-il. Dans tous les clubs et dans
tous les sports, il y a d’excellents éducateurs ». Afin s’assurer le lien, les parents
volontaires sont mis à contribution pour encadrer les matches et les déplacements :
« nous sommes délégués de l’équipe féminine U14, expliquent Nacho et Mapi. On
contrôle les licences, les signatures, les équipements, les convocations. On est
aux côtés de l’entraîneur pour qu’il ne s’occupe que du terrain et qu’il ne perde
pas de temps avec de l’administratif. En fait, on a un rôle important… et
bénévoles en plus (rires) ».
8. Les notions de collectif et de convivialité plaisent aux parents qui redoutent d’envoyer
leurs enfants dans les clubs de football. « J’ai des fils et ils ont voulu jouer au foot
pendant une saison, explique Vicente Agustí, le président du VRC. J’adore le
football, je regarde beaucoup de matches mais l’ambiance au bord du terrain
était horrible, surtout à cause des parents. Vu que c’est le sport majeur, tout le
monde s’y connaît, tout le monde sait mieux que l’entraîneur et que l’arbitre. Ça
manque d’éducation. Si ça arrive chez nous, on va voir la personne et on lui dit de
se calmer, de respecter le jeu, les enfants et l’adversaire ».
Formation et lien identitaire, clefs de voûte du rugby
valencien
9.
Carrure de première ligne, Nacho Pastor, directeur technique des écoles de rugby
des Abelles et de la Communauté Valencienne, égraine les catégories représentées
au sein du club fondé en 1971 par un Anglais ancien membre de l’académie des
Wasps qui épousa une Espagnole : « ça va des U6 aux U18. En fonction, nous avec
une ou deux équipes par catégorie, hormis en U14 où on en a trois ». Au même
titre que le CAU, la politique est de former pour faire grimper les produits du cru
jusqu’en équipe première. « C’est formidable d’avoir notre cantera, notre centre
de formation, se félicite Toni Gimeno. On en est fier parce que ce sont nos joueurs.
Entre 90 et 95% de l’équipe première en est issu. Comme le CAU est un club
universitaire, nous avons tous les ans des étudiants Erasmus qui s’additionnent.
Tout se passe très bien parce qu’ils ont un très bon niveau. Nous apprenons et
les enfants à leurs côtés aussi ». Demi d’ouverture ou premier centre, Nacho est
l’exemple typique de cette formation sur le long terme. A 18 ans à peine, ce fan de
Quade Cooper est entré dans l’effectif de Division Honor B : « je joue ici depuis que
10. j’ai 7 ans. Au début, je suis venu parce que ça jouait au rugby dans ma famille. Ça
m’a plus immédiatement. Petit à petit, je m’y suis fait des amis et c’est pour ça
que j’ai continué ».
Pour Manolo Contreras, cette fonction formatrice et le lien identitaire sont essentiels,
bien plus que les résultats : « tout le monde préfère voir les meilleures équipes
d’Espagne mais ce n’est pas une obsession. Si on monte tant mieux, sinon ce n’est
pas grave. La structure est plus importante. Je vois certains aspects comme de la
footballisation. J’apprécie ce que font l’Athletic Bilbao et l’Osasuna, c’est-à-dire
prendre des joueurs locaux et les faire progresser. Ce n’est pas qu’une question
de nationalité mais ce qui me déplaît, c’est le fait que les joueurs vont, viennent,
repartent, rêvent d’aller ailleurs. Je n’arrive pas à m’identifier. Même en rugby
chez nous, tu as des clubs qui recrutent comme ça. A la fin, ils te disent qu’ils
sont champions. Oui mais champions de quoi ? D’accord, tu as ramené un Puma,
un ancien All Blacks de 7 mais il y a quoi derrière ? Ton école de rugby vaut quoi ?
Il faut une formation et une représentation locale. Il vaut mieux ça que de se
qualifier pour la Challenge Cup (la petite Coupe d’Europe, ndlr) et se prendre 80
points à tous les matches ! ».
11.
12. AFFICHE HOMMAGE AU PRÉSIDENT DES ABELLES RÉCEMMENT DÉCÉDÉ
Seul club valencien à avoir remporté le titre de champion d’Espagne en 1983, le VRC
est revenu à la formation, après avoir longtemps appelé des renforts étrangers.
Paluches immenses et poigne de fer, Vicente Agustí raconte : « nous avons été les
premiers à aller chercher des joueurs ailleurs, pour se maintenir au niveau. Des
Roumains, des Anglais, des Argentins. Finalement, cela a été une fausse bonne
idée. Il y avait 14 joueurs sur 15 qui n’étaient pas d’ici. C’était intenable. Du coup,
nous avons décidé d’arrêter. On peut avoir recours à des joueurs étrangers mais
il faut qu’ils vivent ici. Par exemple, nous avons un pilier camerounais qui nous a
été présenté par une ONG. Il est très fort et il travaille maintenant au Lycée
français ». De la même manière, l’entraîneur n’est pas espagnol mais il a un CV qui
inspire le respect. Il s’agit de Carlos Bottarini, un ancien Puma qui a 15 sélections
13. entre 1973 et 1983, l’un des premiers Argentins à jouer en France notamment. Il vit à
Gandia à quelques kilomètres de Valencia et officie depuis 4 ans avec le club fondé
en 1966.
Plus que le CAU et Les Abelles, le VRC a une longue tradition avec le rugby étranger.
En effet, depuis près de 40 ans, le club a un accord avec le Lycée français dont les
élèves constituent un tiers de ses joueurs, soit une bonne centaine d’éléments :
« Paco Soler, ancien international, y officiait comme professeur d’éducation
physique. Nous avons une véritable tradition française depuis très longtemps,
depuis les années 1970. Notre relation avec l’institution est excellente. Cela nous
permet aussi d’avoir une base de joueurs sur les 300 joueurs que nous avons ».
Petits formats
14.
15. ENTRAÎNEMENT AUX ABELLES. ATELIER PLACAGE.
Même s’il est limité, le vivier local existe et se développe : « en Espagne, il y a des
clubs sur tout le territoire, expose Nacho Pastor. C’est un sport très étendu au
niveau géographique. Dans toutes les provinces, il y a des équipes. Madrid, la
Catalogne, Valencia, l’Andalousie, Valladollid et au Pays basque, la concentration
est très forte. Au sein de la Communauté Valencienne, il y a 32 clubs pour 3500
licenciés ».
Souvent, les équipes sont confrontées à un problème de taille, au sens propre : « ce
n’est pas un poncif mais bien une réalité, affirme Toni Gimeno. Du coup, nous
essayons de jouer vite. Il n’y a pas de secret, il faut toujours travailler cet aspect.
Des U10 à la première, tout le monde joue avec ce même modèle. En 7, nous
avons gagné pas mal de tournois pour cette raison. On joue vite, vite, vite et on
16. essaie de ne pas se louper en défense, un peu comme les Fidji (rires). A XV, cela
pose problème. On n’a pas été loin de la montée la saison dernière mais quand
tu as en face de toi des monstres qui ont été professionnels, qui arrivent du Pays
basque ou d’Argentine, ça devient compliqué ». Nacho Pastor confirme : « les
joueurs grands privilégient le basket. Il y en a en rugby, mais finalement assez
peu. Pour autant, leur présence tend à augmenter. Aux Abelles, nous avons des
gars de plus de 2 mètres. Le problème existe aussi en 1re ligne, ce qui est un
frein pour progresser à un certain niveau ».
Les filles et le 7 s’installent dans le paysage
17. Ce qui étonne également, c’est de voir autant de filles partager l’entraînement. Au
CAU ce soir-là, elles sont 10 à côtoyer 30 garçons. Un ratio intéressant et qui se
vérifie dans les 3 clubs. « Au sein de la région, 7 équipes féminines organisent un
championnat, dont 3 sont basées à Valencia (UCV en plus du CAU et du VRC),
détaille Jen, demi d’ouverture du CAU d’origine anglaise qui habite en Espagne depuis
plus d’une décennie. « Chez nous, jusqu’en moins de 14 ans, garçons et filles sont
mélangés, précise Toni Gimeno. Nous avons été champion la saison dernière,
devant le VRC et Les Abelles ». Nacho Pastor précise : « en plus de ce championnat
autonome de 7 équipes, il y a d’autres clubs qui ont des joueuses mais elles ne
sont pas assez nombreuses pour y participer. Jusqu’en U16, il n’y a pas d’équipes
et elles sont parfois surclassées pour jouer ensemble ». Le VRC a également ouvert
ses portes aux filles, dont certaines s’occupent de l’école de rugby : « elles nous
apportent énormément, sourit Vicente Agustí. Notre capitaine s’occupe des U14.
Nous venons d’accueillir la capitaine de l’équipe d’Espagne qui a participé au
dernier Mondial en France et qui vit à Valencia ».
Au même titre que les sections féminines, le jeu à 7 pointe le bout de son nez, même
si son influence reste très faible car peu structuré : « au niveau de la Communauté
18.
19. ENTRAÎNEMENT DU TECNIDEX VALENCIA RC. LE FOOTBALL N’EST JAMAIS TRÈS LOIN.
Valencienne, le Sevens n’a pas beaucoup d’impact, expose Nacho Pastor. Il y a des
joueurs de 7, beaucoup de tournois sont organisés par les clubs. Mais au niveau
de la fédération, rien n’a été fait pour créer un championnat. Le niveau de 7 est
bon mais il y a un problème de date pour la simple et bonne raison que tu es
contraint de mettre tes avants sur le côté puisqu’ils n’y jouent pas. Il n’y a pas
deux structures distinctes pour le XV et le 7″.
Médiatisation accrue
20.
La Coupe du Monde pourrait avoir un effet accélérateur sur le nombre d’inscription.
Depuis 3 ans, le nombre de licenciés a augmenté de 20% et deux clubs sont
récemment nés dans la région. Davantage visible sur les écrans espagnols, le rugby
attire de plus en plus : « l’impact est positif et on en profite, confirme Toni Gimeno.
La répercussion médiatique a eu un impact. Davantage de monde regarde, il y a
plus de passionnés, ça plaît plus que le football américain ». Pour Manolo
Contreras, l’exposition médiatique régulière est essentielle, car le rugby a été laissé
sur le côté de la route quelques années avant l’événement sportif le plus important
de l’histoire du pays : « sans la télévision, il est très difficile de fidéliser un public.
En Espagne, le football emporte tout mais les parents n’apprécient pas toujours
l’ambiance. Si l’Espagne jouait un Mondial comme cela a été le cas en 1999. Cela
permettrait d’avoir un coup de projecteur. Le tournant a été au moment des JO
de Barcelone en 1992. Le basket et le handball sont des sports qui ont de l’argent
et comme ce sont des sports olympiques, au début des années 90, il y avait
21. quasiment une équipe dans chaque université. Le rugby n’a donc pas de base. Et
parmi ceux qui aiment le rugby, pas tous ont envie d’y jouer. La visibilité est donc
essentielle ».
Et ceux qui y jouent ne sont pas toujours compris. Alors que la finale du Mondial
débute à 17h, les matches de Division Honor B auront lieu au même moment. « On
jour à L’Hospitalet, en Catalogne. On a demandé à avancer l’horaire pour qu’on
puisse voir le match ensemble », rit Manolo Contreras. Le rire est un peu plus acide
chez Vicente Agustí : « nous n’avons pas la même chance que Les Abelles puisque
nos adversaires n’ont pas voulu modifier l’heure du coup d’envoi pour qu’on
puisse voir la partie à notre local. Le destin n’a pas voulu être sympa avec nous ».
Le chemin est encore long pour que le rugby se fasse une place parmi les sports
majeurs du Royaume. Mais c’est par la formation et la dévotion des dirigeants que
pourront émerger des talents capables d’élever le niveau de jeu et de s’exporter. Le
ballon ovale espagnol est en développement et, malgré la faible médiatisation, son
potentiel est important. Un exploit aux JO de Rio et une qualification au prochain
Mondial pourrait changer beaucoup de choses. ¡ Sí se puede !