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Quand tombent
les masques
Onitopia : La naissance d’une guilde
- Qu’est-ce que c’est ?
- Une magie qui n’est pas autorisée.
Je vais devoir jouer au
dragon et à la souris on dirait.
Me… Merci.
Le décor bougeait dangereusement,
certaines bâtisses s’écroulaient un peu
partout, le grondement était terrible.
Chapitre 30
Zhaïtan ?!
Mes
craintes se
confirment
Fini de jouer !
Cet adversaire est
bien trop fort pour
toi ! Allez, BOUGE !
A force, tu es en train de nous dire que… Maman
Nature n’aura plus assez de réserves pour donner
de la vie ?
Plein de petits Nezumy. Ce serait extra !
C’est Svynge qui serait contente !
Je courais comme une
dératée dans la nuit,
complètement
paniquée et terrifiée,
pour sauver ma peau.
C’est l’heure de
manger…
Quand tombent les masques
: Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste)
: Svynge (norn, gardienne)
: Nezumy (asura, ingénieur)
: Pug (asura, élémentaliste)
: Alia Arkady (humaine, voleuse)
: Shalimar (sylvari, élémentaliste)
: Ayrin Fields (humaine, guerrière)
: Aboune (asura, envoûteur)
: Stathor (asura, ingénieur)
: Guess (humaine, élémentaliste)
: Lianis (sylvari, élémentaliste)
: Agaéti (sylvari, gardienne)
: Lazare (humain, nécromant)
: Pogonar (humain, guerrier)
: Gledinia (norn, rôdeuse)
: Yaddle (charr, guerrière)
: Oméga (asura, guerrier)
: Pan d’Orr ( ? )
Quand tombent les masques
Cela faisait maintenant une nuit et un jour que nous avions quitté nos compagnons,
Ælwynn et moi, pour nous rendre au Prieuré afin de trouver des réponses et du
repos. Je cheminai au rythme de ma compagne, c’est-à-dire pas bien rapidement en
fait. Ælwynn faisait tout son possible pour ne pas puiser dans son énergie, je pouvais
la comprendre, et nous cheminions tranquillement à travers les contrées verdoyantes jouxtant les
Cimefroides que nous commencions à laisser derrière nous. Elle se comportait comme… Comme une
humaine enceinte en fait. Un concept particulier pour mon peuple. Nous les sylvaris, nous ne
pouvons pas porter notre future progéniture en nous. Nous n’avons pas cet honneur ni ce bonheur,
malheureusement. Nous naissons dans des graines et venons au monde lorsque nos rêves arrivent à
terme. Porter un enfant dans son ventre, j’en rêve, je l’espère, je n’y crois plus… Au cours de ma
courte existence, j’ai pu lire plus d’une fois la sérénité qu’affichait les humaines enceintes, et j’en
étais verte de jalousie. Mais ce système de reproduction nous dépasse, mon peuple et moi, il faut
bien l’avouer, et nous ne pouvions que rester spectateur de ce bonheur, qui nous restera à jamais
inconnu. Nous n’avons pas le droit d’être parent, ainsi sommes-nous faits…
Quoi qu’il en soit, de là à dire qu’Ælwynn était enceinte me paraissait un peu exagéré tout de
même. Elle se comportait comme tel, en éconnomisant ses forces et en faisant bien attention à elle,
mais elle n’attendait pas d’enfant, à ma connaissance en tout cas, et n’affichait pas cette sérénité des
futures mamans. Au contraire. Elle semblait soucieuse, gardant pendant de longs moments le
silence. Son état m’inquiétait bien sûr, mais qu’y pouvais-je, à part la soutenir et l’accompagner dans
cette épreuve ? Dans une semaine environ, nous serons au Prieuré. Là-bas, nous aurons
probablement plus de soutien.
La nuit commençait à étirer son linceul d’ombres, et nous installâmes ce soir-là notre
campement au pied d’un chêne imposant, au milieu d’une vaste forêt dense et verdoyante. Depuis
quelques heures, j’étais mal à l’aise, comme si nous étions suivies. Traquées devrais-je dire. Tout
mon corps était raidi, tous mes sens en alerte, comme si dangereux prédateur s’approchait,
impitoyablement.
- Quelqu’un a vu Pan d’Orr en fait ?
- Pan d’Orr ? Ah tiens nan, où a-t-elle pu passer ?
- Elle se serait perdue ?
- C’est pas son genre.
- Ah, parce que tu connais son genre peut être ?
- Euh, non.
- Pan d’Orr, ma reine, mon astre, mon cœur ? Où te caches-tu princesse ?
- Du calme Lazare, elle n’a pas pu aller bien loin.
- Et comment tu sais ça toi ?
- Euh…
Quand tombent les masques
- Et maintenant, Aboune, ké k’on fait ?
- Aucune idée Nezumy, aucune idée.
- Quoi ?
- C’est plus compliqué qu’il n’y paraît pas.
- Tu m’en diras tant.
- Vous l’avez ressenti aussi pendant notre combat ?
- Ressenti quoi ? Les poils roux roussis de Stathor, l’odeur du poulet brûlé ?
- Eh oh, me compare pas à un poulet, le rat.
- Cot cot, picote la poule, doudi doudi !
- Je vais le tuer. Puis-je le tuer ?
- S’il nous plaît, un peu de calme. Rien à voir avec l’odeur du poulet grillé, même si, je l’avoue,
ça sentait un peu la volaille cramée.
- Ah ! C’est bien ce que je disais.
- Nezu… Crois-tu que je serai resté dans l’Antre de Primordus juste pour voir si ça sentait bien
le poulet grillé ?
- Ça me semblerait bizarre quand même.
- Oui, voilà. Non, je suis là, avec vous, pour tout autre chose. Pendant notre combat, à deux
reprises, quelqu’un a utilisé la magie interdite ?
- La magie interdite ?
- Oui.
- Qu’est que c’est ?
- Une magie qui n’est pas autorisée.
- Sans déconner… Tu peux nous en dire plus ?
- Comment ne pas faire simple. Bon, voilà, il y a plusieurs types de magie par chez nous. Pug et
Guess que voici s’adressent aux éléments et, lorsqu’il obtiennent leurs accords, travaillent de
concert avec eux. Les gardiens comme Svynge puisent dans leur vif pour faire de la magie.
- Leur vif ?
- Leur énergie si tu préfères, même si c’est pas tout à fait exact.
- Aaaaah.
- Les envoûteurs comme moi avons pour habitude de jouer avec la lumière et le cognitif pour
créer des illusions. Rien de plus simple.
- C’est sur.
- Bon, là où se situe la problématique, c’est que chaque magie a son pendant, son côté obscur
si vous préférez, qu’il ne faut surtout pas utiliser. En ce qui concerne les élémentalistes par
exemple, il leur est formellement proscrit de s’adresser au cinquième élément.
- Y’a un cinquième élément ?
- Tout à fait Stathor, lui répondit Pug. Et les seuls élémentalistes qui sont soi-disant parvenus à
rentrer en contact avec lui ont tout simplement disparu.
- Et à quoi ressemble-t-il ?
- Aucune idée.
- Et en ce qui concerne les autres, Aboune ?
- Je ne suis pas tout à fait au fait de la magie des gardiens. Il est dit qu’ils seraient en mesure
d’absorber l’énergie dans le vif des autres, directement, ce qui est très très très très
dangereux. Quant aux envoûteurs, eh bien, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, notre truc,
c’est la lumière. Et qu’est-ce qui s’oppose à la lumière ?
Quand tombent les masques
- Les ténèbres ?
- Voilà, tout à fait.
- En quoi la manipulation des ombres serait une magie interdite ?
- Ça vous semblera bizarre de prime abord, mais lorsque nous utilisons la lumière, nous ne
faisons qu’altérer la perception d’autrui, sans toucher au vital de Mère Nature. L’envoûteur
qui utilise les ténèbres, du peu que j’en sais, altère la perception en ponctionnant
directement dans le vif de toute chose. En d’autres termes, il prélève la vie qui l’entoure pour
donner forme à ce qu’il souhaite.
- Un peu comme les nécromants non ?
- Rien à voir. Les nécromants insufflent leur énergie dans des corps inertes pour les ranimer
l’espace d’un instant, et en ça ils ne ponctionnent ni ne créent. Non. L’envoûteur dont je
vous parle frôle les pouvoirs d’une divinité en donnant vie à ce qu’il souhaite.
- C’est balèze !
- Oui, et très dangereux. La vie est un équilibre, une osmose. La Nature à une réserve de vie,
pour ainsi dire, à donner. Elle donne vie et la reprend en fonction des besoins. L’envoûteur
précité va directement puiser dans cette source de vie pour réaliser ses objectifs. Plus il va
s’amuser à donner vie, plus les réserves de la Nature vont s’épuiser.
- À force, tu es en train de nous dire que… Maman Nature n’aura plus assez de réserves pour
donner de la vie ?
- Tout à fait.
- Et comment sais-tu que cette magie a été utilisée pendant notre combat ?
- Elle a une odeur particulière. Et le déséquilibre qui en découle, je le ressens très vite.
- C’est bizarre. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu une quelconque création.
- Moi non plus, c’est bien ce qui me chagrine.
- Ne serait-ce point le Flammotaure qui aurait fait ça ?
- Malgré sa puissance, c’est un domaine qui lui est totalement inconnu. Non,
malheureusement, c’est quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui se battait à nos côtés ?
- Et tu sais qui ?
- J’ai bien une idée mais, avant d’accuser à tort, il me faudrait des preuves, d’où notre
présence.
- Hay hay sir, détectivons donc ! Par où on commence ?
- L’arène, ça me semble une bonne base.
Les ténèbres allaient en s’épaississant et le silence maintenant s’était emparé des lieux
autour de notre campement. Plus d’oiseaux, plus de lapins, à peine le vent dans les
feuillages à travers lesquels se distinguait une lune verdâtre. Verdâtre ? Rien de bien
engageant. Tout mon corps était tendu, à la limite du supportable.
- On ne devrait pas rester ici, me dit Ælwynn, qui visiblement n’appréciait guère l’ambiance du
moment.
- Je suis d’accord, allons nous-en.
En rangeant nos affaires, un bruit dans les feuillages derrière moi me fit sursauter. L’ambiance était
devenue salement glauque et les paysages reflétaient des nuances verdâtres et marécageuses fort
Quand tombent les masques
peu engageantes. Une silhouette humaine se détacha de l’obscurité et s’approchait maintenant de
nous, dégageant des volutes d’une aura se mariant très bien avec les couleurs locales. Il n’y avait plus
aucun bruit autour de nous, toute la nature s’était tue maintenant, et la créature, armée d’une faux,
s’approchait silencieusement de nous. Ses pieds touchaient le sol ? Je frissonnais à son approche, et
l’air devenait salement glacial.
- Restez où vous êtes ! finis-je par crier à l’intention du nouvel arrivant.
- …
- Qui êtes-vous ?
- Voyons, tu ne me reconnais pas, sylvari ?
Je plissais les yeux tandis que l’être s’approchait toujours de nous.
- Pan… Pan d’Orr, c’est toi ?
- Bien, me répondit-elle, sur un ton inquiétant.
- Que fais-tu ici ?
- Je viens tuer ta copine.
- Pardon ?
- N’ai-je pas été assez claire ?
- Pou… Pourquoi ?
- Oh… Pourquoi ? me répondit-elle en rigolant. Elle a voulu tuer Père, et elle possède quelque
chose que je désire ardemment.
- Tuer Père ?
- Effectivement.
- Mais, quand aurais-je cherché à tuer ton père, s’offusqua Ælwynn ?
- Il y a un cycle de lune de cela maintenant.
- Qui est ton père ? finis-je par demander.
- Oh, elle le sait très bien, demande-lui.
En me retournant, je vis avec horreur le regard de braise de ma compagne. Elle perdait le contrôle.
D’une voix gutturale et grave, elle répondit.
- Zhaïtan. Cher Zhaïtan, si je m’attendais à te voir aussi rapidement.
- Zhaïtan ?! m’exclamai-je, totalement incrédule.
- Écarte-toi de là, sylvari, je n’ai rien contre toi. C’est ce qui reste de ta copine qui m’intéresse,
reprit Pan d’Orr, beaucoup plus menaçante.
Instinctivement, je décochai une claque retentissante à Ælwynn, qui, à mon grand soulagement, lui
fit retrouver un regard normal. Nos regards se sont croisés, une dernière fois.
- Fuis, mon amie, je te couvrirai.
- Shali ! Je me battrai à tes côtés !
- Idiote ! Tu sais très bien que ça coûtera ta perte. ALLEZ, FUIS !
Ælwynn se retourna, en m’adressant un dernier regard plein de compassion, pour s’enfoncer aussitôt
dans les ténèbres de la forêt.
- Tiens tiens, réagit Pan d’Orr, je vais devoir jouer au dragon et à la souris on dirait.
Quand tombent les masques
- Mais tu t’es battue à nos côtés Pan d’Orr, nous étions unis sous la bannière d’Onitopia non ?
Tu as prêté le serment !
- Que des mots, rien que des mots.
- Traîtresse !
- Tout à fait. Maintenant, écarte-toi de mon chemin, je te prie. Tu ne m’intéresses pas.
- C’est ça. Allez, viens te la coller, pouffiasse prétentieuse. C’est ici que ton chemin s’arrête.
La petite Pan d’Orr s’était mise entre le dragon et moi. Je ne savais plus quoi penser sur
la consistance de ce monde. Depuis que j’étais arrivée ici, j’avais pris le temps de
regarder Zhaïtan, plus d’une fois, et je le considérais comme une simple illusion, une
simple projection dans l’esprit de la petite fille. Maintenant qu’il me faisait face, je le
sentais désespérément réel. Deux de ses têtes m’entouraient et me fixaient comme un
petit biscuit qu’on donnerait à un chien. Sa tête principale se concentrait sur Pan d’Orr qui se tenait
en face de moi, bras écartés, comme si elle espérait un tant sois peu arrêter ce monstre. Ceci dit, le
dragon, à ma grande surprise, semblait l’écouter.
- Père, je t’en prie, ne lui fais pas de mal. C’est mon amie à moi.
Le dragon grogna en guise de réponse.
- Je sais que tu as faim. Mais elle, elle te veut pas de mal. Hein Ayrin, tu lui veux pas de mal ?
- Euh, non non, pas du tout.
- Tu vois Papa ? Ne la mange pas s’il te plaît.
Soudainement, le dragon huma l’air autour de lui, puis tourna vivement ses têtes vers l’arène central.
Il émit un formidable hurlement puis prit appui sur une bâtisse pour prendre son envol lourdement.
Quelques instants plus tard, il s’était posé au cœur de l’arène, prostré sur lui-même. Des volutes
vertes se dégageait de tout son corps pour monter comme autant de filets de fumées vers les cieux
gris.
- Qu’est-ce qui se passe ? finis-je par demander à mini Pan d’Orr ?
- C’est l’heure de manger, me répondit-elle, sur l’expectative.
Les éléments autour de moi étaient extrêmement nerveux, me susurrant à l’oreille de
me méfier. Pas besoin de me le dire deux fois. Elle est dangereuse, extrêmement
dangereuse. Je sortai mes dagues, respirant calmement, me concentrant sur l’osmose
entre les éléments et mon vif. Ils me répondaient sans faillir et je savais même qu’ils me
donneraient plus si j’en ressentais le besoin. Qu’ils soient aussi inquiets ne me rassurait
guère, jamais je n’ai ressenti une telle alliance entre eux et moi. Pan d’Orr, s’appuyant sur sa faux,
avança son bras désarmé, paume ouverte vers le ciel, créant une petite boule de lumière verte dans
sa main. Je devais prendre mon adversaire de vitesse ! Éléments du zéphyr, portez-moi, et que mon
bras s’abatte comme la foudre ! Je traversai la distance qui me séparait de mon adversaire à la
vitesse de l’éclair afin de trancher net le cou de Pan d’Orr. Celle-ci recula simplement la tête,
esquivant d’un cheveu le fil de ma lame. Elle referma aussitôt la paume de sa main et… Quoi ? Un
Quand tombent les masques
double de moi venait d’apparaître sous mes yeux ! Pas le temps de réfléchir, je lui plantai direct une
dague dans le crâne. Le second moi s’affaissa tandis qu’une terrible douleur se fit ressentir dans ma
tête.
- C’est bien, tu es rapide, me dit-elle sur un ton sarcastique. Amusons-nous un peu.
- Éléments du feu, que votre courroux sois mien !
Pan d’Orr entama une danse endiablée, sa faux zigzaguant dans l’air en laissant des traces de fumée
sur son passage. Je me jetai sur elle avec la férocité du feu, en sautant dans les airs, en tournant sur
moi-même pour esquiver sa terrible arme, afin de lui planter une dague en pleine tête. Elle se baissa
juste à temps et, dos à elle, je me sentis suffoquer. Elle m’arrachait directement des bouts de vif pour
créer des clones de moi ! Qui m’attaquèrent aussitôt. Trois ! Heureusement, les éléments ne leur
portaient pas secours. J’eus tôt fait de parer le premier pour lui décocher un coup de pied dans le
ventre et percer le second de mes lames, prétentieux clône qui s’avançait comme un pantin
décérébré sur moi à toute allure. Il s’effondra à même le sol tandis que je ressentai une vigoureuse
douleur à l’endroit même ou j’avais percé mon clone. Chancelante, je vis le troisième « moi » dans
les airs, dagues en avant, directement pointées vers mon cœur ! Juste eu le temps de me déplacer,
mais les lames se fichèrent dans mon épaule, me faisant crier de douleur. Je retirai les armes en les
jetant au loin, essouflée. J’invoquais l’élément aquatique, omniprésent dans cette forêt, qui referma
aussitôt mes blessures et me donna une nouvelle vigueur.
- Eh bien, si je m’attendais à une telle résistance, s’exclama Pan d’Orr, ses yeux de souffre
luisant dans la nuit. Je suis sûr que tu es délicieuse.
- J’ai tendance à être indigeste, je préfère te prévenir.
Elle rigola puis entama de nouveau sa danse maléfique.
Cela faisait maintenant des heures que nous fouillions l’arène, à la recherche de
quelconques indices. Maintenant que l’incendie dans l’antique cité s’était éteint de
lui-même, l’ambiance était beaucoup plus calme, même si je revoyais par bribe
notre combat dans ce décor qui m’apparaissait maintenant sinistre. C’était avec
beaucoup de réticence que je cherchais quelque chose dans le sable, à l’endroit-
même ou Ayrin poussa son dernier souffle. Une tâche de sang témoignait de ce drame.
- Que recherche-t-on Aboune ?
- Tout ce qui peut vous paraître anormal.
- Ça, ça pourrait t’aider, demanda Stathor, portant deux carcasses de Destructeur dans ses
bras.
- Mmh ? Qu’est-ce donc ?
Aboune examina attentivement les restes des scarabées, et devenait pâle à mesure qu’il analysait la
trouvaille de Stathor.
- Un problème ?
- Plutôt oui. Mes craintes se confirment. Ces Destructeurs sont clairement des jeunes
créations. Regardez-bien, ces deux-là, dit-il en nous montrant deux corps inertes de
Quand tombent les masques
scarabées. Vous savez tout comme moi que la Nature ne crée jamais deux fois la même
chose. Jamais ! Pourtant, si vous regardez de plus près, ces deux scarabées sont parfaitement
identiques, en tout point.
- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Eh bien, que quelqu’un parmi nous a fait usage de la magie interdite pour dédoubler ces
bestioles.
- Quoi ? Mais dans quel intérêt ?
- C’est là que c’est très inquiétant. Au pire, il ou elle aurait pu créer de nouveaux destructeurs
pour attaquer les originaux mais, en l’occurrence, ce n’est pas le cas.
- Comment le sais-tu ?
- Regarde… Copie et original ont tous les deux été tués par des lames. S’ils s’étaient battus
entre eux, les blessures seraient différentes.
- Attends, tu es en train de dire que quelqu’un a dédoublé les Destructeurs pour… nous
attaquer, nous ?
- Exactement.
- Merde, mais pourquoi ?
- Aucune idée.
- On peut lutter contre ça ?
- Alors là…
Cela faisait quelques minutes maintenant que je tournais autour de mon adversaire,
portant mes coups en vain, tuant mes copies en ressentant à chaque fois d’intenses
douleurs. Je commençais à être fatiguée, mes coups avaient de moins en moins de
précision, mes esquives étaient de moins en moins rapides. Elle était en train de jouer
avec moi et, à ce rythme, elle m’aurait à l’usure. Sa manière d’esquiver, de prévoir mes
attaques… Comme si elle lisait dans mes pensées. Ma prochaine attaque devait absolument porter.
Absolument ! Je calmais le jeu en reculant doucement. Ne pense à rien ma petite Shali, c’est
dangereux, mais laisse-toi guider par ton instinct. Je respirai calmement… Je ressentais les énergies
autour… de moi… La forêt… Étoiles… Elle…
…
Sans difficulté j’esquivai les attaques de mes propres moi, sans chercher à riposter. Je vais devoir être
rapide. Rapide… Rapide et imprévisible. A l’instar de Pan d’Orr, je levai la main droite et la mimais,
comme si elle faisait face à un miroir.
- Que fais-tu espèce de garce ?
- …
- Fini de jouer !
Elle pointa son bras armé de sa faux en avant, et tous les clônes se précipitèrenet sur moi. Sa colère
l’avait un instant troublée, et elle n’avait pas pris conscience que des racines s’étaient emparées de
ses pieds. Je me faufilais, l’esprit vide, avec juste l’instinct de survie, entre les multiples moi, pour me
retrouver à son niveau. Surprise, elle abbattit sa faux, que je parai avec une dague tandis que l’autre
Quand tombent les masques
se ficha directement dans son ventre. Ébahie, elle recula et tomba à la renverse, encore empêtrée
par les racines, la main sur sa blessure dégoulinante (ouf, elle a du sang rouge).
- Qu’as-tu fait, espèce de… ?!
Pan d’Orr ferma les yeux un instant et reprit son souffle. Quoi ? Sa blessure se refermait déjà ?!
- Alors ça, tu vas me le payer !
Les racines moururent aussitôt et elle se releva, visiblement furieuse. Bon sève ! Si ça, ça passait pas,
alors je ne voyais plus d’échappatoires ! Déjà les clones de moi reprenaient leur ballet enflammé et
j’avais de plus en plus de mal à les repousser. Pan d’Orr se rapprochait de moi en train de lutter
parmi toutes ces copies, furieuse ! Elle se saisit d’un coup de mon bras et me brisa le poignet, me
faisant hurler de douleur et me faisant lâcher ma dague, avant de me projeter violemment sur le
tronc le plus proche, m’étourdissant net. Elle s’accroupit devant moi, le visage défiguré par la colère :
- Prépare-toi à mourir, petite sotte !
Elle se releva et porta sa faux bien haut, la lame qui mettra fin à mon existence. Ma dernière pensée
allait pour Ælwynn qui, je l’espère, aura mis maintenant assez de distance entre Pan d’Orr et elle.
Ælwynn, je t’en prie, prends soin de toi, peut être se reverra-t-on ailleurs. Adieu mon amie…
Une ombre massive apparut aussi soudainement dans le dos de Pan d’Orr, comme tombée du ciel.
Deux pattes puissantes et griffues lui entourèrent le visage et, tout aussi rapidement, brisa le cou de
Pan d’Orr en lui faisant tourner la tête sur un méchant angle de 90°. J’entendis perceptiblement
toutes les cervicales craquer une à une, un bruit sinistre et affreux. Le corps de Pan d’Orr s’affaissa
aussitôt au sol.
Tout à coup, un gigantesque séisme s’empara des lieux. Le décor bougeait
dangereusement, certaines bâtisses s’écroulaient un peu partout, le grondement était
terrible. Je pris Pan d’Orr dans mes bras, essayant tant bien que mal de la protéger de
cet apocalypse. Elle hurlait de peur et pleurait dans mes bras. Tandis que tout
s’effondrait autour de nous deux, à genoux dans ce déchaînement chaotique, je vis
Zhaïtan hurler au cœur de l’arène tremblante, et les volutes de fumées vertes qui se dégageait de lui
s’intensifièrent aussitôt, et devinrent des colonnes de fumées vives qui s’élevèrent à toute allure
dans les cieux.
La silhouette massive qui se tenait devant moi, que je distinguais difficilement dans
l’obscurité nocturne, était celle d’un charr lourdement équipé. Son unique œil que je
parvenais à voir brillait dans la nuit et me fixait impassiblement.
- Me… Merci.
- Tire-toi, ce n’est pas fini.
- Quoi ?
Quand tombent les masques
Avec horreur j’entendais les craquments des vertêbres du cou de Pan d’Orr se remettre en place.
Dans une vision cauchemardesque, je vis sa tête se retourner doucement pour reprendre petit à petit
sa position initiale, produisant des sons affreux et une vision d’horreur.
- Laissez moi vous aider !
- Casse-toi bordel ! Cet adversaire est bien trop fort pour toi ! Allez, BOUGE !
- Mais, et vous ?
Tandis que Pan d’Orr se relevait tel un zombie, le charr me saisit par le col et me jeta loin de lui, pas
méchamment certes, mais suffisamment pour m’éloigner d’eux deux. Pan d’Orr se relevait en hurlant
de douleur. Un cri qui n’avait rien d’humain ! Tandis que je m’enfuyais à toute allure à travers les
arbres de la forêt, j’entendais le rugissement du charr, son cri de guerre, pour lui répondre. Déjà les
sons étouffés de la bataille me parvenaient tandis que je courais comme une dératée dans la nuit,
complètement paniquée et terrifiée, pour sauver ma peau.
- Alors là quoi ?
- Nezumy… Que ferais-tu si ton adversaire créait plein de clones de toi pour te
combattre ?
- Eh bien, je ferai la fête, puis on dansera, on boiera, on jouera. Plein de petits
Nezumy. Ce serait extra ! C’est Svynge qui serait contente !
- Eh oh, arrête de rêver. Pour te combattre je t’ai dit.
- Ah bah je sais pas. Je leur mettrai des coups de boule probablement.
- Et ils feront de même.
- Ah, c’est pas cool.
- Non, effectivement.
- Que faire alors ?
- Face à un tel adversaire, pour le désarmer, il faut l’empêcher d’accéder au berceau vital.
Trouver un moyen de l’enfermer sans qu’il puisse avoir accès à la source de toute vie.
- Et on fait ça comment ?
- Alors là…
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Quand tombent les_masques

  • 1. Quand tombent les masques Onitopia : La naissance d’une guilde - Qu’est-ce que c’est ? - Une magie qui n’est pas autorisée. Je vais devoir jouer au dragon et à la souris on dirait. Me… Merci. Le décor bougeait dangereusement, certaines bâtisses s’écroulaient un peu partout, le grondement était terrible. Chapitre 30 Zhaïtan ?! Mes craintes se confirment Fini de jouer ! Cet adversaire est bien trop fort pour toi ! Allez, BOUGE ! A force, tu es en train de nous dire que… Maman Nature n’aura plus assez de réserves pour donner de la vie ? Plein de petits Nezumy. Ce serait extra ! C’est Svynge qui serait contente ! Je courais comme une dératée dans la nuit, complètement paniquée et terrifiée, pour sauver ma peau. C’est l’heure de manger…
  • 2. Quand tombent les masques : Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste) : Svynge (norn, gardienne) : Nezumy (asura, ingénieur) : Pug (asura, élémentaliste) : Alia Arkady (humaine, voleuse) : Shalimar (sylvari, élémentaliste) : Ayrin Fields (humaine, guerrière) : Aboune (asura, envoûteur) : Stathor (asura, ingénieur) : Guess (humaine, élémentaliste) : Lianis (sylvari, élémentaliste) : Agaéti (sylvari, gardienne) : Lazare (humain, nécromant) : Pogonar (humain, guerrier) : Gledinia (norn, rôdeuse) : Yaddle (charr, guerrière) : Oméga (asura, guerrier) : Pan d’Orr ( ? )
  • 3. Quand tombent les masques Cela faisait maintenant une nuit et un jour que nous avions quitté nos compagnons, Ælwynn et moi, pour nous rendre au Prieuré afin de trouver des réponses et du repos. Je cheminai au rythme de ma compagne, c’est-à-dire pas bien rapidement en fait. Ælwynn faisait tout son possible pour ne pas puiser dans son énergie, je pouvais la comprendre, et nous cheminions tranquillement à travers les contrées verdoyantes jouxtant les Cimefroides que nous commencions à laisser derrière nous. Elle se comportait comme… Comme une humaine enceinte en fait. Un concept particulier pour mon peuple. Nous les sylvaris, nous ne pouvons pas porter notre future progéniture en nous. Nous n’avons pas cet honneur ni ce bonheur, malheureusement. Nous naissons dans des graines et venons au monde lorsque nos rêves arrivent à terme. Porter un enfant dans son ventre, j’en rêve, je l’espère, je n’y crois plus… Au cours de ma courte existence, j’ai pu lire plus d’une fois la sérénité qu’affichait les humaines enceintes, et j’en étais verte de jalousie. Mais ce système de reproduction nous dépasse, mon peuple et moi, il faut bien l’avouer, et nous ne pouvions que rester spectateur de ce bonheur, qui nous restera à jamais inconnu. Nous n’avons pas le droit d’être parent, ainsi sommes-nous faits… Quoi qu’il en soit, de là à dire qu’Ælwynn était enceinte me paraissait un peu exagéré tout de même. Elle se comportait comme tel, en éconnomisant ses forces et en faisant bien attention à elle, mais elle n’attendait pas d’enfant, à ma connaissance en tout cas, et n’affichait pas cette sérénité des futures mamans. Au contraire. Elle semblait soucieuse, gardant pendant de longs moments le silence. Son état m’inquiétait bien sûr, mais qu’y pouvais-je, à part la soutenir et l’accompagner dans cette épreuve ? Dans une semaine environ, nous serons au Prieuré. Là-bas, nous aurons probablement plus de soutien. La nuit commençait à étirer son linceul d’ombres, et nous installâmes ce soir-là notre campement au pied d’un chêne imposant, au milieu d’une vaste forêt dense et verdoyante. Depuis quelques heures, j’étais mal à l’aise, comme si nous étions suivies. Traquées devrais-je dire. Tout mon corps était raidi, tous mes sens en alerte, comme si dangereux prédateur s’approchait, impitoyablement. - Quelqu’un a vu Pan d’Orr en fait ? - Pan d’Orr ? Ah tiens nan, où a-t-elle pu passer ? - Elle se serait perdue ? - C’est pas son genre. - Ah, parce que tu connais son genre peut être ? - Euh, non. - Pan d’Orr, ma reine, mon astre, mon cœur ? Où te caches-tu princesse ? - Du calme Lazare, elle n’a pas pu aller bien loin. - Et comment tu sais ça toi ? - Euh…
  • 4. Quand tombent les masques - Et maintenant, Aboune, ké k’on fait ? - Aucune idée Nezumy, aucune idée. - Quoi ? - C’est plus compliqué qu’il n’y paraît pas. - Tu m’en diras tant. - Vous l’avez ressenti aussi pendant notre combat ? - Ressenti quoi ? Les poils roux roussis de Stathor, l’odeur du poulet brûlé ? - Eh oh, me compare pas à un poulet, le rat. - Cot cot, picote la poule, doudi doudi ! - Je vais le tuer. Puis-je le tuer ? - S’il nous plaît, un peu de calme. Rien à voir avec l’odeur du poulet grillé, même si, je l’avoue, ça sentait un peu la volaille cramée. - Ah ! C’est bien ce que je disais. - Nezu… Crois-tu que je serai resté dans l’Antre de Primordus juste pour voir si ça sentait bien le poulet grillé ? - Ça me semblerait bizarre quand même. - Oui, voilà. Non, je suis là, avec vous, pour tout autre chose. Pendant notre combat, à deux reprises, quelqu’un a utilisé la magie interdite ? - La magie interdite ? - Oui. - Qu’est que c’est ? - Une magie qui n’est pas autorisée. - Sans déconner… Tu peux nous en dire plus ? - Comment ne pas faire simple. Bon, voilà, il y a plusieurs types de magie par chez nous. Pug et Guess que voici s’adressent aux éléments et, lorsqu’il obtiennent leurs accords, travaillent de concert avec eux. Les gardiens comme Svynge puisent dans leur vif pour faire de la magie. - Leur vif ? - Leur énergie si tu préfères, même si c’est pas tout à fait exact. - Aaaaah. - Les envoûteurs comme moi avons pour habitude de jouer avec la lumière et le cognitif pour créer des illusions. Rien de plus simple. - C’est sur. - Bon, là où se situe la problématique, c’est que chaque magie a son pendant, son côté obscur si vous préférez, qu’il ne faut surtout pas utiliser. En ce qui concerne les élémentalistes par exemple, il leur est formellement proscrit de s’adresser au cinquième élément. - Y’a un cinquième élément ? - Tout à fait Stathor, lui répondit Pug. Et les seuls élémentalistes qui sont soi-disant parvenus à rentrer en contact avec lui ont tout simplement disparu. - Et à quoi ressemble-t-il ? - Aucune idée. - Et en ce qui concerne les autres, Aboune ? - Je ne suis pas tout à fait au fait de la magie des gardiens. Il est dit qu’ils seraient en mesure d’absorber l’énergie dans le vif des autres, directement, ce qui est très très très très dangereux. Quant aux envoûteurs, eh bien, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, notre truc, c’est la lumière. Et qu’est-ce qui s’oppose à la lumière ?
  • 5. Quand tombent les masques - Les ténèbres ? - Voilà, tout à fait. - En quoi la manipulation des ombres serait une magie interdite ? - Ça vous semblera bizarre de prime abord, mais lorsque nous utilisons la lumière, nous ne faisons qu’altérer la perception d’autrui, sans toucher au vital de Mère Nature. L’envoûteur qui utilise les ténèbres, du peu que j’en sais, altère la perception en ponctionnant directement dans le vif de toute chose. En d’autres termes, il prélève la vie qui l’entoure pour donner forme à ce qu’il souhaite. - Un peu comme les nécromants non ? - Rien à voir. Les nécromants insufflent leur énergie dans des corps inertes pour les ranimer l’espace d’un instant, et en ça ils ne ponctionnent ni ne créent. Non. L’envoûteur dont je vous parle frôle les pouvoirs d’une divinité en donnant vie à ce qu’il souhaite. - C’est balèze ! - Oui, et très dangereux. La vie est un équilibre, une osmose. La Nature à une réserve de vie, pour ainsi dire, à donner. Elle donne vie et la reprend en fonction des besoins. L’envoûteur précité va directement puiser dans cette source de vie pour réaliser ses objectifs. Plus il va s’amuser à donner vie, plus les réserves de la Nature vont s’épuiser. - À force, tu es en train de nous dire que… Maman Nature n’aura plus assez de réserves pour donner de la vie ? - Tout à fait. - Et comment sais-tu que cette magie a été utilisée pendant notre combat ? - Elle a une odeur particulière. Et le déséquilibre qui en découle, je le ressens très vite. - C’est bizarre. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu une quelconque création. - Moi non plus, c’est bien ce qui me chagrine. - Ne serait-ce point le Flammotaure qui aurait fait ça ? - Malgré sa puissance, c’est un domaine qui lui est totalement inconnu. Non, malheureusement, c’est quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui se battait à nos côtés ? - Et tu sais qui ? - J’ai bien une idée mais, avant d’accuser à tort, il me faudrait des preuves, d’où notre présence. - Hay hay sir, détectivons donc ! Par où on commence ? - L’arène, ça me semble une bonne base. Les ténèbres allaient en s’épaississant et le silence maintenant s’était emparé des lieux autour de notre campement. Plus d’oiseaux, plus de lapins, à peine le vent dans les feuillages à travers lesquels se distinguait une lune verdâtre. Verdâtre ? Rien de bien engageant. Tout mon corps était tendu, à la limite du supportable. - On ne devrait pas rester ici, me dit Ælwynn, qui visiblement n’appréciait guère l’ambiance du moment. - Je suis d’accord, allons nous-en. En rangeant nos affaires, un bruit dans les feuillages derrière moi me fit sursauter. L’ambiance était devenue salement glauque et les paysages reflétaient des nuances verdâtres et marécageuses fort
  • 6. Quand tombent les masques peu engageantes. Une silhouette humaine se détacha de l’obscurité et s’approchait maintenant de nous, dégageant des volutes d’une aura se mariant très bien avec les couleurs locales. Il n’y avait plus aucun bruit autour de nous, toute la nature s’était tue maintenant, et la créature, armée d’une faux, s’approchait silencieusement de nous. Ses pieds touchaient le sol ? Je frissonnais à son approche, et l’air devenait salement glacial. - Restez où vous êtes ! finis-je par crier à l’intention du nouvel arrivant. - … - Qui êtes-vous ? - Voyons, tu ne me reconnais pas, sylvari ? Je plissais les yeux tandis que l’être s’approchait toujours de nous. - Pan… Pan d’Orr, c’est toi ? - Bien, me répondit-elle, sur un ton inquiétant. - Que fais-tu ici ? - Je viens tuer ta copine. - Pardon ? - N’ai-je pas été assez claire ? - Pou… Pourquoi ? - Oh… Pourquoi ? me répondit-elle en rigolant. Elle a voulu tuer Père, et elle possède quelque chose que je désire ardemment. - Tuer Père ? - Effectivement. - Mais, quand aurais-je cherché à tuer ton père, s’offusqua Ælwynn ? - Il y a un cycle de lune de cela maintenant. - Qui est ton père ? finis-je par demander. - Oh, elle le sait très bien, demande-lui. En me retournant, je vis avec horreur le regard de braise de ma compagne. Elle perdait le contrôle. D’une voix gutturale et grave, elle répondit. - Zhaïtan. Cher Zhaïtan, si je m’attendais à te voir aussi rapidement. - Zhaïtan ?! m’exclamai-je, totalement incrédule. - Écarte-toi de là, sylvari, je n’ai rien contre toi. C’est ce qui reste de ta copine qui m’intéresse, reprit Pan d’Orr, beaucoup plus menaçante. Instinctivement, je décochai une claque retentissante à Ælwynn, qui, à mon grand soulagement, lui fit retrouver un regard normal. Nos regards se sont croisés, une dernière fois. - Fuis, mon amie, je te couvrirai. - Shali ! Je me battrai à tes côtés ! - Idiote ! Tu sais très bien que ça coûtera ta perte. ALLEZ, FUIS ! Ælwynn se retourna, en m’adressant un dernier regard plein de compassion, pour s’enfoncer aussitôt dans les ténèbres de la forêt. - Tiens tiens, réagit Pan d’Orr, je vais devoir jouer au dragon et à la souris on dirait.
  • 7. Quand tombent les masques - Mais tu t’es battue à nos côtés Pan d’Orr, nous étions unis sous la bannière d’Onitopia non ? Tu as prêté le serment ! - Que des mots, rien que des mots. - Traîtresse ! - Tout à fait. Maintenant, écarte-toi de mon chemin, je te prie. Tu ne m’intéresses pas. - C’est ça. Allez, viens te la coller, pouffiasse prétentieuse. C’est ici que ton chemin s’arrête. La petite Pan d’Orr s’était mise entre le dragon et moi. Je ne savais plus quoi penser sur la consistance de ce monde. Depuis que j’étais arrivée ici, j’avais pris le temps de regarder Zhaïtan, plus d’une fois, et je le considérais comme une simple illusion, une simple projection dans l’esprit de la petite fille. Maintenant qu’il me faisait face, je le sentais désespérément réel. Deux de ses têtes m’entouraient et me fixaient comme un petit biscuit qu’on donnerait à un chien. Sa tête principale se concentrait sur Pan d’Orr qui se tenait en face de moi, bras écartés, comme si elle espérait un tant sois peu arrêter ce monstre. Ceci dit, le dragon, à ma grande surprise, semblait l’écouter. - Père, je t’en prie, ne lui fais pas de mal. C’est mon amie à moi. Le dragon grogna en guise de réponse. - Je sais que tu as faim. Mais elle, elle te veut pas de mal. Hein Ayrin, tu lui veux pas de mal ? - Euh, non non, pas du tout. - Tu vois Papa ? Ne la mange pas s’il te plaît. Soudainement, le dragon huma l’air autour de lui, puis tourna vivement ses têtes vers l’arène central. Il émit un formidable hurlement puis prit appui sur une bâtisse pour prendre son envol lourdement. Quelques instants plus tard, il s’était posé au cœur de l’arène, prostré sur lui-même. Des volutes vertes se dégageait de tout son corps pour monter comme autant de filets de fumées vers les cieux gris. - Qu’est-ce qui se passe ? finis-je par demander à mini Pan d’Orr ? - C’est l’heure de manger, me répondit-elle, sur l’expectative. Les éléments autour de moi étaient extrêmement nerveux, me susurrant à l’oreille de me méfier. Pas besoin de me le dire deux fois. Elle est dangereuse, extrêmement dangereuse. Je sortai mes dagues, respirant calmement, me concentrant sur l’osmose entre les éléments et mon vif. Ils me répondaient sans faillir et je savais même qu’ils me donneraient plus si j’en ressentais le besoin. Qu’ils soient aussi inquiets ne me rassurait guère, jamais je n’ai ressenti une telle alliance entre eux et moi. Pan d’Orr, s’appuyant sur sa faux, avança son bras désarmé, paume ouverte vers le ciel, créant une petite boule de lumière verte dans sa main. Je devais prendre mon adversaire de vitesse ! Éléments du zéphyr, portez-moi, et que mon bras s’abatte comme la foudre ! Je traversai la distance qui me séparait de mon adversaire à la vitesse de l’éclair afin de trancher net le cou de Pan d’Orr. Celle-ci recula simplement la tête, esquivant d’un cheveu le fil de ma lame. Elle referma aussitôt la paume de sa main et… Quoi ? Un
  • 8. Quand tombent les masques double de moi venait d’apparaître sous mes yeux ! Pas le temps de réfléchir, je lui plantai direct une dague dans le crâne. Le second moi s’affaissa tandis qu’une terrible douleur se fit ressentir dans ma tête. - C’est bien, tu es rapide, me dit-elle sur un ton sarcastique. Amusons-nous un peu. - Éléments du feu, que votre courroux sois mien ! Pan d’Orr entama une danse endiablée, sa faux zigzaguant dans l’air en laissant des traces de fumée sur son passage. Je me jetai sur elle avec la férocité du feu, en sautant dans les airs, en tournant sur moi-même pour esquiver sa terrible arme, afin de lui planter une dague en pleine tête. Elle se baissa juste à temps et, dos à elle, je me sentis suffoquer. Elle m’arrachait directement des bouts de vif pour créer des clones de moi ! Qui m’attaquèrent aussitôt. Trois ! Heureusement, les éléments ne leur portaient pas secours. J’eus tôt fait de parer le premier pour lui décocher un coup de pied dans le ventre et percer le second de mes lames, prétentieux clône qui s’avançait comme un pantin décérébré sur moi à toute allure. Il s’effondra à même le sol tandis que je ressentai une vigoureuse douleur à l’endroit même ou j’avais percé mon clone. Chancelante, je vis le troisième « moi » dans les airs, dagues en avant, directement pointées vers mon cœur ! Juste eu le temps de me déplacer, mais les lames se fichèrent dans mon épaule, me faisant crier de douleur. Je retirai les armes en les jetant au loin, essouflée. J’invoquais l’élément aquatique, omniprésent dans cette forêt, qui referma aussitôt mes blessures et me donna une nouvelle vigueur. - Eh bien, si je m’attendais à une telle résistance, s’exclama Pan d’Orr, ses yeux de souffre luisant dans la nuit. Je suis sûr que tu es délicieuse. - J’ai tendance à être indigeste, je préfère te prévenir. Elle rigola puis entama de nouveau sa danse maléfique. Cela faisait maintenant des heures que nous fouillions l’arène, à la recherche de quelconques indices. Maintenant que l’incendie dans l’antique cité s’était éteint de lui-même, l’ambiance était beaucoup plus calme, même si je revoyais par bribe notre combat dans ce décor qui m’apparaissait maintenant sinistre. C’était avec beaucoup de réticence que je cherchais quelque chose dans le sable, à l’endroit- même ou Ayrin poussa son dernier souffle. Une tâche de sang témoignait de ce drame. - Que recherche-t-on Aboune ? - Tout ce qui peut vous paraître anormal. - Ça, ça pourrait t’aider, demanda Stathor, portant deux carcasses de Destructeur dans ses bras. - Mmh ? Qu’est-ce donc ? Aboune examina attentivement les restes des scarabées, et devenait pâle à mesure qu’il analysait la trouvaille de Stathor. - Un problème ? - Plutôt oui. Mes craintes se confirment. Ces Destructeurs sont clairement des jeunes créations. Regardez-bien, ces deux-là, dit-il en nous montrant deux corps inertes de
  • 9. Quand tombent les masques scarabées. Vous savez tout comme moi que la Nature ne crée jamais deux fois la même chose. Jamais ! Pourtant, si vous regardez de plus près, ces deux scarabées sont parfaitement identiques, en tout point. - Qu’est-ce que ça veut dire ? - Eh bien, que quelqu’un parmi nous a fait usage de la magie interdite pour dédoubler ces bestioles. - Quoi ? Mais dans quel intérêt ? - C’est là que c’est très inquiétant. Au pire, il ou elle aurait pu créer de nouveaux destructeurs pour attaquer les originaux mais, en l’occurrence, ce n’est pas le cas. - Comment le sais-tu ? - Regarde… Copie et original ont tous les deux été tués par des lames. S’ils s’étaient battus entre eux, les blessures seraient différentes. - Attends, tu es en train de dire que quelqu’un a dédoublé les Destructeurs pour… nous attaquer, nous ? - Exactement. - Merde, mais pourquoi ? - Aucune idée. - On peut lutter contre ça ? - Alors là… Cela faisait quelques minutes maintenant que je tournais autour de mon adversaire, portant mes coups en vain, tuant mes copies en ressentant à chaque fois d’intenses douleurs. Je commençais à être fatiguée, mes coups avaient de moins en moins de précision, mes esquives étaient de moins en moins rapides. Elle était en train de jouer avec moi et, à ce rythme, elle m’aurait à l’usure. Sa manière d’esquiver, de prévoir mes attaques… Comme si elle lisait dans mes pensées. Ma prochaine attaque devait absolument porter. Absolument ! Je calmais le jeu en reculant doucement. Ne pense à rien ma petite Shali, c’est dangereux, mais laisse-toi guider par ton instinct. Je respirai calmement… Je ressentais les énergies autour… de moi… La forêt… Étoiles… Elle… … Sans difficulté j’esquivai les attaques de mes propres moi, sans chercher à riposter. Je vais devoir être rapide. Rapide… Rapide et imprévisible. A l’instar de Pan d’Orr, je levai la main droite et la mimais, comme si elle faisait face à un miroir. - Que fais-tu espèce de garce ? - … - Fini de jouer ! Elle pointa son bras armé de sa faux en avant, et tous les clônes se précipitèrenet sur moi. Sa colère l’avait un instant troublée, et elle n’avait pas pris conscience que des racines s’étaient emparées de ses pieds. Je me faufilais, l’esprit vide, avec juste l’instinct de survie, entre les multiples moi, pour me retrouver à son niveau. Surprise, elle abbattit sa faux, que je parai avec une dague tandis que l’autre
  • 10. Quand tombent les masques se ficha directement dans son ventre. Ébahie, elle recula et tomba à la renverse, encore empêtrée par les racines, la main sur sa blessure dégoulinante (ouf, elle a du sang rouge). - Qu’as-tu fait, espèce de… ?! Pan d’Orr ferma les yeux un instant et reprit son souffle. Quoi ? Sa blessure se refermait déjà ?! - Alors ça, tu vas me le payer ! Les racines moururent aussitôt et elle se releva, visiblement furieuse. Bon sève ! Si ça, ça passait pas, alors je ne voyais plus d’échappatoires ! Déjà les clones de moi reprenaient leur ballet enflammé et j’avais de plus en plus de mal à les repousser. Pan d’Orr se rapprochait de moi en train de lutter parmi toutes ces copies, furieuse ! Elle se saisit d’un coup de mon bras et me brisa le poignet, me faisant hurler de douleur et me faisant lâcher ma dague, avant de me projeter violemment sur le tronc le plus proche, m’étourdissant net. Elle s’accroupit devant moi, le visage défiguré par la colère : - Prépare-toi à mourir, petite sotte ! Elle se releva et porta sa faux bien haut, la lame qui mettra fin à mon existence. Ma dernière pensée allait pour Ælwynn qui, je l’espère, aura mis maintenant assez de distance entre Pan d’Orr et elle. Ælwynn, je t’en prie, prends soin de toi, peut être se reverra-t-on ailleurs. Adieu mon amie… Une ombre massive apparut aussi soudainement dans le dos de Pan d’Orr, comme tombée du ciel. Deux pattes puissantes et griffues lui entourèrent le visage et, tout aussi rapidement, brisa le cou de Pan d’Orr en lui faisant tourner la tête sur un méchant angle de 90°. J’entendis perceptiblement toutes les cervicales craquer une à une, un bruit sinistre et affreux. Le corps de Pan d’Orr s’affaissa aussitôt au sol. Tout à coup, un gigantesque séisme s’empara des lieux. Le décor bougeait dangereusement, certaines bâtisses s’écroulaient un peu partout, le grondement était terrible. Je pris Pan d’Orr dans mes bras, essayant tant bien que mal de la protéger de cet apocalypse. Elle hurlait de peur et pleurait dans mes bras. Tandis que tout s’effondrait autour de nous deux, à genoux dans ce déchaînement chaotique, je vis Zhaïtan hurler au cœur de l’arène tremblante, et les volutes de fumées vertes qui se dégageait de lui s’intensifièrent aussitôt, et devinrent des colonnes de fumées vives qui s’élevèrent à toute allure dans les cieux. La silhouette massive qui se tenait devant moi, que je distinguais difficilement dans l’obscurité nocturne, était celle d’un charr lourdement équipé. Son unique œil que je parvenais à voir brillait dans la nuit et me fixait impassiblement. - Me… Merci. - Tire-toi, ce n’est pas fini. - Quoi ?
  • 11. Quand tombent les masques Avec horreur j’entendais les craquments des vertêbres du cou de Pan d’Orr se remettre en place. Dans une vision cauchemardesque, je vis sa tête se retourner doucement pour reprendre petit à petit sa position initiale, produisant des sons affreux et une vision d’horreur. - Laissez moi vous aider ! - Casse-toi bordel ! Cet adversaire est bien trop fort pour toi ! Allez, BOUGE ! - Mais, et vous ? Tandis que Pan d’Orr se relevait tel un zombie, le charr me saisit par le col et me jeta loin de lui, pas méchamment certes, mais suffisamment pour m’éloigner d’eux deux. Pan d’Orr se relevait en hurlant de douleur. Un cri qui n’avait rien d’humain ! Tandis que je m’enfuyais à toute allure à travers les arbres de la forêt, j’entendais le rugissement du charr, son cri de guerre, pour lui répondre. Déjà les sons étouffés de la bataille me parvenaient tandis que je courais comme une dératée dans la nuit, complètement paniquée et terrifiée, pour sauver ma peau. - Alors là quoi ? - Nezumy… Que ferais-tu si ton adversaire créait plein de clones de toi pour te combattre ? - Eh bien, je ferai la fête, puis on dansera, on boiera, on jouera. Plein de petits Nezumy. Ce serait extra ! C’est Svynge qui serait contente ! - Eh oh, arrête de rêver. Pour te combattre je t’ai dit. - Ah bah je sais pas. Je leur mettrai des coups de boule probablement. - Et ils feront de même. - Ah, c’est pas cool. - Non, effectivement. - Que faire alors ? - Face à un tel adversaire, pour le désarmer, il faut l’empêcher d’accéder au berceau vital. Trouver un moyen de l’enfermer sans qu’il puisse avoir accès à la source de toute vie. - Et on fait ça comment ? - Alors là… - Alors là quoi ? - Aucune idée.