Le notaire et le testament authentique, Libres propos d'un praticien sur le formalisme testamentaire
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Numéro 108 I Octobre 2013 RLDC I 49
RLDC 5242
Sous la direction scientifique de Bernard BEIGNIER, Recteur de l'Académie d'Amiens, Rémy CABRILLAC,
Professeur à la Faculté de droit de Montpellier, et Hervé LÉCUYER, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)
RÉGIMES MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS
Le notaire et le testament authentique
Libres propos d’un praticien sur le formalisme testamentaire
Le testament authentique est censé apporter le maximum de sécurité à son auteur et lui garantir
l’application sans faille de ses dernières volontés. Malheureusement, l’important formalisme
auquel il est soumis vient paradoxalement en fragiliser le devenir. La Cour de cassation
sanctionne régulièrement le manquement à ces règles qu’il semble difficile, en pratique,
de respecter de manière absolue. Devant de tels risques, nombreux sont les notaires qui hésitent
à recevoir un tel acte, craignant pour sa remise en cause par un héritier évincé. L’auteur revient
sur cette jurisprudence, les problèmes qu’elle pose à la pratique notariale et plaide pour une
simplification des règles, en fait pour un testament "notarié".
L
enotaireestsouventconsultépardesclientssoucieuxdeprendre
ce qu’il est convenu d’appeler des “dispositions de dernières
volontés” ; en fait, la plupart du temps, désireux de rédiger un
testament. Si les problèmes de fond que peut soulever une telle
décision varient à l’infini, les modalités de sa mise en forme sont,
au contraire, limitées. Notre législation ne connaît actuellement
que quatre types de testament : le testament olographe, le tes-
tament mystique, le testament authentique (C. civ., art. 969) et le
testament international.
De ces quatre formes, le testament authentique est ce-
lui qui est censé apporter à son initiateur le plus de sécuri-
té. Reçu par un notaire, l’authenticité que lui apportera cet
officier public (v. Rapp. Commission de réflexion sur l’authen-
ticité, 2 juill. 2013 ; sur ce rapport, v. Aynès L., L’authenticité,
Dr. & patr. 2013, n° 228, p. 20 ; Delzanno C. et Toury L., L’acte au-
thentique est un acte d’autorité, Dr. & patr. 2013, n° 228, p. 13)
garantira la certitude de sa date ; son contenu fera foi jusqu’à
inscription de faux ; sa conservation sera assurée et la saisine des
bénéficiaires, facilitée.
Pourtant, paradoxalement, il semble, au vu de la jurisprudence,
que les règles de forme particulièrement rigoureuses auxquelles il
est soumis viennent en fragiliser le devenir. Nous nous attacherons
donc, dans un premier temps, à rappeler ces dernières (I) avant de
mentionner, dans un second temps, les critiques qu’elles peuvent
susciter (II).
I – ÉTAT DES LIEUX DU FORMALISME TESTAMENTAIRE
Les rédacteurs du Code civil, voulant garantir au testateur l’ex-
pression pleine et entière de ses dernières volontés, ont soumis le
testament authentique à un ensemble de règles de forme des plus
strictes (A), que la jurisprudence a, au fil du temps, précisé, quand
ce n’est pas interprété, de manière parfois surprenante (B).
A – Un formalisme rigoureux
Le testament authentique est un acte solennel. Les rédacteurs du
Code civil ont édicté, en conséquence, des règles très précises,
tant pour sa rédaction que pour son déroulement.
Il résulte, en effet, des articles 971 et suivants du Code civil que :
– le testament authentique est reçu soit par deux notaires, soit
par un notaire assisté de deux témoins (C. civ., art. 971) ;
– ce testament est dicté par le testateur, qu’il soit reçu par deux
notaires ou par un notaire et deux témoins (C. civ., art. 972,
al. 1er
et 3) ;
– le notaire ou l’un deux (si le testament est reçu par deux
notaires) doit l’écrire lui-même ou le faire écrire à la main ou
« mécaniquement » par l’un de ses clercs (C. civ., art. 972,
al. 1er
et 3) ;
– il doit être donné lecture du testament au testateur (C. civ.,
art. 972, al. 3) ;
Par Jean-Pierre GILLES
Notaire
108 Octobre