Article Usine Nouvelle 10-12-2015 - Seb Production System
1. enquêtesEN COUVERTURE
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«Nous avons choisi d’intégrer la santé et
la sécurité dans toutes les discussions
et on ne lance pas un projet s’il n’intègre
pas l’une de ces deux dimensions.»
Frédéric Goncalves,responsableduprogrammeOPSdugroupeSEB
Plutôt que de calquer une méthode déjà existante,
le groupe a choisi de bâtir son propre programme
d’amélioration de la performance.
PAR FRÉDÉRIC PARISOT ET ADRIEN CAHUZAC
Organisation industrielle
LESCINQPILIERS
DU«SEBPRODUCTION
SYSTEM»
C ’est l’excellence opérationnelle façon SEB. À l’heure
où certains groupes se contentent de calquer le
Toyota production system, SEB dispose d’un modèle
qui le distingue dans le paysage industriel français, voire
mondial. Au cœur de ce modèle, un programme d’améliora-
tion de la performance baptisé OPS (Opération performance
SEB). Lancé en 2010 dans le but d’améliorer la compétitivité,
il est désormais déployé dans tous les sites. Il a transformé
SEB dans sa manière d’aborder l’amélioration continue, mais
aussi les ressources humaines, la supply chain, et même la
façon de répartir la production et de concevoir les produits.
L’AMÉLIORATION CONTINUE SUR MESURE
En matière d’amélioration continue, les industriels ont
tendance à choisir parmi l’une des trois méthodes les plus
courantes (lean, théorie des contraintes ou six sigma) et
s’appliquent à la déployer dans tous leurs services. SEB,
lui, a choisi de ne pas choisir. «Chaque méthode vise un
type de problème particulier, justifie Frédéric Goncalves,
le responsable OPS du groupe. Le lean réduit le temps de
traversée des produits, la théorie des contraintes augmente
la capacité de l’usine et le six sigma élimine les problèmes
qualité.» D’où l’idée de créer un modèle simple, celui du
«tuyau d’arrosage»: la longueur du tuyau correspond au
temps de fabrication, la largeur au débit de l’usine et les
fuites aux rebuts. «Les collaborateurs peuvent facilement
s’orienter entre les différentes méthodes et piocher l’outil le
plus adapté à leur problème», commente Sandrine Vannet,
la directrice des ressources humaines de l’Activité électrique
culinaire. Pour faciliter l’appropriation des outils, pas de
mots anglais ou japonais, SEB les a tous renommés. Ainsi, le
QRQC (quick response quality control) devient Matris, pour
méthode d’analyse et de traitement rapide des incidents SEB.
Toute cette base d’outils se trouve regroupée dans des salles
appelées «zones apprenantes». On y résout les problèmes
par groupes de trois personnes: un responsable de projet, un
expert métier et un novice qui apporte un regard candide sur
le sujet. On y crée également des référentiels qui serviront
aux autres usines. «Après avoir résolu un problème de rebut
sur un sous-ensemble, les opérateurs ont créé un support de
formation ainsi qu’un mini-jeu pour aider à comprendre le
nouveau test qualité», raconte Éric Denolly, le responsable
d’une des sept lignes d’assemblage de l’usine SEB de Pont-
Évêque (Isère), le premier site à être passé à OPS.
DE L’HUMAIN DANS TOUS LES PROJETS
Pour pérenniser la méthode, le choix a été fait de centrer le
modèle autour de l’humain. Un vœu pieux dans beaucoup
d’entreprises, mais qui se concrétise chez SEB. «Nous avons
choisi d’intégrer la santé et la sécurité dans toutes les discus-
sions. On ne lance pas un projet s’il n’intègre pas l’une de ces
deux dimensions», assure Frédéric Goncalves. Par exemple,
aucun chantier pour accélérer le changement d’outils sans
une réduction du stress ou du port de charge. Chaque site
dispose d’un ergonome pour s’en assurer. Le système OPS
organise également la montée en compétences. Dans chaque
projet, SEB donne des responsabilités aux opérateurs (res-
ponsable technique ou responsable du budget, par exemple).
L’industriel a aussi ouvert les possibilités de formation. «Cela
a commencé par des sessions sélectionnées, notamment
des formations à la prise de parole pour tous les opérateurs
qui animent des groupes de travail, relate Sandrine Vannet.
Puis nous avons enregistré de plus en plus de demandes
de validation d’acquis de l’expérience. Aujourd’hui, nous
répondons à des formations auxquelles nous n’avions pas
pensé.» Le système fonctionne. «Il est rare de voir des équipes
qui communiquent autant entre elles et des opérateurs qui
s’impliquent à ce point», confirme José Gramdi, le président
du cabinet de conseil Interaxys.
UNE SUPPLY CHAIN SOUS CONTRÔLE
SEB lance de vastes chantiers de transformation pour livrer
plus rapidement les clients. Ainsi, les usines de Rumilly
(Haute-Savoie) et de Mayenne (Mayenne) ont connu une
réimplantation totale de leurs lignes de production visant
à réduire les temps de traversée des produits. Ces projets
s’étendent chez les fournisseurs. «Grâce au projet Colt lancé
il y a deux ans, nous avons réduit de 14 jours le délai moyen
d’approvisionnement des composants nécessaires à la fabri-
cation de nos produits», précise Hugues Oger, le directeur de
la performance industrielle du groupe. Enfin, SEB réfléchit à
la «différenciation tardive». Aujourd’hui, les emballages des
produits ainsi que les notices sont spécifiques en fonction
SEBASTIENSINDEU;D.R.
Texte
2. enquêtesEN COUVERTURE
29L’USINE NOUVELLE I N° 3448 I 10 DÉCEMBRE 2015
Les lignes de production de l’usine de Mayenne (Mayenne) ont été totalement réaménagées afin de réduire le temps de traversée des produits.
de chaque distributeur, et chaque produit final dispose de
sa référence. Pour faciliter la planification de la production,
l’industriel prévoit d’envoyer des produits «nus» dans ses
plates-formes logistiques, qui s’occuperont de l’emballage
et du choix de la notice avant l’expédition chez le client final.
UNE PRODUCTION INTERNALISÉE
Contrairement à certains de ses concurrents, qui font lar-
gement appel à la sous-traitance, SEB s’évertue à maîtriser
l’essentiel de ses fabrications, même en Asie. Au total, il
produit près de 75% de ce qu’il vend dans le monde. Ce
choix a même été conforté récemment. Le groupe a choisi
de reprendre progressivement en interne la production de
produits sourcés qui ne peuvent plus être fabriqués en Europe
en raison de leur trop faible prix de vente. Sur les bouilloires,
par exemple, il a internalisé l’essentiel de la production
dans les usines de Supor en Chine, auparavant réalisé par
une dizaine de sous-traitants. SEB affirme avoir gagné plus
de 20% de coûts de production pour ces produits. Fort de
ce constat, l’industriel entend poursuivre cette stratégie sur
d’autres appareils banalisés (grille-pain, cafetières filtres…).
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Bioterrorisme,
l’urgence de s’y préparer
DES PRODUITS PLUS FLEXIBLES
Enfin, l’excellence opérationnelle se retrouve jusque dans
les bureaux d’études. Grâce à un programme visant à réduire
le nombre de pièces dans ses produits, 21 millions d’euros
ont déjà été économisés en deux ans. Le groupe réduit aussi
le nombre des références qu’il gère à travers le monde. Elles
ont été diminuées de 19% entre 2013 et 2015, notamment
en supprimant certains doublons. En parallèle, le groupe
déploie un concept de plates-formes, comme cela se fait
dans l’automobile. Sur ses moteurs de blenders, par exemple,
SEB est passé en trois ans de 13 fournisseurs et 21 plates-
formes dans le monde à 3 fournisseurs et 5 plates-formes.
Sa méthode? Pour chaque nouveau produit, il attribue
un indice de flexibilité (IF) qui prend en
compte la nomenclature, le temps de fabri-
cation, le poids économique du produit et
la possibilité de partager des composants
avec d’autres produits. «Nous sommes désormais capables
de mesurer la flexibilité d’un design par rapport à un autre.
Dès lors que l’on mesure, on est capable de s’améliorer»,
se félicite Hugues Oger. ❚❚