Mis en place en 2005, l’article 210-E du Code Général des Impôts définit un régime d’imposition à taux réduit sur les plus-values de cession ou d’apport de biens immobiliers. Les bénéficiaires sont les vendeurs cédant leur actif à des SIIC, des SCPI, des OPCI ainsi que les filiales de SIIC ou de SPPICAV. En contrepartie, l’acquéreur doit, entre autres obligations, s’engager à conserver l’actif pendant une durée minimale de 5 ans. Le succès phénoménal de ce régime résidait dans le taux très attractif d’imposition, 16,5% (puis 19%), au lieu de 34,43% des plus-values.
Au 31 décembre 2011, ce régime a pris fin. L’heure est donc au bilan. Quels ont été les effets de l’article 210-E sur le marché de l’investissement ? Qui ont été les principaux bénéficiaires ? Quel type ou taille d’actifs a été visé ?
Voici quelques éclairages sur ce mécanisme et ses conséquences.
Le 210-E : un régime pas si provisoire ?
Avenir de la fonction immobilière : 5 risques à maîtriser - Enquête Mondiale ...
Quel impact de l’article 210-E sur le
1. Quel impact de l’article 210-E sur le
marché de bureau ? Bilan et Perspectives
Mis en place en 2005, l’article 210-E du Code Général des Impôts
définit un régime d’imposition à taux réduit sur les plus-values de
L’effet 210-E - mythe ou
cession ou d’apport de biens immobiliers. Les bénéficiaires sont les réalité ?
vendeurs cédant leur actif à des SIIC, des SCPI, des OPCI ainsi
que les filiales de SIIC ou de SPPICAV. En contrepartie, l’acquéreur
doit, entre autres obligations, s’engager à conserver l’actif pendant
Quelle part du 210-E dans le marché de bureaux en Ile-de-
une durée minimale de 5 ans. Le succès phénoménal de ce régime
France?
résidait dans le taux très attractif d’imposition, 16,5% (puis 19%), au
lieu de 34,43% des plus-values.
Depuis 2006, le montant des capitaux investis en immobilier
d’entreprise sur des actifs de bureaux atteint près de 66 milliards
Au 31 décembre 2011, ce régime a pris fin. L’heure est donc au
d’euros.
bilan. Quels ont été les effets de l’article 210-E sur le marché de
l’investissement ? Qui ont été les principaux bénéficiaires ? Quel Selon notre estimation, la part cumulée des cessions de bureaux
type ou taille d’actifs a été visé ? éligible au régime du 210-E sur cette période représente 21% de
ces capitaux, soit près de 15 milliards d’euros.
Voici quelques éclairages sur ce mécanisme et ses conséquences. Cette proportion est d’autant plus importante lorsque le marché de
l’investissement réalise une bonne performance. Les années 2006
Le 210-E : un régime pas si provisoire ? et 2007 en sont une bonne illustration.
Enfin, en 2011, nombreux ont été les vendeurs et les acquéreurs qui
2005 ont souhaité profiter de l’article 210-E avant sa disparition. Ce sont
Du 1er janvier 2005 au Prolongation jusqu'au ainsi plus de 40 cessions qui ont été réalisées par le biais de cet
31 décembre 2007 : 31 décembre 2011 :
16,5% 19% avantage fiscal, représentant plus de 3 milliards d’euros d’actifs.
Part des cessions de bureaux éligible à l’article 210-E1
Prolongation jusqu'au En M€
2011 20 000
31 décembre 2008 : Bureaux Eligible 210-E
16,5% 18 000
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000 27%
13% 29% 28%
0 12% 16%
2006 2007 2008 2009 2010 2011
Source : Jones Lang LaSalle
1 Ont été exclues de notre périmètre d’étude les transactions réalisées par le biais de cessions
de parts de sociétés.
2. Pulse • Régime de taxation au taux réduit des plus-values immobilières – Juillet 2012 Page 2
Qui en a bénéficié ? Vendeurs bénéficiaires de l’article 210-E
Créé en 2005, puis prorogé par deux fois à un taux différent, l’article
Autres Institutionnel
210-E était, à l’origine, destiné aux entreprises souhaitant céder tout Entreprise (cédant ses locaux) Fonds non coté (SCPI, OPCI, …)
ou partie de leur patrimoine immobilier pour investir les capitaux 100%
90%
dans leur cœur de métier. Une grande partie du patrimoine des
80%
entreprises étant détenue sur une longue période, la valeur nette 70%
comptable de leurs actifs pouvait être faible ; générant 60%
potentiellement une lourde fiscalisation des plus-values provenant 50%
40%
de cessions. Une solution fiscale s’imposait pour faciliter ce
30%
processus d’externalisation.
20%
Néanmoins, à l’exception de l’année 2008, où les externalisations 10%
0%
ont représenté jusqu’à 34% des cessions de bureaux, la majorité 2006 2007 2008 2009 2010 2011
des cessions d’immeubles de bureaux éligibles à ce régime fiscal Source : Jones Lang LaSalle
ont été en fait réalisées par des investisseurs professionnels de
l’immobilier et ce d’autant plus qu’à partir de 2010 ce régime de Taille des produits privilégiés par les bénéficiaires de l’article
taxation a été étendu aux OPCI. 210-E
En 2011, 80% des vendeurs bénéficiaires de l’article 210-E étaient >= 500 M€ >= 300 et < 500 M€ >= 100 et < 300 M€
ainsi des fonds non côtés et sur la période 2006-2011, les >= 50 et < 100 M€ < 50 M€
100%
principaux bénéficiaires de ce type d’opérations ont été les 90%
investisseurs institutionnels (30%), les foncières cotées (35%) et les 80%
fonds non cotés (23%). 70%
60%
Concernant les volumes, les opérations liées au 210-E sont un reflet 50%
de l’activité du marché en général, avec beaucoup d’immeubles de 40%
bureaux d’un volume inférieur à 50 millions d’euros, mais également 30%
20%
des transactions jusqu’à 500 millions d’euros.
10%
0%
Bilan et perspectives ? 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Source : Jones Lang LaSalle
Il est indéniable que le régime fiscal issu de l’article 210-E a été un
grand succès, même s’il a été plus largement utilisé par les
professionnels de l’immobilier que par les entreprises.
Rétrospectivement, ceci est moins surprenant qu’il n’y paraît car les
grandes externalisations de THALES, EDF et FRANCE TELECOM
ont toutes eu lieu avant 2005. Les quelques externalisations
intervenues plus tard ont avant tout concerné les hôtels (ACCOR
notamment), les commerces (DECATHLON, JARDILAND) ou la
santé (MEDI PARTENAIRE, MEDICA).
Toutefois, l’obligation de conservation des actifs pour une durée de
5 ans aura inévitablement une conséquence sur le marché, en
« gelant » ces actifs.
Or, sur la seule année 2011, les cessions enregistrées avec ce
régime fiscal représentent environ 28% du volume total investi en
Ile-de-France.
3. Pulse • Régime de taxation au taux réduit des plus-values immobilières – Juillet 2012 Page 3
On peut donc s’interroger sur les conséquences d’une mise « hors
marché » (jusqu’à fin 2016 au plus tard) d’un tel volume d’actifs, sur
la relation entre l’offre et la demande et par conséquent sur les prix.
Cet effet, s’il devait se concrétiser, pourrait même être renforcé par
un second effet. Les utilisateurs du régime fiscal 210-E étant
essentiellement des investisseurs domestiques, une distorsion
fiscale significative avait été introduite sur le marché au détriment
des investisseurs internationaux qui ne disposaient pas de cet
avantage compétitif. Sa disparition au 31 décembre 2011 pourrait
donc marquer le retour de certains opérateurs internationaux, et
donc une concurrence accrue à l’acquisition.
Enfin, un nouveau régime fiscal a été créé sous l'article 210-F du
CGI concomitamment à l’abrogation de celui défini par l’article 210-
E. Ce dernier s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2014. Basé sur le
même mécanisme que son prédécesseur (soit un allègement des
taxes sur les plus-values de cession des biens immobiliers à usage
professionnel au profit des foncières et de toutes sociétés soumises
à l'IS), il ne devrait pas avoir le même impact sur le marché. En
effet, l’acquéreur devra s'engager pour en bénéficier à transformer
ces actifs en logement dans les 3 ans suivant leur acquisition, ce qui
restreint très fortement sa portée.
Pour 2012, nous attendons un volume global d’investissement en
baisse par rapport à 2011, entre 8 et 10 milliards d’euros conforme
à sa moyenne historique. Le marché connaît en effet une « ré-
internalisation » des investisseurs, alors qu’en face le nombre de
vendeurs et l’offre de produits, notamment de qualité institutionnelle,
sont limités. En revanche, nous ne constatons pas de hausse de
prix mais plutôt une stabilité pour les meilleurs produits, sans doute
en raison du contexte macro-économique global pour le moins
complexe.