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Valoriser son expertise
grâce aux médias sociaux
Le cas des blogs d’agences web éditoriales
Esther Wiest
Mémoire de master 2 Web éditorial
Sous la direction de Camille Alloing
Maître de conférences en sciences de l’information-communication à l’IAE de l’Université de
Poitiers
Université de Poitiers
UFR Sciences humaines et Arts
Master Web éditorial
Année universitaire 2014/2015
2
A qui s’adresse ce mémoire ?
Ce mémoire étudie les stratégies éditoriales employées pour valoriser son expertise sur
le web. Il fait le point sur les mécanismes de reconnaissance d’un expert à l’heure du web 2.0.
Il explique les objectifs et les outils possibles pour mettre en place cette stratégie de contenu.
Puis il analyse des exemples concrets à travers un benchmark de blogs d’expertise d’agences
web éditoriales, exemples qui permettent de déduire des grandes tendances.
De ce fait, ce mémoire s’adresse :
- aux professionnels de la communication web qui souhaiteraient mieux comprendre les
enjeux à l’œuvre sur le sujet et découvrir les stratégies actuelles sur la question ;
- aux personnes qui réfléchissent au fait de mettre en valeur ou non leur expertise sur le
web, qu’ils soient des chefs d’entreprise ou de simples particuliers. Ils trouveront ici une
liste de bénéfices potentiels et des sources d’inspiration ;
- et de manière secondaire aux chercheurs qui souhaiteraient avoir un état des lieux sur les
mécanismes de reconnaissances de l’expertise.
3
Glossaire
Agence web (ou agence interactive ou digitale) : agence de communication spécialisée dans
la communication sur Internet. L’essentiel de ses missions ont trait à la création de sites web
et aux phases de conseil et d’animation marketing qui peuvent y être liées [Bathelot 2011].
Audience : l’attention, l’intérêt accordé à quelqu’un ou quelque chose [Alloing 2011].
Autorité : « pour schématiser, l’autorité est la pertinence, la crédibilité dans un domaine
particulier que confère un individu à une source web, et in fine le fait que cette source
devienne une référence (elle fait autorité) dans le domaine qu’elle traite » selon C. Alloing
[2011].
Il existe plusieurs types d’autorité :
- l’autorité cognitive : une relation d’influence de pensée impliquant au minimum
deux personnes, l’une accordant à l’autre sa confiance parce qu’elle maîtrise un
domaine spécifique de compétences [Wilson 1983]. Selon Broudoux, l’autorité
cognitive est pratiquement synonyme d’influence choisie [2007] ;
- l’autorité informationnelle : autorité ayant pour fonction principale d’informer, dans
le sens de « porter un événement à la connaissance d’une sphère sociale ou d’un
individu » [Broudoux 2007] ;
- l’autorité calculée : grandeur mesurable indexée sur une série de variables (nombre
d'abonnés, taux de retweets et mentions, influence des abonnés, fréquence de
publication, amplitude du graphe social etc.) [Domenget 2014].
Blog : sortes de sites internet thématiques et alimentés par de courts contenus appelés
« posts ». L’ordre d’affichage de ces contenus est généralement antéchronologique [Bodin
2014].
E-réputation : selon L. Bodin, « l’e-réputation regroupe l’ensemble des expressions
numériques d’une réputation. Elle concerne donc toutes les manifestations d’une évaluation
sociale qui est faite de quelque chose ou de quelqu’un par ou via le numérique » [2014].
4
Expert : spécialiste expérimenté (doté d’un savoir spécialisé et d’une solide expérience
pratique dans le domaine correspondant à cette spécialité), le plus souvent choisi et mandaté,
pour fournir un diagnostic et un avis sur une situation problématique [Fritsch 2001]. Cette
définition peut être complétée par le fait que sur le web, cette délégation repose sur l’autorité
des moteurs de recherche et des plateformes web [Alloing et Haikel-Elsabeh 2012].
Expertise : compétence à analyser et résoudre des situations diverses et non triviales en
s’appuyant sur une capacité à combiner et à mobiliser rapidement savoirs théoriques et
empiriques [Bootz et Schenk 2014].
Identité numérique : somme des traces numériques se rapportant à un individu ou une
collectivité. Il peut s’agit de textes, de contenus audio ou vidéo, d’identifiants de connexion,
etc. [Ertzscheid 2011]. Ces traces peuvent être émises par l’individu ou la collectivité elle-
même ou par des tiers.
Image : façon dont est perçue une entreprise ou une marque. Elle se situe entre l’identité et la
réputation.
Influence : pour Massé, Marcon et Moinet Massé, exercer une influence c’est « obtenir
d’autrui qu’il fasse librement quelque chose qu’il n’aurait pas fait spontanément sans votre
intervention » [2006].
Légitimité : la légitimité « repose sur une autorité qui est fondée sur des bases juridiques ou
sur des bases éthiques ou morales, et permet de recevoir le consentement des membres d'un
groupe. » [Petit Robert].
Médias sociaux : « macro-concept » qui englobe les réseaux socionumériques et les
plateformes de partage de contenu [Stenger et Coutant 2010].
Notoriété : fait pour un produit, une marque ou un service d'être connu quel que soit le
jugement porté sur lui [Alloing 2011].
Popularité : la faveur du plus grand nombre auprès d’une personne [Alloing 2011].
5
Réputation : « une représentation sociale partagée, provisoire et localisée, associée à un nom
et issue d'évaluations sociales plus ou moins puissantes et formalisées » [Chauvin 2013].
Réseaux socionumériques : dispositifs qui « fondent leur attractivité essentiellement sur
l’opportunité de retrouver ses « amis » et d’interagir avec eux par le biais de profils, de listes
de contacts et d’applications à travers une grande variété d’activités » [Stenger et Coutant
2011].
Visibilité : le fait de pouvoir être vu facilement [Alloing 2011]. Sur le web, cette notion passe
principalement par le fait d’apparaître dans les cinq premiers résultats pour une requête
donnée sur les moteurs de recherche [Poncier 2009].
6
Table des matières
Glossaire..................................................................................................................................... 3
Introduction ................................................................................................................................ 9
Partie 1 : l’expertise avant et après le web 2.0......................................................................... 12
I. Qu’appelle-t-on l’expertise ?................................................................................................ 12
A. Des connaissances théoriques et une expérience empirique… ...................................... 13
B. … pour analyser et trouver une solution à une situation problématique........................ 14
II. Etre reconnu comme un expert : la dimension cognitive seule est insuffisante ................. 16
A. La dimension cognitive….............................................................................................. 16
B. … est fortement corrélée à une reconnaissance sociale.................................................. 17
III. Le passage au web 2.0 : quels changements pour ceux qui veulent être reconnu sur le
web ? ............................................................................................................................ 18
A. Du web 1.0 au web 2.0................................................................................................... 18
B. Une ère d’infobésité........................................................................................................ 20
1. Une explosion du volume des données....................................................................... 21
2. Une explosion de la variété des données..................................................................... 22
3. Une concurrence accrue pour la visibilité et l’attention.............................................. 23
4. L’apparition de nouveaux moyens de sélection de l’information ............................... 25
C. Une ère où l’internaute participe à la création de la réputation d’une entreprise ........... 32
1. Un internaute devenu consom’acteur… ..................................................................... 32
2. … qui voit d’un mauvais œil la communication purement descendante..................... 35
IV. Etre reconnu comme un expert au temps du web 2.0 : de nouveaux critères d’évaluation
de l’expertise ............................................................................................................................ 36
A. Etre capable de rendre visible ses contenus................................................................... 37
1. Etre visible : un moyen à part entière d’être reconnu comme un expert ? .................. 37
7
2. Se rendre visible sur le web : respecter les critères de filtrage des moteurs de
recherche et des plateformes web..................................................................................... 38
B. Etre reconnu socialement................................................................................................ 39
1. Avoir de l’influence sociale........................................................................................ 39
2. Etre reconnu socialement, oui mais par qui ?.............................................................. 41
3. Quelle légitimité pour les experts sur le web ?............................................................ 42
4. Être reconnu par ses pairs............................................................................................ 42
C. Quel poids pour la crédibilité et la qualité de l’information ? ........................................ 44
Partie 2 : quelles stratégies pour valoriser son expertise grâce aux médias sociaux ?............. 46
I. Pourquoi démontrer son expertise sur le web ?.................................................................... 46
A. Améliorer son e-réputation............................................................................................. 46
1. Affirmer et rassurer sur ses compétences ................................................................... 47
2. Augmenter sa visibilité, sa notoriété, voire sa popularité grâce à la production de
contenus ..................................................................................................................... 48
3. Attirer de nouvelles opportunités d’affaires ................................................................ 49
B. Développer le savoir ....................................................................................................... 49
C. Quel risque de fuite du savoir ? ...................................................................................... 50
II. Avec quels médias sociaux ? .............................................................................................. 51
A. Les médias sociaux ........................................................................................................ 51
1. Une variété d’outils…................................................................................................. 51
2. … dont le but est à la fois d’informer et de dialoguer................................................. 53
B. Les blogs ........................................................................................................................ 54
1. Définition et usages ..................................................................................................... 54
2. Avantages et inconvénients ......................................................................................... 56
3. Focus sur l’usage des microblogs................................................................................ 57
C. Les réseaux socionumériques et sites de réseautage....................................................... 58
D. Les autres médias sociaux : sites de partage de contenu, wikis et communautés en ligne.
........................................................................................................................ 59
8
III. Le cas des agences web éditoriales.................................................................................... 60
A. Problématique et hypothèses.......................................................................................... 60
B. Les agences web éditoriales : caractéristiques et enjeux de la valorisation de leur
expertise via les médias sociaux........................................................................................... 62
1. Des professionnels du web ......................................................................................... 63
2. Des regroupements de professionnels ......................................................................... 64
C. Méthodologie de recherche : un benchmark des stratégies d’agences spécialisées en web
éditorial ........................................................................................................................ 65
1. Méthode générale ........................................................................................................ 65
2. La sélection des agences spécialisées en web éditorial ............................................... 66
3. Définition des critères de la grille d’évaluation........................................................... 67
D. Classement des agences selon leur niveau de reconnaissance de l’expertise................. 72
E. Analyse des résultats....................................................................................................... 73
1. Etre visible et partagé ou transmettre au mieux son expertise ?.................................. 73
2. La crédibilité et la qualité de l’information restent d’actualité ................................... 82
3. S’adresser à ses pairs en priorité : une tendance générale mais un angle de traitement
variable ..................................................................................................................... 85
Conclusion-discussion.............................................................................................................. 90
Annexe n°1 : liste des agences benchmarkées ....................................................................... 108
Annexe n°2 : critères de la grille du benchmark .................................................................... 109
Annexe n°3 : résultats du benchmark..................................................................................... 123
Annexe n°4 : grille de définition du niveau de reconnaissance des agences ......................... 123
9
Introduction
Le nombre d’experts sur le web est actuellement en pleine explosion. De plus en plus
de personnes avec un minimum d’expérience et de connaissances sur un sujet se posent en
spécialistes capables de guider les autres internautes. Pourtant, l’expertise désigne un
processus particulier qui n’est pas à la portée de tous. Elle fait appel à des savoirs théoriques
et empiriques couplés à certaines capacités intellectuelles pour analyser et résoudre des
situations problématiques [Bootz et Schenk 2014, p. 82].
La publication de contenus d’expertise sur la toile n’est pas récente. Dès le web 1.0,
des personnes plus ou moins expertes ont partagés leurs savoirs et leur expérience. Mais alors
seuls les internautes qui possédaient des compétences informatiques suffisamment poussées
pouvaient publier en ligne. La donne est différente aujourd’hui. Depuis l’essor du web
participatif, l’internaute n’est plus seulement un récepteur, mais devient aussi un émetteur de
contenus. L’arrivée de nouvelles plateformes de publication intuitives et gratuites permet à
n’importe quel internaute de publier une information facilement et rapidement.
Or, en démultipliant le nombre d’auteurs, le web 2.0 a aussi bouleversé les
mécanismes d’évaluation d’une information et les critères de reconnaissance de l’autorité
d’une source. La visibilité et la popularité jouent désormais un rôle clé. Le fait d’être reconnu
par l’ensemble de la communauté d’intérêt est donc devenu de plus en plus important pour
évaluer le degré d’expertise. C’est pourquoi il est devenu plus facile d’apparaître comme un
expert à travers le voile de l’écran. Il peut suffire d’avoir quelques connaissances, un peu
d’expérience et surtout de savoir se rendre visible et populaire sur le web.
Or, nous vivons une ère d’infobésité où la ressource rare n’est pas le contenu mais
l’attention des internautes. Il faut les séduire pour qu’ils consultent notre contenu. Dans ce
contexte, les experts doivent être capables de travailler leur visibilité et leur popularité pour
avoir une chance de se démarquer des « faux » experts qui connaissent bien ces mécanismes.
Ceci est d’autant plus important que la valorisation de l’expertise a de nombreux
enjeux. C’est avant tout un moyen d’expliciter à un client potentiel les bénéfices que l’on peut
lui apporter et d’instaurer la confiance en démontrant concrètement ses compétences. Mais
au-delà des opportunités commerciales, c’est aussi l’occasion d’améliorer sa notoriété, son e-
réputation et de fidéliser une communauté de lecteurs.
10
Très bien pourrait-on dire, mais ces évolutions du web datent déjà de plusieurs années.
Quel est l’intérêt d’étudier ce phénomène aujourd’hui ? Il se trouve que les réseaux sociaux et
les sites de réseautage ont enrichis ses dernières années leurs fonctionnalités de partage et de
publication de contenus. Par exemple, Twitter permet nativement d’enregistrer et de publier
des vidéos sur mobile depuis janvier 2015 [Ronfaut 2015]. Les sites de réseautage
professionnels ne sont pas en reste. La preuve avec LinkedIn qui permet à ses membres de
publier leurs propres contenus sur le site depuis février 2014 [Roslansky, 2014]. A l’heure où
les internautes ont de plus de plus de possibilités de partager tous types de contenus, il devient
important de miser sur cette tendance. Pour cela, encore faut-il réussir à être partagé.
Cela passe par des contenus utiles pour les internautes ou attractifs par leur côté
insolite ou ludique. Si un tel principe est facilement applicable dans certains secteurs
d’activité, comment rendre les contenus d’expertise, a priori ennuyeux, dignes d’intérêt ? Les
recommandations de bonne pratique que l’on trouve un peu partout sur des sites de
communication web sont-ils aussi facilement applicables à ce sujet ?
Il existe peu d’articles qui expliquent la bonne stratégie éditoriale à adopter sur le sujet
de l’expertise. La plupart de la littérature se contente d’énoncer des principes généralistes
qu’il faut ensuite doser selon sa thématique. Concernant l’expertise sur le web, la recherche
s’est plutôt concentrée sur l’identification des experts et les processus qu’ils utilisent pour
collaborer (C. Alloing). Or, il est dommage de ne pas étudier la stratégie éditoriale mise en
place par ces personnes reconnues comme des experts. Après tout, c’est bien par leurs
contenus que l’on peut trouver les experts sur le web.
Nous allons donc étudier dans ce mémoire les stratégies éditoriales de la valorisation
de l’expertise. Sur quels ressorts peut-on miser ? Ces leviers changent-ils si l’émetteur de
l’information est déjà plus ou moins reconnu comme un expert, et s’est donc déjà démarqué
des « faux » experts ? Pour cela, nous réaliserons un benchmark des stratégies de contenus
des blogs d’expertise d’agences spécialisées en web éditoriales. La cible des professionnels
du web est en effet particulièrement intéressante pour ce sujet. Démontrer son expertise est un
enjeu essentiel pour ces professions qui évoluent à grande vitesse et qui sont souvent
méconnues du grand public. Pour cela, le blog un outil idéal car il est tourné vers la
production et le partage de connaissances. De plus, c’est l’un des rares médias sociaux à
proposer des textes conséquents. Ce qui permet de mieux saisir la stratégie éditoriale mise en
œuvre.
11
Pour réaliser ce travail d’exploration, il faut tout d’abord revenir sur la notion
d’expertise et les mécanismes mis en œuvre pour être reconnu comme un expert. L’objectif
est de comprendre les évolutions de ces procédés suite au passage au web 2.0. Dans une
seconde partie, nous étudierons les différentes stratégies employées pour valoriser son
expertise sur le web grâce aux médias sociaux, et ainsi ressortir comme un expert aux yeux
des internautes. Cela passera notamment par le benchmark des stratégies de contenus des
blogs d’expertise d’agences web éditoriales.
12
Partie 1 : l’expertise avant et après le
web 2.0
La notion d’expertise est plus complexe qu’elle ne le paraît à première vue. D’où
l’intérêt de comprendre ce que recouvre cette notion avant de s’intéresser aux différentes
stratégies pour la valoriser. Souvent confondu avec la figure du spécialiste, l’expert met
pourtant en œuvre un processus cognitif bien particulier. Au-delà, des compétences, être un
expert demande aussi d’être reconnu comme tel. Or, ce mécanisme de reconnaissance a bien
changé depuis le passage au numérique et l’arrivée du web 2.0. C’est pourquoi il est
important de revenir sur les évolutions amenées par le web 2.0 dans les processus de
publication et de reconnaissance sur le web avant de mettre en évidence leurs impacts sur la
reconnaissance sociale de l’expert.
I. Qu’appelle-t-on l’expertise ?
L’expertise est un mécanisme bien particulier, différent de ceux qu’emploient le
spécialiste ou le chercheur. J.-P. Bootz et E. Schenk [2014, p. 82] définissent le processus
cognitif de l’expertise comme « la compétence à analyser et résoudre des situations diverses
et non triviales en s’appuyant sur une capacité à combiner et à mobiliser rapidement savoirs
théoriques et empiriques ».
L’expertise allie donc à la fois :
- des capacités intellectuelles ;
- des connaissances ;
- une expérience ;
- et une conjoncture particulière.
Mais que recouvrent exactement ces éléments ? C’est ce que nous allons préciser dans cette
première partie.
13
A. Des connaissances théoriques et une expérience
empirique…
Le terme d’expert est régulièrement utilisé pour qualifier une personne qui possède un
niveau élevé de connaissance dans un domaine donné [ibid., p. 80]. Les frontières de ce
domaine peuvent être plus ou moins larges. Corinne Delmas distingue :
- l’expert spécialiste, qui détient un savoir technique précis ;
- et l’expert généraliste, qui est capable de dépasser les frontières de sa spécialité et
possède ainsi une vision plus globale [Delmas 2011, pp.9-10].
De plus, ce niveau élevé de connaissances ne concerne pas uniquement des savoirs
théoriques et généraux, comme l’indique la définition de J.-P. Bootz et E. Schenk. Une bonne
partie est pratique et empirique, c’est-à-dire issue des expériences passées et présentes de
l’expert. Preuve à l’appui, le mot « expertise » tire son origine du latin expertus, qui signifie
« éprouvé, qui a fait ses preuves » [Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
2012]. Cette nécessaire expérience se traduit concrètement par de longues années de pratique.
Au moins une dizaine d’après la majorité des chercheurs en psychologie [Chevalier 2013, p.
41]. De même, la variété des situations expérimentées compte afin d’acquérir une vision
globale des problèmes [Bootz et Schenk 2014, p. 91]. Ces deux éléments permettent
d’acquérir des automatismes, une sorte de raisonnement intuitif [ibid., p. 82], qui joue un rôle
important dans la mise en œuvre de l’expertise. C’est bien parce que l’expert a déjà affronté
des cas plus ou moins proches qu’il est capable de résoudre plus rapidement les problèmes
auxquels il est confronté. Même dans le cas de situations inconnues, ses automatismes
l’aident à repérer rapidement les points clés de la situation et à isoler plus facilement le point
problématique [Chevalier 2013, p. 40].
Il est important de garder en tête qu’à la différence de la figure du sage, cette intuition
marche de concert avec un raisonnement fondé scientifiquement, qui tire sa source des
connaissances théoriques de l’expert. C’est donc bien l’interaction des deux types de
connaissances, théoriques et empiriques, qui constitue la base de l’expertise [Bootz et Schenk
op. cit., p. 91].
Nous avons donc compris que les connaissances et l’expérience préalables sont des
éléments constitutifs de l’expertise, nécessaires à sa mise en œuvre. Mais à quoi correspond le
processus-même de l’expertise ? Dans quel cadre ces savoirs sont-ils mobilisés ?
14
B. … pour analyser et trouver une solution à une situation
problématique
Repartons de la définition de l’expertise de J.-P. Bootz et E. Schenk pour comprendre
ce que recouvre la tâche-même de l’expertise. Les auteurs la décrivent par la phrase
« analyser et résoudre des situations diverses et non triviales ». Deux éléments importants
ressortent de cette définition.
Tout d’abord l’expert intervient dans le cadre de problèmes complexes et non
routiniers. Ces difficultés ne peuvent pas être résolues par un professionnel « normal » et
nécessitent l’appel à une personne considérée comme plus « apte » à le faire. De plus, le
contexte de chaque problème peut être très différent. Cela suppose donc une capacité de
l’expert à s’adapter, à recontextualiser ses connaissances en fonction de la situation en
question, voire à être en mesure d’aborder des situations inconnues [ibid., p. 92].
C’est d’ailleurs là que se situe l’une des principales différences entre l’expert et le
spécialiste, deux figures qui sont souvent mélangées. L’expert est capable d’agir dans des
contextes très divers et sans cesse renouvelés, et non pas uniquement dans un domaine
circonscrit et maîtrisé sur le plan technique comme le spécialiste. En effet, le spécialiste
couvre essentiellement des « situations simples », selon les mots de L. Dibiaggio [1999], pour
lesquelles la représentation du problème est connue. Il peut alors potentiellement sélectionner
la solution parmi un répertoire de réponses pré-établies. Le spécialiste mobilise donc avant
tout des savoir-faire procéduraux. Au contraire, l’expert met en œuvre comme nous l’avons
vu un raisonnement intuitif qui lui permet d’évaluer une situation variable très rapidement à
l’aide de quelques indicateurs pertinents choisis avec soin [Bootz et Schenk op. cit., pp. 81-
82].
Second concept à retenir de la définition, l’expertise suppose d’observer et d’analyser
le problème, puis de donner un avis éclairé et argumenté sur la situation. L’objectif est avant
tout d'aider le commanditaire à prendre la meilleure décision. L’expert est aussi souvent
amené à proposer des solutions pour résoudre la situation.
On voit donc que l’expert répond avant tout à une demande et à laquelle il apporte un
capital de savoirs qu’il a constitué au fil du temps. Il ne produit pas forcément de
connaissances nouvelles, à la différence de la figure du chercheur qui vise à alimenter la
communauté scientifique de nouveaux savoirs [Delmas 2011, p. 11].
15
Cette définition classique de l’expertise s’applique très bien dans le cadre du travail
d’un expert. Mais que dire dans le cas d’un partage de l’expertise ? Cette transmission ne
saurait se résumer uniquement à l’analyse et la résolution de situations problématiques, ce qui
serait relativement limité. Pour nous aider à définir ce qui se cache derrière le partage de
l’expertise, nous pouvons nous aider de la liste des formes d’expertise que donne T. Parisot
dans son livre Réussir son blog professionnel : image, communication et influence à la portée
de tous [2009, p. 40]. L’auteur liste :
- l’analyse ;
- le conseil, c’est-à-dire transmettre ce que l’on a appris de son métier ;
- le retour d’expérience, qui consiste à partager un cas d’école ;
- l’interview, exercice de style qui fait apparaître la capacité de l’auteur à diriger un
entretien et à en obtenir des informations intéressantes ;
- la diffusion de livrables, tels qu’une analyse statistique, un mémoire ou un livre
blanc, etc.
On voit donc que l’expertise se résume plus ici à proposer un regard éclairé sur une
situation ou à apporter des conseils ou informations utiles dans l’exercice d’un métier. L’idée
d’un contexte problématique apparaît seulement en filigrane.
Nous retiendrons donc dans le cadre de ce mémoire cette conception élargie de l’expertise.
Seront considérés comme contenus d’expertise tous les contenus qui offrent une analyse ou
proposent conseils et informations utiles pour pratiquer un domaine donné, sur la base des
connaissances théoriques et de l’expérience personnelle de leur auteur.
Cette définition exclut donc les blogs ou les comptes sur les réseaux sociaux qui se contentent
d’agréger des contenus existants sans apporter un retraitement (mise en avant de points clés,
analyse critique, création de connaissances à partir des contenus existants, etc.)
Si l’on s’en tient à cette définition de l’expertise, n’importe quel individu peut être
amené au cours de sa vie à mettre en œuvre un tel processus. Il ne possède pas pour autant le
statut d’expert. C’est pourquoi il faut se demander quels éléments caractérisent la figure de
l’expert, au-delà de la pratique de la mécanique de l’expertise.
16
II. Etre reconnu comme un expert : la dimension
cognitive seule est insuffisante
Le terme « expert » recouvre aujourd’hui différents sens. Dans le cadre de ce
mémoire, nous nous intéresserons uniquement au cas où ce terme est employé pour qualifier
une personne avec un niveau élevé de compétence dans un domaine donné. Nous laisserons
donc de côté l’expert sollicité dans le cadre d’une prise de décision politique ou celui qui
appartient à un groupement professionnel réglementé comme les experts-comptables.
Nous avons vu que l’expert est une personne capable de mettre en œuvre le processus
cognitif de l’expertise. Mais pour revendiquer un réel statut d’expert, il doit également
présenter à la fois des caractéristiques cognitives et sociales.
A.La dimension cognitive…
La dimension cognitive de l'expertise, décrite dans la partie précédente de ce mémoire,
est bien sûr le critère cognitif de base pour pouvoir être reconnu comme un expert. Il faut être
capable de réaliser une tâche d'expertise pour pouvoir revendiquer un statut d'expert.
Au-delà, l'étude réalisée par J.-P. Bootz et E. Schenk [2014, pp. 91-92] a mis en
évidence une série d’autres traits cognitifs utilisés pour caractériser un expert par les
employés d'une entreprise spécialisée dans la conception, fabrication et commercialisation
d'équipements mécaniques.
Les salariés ont insisté sur les capacités d’apprentissage de l’expert. L’un des
employés souligne par exemple que « l’expert est en continuel apprentissage. Il n’est pas figé
et se construit au fil du temps ». Cet aspect implique deux autres caractéristiques. D’un côté,
l’expert doit être curieux et à l’affût des innovations dans son secteur. De l’autre, il doit savoir
chercher et trouver des informations pour se documenter lorsqu’il ne maîtrise pas le sujet.
Dans la continuité, l’ouverture d’esprit est vu comme un élément important. « Je ne
vois pas l’expert comme quelqu’un qui a une vision étroite mais quelqu’un qui a une
ouverture d’esprit. Il comprend les enjeux de l’entreprise et a une culture générale
importante » explique un employé.
17
Enfin, l’expertise ne se résume pas uniquement à l’analyse et au conseil. D’après
l’étude, les aptitudes pédagogiques et la faculté de transmission des connaissances sont
constitutives de la figure de l’expert. Preuve que la valorisation et le partage de son expertise
est un élément essentiel dans la construction de son statut d’expert.
En résumé, on attend de l’expert certains traits intellectuels et de personnalité qui vont
au-delà de sa simple capacité à réaliser une expertise. Posséder ces caractéristiques pourrait
donc aider à être reconnu comme un expert par les autres.
B.… est fortement corrélée à une reconnaissance sociale
Si la dimension cognitive est essentielle pour être reconnu comme un expert, elle n’est
pas la seule. En effet, pour mettre en pratique ses compétences cognitives, l’expert doit
répondre à une demande d’expertise. Pour cela, il doit être « le plus souvent choisi et
mandaté, pour fournir un diagnostic et un avis sur une situation problématique », selon la
définition de l’expertise de Philippe Fritsch [2001, p. 325]. Le statut d’expert ne
s’autoproclame donc pas. L’expert doit être sollicité et par là-même bénéficier d’une
délégation de la part de l’entité qui souhaite bénéficier de l’expertise.
Or, J.-P. Bootz et E. Schenk [ibid., p. 83] expliquent que cette sollicitation suppose
d’être reconnu a priori comme un expert. Cette notion implique deux comportements.
Tout d’abord, l’expert doit prendre en compte ce besoin de reconnaissance sociale
dans sa pratique. Cela se traduit selon Corinne Delmas [2011, p. 10] sur de multiples plans :
« modification de l’horizon temporel, souci de faire « œuvre utile », accomplissement de
« performances normatives », prise en compte des conditions d’« acceptabilité sociale », […]
sélection de propositions d’application immédiate, souci de convaincre le public par un large
recours aux médias ».
De son côté, le mandataire potentiel va fonder en grande partie cette reconnaissance
sur la légitimité et la confiance que lui inspire l’expert. Traditionnellement, il va regarder si
l’expert détient un titre ou un label, a réalisé nombre de publications, possède une bonne
réputation, etc. Or sur le web, et d’autant plus le web 2.0, les mécanismes de reconnaissance
sociale sont profondément différents. C’est pourquoi il est important d’étudier les
changements qu’a impliqué le passage au web 2.0 pour tous ceux qui souhaitent être reconnus
sur la toile.
18
III. Le passage au web 2.0 : quels changements pour
ceux qui veulent être reconnu sur le web ?
Nous surfons et communiquons aujourd’hui à l’ère du « web 2.0 ». Cette expression,
conceptualisée par T. O’Reilly dans l’article What Is Web 2.0 [O’Reilly 2005], marque l’idée
d’un changement des caractéristiques essentielles du web. Et par là même une évolution des
pratiques de publication et reconnaissance sur le web. C’est pourquoi nous allons revenir sur
les traits de cette mutation du web puis exposer leurs impacts sur la manière dont on
communique sur la toile.
A.Du web 1.0 au web 2.0
Le web 1.0, habituellement situé entre les années 1990 et le début des années 2000,
concerne la première génération des sites web. C’était avant tout un web de consultation.
Publier sur le web nécessitait des compétences solides dans les langages de programmation
web. Le nombre d’internautes avec les compétences informatiques nécessaires pour publier
des contenus en ligne était donc relativement restreint. La majorité des internautes se
contentait de consulter les informations sur le web, un peu comme ils consulteraient un livre
dans une bibliothèque [Wise 2013, p. 8].
Les choses changent avec l’arrivée de nouvelles plateformes de publication intuitives
et gratuites (blogs, CMS1
, wikis, réseaux sociaux, etc.) qui permettent à tout un chacun
de créer, publier en ligne et partager facilement du contenu (écrits, photos, vidéos, etc.) La
frontière entre l’auteur et le lecteur se réduit : l’internaute est à la fois un créateur potentiel et
un consommateur.
Au-delà, ces nouveaux outils permettent aussi de commenter, redocumentariser ou de
participer en groupe à l’élaboration d’un contenu. Le web 2.0 mise sur l’intelligence
collective. Chaque internaute peut apporter sa touche à l’édifice. Wikipédia en est un parfait
exemple. Tout lecteur a la possibilité de créer du contenu, d’engager la discussion avec
1
Abréviation de Content Management System, ou Gestionnaire de Contenu en français. Un CMS est un
logiciel qui permet de concevoir et de gérer un site Internet sans qu’il soit nécessaire de connaitre un langage
informatique, pas même le html.
19
d’autres contributeurs, de corriger les erreurs des autres, d’ajouter des informations
manquantes ou des liens connexes.
Au final, on passe d’un lieu de stockage d’informations à un lieu d’échange. Le web
est devenu participatif. Les schémas classiques de la communication médiatique sont
bouleversés : le web a évolué du « one to many » (une personne communique à plusieurs) au
« many to many » (plusieurs personnes communiquent à plusieurs autres) [Fayon 2010, pp. 4-
7].
Toutefois, il convient de prendre ce concept de web participatif avec quelques
précautions. Tout d’abord, seule une poignée d’internautes s’engagent réellement sur le web
d’après la loi des médias participatifs. Selon cette loi, 1% des internautes publient du contenu,
10% participent (commentaire, like, etc.) et 89% se contentent de consommer les
informations. Les internautes ne s’expriment donc pas autant sur le web que les discours de
certains promoteurs du web 2.0 ne le laisseraient supposer.
De plus, la facilité de publication et l’intelligence collective ne servent pas uniquement
des logiques humanistes. Le web regorge d’exemples de sociétés qui utilisent le travail des
internautes pour leur propre profit. Amazon, en permettant aux acheteurs de laisser des avis
sur les produits, se sert de l’expérience de ces visiteurs pour créer de la valeur ajoutée sur son
site. Les avis, souvent positifs, vont également aider à convaincre l’internaute d’acheter
l’article en question. Bouquillon et Matthews [2010, p. 42] expliquent que les contenus des
utilisateurs peuvent servir de « produits d’appel » :
« Les sites du Web collaboratif sont donc extrêmement bien placés
pour collecter de la publicité, adresser des propositions commerciales,
produire et vendre des informations marketing. À cette fin, ils ont besoin des
contenus autoproduits, bien que ceux-ci ne jouent qu’un rôle indirect dans la
valorisation de ces sites. Ils ne tirent en effet que fort peu de revenus, voire
aucun, de la vente directe de contenus aux consommateurs finaux. Ces
contenus sont destinés à attirer une masse d’internautes et ainsi maximiser
le trafic et donc les recettes publicitaires ; à dévoiler les goûts et pratiques
de consommation des internautes dans le domaine culturel et à partir
d’extrapolations dans d’autres domaines, ce qui facilite le ciblage des publicités et
des offres commerciales et la production d’informations marketing. ».
20
Nous sommes bien loin de l’utopie d’une communication universelle qui permettrait aux
individus de collaborer pour le bien de la société.
La notion de web 2.0 comporte également d’autres aspects dans la définition qu’en fait
T. O’Reilly [2005]. On pense au passage du logiciel au service (service accessible depuis
n’importe quel lieu et n’importe quel appareil), à l’enrichissement de l’interface utilisateur ou
à l’essor de la course à la collecte et à l’exploitation des données. Ces autres dimensions ne
seront pas détaillées ici car elles ne touchent que loin les processus de publication et de
reconnaissance sur le web.
On voit donc que le web 2.0 a démultiplié le nombre d’« auteurs » potentiels de
contenus sur le web et les possibilités de mise en relation des internautes. Il est temps à
présent d’étudier les conséquences de cette mutation sur la manière dont on produit et
consomme des informations sur la toile. Changement qui impacte par là-même les
mécanismes d’évaluation d’un auteur.
B.Une ère d’infobésité
Le terme d’information overload, qui peut être traduit en français par « surcharge
informationnelle » ou « infobésité », a été popularisé en 1970 sous la plume du futurologue A.
Toffler. A l’origine, cette notion théorise la difficulté de compréhension ou de prise de
décision d’une personne confrontée à une trop grande masse de données. D’une manière
générale, l’infobésité désigne la surabondance d’informations générée par la multitude
d’informations qui nous parviennent en permanence (médias, réseaux sociaux, objets
connectés, etc.) [Chambard 2014]
A. McAffee et E. Brynjolfsson [2012], chercheurs à l’Institut de Technologie du
Massachussetts, ont décelé trois grands mouvements dans l’évolution des données ces
dernières années :
- leur volume explose ;
- la rapidité de création des données est devenu un facteur important ;
- leur variété de formats a atteint un nombre inégalé jusque-là et continue de grandir.
Ces tendances expliquent le poids de plus en plus significatif de l’infobésité sur le web
aujourd’hui. Phénomène qui a entraîné une mutation de la manière dont les internautes
21
accordent leur attention à un contenu et du processus d’évaluation de l’information. C’est
pourquoi nous allons revenir sur ces facteurs.
1. Une explosion du volume des données
En offrant la possibilité à n’importe quel internaute de s’exprimer facilement, le web
2.0 a décuplé la quantité d’information produite sur la toile. L’ancien PDG de Google
E. Schmidt estimait en 2010 que nous pondons 5 exaoctets d’informations (soit 1018
octets)
tous les deux jours [Siméon 2012]. Rien de moins que l’équivalent de ce qui a été produit
entre le début de la culture humaine et 2003 !
Le volume de données produites est devenu aujourd’hui colossal. D’après
l’infographie publiée en 2014 par l’entreprise spécialisée en business intelligence Domo
[James 2014], chaque minute :
- 4 millions de requêtes de recherche sont envoyées à Google ;
- 2 460 000 contenus sont partagés sur Facebook ;
- 216 000 nouvelles photos sont postées sur Instagram ;
- 72h de vidéos sont déposées sur YouTube.
Ces chiffres donnent une idée de l’ampleur du volume de données présentes sur le web
aujourd’hui. D’où l’apparition de l’infobésité. A chaque recherche, l’internaute se retrouve
face à un grand nombre de résultats possibles parmi lesquels il va devoir choisir. Or, plus le
nombre de réponses est grand, plus le traitement cognitif que doit effectuer l’internaute est
lourd. Il met donc plus de temps à trouver la réponse qu’il cherche.
Ce phénomène est amplifié par le fait que toutes ces données ne sont pas des
productions originales. Beaucoup sont des citations ou des reprises de contenus tiers
[Ertzscheid 2011]. Ils amènent un bruit informationnel qui va multiplier l’offre de choix de
l’internaute alors que l’information reste la même.
L’explosion du volume de données produites est aussi renforcée par l’essor du web en
temps réel. Jack Dorsey, le cofondateur de Twitter, avait défini en 2009 le web en temps réel
comme « la synthèse de l’immédiateté, de la transparence et de l’accessibilité » [Bodin 2014,
p. 69]. Une information peut désormais être transmise instantanément (immédiateté). De là,
les émetteurs d’information peuvent consacrer de moins en moins de temps aux retouches
22
s’ils veulent être les premiers à publier l’actualité (transparence). Enfin, si la transmission de
l’information est immédiate, l’accès à celle-ci l’est aussi (accessibilité).
On voit donc que le web en temps réel a amené un nouveau rapport au temps. Dans
l’optique d’être le premier à transmettre une information chaude à sa communauté de lecteur,
certaines sources ont adopté la stratégie de publier l’information essentielle immédiatement,
puis de mettre en ligne un contenu plus détaillé une fois le temps pris pour creuser le sujet. Ce
phénomène amplifie alors l’infobésité.
En conclusion, nous sommes dans une époque où la production de contenus est
devenue gigantesque. L’internaute se retrouve ainsi noyé sous une masse d’informations
parmi lesquelles il doit identifier celles qui sont pertinentes par rapport à son besoin.
Toutefois, l’explosion du volume de données n’a pas amené que des aspects négatifs. Elle a
permis l’essor de nouveaux formats de communication.
2. Une explosion de la variété des données
De nouveaux outils de publication et de communication sont apparus depuis cette
dernière décennie : blogs, médias sociaux, plateformes de partage d’images et de vidéos, etc.
Ces plateformes ont contribué à l’essor de nouveaux formats de publication : tweet de 140
caractères, infographies, datavisualisation, etc. Plus encore, L. Bodin [ibid., p. 19] fait
apparaître qu’aujourd’hui tout devient information : les échanges sur les réseaux sociaux, les
données issues de la géolocalisation et des objets connectés, etc.
Par ailleurs, L. Bodin souligne que le numérique a fait converger des formats qui
étaient auparavant bien séparés suivant le support auxquels ils étaient destinés. Par exemple,
une page de blog peut proposer à la fois du texte, de l’image, de la vidéo et du son.
On assiste donc à la fois à une multiplication des formats de publication et à un
entremêlement de ces derniers. Un producteur d’information sur le web peut donc jouer sur de
multiples combinaisons de formats pour attirer l’attention de l’internaute. Attention qui est
devenue dans ce contexte d’infobésité un enjeu essentiel pour tout émetteur de contenus sur le
web.
23
3. Une concurrence accrue pour la visibilité et l’attention
a. L’essor du zapping et du media snacking
L’abondance informationnelle a renversé le schéma traditionnel de l’attention :
l’information est devenue abondante et c’est son corolaire, l’attention, qui est devenu rare.
C’est ce que met en évidence H. Simon [1969] avec le concept d’« économie de l’attention » :
« Dans un monde riche en information, l'abondance d'information
entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce qui est consommé
par l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est
l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une
rareté d'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi
la surabondance des sources informations qui peuvent la consommer » 2
Dans le contexte actuel d’infobésité, c’est donc l’attention de l’internaute qui est
difficile à capter. Non seulement ce dernier a le choix parmi un grand nombre de contenus,
mais c’est lui qui choisit dorénavant le lieu et le moment de sa consommation d’informations
(sur le web, les contenus sont tout le temps accessibles). Par conséquent, l’internaute devient
de plus en plus exigeant.
Y. Citton note toutefois que l’attention a été dure à canaliser de tout temps. La
« différence tient à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations
pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités
attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance » [Arc 2014].
En corrélation avec ces évolutions, on observe que sur le web, les lecteurs scannent
une page au lieu de la lire de manière linéaire. Une étude du groupe Nielsen [2013] a mis en
évidence que sur un site web traditionnel :
- 81% des internautes regardent le premier paragraphe ;
- 71% le second ;
- 63% le troisième ;
- et seulement 32% le quatrième.
2
Citation originale : “Now when we speak of an information-rich world, we may expect, analogically, that the
wealth of information means a dearth of something else – a scarity of whatever it is what information consumes.
What information consumes is rather obvious: it consumes the attention of its recipients. Hence a wealth of
information creates a poverty of attention, and a need to allocate that attention efficiently among the
overabundance of information sources that might consume it.”
24
Cette étude conforte l’idée que l’internaute n’hésite désormais plus à zapper les pages qui ne
leur conviennent pas. S’il n’est pas convaincu par les premières lignes, il va voir ailleurs.
La rareté de l’attention a également entraîné l’essor du media snacking. Ce dernier
peut-être défini comme « le fait de regarder des contenus d’actualité plus fréquemment,
pendant de courts et intenses moments d’attentions » [Lawlor 2013]3
. L’internaute picore plus
qu’il ne lit, il survole plus qu’il n’analyse.
C’est pourquoi dans ce contexte de concurrence accrue, il est devenu important pour
les producteurs de contenu d’être attractif, afin d’attirer et de capter le peu d’attention que
l’internaute est prêt à lui accorder.
b. Aujourd’hui, informer ne suffit plus
L’infobésité, le zapping et le media snacking ont amené des changements dans la
pratique de l’écriture sur le web. Dans le contexte du media snacking, l’information doit être
facile et rapide à digérer pour l’internaute. Les phrases doivent être concises, les textes courts
et rédigés sur le modèle de la pyramide inversée.
Surtout, un contenu ne peut plus se contenter d’informer. L’attention se base sur
l’intérêt et la création du désir ou du besoin. Pour se démarquer de la concurrence abondante,
l’information doit être attractive. Dans le cadre d’une lecture non linéaire, cela passe
essentiellement par des titres et des chapeaux incitatifs. De même, les images et le
multimédia, a priori moins ennuyeux pour l’internaute, sont très appréciés. On peut d’ailleurs
noter que ce côté incitatif est aussi important pour des contenus généralement « sérieux »,
comme l’expertise.
Cette course à l’attractivité entraîne nombre de critiques. B. Frost estime qu’elle a
conduit à un affaiblissement de la qualité de l’information [Coëffe 2013]. Il souligne que les
auteurs abusent parfois d’expressions particulières pour rendre un article plus attractif
qu’intéressant. A l’exemple des formules incitatives utilisés régulièrement sur les réseaux
sociaux du type « 5 astuces pour… » ou « 10 raisons pour lesquelles… » [Chantrel 2015]. De
même, J.-C. Domenget [2012, pp.228-229] souligne le problème de la vérification des
informations que les internautes rediffusent sur la toile. A l’époque du web en temps réel,
l’important semble être d’informer son public plus rapidement que la concurrence, même si
3
Citation originale : “checking news content far more frequently, for short, sharp bursts of attention”.
25
cela se fait aux dépends de la fiabilité de l’information. Ceci est d’autant plus problématique
que sur le web 2.0, n’importe qui peut être la source d’un contenu. Or, tout le monde n’a pas
forcément appris à évaluer l’exactitude d’une information.
En résumé, il semble qu’une information doit être avant tout une force d’attraction et
le point de départ d’une chaîne de partage, même si cela peut se faire au détriment de la
qualité de celle-ci. En effet, obtenir des recommandations de la part des internautes est devenu
important suite à l’évolution des systèmes de filtrage de l’information sur le web. C’est
pourquoi nous allons revenir dans la partie suivante sur les évolutions des critères utilisés par
les moteurs de recherche et les plateformes pour classer cette masse de données.
4. L’apparition de nouveaux moyens de sélection de l’information
Wilson [1983] explique dans son livre Second-hand Knowledge : an Inquiry into
Cognitive Authority que les hommes peuvent augmenter leurs connaissances de deux
manières : grâce à leur propre expérience ou grâce à ce qu’ils apprennent d’autrui. La
construction du savoir d’un individu dépend donc en grande partie de ses interactions avec
d’autres personnes plus expérimentées qu’elle sur le sujet. Se pose alors la question de savoir
quelles sources de connaissances sont dignes de confiance, et ce d’autant plus à une époque
où n’importe qui peut publier sur le web.
Pour trouver les ressources fiables qu’il recherche, l’internaute va en partie s’appuyer
sur ce qu’E. Broudoux appelle l’autorité informationnelle. Or, le passage au web 2.0 a
fortement changé les modalités d’évaluation de cette autorité et a bouleversé la hiérarchie
traditionnelle des émetteurs d’information.
a. L’affaiblissement des filtres traditionnels de l’internaute
i. Un critère de sélection de l’information : l’autorité informationnelle
E. Broudoux [2007, p. 5] définit l’autorité informationnelle de la manière suivante :
Nous nous proposons ici de définir l’autorité informationnelle en nous
servant du terme « informer », synonyme de « renseigner sur », c’est-à-dire
porter un événement à la connaissance d’une sphère sociale ou d’un individu.
26
Nous présupposons que l’autorité informationnelle est le résultat d’un jeu de
forces entre ses composantes. Contrairement à l’autorité cognitive, l’autorité
informationnelle, susceptible d’être portée par un individu ou un groupe, un
objet ou un outil cognitif ou encore un média, n’a pas pour fonction principale
l’influence mais celle d’in-former (donner une forme).
Tout comme le concept d’autorité cognitive de Wilson, l’autorité informationnelle se
penche sur la question des éléments auxquels un individu fait appel pour juger une source
d’information fiable et digne de confiance, et in fine la considérer comme une référence (elle
fait autorité). Mais à la différence de l’autorité cognitive qui se traduit par une influence sur la
connaissance d’autrui, l’autorité informationnelle vise simplement à répondre à des besoins
informationnels. Ces besoins informationnels peuvent être de deux types selon Y.-F. Le
Coadic [2004], catégories qui fonctionnent également dans le cadre d’une recherche de
contenus d’expertise :
- en vue de la connaissance, qui correspond à un besoin dérivé du désir de savoir ;
- en vue de l’action. L’information peut aider à réaliser une action ou à l’accomplir de
manière efficace.
Enfin, E. Broudoux ajoute à cette dimension l’idée de la mise en forme des
informations, aspect nécessaire à la transmission de données et qui n’était pas présente dans
les concepts d’autorité précédemment définis.
Cette autorité informationnelle est constituée de différentes dimensions :
- l’autorité énonciative, qui rassemble tous les individus qui ont participé à la création
du contenu (auteur, commentateur, interprète, etc.) L’auteur en est la figure la plus
importante ;
- l’autorité institutionnelle ou groupe régulé par des règles hiérarchiques qui séparent
strictement la fonction au sein du groupe et la personne qui l’occupe. On peut citer le
cas de l’éditeur ou du distributeur ;
- l’autorité du contenu du document : son genre (littéraire, graphique, musical), sa
qualité, ses sources (auteur unique ou compilation), son paratexte ;
- l’autorité du support de publication : son type, sa fréquence de publication (unique,
hebdomadaire, etc.), etc.
Or, E. Broudoux explique que le poids respectif de ces différentes dimensions a fortement
évolué depuis le passage au numérique, et encore plus depuis l’arrivée du web 2.0.
27
ii. Du pré-numérique au web 2.0 : l’affaiblissement de l’autorité institutionnelle
Avant le développement du web, l’autorité institutionnelle avait un poids important car
elle exerçait une autorité de support sur les autorités énonciatives. En effet, l’auteur était
contraint de s’adapter au support géré par l’autorité institutionnelle (ex. : l’éditeur), et donc au
genre induit par ce support.
Rapports entre les différentes composantes de l’autorité informationnelle dans un contexte pré-numérique
Si on compare cette situation à celle de l’époque du web 2.0, on voit que la place de
l’autorité énonciative a été bouleversée. Tout d’abord, la figure de l’auteur s’est élargie. Par
exemple, l’émetteur peut aussi bien être un collectif qu’une personne individuelle. Ensuite,
l’auteur peut à présent s’auto-publier. Cela implique plusieurs conséquences pour l’autorité
énonciative :
- elle peut s’approprier l’autorité de support, par exemple en réalisant elle-même son
propre site ;
- elle est moins dépendante de l’autorité institutionnelle puisqu’elle se passe parfois
d’éditeur ;
- elle se réfère davantage à ses pairs et à l’autorité du groupe dans lequel il évolue. Par
groupe, E. Broudoux [op. cit., p. 7] entend « un groupe informel rassemblé par un
réseau sociotechnique pouvant se transformer en groupe institué » (ex. : blogosphère,
groupes de discussion, etc.)
28
Rapports entre les différentes composantes de l’autorité informationnelle dans un contexte web 2.0
On voit donc que l’autorité institutionnelle, qui était traditionnellement garante de la
qualité de l’information, est actuellement en perte de vitesse au profit de nouveaux acteurs. A
cause des nouveaux outils qui permettent à tous de publier facilement et rapidement leurs
opinions, le filtrage du contenu en amont est devenu beaucoup plus difficile. On passe d’un
filtrage principalement a priori à un filtrage essentiellement a posteriori, une fois la
publication effectuée. L’internaute ne peut donc plus compter sur une instance tierce pour
vérifier la qualité du contenu. C’est à lui d’évaluer les informations qu’il trouve à chaque
recherche, alors que ses repères habituels pour évaluer la qualité d’un contenu sont
bouleversés par le passage du papier au numérique. Face à ce casse-tête et dans un contexte
d’infobésité, de nouveaux systèmes de tri de l’information ont émergés pour simplifier la vie
à l’internaute.
b. L’essor de nouveaux filtres…
Pour combler le vide laissé par l’affaiblissement des autorités institutionnelles dans le
processus de l’évaluation de la qualité de l’information, de nouveaux intermédiaires sont
apparus.
Le premier et non des moindre est le moteur de recherche. C. Alloing et N. Moinet
[2010, p. 38] expliquent que ce dernier peut être vu comme un agent facilitateur, c’est-à-dire
un internaute ou un système qui opère une sorte de filtre informationnel sur un réseau ou pour
une communauté d’intérêts. L’agent facilitateur a la capacité de collecter du contenu, le
hiérarchiser, le mettre en forme, le redocumentariser pour l’adapter aux attentes de son
29
lectorat ou au contexte d’émission, puis de le diffuser [Alloing 2015, p. 17]. C’est
exactement ce que fait un moteur de recherche puisqu’il aide à trouver une information
pertinente parmi la masse des données numériques. Il collecte des pages web, les hiérarchise
grâce à son algorithme et les redocumentarise parfois en fournissant un extrait de la page avec
le(s) mot(s)-clé(s) recherché(s).
Les moteurs de recherche sont principalement tournés vers l’évaluation de l’autorité
du contenu. Ils analysent notamment le degré de pertinence de la page par rapport à la requête
de l’internaute. Mais pas uniquement. Pour hiérarchiser les pages entre elles, ils ont accordé
une importance de plus en plus grande à des critères de popularité, c’est-à-dire aux critères
qui indiquent la faveur de l’auteur ou du contenu auprès du plus grand nombre de personnes4
(nombre de liens entrants, volume de citations, etc.) En effet, ils considèrent que plus on
estime une source, plus on fait de liens vers elle ou plus on la cite. Cette popularité repose
donc sur un minimum de visibilité5
et de notoriété6
préalables. Ce raisonnement peut être
critiquable car faire un lien vers une ressource ne signifie pas forcément qu’on y adhère.
Lorsqu’un auteur critique une source, il pointe vers elle pour permettre aux internautes de
vérifier ses dires. Dans tous les cas, la nouvelle place de la popularité traduit bien le poids
qu’a pris l’évaluation sociale dans l’analyse de la qualité de l’information avec le web 2.0.
Toutefois, L. Merzeau signale que même si l’intelligence collective est prise en compte, son
importance est relativisée par le fait que le graphe utilisé est identique pour toutes les pages. Il
s’agit d’un algorithme défini par une autorité tierce qui encadre les modalités de l’évaluation.
Les réseaux sociaux sont venus complexifier ce schéma de mise en ordre du web. L.
Merzeau souligne dans son article Twitter : une machine à fabriquer l’autorité [2013, pp. 37-
38] qu’ils multiplient les filtres entre l’émission et la réception. Par exemple, sans recherche
explicite, un message sur Twitter sera visible uniquement pour les abonnés à l’émetteur du
message, ou à ceux qui suivent ces abonnés dans le cas où le message serait retweeté
(exception faite de l’affichage des messages sur les lieux externes à Twitter-même). Or,
chaque retweet dépend lui-même « d’une distribution complexe des degrés de légitimité,
d’expertise et de notoriété des différents acteurs concernés ». Au-delà, un retweet est aussi
l’occasion de redocumentariser le contenu pour son public cible. Les réseaux sociaux ont une
4
Définition de C. Alloing [2011].
5
La visibilité est définie par C. Alloing [2011] comme le fait de pouvoir être vu facilement.
6
La notoriété correspond pour C. Alloing [2011] au fait pour un produit, une marche ou un service d’être connu
quel que soit le jugement porté sur lui. Cette notion ne prend pas en compte l’opinion exprimée.
30
logique de stratification que n’ont pas les médiateurs « traditionnels » de l’information, qui
sont davantage en position de surplomb.
Plus encore, ces nouveaux systèmes donnent un poids important aux recommandations
des internautes. Si la recommandation était autrefois essentiellement orale et limitée au cercle
des proches, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le web participatif a augmenté leur nombre en
démultipliant les possibilités de recommander une information : création d’un lien hypertexte,
like, vote, partage, social bookmarking, etc.
Les algorithmes se servent de plus en plus des recommandations des internautes pour
afficher les contenus susceptibles de plaire le plus à leurs abonnés. Ainsi, Facebook met en
avant les messages avec lesquels un grand nombre d’amis ont interagi. C’est ainsi que,
« après avoir été pensée comme une cible, qui venait après une information déjà constituée, la
personne est devenue une ressource, un agent de pertinence et un opérateur de liens entre les
informations » [Merzeau 2009]. Toutefois si cette méthode de filtrage peut paraître à première
vue plus juste, O. Ertzscheid remarque qu’il s’agit d’une recommandation consumériste, elle-
même téléguidée par l’hégémonie de quelques acteurs puissants.
Sur les réseaux sociaux où les individus se connaissent dans la vie réelle, la
recommandation prend encore une autre dimension. En effet, le poids de cette dernière est
plus fort lorsque l’on connaît la personne qui a recommandé un contenu. D’où l’apparition de
critères de classement affinitaires. Par exemple sur Facebook, les statuts des amis avec
lesquels un individu a beaucoup interagi ont plus de chances d’apparaître dans le fil
d’actualités de cette personne.
En résumé, il existe un double mouvement dans l’évolution des systèmes de
classement de l’information :
- ils proposent un filtrage plus horizontal ;
- et ont lentement glissé de l’analyse de l’autorité à l’évaluation de la popularité.
C’est pourquoi les auteurs désireux d’être connus sur le web doivent prendre en compte le
poids nouveau des critères de popularité dans la manière dont ils créent leurs contenus. Or,
ces critères sont essentiellement quantitatifs.
31
c. …et de nouveaux critères pour être dans leurs « bonnes grâces »
Effectuer une requête sur les moteurs de recherche à propos d’une entreprise ou
inspecter les réseaux sociaux d’un auteur sont devenus des actes réflexes. C’est pourquoi les
personnes désireuses d’être un minimum connues sur le web doivent prendre en compte les
critères utilisés par ces nouveaux filtres de l’information.
Comme nous l’avons vu précédemment, ces nouveaux systèmes utilisent fortement
des critères de popularité. Si la popularité est un concept plutôt qualitatif, les nouveaux
systèmes de filtrage de l’information l’analysent uniquement d’un point de vue quantitatif
(nombre de liens entrants, volumes d’abonnés sur les réseaux sociaux). En effet, il est difficile
pour un algorithme d’interpréter les opinions d’individus.
Or, cette métrique n’intervient plus seulement dans un filtrage en aval. Elle est d’après
L. Merzeau [op. cit., p. 48] de plus en plus utilisée dans les classements des contenus par les
outils de recherche. Tout ce système nous mène alors droit vers une course aux chiffres. Il est
nécessaire d’être beaucoup cité, d’avoir beaucoup de liens entrants et d’abonnés sur les
différents réseaux sociaux pour être bien classé et donc visible. D’où la quête incessante de
nouveaux followers. Et les logiques stratégiques qui en découlent parfois. J.-C. Domenget cite
par exemple le fait de respecter les plages horaires de publication qui sont censés améliorer la
visibilité du message [2012, p. 226] ou encore l’automatisation des messages dans la phase
d’entrée en relation [2014, p. 10].
J.-C. Domenget [op. cit., p. 227] remarque que la multiplication des techniques
inspirées de la publicité et du marketing pour améliorer la visibilité des messages aboutirait à
une forme d’interaction « froide », où les participants ne créeraient pas de réelle relation. Or,
dans notre « société du chiffre, des sondages et de l’audience » [Alloing 2011], nous avons
tendance à oublier que l’important n’est pas d’avoir le plus de fans possibles. Il vaut mieux
être suivi et créer une vraie relation avec les « bonnes » personnes, celles qui sont
susceptibles de nous suivre réellement (parce qu’elles s’intéressent à nous) et d’être sensibles
à nos messages. Ce sont en effet elles qui vont déposer des avis positifs sur les réseaux
sociaux, avis qui améliorent l’e-réputation de l’auteur des contenus.
32
C. Une ère où l’internaute participe à la création de la
réputation d’une entreprise
Comme nous venons de le voir, le passage au web 2.0 a bousculé les modèles
traditionnels de publication et de mise en valeur de l’information. Nous sommes passés d’un
filtrage en amont de la publication par les autorités institutionnelles à un filtrage
principalement en aval de la publication et qui repose en partie sur la popularité. Or, cette
popularité tire principalement sa source des avis et des recommandations des internautes qui
fleurissent depuis qu’ils sont capables de s’exprimer sur la toile.
1. Un internaute devenu consom’acteur…
a. Un acteur de poids dans la recommandation de contenus
Comme expliqué précédemment, le web 2.0 permet à n’importe quel internaute
d’exprimer son avis ou de publier ses contenus. Nous sommes passé du modèle de
communication « one to many » (une personne communique à plusieurs) au « many to many »
(plusieurs personnes communiquent à plusieurs autres).
Ce phénomène a multiplié les acteurs potentiels dans l’évaluation des contenus.
Chaque internaute représente une potentielle recommandation, qui à son tour attirera d’autres
internautes à consulter l’information, voire à la recommander. Au-delà, ces recommandations
peuvent avoir un impact positif sur l’e-réputation la source de l’information. Quand
l’internaute ne donne pas directement son avis sur l’auteur en question…
b. Un acteur dans la construction de l’e-réputation
i. Définition de l’e-réputation
L. Bodin [2014, pp. 13-16] explique que « l’e-réputation regroupe l’ensemble des
expressions numériques d’une réputation. Elle concerne donc toutes les manifestations d’une
évaluation sociale qui est faite de quelque chose ou de quelqu’un par ou via le numérique ».
L’auteur montre que cette évaluation sociale est émise par un groupe social, après qu’il ait
perçu le discours communiqué par l’entité évaluée et qu’il ait interagi avec elle.
L’é-réputation est à distinguer des notions d’identité numérique et d’image. L’identité
numérique est définie par O. Ertzscheid [2011, p. 16] comme « la somme des traces
33
numériques se rapportant à un individu ou à une collectivité ». Ces traces peuvent être des «
écrits, contenus audio ou vidéo, messages sur des forums, identifiants de connexion,
etc. » Elles regroupent ce que l’entreprise a elle-même publié et ce que des tiers disent sur
elle. L’identité numérique rassemble donc des éléments susceptibles d’aider à définir ce
qu’une entité est et ce qu’elle fait.
L’image, elle, se situe entre l’identité et la réputation. Il s’agit pour L. Bodin [op. cit.,
p. 86] de la façon dont est perçue une entreprise ou une marque. Elle se construit par rapport à
deux éléments : l’identité de l’entité et les préjugés de l’internaute sur cette dernière. L’image
intervient juste avant le processus d’évaluation sociale inhérent à la réputation.
Or, il se trouve que les entités intervenant dans ce processus d’évaluation ont évolués
avec le passage au web 2.0.
ii. Le poids nouveau de l’internaute dans l’élaboration de l’e-réputation
L. Bodin [ibid., pp. 29-30] met en évidence qu’avant l’arrivée d’Internet, seuls
quelques grands acteurs participaient à la construction de la réputation :
- les médias ;
- les services de communication, d’affaires publiques et RP des entreprises ;
- les agences spécialisées dans la réputation (agences de communication, cabinets
d’affaires publiques, etc.)
Les relais de communication étaient donc facilement identifiables pour une personne ou une
entreprise. Le web 2.0 a brouillé les choses en démultipliant le nombre de personnes qui
influencent l’e-réputation d’une entité. Chaque internaute peut aujourd’hui potentiellement
recommander ou se plaindre d’une entreprise ou d’une personne. Ainsi, l’offre d’informations
sur une entité issue de personnes tierces s’est fortement accrue. Plus encore, selon L. Bodin,
les internautes sont devenus des intermédiaires :
- entre eux-mêmes ;
- entre les entreprises et d’autres individus ;
- entre les médias traditionnels et d’autres individus.
On voit donc que le poids respectif des acteurs présents avant l’arrivée du web s’est atténué
au profit de l’internaute, figure qui peut se retrouver au milieu des interactions entre tous les
acteurs.
Debos [2010, p. 2] signale que l’individu n’est plus un simple consommateur
d’informations mais est devenu un « consom’acteur ». Ce terme a été employé pour la
34
première fois en 1980 par le futurologue A. Toffler dans le cadre d’une critique de l’idée
d’ « audience passive » développée par R. Hoggart et R. Barthes. Aujourd’hui, cette notion
traduit l’idée selon laquelle l’internaute pourrait influencer le système grâce aux outils du web
2.0. L’internaute n’hésiterait ainsi plus à contester le pouvoir des marques s’il le juge
autocratique et tendrait à s’investir dans la co-conception de l’offre. Les personnes ou
entreprises qui souhaitent être connu sur le web doivent donc veiller à prendre en
considération leur(s) communauté(s) (les communautés peuvent être variables selon les
plateformes web), à l’(les) écouter et à interagir avec elle(s). Et ce d’autant qu’une plainte
publiée sur le web est intemporelle car quasiment impossible à effacer.
Toutefois, la nouveauté de ce passage du consommateur au consom’acteur est à
relativiser. En effet, on s’échangeait déjà des avis ou des recommandations au sein de la
famille, entre amis ou entre collègues. La date d’apparition de l’expression « consom’acteur »
va également dans ce sens. Elle remonte à 1980 ! L. Bodin [op. cit., p. 67] met en évidence
que le véritable changement apporté par Internet est le lieu de ces conversations. Elles
peuvent à présent se dérouler dans des lieux (les outils du web 2.0) où elles sont visibles par
un plus grand nombre de personnes.
De plus, l’expression « consom’acteur » tend à oublier que tous les internautes n’ont
pas le même poids dans la construction de l’e-réputation d’une entité. Tout dépend de leur
rôle vis-à-vis de cette entité. Ainsi, une plainte d’un client fera plus de dégâts que celle d’un
concurrent.
Enfin, il faut garder à l’esprit que même si le web 2.0 a clairement accru le poids des
internautes, seule une minorité d’entre eux s’expriment sur le web. La loi des médias
participatifs a bien mis en évidence que seul 1% des internautes publient sur la toile et qu’à
peine 10% participent (commentaire, like, etc.)
En résumé, on peut dire qu’une personne ou une entreprise qui souhaiterait être
reconnu comme expert sur le web a tout intérêt à interagir avec sa ou ses communautés même
si seulement une minorité d’internautes réagira de manière visible. Celle(s)-ci peu(ven)t lui
apporter des recommandations et des avis positifs qui l’aideront à se faire connaitre, à
acquérir une bonne e-réputation, à mieux diffuser ses contenus, voire à fidéliser de nouveaux
internautes.
Or, les modalités pour instaurer un bon dialogue avec sa ou ses communautés ont elles
aussi évolué avec le passage au web 2.0. Dorénavant, un émetteur d’information doit éviter de
35
faire son autopromotion et montrer au contraire qu’il est à l’écoute et au service de
l’internaute.
2. … qui voit d’un mauvais œil la communication purement
descendante
Avant l’arrivée du web 2.0, la communication était très majoritairement descendante.
Les internautes étaient plus ou moins de simples récepteurs de l’information. Or G. Lucas,
associé de l’agence de communication Image 7, constate qu’il y a depuis les années 90 une
désacralisation des institutions et une hausse de la méfiance envers les entreprises et les
hommes politiques, émetteurs traditionnels de l’information. Il explique que « le numérique
permettant à la fois une information et une expression gratuites pour tous, la communication
doit s’adapter et partir de beaucoup plus bas » [ibid., pp. 98-99]. On voit donc que les
internautes sont de moins en moins réceptifs aux méthodes de communication et de publicité
traditionnelles. C’est pourquoi les entreprises ou les personnes qui souhaitent communiquer
sur le web ont tout intérêt à mettre l’internaute au centre de leur dispositif. Et ce d’autant plus
que ne pas le faire serait risquer de mécontenter un des acteurs de la construction de leur e-
réputation.
C’est en réponse à ce problème qu’est apparu le brand content. T. Jamet [2013, p. 2]
définit le brand content comme « des contenus produits par une marque à des fins de
communication comme des fictions, des séries, des jeux, des films, des évènements et
permettant à la marque de s’engager sur un terrain d’expression qui lui serait propre ». Le
brand content repose sur le principe qu’il faut arrêter de parler de sa marque de manière
intrusive et descendante. Pour cela, beaucoup d’entreprises recourent au storytelling7
par
exemple. Dans le contexte actuel d’infobésité et d’économie de l’attention, il faut au contraire
montrer que l’on accorde une attention particulière à sa ou ses communautés. L’objectif est de
séduire les internautes en leur proposant des informations qui leurs sont utiles. Proposer des
contenus à valeur ajoutée pour son public cible est aussi un moyen d’augmenter les chances
d’engagement8
de la part des lecteurs. Or G. Buffet, président de l’association Renaissance
7
L. Bodin [2014, p. 89] définit le storytelling comme « la technique consistant à raconter une histoire mise en
scène et orientée pour un public en particulier ».
8
Le taux d’engagement correspond au nombre de gens qui ont aimé, partagé, commenté ou cliqué sur une
publication par rapport au nombre total de gens qui ont vu cette publication.
36
numérique, explique bien qu’une stratégie réputationnelle est réussie lorsque ce sont les
internautes qui véhiculent eux-mêmes l’image de l’entreprise [Bodin op. cit., p. 8].
Mais pour avoir un bon taux d’engagement, il est important de privilégier les
« informations dynamiques » aux « informations statiques » selon les mots de B. Osatuyi dans
son livre Information sharing on social medias sites. Il s’agit d’accorder la part belle aux
contenus capables de générer des conversations avec les internautes par rapport à ceux qui ne
leur laissent aucune possibilité de réaction (ex. : annonces). Cette pratique apporte également
d’autres bénéfices en plus de la hausse potentielle des commentaires et des partages. F.
Colantonio [2011, p. 129] souligne que la valeur d’un contenu ne passe pas uniquement par la
production pure mais vient aussi du dialogue avec les internautes. Ils peuvent par exemple
enrichir le contexte, préciser une notion floue dans l’article original, etc. De plus, L. Bodin
souligne que dialoguer avec l’internaute est l’occasion de mieux connaître son public cible,
son ressenti face à l’offre actuelle, ses attentes, etc. Ce qui permet à terme de mieux ajuster
ses contenus à sa communauté et de mieux la fidéliser.
En résumé de cette troisième partie, le web 2.0 a bouleversé tant les mécanismes de
publication de l’information sur le web que ceux de l’évaluation et de la reconnaissance de
ces contenus. L’internaute se trouve désormais au centre du système. Dans le contexte
d’infobésité actuel, l’émetteur d’information doit produire des contenus avant tout utiles et
attractifs pour les internautes afin d’être visible dans un système où les moteurs de recherche
et les plateformes web tiennent compte de la popularité. Par effet de vase communicant, le
poids de la fiabilité et de la qualité de l’information a été atténué, même s’il reste important.
A présent que nous avons compris les changements apportés par le web 2.0, il est
temps d’étudier les impacts de ces évolutions sur les mécanismes de reconnaissance de
l’expert.
IV. Etre reconnu comme un expert au temps du
web 2.0 : de nouveaux critères d’évaluation de l’expertise
Comme expliqué précédemment, un expert doit être sollicité et par là-même bénéficier
d’une délégation de la part de l’entité qui souhaite obtenir une expertise. Cette sollicitation
suppose d’être reconnu a priori comme un expert.
37
Traditionnellement, le mandataire potentiel regarde des critères liés à la crédibilité et à
l’autorité (diplôme dans le domaine, nombre de publication, bonne réputation, citation par les
pairs, etc.) Or, le web 2.0 a entraîné une course à l’attention de l’internaute, un basculement
de l’autorité vers la popularité, un poids croissant de l’avis de l’internaute et l’essor du brand
content. En quoi ces changements ont-ils impacté le processus de reconnaissance sociale d’un
expert ? De nouveaux critères sont-ils apparus ? Si oui, existent-ils de manière
complémentaire aux anciens critères ou les ont-ils remplacés ? C’est ce que nous allons
étudier dans cette partie.
A. Etre capable de rendre visible ses contenus
1. Etre visible : un moyen à part entière d’être reconnu comme un
expert ?
Comme expliqué précédemment, un expert doit être reconnu a priori. Or, cette
reconnaissance a un préalable obligatoire aussi bien sur le web que hors ligne : la visibilité. C.
Alloing [2011] définit la visibilité comme le fait de pouvoir être vu facilement. J.-C.
Domenget [2012, p. 219] indique que c’est un état fluctuant, qui relève de l’ordre de la
manifestation et de l’indexation. La visibilité est du ressort de l’instant, à la différence de la
présence numérique et de la notoriété qui se déploient dans la durée. Etre tout le temps visible
nécessite donc une attention constante et des efforts réguliers.
Or, dans notre société, être visible est essentiel pour obtenir une reconnaissance
sociale. Comme le soulignent N. Aubert et C. Haroche [2011], la notion de visibilité a pris
une place considérable dans notre culture depuis l’avènement d’une société de l’image.
Aujourd’hui, être invisible signifie être insignifiant, voire inexistant. Dans ces conditions, il
apparaît donc crucial pour un individu ou une entité qui voudrait être reconnu comme un
expert sur le web d’être visible.
Appliquée au web, la visibilité correspond au fait d’apparaître dans les cinq premiers
résultats des moteurs de recherche pour une requête donnée [Poncier 2009 pp. 83-84]. Or, il
se trouve que sur le web, le mandat donné à l’expert repose sur l’autorité des moteurs de
recherche et des plateformes web (réseaux sociaux, plateformes de curation, etc.) C. Alloing
et M. Haikel-Elsabeh [2014, p. 9] en expliquent la raison. Sur le web, ce sont ces systèmes qui
fournissent des résultats qui permettent (ou non) de répondre à une question posée. Ainsi, ce
38
serait une capacité à rendre visible ses contenus pour des internautes ou des requêtes données
qui permettrait d’obtenir un statut d’expert. C’est pourquoi C. Alloing et N. Moinet [2010, p.
42] analysent la médiatisation des individus lorsqu’il cherche des experts sur le web, c’est-à-
dire qu’ils vérifient s’ils sont visibles sur les moteurs de recherche et partagés par les
internautes.
Nous touchons là une différence importante dans le processus de reconnaissance de
l’expert par rapport à l’époque pré-numérique. La visibilité et la reconnaissance sont
normalement deux étapes d’un même processus. A. Honneth [2001, pp. 1272-1278] souligne
bien la différence entre la connaissance, procédé par lequel on devient visible grâce à une
identification, et la reconnaissance, qui s’institue à travers l’affirmation de la valeur sociale de
l’individu. Traditionnellement, être visible ne garantissait donc pas d’être reconnu.
Aujourd’hui, quand le mandataire est un système web, ces deux phases se rapprochent, voire
se confondent.
Toutefois, cette idée qu’il suffit d’être visible sur les moteurs de recherche ou les
plateformes web pour être reconnu en tant qu’expert n’est pas si simple que ça. En effet, les
internautes avec un bon niveau de connaissances ont un regard critique sur les résultats
proposés par ces systèmes et n’hésitent pas à consulter des contenus plus loin dans la page si
les premiers résultats ne leurs conviennent pas. Nous reviendrons dans la partie IV.B.2 sur
cette problématique.
Dans tous les cas, être visible est au moins une étape préalable obligatoire pour des
individus qui souhaiteraient être reconnus en tant qu’experts sur le web. Or, cette visibilité ne
peut pas exister si l’auteur ne tient pas compte des critères utilisés par les systèmes de
recherche et de classement de l’information numérique.
2. Se rendre visible sur le web : respecter les critères de filtrage des
moteurs de recherche et des plateformes web
Pour être visible, il est important de respecter les critères clés des systèmes de filtrage
de l’information sur le web. Comme nous l’avons vu précédemment, ces critères ont évolués
avec le web 2.0. La mesure de la popularité (avec sa visibilité et sa notoriété minimum
préalables) est devenue importante, même si l’autorité compte toujours. On peut donc penser
que, pour être visible sur le web, l’expert devra penser non seulement à exhiber son expertise,
mais aussi le faire d’une manière susceptible d’intéresser les internautes pour susciter un fort
39
taux d’engagement. L’expert 2.0 est donc amené à prendre en compte de manière plus
importante les attentes de son public cible dans la valorisation de ses compétences que
n’avaient à le faire ses prédécesseurs.
Par ailleurs, J.-C. Domenget a démontré dans son article La visibilité sur Twitter, un
enjeu professionnel [2013] que la maîtrise d’un savoir-faire technique et le respect des normes
de participation de la plateforme de publication sont essentiels pour pouvoir rendre visible ses
messages. C’est donc un critère nouveau dans la reconnaissance de l’expertise, bien que
logique pour des experts sur le web.
Enfin, N. Aubert et C. Haroche expliquent que les technologies apparues ces deux
dernières décennies (ordinateurs, Internet, smartphones) nous conduisent à nous définir de
plus en plus par les traces que nous laissons. Elles nous enjoignent à ce que les auteurs
appellent une « production continue et illimitée de soi ». Il s'agit d'« offrir des images de soi
immédiates, éphémères, sans cesse actualisées pour exister aux yeux du plus grand nombre »
explique N. Aubert [Laronche, Aubert et al. 2011]. Cette injonction à la production de
contenus se retrouve dans les critères des algorithmes des moteurs de recherche. Google par
exemple privilégie les contenus d’actualités récents et les sites qui offrent des mises à jour
régulières. Ainsi, un individu ou une entité qui voudrait être reconnu comme un expert sur le
web sera amené à produire régulièrement des contenus pour rester visible. Il est important de
noter que cette production ne concerne pas seulement l’écriture de contenus originaux. Elle
peut aussi passer par des renvois, des citations ou un retravail d’informations créées par des
tiers.
B. Etre reconnu socialement
1. Avoir de l’influence sociale
La visibilité est un des critères-clés pour être reconnu socialement mais ce n’est pas le
seul. Pour identifier des experts en e-réputation dans son article Des réseaux d’experts à
l’expertise 2.0, C. Alloing s’intéresse également à ce qu’il appelle « l’influence sociale ».
Exercer une influence est défini par Massé, Marcon et Moinet [2006, p. 86] comme le
fait d’« obtenir d’autrui qu’il fasse librement quelque chose qu’il n’aurait pas fait
spontanément sans votre intervention ». On retrouve cette idée d’un poids sur les pensées et
actions d’autrui dans la notion d’« influence sociale » de C. Alloing. Pour lui, un expert est
influent socialement lorsqu’il a su développer des échanges avec ses lecteurs. En effet, c’est
40
par le biais du partage d’informations et du dialogue qu’une communauté se façonne une
réalité commune. Par conséquent, plus un individu échange des informations et discute avec
une communauté numérique, plus il participe à la construction de cette vision mutuelle, et
plus il influence la perception du monde qu’a cette communauté. D’ailleurs, G. Buffet,
président de l’Association Renaissance numérique, signale qu’une stratégie e-réputationnelle
réussie fait en sorte que ce soit les internautes eux-mêmes qui véhiculent le message de
l’entreprise ou de la personne [Bodin 2014, p. 8]. Or, ce concept d’influence sociale
présuppose une certaine forme de reconnaissance. Un individu ne peut influencer la
communauté que si celle-ci lui a reconnu un minimum de poids.
Toutefois, il faut faire attention à la manière dont cette influence sociale est mesurée.
En effet, bon nombre d’algorithmes n’analysent pas réellement l’influence mais la notoriété, à
l’exemple de l’outil Klout dont le but est d’identifier les influenceurs sur un sujet. L’impact
d’un message sur ses lecteurs étant difficile à connaître, ils préfèrent fonctionner selon l’idée
que, plus un individu est cité, plus il est influent [Alloing 2011]. Au contraire, C. Alloing et
N. Moinet se penchent bien sur le poids des messages sur la communauté. Ils regardent par
exemple comment les commentaires laissés par l’expert sur des sites tiers sont soutenus,
pondérés ou réfutés par les autres lecteurs.
Les auteurs concluent leur article en affirmant que « sur le web 2.0, les experts sont
avant tout les individus pouvant produire un contenu qui regroupera une communauté pouvant
entrer fortement en interaction avec l’auteur, puis retransmettre son message » [Alloing et
Moinet 2010, p. 45]. On voit donc que les mécanismes de participation et le poids du
consom’acteur apparus avec le web 2.0 ont été pleinement intégrés dans les façons de
reconnaître un individu comme un expert. On passe d’un régime où la seule reconnaissance
par les pairs ou les autorités compte à un système où le poids du « plus grand nombre » a
également un impact.
Cependant, ce poids nouveau de la communauté de lecteurs dans la reconnaissance
d’un expert pose également quelques problèmes. En effet, la légitimité de l’expert est dans ce
cas plus contestable car fortement fondée sur le crédit accordé par les internautes, internautes
qui ne connaissent pas toujours eux-mêmes très bien le sujet.
41
2. Etre reconnu socialement, oui mais par qui ?
La possibilité qu’offre le web 2.0 à n’importe quel internaute de publier ses contenus
et opinions a conduit à un phénomène d’« amateurisation de masse » selon C. Shirky. P.
Flichy dans son livre Le sacre de l’amateur [2010] parle même de l’émergence du règne du
professionnel-amateur, passionné autodidacte qui frôle l’expertise grâce à ses lectures et à ses
échanges avec d’autres passionnés. On voit donc que la figure de l’amateur s’est fortement
rapprochée de celle de l’expert, et que la frontière peut devenir floue pour des personnes avec
peu de connaissances sur la thématique traitée.
Plus encore, il est facile de se faire passer pour un expert derrière un écran. C. Alloing
[2010] nous fait remarquer qu’il est aisé d’acquérir de l’expérience dans certaines
thématiques, élément clé qui caractérise un expert. Par exemple, beaucoup de personnes
peuvent avoir utilisé les réseaux sociaux dans des buts de communication et de marketing.
Ainsi, pour peu que l’on ait des capacités d’observation, d’analyse et d’argumentation
couplées à des connaissances sur les mécanismes de visibilité web, il est simple d’apparaître
comme un expert aux yeux des personnes peu averties. C’est pourquoi le nombre d’
« experts » a fleuri sur la toile cette dernière décennie, compliquant encore les choses pour les
internautes néophytes confrontés à une multitude d’experts potentiels dans le contexte actuel
d’infobésité.
Par conséquent, C. Alloing explique que, pour des néophytes, les « experts » sont les
auteurs des premiers résultats qui répondent le mieux au besoin informationnel [ibid.]. Or,
ces résultats ne sont pas forcément les meilleurs et ne seraient pas forcément retenus par des
personnes avec de meilleures connaissances sur le sujet.
On touche ici un point clé de la reconnaissance d’un expert : la question n’est pas de
savoir si un individu est reconnu ou non de manière absolue comme un expert. Le vrai enjeu
est de savoir pour qui l’individu apparaît comme un expert. C. Alloing explique bien qu’un
expert reconnu par des personnes peu averties ne l’est pas forcément par des spécialistes du
sujet [ibid.]. C’est pourquoi il se demande s’il ne vaudrait pas mieux parler de légitimité que
d’expertise sur le web.
42
3. Quelle légitimité pour les experts sur le web ?
La légitimité « repose sur une autorité qui est fondée sur des bases juridiques ou sur
des bases éthiques ou morales, et permet de recevoir le consentement des membres du
groupe » selon le Petit Robert.
J.-P. Bootz et E. Schenk [2014, pp. 83-84] expliquent qu’il existe deux types de
légitimité :
- la légitimité institutionnelle, qui a un caractère externe ;
- la légitimité informelle ou relevant d’un « phénomène social auto-organisé », qui a un
caractère interne.
La légitimité institutionnelle s’appuie sur une structure formelle telle qu’un ordre
professionnel, un système de labellisation, etc. Elle est facilement appréhendée par des
personnes extérieures au domaine car elle est codifiée. Ce type de légitimité est plus ou moins
employé en fonction des secteurs d’activités.
La légitimité informelle au contraire se définit hors de tout cadre formel. Elle repose
sur des règles tacites d’un groupe non formel et est difficile à appréhender en-dehors de ce
cadre. Dans le champ de l’expertise, ce type de légitimité se rapproche de la notion de
reconnaissance par les pairs. Or, il se trouve que ce type de reconnaissance, déjà présent avant
l’arrivée du numérique, conserve un poids important pour les experts sur le web.
4. Être reconnu par ses pairs
L’étude menée par J.-P. Bootz et E. Schenk [ibid., p. 92] sur la perception de la figure
de l’expert par des salariés d’une entreprise démontre que dans l’esprit du grand public, un
expert est avant tout une personne reconnue par ses pairs. Comme les pairs possèdent des
connaissances pointues sur le sujet, ils apparaissent comme des individus capables de juger en
toute connaissance de cause le travail d’un prétendant au statut d’expert.
Les évolutions amenées par le web 2.0 n’ont pas mis fin à cette pratique employée
depuis longtemps par les communautés scientifiques. Bien au contraire, nous avons vu
précédemment que l’autorité énonciative se réfère davantage à ses pairs et à l’autorité du
groupe depuis le passage au web 2.0. Elle contrebalance ainsi le poids initialement fort des
autorités institutionnelles, qui sont susceptibles de délivrer la légitimité institutionnelle.
C. Alloing et N. Moinet [2010, p. 36] observent d’ailleurs que les différents experts sur un
43
sujet misent sur les outils du web pour échanger entre eux, réfléchir collectivement et former
des réseaux d’expertise.
Par conséquent, un individu qui souhaiterait se faire reconnaître comme un expert par
ses pairs doit faire attention à montrer son appartenance au groupe. Cela se traduit par
plusieurs types de pratiques. C. Alloing [2010] explique que beaucoup de blogueurs débutants
prennent le temps de déposer des commentaires sur des blogs d’experts plus reconnus. Cela
leur permet de se faire connaître de la communauté qui pourra par la suite augmenter leur
légitimité. De même, l’auteur remarque que la citation d’autres expertises reconnues comme
légitimes dans ses propres écrits est l’occasion de montrer son appartenance au groupe
d’experts.
Malgré tout, J.-P. Bootz et E. Schenk soulignent que la légitimité informelle est
difficile à appréhender pour une personne extérieure au groupe. On peut donc se demander
dans quelle mesure ce critère de reconnaissance de l’expertise est susceptible de dépasser les
frontières du groupe, à la différence des critères de reconnaissance de l’expertise précédents.
Ce qui relativise son importance pour bon nombre d’internautes.
Nous voyons donc que les mécanismes de reconnaissance sociale mêlent des procédés
existants avant l’essor du web 2.0 (reconnaissance par les pairs) et des méthodes issues de la
dimension participative du web (bonne interaction avec sa communauté de lecteurs) et de
l’essor de nouveaux agents facilitateurs (visibilité sur les moteurs de recherche). Les
nouveaux et les anciens mécanismes sont complémentaires.
Mais on peut se demander si l’internaute, qui cherche avant tout une ressource fiable,
ne tient pas également compte de la crédibilité et de la qualité d’information pour s’assurer
que l’auteur d’une ressource est bien un expert. Quel est le poids de ces deux notions à une
époque où nous glissons de plus en plus de l’autorité vers la popularité ?
44
C. Quel poids pour la crédibilité et la qualité de
l’information ?
La crédibilité est généralement définie comme la plausibilité d’une information
[Sikdar et al. 2013, p. 1]9
et permet d’instaurer la confiance. Pour évaluer la crédibilité d’un
contenu, un internaute fera appel à des critères à la fois objectifs (exactitude des informations,
objectivité, présence de renseignements sur l’auteur, etc.) et subjectifs (apparence sérieuse,
connaissance du site sur lequel se trouve l’information, réputation perçue de l’auteur, etc.)
Cette notion apparaît à première vue, avec la qualité de l’information, comme des
éléments essentiels dans un contexte d’infobésité et d’économie attentionnelle. En effet, un
internaute qui doute de la fiabilité d’un contenu s’arrêtera vite de le lire et aura une mauvaise
opinion sur son auteur. C’est pourquoi Julien Mielcarek, ancien rédacteur en chef adjoint au
Figaro, citait en 2013 la crédibilité et le sérieux comme les principaux atouts des médias dans
ce contexte de concurrence accrue sur la toile10
.
Cependant, Stéphane Hugon explique qu’à l’ère du web 2.0, la relation et la
connivence sociale priment sur le contenu [Jamet 2013, pp. 31-33]. Ecrire des contenus
d’expertise suppose donc de prendre en considération ces nouvelles pratiques qui peuvent
empiéter sur le fond et atténuer l’importance de la crédibilité.
De plus, nous avons remarqué précédemment que le web glisse de plus en plus de
l’autorité vers la popularité. Or, nous avons vu que l’autorité informationnelle englobe les
éléments auxquels un individu fait appel pour juger une source d’information fiable. Dont la
crédibilité et la qualité de l’information (autorité de contenu du document). C’est pourquoi,
sur le web, la crédibilité seule paraît mince pour asseoir aux yeux du plus grand nombre sa
qualité d’expert. Les internautes vont également prêter attention à la popularité (qui repose sur
la visibilité et la notoriété) de l’auteur. Ainsi, L. Bodin [2014, p. 119] constate que des propos
émis par une personne crédible mais peu connue auront un poids plus fort sur le jugement des
lecteurs mais seront lus par un public plus restreint.
On peut donc affirmer qu’à l’heure du web 2.0, la crédibilité et la qualité de
l’information restent des éléments importants mais dont le poids est mince dans la liste des
critères qui comptent dans la reconnaissance d’une qualité d’expert à un individu.
9
Citation originale : “Credibility is generally defined as believability of information”.
10
Table ronde « Sommes-nous tous des médias », la Pépinière 27, novembre 2013. Cité dans [Bodin 2014, p. 31].
Valoriser son expertise grace aux medias sociaux
Valoriser son expertise grace aux medias sociaux
Valoriser son expertise grace aux medias sociaux
Valoriser son expertise grace aux medias sociaux
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  • 1. Valoriser son expertise grâce aux médias sociaux Le cas des blogs d’agences web éditoriales Esther Wiest Mémoire de master 2 Web éditorial Sous la direction de Camille Alloing Maître de conférences en sciences de l’information-communication à l’IAE de l’Université de Poitiers Université de Poitiers UFR Sciences humaines et Arts Master Web éditorial Année universitaire 2014/2015
  • 2. 2 A qui s’adresse ce mémoire ? Ce mémoire étudie les stratégies éditoriales employées pour valoriser son expertise sur le web. Il fait le point sur les mécanismes de reconnaissance d’un expert à l’heure du web 2.0. Il explique les objectifs et les outils possibles pour mettre en place cette stratégie de contenu. Puis il analyse des exemples concrets à travers un benchmark de blogs d’expertise d’agences web éditoriales, exemples qui permettent de déduire des grandes tendances. De ce fait, ce mémoire s’adresse : - aux professionnels de la communication web qui souhaiteraient mieux comprendre les enjeux à l’œuvre sur le sujet et découvrir les stratégies actuelles sur la question ; - aux personnes qui réfléchissent au fait de mettre en valeur ou non leur expertise sur le web, qu’ils soient des chefs d’entreprise ou de simples particuliers. Ils trouveront ici une liste de bénéfices potentiels et des sources d’inspiration ; - et de manière secondaire aux chercheurs qui souhaiteraient avoir un état des lieux sur les mécanismes de reconnaissances de l’expertise.
  • 3. 3 Glossaire Agence web (ou agence interactive ou digitale) : agence de communication spécialisée dans la communication sur Internet. L’essentiel de ses missions ont trait à la création de sites web et aux phases de conseil et d’animation marketing qui peuvent y être liées [Bathelot 2011]. Audience : l’attention, l’intérêt accordé à quelqu’un ou quelque chose [Alloing 2011]. Autorité : « pour schématiser, l’autorité est la pertinence, la crédibilité dans un domaine particulier que confère un individu à une source web, et in fine le fait que cette source devienne une référence (elle fait autorité) dans le domaine qu’elle traite » selon C. Alloing [2011]. Il existe plusieurs types d’autorité : - l’autorité cognitive : une relation d’influence de pensée impliquant au minimum deux personnes, l’une accordant à l’autre sa confiance parce qu’elle maîtrise un domaine spécifique de compétences [Wilson 1983]. Selon Broudoux, l’autorité cognitive est pratiquement synonyme d’influence choisie [2007] ; - l’autorité informationnelle : autorité ayant pour fonction principale d’informer, dans le sens de « porter un événement à la connaissance d’une sphère sociale ou d’un individu » [Broudoux 2007] ; - l’autorité calculée : grandeur mesurable indexée sur une série de variables (nombre d'abonnés, taux de retweets et mentions, influence des abonnés, fréquence de publication, amplitude du graphe social etc.) [Domenget 2014]. Blog : sortes de sites internet thématiques et alimentés par de courts contenus appelés « posts ». L’ordre d’affichage de ces contenus est généralement antéchronologique [Bodin 2014]. E-réputation : selon L. Bodin, « l’e-réputation regroupe l’ensemble des expressions numériques d’une réputation. Elle concerne donc toutes les manifestations d’une évaluation sociale qui est faite de quelque chose ou de quelqu’un par ou via le numérique » [2014].
  • 4. 4 Expert : spécialiste expérimenté (doté d’un savoir spécialisé et d’une solide expérience pratique dans le domaine correspondant à cette spécialité), le plus souvent choisi et mandaté, pour fournir un diagnostic et un avis sur une situation problématique [Fritsch 2001]. Cette définition peut être complétée par le fait que sur le web, cette délégation repose sur l’autorité des moteurs de recherche et des plateformes web [Alloing et Haikel-Elsabeh 2012]. Expertise : compétence à analyser et résoudre des situations diverses et non triviales en s’appuyant sur une capacité à combiner et à mobiliser rapidement savoirs théoriques et empiriques [Bootz et Schenk 2014]. Identité numérique : somme des traces numériques se rapportant à un individu ou une collectivité. Il peut s’agit de textes, de contenus audio ou vidéo, d’identifiants de connexion, etc. [Ertzscheid 2011]. Ces traces peuvent être émises par l’individu ou la collectivité elle- même ou par des tiers. Image : façon dont est perçue une entreprise ou une marque. Elle se situe entre l’identité et la réputation. Influence : pour Massé, Marcon et Moinet Massé, exercer une influence c’est « obtenir d’autrui qu’il fasse librement quelque chose qu’il n’aurait pas fait spontanément sans votre intervention » [2006]. Légitimité : la légitimité « repose sur une autorité qui est fondée sur des bases juridiques ou sur des bases éthiques ou morales, et permet de recevoir le consentement des membres d'un groupe. » [Petit Robert]. Médias sociaux : « macro-concept » qui englobe les réseaux socionumériques et les plateformes de partage de contenu [Stenger et Coutant 2010]. Notoriété : fait pour un produit, une marque ou un service d'être connu quel que soit le jugement porté sur lui [Alloing 2011]. Popularité : la faveur du plus grand nombre auprès d’une personne [Alloing 2011].
  • 5. 5 Réputation : « une représentation sociale partagée, provisoire et localisée, associée à un nom et issue d'évaluations sociales plus ou moins puissantes et formalisées » [Chauvin 2013]. Réseaux socionumériques : dispositifs qui « fondent leur attractivité essentiellement sur l’opportunité de retrouver ses « amis » et d’interagir avec eux par le biais de profils, de listes de contacts et d’applications à travers une grande variété d’activités » [Stenger et Coutant 2011]. Visibilité : le fait de pouvoir être vu facilement [Alloing 2011]. Sur le web, cette notion passe principalement par le fait d’apparaître dans les cinq premiers résultats pour une requête donnée sur les moteurs de recherche [Poncier 2009].
  • 6. 6 Table des matières Glossaire..................................................................................................................................... 3 Introduction ................................................................................................................................ 9 Partie 1 : l’expertise avant et après le web 2.0......................................................................... 12 I. Qu’appelle-t-on l’expertise ?................................................................................................ 12 A. Des connaissances théoriques et une expérience empirique… ...................................... 13 B. … pour analyser et trouver une solution à une situation problématique........................ 14 II. Etre reconnu comme un expert : la dimension cognitive seule est insuffisante ................. 16 A. La dimension cognitive….............................................................................................. 16 B. … est fortement corrélée à une reconnaissance sociale.................................................. 17 III. Le passage au web 2.0 : quels changements pour ceux qui veulent être reconnu sur le web ? ............................................................................................................................ 18 A. Du web 1.0 au web 2.0................................................................................................... 18 B. Une ère d’infobésité........................................................................................................ 20 1. Une explosion du volume des données....................................................................... 21 2. Une explosion de la variété des données..................................................................... 22 3. Une concurrence accrue pour la visibilité et l’attention.............................................. 23 4. L’apparition de nouveaux moyens de sélection de l’information ............................... 25 C. Une ère où l’internaute participe à la création de la réputation d’une entreprise ........... 32 1. Un internaute devenu consom’acteur… ..................................................................... 32 2. … qui voit d’un mauvais œil la communication purement descendante..................... 35 IV. Etre reconnu comme un expert au temps du web 2.0 : de nouveaux critères d’évaluation de l’expertise ............................................................................................................................ 36 A. Etre capable de rendre visible ses contenus................................................................... 37 1. Etre visible : un moyen à part entière d’être reconnu comme un expert ? .................. 37
  • 7. 7 2. Se rendre visible sur le web : respecter les critères de filtrage des moteurs de recherche et des plateformes web..................................................................................... 38 B. Etre reconnu socialement................................................................................................ 39 1. Avoir de l’influence sociale........................................................................................ 39 2. Etre reconnu socialement, oui mais par qui ?.............................................................. 41 3. Quelle légitimité pour les experts sur le web ?............................................................ 42 4. Être reconnu par ses pairs............................................................................................ 42 C. Quel poids pour la crédibilité et la qualité de l’information ? ........................................ 44 Partie 2 : quelles stratégies pour valoriser son expertise grâce aux médias sociaux ?............. 46 I. Pourquoi démontrer son expertise sur le web ?.................................................................... 46 A. Améliorer son e-réputation............................................................................................. 46 1. Affirmer et rassurer sur ses compétences ................................................................... 47 2. Augmenter sa visibilité, sa notoriété, voire sa popularité grâce à la production de contenus ..................................................................................................................... 48 3. Attirer de nouvelles opportunités d’affaires ................................................................ 49 B. Développer le savoir ....................................................................................................... 49 C. Quel risque de fuite du savoir ? ...................................................................................... 50 II. Avec quels médias sociaux ? .............................................................................................. 51 A. Les médias sociaux ........................................................................................................ 51 1. Une variété d’outils…................................................................................................. 51 2. … dont le but est à la fois d’informer et de dialoguer................................................. 53 B. Les blogs ........................................................................................................................ 54 1. Définition et usages ..................................................................................................... 54 2. Avantages et inconvénients ......................................................................................... 56 3. Focus sur l’usage des microblogs................................................................................ 57 C. Les réseaux socionumériques et sites de réseautage....................................................... 58 D. Les autres médias sociaux : sites de partage de contenu, wikis et communautés en ligne. ........................................................................................................................ 59
  • 8. 8 III. Le cas des agences web éditoriales.................................................................................... 60 A. Problématique et hypothèses.......................................................................................... 60 B. Les agences web éditoriales : caractéristiques et enjeux de la valorisation de leur expertise via les médias sociaux........................................................................................... 62 1. Des professionnels du web ......................................................................................... 63 2. Des regroupements de professionnels ......................................................................... 64 C. Méthodologie de recherche : un benchmark des stratégies d’agences spécialisées en web éditorial ........................................................................................................................ 65 1. Méthode générale ........................................................................................................ 65 2. La sélection des agences spécialisées en web éditorial ............................................... 66 3. Définition des critères de la grille d’évaluation........................................................... 67 D. Classement des agences selon leur niveau de reconnaissance de l’expertise................. 72 E. Analyse des résultats....................................................................................................... 73 1. Etre visible et partagé ou transmettre au mieux son expertise ?.................................. 73 2. La crédibilité et la qualité de l’information restent d’actualité ................................... 82 3. S’adresser à ses pairs en priorité : une tendance générale mais un angle de traitement variable ..................................................................................................................... 85 Conclusion-discussion.............................................................................................................. 90 Annexe n°1 : liste des agences benchmarkées ....................................................................... 108 Annexe n°2 : critères de la grille du benchmark .................................................................... 109 Annexe n°3 : résultats du benchmark..................................................................................... 123 Annexe n°4 : grille de définition du niveau de reconnaissance des agences ......................... 123
  • 9. 9 Introduction Le nombre d’experts sur le web est actuellement en pleine explosion. De plus en plus de personnes avec un minimum d’expérience et de connaissances sur un sujet se posent en spécialistes capables de guider les autres internautes. Pourtant, l’expertise désigne un processus particulier qui n’est pas à la portée de tous. Elle fait appel à des savoirs théoriques et empiriques couplés à certaines capacités intellectuelles pour analyser et résoudre des situations problématiques [Bootz et Schenk 2014, p. 82]. La publication de contenus d’expertise sur la toile n’est pas récente. Dès le web 1.0, des personnes plus ou moins expertes ont partagés leurs savoirs et leur expérience. Mais alors seuls les internautes qui possédaient des compétences informatiques suffisamment poussées pouvaient publier en ligne. La donne est différente aujourd’hui. Depuis l’essor du web participatif, l’internaute n’est plus seulement un récepteur, mais devient aussi un émetteur de contenus. L’arrivée de nouvelles plateformes de publication intuitives et gratuites permet à n’importe quel internaute de publier une information facilement et rapidement. Or, en démultipliant le nombre d’auteurs, le web 2.0 a aussi bouleversé les mécanismes d’évaluation d’une information et les critères de reconnaissance de l’autorité d’une source. La visibilité et la popularité jouent désormais un rôle clé. Le fait d’être reconnu par l’ensemble de la communauté d’intérêt est donc devenu de plus en plus important pour évaluer le degré d’expertise. C’est pourquoi il est devenu plus facile d’apparaître comme un expert à travers le voile de l’écran. Il peut suffire d’avoir quelques connaissances, un peu d’expérience et surtout de savoir se rendre visible et populaire sur le web. Or, nous vivons une ère d’infobésité où la ressource rare n’est pas le contenu mais l’attention des internautes. Il faut les séduire pour qu’ils consultent notre contenu. Dans ce contexte, les experts doivent être capables de travailler leur visibilité et leur popularité pour avoir une chance de se démarquer des « faux » experts qui connaissent bien ces mécanismes. Ceci est d’autant plus important que la valorisation de l’expertise a de nombreux enjeux. C’est avant tout un moyen d’expliciter à un client potentiel les bénéfices que l’on peut lui apporter et d’instaurer la confiance en démontrant concrètement ses compétences. Mais au-delà des opportunités commerciales, c’est aussi l’occasion d’améliorer sa notoriété, son e- réputation et de fidéliser une communauté de lecteurs.
  • 10. 10 Très bien pourrait-on dire, mais ces évolutions du web datent déjà de plusieurs années. Quel est l’intérêt d’étudier ce phénomène aujourd’hui ? Il se trouve que les réseaux sociaux et les sites de réseautage ont enrichis ses dernières années leurs fonctionnalités de partage et de publication de contenus. Par exemple, Twitter permet nativement d’enregistrer et de publier des vidéos sur mobile depuis janvier 2015 [Ronfaut 2015]. Les sites de réseautage professionnels ne sont pas en reste. La preuve avec LinkedIn qui permet à ses membres de publier leurs propres contenus sur le site depuis février 2014 [Roslansky, 2014]. A l’heure où les internautes ont de plus de plus de possibilités de partager tous types de contenus, il devient important de miser sur cette tendance. Pour cela, encore faut-il réussir à être partagé. Cela passe par des contenus utiles pour les internautes ou attractifs par leur côté insolite ou ludique. Si un tel principe est facilement applicable dans certains secteurs d’activité, comment rendre les contenus d’expertise, a priori ennuyeux, dignes d’intérêt ? Les recommandations de bonne pratique que l’on trouve un peu partout sur des sites de communication web sont-ils aussi facilement applicables à ce sujet ? Il existe peu d’articles qui expliquent la bonne stratégie éditoriale à adopter sur le sujet de l’expertise. La plupart de la littérature se contente d’énoncer des principes généralistes qu’il faut ensuite doser selon sa thématique. Concernant l’expertise sur le web, la recherche s’est plutôt concentrée sur l’identification des experts et les processus qu’ils utilisent pour collaborer (C. Alloing). Or, il est dommage de ne pas étudier la stratégie éditoriale mise en place par ces personnes reconnues comme des experts. Après tout, c’est bien par leurs contenus que l’on peut trouver les experts sur le web. Nous allons donc étudier dans ce mémoire les stratégies éditoriales de la valorisation de l’expertise. Sur quels ressorts peut-on miser ? Ces leviers changent-ils si l’émetteur de l’information est déjà plus ou moins reconnu comme un expert, et s’est donc déjà démarqué des « faux » experts ? Pour cela, nous réaliserons un benchmark des stratégies de contenus des blogs d’expertise d’agences spécialisées en web éditoriales. La cible des professionnels du web est en effet particulièrement intéressante pour ce sujet. Démontrer son expertise est un enjeu essentiel pour ces professions qui évoluent à grande vitesse et qui sont souvent méconnues du grand public. Pour cela, le blog un outil idéal car il est tourné vers la production et le partage de connaissances. De plus, c’est l’un des rares médias sociaux à proposer des textes conséquents. Ce qui permet de mieux saisir la stratégie éditoriale mise en œuvre.
  • 11. 11 Pour réaliser ce travail d’exploration, il faut tout d’abord revenir sur la notion d’expertise et les mécanismes mis en œuvre pour être reconnu comme un expert. L’objectif est de comprendre les évolutions de ces procédés suite au passage au web 2.0. Dans une seconde partie, nous étudierons les différentes stratégies employées pour valoriser son expertise sur le web grâce aux médias sociaux, et ainsi ressortir comme un expert aux yeux des internautes. Cela passera notamment par le benchmark des stratégies de contenus des blogs d’expertise d’agences web éditoriales.
  • 12. 12 Partie 1 : l’expertise avant et après le web 2.0 La notion d’expertise est plus complexe qu’elle ne le paraît à première vue. D’où l’intérêt de comprendre ce que recouvre cette notion avant de s’intéresser aux différentes stratégies pour la valoriser. Souvent confondu avec la figure du spécialiste, l’expert met pourtant en œuvre un processus cognitif bien particulier. Au-delà, des compétences, être un expert demande aussi d’être reconnu comme tel. Or, ce mécanisme de reconnaissance a bien changé depuis le passage au numérique et l’arrivée du web 2.0. C’est pourquoi il est important de revenir sur les évolutions amenées par le web 2.0 dans les processus de publication et de reconnaissance sur le web avant de mettre en évidence leurs impacts sur la reconnaissance sociale de l’expert. I. Qu’appelle-t-on l’expertise ? L’expertise est un mécanisme bien particulier, différent de ceux qu’emploient le spécialiste ou le chercheur. J.-P. Bootz et E. Schenk [2014, p. 82] définissent le processus cognitif de l’expertise comme « la compétence à analyser et résoudre des situations diverses et non triviales en s’appuyant sur une capacité à combiner et à mobiliser rapidement savoirs théoriques et empiriques ». L’expertise allie donc à la fois : - des capacités intellectuelles ; - des connaissances ; - une expérience ; - et une conjoncture particulière. Mais que recouvrent exactement ces éléments ? C’est ce que nous allons préciser dans cette première partie.
  • 13. 13 A. Des connaissances théoriques et une expérience empirique… Le terme d’expert est régulièrement utilisé pour qualifier une personne qui possède un niveau élevé de connaissance dans un domaine donné [ibid., p. 80]. Les frontières de ce domaine peuvent être plus ou moins larges. Corinne Delmas distingue : - l’expert spécialiste, qui détient un savoir technique précis ; - et l’expert généraliste, qui est capable de dépasser les frontières de sa spécialité et possède ainsi une vision plus globale [Delmas 2011, pp.9-10]. De plus, ce niveau élevé de connaissances ne concerne pas uniquement des savoirs théoriques et généraux, comme l’indique la définition de J.-P. Bootz et E. Schenk. Une bonne partie est pratique et empirique, c’est-à-dire issue des expériences passées et présentes de l’expert. Preuve à l’appui, le mot « expertise » tire son origine du latin expertus, qui signifie « éprouvé, qui a fait ses preuves » [Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales 2012]. Cette nécessaire expérience se traduit concrètement par de longues années de pratique. Au moins une dizaine d’après la majorité des chercheurs en psychologie [Chevalier 2013, p. 41]. De même, la variété des situations expérimentées compte afin d’acquérir une vision globale des problèmes [Bootz et Schenk 2014, p. 91]. Ces deux éléments permettent d’acquérir des automatismes, une sorte de raisonnement intuitif [ibid., p. 82], qui joue un rôle important dans la mise en œuvre de l’expertise. C’est bien parce que l’expert a déjà affronté des cas plus ou moins proches qu’il est capable de résoudre plus rapidement les problèmes auxquels il est confronté. Même dans le cas de situations inconnues, ses automatismes l’aident à repérer rapidement les points clés de la situation et à isoler plus facilement le point problématique [Chevalier 2013, p. 40]. Il est important de garder en tête qu’à la différence de la figure du sage, cette intuition marche de concert avec un raisonnement fondé scientifiquement, qui tire sa source des connaissances théoriques de l’expert. C’est donc bien l’interaction des deux types de connaissances, théoriques et empiriques, qui constitue la base de l’expertise [Bootz et Schenk op. cit., p. 91]. Nous avons donc compris que les connaissances et l’expérience préalables sont des éléments constitutifs de l’expertise, nécessaires à sa mise en œuvre. Mais à quoi correspond le processus-même de l’expertise ? Dans quel cadre ces savoirs sont-ils mobilisés ?
  • 14. 14 B. … pour analyser et trouver une solution à une situation problématique Repartons de la définition de l’expertise de J.-P. Bootz et E. Schenk pour comprendre ce que recouvre la tâche-même de l’expertise. Les auteurs la décrivent par la phrase « analyser et résoudre des situations diverses et non triviales ». Deux éléments importants ressortent de cette définition. Tout d’abord l’expert intervient dans le cadre de problèmes complexes et non routiniers. Ces difficultés ne peuvent pas être résolues par un professionnel « normal » et nécessitent l’appel à une personne considérée comme plus « apte » à le faire. De plus, le contexte de chaque problème peut être très différent. Cela suppose donc une capacité de l’expert à s’adapter, à recontextualiser ses connaissances en fonction de la situation en question, voire à être en mesure d’aborder des situations inconnues [ibid., p. 92]. C’est d’ailleurs là que se situe l’une des principales différences entre l’expert et le spécialiste, deux figures qui sont souvent mélangées. L’expert est capable d’agir dans des contextes très divers et sans cesse renouvelés, et non pas uniquement dans un domaine circonscrit et maîtrisé sur le plan technique comme le spécialiste. En effet, le spécialiste couvre essentiellement des « situations simples », selon les mots de L. Dibiaggio [1999], pour lesquelles la représentation du problème est connue. Il peut alors potentiellement sélectionner la solution parmi un répertoire de réponses pré-établies. Le spécialiste mobilise donc avant tout des savoir-faire procéduraux. Au contraire, l’expert met en œuvre comme nous l’avons vu un raisonnement intuitif qui lui permet d’évaluer une situation variable très rapidement à l’aide de quelques indicateurs pertinents choisis avec soin [Bootz et Schenk op. cit., pp. 81- 82]. Second concept à retenir de la définition, l’expertise suppose d’observer et d’analyser le problème, puis de donner un avis éclairé et argumenté sur la situation. L’objectif est avant tout d'aider le commanditaire à prendre la meilleure décision. L’expert est aussi souvent amené à proposer des solutions pour résoudre la situation. On voit donc que l’expert répond avant tout à une demande et à laquelle il apporte un capital de savoirs qu’il a constitué au fil du temps. Il ne produit pas forcément de connaissances nouvelles, à la différence de la figure du chercheur qui vise à alimenter la communauté scientifique de nouveaux savoirs [Delmas 2011, p. 11].
  • 15. 15 Cette définition classique de l’expertise s’applique très bien dans le cadre du travail d’un expert. Mais que dire dans le cas d’un partage de l’expertise ? Cette transmission ne saurait se résumer uniquement à l’analyse et la résolution de situations problématiques, ce qui serait relativement limité. Pour nous aider à définir ce qui se cache derrière le partage de l’expertise, nous pouvons nous aider de la liste des formes d’expertise que donne T. Parisot dans son livre Réussir son blog professionnel : image, communication et influence à la portée de tous [2009, p. 40]. L’auteur liste : - l’analyse ; - le conseil, c’est-à-dire transmettre ce que l’on a appris de son métier ; - le retour d’expérience, qui consiste à partager un cas d’école ; - l’interview, exercice de style qui fait apparaître la capacité de l’auteur à diriger un entretien et à en obtenir des informations intéressantes ; - la diffusion de livrables, tels qu’une analyse statistique, un mémoire ou un livre blanc, etc. On voit donc que l’expertise se résume plus ici à proposer un regard éclairé sur une situation ou à apporter des conseils ou informations utiles dans l’exercice d’un métier. L’idée d’un contexte problématique apparaît seulement en filigrane. Nous retiendrons donc dans le cadre de ce mémoire cette conception élargie de l’expertise. Seront considérés comme contenus d’expertise tous les contenus qui offrent une analyse ou proposent conseils et informations utiles pour pratiquer un domaine donné, sur la base des connaissances théoriques et de l’expérience personnelle de leur auteur. Cette définition exclut donc les blogs ou les comptes sur les réseaux sociaux qui se contentent d’agréger des contenus existants sans apporter un retraitement (mise en avant de points clés, analyse critique, création de connaissances à partir des contenus existants, etc.) Si l’on s’en tient à cette définition de l’expertise, n’importe quel individu peut être amené au cours de sa vie à mettre en œuvre un tel processus. Il ne possède pas pour autant le statut d’expert. C’est pourquoi il faut se demander quels éléments caractérisent la figure de l’expert, au-delà de la pratique de la mécanique de l’expertise.
  • 16. 16 II. Etre reconnu comme un expert : la dimension cognitive seule est insuffisante Le terme « expert » recouvre aujourd’hui différents sens. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéresserons uniquement au cas où ce terme est employé pour qualifier une personne avec un niveau élevé de compétence dans un domaine donné. Nous laisserons donc de côté l’expert sollicité dans le cadre d’une prise de décision politique ou celui qui appartient à un groupement professionnel réglementé comme les experts-comptables. Nous avons vu que l’expert est une personne capable de mettre en œuvre le processus cognitif de l’expertise. Mais pour revendiquer un réel statut d’expert, il doit également présenter à la fois des caractéristiques cognitives et sociales. A.La dimension cognitive… La dimension cognitive de l'expertise, décrite dans la partie précédente de ce mémoire, est bien sûr le critère cognitif de base pour pouvoir être reconnu comme un expert. Il faut être capable de réaliser une tâche d'expertise pour pouvoir revendiquer un statut d'expert. Au-delà, l'étude réalisée par J.-P. Bootz et E. Schenk [2014, pp. 91-92] a mis en évidence une série d’autres traits cognitifs utilisés pour caractériser un expert par les employés d'une entreprise spécialisée dans la conception, fabrication et commercialisation d'équipements mécaniques. Les salariés ont insisté sur les capacités d’apprentissage de l’expert. L’un des employés souligne par exemple que « l’expert est en continuel apprentissage. Il n’est pas figé et se construit au fil du temps ». Cet aspect implique deux autres caractéristiques. D’un côté, l’expert doit être curieux et à l’affût des innovations dans son secteur. De l’autre, il doit savoir chercher et trouver des informations pour se documenter lorsqu’il ne maîtrise pas le sujet. Dans la continuité, l’ouverture d’esprit est vu comme un élément important. « Je ne vois pas l’expert comme quelqu’un qui a une vision étroite mais quelqu’un qui a une ouverture d’esprit. Il comprend les enjeux de l’entreprise et a une culture générale importante » explique un employé.
  • 17. 17 Enfin, l’expertise ne se résume pas uniquement à l’analyse et au conseil. D’après l’étude, les aptitudes pédagogiques et la faculté de transmission des connaissances sont constitutives de la figure de l’expert. Preuve que la valorisation et le partage de son expertise est un élément essentiel dans la construction de son statut d’expert. En résumé, on attend de l’expert certains traits intellectuels et de personnalité qui vont au-delà de sa simple capacité à réaliser une expertise. Posséder ces caractéristiques pourrait donc aider à être reconnu comme un expert par les autres. B.… est fortement corrélée à une reconnaissance sociale Si la dimension cognitive est essentielle pour être reconnu comme un expert, elle n’est pas la seule. En effet, pour mettre en pratique ses compétences cognitives, l’expert doit répondre à une demande d’expertise. Pour cela, il doit être « le plus souvent choisi et mandaté, pour fournir un diagnostic et un avis sur une situation problématique », selon la définition de l’expertise de Philippe Fritsch [2001, p. 325]. Le statut d’expert ne s’autoproclame donc pas. L’expert doit être sollicité et par là-même bénéficier d’une délégation de la part de l’entité qui souhaite bénéficier de l’expertise. Or, J.-P. Bootz et E. Schenk [ibid., p. 83] expliquent que cette sollicitation suppose d’être reconnu a priori comme un expert. Cette notion implique deux comportements. Tout d’abord, l’expert doit prendre en compte ce besoin de reconnaissance sociale dans sa pratique. Cela se traduit selon Corinne Delmas [2011, p. 10] sur de multiples plans : « modification de l’horizon temporel, souci de faire « œuvre utile », accomplissement de « performances normatives », prise en compte des conditions d’« acceptabilité sociale », […] sélection de propositions d’application immédiate, souci de convaincre le public par un large recours aux médias ». De son côté, le mandataire potentiel va fonder en grande partie cette reconnaissance sur la légitimité et la confiance que lui inspire l’expert. Traditionnellement, il va regarder si l’expert détient un titre ou un label, a réalisé nombre de publications, possède une bonne réputation, etc. Or sur le web, et d’autant plus le web 2.0, les mécanismes de reconnaissance sociale sont profondément différents. C’est pourquoi il est important d’étudier les changements qu’a impliqué le passage au web 2.0 pour tous ceux qui souhaitent être reconnus sur la toile.
  • 18. 18 III. Le passage au web 2.0 : quels changements pour ceux qui veulent être reconnu sur le web ? Nous surfons et communiquons aujourd’hui à l’ère du « web 2.0 ». Cette expression, conceptualisée par T. O’Reilly dans l’article What Is Web 2.0 [O’Reilly 2005], marque l’idée d’un changement des caractéristiques essentielles du web. Et par là même une évolution des pratiques de publication et reconnaissance sur le web. C’est pourquoi nous allons revenir sur les traits de cette mutation du web puis exposer leurs impacts sur la manière dont on communique sur la toile. A.Du web 1.0 au web 2.0 Le web 1.0, habituellement situé entre les années 1990 et le début des années 2000, concerne la première génération des sites web. C’était avant tout un web de consultation. Publier sur le web nécessitait des compétences solides dans les langages de programmation web. Le nombre d’internautes avec les compétences informatiques nécessaires pour publier des contenus en ligne était donc relativement restreint. La majorité des internautes se contentait de consulter les informations sur le web, un peu comme ils consulteraient un livre dans une bibliothèque [Wise 2013, p. 8]. Les choses changent avec l’arrivée de nouvelles plateformes de publication intuitives et gratuites (blogs, CMS1 , wikis, réseaux sociaux, etc.) qui permettent à tout un chacun de créer, publier en ligne et partager facilement du contenu (écrits, photos, vidéos, etc.) La frontière entre l’auteur et le lecteur se réduit : l’internaute est à la fois un créateur potentiel et un consommateur. Au-delà, ces nouveaux outils permettent aussi de commenter, redocumentariser ou de participer en groupe à l’élaboration d’un contenu. Le web 2.0 mise sur l’intelligence collective. Chaque internaute peut apporter sa touche à l’édifice. Wikipédia en est un parfait exemple. Tout lecteur a la possibilité de créer du contenu, d’engager la discussion avec 1 Abréviation de Content Management System, ou Gestionnaire de Contenu en français. Un CMS est un logiciel qui permet de concevoir et de gérer un site Internet sans qu’il soit nécessaire de connaitre un langage informatique, pas même le html.
  • 19. 19 d’autres contributeurs, de corriger les erreurs des autres, d’ajouter des informations manquantes ou des liens connexes. Au final, on passe d’un lieu de stockage d’informations à un lieu d’échange. Le web est devenu participatif. Les schémas classiques de la communication médiatique sont bouleversés : le web a évolué du « one to many » (une personne communique à plusieurs) au « many to many » (plusieurs personnes communiquent à plusieurs autres) [Fayon 2010, pp. 4- 7]. Toutefois, il convient de prendre ce concept de web participatif avec quelques précautions. Tout d’abord, seule une poignée d’internautes s’engagent réellement sur le web d’après la loi des médias participatifs. Selon cette loi, 1% des internautes publient du contenu, 10% participent (commentaire, like, etc.) et 89% se contentent de consommer les informations. Les internautes ne s’expriment donc pas autant sur le web que les discours de certains promoteurs du web 2.0 ne le laisseraient supposer. De plus, la facilité de publication et l’intelligence collective ne servent pas uniquement des logiques humanistes. Le web regorge d’exemples de sociétés qui utilisent le travail des internautes pour leur propre profit. Amazon, en permettant aux acheteurs de laisser des avis sur les produits, se sert de l’expérience de ces visiteurs pour créer de la valeur ajoutée sur son site. Les avis, souvent positifs, vont également aider à convaincre l’internaute d’acheter l’article en question. Bouquillon et Matthews [2010, p. 42] expliquent que les contenus des utilisateurs peuvent servir de « produits d’appel » : « Les sites du Web collaboratif sont donc extrêmement bien placés pour collecter de la publicité, adresser des propositions commerciales, produire et vendre des informations marketing. À cette fin, ils ont besoin des contenus autoproduits, bien que ceux-ci ne jouent qu’un rôle indirect dans la valorisation de ces sites. Ils ne tirent en effet que fort peu de revenus, voire aucun, de la vente directe de contenus aux consommateurs finaux. Ces contenus sont destinés à attirer une masse d’internautes et ainsi maximiser le trafic et donc les recettes publicitaires ; à dévoiler les goûts et pratiques de consommation des internautes dans le domaine culturel et à partir d’extrapolations dans d’autres domaines, ce qui facilite le ciblage des publicités et des offres commerciales et la production d’informations marketing. ».
  • 20. 20 Nous sommes bien loin de l’utopie d’une communication universelle qui permettrait aux individus de collaborer pour le bien de la société. La notion de web 2.0 comporte également d’autres aspects dans la définition qu’en fait T. O’Reilly [2005]. On pense au passage du logiciel au service (service accessible depuis n’importe quel lieu et n’importe quel appareil), à l’enrichissement de l’interface utilisateur ou à l’essor de la course à la collecte et à l’exploitation des données. Ces autres dimensions ne seront pas détaillées ici car elles ne touchent que loin les processus de publication et de reconnaissance sur le web. On voit donc que le web 2.0 a démultiplié le nombre d’« auteurs » potentiels de contenus sur le web et les possibilités de mise en relation des internautes. Il est temps à présent d’étudier les conséquences de cette mutation sur la manière dont on produit et consomme des informations sur la toile. Changement qui impacte par là-même les mécanismes d’évaluation d’un auteur. B.Une ère d’infobésité Le terme d’information overload, qui peut être traduit en français par « surcharge informationnelle » ou « infobésité », a été popularisé en 1970 sous la plume du futurologue A. Toffler. A l’origine, cette notion théorise la difficulté de compréhension ou de prise de décision d’une personne confrontée à une trop grande masse de données. D’une manière générale, l’infobésité désigne la surabondance d’informations générée par la multitude d’informations qui nous parviennent en permanence (médias, réseaux sociaux, objets connectés, etc.) [Chambard 2014] A. McAffee et E. Brynjolfsson [2012], chercheurs à l’Institut de Technologie du Massachussetts, ont décelé trois grands mouvements dans l’évolution des données ces dernières années : - leur volume explose ; - la rapidité de création des données est devenu un facteur important ; - leur variété de formats a atteint un nombre inégalé jusque-là et continue de grandir. Ces tendances expliquent le poids de plus en plus significatif de l’infobésité sur le web aujourd’hui. Phénomène qui a entraîné une mutation de la manière dont les internautes
  • 21. 21 accordent leur attention à un contenu et du processus d’évaluation de l’information. C’est pourquoi nous allons revenir sur ces facteurs. 1. Une explosion du volume des données En offrant la possibilité à n’importe quel internaute de s’exprimer facilement, le web 2.0 a décuplé la quantité d’information produite sur la toile. L’ancien PDG de Google E. Schmidt estimait en 2010 que nous pondons 5 exaoctets d’informations (soit 1018 octets) tous les deux jours [Siméon 2012]. Rien de moins que l’équivalent de ce qui a été produit entre le début de la culture humaine et 2003 ! Le volume de données produites est devenu aujourd’hui colossal. D’après l’infographie publiée en 2014 par l’entreprise spécialisée en business intelligence Domo [James 2014], chaque minute : - 4 millions de requêtes de recherche sont envoyées à Google ; - 2 460 000 contenus sont partagés sur Facebook ; - 216 000 nouvelles photos sont postées sur Instagram ; - 72h de vidéos sont déposées sur YouTube. Ces chiffres donnent une idée de l’ampleur du volume de données présentes sur le web aujourd’hui. D’où l’apparition de l’infobésité. A chaque recherche, l’internaute se retrouve face à un grand nombre de résultats possibles parmi lesquels il va devoir choisir. Or, plus le nombre de réponses est grand, plus le traitement cognitif que doit effectuer l’internaute est lourd. Il met donc plus de temps à trouver la réponse qu’il cherche. Ce phénomène est amplifié par le fait que toutes ces données ne sont pas des productions originales. Beaucoup sont des citations ou des reprises de contenus tiers [Ertzscheid 2011]. Ils amènent un bruit informationnel qui va multiplier l’offre de choix de l’internaute alors que l’information reste la même. L’explosion du volume de données produites est aussi renforcée par l’essor du web en temps réel. Jack Dorsey, le cofondateur de Twitter, avait défini en 2009 le web en temps réel comme « la synthèse de l’immédiateté, de la transparence et de l’accessibilité » [Bodin 2014, p. 69]. Une information peut désormais être transmise instantanément (immédiateté). De là, les émetteurs d’information peuvent consacrer de moins en moins de temps aux retouches
  • 22. 22 s’ils veulent être les premiers à publier l’actualité (transparence). Enfin, si la transmission de l’information est immédiate, l’accès à celle-ci l’est aussi (accessibilité). On voit donc que le web en temps réel a amené un nouveau rapport au temps. Dans l’optique d’être le premier à transmettre une information chaude à sa communauté de lecteur, certaines sources ont adopté la stratégie de publier l’information essentielle immédiatement, puis de mettre en ligne un contenu plus détaillé une fois le temps pris pour creuser le sujet. Ce phénomène amplifie alors l’infobésité. En conclusion, nous sommes dans une époque où la production de contenus est devenue gigantesque. L’internaute se retrouve ainsi noyé sous une masse d’informations parmi lesquelles il doit identifier celles qui sont pertinentes par rapport à son besoin. Toutefois, l’explosion du volume de données n’a pas amené que des aspects négatifs. Elle a permis l’essor de nouveaux formats de communication. 2. Une explosion de la variété des données De nouveaux outils de publication et de communication sont apparus depuis cette dernière décennie : blogs, médias sociaux, plateformes de partage d’images et de vidéos, etc. Ces plateformes ont contribué à l’essor de nouveaux formats de publication : tweet de 140 caractères, infographies, datavisualisation, etc. Plus encore, L. Bodin [ibid., p. 19] fait apparaître qu’aujourd’hui tout devient information : les échanges sur les réseaux sociaux, les données issues de la géolocalisation et des objets connectés, etc. Par ailleurs, L. Bodin souligne que le numérique a fait converger des formats qui étaient auparavant bien séparés suivant le support auxquels ils étaient destinés. Par exemple, une page de blog peut proposer à la fois du texte, de l’image, de la vidéo et du son. On assiste donc à la fois à une multiplication des formats de publication et à un entremêlement de ces derniers. Un producteur d’information sur le web peut donc jouer sur de multiples combinaisons de formats pour attirer l’attention de l’internaute. Attention qui est devenue dans ce contexte d’infobésité un enjeu essentiel pour tout émetteur de contenus sur le web.
  • 23. 23 3. Une concurrence accrue pour la visibilité et l’attention a. L’essor du zapping et du media snacking L’abondance informationnelle a renversé le schéma traditionnel de l’attention : l’information est devenue abondante et c’est son corolaire, l’attention, qui est devenu rare. C’est ce que met en évidence H. Simon [1969] avec le concept d’« économie de l’attention » : « Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce qui est consommé par l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté d'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources informations qui peuvent la consommer » 2 Dans le contexte actuel d’infobésité, c’est donc l’attention de l’internaute qui est difficile à capter. Non seulement ce dernier a le choix parmi un grand nombre de contenus, mais c’est lui qui choisit dorénavant le lieu et le moment de sa consommation d’informations (sur le web, les contenus sont tout le temps accessibles). Par conséquent, l’internaute devient de plus en plus exigeant. Y. Citton note toutefois que l’attention a été dure à canaliser de tout temps. La « différence tient à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance » [Arc 2014]. En corrélation avec ces évolutions, on observe que sur le web, les lecteurs scannent une page au lieu de la lire de manière linéaire. Une étude du groupe Nielsen [2013] a mis en évidence que sur un site web traditionnel : - 81% des internautes regardent le premier paragraphe ; - 71% le second ; - 63% le troisième ; - et seulement 32% le quatrième. 2 Citation originale : “Now when we speak of an information-rich world, we may expect, analogically, that the wealth of information means a dearth of something else – a scarity of whatever it is what information consumes. What information consumes is rather obvious: it consumes the attention of its recipients. Hence a wealth of information creates a poverty of attention, and a need to allocate that attention efficiently among the overabundance of information sources that might consume it.”
  • 24. 24 Cette étude conforte l’idée que l’internaute n’hésite désormais plus à zapper les pages qui ne leur conviennent pas. S’il n’est pas convaincu par les premières lignes, il va voir ailleurs. La rareté de l’attention a également entraîné l’essor du media snacking. Ce dernier peut-être défini comme « le fait de regarder des contenus d’actualité plus fréquemment, pendant de courts et intenses moments d’attentions » [Lawlor 2013]3 . L’internaute picore plus qu’il ne lit, il survole plus qu’il n’analyse. C’est pourquoi dans ce contexte de concurrence accrue, il est devenu important pour les producteurs de contenu d’être attractif, afin d’attirer et de capter le peu d’attention que l’internaute est prêt à lui accorder. b. Aujourd’hui, informer ne suffit plus L’infobésité, le zapping et le media snacking ont amené des changements dans la pratique de l’écriture sur le web. Dans le contexte du media snacking, l’information doit être facile et rapide à digérer pour l’internaute. Les phrases doivent être concises, les textes courts et rédigés sur le modèle de la pyramide inversée. Surtout, un contenu ne peut plus se contenter d’informer. L’attention se base sur l’intérêt et la création du désir ou du besoin. Pour se démarquer de la concurrence abondante, l’information doit être attractive. Dans le cadre d’une lecture non linéaire, cela passe essentiellement par des titres et des chapeaux incitatifs. De même, les images et le multimédia, a priori moins ennuyeux pour l’internaute, sont très appréciés. On peut d’ailleurs noter que ce côté incitatif est aussi important pour des contenus généralement « sérieux », comme l’expertise. Cette course à l’attractivité entraîne nombre de critiques. B. Frost estime qu’elle a conduit à un affaiblissement de la qualité de l’information [Coëffe 2013]. Il souligne que les auteurs abusent parfois d’expressions particulières pour rendre un article plus attractif qu’intéressant. A l’exemple des formules incitatives utilisés régulièrement sur les réseaux sociaux du type « 5 astuces pour… » ou « 10 raisons pour lesquelles… » [Chantrel 2015]. De même, J.-C. Domenget [2012, pp.228-229] souligne le problème de la vérification des informations que les internautes rediffusent sur la toile. A l’époque du web en temps réel, l’important semble être d’informer son public plus rapidement que la concurrence, même si 3 Citation originale : “checking news content far more frequently, for short, sharp bursts of attention”.
  • 25. 25 cela se fait aux dépends de la fiabilité de l’information. Ceci est d’autant plus problématique que sur le web 2.0, n’importe qui peut être la source d’un contenu. Or, tout le monde n’a pas forcément appris à évaluer l’exactitude d’une information. En résumé, il semble qu’une information doit être avant tout une force d’attraction et le point de départ d’une chaîne de partage, même si cela peut se faire au détriment de la qualité de celle-ci. En effet, obtenir des recommandations de la part des internautes est devenu important suite à l’évolution des systèmes de filtrage de l’information sur le web. C’est pourquoi nous allons revenir dans la partie suivante sur les évolutions des critères utilisés par les moteurs de recherche et les plateformes pour classer cette masse de données. 4. L’apparition de nouveaux moyens de sélection de l’information Wilson [1983] explique dans son livre Second-hand Knowledge : an Inquiry into Cognitive Authority que les hommes peuvent augmenter leurs connaissances de deux manières : grâce à leur propre expérience ou grâce à ce qu’ils apprennent d’autrui. La construction du savoir d’un individu dépend donc en grande partie de ses interactions avec d’autres personnes plus expérimentées qu’elle sur le sujet. Se pose alors la question de savoir quelles sources de connaissances sont dignes de confiance, et ce d’autant plus à une époque où n’importe qui peut publier sur le web. Pour trouver les ressources fiables qu’il recherche, l’internaute va en partie s’appuyer sur ce qu’E. Broudoux appelle l’autorité informationnelle. Or, le passage au web 2.0 a fortement changé les modalités d’évaluation de cette autorité et a bouleversé la hiérarchie traditionnelle des émetteurs d’information. a. L’affaiblissement des filtres traditionnels de l’internaute i. Un critère de sélection de l’information : l’autorité informationnelle E. Broudoux [2007, p. 5] définit l’autorité informationnelle de la manière suivante : Nous nous proposons ici de définir l’autorité informationnelle en nous servant du terme « informer », synonyme de « renseigner sur », c’est-à-dire porter un événement à la connaissance d’une sphère sociale ou d’un individu.
  • 26. 26 Nous présupposons que l’autorité informationnelle est le résultat d’un jeu de forces entre ses composantes. Contrairement à l’autorité cognitive, l’autorité informationnelle, susceptible d’être portée par un individu ou un groupe, un objet ou un outil cognitif ou encore un média, n’a pas pour fonction principale l’influence mais celle d’in-former (donner une forme). Tout comme le concept d’autorité cognitive de Wilson, l’autorité informationnelle se penche sur la question des éléments auxquels un individu fait appel pour juger une source d’information fiable et digne de confiance, et in fine la considérer comme une référence (elle fait autorité). Mais à la différence de l’autorité cognitive qui se traduit par une influence sur la connaissance d’autrui, l’autorité informationnelle vise simplement à répondre à des besoins informationnels. Ces besoins informationnels peuvent être de deux types selon Y.-F. Le Coadic [2004], catégories qui fonctionnent également dans le cadre d’une recherche de contenus d’expertise : - en vue de la connaissance, qui correspond à un besoin dérivé du désir de savoir ; - en vue de l’action. L’information peut aider à réaliser une action ou à l’accomplir de manière efficace. Enfin, E. Broudoux ajoute à cette dimension l’idée de la mise en forme des informations, aspect nécessaire à la transmission de données et qui n’était pas présente dans les concepts d’autorité précédemment définis. Cette autorité informationnelle est constituée de différentes dimensions : - l’autorité énonciative, qui rassemble tous les individus qui ont participé à la création du contenu (auteur, commentateur, interprète, etc.) L’auteur en est la figure la plus importante ; - l’autorité institutionnelle ou groupe régulé par des règles hiérarchiques qui séparent strictement la fonction au sein du groupe et la personne qui l’occupe. On peut citer le cas de l’éditeur ou du distributeur ; - l’autorité du contenu du document : son genre (littéraire, graphique, musical), sa qualité, ses sources (auteur unique ou compilation), son paratexte ; - l’autorité du support de publication : son type, sa fréquence de publication (unique, hebdomadaire, etc.), etc. Or, E. Broudoux explique que le poids respectif de ces différentes dimensions a fortement évolué depuis le passage au numérique, et encore plus depuis l’arrivée du web 2.0.
  • 27. 27 ii. Du pré-numérique au web 2.0 : l’affaiblissement de l’autorité institutionnelle Avant le développement du web, l’autorité institutionnelle avait un poids important car elle exerçait une autorité de support sur les autorités énonciatives. En effet, l’auteur était contraint de s’adapter au support géré par l’autorité institutionnelle (ex. : l’éditeur), et donc au genre induit par ce support. Rapports entre les différentes composantes de l’autorité informationnelle dans un contexte pré-numérique Si on compare cette situation à celle de l’époque du web 2.0, on voit que la place de l’autorité énonciative a été bouleversée. Tout d’abord, la figure de l’auteur s’est élargie. Par exemple, l’émetteur peut aussi bien être un collectif qu’une personne individuelle. Ensuite, l’auteur peut à présent s’auto-publier. Cela implique plusieurs conséquences pour l’autorité énonciative : - elle peut s’approprier l’autorité de support, par exemple en réalisant elle-même son propre site ; - elle est moins dépendante de l’autorité institutionnelle puisqu’elle se passe parfois d’éditeur ; - elle se réfère davantage à ses pairs et à l’autorité du groupe dans lequel il évolue. Par groupe, E. Broudoux [op. cit., p. 7] entend « un groupe informel rassemblé par un réseau sociotechnique pouvant se transformer en groupe institué » (ex. : blogosphère, groupes de discussion, etc.)
  • 28. 28 Rapports entre les différentes composantes de l’autorité informationnelle dans un contexte web 2.0 On voit donc que l’autorité institutionnelle, qui était traditionnellement garante de la qualité de l’information, est actuellement en perte de vitesse au profit de nouveaux acteurs. A cause des nouveaux outils qui permettent à tous de publier facilement et rapidement leurs opinions, le filtrage du contenu en amont est devenu beaucoup plus difficile. On passe d’un filtrage principalement a priori à un filtrage essentiellement a posteriori, une fois la publication effectuée. L’internaute ne peut donc plus compter sur une instance tierce pour vérifier la qualité du contenu. C’est à lui d’évaluer les informations qu’il trouve à chaque recherche, alors que ses repères habituels pour évaluer la qualité d’un contenu sont bouleversés par le passage du papier au numérique. Face à ce casse-tête et dans un contexte d’infobésité, de nouveaux systèmes de tri de l’information ont émergés pour simplifier la vie à l’internaute. b. L’essor de nouveaux filtres… Pour combler le vide laissé par l’affaiblissement des autorités institutionnelles dans le processus de l’évaluation de la qualité de l’information, de nouveaux intermédiaires sont apparus. Le premier et non des moindre est le moteur de recherche. C. Alloing et N. Moinet [2010, p. 38] expliquent que ce dernier peut être vu comme un agent facilitateur, c’est-à-dire un internaute ou un système qui opère une sorte de filtre informationnel sur un réseau ou pour une communauté d’intérêts. L’agent facilitateur a la capacité de collecter du contenu, le hiérarchiser, le mettre en forme, le redocumentariser pour l’adapter aux attentes de son
  • 29. 29 lectorat ou au contexte d’émission, puis de le diffuser [Alloing 2015, p. 17]. C’est exactement ce que fait un moteur de recherche puisqu’il aide à trouver une information pertinente parmi la masse des données numériques. Il collecte des pages web, les hiérarchise grâce à son algorithme et les redocumentarise parfois en fournissant un extrait de la page avec le(s) mot(s)-clé(s) recherché(s). Les moteurs de recherche sont principalement tournés vers l’évaluation de l’autorité du contenu. Ils analysent notamment le degré de pertinence de la page par rapport à la requête de l’internaute. Mais pas uniquement. Pour hiérarchiser les pages entre elles, ils ont accordé une importance de plus en plus grande à des critères de popularité, c’est-à-dire aux critères qui indiquent la faveur de l’auteur ou du contenu auprès du plus grand nombre de personnes4 (nombre de liens entrants, volume de citations, etc.) En effet, ils considèrent que plus on estime une source, plus on fait de liens vers elle ou plus on la cite. Cette popularité repose donc sur un minimum de visibilité5 et de notoriété6 préalables. Ce raisonnement peut être critiquable car faire un lien vers une ressource ne signifie pas forcément qu’on y adhère. Lorsqu’un auteur critique une source, il pointe vers elle pour permettre aux internautes de vérifier ses dires. Dans tous les cas, la nouvelle place de la popularité traduit bien le poids qu’a pris l’évaluation sociale dans l’analyse de la qualité de l’information avec le web 2.0. Toutefois, L. Merzeau signale que même si l’intelligence collective est prise en compte, son importance est relativisée par le fait que le graphe utilisé est identique pour toutes les pages. Il s’agit d’un algorithme défini par une autorité tierce qui encadre les modalités de l’évaluation. Les réseaux sociaux sont venus complexifier ce schéma de mise en ordre du web. L. Merzeau souligne dans son article Twitter : une machine à fabriquer l’autorité [2013, pp. 37- 38] qu’ils multiplient les filtres entre l’émission et la réception. Par exemple, sans recherche explicite, un message sur Twitter sera visible uniquement pour les abonnés à l’émetteur du message, ou à ceux qui suivent ces abonnés dans le cas où le message serait retweeté (exception faite de l’affichage des messages sur les lieux externes à Twitter-même). Or, chaque retweet dépend lui-même « d’une distribution complexe des degrés de légitimité, d’expertise et de notoriété des différents acteurs concernés ». Au-delà, un retweet est aussi l’occasion de redocumentariser le contenu pour son public cible. Les réseaux sociaux ont une 4 Définition de C. Alloing [2011]. 5 La visibilité est définie par C. Alloing [2011] comme le fait de pouvoir être vu facilement. 6 La notoriété correspond pour C. Alloing [2011] au fait pour un produit, une marche ou un service d’être connu quel que soit le jugement porté sur lui. Cette notion ne prend pas en compte l’opinion exprimée.
  • 30. 30 logique de stratification que n’ont pas les médiateurs « traditionnels » de l’information, qui sont davantage en position de surplomb. Plus encore, ces nouveaux systèmes donnent un poids important aux recommandations des internautes. Si la recommandation était autrefois essentiellement orale et limitée au cercle des proches, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le web participatif a augmenté leur nombre en démultipliant les possibilités de recommander une information : création d’un lien hypertexte, like, vote, partage, social bookmarking, etc. Les algorithmes se servent de plus en plus des recommandations des internautes pour afficher les contenus susceptibles de plaire le plus à leurs abonnés. Ainsi, Facebook met en avant les messages avec lesquels un grand nombre d’amis ont interagi. C’est ainsi que, « après avoir été pensée comme une cible, qui venait après une information déjà constituée, la personne est devenue une ressource, un agent de pertinence et un opérateur de liens entre les informations » [Merzeau 2009]. Toutefois si cette méthode de filtrage peut paraître à première vue plus juste, O. Ertzscheid remarque qu’il s’agit d’une recommandation consumériste, elle- même téléguidée par l’hégémonie de quelques acteurs puissants. Sur les réseaux sociaux où les individus se connaissent dans la vie réelle, la recommandation prend encore une autre dimension. En effet, le poids de cette dernière est plus fort lorsque l’on connaît la personne qui a recommandé un contenu. D’où l’apparition de critères de classement affinitaires. Par exemple sur Facebook, les statuts des amis avec lesquels un individu a beaucoup interagi ont plus de chances d’apparaître dans le fil d’actualités de cette personne. En résumé, il existe un double mouvement dans l’évolution des systèmes de classement de l’information : - ils proposent un filtrage plus horizontal ; - et ont lentement glissé de l’analyse de l’autorité à l’évaluation de la popularité. C’est pourquoi les auteurs désireux d’être connus sur le web doivent prendre en compte le poids nouveau des critères de popularité dans la manière dont ils créent leurs contenus. Or, ces critères sont essentiellement quantitatifs.
  • 31. 31 c. …et de nouveaux critères pour être dans leurs « bonnes grâces » Effectuer une requête sur les moteurs de recherche à propos d’une entreprise ou inspecter les réseaux sociaux d’un auteur sont devenus des actes réflexes. C’est pourquoi les personnes désireuses d’être un minimum connues sur le web doivent prendre en compte les critères utilisés par ces nouveaux filtres de l’information. Comme nous l’avons vu précédemment, ces nouveaux systèmes utilisent fortement des critères de popularité. Si la popularité est un concept plutôt qualitatif, les nouveaux systèmes de filtrage de l’information l’analysent uniquement d’un point de vue quantitatif (nombre de liens entrants, volumes d’abonnés sur les réseaux sociaux). En effet, il est difficile pour un algorithme d’interpréter les opinions d’individus. Or, cette métrique n’intervient plus seulement dans un filtrage en aval. Elle est d’après L. Merzeau [op. cit., p. 48] de plus en plus utilisée dans les classements des contenus par les outils de recherche. Tout ce système nous mène alors droit vers une course aux chiffres. Il est nécessaire d’être beaucoup cité, d’avoir beaucoup de liens entrants et d’abonnés sur les différents réseaux sociaux pour être bien classé et donc visible. D’où la quête incessante de nouveaux followers. Et les logiques stratégiques qui en découlent parfois. J.-C. Domenget cite par exemple le fait de respecter les plages horaires de publication qui sont censés améliorer la visibilité du message [2012, p. 226] ou encore l’automatisation des messages dans la phase d’entrée en relation [2014, p. 10]. J.-C. Domenget [op. cit., p. 227] remarque que la multiplication des techniques inspirées de la publicité et du marketing pour améliorer la visibilité des messages aboutirait à une forme d’interaction « froide », où les participants ne créeraient pas de réelle relation. Or, dans notre « société du chiffre, des sondages et de l’audience » [Alloing 2011], nous avons tendance à oublier que l’important n’est pas d’avoir le plus de fans possibles. Il vaut mieux être suivi et créer une vraie relation avec les « bonnes » personnes, celles qui sont susceptibles de nous suivre réellement (parce qu’elles s’intéressent à nous) et d’être sensibles à nos messages. Ce sont en effet elles qui vont déposer des avis positifs sur les réseaux sociaux, avis qui améliorent l’e-réputation de l’auteur des contenus.
  • 32. 32 C. Une ère où l’internaute participe à la création de la réputation d’une entreprise Comme nous venons de le voir, le passage au web 2.0 a bousculé les modèles traditionnels de publication et de mise en valeur de l’information. Nous sommes passés d’un filtrage en amont de la publication par les autorités institutionnelles à un filtrage principalement en aval de la publication et qui repose en partie sur la popularité. Or, cette popularité tire principalement sa source des avis et des recommandations des internautes qui fleurissent depuis qu’ils sont capables de s’exprimer sur la toile. 1. Un internaute devenu consom’acteur… a. Un acteur de poids dans la recommandation de contenus Comme expliqué précédemment, le web 2.0 permet à n’importe quel internaute d’exprimer son avis ou de publier ses contenus. Nous sommes passé du modèle de communication « one to many » (une personne communique à plusieurs) au « many to many » (plusieurs personnes communiquent à plusieurs autres). Ce phénomène a multiplié les acteurs potentiels dans l’évaluation des contenus. Chaque internaute représente une potentielle recommandation, qui à son tour attirera d’autres internautes à consulter l’information, voire à la recommander. Au-delà, ces recommandations peuvent avoir un impact positif sur l’e-réputation la source de l’information. Quand l’internaute ne donne pas directement son avis sur l’auteur en question… b. Un acteur dans la construction de l’e-réputation i. Définition de l’e-réputation L. Bodin [2014, pp. 13-16] explique que « l’e-réputation regroupe l’ensemble des expressions numériques d’une réputation. Elle concerne donc toutes les manifestations d’une évaluation sociale qui est faite de quelque chose ou de quelqu’un par ou via le numérique ». L’auteur montre que cette évaluation sociale est émise par un groupe social, après qu’il ait perçu le discours communiqué par l’entité évaluée et qu’il ait interagi avec elle. L’é-réputation est à distinguer des notions d’identité numérique et d’image. L’identité numérique est définie par O. Ertzscheid [2011, p. 16] comme « la somme des traces
  • 33. 33 numériques se rapportant à un individu ou à une collectivité ». Ces traces peuvent être des « écrits, contenus audio ou vidéo, messages sur des forums, identifiants de connexion, etc. » Elles regroupent ce que l’entreprise a elle-même publié et ce que des tiers disent sur elle. L’identité numérique rassemble donc des éléments susceptibles d’aider à définir ce qu’une entité est et ce qu’elle fait. L’image, elle, se situe entre l’identité et la réputation. Il s’agit pour L. Bodin [op. cit., p. 86] de la façon dont est perçue une entreprise ou une marque. Elle se construit par rapport à deux éléments : l’identité de l’entité et les préjugés de l’internaute sur cette dernière. L’image intervient juste avant le processus d’évaluation sociale inhérent à la réputation. Or, il se trouve que les entités intervenant dans ce processus d’évaluation ont évolués avec le passage au web 2.0. ii. Le poids nouveau de l’internaute dans l’élaboration de l’e-réputation L. Bodin [ibid., pp. 29-30] met en évidence qu’avant l’arrivée d’Internet, seuls quelques grands acteurs participaient à la construction de la réputation : - les médias ; - les services de communication, d’affaires publiques et RP des entreprises ; - les agences spécialisées dans la réputation (agences de communication, cabinets d’affaires publiques, etc.) Les relais de communication étaient donc facilement identifiables pour une personne ou une entreprise. Le web 2.0 a brouillé les choses en démultipliant le nombre de personnes qui influencent l’e-réputation d’une entité. Chaque internaute peut aujourd’hui potentiellement recommander ou se plaindre d’une entreprise ou d’une personne. Ainsi, l’offre d’informations sur une entité issue de personnes tierces s’est fortement accrue. Plus encore, selon L. Bodin, les internautes sont devenus des intermédiaires : - entre eux-mêmes ; - entre les entreprises et d’autres individus ; - entre les médias traditionnels et d’autres individus. On voit donc que le poids respectif des acteurs présents avant l’arrivée du web s’est atténué au profit de l’internaute, figure qui peut se retrouver au milieu des interactions entre tous les acteurs. Debos [2010, p. 2] signale que l’individu n’est plus un simple consommateur d’informations mais est devenu un « consom’acteur ». Ce terme a été employé pour la
  • 34. 34 première fois en 1980 par le futurologue A. Toffler dans le cadre d’une critique de l’idée d’ « audience passive » développée par R. Hoggart et R. Barthes. Aujourd’hui, cette notion traduit l’idée selon laquelle l’internaute pourrait influencer le système grâce aux outils du web 2.0. L’internaute n’hésiterait ainsi plus à contester le pouvoir des marques s’il le juge autocratique et tendrait à s’investir dans la co-conception de l’offre. Les personnes ou entreprises qui souhaitent être connu sur le web doivent donc veiller à prendre en considération leur(s) communauté(s) (les communautés peuvent être variables selon les plateformes web), à l’(les) écouter et à interagir avec elle(s). Et ce d’autant qu’une plainte publiée sur le web est intemporelle car quasiment impossible à effacer. Toutefois, la nouveauté de ce passage du consommateur au consom’acteur est à relativiser. En effet, on s’échangeait déjà des avis ou des recommandations au sein de la famille, entre amis ou entre collègues. La date d’apparition de l’expression « consom’acteur » va également dans ce sens. Elle remonte à 1980 ! L. Bodin [op. cit., p. 67] met en évidence que le véritable changement apporté par Internet est le lieu de ces conversations. Elles peuvent à présent se dérouler dans des lieux (les outils du web 2.0) où elles sont visibles par un plus grand nombre de personnes. De plus, l’expression « consom’acteur » tend à oublier que tous les internautes n’ont pas le même poids dans la construction de l’e-réputation d’une entité. Tout dépend de leur rôle vis-à-vis de cette entité. Ainsi, une plainte d’un client fera plus de dégâts que celle d’un concurrent. Enfin, il faut garder à l’esprit que même si le web 2.0 a clairement accru le poids des internautes, seule une minorité d’entre eux s’expriment sur le web. La loi des médias participatifs a bien mis en évidence que seul 1% des internautes publient sur la toile et qu’à peine 10% participent (commentaire, like, etc.) En résumé, on peut dire qu’une personne ou une entreprise qui souhaiterait être reconnu comme expert sur le web a tout intérêt à interagir avec sa ou ses communautés même si seulement une minorité d’internautes réagira de manière visible. Celle(s)-ci peu(ven)t lui apporter des recommandations et des avis positifs qui l’aideront à se faire connaitre, à acquérir une bonne e-réputation, à mieux diffuser ses contenus, voire à fidéliser de nouveaux internautes. Or, les modalités pour instaurer un bon dialogue avec sa ou ses communautés ont elles aussi évolué avec le passage au web 2.0. Dorénavant, un émetteur d’information doit éviter de
  • 35. 35 faire son autopromotion et montrer au contraire qu’il est à l’écoute et au service de l’internaute. 2. … qui voit d’un mauvais œil la communication purement descendante Avant l’arrivée du web 2.0, la communication était très majoritairement descendante. Les internautes étaient plus ou moins de simples récepteurs de l’information. Or G. Lucas, associé de l’agence de communication Image 7, constate qu’il y a depuis les années 90 une désacralisation des institutions et une hausse de la méfiance envers les entreprises et les hommes politiques, émetteurs traditionnels de l’information. Il explique que « le numérique permettant à la fois une information et une expression gratuites pour tous, la communication doit s’adapter et partir de beaucoup plus bas » [ibid., pp. 98-99]. On voit donc que les internautes sont de moins en moins réceptifs aux méthodes de communication et de publicité traditionnelles. C’est pourquoi les entreprises ou les personnes qui souhaitent communiquer sur le web ont tout intérêt à mettre l’internaute au centre de leur dispositif. Et ce d’autant plus que ne pas le faire serait risquer de mécontenter un des acteurs de la construction de leur e- réputation. C’est en réponse à ce problème qu’est apparu le brand content. T. Jamet [2013, p. 2] définit le brand content comme « des contenus produits par une marque à des fins de communication comme des fictions, des séries, des jeux, des films, des évènements et permettant à la marque de s’engager sur un terrain d’expression qui lui serait propre ». Le brand content repose sur le principe qu’il faut arrêter de parler de sa marque de manière intrusive et descendante. Pour cela, beaucoup d’entreprises recourent au storytelling7 par exemple. Dans le contexte actuel d’infobésité et d’économie de l’attention, il faut au contraire montrer que l’on accorde une attention particulière à sa ou ses communautés. L’objectif est de séduire les internautes en leur proposant des informations qui leurs sont utiles. Proposer des contenus à valeur ajoutée pour son public cible est aussi un moyen d’augmenter les chances d’engagement8 de la part des lecteurs. Or G. Buffet, président de l’association Renaissance 7 L. Bodin [2014, p. 89] définit le storytelling comme « la technique consistant à raconter une histoire mise en scène et orientée pour un public en particulier ». 8 Le taux d’engagement correspond au nombre de gens qui ont aimé, partagé, commenté ou cliqué sur une publication par rapport au nombre total de gens qui ont vu cette publication.
  • 36. 36 numérique, explique bien qu’une stratégie réputationnelle est réussie lorsque ce sont les internautes qui véhiculent eux-mêmes l’image de l’entreprise [Bodin op. cit., p. 8]. Mais pour avoir un bon taux d’engagement, il est important de privilégier les « informations dynamiques » aux « informations statiques » selon les mots de B. Osatuyi dans son livre Information sharing on social medias sites. Il s’agit d’accorder la part belle aux contenus capables de générer des conversations avec les internautes par rapport à ceux qui ne leur laissent aucune possibilité de réaction (ex. : annonces). Cette pratique apporte également d’autres bénéfices en plus de la hausse potentielle des commentaires et des partages. F. Colantonio [2011, p. 129] souligne que la valeur d’un contenu ne passe pas uniquement par la production pure mais vient aussi du dialogue avec les internautes. Ils peuvent par exemple enrichir le contexte, préciser une notion floue dans l’article original, etc. De plus, L. Bodin souligne que dialoguer avec l’internaute est l’occasion de mieux connaître son public cible, son ressenti face à l’offre actuelle, ses attentes, etc. Ce qui permet à terme de mieux ajuster ses contenus à sa communauté et de mieux la fidéliser. En résumé de cette troisième partie, le web 2.0 a bouleversé tant les mécanismes de publication de l’information sur le web que ceux de l’évaluation et de la reconnaissance de ces contenus. L’internaute se trouve désormais au centre du système. Dans le contexte d’infobésité actuel, l’émetteur d’information doit produire des contenus avant tout utiles et attractifs pour les internautes afin d’être visible dans un système où les moteurs de recherche et les plateformes web tiennent compte de la popularité. Par effet de vase communicant, le poids de la fiabilité et de la qualité de l’information a été atténué, même s’il reste important. A présent que nous avons compris les changements apportés par le web 2.0, il est temps d’étudier les impacts de ces évolutions sur les mécanismes de reconnaissance de l’expert. IV. Etre reconnu comme un expert au temps du web 2.0 : de nouveaux critères d’évaluation de l’expertise Comme expliqué précédemment, un expert doit être sollicité et par là-même bénéficier d’une délégation de la part de l’entité qui souhaite obtenir une expertise. Cette sollicitation suppose d’être reconnu a priori comme un expert.
  • 37. 37 Traditionnellement, le mandataire potentiel regarde des critères liés à la crédibilité et à l’autorité (diplôme dans le domaine, nombre de publication, bonne réputation, citation par les pairs, etc.) Or, le web 2.0 a entraîné une course à l’attention de l’internaute, un basculement de l’autorité vers la popularité, un poids croissant de l’avis de l’internaute et l’essor du brand content. En quoi ces changements ont-ils impacté le processus de reconnaissance sociale d’un expert ? De nouveaux critères sont-ils apparus ? Si oui, existent-ils de manière complémentaire aux anciens critères ou les ont-ils remplacés ? C’est ce que nous allons étudier dans cette partie. A. Etre capable de rendre visible ses contenus 1. Etre visible : un moyen à part entière d’être reconnu comme un expert ? Comme expliqué précédemment, un expert doit être reconnu a priori. Or, cette reconnaissance a un préalable obligatoire aussi bien sur le web que hors ligne : la visibilité. C. Alloing [2011] définit la visibilité comme le fait de pouvoir être vu facilement. J.-C. Domenget [2012, p. 219] indique que c’est un état fluctuant, qui relève de l’ordre de la manifestation et de l’indexation. La visibilité est du ressort de l’instant, à la différence de la présence numérique et de la notoriété qui se déploient dans la durée. Etre tout le temps visible nécessite donc une attention constante et des efforts réguliers. Or, dans notre société, être visible est essentiel pour obtenir une reconnaissance sociale. Comme le soulignent N. Aubert et C. Haroche [2011], la notion de visibilité a pris une place considérable dans notre culture depuis l’avènement d’une société de l’image. Aujourd’hui, être invisible signifie être insignifiant, voire inexistant. Dans ces conditions, il apparaît donc crucial pour un individu ou une entité qui voudrait être reconnu comme un expert sur le web d’être visible. Appliquée au web, la visibilité correspond au fait d’apparaître dans les cinq premiers résultats des moteurs de recherche pour une requête donnée [Poncier 2009 pp. 83-84]. Or, il se trouve que sur le web, le mandat donné à l’expert repose sur l’autorité des moteurs de recherche et des plateformes web (réseaux sociaux, plateformes de curation, etc.) C. Alloing et M. Haikel-Elsabeh [2014, p. 9] en expliquent la raison. Sur le web, ce sont ces systèmes qui fournissent des résultats qui permettent (ou non) de répondre à une question posée. Ainsi, ce
  • 38. 38 serait une capacité à rendre visible ses contenus pour des internautes ou des requêtes données qui permettrait d’obtenir un statut d’expert. C’est pourquoi C. Alloing et N. Moinet [2010, p. 42] analysent la médiatisation des individus lorsqu’il cherche des experts sur le web, c’est-à- dire qu’ils vérifient s’ils sont visibles sur les moteurs de recherche et partagés par les internautes. Nous touchons là une différence importante dans le processus de reconnaissance de l’expert par rapport à l’époque pré-numérique. La visibilité et la reconnaissance sont normalement deux étapes d’un même processus. A. Honneth [2001, pp. 1272-1278] souligne bien la différence entre la connaissance, procédé par lequel on devient visible grâce à une identification, et la reconnaissance, qui s’institue à travers l’affirmation de la valeur sociale de l’individu. Traditionnellement, être visible ne garantissait donc pas d’être reconnu. Aujourd’hui, quand le mandataire est un système web, ces deux phases se rapprochent, voire se confondent. Toutefois, cette idée qu’il suffit d’être visible sur les moteurs de recherche ou les plateformes web pour être reconnu en tant qu’expert n’est pas si simple que ça. En effet, les internautes avec un bon niveau de connaissances ont un regard critique sur les résultats proposés par ces systèmes et n’hésitent pas à consulter des contenus plus loin dans la page si les premiers résultats ne leurs conviennent pas. Nous reviendrons dans la partie IV.B.2 sur cette problématique. Dans tous les cas, être visible est au moins une étape préalable obligatoire pour des individus qui souhaiteraient être reconnus en tant qu’experts sur le web. Or, cette visibilité ne peut pas exister si l’auteur ne tient pas compte des critères utilisés par les systèmes de recherche et de classement de l’information numérique. 2. Se rendre visible sur le web : respecter les critères de filtrage des moteurs de recherche et des plateformes web Pour être visible, il est important de respecter les critères clés des systèmes de filtrage de l’information sur le web. Comme nous l’avons vu précédemment, ces critères ont évolués avec le web 2.0. La mesure de la popularité (avec sa visibilité et sa notoriété minimum préalables) est devenue importante, même si l’autorité compte toujours. On peut donc penser que, pour être visible sur le web, l’expert devra penser non seulement à exhiber son expertise, mais aussi le faire d’une manière susceptible d’intéresser les internautes pour susciter un fort
  • 39. 39 taux d’engagement. L’expert 2.0 est donc amené à prendre en compte de manière plus importante les attentes de son public cible dans la valorisation de ses compétences que n’avaient à le faire ses prédécesseurs. Par ailleurs, J.-C. Domenget a démontré dans son article La visibilité sur Twitter, un enjeu professionnel [2013] que la maîtrise d’un savoir-faire technique et le respect des normes de participation de la plateforme de publication sont essentiels pour pouvoir rendre visible ses messages. C’est donc un critère nouveau dans la reconnaissance de l’expertise, bien que logique pour des experts sur le web. Enfin, N. Aubert et C. Haroche expliquent que les technologies apparues ces deux dernières décennies (ordinateurs, Internet, smartphones) nous conduisent à nous définir de plus en plus par les traces que nous laissons. Elles nous enjoignent à ce que les auteurs appellent une « production continue et illimitée de soi ». Il s'agit d'« offrir des images de soi immédiates, éphémères, sans cesse actualisées pour exister aux yeux du plus grand nombre » explique N. Aubert [Laronche, Aubert et al. 2011]. Cette injonction à la production de contenus se retrouve dans les critères des algorithmes des moteurs de recherche. Google par exemple privilégie les contenus d’actualités récents et les sites qui offrent des mises à jour régulières. Ainsi, un individu ou une entité qui voudrait être reconnu comme un expert sur le web sera amené à produire régulièrement des contenus pour rester visible. Il est important de noter que cette production ne concerne pas seulement l’écriture de contenus originaux. Elle peut aussi passer par des renvois, des citations ou un retravail d’informations créées par des tiers. B. Etre reconnu socialement 1. Avoir de l’influence sociale La visibilité est un des critères-clés pour être reconnu socialement mais ce n’est pas le seul. Pour identifier des experts en e-réputation dans son article Des réseaux d’experts à l’expertise 2.0, C. Alloing s’intéresse également à ce qu’il appelle « l’influence sociale ». Exercer une influence est défini par Massé, Marcon et Moinet [2006, p. 86] comme le fait d’« obtenir d’autrui qu’il fasse librement quelque chose qu’il n’aurait pas fait spontanément sans votre intervention ». On retrouve cette idée d’un poids sur les pensées et actions d’autrui dans la notion d’« influence sociale » de C. Alloing. Pour lui, un expert est influent socialement lorsqu’il a su développer des échanges avec ses lecteurs. En effet, c’est
  • 40. 40 par le biais du partage d’informations et du dialogue qu’une communauté se façonne une réalité commune. Par conséquent, plus un individu échange des informations et discute avec une communauté numérique, plus il participe à la construction de cette vision mutuelle, et plus il influence la perception du monde qu’a cette communauté. D’ailleurs, G. Buffet, président de l’Association Renaissance numérique, signale qu’une stratégie e-réputationnelle réussie fait en sorte que ce soit les internautes eux-mêmes qui véhiculent le message de l’entreprise ou de la personne [Bodin 2014, p. 8]. Or, ce concept d’influence sociale présuppose une certaine forme de reconnaissance. Un individu ne peut influencer la communauté que si celle-ci lui a reconnu un minimum de poids. Toutefois, il faut faire attention à la manière dont cette influence sociale est mesurée. En effet, bon nombre d’algorithmes n’analysent pas réellement l’influence mais la notoriété, à l’exemple de l’outil Klout dont le but est d’identifier les influenceurs sur un sujet. L’impact d’un message sur ses lecteurs étant difficile à connaître, ils préfèrent fonctionner selon l’idée que, plus un individu est cité, plus il est influent [Alloing 2011]. Au contraire, C. Alloing et N. Moinet se penchent bien sur le poids des messages sur la communauté. Ils regardent par exemple comment les commentaires laissés par l’expert sur des sites tiers sont soutenus, pondérés ou réfutés par les autres lecteurs. Les auteurs concluent leur article en affirmant que « sur le web 2.0, les experts sont avant tout les individus pouvant produire un contenu qui regroupera une communauté pouvant entrer fortement en interaction avec l’auteur, puis retransmettre son message » [Alloing et Moinet 2010, p. 45]. On voit donc que les mécanismes de participation et le poids du consom’acteur apparus avec le web 2.0 ont été pleinement intégrés dans les façons de reconnaître un individu comme un expert. On passe d’un régime où la seule reconnaissance par les pairs ou les autorités compte à un système où le poids du « plus grand nombre » a également un impact. Cependant, ce poids nouveau de la communauté de lecteurs dans la reconnaissance d’un expert pose également quelques problèmes. En effet, la légitimité de l’expert est dans ce cas plus contestable car fortement fondée sur le crédit accordé par les internautes, internautes qui ne connaissent pas toujours eux-mêmes très bien le sujet.
  • 41. 41 2. Etre reconnu socialement, oui mais par qui ? La possibilité qu’offre le web 2.0 à n’importe quel internaute de publier ses contenus et opinions a conduit à un phénomène d’« amateurisation de masse » selon C. Shirky. P. Flichy dans son livre Le sacre de l’amateur [2010] parle même de l’émergence du règne du professionnel-amateur, passionné autodidacte qui frôle l’expertise grâce à ses lectures et à ses échanges avec d’autres passionnés. On voit donc que la figure de l’amateur s’est fortement rapprochée de celle de l’expert, et que la frontière peut devenir floue pour des personnes avec peu de connaissances sur la thématique traitée. Plus encore, il est facile de se faire passer pour un expert derrière un écran. C. Alloing [2010] nous fait remarquer qu’il est aisé d’acquérir de l’expérience dans certaines thématiques, élément clé qui caractérise un expert. Par exemple, beaucoup de personnes peuvent avoir utilisé les réseaux sociaux dans des buts de communication et de marketing. Ainsi, pour peu que l’on ait des capacités d’observation, d’analyse et d’argumentation couplées à des connaissances sur les mécanismes de visibilité web, il est simple d’apparaître comme un expert aux yeux des personnes peu averties. C’est pourquoi le nombre d’ « experts » a fleuri sur la toile cette dernière décennie, compliquant encore les choses pour les internautes néophytes confrontés à une multitude d’experts potentiels dans le contexte actuel d’infobésité. Par conséquent, C. Alloing explique que, pour des néophytes, les « experts » sont les auteurs des premiers résultats qui répondent le mieux au besoin informationnel [ibid.]. Or, ces résultats ne sont pas forcément les meilleurs et ne seraient pas forcément retenus par des personnes avec de meilleures connaissances sur le sujet. On touche ici un point clé de la reconnaissance d’un expert : la question n’est pas de savoir si un individu est reconnu ou non de manière absolue comme un expert. Le vrai enjeu est de savoir pour qui l’individu apparaît comme un expert. C. Alloing explique bien qu’un expert reconnu par des personnes peu averties ne l’est pas forcément par des spécialistes du sujet [ibid.]. C’est pourquoi il se demande s’il ne vaudrait pas mieux parler de légitimité que d’expertise sur le web.
  • 42. 42 3. Quelle légitimité pour les experts sur le web ? La légitimité « repose sur une autorité qui est fondée sur des bases juridiques ou sur des bases éthiques ou morales, et permet de recevoir le consentement des membres du groupe » selon le Petit Robert. J.-P. Bootz et E. Schenk [2014, pp. 83-84] expliquent qu’il existe deux types de légitimité : - la légitimité institutionnelle, qui a un caractère externe ; - la légitimité informelle ou relevant d’un « phénomène social auto-organisé », qui a un caractère interne. La légitimité institutionnelle s’appuie sur une structure formelle telle qu’un ordre professionnel, un système de labellisation, etc. Elle est facilement appréhendée par des personnes extérieures au domaine car elle est codifiée. Ce type de légitimité est plus ou moins employé en fonction des secteurs d’activités. La légitimité informelle au contraire se définit hors de tout cadre formel. Elle repose sur des règles tacites d’un groupe non formel et est difficile à appréhender en-dehors de ce cadre. Dans le champ de l’expertise, ce type de légitimité se rapproche de la notion de reconnaissance par les pairs. Or, il se trouve que ce type de reconnaissance, déjà présent avant l’arrivée du numérique, conserve un poids important pour les experts sur le web. 4. Être reconnu par ses pairs L’étude menée par J.-P. Bootz et E. Schenk [ibid., p. 92] sur la perception de la figure de l’expert par des salariés d’une entreprise démontre que dans l’esprit du grand public, un expert est avant tout une personne reconnue par ses pairs. Comme les pairs possèdent des connaissances pointues sur le sujet, ils apparaissent comme des individus capables de juger en toute connaissance de cause le travail d’un prétendant au statut d’expert. Les évolutions amenées par le web 2.0 n’ont pas mis fin à cette pratique employée depuis longtemps par les communautés scientifiques. Bien au contraire, nous avons vu précédemment que l’autorité énonciative se réfère davantage à ses pairs et à l’autorité du groupe depuis le passage au web 2.0. Elle contrebalance ainsi le poids initialement fort des autorités institutionnelles, qui sont susceptibles de délivrer la légitimité institutionnelle. C. Alloing et N. Moinet [2010, p. 36] observent d’ailleurs que les différents experts sur un
  • 43. 43 sujet misent sur les outils du web pour échanger entre eux, réfléchir collectivement et former des réseaux d’expertise. Par conséquent, un individu qui souhaiterait se faire reconnaître comme un expert par ses pairs doit faire attention à montrer son appartenance au groupe. Cela se traduit par plusieurs types de pratiques. C. Alloing [2010] explique que beaucoup de blogueurs débutants prennent le temps de déposer des commentaires sur des blogs d’experts plus reconnus. Cela leur permet de se faire connaître de la communauté qui pourra par la suite augmenter leur légitimité. De même, l’auteur remarque que la citation d’autres expertises reconnues comme légitimes dans ses propres écrits est l’occasion de montrer son appartenance au groupe d’experts. Malgré tout, J.-P. Bootz et E. Schenk soulignent que la légitimité informelle est difficile à appréhender pour une personne extérieure au groupe. On peut donc se demander dans quelle mesure ce critère de reconnaissance de l’expertise est susceptible de dépasser les frontières du groupe, à la différence des critères de reconnaissance de l’expertise précédents. Ce qui relativise son importance pour bon nombre d’internautes. Nous voyons donc que les mécanismes de reconnaissance sociale mêlent des procédés existants avant l’essor du web 2.0 (reconnaissance par les pairs) et des méthodes issues de la dimension participative du web (bonne interaction avec sa communauté de lecteurs) et de l’essor de nouveaux agents facilitateurs (visibilité sur les moteurs de recherche). Les nouveaux et les anciens mécanismes sont complémentaires. Mais on peut se demander si l’internaute, qui cherche avant tout une ressource fiable, ne tient pas également compte de la crédibilité et de la qualité d’information pour s’assurer que l’auteur d’une ressource est bien un expert. Quel est le poids de ces deux notions à une époque où nous glissons de plus en plus de l’autorité vers la popularité ?
  • 44. 44 C. Quel poids pour la crédibilité et la qualité de l’information ? La crédibilité est généralement définie comme la plausibilité d’une information [Sikdar et al. 2013, p. 1]9 et permet d’instaurer la confiance. Pour évaluer la crédibilité d’un contenu, un internaute fera appel à des critères à la fois objectifs (exactitude des informations, objectivité, présence de renseignements sur l’auteur, etc.) et subjectifs (apparence sérieuse, connaissance du site sur lequel se trouve l’information, réputation perçue de l’auteur, etc.) Cette notion apparaît à première vue, avec la qualité de l’information, comme des éléments essentiels dans un contexte d’infobésité et d’économie attentionnelle. En effet, un internaute qui doute de la fiabilité d’un contenu s’arrêtera vite de le lire et aura une mauvaise opinion sur son auteur. C’est pourquoi Julien Mielcarek, ancien rédacteur en chef adjoint au Figaro, citait en 2013 la crédibilité et le sérieux comme les principaux atouts des médias dans ce contexte de concurrence accrue sur la toile10 . Cependant, Stéphane Hugon explique qu’à l’ère du web 2.0, la relation et la connivence sociale priment sur le contenu [Jamet 2013, pp. 31-33]. Ecrire des contenus d’expertise suppose donc de prendre en considération ces nouvelles pratiques qui peuvent empiéter sur le fond et atténuer l’importance de la crédibilité. De plus, nous avons remarqué précédemment que le web glisse de plus en plus de l’autorité vers la popularité. Or, nous avons vu que l’autorité informationnelle englobe les éléments auxquels un individu fait appel pour juger une source d’information fiable. Dont la crédibilité et la qualité de l’information (autorité de contenu du document). C’est pourquoi, sur le web, la crédibilité seule paraît mince pour asseoir aux yeux du plus grand nombre sa qualité d’expert. Les internautes vont également prêter attention à la popularité (qui repose sur la visibilité et la notoriété) de l’auteur. Ainsi, L. Bodin [2014, p. 119] constate que des propos émis par une personne crédible mais peu connue auront un poids plus fort sur le jugement des lecteurs mais seront lus par un public plus restreint. On peut donc affirmer qu’à l’heure du web 2.0, la crédibilité et la qualité de l’information restent des éléments importants mais dont le poids est mince dans la liste des critères qui comptent dans la reconnaissance d’une qualité d’expert à un individu. 9 Citation originale : “Credibility is generally defined as believability of information”. 10 Table ronde « Sommes-nous tous des médias », la Pépinière 27, novembre 2013. Cité dans [Bodin 2014, p. 31].