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©CreativeI
Nouvelle
VAGUECes conférenciers qui
ont le vent en poupe !
EXCURSIONS
HORS-PISTES
ça valait
LE DÉTOURSortez des sentiers battus !
Carnet de
VOYAGE
Restez groupés !
Les Passerelles exploratoires
bouillonne de créativité,
et vous ?
“La Loire-Atlantique
”
De la Loire-Atlantique créative, visite guidée en démocratie collaborative
Retour sur une année
riche en découverte
4
6
14
Par Patrick MARESCHAL &
Emmanuelle GELEBART SOUILAH
ÉDITORIAL
Retour sur l’année 2013
CARNET
DE VOYAGE
Ces conférenciers qui ont le vent en poupe !
NOUVELLE
VAGUEINNOVATION
•	La consommation collaborative  
Anne-Sophie NOVEL
•	L’impression 3D
Bertier LUYT
•	L’entrepreneuriat social
Arnaud MOUROT
JEUNESSE
•	L’avenir de la jeunesse rurale
Édith HEURGON
•	Engagement citoyen des jeunes
Monique DAGNAUD
•	L’école 2.0
Dominique OTTAVI
•	La pédiatrie sociale
Dr Gilles JULIEN
•	Alimentation &
surpoids
       Mohamed MERDJI
•	 C’était il y a un an : bilan
d’activité, thématiques jeu-
nesse & innovation
•	 Mosaïque des talents
•	 Ça s’est passé cette
année : l'agenda
2Un jour, un territoire
LE SOMMAIRE
112
60
116
R e s t e z g r o u p é s   !
EXCURSIONS
HORS-PISTE
•	Circuit Découverte :  Innovation et
développement durable
•	Circuit Panoramique : Expérimen-
tation sociale en Loire-Atlantique
•	Itinéraire Exploratoire : Compé-
tences : levier pour une intelligence
collective de territoire ?
•	Évasion aérienne : Quelle prise en
compte du regard du citoyen dans
l’aménagement de son territoire,
particulièrement en milieu rural ?
•	Régate : toutes voiles dehors !	
Les jeunes en vulnérabilité
•	Le Rallye des entrepreneurs :
Parenthèse matinale
•	Le Québec,
en visite !
Sortez des sentiers battus !
ÇA VALAIT
LE DÉTOUR
•	L'innovation est dans le pré
•	Ancenis, terre de liens
•	Symbiose, incubateur de talents
•	Le bonheur est au Sablier
RÉSERVEZ
VOS BILLETSP o u r l ’ a n n é e p r o c h a i n e
©PaulPascal
©PaulPascal
3 4Un jour, un territoire
« De n’importe quel pays, de n'importe quelle couleur,
la musique est un cri qui vient de l’intérieur. »
Ce que dit Bernard Lavilliers pour la musique, je le crois profondément vrai pour
le développement d’un pays, d’un groupe humain, d’un territoire.
Un apport extérieur, un investissement proposé ou imposé, l’exploitation par
d’autres d’une richesse naturelle,peuvent apporter temporairement une richesse
économique. Mais sans la mise en mouvement des femmes et des hommes du
territoire,il n’y aura pas de développement humain durable,c’est-à-dire à la fois
économique, social et culturel.
C’est cette mise en éveil et en mouvement des citoyens à laquelle le Conseil de
Développement veut contribuer, modestement, et parmi d’autres, pour le déve-
loppement humain de notre territoire de Loire-Atlantique.
S’informer mutuellement des rapides évolutions technologiques,mais aussi des
pratiques sociales émergentes, des modes de vie et des formes d’action nou-
velles, en bref, développer notre intelligence collective sur l’évolution de la
société pour en mesurer les risques et en saisir les opportunités : c’est à quoi
ont participé cette année,d’une façon ou d’une autre,plus d’un millier d’acteurs
de notre territoire.
Qu’ils en soient remerciés
Des graines sont ainsi semées.Nous ne savons combien germeront et se trans-
formeront en projets et en actions,ni où,ni comment.Mais nous avons ensemble
une conviction : l’avenir ne se prédit pas, il se construit.
L’ ÉDITORIAL
PATRICK MARESCHAL
Directeur de la publication
Président du Conseil de
développement de Loire-Atlantique
L’ ÉDITORIAL
Nous voilà arrivés à destination. Un an de pérégrination aux pays de la jeu-
nesse et de l’innovation.
Vous nous avez joyeusement rejoints dans cette aventure humaine, êtes arri-
vés fin prêts, l’esprit ouvert, dans le respect et l’écoute des opinions diver-
gentes, condition sine qua non à la véritable rencontre de l’autre.
Cette année de découverte et d’expérimentation aura marqué un tournant.
Nous avons voulu rester fidèles à notre volonté d’offrir un espace de liberté
de parole, d’échanges et de mutualisation des connaissances. Nous avons
ainsi ouvert nos activités à tout citoyen s’intéressant aux sujets qui condi-
tionnent à moyen ou long terme l’avenir de notre territoire.
Cette ouverture aura eu un écho retentissant. L’assemblée a ainsi connu
une augmentation de 35 % de ses membres : amplitude des âges élargies,
provenance géographique diversifiée et renouvellement des méthodes de
collaboration proposées, vent de renouveau sur les thématiques que vous
nous avez soumises.
Au nom de toute l’équipe du CDLA, je vous invite donc à parcourir cette
rétrospective de l’année 2013-2014. Laissez-vous guider par votre goût de
la découverte, que vous suiviez le long fleuve tranquille des chapitres ou que
vous vous permettiez une lecture au gré de vos envies.
En prenant de la hauteur, vous pourrez apprécier l'itinéraire ainsi parcou-
ru, découvrir les détours spontanés et les chemins de traverse qui ont été
empruntés. Revivez en différé les conférences, rendez-vous mensuel incon-
tournable, ainsi que les excursions puis rejoignez les groupes de réflexion en
pleine discussion.
Vous trouverez sûrement chaussure… de marche à votre pied !
Emmanuelle GELEBART SOUILAH
Rédactrice en chef
Directrice du Conseil de
développement de Loire-Atlantique
5 6Un jour, un territoire
©Fotolia
CARNETDE
VOYAGEAprès trois années de survol de l’ave-
nir de la Loire-Atlantique en 2030,
nombreuses étaient les destinations
qui s’offraient à nous. Nous avons
ainsi décidé de faire un vol piqué sur
la jeunesse et l’innovation.
La jeunesse, car elle est rassembleuse,
c’est la seule tranche d’âge commune
à toutes les générations, que l’on soit
parent, grand-parent ou jeune, sur le
papier ou dans la tête. Nous sommes
tous passés par là et tout citoyen aura
le privilège d’expérimenter cette jeu-
nesse.
D’une part, s’intéresser à la jeunesse
donne cet espace-temps nécessaire
aux jeunes générations pour s’interro-
ger, rêver leur avenir, découvrir les
possibilités existantes et surtout imagi-
ner celles à construire. Inviter à la
réflexion prospective les jeunes leur
permet de déposer leurs bagages
durant quelques moments privilégiés ;
pour expérimenter un temps-long en
résonance avec l’embouteillage des
temps-courts qui jalonnent la vie, telles
les valses imprévisibles des scooters,
vélos et autres tuk-tuk dans les rues
d’Hanoi ou de Mumbai. Et de facto,
s’intéresser à la jeunesse, c’est s’inté-
resser à demain.
D’autre part, inviter les générations qui
les ont précédés les jeunes d’au-
jourd’hui à s’interroger sur les enjeux
de notre avenir collectif permet cette
mise en perspective temporelle, néces-
saire à une réflexion éclairée. Regarder
d’où l’on vient nous évite sûrement de
nous engouffrer tête baissée dans
quelques ruelles sans issue. Cette
occasion permet aussi d’embarquer les
participants vers un exercice d’ouver-
ture, d’imagination, en tentant d’envi-
sager quel jeune nous aurions été, si,
par un coup d’accélérateur spatio-tem-
porel, nous nous étions retrouvés pro-
jetés à quelques décennies d’ici, dans
une vidéo de fiction design.
Cet aller-retour intergénérationnel
contribue à la construction d’une vision
prospective, partagée, à 360 degrés.
Et c’est ainsi, intuitivement, naturelle-
ment, que l’innovation s’est imposée
comme second thème complémentaire
à celui de la jeunesse… En effet, une
fois la distribution des rôles arrêtée, il
ne nous restait qu’à imaginer l’histoire
et les décors. En cela, l’innovation sus-
cite le prototypage, autorise l’explora-
tion nécessaire pour se projeter
ensemble dans l’avenir. L’innovation au
sens large : l’innovation technologique,
l’innovation sociale concourant à l’inno-
vation sociétale. S’intéresser aux avan-
cées d’aujourd’hui permet de dessiner
une ébauche de la réalité de demain,
tout au moins de pister quelques
signaux faibles, qui se révèleront être
pour certains des éclaireurs des modi-
fications de fonds de notre société, telle
qu’on la connaît aujourd’hui.
©travnikovstudio
7 8Un jour, un territoire
Au sortir de cette assemblée plénière
de 2013, de nombreux membres du
CDLA nous avaient exprimé le souhait
de voir nos démarches de réflexion
prospective s’ouvrir à toutes et à tous,
sans critère particulier, si ce n’est l’at-
tachement des participants à notre
territoire.
Comme l’année de l’innovation et de la
jeunesse s’y prêtait tout particulière-
ment, nous nous sommes lancés dans
l’aventure de la démocratie participa-
tive, à notre échelle.
En mode exploratoire, nous nous
sommes mis en chemin sans guide de
poche, mais avec deux volontés fortes :
celle de préserver la diversité des
acteurs de Loire-Atlantique impliqués,
et celle d’accompagner la montée en
puissance de la prise en compte de
l’expertise citoyenne dans les débats
publics.
1re
étape, demandons l’avis de nos
membres : quid de ce supposé désen-
gagement citoyen ? Y aurait-il du monde
sur la ligne de départ ? À l’au-
tomne 2013, nous avons ainsi lancé une
campagne de consultation, en deux
temps auprès des 2 000 membres du
CDLA, sans pouvoir réellement prédire
où tout cela nous mènerait. Nous leur
avons demandé de nous soumettre des
questions, qu’il leur tenait à cœur de
creuser, de partager avec des gens
venus d’univers différents, qu’il n’aurait
pas eu l’occasion de croiser. Une seule
consigne : les axes de discussion
devraient graviter autour de la jeunesse
et l’innovation.
Une trentaine de sujets nous ont été
soumis ! Après un recoupement, nous
avons ainsi pu constituer six théma-
tiques de travail, que vous retrouverez
dans la section Excursions Hors-piste.
La République
donne des droits, et
des obligations, il faut
toujours un équilibre
entre les deux
“
”Nous avions amerri à Préfailles en
juin 2013 pour clôturer l’exploration
de trois ans de Loire-Atlantique 2030.
Nous nous étions intéressés à plusieurs
thématiques, telles l’équilibre des ter-
ritoires, l’économie et l’emploi, la gou-
vernance et le vivre-ensemble. À ce
sujet, Kofi Yamgnane était venu nous
parler de sa trajectoire de vie et ainsi
illustrer la façon dont, selon lui, notre
identité, notre lien à notre territoire de
vie, se façonne. Il a rappelé l’importance
de construire et de préserver les occa-
sions de vivre ensemble, de trouver sa
place dans notre société en constante
évolution, et de définir son rôle en tant
que « citoyen volant », pour une partie
de plus en plus importante de la popu-
lation.
C’ÉTAITILYA
UNAN
// La religion, le sacré, la conception de
la vie, de la mort, du destin, la guerre, le
pouvoir…, toutes les civilisations parlent
de ça. C’est à partir de ça que l’on va
pouvoir créer un mieux vivre ensemble et
trouver des axes pour améliorer les poli-
tiques locales et nationales. Aujourd’hui,
grâce à Internet, les gens se choisissent,
se rassemblent, peu importe où ils se
trouvent. Si aujourd’hui Facebook devait
être une nation, ce serait la deuxième ou
la troisième, ce sont de nouvelles cultures
qui se créent, déconnectées de la géogra-
phie. Comment susciter leur intérêt ?
Les citoyens volants se comportent
comme des consommateurs, ils veulent
du logement, de la garde…, mais il faut
aussi qu’ils participent, et il faut les faire
participer. C’est un nouveau défi pour
les élus, qui nécessite de changer les
méthodes de démocratie locale et partici-
pative. Il faut comprendre que l’échelle a
changé. L’échelle n’est plus Saint-Coulitz.
Conquérir, retenir, intéresser, impliquer
pour que chacun prenne part à la chose
commune //
Kofi YAMGNANE, plénière 2013
2e
étape : réservez vos billets !
Nous avons lancé une invitation au
voyage autour des six thématiques.
Cette recherche d’ouverture et cet atta-
chement à la représentation large des
acteurs de Loire-Atlantique ont été
couronnés par une réponse en nombre.
Les billets se sont vite envolés et nous
avons dû afficher complet : 100 réser-
vations ont ainsi été enregistrées,
réparties sur six quais d’embarque-
ment distincts. Les Passerelle étaient
nées.
Non contents de lancer ce marathon de
l’exploration, nous avons proposé aux
participants de sortir de leur zone de
confort, en leur faisant expérimenter un
mode « autogérés » de groupes qui se
réuniraient 4 ou 5 demi-journées au
cours des six mois suivants. Nous
sommes conscients que cela a pu
déconcerter ou déstabiliser certains,
habitués à des modes de fonctionne-
ment plus traditionnels, mais c’est en
se permettant des déviations, des
parenthèses, des allers-retours que
l’on se dessine un espace de liberté
propice à un réel cheminement de
construction collective. Nous n’avons
volontairement pas invité d’experts
reconnus sur le sujet pour laisser par-
ler l’expertise d’usage. Le parcours est
aussi important que la destination.
C’est le propre de l’aventure humaine,
la réflexion partagée, l’appropriation
d’une thématique invite ensuite à l’ac-
tion commune.
En termes d’architecture, ces groupes
Passerelle ont été pensés comme des
espaces de réflexion, d’échange d’idées
et de liberté de pensée. Le point com-
mun qui allait constituer le point de
ralliement de ces explorateurs : adhé-
rer aux valeurs des groupes Passerelle,
qui garantiraient une co-construction
riche et partagée.
Respect
Coopération
Égalité
Décalage
Échanges ouverts
Liberté de propos
Transversalité des profils
Solutions partagées
Évolution des idées
Passerelle, au-delà des groupes de
réflexion, des valeurs :
9
11 12Un jour, un territoire
Le financement
participatif
L’engagement citoyen
des jeunes
La consommation
collaborative
L’impression 3D
20 septembre 2013 8 octobre 2013 19 novembre 2013
La visite du Sablier Le Québec,
en visite !
10 décembre 2013
Symbiose, incubateur
de talents
18 avril 201416 avril 2014 16 avril 2014
2013
La pédiatrie sociale
en communauté
17 avril 2014
Un jour, un territoire ÇA S’EST PASSÉ CETTE ANNÉE
L’avenir de la
jeunesse rurale
L'innovation est
dans le pré
L’école est finie :
vive l’école 2.0
L’entrepreneuriat
social
Pays d’Ancenis,
terre de liens
23 janvier 2014 20 Février 2014 24 février 2014 25 mars 2014
6 mai 2014
Alimentation
& surpoids
L’assemblée plénière
Un jour, un territoire
27 mai 2014 13 juin 2014
2014
13 14Un jour, un territoire
©Epicstockmedia
NOUVELLE
VAGUECes conférenciers qui ont le vent en poupe !
15 16Un jour, un territoire
2013
ÉDITH
HEURGON
est intervenue au cours de la
table ronde :
L’avenir de la
jeunesse rurale
Prospectiviste du présent,
ancienne responsable de la
mission « Prospective » de la
RATP et directrice du Centre
culturel international de
Cerisy-la-Salle, elle est éga-
lement co-auteur du livre :
Aménagement du territoire :
changement de temps, chan-
gement d'espace.
n° 27  février 2014 Jeunesse
Tendances
©AndreyKiselev
« Le “rural”, c’est dépassé ! Il y a encore des choses à faire, là-bas, pour les
jeunes ? Et au fait, c’est où ? » Cela ressemble à un cliché, mais le fait est que le
milieu rural est encore aujourd’hui victime de stéréotypes d’un autre âge.
Comme si nos campagnes étaient restées figées dans le temps. Pourtant, ces
territoires et les jeunesses qui les habitent entrent dans une nouvelle ère, pleine
de défis. Un défi identitaire : comment conserver son « AOC » rurale quand les
frontières entre villes et campagnes sont de plus en plus poreuses ? Un défi pro-
fessionnel également : hormis l’agriculture, quels métiers pour les jeunes ruraux
qui ont la volonté de rester sur leur territoire d’origine ? Enfin, la question de la
mobilité se pose, entre des parents-taxis et des jeunes qui souhaitent se dépla-
cer en toute autonomie. Un équilibre reste à trouver, mais, comme l’ont souligné
les jeunes participants à la table ronde organisée par le Conseil de développe-
ment de Loire-Atlantique, le milieu rural offre un formidable creuset d’innovation
pour les jeunes qui y vivent, qui y ont grandi ou qui souhaitent s’y installer.
L’avenir de la jeunesse rurale
Jeunes des villes et jeunes
des champs : une question
d’environnement ?
Les jeunes ruraux seraient-ils si éloi-
gnés de leurs pairs urbains ? Si les
modes de vie étaient auparavant com-
plètement différents, ce n’est plus le
cas aujourd’hui. Le développement des
transports et l’avènement des nouvelles
technologies ont largement participé au
désenclavement des zones rurales. Les
populations sont également de plus en
plus mobiles et les jeunes ruraux
n’échappent pas à cette règle. Nombre
d’entre eux rejoignent les centres
urbains pour leurs études et ils y
amorcent souvent leur activité profes-
sionnelle. Parallèlement à ce phéno-
mène, la périurbanisation contreba-
lance ce flux migratoire par l’arrivée
des rurbains dans nos campagnes. Les
échanges sont donc de plus en plus
nombreux, les frontières de moins en
moins définies. Cela pourrait être
considéré comme une uniformisation
progressive de la population d’un terri-
toire, mais, selon les témoignages des
jeunes participants à la table ronde, il
s’agit plutôt d’un enrichissement. Loin
de perdre leur identité rurale, les jeunes
qui partent s’enrichissent d’autres
cultures et quand ils reviennent, ils
portent un regard neuf sur leur terri-
toire.
Marius CHAUVIN
20 ans, permanent et administrateur
du MRJC Loire-Atlantique
Édith HEURGON
Sociologue et prospectiviste du
présent
Réjane PELLETIER
29 ans, agricultrice à Sainte-Pazanne
Gilles PHILIPPOT
Vice-Président du Conseil général de
Loire-Atlantique - Sports et jeunesse
Damien ZAWADKA
16ans,lycéen,administrateurduMRJC
Loire-Atlantique
Les participants à la table ronde
17 18Un jour, un territoire
L’emploi en milieu rural :
place aux jeunes pousses !
Certains vous diront qu’en milieu rural
chercher du travail, c’est chercher une
aiguille dans une botte de foin. La ville,
par son rayonnement économique
important, offre en effet plus de pers-
pectives en termes d’emplois que la
campagne. C’est la raison de nombreux
départs de jeunes qui auraient peut-
être souhaité rester travailler sur leur
territoire d’origine.
Un secteur agricole tradition-
nel en jachère…
Aujourd’hui, en milieu rural, quelles
sont les perspectives ? Que peut offrir
la campagne à ses jeunes ? Le secteur
agricole dit « traditionnel » est en perte
de vitesse, les exploitations s’agran-
dissent et le nombre d’exploitants dimi-
nue, laissant pour compte quantité de
jeunes qui souhaiteraient s’installer. Ce
constat, Réjane, jeune agricultrice de
29 ans résidant à Sainte-Pazanne, nous
en fait part lors de la table ronde :
« Même en étant issue du milieu rural
et en ayant une formation agricole, tra-
vailler en milieu rural et reprendre une
exploitation agricole relève un peu du
parcours du combattant. Le premier
problème est l’accès au foncier, car ce
n’est pas le nombre de fermes à
reprendre qui manque, ni le nombre de
jeunes qui ont des projets d’installa-
tions. » Les opportunités ne sont pas
beaucoup plus nombreuses dans le
secteur tertiaire, la plupart des emplois
de services ou dans l’administration ne
sont accessibles qu’avec une formation
qui est très souvent dispensée… en
ville.
Quand l’innovation ouvre le
champ des possibles
Malgré les difficultés rencontrées par
les jeunes pour s’installer, le secteur
agricole est loin d’être moribond, à
condition de sortir des sentiers battus.
Ces dernières années, des marchés de
niches apparaissent ici et là, jusqu’à
créer une nouvelle économie investie
en majorité par la jeune génération.
Qu’il s’agisse du bio, des AMAPs, des
circuits courts…, une chose est sure :
local et durable ont la cote ! Dans ce
secteur, il reste encore beaucoup à
inventer et c’est certainement ce qui
plaît aux jeunes ruraux : la possibilité
de créer leur propre projet et non de
reprendre simplement celui d’un autre,
comme c’est souvent le cas dans le
milieu agricole. Sur ce point, c’est aux
politiques publiques qu’il incombe
d’arbitrer ces différentes activités agri-
coles pour parvenir à un équilibre.
Encourager les initiatives et la produc-
tion locale est un enjeu fort pour l’ave-
nir de notre département. En plus
d’être créatrice d’emplois, la diversité
agricole permet par ailleurs de créer
une alliance entre ville et campagne à
une époque où le consommateur est de
plus en plus soucieux de la provenance
de ses aliments. Des associations sont
également présentes sur le territoire
pour aider les jeunes porteurs de pro-
jets qui souhaitent s’installer et investir
dans du foncier. La CIAP1
est une struc-
ture qui permet à des jeunes d’avoir le
droit à l’erreur : les jeunes s’installent
avec l’aide d’une coopérative et si le
projet ne fonctionne pas, le jeune ne
passera pas sa vie à le payer. Cela
laisse aux débutants la possibilité de
lancer des projets, de s’essayer, sans
courir à la catastrophe financière.
Gilles Philippot
// La Loire-Atlantique encourage les initiatives innovantes.
Récemment le Département a accompagné une filière viande et un
atelier de découpe au sein duquel les porteurs de projets pourront
trouver la logistique de transformation qui leur est nécessaire afin de
diffuser leurs produits à une clientèle de proximité //
1
Coopérative d’installation en agriculture paysanne
Des MRJC qui dynamisent les campagnes
Le Mouvement rural de jeunesse
chrétienne est une association d’éducation
de jeunesse populaire. Son objectif est
d’aider les jeunes à avoir une vision plus
large de leur environnement et de devenir
acteurs du monde rural dans lequel ils
évoluent. En Loire-Atlantique, les jeunes
du MRJC forment des équipes, choisissent
un projet et se donnent les moyens de le
réussir. Les MRJC sont particulièrement
actifs sur l’emploi, l’éducation et
l’agriculture.
+ d’infos : http://paysdelaloire.mrjc.org/
Le point de vue d’Édith Heurgon
Une campagne qui bouge
50 cm3
ou le moteur de la
liberté
Souvent réclamé dès l’âge fatidique de
14 ans, le scooter est un facteur d’indé-
pendance très important pour les
jeunes ruraux. Que ce soit pour
rejoindre le club de sport, aller chez
des copains ou simplement effectuer
les trajets vers le collège, être motorisé
facilite grandement la vie des ados… et
des parents-taxis. Car si le jeune urbain
a une multitude de possibilités pour se
rendre à ses différentes activités, les
choses se corsent pour le jeune rural.
En campagne, les transports publics
répondent principalement aux besoins
des déplacements pendulaires, mais
ne sont pas forcément en adéquation
avec les besoins des jeunes, qui s’appa-
renteraient plus à des déplacements de
proximité ou des déplacements trans-
versaux.
Un département qui roule
pour le covoiturage
Toutefois, il faut bien comprendre que
les solutions de transports collectifs de
la ville ne peuvent pas s’appliquer en
territoire rural et ceux qui ont essayé de
dupliquer ce modèle avec des liaisons
transversales ont échoué, à cause de la
difficulté à concilier rotations fré-
quentes et réalité financière d’exploita-
tion. Il y a donc là un champ d’invention
et d’innovation radicale qui est rendu
possible du fait de l’utilisation crois-
sante des TICs. Le partage et l’usage
collectif de véhicules individuels sont
déjà en pleine expansion et la Loire-
Atlantique peut se targuer d’être un des
départements qui encouragent le plus
le covoiturage. Selon Édith Heurgon,
sociologue et prospectiviste du présent,
les solutions sont peut-être plus dans
le partage entre citoyens que dans le
développement des transports collec-
tifs : « Dans le rural, il n’y a pas de
culture des transports collectifs. De
plus, la mobilité, ça s’apprend, il faut
informer, mais aussi former. à Paris, à
Nantes, le vélo en libre-service, ça a
marché, car il y en a eu beaucoup, tout
de suite. Proposer quatre vélos à la
sortie de la gare n’aurait pas suffi. Il
faut mettre le paquet et une nouvelle
habitude se crée. La mobilité, ce n’est
pas que le transport et le déplacement.
C’est aussi dans la tête. »
Sortir de son pré carré
Faire voyager les jeunes, c’est donc
une idée séduisante, mais pas forcé-
ment évidente à mettre en œuvre.
Certains jeunes ne conçoivent même
pas d’aller chercher un stage ailleurs
que dans leur commune. Il ne s’agit
pas là d’un comportement inhérent à
la ruralité, mais bien d’une histoire
d’espace vécu. En effet, dans de nom-
breuses villes, certains jeunes ne
sortent pas de leur quartier et ne se
rendent même pas au centre-ville. Être
mobile, c’est donc la résul­tante d’un
apprentissage. Être mobile en milieu
rural et être mobile en milieu urbain,
ce sont deux choses diffé­rentes. Si
pour le modèle urbain un système de
transport est déjà bien installé et a fait
ses preuves, pour le milieu rural, tout
reste encore à inventer.
Réjane Pelletier
// Je suis née à Sainte-
Pazanne. Au départ cette
commune était vraiment rurale.
Aujourd’hui, entre piscine, train,
associations… le paysage a beaucoup
changé à tous points de vue. Alors ruraux,
oui, dans le cœur, mais les avantages
urbains se sont propagés jusqu’à nous //
©MARIDAV
©FRANCKREPORTER
Marius Chauvin
// L’agriculture, ça m’attire,
c’est dans mes projets. Mais
il y a des difficultés pour
s’installer, sans parler de
l’investissement. Vivre à la campagne
pour survivre, ça ne m’intéresse pas.
C’est dur de penser à s’installer sans
prendre en compte les risques //
// Pour apprécier les
qualités d’un territoire, il
faut en avoir vu d’autres,
c’est pourquoi il faut
encourager les jeunes
à quitter leur territoire et à voir
d’autres horizons. Il faut créer une
culture du nomadisme //
19 20Un jour, un territoire
Envie de réagir ?
Retrouvez-nous sur notre blog :
http://conseil-developpement.loire-
atlantique.fr
Mais aussi sur Facebook et Twitter !
Damien Zawadka
// Je fais du sport tous les
samedis. Je fais du roller et je
vois des amis, des personnes
que je n’aurais pas rencontrées
au collège et que maintenant je vois même
en dehors du roller. Les associations
sportives, c’est une opportunité de plus
pour rencontrer du monde //
©BRADDY
2
Creuset, mélange de populations
Semer les graines
du changement…
En bref
// Rural, urbain ? Nous assistons plutôt à une
interpénétration de ces deux milieux. Pour autant,
ne prenons pas le pire de chacun des deux, mais
tirons-en plutôt la quintessence ! L’important est
d’équiper le territoire pour que tout le monde y soit
bien. En milieu rural, les gens se connaissent quand
même mieux qu’en milieu urbain et il faut jouer sur
cette force. On a bien compris que le grand enjeu,
c’est comment proposer des choses qui fassent des
jeunes des acteurs de leur avenir //
Se questionner sur ce que peut appor-
ter la campagne aux jeunes est tout à
fait légitime. Mais pourquoi tout
attendre du territoire ? Les TICs repré-
sentent un outil de développement
formidable pour le milieu rural, les
possibilités d’inventer, de réinventer,
sont infinies. Il faut maintenant amener
ces jeunes à mettre leurs connais-
sances de ces outils au service de leur
espace.
… pour faire germer des voca-
tions
Car c’est un peu ça, le nerf de la
guerre  : comment amener les jeunes à
participer et à monter des projets ? La
plupart ne s’intéressent pas aux
démarches institutionnelles mises à
leur disposition, car celles-ci ne leur
correspondent pas. Pourtant, les
jeunes se mobilisent autant que les
générations précédentes, simplement
leur façon de s’engager est différente.
Leur intérêt est souvent corrélé à la
rapidité de concrétisation des projets.
Les jeunes veulent se sentir acteurs,
pas assistés, c’est donc en amont qu’il
faut les solliciter. Une commune sou-
haite créer une maison des jeunes ? Eh
bien que ces jeunes soient associés aux
réunions, qu’ils donnent leur avis, qu’ils
suivent le chantier… Et que les réunions
ne se passent pas toujours dans les
lieux institutionnels. Impliquer les
jeunes dans de tels engagements ne
peut que les responsabiliser et leur
donner envie de promouvoir ce type de
démarche dans leur communauté.
Le milieu associatif, véritable
« melting-potes »
Dans cette logique participative, les
associations ont véritablement une
carte à jouer. Ces lieux sont d’une
grande importance, particulièrement
en milieu rural, car ce sont des vec-
teurs de rencontres indispensables aux
jeunes en dehors des établissements
scolaires. Les associations, notamment
sportives, permettent de faire des ren-
contres parfois improbables et de créer
un « melting pot2 
» entre différentes
classes sociales. Selon Gilles
Philippot  : « C’est un creuset d’actions
sociales, où l’on peut assumer ses pre-
mières responsabilités. Cela peut faire
l’effet d’un révélateur sur certaines
personnes. Ce sont des codes qui
peuvent compter, même à postériori, et
peuvent influencer des choix que l’on
aura à faire plus tard. » Pourtant, ces
associations sont de moins en moins
fréquentées, elles ne sont peut-être
plus adaptées à la nouvelle façon de
vivre des jeunes. Une présence accrue
des associations et des animateurs
socioculturels sur les réseaux sociaux
pourrait être une bonne piste.
Une jeunesse en mode projet
Lajeunegénérationrépondàunelogique
d’immédiateté et a surtout besoin de
résultats concrets dans ce qu’elle entre-
prend. C’est pourquoi les associations
commelesinstitutionsdevraientprendre
cela en compte et proposer dans un pre-
mier temps des actions qui peuvent
aboutir dans un délai court. Cela per-
mettraitauxjeunesdedécouvrirlemode
projet et leur donnerait envie de s’enga-
ger sur du plus long terme. Cela peut
commencer par la création de lieux qui
leur seraient dédiés. Même si, à priori,
lescompétencesnesontpastoujoursau
rendez-vous,cequicomptec’estqueces
jeunessoientsollicités,carilsaimentles
défis et bénéficieront ainsi d’une expé-
rience formatrice et certainement révé-
latrice de talents.
Rencontreavec
RéjanePELLETIER
DamienZAWADKA
&MariusCHAUVIN
J’aimerais aussi donner l’envie, pas
forcément à mes enfants, mais l’envie
aux générations qui suivent, et surtout
le choix de pouvoir devenir paysan un
jour.
Les rurbains, qu’en pensez-
vous ?
Réjane : Eh bien, pour moi ce sont des
copains, des parents d’élèves comme
nous. Ils sont intéressés par la vente
directe de nos produits, ils sont très
demandeurs. Après, sur les 5 000
habitants de la commune, il y en a
toujours un qui va critiquer parce que
ça sent le fumier, mais on ne retient
pas celui-là, on retient les autres.
C’est avant tout des copains, et on est
bien contents qu’ils viennent quand
même !
Votre vie dans vingt ans,
comment la voyez-vous ?
Marius : Moi, je me vois agricul-
teur, avec un élevage de poules
pondeuses ; j’aimerais créer éga-
lement un lieu d’échange de
savoirs entre les personnes pour
recréer une dynamique dans les
villages.
Damien : Dans vingt ans, je me
vois bien animateur, dans le
milieu rural, mais pas dans la
campagne profonde, hein ! (rire)
Réjane : Dans vingt ans, j’espère
que je serai toujours paysanne à
Sainte-Pazanne, j’espère qu’on
aura réussi à faire de notre ferme
ce qu’on avait envie d’en faire
quand on s’est installés, c’est à
dire valoriser au mieux nos pro-
duits et pouvoir créer de l’emploi.
“Donnerl’envieetlechoixà
nosenfantsdepouvoirdevenir
agriculteurs”
21 22Un jour, un territoire
ANNE-SOPHIE
NOVEL
2013
a présenté la conférence inti-
tulée :
La consommation
collaborative
Docteur en économie
et experte auprès du Conseil
Economique et Social
Européen, elle exerce en tant
que journaliste pour le quoti-
dien Le Monde et blogueuse
spécialisée dans l’innovation
sociale, l’économie collabo-
rative, l’écologie et les alter-
natives durables.
Conférencière reconnue,
Anne-Sophie Novel est inter-
venue pour : Les Ateliers de
la Terre, la Conférence sur le
Climat de Copenhague,
le Forum mondial
Convergences, etc. Elle
intervient également aux
assises nationales
de la finance participative.
// Cette conférence fut un échange très riche et très participatif, l’intérêt
de l’assistance était vif, les échanges nombreux et j’ai eu un grand
plaisir à débattre avec elle et les équipes du conseil de développement !
La Loire Atlantique est un territoire dynamique pour accueillir ces initia-
tives. De nombreuses start-up s’y sont implantées et cela en fait donc
une antenne française non négligeable dans le domaine de l’économie
collaborative. Je pense notamment à GreenRaid, Troovon, Talentroc,
B2Biz, les Disco Soupe ou encore le travail mené par l’association PING.
Si je devais conseiller une lecture, ce serait le prochain ouvrage de
Jeremy Rifkin qui sera consacré à cette économie, il se met lui aussi à
la CoRévolution ! //
n° 29  AVRIL 2014
Trop de produits, trop de services, trop de tout, dont au
final nous n’avons pas vraiment besoin. Notre société a
poussé la consommation à son paroxysme. À force de
possession boulimique, certains d’entre nous en arrivent
à l’écœurement. Pouvoir d’achat en berne, refus de
jeter à tout va ou encore vrai ras-le-bol du système,
autant de raisons qui font de la consommation collabo-
rative une tendance essentielle. Signe d’une remise en
question plus profonde, le terme « économie collabora-
tive » est de plus en plus employé. Jusqu’à quel point
cette alternative influencera-t-elle notre avenir ? Les
impacts sociaux et financiers de ces innovations
sociales sont encore flous, mais les adeptes, de plus en
plus nombreux. En novembre dernier, l’économiste
blogueuse Anne-Sophie Novel est venue nous éclairer
sur cette tendance.
Innovation
La consommation
collaborative
La conférencière
Anne-Sophie NOVEL
Docteur en économie et experte auprès du Conseil économique et social européen.
Journaliste, conférencière et blogueuse spécialisée dans l’innovation sociale,
l’économie collaborative et les alternatives durables.
Sur fond de crise et de défiance géné-
ralisée, la consommation collaborative
s’immisce dans notre quotidien grâce à
la démultiplication des services favori-
sant l’usage et le partage de biens
plutôt que leur possession… Mais cette
tendance n’en est pas à son coup d’es-
sai.
Coup d’œil dans le rétroviseur
Le nom de Napster vous rappelle-t-il
quelque chose ? C’est l’un des premiers
sites web grâce auxquels l’échange de
pairs à pairs (Peer-to-Peer) a été
démocratisé. Napster, dans sa 1re
ver-
sion, en 1999, était dédié à l’échange de
fichiers musicaux, et ce… gratuitement !
Cela n’a d’ailleurs pas été sans déclen-
cher des poursuites en justice intentées
par l’industrie musicale. Le succès de
cette plateforme avant-gardiste repo-
sait déjà sur deux fondements de la
consommation collaborative : le par-
tage et l’usage de données, objets, etc.
La porte d’entrée n’est pas exclusive-
ment technologique, mais l’explosion
du web a largement contribué à
remettre au goût du jour le troc.
Mieux utiliser plutôt que
posséder
Tendances
Décryptage. Un vent qui
souffle un Français sur deux
vers la sobriété volontaire
Financier, humaniste ou écologique,
l’intérêt pour ce mode alternatif diffère
d’une personne à l’autre. Face au sys-
tème généralisé de possession à
outrance, l’apparition de la consomma-
tion collaborative peut s’apparenter au
combat de David contre Goliath.
Pourtant, pas de quoi faire monter la
cote d’alerte en vigilance rouge pour
cette crue exceptionnelle de nouvelles
pratiques, qui pour certaines remettent
en avant des coutumes plus anciennes.
Attention aux coups de vent tout de
même, certaines pratiques risquent de
bouger dans notre société !
Coups de vent en rafales
L’ampleur grandissante de ce mode de
partage provient de l’imbrication de
plusieurs facteurs tantôt sociétaux,
tantôt économiques ou encore techno-
logiques. Pour n’en citer que quelques
exemples : la démographie et la mobi-
lité croissantes des individus sur leur
territoire, le déploiement de nouvelles
technologies décuplant les possibilités
d’échanges d’information, et bien sûr,
la prise de conscience que les res-
sources de notre planète ne sont pas
infinies.
Avis de tempête sur notre
société de consommation
En cette période de grands change-
ments, nos concitoyens se questionnent
et se tournent vers un mode de vie où la
recherche de sens est au cœur de leurs
actions. Ils regagnent leur autonomie
de jugement, se révèlent être des usa-
gers du territoire plus responsables,
des consommateurs plus actifs, plus
citoyens. Les valeurs plébiscitées par
ces consommateurs, souvent connec-
tés, sont la confiance, l’ouverture, la
reconnaissance et, de plus en plus le
lien social réinventé. C’est aussi cela
qui conduit la moitié des Français à
penser différemment, qu’ils soient
dans leurs rôles de consommateur,
d’actif ou, plus généralement de
citoyen.
// Si le xxe
siècle
était celui de la
possession,
le xxie
siècle est
sans conteste
celui du partage //
// La confiance avant
tout pour passer du
moins au mieux ! //
Consommer autrement, est-
ce vraiment possible ?
Bien sûr ! Posséder ensemble ou ne
plus posséder du tout, c’est l’esprit
de la consommation collaborative.
Les solutions varient selon deux
axes : le partage avec d’autres,
grâce à des échanges directs, et le
choix de l’usage plutôt que de la
propriété. Le tout est donc de savoir
si vous êtes prêt à posséder un bien
ou un service avec d’autres per-
sonnes, ou si vous voulez seulement
en avoir l’usage selon vos besoins.
De fait, les idées ne manquent pas :
vide-placard, covoiturage, finance-
ment participatif ou encore habitat
partagé sont autant de solutions de
la vie share1
, si différentes soient-
elles.
©montiannoowong
1
Share = partagé
Du partage de notre
monde à un monde
de partage
Non, ce n’est pas du groupe de musique
électro nantais (C2C) que nous parlons ici,
mais de ce mouvement de Consommateur
à Consommateur par opposition au BtoB
ou au BtoC2
. Donner une deuxième vie aux
objets en les revendant à d’autres est
l’exemple parfait du CtoC.
Le CtoB aussi prend son envol, mais plus
doucement. La fidélisation par l’image de
marque serait-elle dépassée ? Pas forcé-
ment, mais elle prend une nouvelle tour-
nure. Certains fabricants s’emparent de
cette idée en donnant la liberté et les
moyens à leurs clients d’apporter eux-
mêmes de la valeur ajoutée à leur
marque. En externalisant de la sorte, le
consommateur est plus qu’acteur : il
devient créateur.
En savoir plus : fr.eyeka.com
Du troc, bien sûr, mais pas
seulement
Pas toujours facile de s’y retrouver
parmi les initiatives qui foisonnent ces
derniers mois sur nos territoires.
Certaines remettent au goût du jour
des pratiques anciennes, d’autres
sortent complètement des sentiers
battus. La plupart utilisent les plate-
formes web comme outil d’intermédia-
tion. Les possibilités de classer les ini-
tiatives sont nombreuses, c’est
pourquoi Anne-Sophie Novel nous
propose de les regrouper en quatre
catégories :
• Le troc : c’est l’idée de donner une
deuxième vie aux objets, mais c’est
aussi échanger ses savoirs, son
temps…
• Le partage d’un usage : l’autopartage,
comme Marguerite, ou les vélos en
libre-service, comme les Bicloos nan-
tais, sont des exemples types. Le
couchsurfing3
en est un autre, qui
remet l’hospitalité au goût du jour.
• La consomm’action : les projets
naissent d’un élan collectif et les
actions peuvent intervenir à différents
niveaux (crowdsourcing4
) : de l’idée du
produit, de la validation du concept ou
du financement du projet, les porteurs
de projets en appellent à la commu-
nauté d’usagers pour supporter des
projets variés.
• Le savoir-vivre ensemble renouvelé :
au-delà de l’habitat partagé, ou de la
mixité intergénérationnelle, des initia-
tives toutes simples, telles que les
« biens suspendus », se développent un
peu partout. Le concept : vous payez un
café ou une baguette en plus, qui sera
offert par le commerçant à une per-
sonne qui n’en a pas les moyens.
L’avenir de la consommation
sera-t-il majoritairement col-
laboratif ?
La consommation collaborative est-elle
une vague en passe de changer le
monde ? Les trois quarts de ceux qui
ont modifié leurs comportements
déclarent qu’ils ne feraient pas machine
arrière. Et vous ? Globalement, les
acteurs socio-économiques s’ouvrent
de plus en plus à la coopération. La
donne change sur la place occupée par
le consommateur, particulièrement au
sein de l’économie. Mais, ne nous le
cachons pas, les Français ont toujours
ce rapport ambigu à la consommation.
Elle relève souvent de l’achat plaisir et
85 % d’entre eux estiment même
qu’elle est vitale à la croissance de
notre pays. L’envol de cette économie
de la contribution soulève tout de même
quelques questionnements pour l’ave-
nir.
Une pratique permise unique-
ment sur le net ?
Si la plupart des initiatives de partage
se font via internet, de parfaits inconnus
se rencontrent toujours dans la vie
réelle pour partager et échanger. Le
téléphone peut également tirer son
épingle du jeu (par exemple : « Alter-
Ego.cc » (service d’écoute), ou encore
« j’aime Belleville » (entraide de quar-
tier).
Avez-vous la confiance 2.0 ?
Dans la consommation collaborative, le
baromètre de confiance des plate-
formes web, c’est avant tout l’avis de la
communauté. La pérennité des initia-
tives est conditionnée par la construc-
tion rapide et durable de la réputation
que vous lui donnerez. Et sur ce terrain,
rien n’est laissé au hasard. S’il existe
encore quelques lacunes pour garantir
l’indice de confiance des sites, des ini-
tiatives sont menées pour les sécuri-
ser, mais aussi pour renforcer le sys-
tème d’authentification de l’identité
numérique de chacun.
Concurrence déloyale ou rup-
ture des usages ?
Plusieurs acteurs traditionnels du mar-
ché, hôteliers, taxis…, brandissent le
bouclier. Les services communautaires,
portés par des start-up, qui parfois
adoptent une posture bon enfant, dés-
tabilisent un système économique qui
peine à retrouver son équilibre.
Par manque de recul, le doute plane
sur le potentiel de ce nouveau modèle
à générer des emplois durables. Là
encore, cette économie collaborative
suggère l’adaptation de nos indicateurs
de richesse et de valeurs, allant au-
delà du PIB, indicateur phare du sys-
tème actuel. Le bonheur intérieur brut,
vous y croyez ?
©ImageegamI
2
C = Consommateur, B = Professionnel (business)
3
Couchsurfing = littéralement, surfer sur les canapés (loger chez différentes personnes inconnues pendant un voyage)
4
Crowdsourcing = littéralement, qui émane de la foule (interaction avec une communauté de consommateurs / usagers)
Prévisions
« consommatologiques »
CtoC, vous connaissez ?
23 24Un jour, un territoire
// Au cours de sa vie de perceuse, celle-
ci ne sera utilisée que douze minutes.
Votre véhicule est à l’arrêt plus de 90 %
du temps.13 % des espaces de travail
sont libres en permanence… Alors,
pourquoi ne pas les partager ? //
Tendances n°18, à
redécouvrir !
… bon plan ou mouvement de destruc-
tion créatrice ? Bien que certains
contours, notamment réglementaires,
soient encore flous, la vie share a le
vent en poupe. Son essor, lié à internet
et aux réseaux sociaux, bouscule le
modèle économique traditionnel. Quant
aux entreprises, elles s’inquiètent à tel
point que, pour survivre, elles devront
faire avec les valeurs de l’économie
collaborative. Avis de tempête, ce mou-
vement risque d’en décoiffer plus d’un !
©HSVRS
Karine Niego
Greenraid
Partager, commenter, éva-
luer les lieux « verts » de la
Loire-Atlantique, voilà ce que propose
l’application Green Raid. Un outil parti-
cipatif au service du partage d’informa-
tion de proximité.
www.greenraid.fr
Gaëlle Le Rezollier
Nous&Co
Agir et mieux vivre ensemble
grâce à un support local
interactif( 20kmmax.autourdeNantes )
d’échanges et de services collaboratifs,
avec la plateforme monecocity.
www.monecocity.fr
Maude Frachon
Disco Soupe
Sensibiliser au gaspillage
alimentaire en s’appropriant
de manière festive et solidaire l’espace
public et le rebut alimentaire. Élan
international avec une équipe dyna-
mique sur Nantes.
https://www.facebook.com/DiscoSoupe
Thomas Derosne
MyNewStartup
S’adresser aux petits et
grands investisseurs et facili-
ter la mise en œuvre de projets grâce à
cette plateforme de finance participa-
tive. Vivre une création d’entreprise par
procuration.
www.mynewstartup.fr
Alexandre Heuzé
Talentroc
Favoriser l’échange de com-
pétences en troquant sa
matière grise - langues, informatique,
culture, bricolage, loisirs…
www.talentroc.com
La consommation collaborative…
Envie de réagir ?
Retrouvez-nous sur notre blog :
http://conseil-developpement.loire-atlantique.fr
Initiativesà l’honneur
en Loire-Atlantique
25 26Un jour, un territoire
Rencontreavec
Anne-Sophie
NOVEL
alternative que ça. La consommation
collaborative s’ancre dans les mœurs,
les gens considèrent de plus en plus
que le don, le troc ou l’échange entre
particuliers est un mode de consom-
mation comme un autre. Trois quarts
de ces nouveaux adeptes resteraient
dans ce type de pratiques même si la
situation économique devait s’amélio-
rer dans les années qui viennent. C’est
pour ça qu’aux États-Unis on observe
de gros mouvements d’investisse-
ments sur des start-up qui sont finan-
cées par des fonds très importants.
Des sommes d’argent considérables
La consommation collabora-
tive, de quoi s’agit-il ?
Anne-Sophie NOVEL : La consomma-
tion collaborative, c’est un terme qui
est apparu au début des années 2000
et qui s’est démocratisé à partir de
2006-2007. Il qualifie tous les services
qui permettent de favoriser l’usage sur
la propriété. C’est-à-dire tout ce qui
concerne le don, le troc, l’échange, et
surtout les échanges entre particu-
liers. C’est ce que l’on appelle le peer-
to-peer et qui fait qu’aujourd’hui, en
France, plus de 500 jeunes start-up
proposent à des particuliers de s’auto-
organiser pour consommer différem-
ment et trouver des solutions en
temps de crises.
Ce mode de consommation,
effet de mode ou tendance
lourde ?
On est plutôt sur une tendance de
fond, une tendance lourde et de long
terme. Nous sommes dans une crise
qui n’en est pas vraiment une, car
nous sommes dans une période de
transition. Certains parleront de
renaissance. Les dernières études
auxquelles j’ai pu avoir accès, faites
par des instituts de sondage, comme
IPSOS ou l’OBSCOCO (Observatoire
Société et Consommation), montrent
que ce qui peut passer pour une
consommation alternative n’est plus si
“Nous
sommesdans
unepériode
detransi-
tion,voirede
renaissance”
sont misées sur ces nouveaux ser-
vices.
Économie traditionnelle et
consommation collaborative,
vers une vision commune ?
Ce qui se passe, c’est que l’économie
traditionnelle est en train, petit à petit,
de s’adapter. Elle intègre progressive-
ment les logiques collaboratives. On le
voit notamment avec la multiplication
des communautés internet que les
marques de l’économie traditionnelle
utilisent et avec lesquelles elles
peuvent cocréer du contenu ou des
produits. Si on va plus loin, ça va tou-
cher aussi le management des organi-
sations. D’un autre côté, les nouveaux
services d’organisation entre pairs
vont pousser les services traditionnels
à revoir la façon dont ils vont concevoir
un produit. L’économie sera peut-être
plus servicielle. Plutôt que de voir ça
comme une menace, par exemple
comme l’arrivée du mail avec le cour-
rier, l’économie traditionnelle se dit
qu’elle n’a peut-être pas le choix que
d’embrasser ce type de nouvelles pra-
tiques. Pour bien s’adapter, rien de
mieux que d’anticiper.
27 28Un jour, un territoire
BERTIER
LUYT
2013
a présenté la conférence inti-
tulée :
L’impression 3D
Entrepreneur malouin de 38
ans, Bertier Luyt se lance
dans la création d’entre-
prises (fondateur du
Fabshop) après un parcours
réussi dans la musique.
Mordu d’artisanat et de nou-
velles technologies, il est à
l’initiative en octobre 2013 de
la première Maker Faire en
France, foire de l’artisanat
futuriste et ode à la créativité
citoyenne ! Il vit aujourd’hui
de ses deux passions. Tour
d’horizon d’un parcours aty-
pique.
// La Loire-Atlantique est incontestablement une terre d'innovation
pour tous. Nous avons retiré de cette participation un échange réelle-
ment enrichissant, des personnes intéressées, une envie commune.
Les Nantais ont été à la hauteur de leur réputation.
Ce département nous a démontré qu'il était un terreau fertile pour
l'impression 3D et le Maker Mouvement. Que se soit sur les chantiers
navals ou au FabLab de Nantes, ces personnes n'ont rien à prouver au
Maker movement. Il y a parfois juste des Makers qui s'ignorent //
n° 28  FéVRIER 2014
Imprimer en 3D… La simple expression peut laisser perplexe, car, dans un premier temps,
nous tentons tous d’imaginer comment notre imprimante de bureau pourrait fabriquer des
objets. Afin de démystifier le phénomène, Bertier Luyt est venu nous présenter ce qu’est
vraiment l’impression 3D. Bien au-delà du simple prototypage rapide, ces machines sont
en réalité le symbole d’une révolution industrielle beaucoup plus large. Basée sur une
culture créatrice prônant coproduction, partage et réflexion ouverte, cette révolution se
tient à la croisée des savoir-faire traditionnels en matière de bricolage et d’ l’utilisation de
machines digitales à la pointe de la technologie. En effet, c’est tout un monde qui est à
l’origine de l’impression 3D et qui l’accompagne aujourd’hui. Un monde composé de
Makers, de Hackers, de Fablabs et autres Techshops (dico p. 4). Bienvenue dans l’univers un
peu étrange des bidouilleurs futuristes qui vont changer notre économie.
Innovation
L’impression 3D
Emblèmed’unerévolutionindustrielle
Fais-le toi-même !
Si aux États-Unis on parle du « Maker
Movement », en France il s’agira plutôt
du mouvement « Do It Yourself » (faites-
le vous-même). Ce mouvement de
création ne date pas d’hier, mais il s’est
considérablement accéléré avec l’appa-
rition et la démocratisation d’internet.
Tout a commencé au Massachusetts,
où un enseignant a observé que ses
étudiants revenaient après les cours
dans les ateliers du MIT1
pour y conce-
voir leurs propres créations. Ce constat
l’a amené à créer le premier Fablab, un
laboratoire de fabrication collectif, en
2003. Les élèves avaient accès à ce
laboratoire, à la seule condition de
documenter les projets qui y étaient
Le conférencier
Bertier LUYT
Fondateur du « Fabshop » et
coauteur du livre L’impression
3D. Il a également organisé la 1re
« Mini Maker Faire » de France, à
Saint-Malo, en 2013.
menés et de partager leurs créations
avec les autres étudiants. C’était la
naissance du « Do it with Others ».
Et partage-le !
L’arrivée du web 2.0 marque un tour-
nant dans l’histoire du Maker
Movement. Les bricoleurs s’appro-
prient les moyens de communication de
ce nouveau web. Les forums, blogues,
sites communautaires et sites spéciali-
sés fleurissent et décuplent les possi-
bilités des bricoleurs tant en termes de
création qu’en termes de conseil et de
dépannage. En 2004, l’expression
«  Maker Movement » est employée
pour la première fois, elle
1
MIT : Massachusetts Institute of Technology
Tendances
Le Maker
movement
29 30Un jour, un territoire
Les Fablabs donnent vie aux
idées
Traductible par « laboratoire de fabrica-
tion », il y en a aujourd’hui 120 dans le
monde. Ces ateliers se trouvent encore
pour la plupart au sein des grandes
universités américaines, même s’ils ont
de plus en plus tendance à s’affranchir
des structures éducatives. Ces espaces
sont ouverts à tous, que l’on soit en
recherche d’inspiration ou que l’on ait
déjà un projet en tête. La seule condi-
tion d’accès est le partage de la
connaissance avec autrui. Autrement
dit, si vous souhaitez développer un
projet ultra secret, passez votre che-
min. Par contre, si vous avez dans l’idée
de reconstruire la poignée de votre
réfrigérateur introuvable dans le com-
merce, vous êtes au bon endroit ! Des
logiciels de modélisation 3D aux
machines à commandes numériques,
en passant par des machines-outils, de
l’électronique ou du petit outillage, tout
est là pour favoriser la création. Vous
souhaitez des équipements plus lourds,
car vous avez vu les choses en grand ?
Le Techshop sera dans ce cas plus
adapté. Munies d’outils industriels, ces
structures beaucoup plus grandes sont
équipées comme de véritables usines.
Dans ces endroits se croisent toutes
sortes de populations qui ont un point
commun : la passion de la création.
Autant dire qu’il s’agit de véritables
incubateurs qui peuvent donner nais-
sance aussi bien à un tout petit produit
qu’à une grosse société.
Quand l’usine est à portée de
clic
Mais comment faire si on a l’âme d’un
Maker, mais qu’il n’y a pas de Fablab ou
de Techshop dans les environs ? Pas de
panique, avec internet aujourd’hui,
l’usine est à portée de clic. N’importe
quel Maker, quelle que soit sa localisa-
tion, peut passer d’une idée au projet,
et du projet au produit. Découper au
laser, faire de l’usinage numérique ou
imprimer en 3D est désormais possible
depuis son canapé. Des sociétés
comme Ponoko ou Sculpteo2
proposent
ces services sur internet. Avec ces
usines en ligne, le privilège de l’utilisa-
tion des machines de prototypage
rapide est accessible à tous, de n’im-
porte où. Tout comme l’avènement du
blogue a fait perdre le privilège de l’in-
formation à la presse, les outils de
prototypage rapide que l’on trouve dans
les Fablabs, dans les Techshops ou tout
simplement sur internet vont sans
doute à terme capter une partie du pri-
vilège de l’innovation aux industriels.
Ces machines offrent la possibilité de
produire de petites séries, mais aussi
des pièces uniques de haute technolo-
gie.Unautreatout,etpasdesmoindres,
c’est qu’elles permettent de multiplier
inspirera le titre de la revue spécialisée
du genre en 2005 : Make Magazine. En
dix ans, le Maker Movement a pris une
ampleur considérable outre-Atlantique.
En 2006, les États-Unis voient naître le
premier Techshop : 3 000 m2
de
machines industrielles mises à la dis-
position du public. Principalement fré-
quenté par les ingénieurs de la Silicon
Valley, le Techshop le Techshop assiste
à l’éclosion des idées et des projets qui
peuvent prendre forme très rapide-
ment. Il y a fort à parier que dans les
années à venir, de grandes compagnies
et de grands projets y verront le jour.
2
Ponoko : www.ponoko.com - Sculpteo : http://www.sculpteo.com/fr/
C’est beau, c’est ludique et sympa, OK.
Mais l’impression 3D, c’est souvent
générateur de déchets plastiques. C’est
ce constat qui a poussé le Fabshop à
élaborer le premier filament de plastique
à base d’algues pour l’impression 3D, une
innovation en la matière.
La foire du faire faire faire !
La troisième
révolution industrielle ?
Le magazine Make organise tous les ans
un salon destiné aux Makers : la « Maker
Faire ». La Makerquoi ? La Maker Faire,
c’est un salon où les Makers du monde
entier se retrouvent pour partager leurs
créations, bricolages ou projets avec
leurs pairs. Le but du jeu consiste à
montrer son travail, à recueillir l’avis
d’autres participants et, pourquoi pas, à
trouver des collaborateurs pour monter
d’autres projets. Ces manifestations sont
des références, elles accueillent 90 000
personnes et plus de 1 000 exposants sur
un week-end. À côté des grosses éditions
américaines fleurissent ici et là des Maker
Faires de plus petite envergure, on les
appelle les mini Maker Faires. Rien qu’en
2013, il y en a eu une centaine dans le
monde, dont une en France, la première, à
Saint-Malo !
Des déchets pas très verts
©Makerbot®
les centres de production et de les rap-
procher des consommateurs. Dans les
années à venir, les initiatives des
Makers vont se multiplier, les fabri-
cants de pièces en local seront de plus
en plus nombreux, entraînant une nou-
velle économie. Il s’agit bien là d’une
révolution des usages, de la pratique et
de la façon de générer des flux finan-
ciers.
Des millions en 3D
La révolution a aussi ses héros. Le
mouvement des Makers ne serait pas
ce qu’il est sans des personnalités
comme Dale Dougherty, le Steve Jobs
du mouvement des Makers. C’est d’ail-
leurs lui qui est à l’origine de l’expres-
sion « Maker Movement », mais égale-
ment de la progression du web vers le
2.0. L’autre personne emblématique du
mouvement n’est autre que l’inventeur
de l’imprimante 3D : Bre Pettis. Ce
blogueur a fondé en 2008 le New York
City Resistor Club : un Hackerspace où
des passionnés détournent des objets
électroniques de leur usage premier.
Par exemple, l’un des membres du
NYCRC a fabriqué une veste de course à
pied couverte de LEDs fluorescentes qui
s’allument au rythme de l’activité car-
diaque. Pour ce faire, le Maker a détour-
né l’usage de son cardiofréquence-
mètre. Des multiples projets et
expériences qui y ont été menés est née
la première machine à prototypage
rapide que l’on appelle aujourd’hui
l’imprimante 3D. Accompagné de deux
collègues, Bre Pettis monte alors en
2009 une société : Makerbot®. Cette
marque est devenue leader sur le seg-
ment de l’impression 3D en commercia-
lisant plus du quart de la production
mondiale. En juin 2013, Makerbot® a
été rachetée pour 403 millions de dol-
lars, la firme emploie 600 personnes et
appartient désormais au plus gros
groupe industriel de prototypage rapide
au monde.
Imprimer en 3D !
Bertier LUYT
// L’un des secteurs les
plus porteurs est sans
doute celui de la santé.
L’imagerie médicale
attend beaucoup de l’impression
3D. Préparer des opérations en
amont ou fabriquer des pièces
de remplacement (des prothèses
par exemple) sur mesure est en
passe de devenir une réalité. Dans
quelques années, le bio-printing
et l’impression d’organes à partir
de ses propres cellules seront des
procédés courants //
Une publicité un peu menson-
gère
Maintenant que tout le monde est au
point sur les Fablabs, Makers et
Hackerspace (si ce n’est pas le cas,
rendez-vous en page 4 pour une séance
de rattrapage), il est temps de com-
prendre le fonctionnement de cette
curieuse machine. Le procédé n’est pas
si complexe puisqu’il consiste à super-
poser de fines couches de filaments
pour fabriquer des objets en 3 dimen-
sions. Jusque-là, tout va bien. Sauf que,
à en croire les médias, ce procédé
permettrait à n’importe qui de fabri-
quer tout et n’importe quoi à domicile.
Malheureusement (ou heureusement),
la réalité de l’impression 3D n’est pas
vraiment la même que celle qui est
vantée dans la presse ou sur internet.
Cette technologie se voit en effet sou-
vent octroyer des propriétés qu’elle n’a
pas. Bien que le nom d’origine soit
« prototypage rapide », imprimer en 3D
est en fait… très lent ! Et la lenteur
s’accroît proportionnellement à la taille
et à la précision du modèle à fabriquer.
Pour fabriquer un objet 3D rapidement,
il faut un objet aux contours peu précis
et petit. Autre point d’amélioration : le
coût. Le plastique utilisé par ces
machines a un coût, et pas des
moindres : 50 € le kilo. Les échecs
d’impression sont courants et il n’est
pas rare de devoir recommencer la
fabrication d’une pièce plusieurs fois.
Les objets imprimés en 3D ont égale-
ment souvent besoin d’un post traite-
ment afin de lisser leur surface. Enfin,
la composition de l’objet sera le plus
souvent en plastique, les machines
d’entrée de gamme ne proposant pas la
possibilité d’utiliser d’autres matériaux
pour le moment. Il y a aujourd’hui, sur
ce marché, de tout. Des machines à
quelques centaines d’euros, à monter
soi-même. Et des machines qui vont
coûter des centaines de milliers d’eu-
ros, mais plutôt à usage industriel.
Même si, à l’heure actuelle, l’impres-
sion 3D est une technologie devenue
abordable pour de nombreuses entre-
prises et certains particuliers, elle va
bientôt s’installer dans le paysage
comme un outil de fabrication, mais qui
serait plutôt destiné aux entreprises.
Car ce qui est souvent omis, c’est
qu’avant d’imprimer en 3D il faut
modéliser l’objet, ce qui demande
d’acquérir des compétences qui ne
sont pas innées. Les particuliers béné-
ficieront bien sûr de la technologie,
// Une variante du Fablab est à
l’origine de la naissance de la
première imprimante 3D, il s’agit du
HackerClub du New York City Resistor.
Ce lieu est emblématique puisque
c’est à cet endroit que sera inventée,
en 2009, l’une des imprimantes 3D les
plus populaires aujourd’hui //
31 32Un jour, un territoire
mais davantage par le biais des profes-
sionnels. à l’avenir, l’impression 3D
serait donc un outil destiné prioritaire-
ment aux professionnels.
à l’aube d’un nouveau modèle
d’affaires
Se procurer un modèle prêt à imprimer
peut se faire de différentes manières.
La source la plus courante étant l’usage
d’un logiciel de modélisation (type
Sketchup), mais d’autres moyens sont
disponibles. Le scanner 3D est, par
exemple, une alternative intéressante :
l’objet est scanné sous toutes ses
dimensions, il est ensuite possible de le
recréer en 3D sur l’imprimante. Enfin,
la dernière possibilité, c’est évidem-
ment la communauté. Celle-ci va pro-
poser des milliers de modèles scannés
ou modélisés aux internautes. Des
catalogues sont téléchargeables dans
tous les domaines (déco, techno…). De
nombreuses options de personnalisa-
tion sont également disponibles (cou-
leur, matière, etc.). Ces possibilités
prennent toute leur importance, car
c’est là que se trouve la révolution des
flux financiers. Pour un artiste, plus
besoin de produire ses pièces à l’avance
pour les exposer et les vendre, il suffit
de les mettre en ligne. La fabrication
n’en sera lancée qu’une fois le paie-
ment effectué. Cela va changer la façon
de faire du commerce pour les artisans
et les fabricants de petites séries.
Plastique, métal, bois… tout
est bon dans l’impression
Du plastique, oui, mais pas que. Si le
Fuse Deposition Modeling (dépôt de
filament chaud) reste la technologie la
plus utilisée aujourd’hui, il est égale-
ment possible d’imprimer en utilisant
le Selective Laser Sintering : on ne
parle alors plus de plastique, mais de
couches de poudre métallique soudées
entre elles par un laser. Enfin, l’impres-
sion peut se faire aussi en utilisant des
matières minérales ou encore du bois.
Chacune de ces technologies est adap-
tée à des marchés et des besoins diffé-
rents.
Du styliste au prothésiste, un
outil transversal
Aujourd’hui,lesapplicationsdel’impres-
sion 3D couvrent un nombre de métiers
extrêmement divers. Les activités direc-
tement utilisatrices, comme l’architec-
ture, le modelage, le dentaire, l’archéo-
logie ou la santé, côtoient des secteurs
qui s’intéressent de près à cette techno-
logie, comme la mode, la topographie,
l’agroalimentaire, la recherche… Un
quart des clients sont des industriels.
Les utilisateurs sont, quant à eux, sou-
ventingénieursoudesigners.Unechose
est sûre, l’impression 3D va connaître
d’importantes évolutions dans les
années à venir et ses applications vont
certainement nous surprendre.
Le dico de la techno
// Le Fabshop3
de
Bertier Luyt, c’est
pour l’instant un
atelier de fabrication
exclusivement digitale,
avec des machines
de découpe laser et
des imprimantes 3D.
Ces équipements
sont de qualité
professionnelle, mais
ne sont pas destinés à
grossir à la façon d’un
Techshop //
Ci-contre : un Fablab
américain
Maker : inventif et manuel, il s’agit d’un
bricoleur qui fabrique lui-même ses
objets. Il fait le plus souvent partie du
mouvement du DIY.
DIY / Do It Yourself : fais-le toi-même.
Cette philosophie prône la fabrication
artisanale de toutes sortes d’objets, qu’ils
soient artistiques, technologiques… ou
même complètement inutiles !
Fablab : laboratoire de création équipé
de machines de prototypage où les
bricoleurs ingénieux se retrouvent pour
travailler ensemble sur leurs projets.
Techshop : Il s’agit d’un lieu plus grand
qu’un Fablab. Les machines sont de type
industriel et occupent des centaines de
mètres carrés.
Hackerspace : lieux fréquentés par
des communautés (souvent férues
d’informatique et de technologie) où elles
peuvent s’échanger leurs savoirs sous
forme d’ateliers, de conférences ou de
soirées.
Sketchup : logiciel de modélisation 3D
très répandu et édité par Google.
Makerbot® : fabricant d’imprimantes
3D, leader sur le marché mondial
actuellement.
3
Fabshop : www.lefabshop.fr
Rencontreavec
BertierLUYT
Vous êtes à l’origine de la mini
Maker Faire de Saint-Malo,
pouvez-vous nous expliquer
le principe d’une Maker
Faire ?
Maker Faire, c’est un évènement qui a
lieu aux Etats-Unis, à New-York et à
San Francisco. La mini Maker Faire
est sous licence Maker Faire, et doit
respecter quelques codes. Il s’agit
d’une exposition de savoir-faire. C’est
un salon, ou plutôt un show où les
expérimentations les plus folles des
makers sont exposées. Ces salons
sont ouverts à tous, des plus jeunes
aux plus âgés. Ce sont des salons dits
« interactifs », car les visiteurs sont
Comment les industries
peuvent-elles faire face et
s’adapter à la captation du
chiffre d’affaires que pourrait
engendrer la généralisation
de l’impression 3D ?
Bertier LUYT : Les industries devraient
s’équiper d’imprimantes 3D et capter
elles-mêmes ce chiffre d’affaires. Il
correspond à la demande des consom-
mateurs d’objets personnalisés,
uniques et fabriqués pour eux. On a
évolué d’un modèle de production de
masse à un modèle de production per-
sonnalisé. Ce sont les industriels qui
doivent s’équiper d’imprimantes 3D,
car aujourd’hui ce sont des machines
qui ont vocation à être utilisées par des
professionnels.
Les makers, qui sont-ils ? Tout
le monde peut-il devenir un
ambassadeur du Do It
Yourself ?
Maker, c’est le mot anglais qui désigne
un bricoleur ingénieux , un faiseur, en
quelque sorte, même si ce mot n’est
pas très correct en français ! Pour être
un maker, il faut faire, et partager son
savoir-faire avec une communauté, qui
est souvent sur internet. Pourquoi
internet, car sur internet, on a accès à
une communauté internationale. Pour
les francophones, on peut parler avec
des Québécois, des Africains, des
Laotiens, des Belges, des Suisses ou
des habitants du Maghreb. Quant à
ceux qui parlent anglais, le monde
entier leur est ouvert, que ce soit sur
des blogs, des réseaux sociaux, des
sites web ou des plateformes commu-
nautaires qui présentent des projets.
“LaMaker
Faire,c’estun
endroitsûr
pourdesgens
bizarres”
amenés à pratiquer, à jouer, à tester
et interagir avec les exposants. S’il y a
beaucoup d’ateliers lors des Maker
Faire, un seul est obligatoire, c’est un
atelier de soudure et d’électronique
pour apprendre à fabriquer un petit
objet avec une batterie et une LED. à
la Mini Maker Faire de Saint-Malo, que
nous avons organisée en octobre 2013,
les visiteurs ont pu participer à des
ateliers de création de robots, de
monstres en carton, de chimie et, bien
sûr, d’impression 3D. Il y avait aussi
des cours de modélisation 3D, la pos-
sibilité de jouer avec des drones. C’est
également un lieu qui provoque des
rencontres, je pense notamment à ce
fabricant de kayaks artisanaux qui tra-
vaillait dans son garage et qui a pu
montrer ce qu’il faisait. Il a rencontré
des partenaires potentiels qui lui ont
proposé de venir dans un atelier plus
grand pour commencer une petite
série.
Pour conclure, la Maker Faire c’est un
endroit où être un peu geek et même
brillant (rire), ce n’est pas un pro-
blème ! Quand les enfants arrivent à la
Maker Faire, on leur dit : ne vous
ennuyez pas et ne soyez pas
ennuyeux.
33 34Un jour, un territoire
ARNAUD
MOUROT
2014
a présenté la conférence inti-
tulée :
L’entrepreneuriat social
Arnaud Mourot est le pré-
sident fondateur de l’ONG
« Sport sans frontières »
depuis 1999. Il a également
été membre de l’équipe de
France de Lutte libre pendant
dix ans. Désirant contribuer
à bâtir un monde écono-
mique et social plus juste, il
inaugure en 2006 l’antenne
France d’Ashoka. Il devient
ainsi directeur général d’As-
hoka France, Belgique et
Suisse et co-directeur d’As-
hoka Europe.
Peut-on faire du « business » pour répondre à des problèmes
de société ? La question interpelle. Le pari est osé, mais la
réponse, de plus en plus crédible. Les entrepreneurs sociaux
sont la preuve vivante qu’une voie plus humaine est en cours
de construction. Alors que 31 % seulement des Francais ont
entendu parler de ce terme, comment ces entrepreneurs vont-
ils réussir à s’imposer durablement dans notre paysage écono-
mique ? La Loire-Atlantique participe déjà à cet élan de solida-
rité par la forte présence de l’ESS1
. Sera-t-elle un territoire prêt à
renforcer l’ancrage de ces mouvements hybrides ? En février
dernier, Arnaud Mourot, directeur général d’Ashoka France, est
venu témoigner de sa conviction de pouvoir trouver des
réponses innovantes pour pouvoir donner un nouveau souffle à
notre société. Un message d’espoir fort pour une transition
devenue incontournable. Plusieurs porteurs de projet et cataly-
seurs de Loire-Atlantique étaient également présents lors de
cette conférence pour témoigner de la diversité des courants.
L’entrepreneur social
accélérateur du changement
1
Innovation
L’entrepreneur social est à
l’économie ce que l’invention
est à l’innovation
L’innovation sociale englobe les expéri-
mentations répondant à un besoin de
société qui ne trouve peu ou pas de
réponse par les collectivités ou le mar-
ché. Qu’elles fassent appel au bon sens
ou à une ingéniosité incroyable, elles
s’attaquent à la racine des problèmes et
améliorent le fonctionnement de notre
sociétéenreplaçantl’usageraucœurde
la solution. De ces innovations naissent
différentes formes d’organisations ou de
partenariats sur les territoires, des
modèles hybrides de plus en plus diffi-
ciles à catégoriser sous une seule et
même définition, qui briderait leur origi-
nalité. C’est dans ce contexte que les
entrepreneurs sociaux (ES) français se
frayent une place. Ils créent du change-
mentsocialens’appuyantsurunmodèle
économiqueviable.Pouryvoirplusclair,
notre conférencier pose le 1er
jalon.
©kantver
1
ESS : économie sociale et solidaire
// Il n’y a rien de plus puis-
sant qu’une idée très inno-
vante quand elle naît dans les
mains de vrais entrepre-
neurs. Une belle idée chez un
« non-entrepreneur » ne va
pas loin. Un entrepreneur
sans idée ira plus loin, mais
pas beaucoup plus //
Le conférencier
Arnaud MOUROT
Directeur général d’ASHOKA
France, Belgique, Suisse
Président fondateur de l’ONG
Sports sans frontières
ASHOKA
Premier réseau mondial
d’entrepreneurs sociaux
TENDANCES n° 32  MAI 2014 Innovation
Tendances
35 36Un jour, un territoire
2
EMES : Emergence of Social Enterprises, littéralement « émergence des entreprises sociales » http://www.iap-socent.be 2
AVISE : Portail pour développer l’économie sociale et solidaire. http://www.avise.org/ 3
MOUVES : mouvement des entrepreneurs sociaux : http://mouves.org/ 4
ESS : économie sociale et solidaire 5
IAE : Insertion par l’activité économique.
// Un entrepreneur social voit des
solutions alternatives à un pro-
blème d’intérêt général, accepte
d’aller au-delà des idées reçues,
accepte de se prendre
des coups ! //
// Plusieurs modèles d’entre-
prises adaptés à des personnes
mal servies par la société sont
envisageables. S’il en existe
aujourd’hui très peu, le poten-
tiel de développement est bien
réel. Les personnes sous le
seuil de pauvreté repré-
sentent 16 % de la population
sur sept pays européens étu-
diés, et une enveloppe de 220
milliards d’euros de
dépenses en Europe. Pour
cela, sortir des cases est
une urgence. La forme juri-
dique ne fait pas notre
vertu, mais l’intérêt général
est l’affaire de tous //
Pays du Sud : gisements importants
d’entrepreneurs sociaux. Pourquoi ?
Arnaud Mourot est formel. Le poten-
tiel est d’un entrepreneur pour dix
millions d’habitants par année…, soit
pour la France un espoir de décou-
verte de huit ES par an. Les pays du
Sud, peu structurés, sont des terri-
toires extrêmement fertiles. Les popu-
lations ont un besoin criant de
réponses à des problèmes fondamen-
taux. Parmi ces entrepreneurs sociaux
figure Muhammad Yunus, pionnier du
microcrédit et Prix Nobel de la paix en
2006.
Il n’existait pas de professeurs de sport pour personnes âgées jusqu’en 1997. Jean-
Michel Ricard et Jean-Daniel Muller ont développé un protocole de prévention santé et
bien-être en mettant autour de la table des médecins, des ergothérapeutes et d’autres
professionnels du monde gériatre. De cette idée est née l’Activité Physique Adaptée et
le groupe associatif SIEL bleu. C.Q.F.D : en meilleur état de forme, les pratiquants
voient leur nombre de fractures divisé par trois. Changement d’échelle réussi : cette
bonne idée, soutenue par Ashoka depuis 2006, a fait son chemin puisqu’aujourd’hui
ces activités sont en partie remboursées par la sécurité sociale.
Ils ont remis mamie au vélo… Et ça marche !
Les Pôles territoriaux de coopération
économique (PTCE)
©Photobank
• 4 962 établissements employeurs, dont
4 174 associations
• 57 800 salariés,
dont 74 % au sein des associations
• 1,2 milliard d’euros de masse salariale
• Un emploi sur sept provient des structures
de l’ESS
Ces indicateurs représentent environ 40 %
des indicateurs régionaux.
La place de l’ESS en Loire-Atlantique.
Chiffres clés 2012
Pour plus de données, visitez le site de
la CRESS Pays de Loire :
http://www.cress-pdl.org/
Le principe est simple : mutualiser des
moyens au service de projets innovants et
porteurs d’un développement local, et ainsi
renforcer les partenariats de structures et
organismes de tous horizons. Ainsi, depuis
2012, les Écossolies, sur l’île de Nantes,
représentent un pôle témoin et poursuivent
leurs actions avec l’ouverture du Solilab
depuis début 2014. Également depuis 2014,
le Comité de bassin d’Ancenis déploie le
PTCE du Pays d’Ancenis.
+
http://www.lelabo-ess.org/?-Poles-territo-
riaux-de-cooperation-
+
Retrouvez le texte complet (nov. 2013)
du projet de loi sur l’ESS à cette
adresse :
www.economie.gouv.fr/files/pjl-ess-
dp.pdf
+
Du réseau de recherche européen
EMES2
au réseau Ashoka, en passant
par la plateforme Convergences,
l’agence Avise3
ou l’organisation
Mouves4
, les définitions de l’entrepre-
neur social sur le sol français sont
diverses. Inventer des modèles
hybrides semble aujourd’hui une
nécessité, tout comme établir des
bases communes de dialogue pour le
plus grand nombre d’acteurs sur les
territoires. L’objectif est d’élargir le
champ des possibles par des réponses
complémentaires.
Priorité absolue à l’utilité
sociale
Les ES excellent dans la priorisation
des intérêts de la population et des
préoccupations environnementales.
C’est l’essence même de leur exis-
tence. Pour autant, la portée de l’impact
est soumise au débat. Par exemple,
l’organisation Ashoka, née dans la tête
de l’américain Bill Drayton, se
concentre souvent sur des projets à
destination de publics vulnérables,
notamment en situation de pauvreté.
Du côté de l’ESS, l’utilité sociale
englobe plus largement la mise en
œuvre de missions participant à la
cohésion territoriale, ou alors contri-
buant au développement durable des
territoires.
« Une personne, une voix »,
ou la voix d’une seule per-
sonne ?
Ce que recherchent les prospecteurs
d’Ashoka, ce sont des pépites d’or.
L’organisation met l’accent sur le profil
et le tempérament des individus ren-
contrés, en plus d’une fouille très
rigoureuse d’indices, qui jalonnent le
processus de sélection.
L’échantillonnage collecté des Fellows
(compagnons) Ashoka est donc res-
treint et il est souvent le fait d’entrepre-
neurs individuels. À l’inverse, pour les
chambres régionales d’ESS ou encore
le réseau de recherche EMES, le mon-
tage collectif à la genèse des projets est
une des portes d’entrée incontour-
nables. Pour l’intérêt général et par le
collectif.
Statut ou vertu ?
Le constat est rude. Les modèles de
prises en charge fortement subvention-
nées ou les modèles de philanthropie
sont des filons qui se tarissent depuis
quelques années. Si l’entrepreneuriat
social est un concept qui résonne
encore mal dans l’esprit de bon nombre
d’Occidentaux, c’est précisément sur
cette originalité que misent les détec-
tives d’Ashoka pour identifier leurs
protégés.
Ainsi, la question de l’entrepreneuriat
social parmi les activités de l’ESS reste
encore floue pour de nombreux acteurs.
Si servir l’intérêt général demeure un
des piliers, le périmètre historique des
statuts inclus (associations, coopéra-
tives, mutuelles, structures IAE5
et
fondations) est en train d’évoluer.
Plusieurs questions sous-jacentes à ce
débat franco-français existent. L’une
d’entre elles revient à se demander si
les associations n’auraient pas intérêt à
se recentrer sur leur vocation d’origine,
en évitant d’associer des démarches
entrepreneuriales à ce statut. Pourtant,
au regard de l’ancrage territorial fort
qu’elles apportent et du nombre d’em-
plois créés, notamment en Loire-
Atlantique, ces structures doivent
déployer des réflexes de gestion d’en-
treprises pour pérenniser des emplois
délocalisables. Le projet de loi-cadre
sur l’ESS, adopté par le Sénat en
novembre 2013, semble apporter des
éléments de réponse en prévoyant de
donner plus de visibilité à cette écono-
mie. Il reconnaît la diversité des acteurs
œuvrant dans le respect de trois prin-
cipes essentiels que sont la perfor-
mance économique, l’innovation et
l’utilité sociale.
Territoire et changement
d’échelle. Enfin, un consensus
Pour compléter le portrait, l’ES se doit
d’apporter une modification en profon-
deur aux pratiques sur son territoire.
D’un périmètre local au départ, l’impact
de l’activité doit se démultiplier au fil du
temps. Ce changement d’échelle est un
point de vigilance de 1er
ordre pour
Ashoka, mais aussi pour bien d’autres.
Pour permettre cette démultiplication
des effets, le travail en partenariat
prend tout son sens. Que l’initiative soit
à l’origine le fait d’une personne ou bien
d’un projet collectif, l’entrepreneur
bâtit et travaille en toute transversalité.
Il œuvre pour plus de décloisonnement
des ressources et des compétences sur
les territoires et doit être soutenu dans
ce sens par des réseaux structurés et
autres plateformes. La Loire-Atlantique
est plutôt active à ce niveau-là.
Entrepreneur social :
manuel d’exploration
37 38Un jour, un territoire
©sbrozova
// Les enjeux
sont tellement
importants, il
faut que ça
évolue encore
et que tout le
monde s’y
mette
ensemble si
on veut vérita-
blement y faire
face //
Avoir des objectifs communs sur le long
terme
Famille « Catalyseurs »
Famille « Financeurs »
Marc Richard
Directeur de l’association
des Écossolies
www.ecossolies.fr
Jean-Loïc SOREL
Délégué régional Pays de
Loire des Cigales
cigales.des.pays.de.la.
loire.over-blog.fr
Céline Durand
Déléguée générale de la
CRESS Pays de Loire
www.cress-pdl.org
Placer l’efficacité économique au service
de l’intérêt général est la première règle
d’or des entrepreneurs sociaux. Ne pas
avoir peur de sortir des sentiers battus et
le faire avec d’autres pourraient bien être
les suivantes. Les solutions qu’ils amènent
bousculent les équilibres territoriaux en
place. Seuls ou en collectif, ces innovateurs
œuvrent avec une approche de marché
directement pour le bien commun des
populations les plus vulnérables ou à des
fins environnementales.
Inspirant et persévérant, l’entrepreneur
social est perçu comme un éclaireur sus-
ceptible d’enrichir et de décloisonner les
positions des différents acteurs. Cette qua-
lité requise révèle aussi la nécessité de
développer des partenariats pour transfor-
mer en profondeur les pratiques. Un des
défis d’avenir sera de déployer un réseau
de soutien bâti sur la finalité et l’approche
innovante des actions, plus que sur leur
forme juridique. En bref, s’engager dans
une économie plus inclusive, c’est l’avenir !
Olivier VAUDOUR
Fondateur de
Lilokawa & Co SARL
www.lilokawa.com
Marianne YOU
Présidente de l’association
Anim’Toit
animtoit.jimdo.com
Serge BOUREAU
Macoretz, président
des Ecossolies
macoretz-scop.maco-scop.fr
Famille « Entrepreneurs»
+
Six voix de l’écosystème
en Loire-Atlantique
Si vous pensez être le prochain Fellow
Ashoka de Loire-Atlantique, n’atten-
dez plus, faites-vous connaître !
Rencontreavec
ArnaudMOUROT
L’avenir, c’est du business
pour du social ?
C’est déjà certainement plus de visibi-
lité pour les entrepreneurs sociaux, de
façon qu’ils soient plus inspirants,
notamment pour la prochaine généra-
tion qui a envie d’entreprendre autre-
ment. L’avenir, ça va être aussi la
nécessité de repenser les modèles
économiques : les subventions
publiques, c’est terminé. Il faut inven-
ter des modèles indépendants et sans
doute imaginer des alliances avec des
acteurs parfois un peu contre nature,
Quels sont les grands prin-
cipes de l’entrepreneuriat
social ?
Arnaud MOUROT : Pour Ashoka, un
entrepreneur social, c’est un homme
ou une femme qui entreprend au ser-
vice de la société. Il développe une
innovation, quelle qu’elle soit, dans le
champ de l’éducation, de l’environne-
ment, de la santé… Il a le potentiel de
résoudre le problème à la racine, et
son projet a un potentiel de duplication
important. Ashoka se concentre pour
identifier ces entrepreneurs sociaux
assez atypiques et relativement peu
nombreux.
Comment détectez-vous ces
entrepreneurs pas comme les
autres ?
Pour détecter les entrepreneurs
sociaux que nous soutenons, nous
avons mis en place un système d’iden-
tification très poussé qui s’appuie sur
cinq grands critères qui sont : le carac-
tère innovant du projet, les qualités
entrepreneuriales et la créativité du
porteur, le potentiel d’impact du projet
et enfin, la fibre éthique de l’entrepre-
neur. C’est un processus qui prend
entre six et huit mois pour être com-
plètement abouti et qui passe par dif-
férentes étapes au travers desquelles
on évalue à la fois le potentiel du projet
et le potentiel de l’homme ou de la
femme qui le porte. C’est vraiment la
combinaison des deux qui nous inté-
resse.
“L’économie
dedemainsera
porteused’im-
pactsocial,mais
aussiviableet
performante ”
je pense par exemple à l’économie
commerciale traditionnelle à laquelle
on ne pense pas nécessairement
quand on parle de la résolution de
grands enjeux. Les problèmes sont si
importants que si les entrepreneurs
sociaux restent dans leurs toutes
petites cases, il y a de grandes
chances qu’ils ne puissent pas avoir
l’impact qu’ils attendent. C’est dom-
mage, car ce sont de formidables
forces d’innovation, ils ont une très
bonne approche des besoins des
populations les plus vulnérables que
n’ont pas les autres acteurs écono-
miques. C’est sans doute en travail-
lant ainsi, main dans la main, qu’on va
pouvoir travailler à la fois sur l’utilisa-
tion de cette compréhension des
besoins des plus pauvres, et en même
temps sur le savoir-faire de produc-
tion à grande échelle des grands
groupes. C’est très certainement cette
hybridation qui, demain, amènera une
économie d’un nouveau type : à la fois
porteuse d’impact social, performante
économiquement et qui globalement
donnera du sens à tous ceux qui y par-
ticipent.
39 40Un jour, un territoire
MONIQUE
DAGNAUD
a présenté la conférence inti-
tulée :
L’engagement citoyen
des jeunes
Sociologue, directrice de
recherche CNRS-EHESS et
contributrice à de nombreux
sites, dont Slate.fr. et Telos.
Ses recherches portent sur
la régulation des médias,
mais aussi sur la culture des
adolescents et postadoles-
cents dans l’univers des loi-
sirs. Elle est notamment
auteure de La Teuf, essai sur
le désordre des générations
(Le Seuil, 2008), et
Génération Y- Les jeunes et
les réseaux sociaux, de la
dérision à la subversion
(Presses de Sciences PO).
// Les jeunes sont loin d'être repliés sur leur "petit monde" ou enfermés
dans des réseaux numériques. L'idée du narcissisme ou de l'isolement
constitue à bien des égards un cliché, car adolescents et jeunes adultes
sont adeptes du partage et de l'échange : de surcroit, ils manifestent une
ouverture d'esprit souvent supérieure à celle des personnes plus âgées.
Par contre leur engagement se dirige surtout vers le social et l'humani-
taire et peu vers les partis politiques qui font l'objet d'une vive méfiance.
L'engagement citoyen en Loire Atlantique est conforme, semble-t-il, à
cette image.
Je leur conseille de lire : Jeunes européens : quelles valeurs en partage ?
Revue Agora numéro 67, 2014 (2), Presses de Sciences-Po. //
Ils like, tweet et post 1
. Ils peuvent zapper sur des centaines de chaînes depuis leur canapé
et se retrouver en groupe sans se voir ni même se toucher. Vous l’aurez compris, « ils », ce
sont nos jeunes, ceux qui feront la société de demain, ceux qui aujourd’hui pensent ne
pas vraiment compter, mais avec lesquels il faudra pourtant compter. Paradoxalement, la
jeunesse est régulièrement au cœur du débat public, mais la plupart du temps, la chaise
reste vide ! Au-delà des apparences et des faux-semblants, quelle place tiennent vraiment
les jeunes dans le débat public ? Souvent absents des élections ou des partis, quel est leur
rôle dans le milieu associatif ? Sont-ils réellement désengagés ? Pas sûr, il se pourrait bien
qu’ils soient en train de réinventer le concept même du citoyen, sous des formes qui, pour
l’instant, échappent aux capteurs traditionnels. L’engagement du xxie
siècle est et sera
considérablement transformé. Alors, à qui de s’adapter ? 
TENDANCES n° 30  AVRIL 2014
Jeunesse citoyenne : désengagée
ou des engagés ?
Les participants à la table ronde
Monique DAGNAUD
Sociologue, directrice de
recherche CNRS-EHESS et
contributrice à de nombreux
sites, dont Slate et Telos.
Stéphanie TOTAL
Directrice régionale de la
délégation Pays de la Loire
d’Unis-Cité (service civique).
Bastien KERSPERN
Designer d’interaction et
créateur de la plate-forme
Influents, consacrée à la
mobilisation citoyenne.
Aurélie Auguin & Maëlenn Bernard
Deux jeunes femmes qui ont fait ou font
un service civique.
Jeunesse
L
es jeunes, cette espèce hybride
quelque part entre l’enfant et
l’adulte, font l’objet de nom-
breuses attentions, analyses et études.
Mais peut-on parler d’une jeunesse ? Il
semblerait que, mis à part quelques
facteurs communs comme la maîtrise
des technologies, la jeunesse soit en
réalité complètement hétérogène. Pour
Monique Dagnaud, la classification par
le niveau d’études est l’une des plus
pertinentes : ce sont les diplômes qui,
bien souvent, vont déterminer la capa-
cité qu’aura un jeune à se projeter dans
l’avenir. Pour les diplômés de l’univer-
sité ou des grandes écoles (42 % d’une
classe d’âge), pas de problème, ils
seront quasiment tous en emploi dans
les quatre ans suivant la fin de leurs
études. L’autre moitié concerne les
jeunes peu diplômés (42 %). Pour eux,
l’avenir est plus incertain, car leurs
opportunités professionnelles sont
beaucoup moins nombreuses. Quant
aux 16 % restants, ce sont les jeunes
sans aucun diplôme. Ces derniers, les
ni-ni4
, sont au chômage pour plus de
60 % d’entre eux, ils sont bien souvent
exclus de l’univers professionnel avant
même d’y être entrés. Cette hétérogé-
néité au sein d’une même classe d’âge
n’est pas sans conséquence. Selon
leurs histoires respectives, ces jeunes
s’engageront plus ou moins, arrivés à
l’âge adulte, avec un risque de clivage
bien réel.
©SYDAPRODUCTIONS
1
Like = Bouton utilisé sur Facebook pour indiquer que l’on a apprécié quelque chose 2
Tweet = Message sur Twitter (site de microblogage de
140 caractères) - 3
Post = Message envoyé sur un réseau social - 4
Ni-ni : ni travail ni études
Tendances
41 42Un jour, un territoire
S’engager pour toute la vie, supporter
un parti politique vaille que vaille ? Has
been5
, vous diront-ils. Au-delà d’un
simple désintéressement pour les par-
tis traditionnels, nous assistons
presque à un rejet des modes de gou-
vernance actuels. Comment un tel
fossé a-t-il pu se creuser ?
Action, réaction !
Évoluant dans un monde d’immédia-
teté, les jeunes sont habitués à un
fonctionnement de type action-réac-
tion : ils savent tout de suite et très
concrètement quelles vont être les
conséquences de leurs actes. Et sur ce
point, le moins que l’on puisse dire,
c’est que la démocratie, si participative
soit-elle, a encore des efforts à faire.
Tout sauf cognitive, cette pratique
citoyenne ne permet pas de retour per-
sonnalisé, et encore moins immédiat à
ses contributeurs. À cela s’ajoute un
système technocratique qui ne parle
pas à la jeune génération. Le fonction-
nement en silo des principaux partis,
les différents scandales ou encore la
difficulté qu’auraient à leurs yeux les
pouvoirs publics à régler les problèmes
de notre société, tout cela contribue au
désintérêt des jeunes pour la politique
traditionnelle. D’ailleurs, ce désamour
pour le militantisme n’est pas leur apa-
nage. Le déficit démocratique concerne
une grande majorité de Français.
Du sens, pas du vent
La lourdeur et le sentiment d’enferme-
ment — imposition de la ligne du
parti — sont en outre un frein à l’enga-
gement des jeunes, particulièrement
dans les partis politiques traditionnels.
Mais ces derniers ont-ils encore un
avenir ? Au vu des pratiques émer-
gentes, le citoyen de demain ne sera
plus le même qu’aujourd’hui et sa façon
de s’engager se fera également diffé-
remment. Les autres formes d’engage-
ment se transformeront aussi, mais
peut-être de façon moins radicale. Qu’il
s’agisse du milieu associatif ou syndi-
cal, les jeunes sont beaucoup plus
ouverts à l’engagement, car certaine-
ment moins désabusés. Il semblerait
que leur implication soit facilitée dès
lors que les actions qu’ils mènent sont
concrètes, porteuses de sens et de
valeurs. Porter des projets, même s’ils
sont éphémères, leur convient tout à
fait. Ils veulent sentir l’utilité sociale de
leur engagement et pouvoir la mesurer
rapidement.
De l’engagement désenchanté 
à l’engagement
désencarté
// Loin de manquer d’esprit
critique, les jeunes sont
extrêmement méfiants vis-
à-vis des sources d’informations qui
leur parviennent //
Témoignage de Maëlenn
« Participer à des débats, être écoutée,
c’est très bien, mais que se passe-t-il
après ? On n’en sait rien. Je ne m’enga-
gerai pas dans un parti, car je trouve
qu’il y a un cruel manque de représen-
tativité et que je ne m’y reconnais pas.
Par contre, m’engager dans une asso-
ciation et y consacrer du temps n’est
pas un problème. Au contraire, si je dois
défendre des valeurs qui, pour moi, ont
du sens, il faut que j’y consacre du
temps pour savoir de quoi je parle. »
Si, il y a trente ans, l’engagement citoyen
se forgeait durant la jeunesse grâce au
milieu associatif ou aux mouvements de
jeunesse populaire, ce n’est plus vrai-
ment le cas aujourd’hui. En clair, ce n’est
pas parce que vous avez fait partie des
éclaireurs de France ou que vous avez
été délégué de classe que vous pourrez
prétendre à une carrière politique.
Aujourd’hui, la recette du succès, c’est
plutôt : grandes écoles, encartement dès
l’adolescence et relations bien placées.
Mais la politique peut-elle être un métier
comme un autre ? Si oui, quelle place
pour l’intérêt général ? Ces questions se
posent d’autant plus qu’un clivage impor-
tant s’opère peu à peu entre une minorité
de jeunes déterminés à faire de la poli-
tique leur métier et une majorité qui ne
se sent pas du tout en phase avec la
démocratie telle qu’elle est pratiquée
actuellement.
Quand je serai grand, je serai président !
5
Has been = passé de mode
grande vitesse. Sa capacité de mobili-
sation est impressionnante tant elle est
rapide et organisée.
Jouer sur les codes
Et si votre ado en pleine partie de jeu en
réseau, avec son casque chevillé aux
oreilles, était en réalité en train de se
former à l’engagement ? 92 % des
jeunes de 18 à 24 ans jouent : fabuleux
dénominateur commun, non ? Le jeu
serait un puissant levier pour intéres-
ser les jeunes à la participation
citoyenne. Les codes utilisés par les
joueurs se basent sur le registre de la
confiance, de la stimulation et de la
construction de quelque chose
d’épique. Ce dernier point est particu-
lièrement vrai pour les jeux en réseau :
les joueurs vont produire pour la com-
munauté, pour quelque chose qui
dépasse leur propre personne. La ludi-
fication peut être utilisée dans des
programmes d’engagement citoyen.
D’ailleurs, la production virtuelle com-
mence à sortir de l’écran, c’est notam-
ment le cas pour les Fablabs, labora-
toires de coconstruction entre
internautes passionnés.
Génération swag6
cherche
engagement hashtag7
La collaboration :
une démocratie 2.0
Après la démocratie représentative et
participative, voici la démocratie colla-
borative. Donner son avis, c’est bien,
faire, c’est mieux ! Même s’il est vrai
que nous aurons toujours besoin de
représentation et de participation, la
notion de faire ensemble est de plus en
plus présente et semble mieux corres-
pondre aux attentes des jeunes en
matière de démocratie et particulière-
ment à la fameuse génération Y.
Génération Y : ces jeunes qui
« crack8
 »
Vous connaissez peut-être la généra-
tion Y, qui se lit why9
en anglais.
Baignés dans un monde de plus en
plus anxiogène, ces jeunes se ques-
tionnent énormément sur leur avenir.
Hyper connectée et maîtrisant parfai-
tement tous les outils technologiques
de son environnement, cette généra-
tion poste, tweete et photographie à
tour de bras. La génération Y connaît
l’écosystème du web et tous les codes
qui l’accompagnent, elle sait mettre en
place des systèmes de veille, recouper
et vérifier des informations, et ce à très
// Fred, 25 ans :
« Quand on veut
s’engager en poli-
tique, il faut un
nom, un CV et des
relations si on ne
veut pas être can-
tonné à distribuer
des tracts. » //
//Aujourd’hui, on ne
s’engage plus seule-
ment pour être utile,
on s’engage aussi
pour créer un réseau et du lien
social, mais également pour
acquérir des compétences //
20 000 jeunes de 16 à 25 ans ont effectué un
service civique en 2013 en France. Les mis-
sions proposées sont ouvertes à tous, sans
conditions de diplômes ou de qualifications.
Seul critère de sélection : la motivation ! Ce
sont donc des jeunes de tous horizons qui y
participent. Certains viennent pour se sentir
utiles ou retrouver confiance, d’autres pour
réapprendre à se lever le matin ou évoluer
dans un cadre. L’objectif est, bien sûr de leur
mettre ou remettre le pied à l’étrier pour une
insertion dans le monde professionnel, mais
c’est aussi de développer chez eux une appé-
tence pour l’engagement.
Service civique : au rapport !
©STURTI
6
Swag = cool et populaire - 7
Hashtag = symbole dièse (#) utilisé pour référencer les mots-clés sur Twitter, site de microblogage
8
Cracker = casser les codes, décoder des programmes informatiques - 9
Why = pourquoi
+À Washington, les citoyens
peuvent adopter les arbres de la
ville en scannant un code-barres
placé sur le tronc. Ils s’engagent
ainsi à l’entretenir. Grâce à ce projet-
pilote, la ville souhaite faciliter l’implica-
tion des citoyens au sein de leur com-
munauté. À ce jour, quelque 2 400
arbres ont été adoptés.
©EduardoLuzzatti
Un jour, un territoire - Conseil de développement de Loire-Atlantique
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Un jour, un territoire - Conseil de développement de Loire-Atlantique

  • 1. ©CreativeI Nouvelle VAGUECes conférenciers qui ont le vent en poupe ! EXCURSIONS HORS-PISTES ça valait LE DÉTOURSortez des sentiers battus ! Carnet de VOYAGE Restez groupés ! Les Passerelles exploratoires bouillonne de créativité, et vous ? “La Loire-Atlantique ” De la Loire-Atlantique créative, visite guidée en démocratie collaborative Retour sur une année riche en découverte
  • 2. 4 6 14 Par Patrick MARESCHAL & Emmanuelle GELEBART SOUILAH ÉDITORIAL Retour sur l’année 2013 CARNET DE VOYAGE Ces conférenciers qui ont le vent en poupe ! NOUVELLE VAGUEINNOVATION • La consommation collaborative Anne-Sophie NOVEL • L’impression 3D Bertier LUYT • L’entrepreneuriat social Arnaud MOUROT JEUNESSE • L’avenir de la jeunesse rurale Édith HEURGON • Engagement citoyen des jeunes Monique DAGNAUD • L’école 2.0 Dominique OTTAVI • La pédiatrie sociale Dr Gilles JULIEN • Alimentation & surpoids Mohamed MERDJI • C’était il y a un an : bilan d’activité, thématiques jeu- nesse & innovation • Mosaïque des talents • Ça s’est passé cette année : l'agenda 2Un jour, un territoire LE SOMMAIRE 112 60 116 R e s t e z g r o u p é s   ! EXCURSIONS HORS-PISTE • Circuit Découverte : Innovation et développement durable • Circuit Panoramique : Expérimen- tation sociale en Loire-Atlantique • Itinéraire Exploratoire : Compé- tences : levier pour une intelligence collective de territoire ? • Évasion aérienne : Quelle prise en compte du regard du citoyen dans l’aménagement de son territoire, particulièrement en milieu rural ? • Régate : toutes voiles dehors ! Les jeunes en vulnérabilité • Le Rallye des entrepreneurs : Parenthèse matinale • Le Québec, en visite ! Sortez des sentiers battus ! ÇA VALAIT LE DÉTOUR • L'innovation est dans le pré • Ancenis, terre de liens • Symbiose, incubateur de talents • Le bonheur est au Sablier RÉSERVEZ VOS BILLETSP o u r l ’ a n n é e p r o c h a i n e
  • 3. ©PaulPascal ©PaulPascal 3 4Un jour, un territoire « De n’importe quel pays, de n'importe quelle couleur, la musique est un cri qui vient de l’intérieur. » Ce que dit Bernard Lavilliers pour la musique, je le crois profondément vrai pour le développement d’un pays, d’un groupe humain, d’un territoire. Un apport extérieur, un investissement proposé ou imposé, l’exploitation par d’autres d’une richesse naturelle,peuvent apporter temporairement une richesse économique. Mais sans la mise en mouvement des femmes et des hommes du territoire,il n’y aura pas de développement humain durable,c’est-à-dire à la fois économique, social et culturel. C’est cette mise en éveil et en mouvement des citoyens à laquelle le Conseil de Développement veut contribuer, modestement, et parmi d’autres, pour le déve- loppement humain de notre territoire de Loire-Atlantique. S’informer mutuellement des rapides évolutions technologiques,mais aussi des pratiques sociales émergentes, des modes de vie et des formes d’action nou- velles, en bref, développer notre intelligence collective sur l’évolution de la société pour en mesurer les risques et en saisir les opportunités : c’est à quoi ont participé cette année,d’une façon ou d’une autre,plus d’un millier d’acteurs de notre territoire. Qu’ils en soient remerciés Des graines sont ainsi semées.Nous ne savons combien germeront et se trans- formeront en projets et en actions,ni où,ni comment.Mais nous avons ensemble une conviction : l’avenir ne se prédit pas, il se construit. L’ ÉDITORIAL PATRICK MARESCHAL Directeur de la publication Président du Conseil de développement de Loire-Atlantique L’ ÉDITORIAL Nous voilà arrivés à destination. Un an de pérégrination aux pays de la jeu- nesse et de l’innovation. Vous nous avez joyeusement rejoints dans cette aventure humaine, êtes arri- vés fin prêts, l’esprit ouvert, dans le respect et l’écoute des opinions diver- gentes, condition sine qua non à la véritable rencontre de l’autre. Cette année de découverte et d’expérimentation aura marqué un tournant. Nous avons voulu rester fidèles à notre volonté d’offrir un espace de liberté de parole, d’échanges et de mutualisation des connaissances. Nous avons ainsi ouvert nos activités à tout citoyen s’intéressant aux sujets qui condi- tionnent à moyen ou long terme l’avenir de notre territoire. Cette ouverture aura eu un écho retentissant. L’assemblée a ainsi connu une augmentation de 35 % de ses membres : amplitude des âges élargies, provenance géographique diversifiée et renouvellement des méthodes de collaboration proposées, vent de renouveau sur les thématiques que vous nous avez soumises. Au nom de toute l’équipe du CDLA, je vous invite donc à parcourir cette rétrospective de l’année 2013-2014. Laissez-vous guider par votre goût de la découverte, que vous suiviez le long fleuve tranquille des chapitres ou que vous vous permettiez une lecture au gré de vos envies. En prenant de la hauteur, vous pourrez apprécier l'itinéraire ainsi parcou- ru, découvrir les détours spontanés et les chemins de traverse qui ont été empruntés. Revivez en différé les conférences, rendez-vous mensuel incon- tournable, ainsi que les excursions puis rejoignez les groupes de réflexion en pleine discussion. Vous trouverez sûrement chaussure… de marche à votre pied ! Emmanuelle GELEBART SOUILAH Rédactrice en chef Directrice du Conseil de développement de Loire-Atlantique
  • 4. 5 6Un jour, un territoire ©Fotolia CARNETDE VOYAGEAprès trois années de survol de l’ave- nir de la Loire-Atlantique en 2030, nombreuses étaient les destinations qui s’offraient à nous. Nous avons ainsi décidé de faire un vol piqué sur la jeunesse et l’innovation. La jeunesse, car elle est rassembleuse, c’est la seule tranche d’âge commune à toutes les générations, que l’on soit parent, grand-parent ou jeune, sur le papier ou dans la tête. Nous sommes tous passés par là et tout citoyen aura le privilège d’expérimenter cette jeu- nesse. D’une part, s’intéresser à la jeunesse donne cet espace-temps nécessaire aux jeunes générations pour s’interro- ger, rêver leur avenir, découvrir les possibilités existantes et surtout imagi- ner celles à construire. Inviter à la réflexion prospective les jeunes leur permet de déposer leurs bagages durant quelques moments privilégiés ; pour expérimenter un temps-long en résonance avec l’embouteillage des temps-courts qui jalonnent la vie, telles les valses imprévisibles des scooters, vélos et autres tuk-tuk dans les rues d’Hanoi ou de Mumbai. Et de facto, s’intéresser à la jeunesse, c’est s’inté- resser à demain. D’autre part, inviter les générations qui les ont précédés les jeunes d’au- jourd’hui à s’interroger sur les enjeux de notre avenir collectif permet cette mise en perspective temporelle, néces- saire à une réflexion éclairée. Regarder d’où l’on vient nous évite sûrement de nous engouffrer tête baissée dans quelques ruelles sans issue. Cette occasion permet aussi d’embarquer les participants vers un exercice d’ouver- ture, d’imagination, en tentant d’envi- sager quel jeune nous aurions été, si, par un coup d’accélérateur spatio-tem- porel, nous nous étions retrouvés pro- jetés à quelques décennies d’ici, dans une vidéo de fiction design. Cet aller-retour intergénérationnel contribue à la construction d’une vision prospective, partagée, à 360 degrés. Et c’est ainsi, intuitivement, naturelle- ment, que l’innovation s’est imposée comme second thème complémentaire à celui de la jeunesse… En effet, une fois la distribution des rôles arrêtée, il ne nous restait qu’à imaginer l’histoire et les décors. En cela, l’innovation sus- cite le prototypage, autorise l’explora- tion nécessaire pour se projeter ensemble dans l’avenir. L’innovation au sens large : l’innovation technologique, l’innovation sociale concourant à l’inno- vation sociétale. S’intéresser aux avan- cées d’aujourd’hui permet de dessiner une ébauche de la réalité de demain, tout au moins de pister quelques signaux faibles, qui se révèleront être pour certains des éclaireurs des modi- fications de fonds de notre société, telle qu’on la connaît aujourd’hui.
  • 5. ©travnikovstudio 7 8Un jour, un territoire Au sortir de cette assemblée plénière de 2013, de nombreux membres du CDLA nous avaient exprimé le souhait de voir nos démarches de réflexion prospective s’ouvrir à toutes et à tous, sans critère particulier, si ce n’est l’at- tachement des participants à notre territoire. Comme l’année de l’innovation et de la jeunesse s’y prêtait tout particulière- ment, nous nous sommes lancés dans l’aventure de la démocratie participa- tive, à notre échelle. En mode exploratoire, nous nous sommes mis en chemin sans guide de poche, mais avec deux volontés fortes : celle de préserver la diversité des acteurs de Loire-Atlantique impliqués, et celle d’accompagner la montée en puissance de la prise en compte de l’expertise citoyenne dans les débats publics. 1re étape, demandons l’avis de nos membres : quid de ce supposé désen- gagement citoyen ? Y aurait-il du monde sur la ligne de départ ? À l’au- tomne 2013, nous avons ainsi lancé une campagne de consultation, en deux temps auprès des 2 000 membres du CDLA, sans pouvoir réellement prédire où tout cela nous mènerait. Nous leur avons demandé de nous soumettre des questions, qu’il leur tenait à cœur de creuser, de partager avec des gens venus d’univers différents, qu’il n’aurait pas eu l’occasion de croiser. Une seule consigne : les axes de discussion devraient graviter autour de la jeunesse et l’innovation. Une trentaine de sujets nous ont été soumis ! Après un recoupement, nous avons ainsi pu constituer six théma- tiques de travail, que vous retrouverez dans la section Excursions Hors-piste. La République donne des droits, et des obligations, il faut toujours un équilibre entre les deux “ ”Nous avions amerri à Préfailles en juin 2013 pour clôturer l’exploration de trois ans de Loire-Atlantique 2030. Nous nous étions intéressés à plusieurs thématiques, telles l’équilibre des ter- ritoires, l’économie et l’emploi, la gou- vernance et le vivre-ensemble. À ce sujet, Kofi Yamgnane était venu nous parler de sa trajectoire de vie et ainsi illustrer la façon dont, selon lui, notre identité, notre lien à notre territoire de vie, se façonne. Il a rappelé l’importance de construire et de préserver les occa- sions de vivre ensemble, de trouver sa place dans notre société en constante évolution, et de définir son rôle en tant que « citoyen volant », pour une partie de plus en plus importante de la popu- lation. C’ÉTAITILYA UNAN // La religion, le sacré, la conception de la vie, de la mort, du destin, la guerre, le pouvoir…, toutes les civilisations parlent de ça. C’est à partir de ça que l’on va pouvoir créer un mieux vivre ensemble et trouver des axes pour améliorer les poli- tiques locales et nationales. Aujourd’hui, grâce à Internet, les gens se choisissent, se rassemblent, peu importe où ils se trouvent. Si aujourd’hui Facebook devait être une nation, ce serait la deuxième ou la troisième, ce sont de nouvelles cultures qui se créent, déconnectées de la géogra- phie. Comment susciter leur intérêt ? Les citoyens volants se comportent comme des consommateurs, ils veulent du logement, de la garde…, mais il faut aussi qu’ils participent, et il faut les faire participer. C’est un nouveau défi pour les élus, qui nécessite de changer les méthodes de démocratie locale et partici- pative. Il faut comprendre que l’échelle a changé. L’échelle n’est plus Saint-Coulitz. Conquérir, retenir, intéresser, impliquer pour que chacun prenne part à la chose commune // Kofi YAMGNANE, plénière 2013 2e étape : réservez vos billets ! Nous avons lancé une invitation au voyage autour des six thématiques. Cette recherche d’ouverture et cet atta- chement à la représentation large des acteurs de Loire-Atlantique ont été couronnés par une réponse en nombre. Les billets se sont vite envolés et nous avons dû afficher complet : 100 réser- vations ont ainsi été enregistrées, réparties sur six quais d’embarque- ment distincts. Les Passerelle étaient nées. Non contents de lancer ce marathon de l’exploration, nous avons proposé aux participants de sortir de leur zone de confort, en leur faisant expérimenter un mode « autogérés » de groupes qui se réuniraient 4 ou 5 demi-journées au cours des six mois suivants. Nous sommes conscients que cela a pu déconcerter ou déstabiliser certains, habitués à des modes de fonctionne- ment plus traditionnels, mais c’est en se permettant des déviations, des parenthèses, des allers-retours que l’on se dessine un espace de liberté propice à un réel cheminement de construction collective. Nous n’avons volontairement pas invité d’experts reconnus sur le sujet pour laisser par- ler l’expertise d’usage. Le parcours est aussi important que la destination. C’est le propre de l’aventure humaine, la réflexion partagée, l’appropriation d’une thématique invite ensuite à l’ac- tion commune. En termes d’architecture, ces groupes Passerelle ont été pensés comme des espaces de réflexion, d’échange d’idées et de liberté de pensée. Le point com- mun qui allait constituer le point de ralliement de ces explorateurs : adhé- rer aux valeurs des groupes Passerelle, qui garantiraient une co-construction riche et partagée. Respect Coopération Égalité Décalage Échanges ouverts Liberté de propos Transversalité des profils Solutions partagées Évolution des idées Passerelle, au-delà des groupes de réflexion, des valeurs :
  • 6. 9
  • 7. 11 12Un jour, un territoire Le financement participatif L’engagement citoyen des jeunes La consommation collaborative L’impression 3D 20 septembre 2013 8 octobre 2013 19 novembre 2013 La visite du Sablier Le Québec, en visite ! 10 décembre 2013 Symbiose, incubateur de talents 18 avril 201416 avril 2014 16 avril 2014 2013 La pédiatrie sociale en communauté 17 avril 2014 Un jour, un territoire ÇA S’EST PASSÉ CETTE ANNÉE L’avenir de la jeunesse rurale L'innovation est dans le pré L’école est finie : vive l’école 2.0 L’entrepreneuriat social Pays d’Ancenis, terre de liens 23 janvier 2014 20 Février 2014 24 février 2014 25 mars 2014 6 mai 2014 Alimentation & surpoids L’assemblée plénière Un jour, un territoire 27 mai 2014 13 juin 2014 2014
  • 8. 13 14Un jour, un territoire ©Epicstockmedia NOUVELLE VAGUECes conférenciers qui ont le vent en poupe !
  • 9. 15 16Un jour, un territoire 2013 ÉDITH HEURGON est intervenue au cours de la table ronde : L’avenir de la jeunesse rurale Prospectiviste du présent, ancienne responsable de la mission « Prospective » de la RATP et directrice du Centre culturel international de Cerisy-la-Salle, elle est éga- lement co-auteur du livre : Aménagement du territoire : changement de temps, chan- gement d'espace. n° 27  février 2014 Jeunesse Tendances ©AndreyKiselev « Le “rural”, c’est dépassé ! Il y a encore des choses à faire, là-bas, pour les jeunes ? Et au fait, c’est où ? » Cela ressemble à un cliché, mais le fait est que le milieu rural est encore aujourd’hui victime de stéréotypes d’un autre âge. Comme si nos campagnes étaient restées figées dans le temps. Pourtant, ces territoires et les jeunesses qui les habitent entrent dans une nouvelle ère, pleine de défis. Un défi identitaire : comment conserver son « AOC » rurale quand les frontières entre villes et campagnes sont de plus en plus poreuses ? Un défi pro- fessionnel également : hormis l’agriculture, quels métiers pour les jeunes ruraux qui ont la volonté de rester sur leur territoire d’origine ? Enfin, la question de la mobilité se pose, entre des parents-taxis et des jeunes qui souhaitent se dépla- cer en toute autonomie. Un équilibre reste à trouver, mais, comme l’ont souligné les jeunes participants à la table ronde organisée par le Conseil de développe- ment de Loire-Atlantique, le milieu rural offre un formidable creuset d’innovation pour les jeunes qui y vivent, qui y ont grandi ou qui souhaitent s’y installer. L’avenir de la jeunesse rurale Jeunes des villes et jeunes des champs : une question d’environnement ? Les jeunes ruraux seraient-ils si éloi- gnés de leurs pairs urbains ? Si les modes de vie étaient auparavant com- plètement différents, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le développement des transports et l’avènement des nouvelles technologies ont largement participé au désenclavement des zones rurales. Les populations sont également de plus en plus mobiles et les jeunes ruraux n’échappent pas à cette règle. Nombre d’entre eux rejoignent les centres urbains pour leurs études et ils y amorcent souvent leur activité profes- sionnelle. Parallèlement à ce phéno- mène, la périurbanisation contreba- lance ce flux migratoire par l’arrivée des rurbains dans nos campagnes. Les échanges sont donc de plus en plus nombreux, les frontières de moins en moins définies. Cela pourrait être considéré comme une uniformisation progressive de la population d’un terri- toire, mais, selon les témoignages des jeunes participants à la table ronde, il s’agit plutôt d’un enrichissement. Loin de perdre leur identité rurale, les jeunes qui partent s’enrichissent d’autres cultures et quand ils reviennent, ils portent un regard neuf sur leur terri- toire. Marius CHAUVIN 20 ans, permanent et administrateur du MRJC Loire-Atlantique Édith HEURGON Sociologue et prospectiviste du présent Réjane PELLETIER 29 ans, agricultrice à Sainte-Pazanne Gilles PHILIPPOT Vice-Président du Conseil général de Loire-Atlantique - Sports et jeunesse Damien ZAWADKA 16ans,lycéen,administrateurduMRJC Loire-Atlantique Les participants à la table ronde
  • 10. 17 18Un jour, un territoire L’emploi en milieu rural : place aux jeunes pousses ! Certains vous diront qu’en milieu rural chercher du travail, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. La ville, par son rayonnement économique important, offre en effet plus de pers- pectives en termes d’emplois que la campagne. C’est la raison de nombreux départs de jeunes qui auraient peut- être souhaité rester travailler sur leur territoire d’origine. Un secteur agricole tradition- nel en jachère… Aujourd’hui, en milieu rural, quelles sont les perspectives ? Que peut offrir la campagne à ses jeunes ? Le secteur agricole dit « traditionnel » est en perte de vitesse, les exploitations s’agran- dissent et le nombre d’exploitants dimi- nue, laissant pour compte quantité de jeunes qui souhaiteraient s’installer. Ce constat, Réjane, jeune agricultrice de 29 ans résidant à Sainte-Pazanne, nous en fait part lors de la table ronde : « Même en étant issue du milieu rural et en ayant une formation agricole, tra- vailler en milieu rural et reprendre une exploitation agricole relève un peu du parcours du combattant. Le premier problème est l’accès au foncier, car ce n’est pas le nombre de fermes à reprendre qui manque, ni le nombre de jeunes qui ont des projets d’installa- tions. » Les opportunités ne sont pas beaucoup plus nombreuses dans le secteur tertiaire, la plupart des emplois de services ou dans l’administration ne sont accessibles qu’avec une formation qui est très souvent dispensée… en ville. Quand l’innovation ouvre le champ des possibles Malgré les difficultés rencontrées par les jeunes pour s’installer, le secteur agricole est loin d’être moribond, à condition de sortir des sentiers battus. Ces dernières années, des marchés de niches apparaissent ici et là, jusqu’à créer une nouvelle économie investie en majorité par la jeune génération. Qu’il s’agisse du bio, des AMAPs, des circuits courts…, une chose est sure : local et durable ont la cote ! Dans ce secteur, il reste encore beaucoup à inventer et c’est certainement ce qui plaît aux jeunes ruraux : la possibilité de créer leur propre projet et non de reprendre simplement celui d’un autre, comme c’est souvent le cas dans le milieu agricole. Sur ce point, c’est aux politiques publiques qu’il incombe d’arbitrer ces différentes activités agri- coles pour parvenir à un équilibre. Encourager les initiatives et la produc- tion locale est un enjeu fort pour l’ave- nir de notre département. En plus d’être créatrice d’emplois, la diversité agricole permet par ailleurs de créer une alliance entre ville et campagne à une époque où le consommateur est de plus en plus soucieux de la provenance de ses aliments. Des associations sont également présentes sur le territoire pour aider les jeunes porteurs de pro- jets qui souhaitent s’installer et investir dans du foncier. La CIAP1 est une struc- ture qui permet à des jeunes d’avoir le droit à l’erreur : les jeunes s’installent avec l’aide d’une coopérative et si le projet ne fonctionne pas, le jeune ne passera pas sa vie à le payer. Cela laisse aux débutants la possibilité de lancer des projets, de s’essayer, sans courir à la catastrophe financière. Gilles Philippot // La Loire-Atlantique encourage les initiatives innovantes. Récemment le Département a accompagné une filière viande et un atelier de découpe au sein duquel les porteurs de projets pourront trouver la logistique de transformation qui leur est nécessaire afin de diffuser leurs produits à une clientèle de proximité // 1 Coopérative d’installation en agriculture paysanne Des MRJC qui dynamisent les campagnes Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne est une association d’éducation de jeunesse populaire. Son objectif est d’aider les jeunes à avoir une vision plus large de leur environnement et de devenir acteurs du monde rural dans lequel ils évoluent. En Loire-Atlantique, les jeunes du MRJC forment des équipes, choisissent un projet et se donnent les moyens de le réussir. Les MRJC sont particulièrement actifs sur l’emploi, l’éducation et l’agriculture. + d’infos : http://paysdelaloire.mrjc.org/ Le point de vue d’Édith Heurgon Une campagne qui bouge 50 cm3 ou le moteur de la liberté Souvent réclamé dès l’âge fatidique de 14 ans, le scooter est un facteur d’indé- pendance très important pour les jeunes ruraux. Que ce soit pour rejoindre le club de sport, aller chez des copains ou simplement effectuer les trajets vers le collège, être motorisé facilite grandement la vie des ados… et des parents-taxis. Car si le jeune urbain a une multitude de possibilités pour se rendre à ses différentes activités, les choses se corsent pour le jeune rural. En campagne, les transports publics répondent principalement aux besoins des déplacements pendulaires, mais ne sont pas forcément en adéquation avec les besoins des jeunes, qui s’appa- renteraient plus à des déplacements de proximité ou des déplacements trans- versaux. Un département qui roule pour le covoiturage Toutefois, il faut bien comprendre que les solutions de transports collectifs de la ville ne peuvent pas s’appliquer en territoire rural et ceux qui ont essayé de dupliquer ce modèle avec des liaisons transversales ont échoué, à cause de la difficulté à concilier rotations fré- quentes et réalité financière d’exploita- tion. Il y a donc là un champ d’invention et d’innovation radicale qui est rendu possible du fait de l’utilisation crois- sante des TICs. Le partage et l’usage collectif de véhicules individuels sont déjà en pleine expansion et la Loire- Atlantique peut se targuer d’être un des départements qui encouragent le plus le covoiturage. Selon Édith Heurgon, sociologue et prospectiviste du présent, les solutions sont peut-être plus dans le partage entre citoyens que dans le développement des transports collec- tifs : « Dans le rural, il n’y a pas de culture des transports collectifs. De plus, la mobilité, ça s’apprend, il faut informer, mais aussi former. à Paris, à Nantes, le vélo en libre-service, ça a marché, car il y en a eu beaucoup, tout de suite. Proposer quatre vélos à la sortie de la gare n’aurait pas suffi. Il faut mettre le paquet et une nouvelle habitude se crée. La mobilité, ce n’est pas que le transport et le déplacement. C’est aussi dans la tête. » Sortir de son pré carré Faire voyager les jeunes, c’est donc une idée séduisante, mais pas forcé- ment évidente à mettre en œuvre. Certains jeunes ne conçoivent même pas d’aller chercher un stage ailleurs que dans leur commune. Il ne s’agit pas là d’un comportement inhérent à la ruralité, mais bien d’une histoire d’espace vécu. En effet, dans de nom- breuses villes, certains jeunes ne sortent pas de leur quartier et ne se rendent même pas au centre-ville. Être mobile, c’est donc la résul­tante d’un apprentissage. Être mobile en milieu rural et être mobile en milieu urbain, ce sont deux choses diffé­rentes. Si pour le modèle urbain un système de transport est déjà bien installé et a fait ses preuves, pour le milieu rural, tout reste encore à inventer. Réjane Pelletier // Je suis née à Sainte- Pazanne. Au départ cette commune était vraiment rurale. Aujourd’hui, entre piscine, train, associations… le paysage a beaucoup changé à tous points de vue. Alors ruraux, oui, dans le cœur, mais les avantages urbains se sont propagés jusqu’à nous // ©MARIDAV ©FRANCKREPORTER Marius Chauvin // L’agriculture, ça m’attire, c’est dans mes projets. Mais il y a des difficultés pour s’installer, sans parler de l’investissement. Vivre à la campagne pour survivre, ça ne m’intéresse pas. C’est dur de penser à s’installer sans prendre en compte les risques // // Pour apprécier les qualités d’un territoire, il faut en avoir vu d’autres, c’est pourquoi il faut encourager les jeunes à quitter leur territoire et à voir d’autres horizons. Il faut créer une culture du nomadisme //
  • 11. 19 20Un jour, un territoire Envie de réagir ? Retrouvez-nous sur notre blog : http://conseil-developpement.loire- atlantique.fr Mais aussi sur Facebook et Twitter ! Damien Zawadka // Je fais du sport tous les samedis. Je fais du roller et je vois des amis, des personnes que je n’aurais pas rencontrées au collège et que maintenant je vois même en dehors du roller. Les associations sportives, c’est une opportunité de plus pour rencontrer du monde // ©BRADDY 2 Creuset, mélange de populations Semer les graines du changement… En bref // Rural, urbain ? Nous assistons plutôt à une interpénétration de ces deux milieux. Pour autant, ne prenons pas le pire de chacun des deux, mais tirons-en plutôt la quintessence ! L’important est d’équiper le territoire pour que tout le monde y soit bien. En milieu rural, les gens se connaissent quand même mieux qu’en milieu urbain et il faut jouer sur cette force. On a bien compris que le grand enjeu, c’est comment proposer des choses qui fassent des jeunes des acteurs de leur avenir // Se questionner sur ce que peut appor- ter la campagne aux jeunes est tout à fait légitime. Mais pourquoi tout attendre du territoire ? Les TICs repré- sentent un outil de développement formidable pour le milieu rural, les possibilités d’inventer, de réinventer, sont infinies. Il faut maintenant amener ces jeunes à mettre leurs connais- sances de ces outils au service de leur espace. … pour faire germer des voca- tions Car c’est un peu ça, le nerf de la guerre  : comment amener les jeunes à participer et à monter des projets ? La plupart ne s’intéressent pas aux démarches institutionnelles mises à leur disposition, car celles-ci ne leur correspondent pas. Pourtant, les jeunes se mobilisent autant que les générations précédentes, simplement leur façon de s’engager est différente. Leur intérêt est souvent corrélé à la rapidité de concrétisation des projets. Les jeunes veulent se sentir acteurs, pas assistés, c’est donc en amont qu’il faut les solliciter. Une commune sou- haite créer une maison des jeunes ? Eh bien que ces jeunes soient associés aux réunions, qu’ils donnent leur avis, qu’ils suivent le chantier… Et que les réunions ne se passent pas toujours dans les lieux institutionnels. Impliquer les jeunes dans de tels engagements ne peut que les responsabiliser et leur donner envie de promouvoir ce type de démarche dans leur communauté. Le milieu associatif, véritable « melting-potes » Dans cette logique participative, les associations ont véritablement une carte à jouer. Ces lieux sont d’une grande importance, particulièrement en milieu rural, car ce sont des vec- teurs de rencontres indispensables aux jeunes en dehors des établissements scolaires. Les associations, notamment sportives, permettent de faire des ren- contres parfois improbables et de créer un « melting pot2  » entre différentes classes sociales. Selon Gilles Philippot  : « C’est un creuset d’actions sociales, où l’on peut assumer ses pre- mières responsabilités. Cela peut faire l’effet d’un révélateur sur certaines personnes. Ce sont des codes qui peuvent compter, même à postériori, et peuvent influencer des choix que l’on aura à faire plus tard. » Pourtant, ces associations sont de moins en moins fréquentées, elles ne sont peut-être plus adaptées à la nouvelle façon de vivre des jeunes. Une présence accrue des associations et des animateurs socioculturels sur les réseaux sociaux pourrait être une bonne piste. Une jeunesse en mode projet Lajeunegénérationrépondàunelogique d’immédiateté et a surtout besoin de résultats concrets dans ce qu’elle entre- prend. C’est pourquoi les associations commelesinstitutionsdevraientprendre cela en compte et proposer dans un pre- mier temps des actions qui peuvent aboutir dans un délai court. Cela per- mettraitauxjeunesdedécouvrirlemode projet et leur donnerait envie de s’enga- ger sur du plus long terme. Cela peut commencer par la création de lieux qui leur seraient dédiés. Même si, à priori, lescompétencesnesontpastoujoursau rendez-vous,cequicomptec’estqueces jeunessoientsollicités,carilsaimentles défis et bénéficieront ainsi d’une expé- rience formatrice et certainement révé- latrice de talents. Rencontreavec RéjanePELLETIER DamienZAWADKA &MariusCHAUVIN J’aimerais aussi donner l’envie, pas forcément à mes enfants, mais l’envie aux générations qui suivent, et surtout le choix de pouvoir devenir paysan un jour. Les rurbains, qu’en pensez- vous ? Réjane : Eh bien, pour moi ce sont des copains, des parents d’élèves comme nous. Ils sont intéressés par la vente directe de nos produits, ils sont très demandeurs. Après, sur les 5 000 habitants de la commune, il y en a toujours un qui va critiquer parce que ça sent le fumier, mais on ne retient pas celui-là, on retient les autres. C’est avant tout des copains, et on est bien contents qu’ils viennent quand même ! Votre vie dans vingt ans, comment la voyez-vous ? Marius : Moi, je me vois agricul- teur, avec un élevage de poules pondeuses ; j’aimerais créer éga- lement un lieu d’échange de savoirs entre les personnes pour recréer une dynamique dans les villages. Damien : Dans vingt ans, je me vois bien animateur, dans le milieu rural, mais pas dans la campagne profonde, hein ! (rire) Réjane : Dans vingt ans, j’espère que je serai toujours paysanne à Sainte-Pazanne, j’espère qu’on aura réussi à faire de notre ferme ce qu’on avait envie d’en faire quand on s’est installés, c’est à dire valoriser au mieux nos pro- duits et pouvoir créer de l’emploi. “Donnerl’envieetlechoixà nosenfantsdepouvoirdevenir agriculteurs”
  • 12. 21 22Un jour, un territoire ANNE-SOPHIE NOVEL 2013 a présenté la conférence inti- tulée : La consommation collaborative Docteur en économie et experte auprès du Conseil Economique et Social Européen, elle exerce en tant que journaliste pour le quoti- dien Le Monde et blogueuse spécialisée dans l’innovation sociale, l’économie collabo- rative, l’écologie et les alter- natives durables. Conférencière reconnue, Anne-Sophie Novel est inter- venue pour : Les Ateliers de la Terre, la Conférence sur le Climat de Copenhague, le Forum mondial Convergences, etc. Elle intervient également aux assises nationales de la finance participative. // Cette conférence fut un échange très riche et très participatif, l’intérêt de l’assistance était vif, les échanges nombreux et j’ai eu un grand plaisir à débattre avec elle et les équipes du conseil de développement ! La Loire Atlantique est un territoire dynamique pour accueillir ces initia- tives. De nombreuses start-up s’y sont implantées et cela en fait donc une antenne française non négligeable dans le domaine de l’économie collaborative. Je pense notamment à GreenRaid, Troovon, Talentroc, B2Biz, les Disco Soupe ou encore le travail mené par l’association PING. Si je devais conseiller une lecture, ce serait le prochain ouvrage de Jeremy Rifkin qui sera consacré à cette économie, il se met lui aussi à la CoRévolution ! // n° 29  AVRIL 2014 Trop de produits, trop de services, trop de tout, dont au final nous n’avons pas vraiment besoin. Notre société a poussé la consommation à son paroxysme. À force de possession boulimique, certains d’entre nous en arrivent à l’écœurement. Pouvoir d’achat en berne, refus de jeter à tout va ou encore vrai ras-le-bol du système, autant de raisons qui font de la consommation collabo- rative une tendance essentielle. Signe d’une remise en question plus profonde, le terme « économie collabora- tive » est de plus en plus employé. Jusqu’à quel point cette alternative influencera-t-elle notre avenir ? Les impacts sociaux et financiers de ces innovations sociales sont encore flous, mais les adeptes, de plus en plus nombreux. En novembre dernier, l’économiste blogueuse Anne-Sophie Novel est venue nous éclairer sur cette tendance. Innovation La consommation collaborative La conférencière Anne-Sophie NOVEL Docteur en économie et experte auprès du Conseil économique et social européen. Journaliste, conférencière et blogueuse spécialisée dans l’innovation sociale, l’économie collaborative et les alternatives durables. Sur fond de crise et de défiance géné- ralisée, la consommation collaborative s’immisce dans notre quotidien grâce à la démultiplication des services favori- sant l’usage et le partage de biens plutôt que leur possession… Mais cette tendance n’en est pas à son coup d’es- sai. Coup d’œil dans le rétroviseur Le nom de Napster vous rappelle-t-il quelque chose ? C’est l’un des premiers sites web grâce auxquels l’échange de pairs à pairs (Peer-to-Peer) a été démocratisé. Napster, dans sa 1re ver- sion, en 1999, était dédié à l’échange de fichiers musicaux, et ce… gratuitement ! Cela n’a d’ailleurs pas été sans déclen- cher des poursuites en justice intentées par l’industrie musicale. Le succès de cette plateforme avant-gardiste repo- sait déjà sur deux fondements de la consommation collaborative : le par- tage et l’usage de données, objets, etc. La porte d’entrée n’est pas exclusive- ment technologique, mais l’explosion du web a largement contribué à remettre au goût du jour le troc. Mieux utiliser plutôt que posséder Tendances
  • 13. Décryptage. Un vent qui souffle un Français sur deux vers la sobriété volontaire Financier, humaniste ou écologique, l’intérêt pour ce mode alternatif diffère d’une personne à l’autre. Face au sys- tème généralisé de possession à outrance, l’apparition de la consomma- tion collaborative peut s’apparenter au combat de David contre Goliath. Pourtant, pas de quoi faire monter la cote d’alerte en vigilance rouge pour cette crue exceptionnelle de nouvelles pratiques, qui pour certaines remettent en avant des coutumes plus anciennes. Attention aux coups de vent tout de même, certaines pratiques risquent de bouger dans notre société ! Coups de vent en rafales L’ampleur grandissante de ce mode de partage provient de l’imbrication de plusieurs facteurs tantôt sociétaux, tantôt économiques ou encore techno- logiques. Pour n’en citer que quelques exemples : la démographie et la mobi- lité croissantes des individus sur leur territoire, le déploiement de nouvelles technologies décuplant les possibilités d’échanges d’information, et bien sûr, la prise de conscience que les res- sources de notre planète ne sont pas infinies. Avis de tempête sur notre société de consommation En cette période de grands change- ments, nos concitoyens se questionnent et se tournent vers un mode de vie où la recherche de sens est au cœur de leurs actions. Ils regagnent leur autonomie de jugement, se révèlent être des usa- gers du territoire plus responsables, des consommateurs plus actifs, plus citoyens. Les valeurs plébiscitées par ces consommateurs, souvent connec- tés, sont la confiance, l’ouverture, la reconnaissance et, de plus en plus le lien social réinventé. C’est aussi cela qui conduit la moitié des Français à penser différemment, qu’ils soient dans leurs rôles de consommateur, d’actif ou, plus généralement de citoyen. // Si le xxe siècle était celui de la possession, le xxie siècle est sans conteste celui du partage // // La confiance avant tout pour passer du moins au mieux ! // Consommer autrement, est- ce vraiment possible ? Bien sûr ! Posséder ensemble ou ne plus posséder du tout, c’est l’esprit de la consommation collaborative. Les solutions varient selon deux axes : le partage avec d’autres, grâce à des échanges directs, et le choix de l’usage plutôt que de la propriété. Le tout est donc de savoir si vous êtes prêt à posséder un bien ou un service avec d’autres per- sonnes, ou si vous voulez seulement en avoir l’usage selon vos besoins. De fait, les idées ne manquent pas : vide-placard, covoiturage, finance- ment participatif ou encore habitat partagé sont autant de solutions de la vie share1 , si différentes soient- elles. ©montiannoowong 1 Share = partagé Du partage de notre monde à un monde de partage Non, ce n’est pas du groupe de musique électro nantais (C2C) que nous parlons ici, mais de ce mouvement de Consommateur à Consommateur par opposition au BtoB ou au BtoC2 . Donner une deuxième vie aux objets en les revendant à d’autres est l’exemple parfait du CtoC. Le CtoB aussi prend son envol, mais plus doucement. La fidélisation par l’image de marque serait-elle dépassée ? Pas forcé- ment, mais elle prend une nouvelle tour- nure. Certains fabricants s’emparent de cette idée en donnant la liberté et les moyens à leurs clients d’apporter eux- mêmes de la valeur ajoutée à leur marque. En externalisant de la sorte, le consommateur est plus qu’acteur : il devient créateur. En savoir plus : fr.eyeka.com Du troc, bien sûr, mais pas seulement Pas toujours facile de s’y retrouver parmi les initiatives qui foisonnent ces derniers mois sur nos territoires. Certaines remettent au goût du jour des pratiques anciennes, d’autres sortent complètement des sentiers battus. La plupart utilisent les plate- formes web comme outil d’intermédia- tion. Les possibilités de classer les ini- tiatives sont nombreuses, c’est pourquoi Anne-Sophie Novel nous propose de les regrouper en quatre catégories : • Le troc : c’est l’idée de donner une deuxième vie aux objets, mais c’est aussi échanger ses savoirs, son temps… • Le partage d’un usage : l’autopartage, comme Marguerite, ou les vélos en libre-service, comme les Bicloos nan- tais, sont des exemples types. Le couchsurfing3 en est un autre, qui remet l’hospitalité au goût du jour. • La consomm’action : les projets naissent d’un élan collectif et les actions peuvent intervenir à différents niveaux (crowdsourcing4 ) : de l’idée du produit, de la validation du concept ou du financement du projet, les porteurs de projets en appellent à la commu- nauté d’usagers pour supporter des projets variés. • Le savoir-vivre ensemble renouvelé : au-delà de l’habitat partagé, ou de la mixité intergénérationnelle, des initia- tives toutes simples, telles que les « biens suspendus », se développent un peu partout. Le concept : vous payez un café ou une baguette en plus, qui sera offert par le commerçant à une per- sonne qui n’en a pas les moyens. L’avenir de la consommation sera-t-il majoritairement col- laboratif ? La consommation collaborative est-elle une vague en passe de changer le monde ? Les trois quarts de ceux qui ont modifié leurs comportements déclarent qu’ils ne feraient pas machine arrière. Et vous ? Globalement, les acteurs socio-économiques s’ouvrent de plus en plus à la coopération. La donne change sur la place occupée par le consommateur, particulièrement au sein de l’économie. Mais, ne nous le cachons pas, les Français ont toujours ce rapport ambigu à la consommation. Elle relève souvent de l’achat plaisir et 85 % d’entre eux estiment même qu’elle est vitale à la croissance de notre pays. L’envol de cette économie de la contribution soulève tout de même quelques questionnements pour l’ave- nir. Une pratique permise unique- ment sur le net ? Si la plupart des initiatives de partage se font via internet, de parfaits inconnus se rencontrent toujours dans la vie réelle pour partager et échanger. Le téléphone peut également tirer son épingle du jeu (par exemple : « Alter- Ego.cc » (service d’écoute), ou encore « j’aime Belleville » (entraide de quar- tier). Avez-vous la confiance 2.0 ? Dans la consommation collaborative, le baromètre de confiance des plate- formes web, c’est avant tout l’avis de la communauté. La pérennité des initia- tives est conditionnée par la construc- tion rapide et durable de la réputation que vous lui donnerez. Et sur ce terrain, rien n’est laissé au hasard. S’il existe encore quelques lacunes pour garantir l’indice de confiance des sites, des ini- tiatives sont menées pour les sécuri- ser, mais aussi pour renforcer le sys- tème d’authentification de l’identité numérique de chacun. Concurrence déloyale ou rup- ture des usages ? Plusieurs acteurs traditionnels du mar- ché, hôteliers, taxis…, brandissent le bouclier. Les services communautaires, portés par des start-up, qui parfois adoptent une posture bon enfant, dés- tabilisent un système économique qui peine à retrouver son équilibre. Par manque de recul, le doute plane sur le potentiel de ce nouveau modèle à générer des emplois durables. Là encore, cette économie collaborative suggère l’adaptation de nos indicateurs de richesse et de valeurs, allant au- delà du PIB, indicateur phare du sys- tème actuel. Le bonheur intérieur brut, vous y croyez ? ©ImageegamI 2 C = Consommateur, B = Professionnel (business) 3 Couchsurfing = littéralement, surfer sur les canapés (loger chez différentes personnes inconnues pendant un voyage) 4 Crowdsourcing = littéralement, qui émane de la foule (interaction avec une communauté de consommateurs / usagers) Prévisions « consommatologiques » CtoC, vous connaissez ? 23 24Un jour, un territoire
  • 14. // Au cours de sa vie de perceuse, celle- ci ne sera utilisée que douze minutes. Votre véhicule est à l’arrêt plus de 90 % du temps.13 % des espaces de travail sont libres en permanence… Alors, pourquoi ne pas les partager ? // Tendances n°18, à redécouvrir ! … bon plan ou mouvement de destruc- tion créatrice ? Bien que certains contours, notamment réglementaires, soient encore flous, la vie share a le vent en poupe. Son essor, lié à internet et aux réseaux sociaux, bouscule le modèle économique traditionnel. Quant aux entreprises, elles s’inquiètent à tel point que, pour survivre, elles devront faire avec les valeurs de l’économie collaborative. Avis de tempête, ce mou- vement risque d’en décoiffer plus d’un ! ©HSVRS Karine Niego Greenraid Partager, commenter, éva- luer les lieux « verts » de la Loire-Atlantique, voilà ce que propose l’application Green Raid. Un outil parti- cipatif au service du partage d’informa- tion de proximité. www.greenraid.fr Gaëlle Le Rezollier Nous&Co Agir et mieux vivre ensemble grâce à un support local interactif( 20kmmax.autourdeNantes ) d’échanges et de services collaboratifs, avec la plateforme monecocity. www.monecocity.fr Maude Frachon Disco Soupe Sensibiliser au gaspillage alimentaire en s’appropriant de manière festive et solidaire l’espace public et le rebut alimentaire. Élan international avec une équipe dyna- mique sur Nantes. https://www.facebook.com/DiscoSoupe Thomas Derosne MyNewStartup S’adresser aux petits et grands investisseurs et facili- ter la mise en œuvre de projets grâce à cette plateforme de finance participa- tive. Vivre une création d’entreprise par procuration. www.mynewstartup.fr Alexandre Heuzé Talentroc Favoriser l’échange de com- pétences en troquant sa matière grise - langues, informatique, culture, bricolage, loisirs… www.talentroc.com La consommation collaborative… Envie de réagir ? Retrouvez-nous sur notre blog : http://conseil-developpement.loire-atlantique.fr Initiativesà l’honneur en Loire-Atlantique 25 26Un jour, un territoire Rencontreavec Anne-Sophie NOVEL alternative que ça. La consommation collaborative s’ancre dans les mœurs, les gens considèrent de plus en plus que le don, le troc ou l’échange entre particuliers est un mode de consom- mation comme un autre. Trois quarts de ces nouveaux adeptes resteraient dans ce type de pratiques même si la situation économique devait s’amélio- rer dans les années qui viennent. C’est pour ça qu’aux États-Unis on observe de gros mouvements d’investisse- ments sur des start-up qui sont finan- cées par des fonds très importants. Des sommes d’argent considérables La consommation collabora- tive, de quoi s’agit-il ? Anne-Sophie NOVEL : La consomma- tion collaborative, c’est un terme qui est apparu au début des années 2000 et qui s’est démocratisé à partir de 2006-2007. Il qualifie tous les services qui permettent de favoriser l’usage sur la propriété. C’est-à-dire tout ce qui concerne le don, le troc, l’échange, et surtout les échanges entre particu- liers. C’est ce que l’on appelle le peer- to-peer et qui fait qu’aujourd’hui, en France, plus de 500 jeunes start-up proposent à des particuliers de s’auto- organiser pour consommer différem- ment et trouver des solutions en temps de crises. Ce mode de consommation, effet de mode ou tendance lourde ? On est plutôt sur une tendance de fond, une tendance lourde et de long terme. Nous sommes dans une crise qui n’en est pas vraiment une, car nous sommes dans une période de transition. Certains parleront de renaissance. Les dernières études auxquelles j’ai pu avoir accès, faites par des instituts de sondage, comme IPSOS ou l’OBSCOCO (Observatoire Société et Consommation), montrent que ce qui peut passer pour une consommation alternative n’est plus si “Nous sommesdans unepériode detransi- tion,voirede renaissance” sont misées sur ces nouveaux ser- vices. Économie traditionnelle et consommation collaborative, vers une vision commune ? Ce qui se passe, c’est que l’économie traditionnelle est en train, petit à petit, de s’adapter. Elle intègre progressive- ment les logiques collaboratives. On le voit notamment avec la multiplication des communautés internet que les marques de l’économie traditionnelle utilisent et avec lesquelles elles peuvent cocréer du contenu ou des produits. Si on va plus loin, ça va tou- cher aussi le management des organi- sations. D’un autre côté, les nouveaux services d’organisation entre pairs vont pousser les services traditionnels à revoir la façon dont ils vont concevoir un produit. L’économie sera peut-être plus servicielle. Plutôt que de voir ça comme une menace, par exemple comme l’arrivée du mail avec le cour- rier, l’économie traditionnelle se dit qu’elle n’a peut-être pas le choix que d’embrasser ce type de nouvelles pra- tiques. Pour bien s’adapter, rien de mieux que d’anticiper.
  • 15. 27 28Un jour, un territoire BERTIER LUYT 2013 a présenté la conférence inti- tulée : L’impression 3D Entrepreneur malouin de 38 ans, Bertier Luyt se lance dans la création d’entre- prises (fondateur du Fabshop) après un parcours réussi dans la musique. Mordu d’artisanat et de nou- velles technologies, il est à l’initiative en octobre 2013 de la première Maker Faire en France, foire de l’artisanat futuriste et ode à la créativité citoyenne ! Il vit aujourd’hui de ses deux passions. Tour d’horizon d’un parcours aty- pique. // La Loire-Atlantique est incontestablement une terre d'innovation pour tous. Nous avons retiré de cette participation un échange réelle- ment enrichissant, des personnes intéressées, une envie commune. Les Nantais ont été à la hauteur de leur réputation. Ce département nous a démontré qu'il était un terreau fertile pour l'impression 3D et le Maker Mouvement. Que se soit sur les chantiers navals ou au FabLab de Nantes, ces personnes n'ont rien à prouver au Maker movement. Il y a parfois juste des Makers qui s'ignorent // n° 28  FéVRIER 2014 Imprimer en 3D… La simple expression peut laisser perplexe, car, dans un premier temps, nous tentons tous d’imaginer comment notre imprimante de bureau pourrait fabriquer des objets. Afin de démystifier le phénomène, Bertier Luyt est venu nous présenter ce qu’est vraiment l’impression 3D. Bien au-delà du simple prototypage rapide, ces machines sont en réalité le symbole d’une révolution industrielle beaucoup plus large. Basée sur une culture créatrice prônant coproduction, partage et réflexion ouverte, cette révolution se tient à la croisée des savoir-faire traditionnels en matière de bricolage et d’ l’utilisation de machines digitales à la pointe de la technologie. En effet, c’est tout un monde qui est à l’origine de l’impression 3D et qui l’accompagne aujourd’hui. Un monde composé de Makers, de Hackers, de Fablabs et autres Techshops (dico p. 4). Bienvenue dans l’univers un peu étrange des bidouilleurs futuristes qui vont changer notre économie. Innovation L’impression 3D Emblèmed’unerévolutionindustrielle Fais-le toi-même ! Si aux États-Unis on parle du « Maker Movement », en France il s’agira plutôt du mouvement « Do It Yourself » (faites- le vous-même). Ce mouvement de création ne date pas d’hier, mais il s’est considérablement accéléré avec l’appa- rition et la démocratisation d’internet. Tout a commencé au Massachusetts, où un enseignant a observé que ses étudiants revenaient après les cours dans les ateliers du MIT1 pour y conce- voir leurs propres créations. Ce constat l’a amené à créer le premier Fablab, un laboratoire de fabrication collectif, en 2003. Les élèves avaient accès à ce laboratoire, à la seule condition de documenter les projets qui y étaient Le conférencier Bertier LUYT Fondateur du « Fabshop » et coauteur du livre L’impression 3D. Il a également organisé la 1re « Mini Maker Faire » de France, à Saint-Malo, en 2013. menés et de partager leurs créations avec les autres étudiants. C’était la naissance du « Do it with Others ». Et partage-le ! L’arrivée du web 2.0 marque un tour- nant dans l’histoire du Maker Movement. Les bricoleurs s’appro- prient les moyens de communication de ce nouveau web. Les forums, blogues, sites communautaires et sites spéciali- sés fleurissent et décuplent les possi- bilités des bricoleurs tant en termes de création qu’en termes de conseil et de dépannage. En 2004, l’expression «  Maker Movement » est employée pour la première fois, elle 1 MIT : Massachusetts Institute of Technology Tendances Le Maker movement
  • 16. 29 30Un jour, un territoire Les Fablabs donnent vie aux idées Traductible par « laboratoire de fabrica- tion », il y en a aujourd’hui 120 dans le monde. Ces ateliers se trouvent encore pour la plupart au sein des grandes universités américaines, même s’ils ont de plus en plus tendance à s’affranchir des structures éducatives. Ces espaces sont ouverts à tous, que l’on soit en recherche d’inspiration ou que l’on ait déjà un projet en tête. La seule condi- tion d’accès est le partage de la connaissance avec autrui. Autrement dit, si vous souhaitez développer un projet ultra secret, passez votre che- min. Par contre, si vous avez dans l’idée de reconstruire la poignée de votre réfrigérateur introuvable dans le com- merce, vous êtes au bon endroit ! Des logiciels de modélisation 3D aux machines à commandes numériques, en passant par des machines-outils, de l’électronique ou du petit outillage, tout est là pour favoriser la création. Vous souhaitez des équipements plus lourds, car vous avez vu les choses en grand ? Le Techshop sera dans ce cas plus adapté. Munies d’outils industriels, ces structures beaucoup plus grandes sont équipées comme de véritables usines. Dans ces endroits se croisent toutes sortes de populations qui ont un point commun : la passion de la création. Autant dire qu’il s’agit de véritables incubateurs qui peuvent donner nais- sance aussi bien à un tout petit produit qu’à une grosse société. Quand l’usine est à portée de clic Mais comment faire si on a l’âme d’un Maker, mais qu’il n’y a pas de Fablab ou de Techshop dans les environs ? Pas de panique, avec internet aujourd’hui, l’usine est à portée de clic. N’importe quel Maker, quelle que soit sa localisa- tion, peut passer d’une idée au projet, et du projet au produit. Découper au laser, faire de l’usinage numérique ou imprimer en 3D est désormais possible depuis son canapé. Des sociétés comme Ponoko ou Sculpteo2 proposent ces services sur internet. Avec ces usines en ligne, le privilège de l’utilisa- tion des machines de prototypage rapide est accessible à tous, de n’im- porte où. Tout comme l’avènement du blogue a fait perdre le privilège de l’in- formation à la presse, les outils de prototypage rapide que l’on trouve dans les Fablabs, dans les Techshops ou tout simplement sur internet vont sans doute à terme capter une partie du pri- vilège de l’innovation aux industriels. Ces machines offrent la possibilité de produire de petites séries, mais aussi des pièces uniques de haute technolo- gie.Unautreatout,etpasdesmoindres, c’est qu’elles permettent de multiplier inspirera le titre de la revue spécialisée du genre en 2005 : Make Magazine. En dix ans, le Maker Movement a pris une ampleur considérable outre-Atlantique. En 2006, les États-Unis voient naître le premier Techshop : 3 000 m2 de machines industrielles mises à la dis- position du public. Principalement fré- quenté par les ingénieurs de la Silicon Valley, le Techshop le Techshop assiste à l’éclosion des idées et des projets qui peuvent prendre forme très rapide- ment. Il y a fort à parier que dans les années à venir, de grandes compagnies et de grands projets y verront le jour. 2 Ponoko : www.ponoko.com - Sculpteo : http://www.sculpteo.com/fr/ C’est beau, c’est ludique et sympa, OK. Mais l’impression 3D, c’est souvent générateur de déchets plastiques. C’est ce constat qui a poussé le Fabshop à élaborer le premier filament de plastique à base d’algues pour l’impression 3D, une innovation en la matière. La foire du faire faire faire ! La troisième révolution industrielle ? Le magazine Make organise tous les ans un salon destiné aux Makers : la « Maker Faire ». La Makerquoi ? La Maker Faire, c’est un salon où les Makers du monde entier se retrouvent pour partager leurs créations, bricolages ou projets avec leurs pairs. Le but du jeu consiste à montrer son travail, à recueillir l’avis d’autres participants et, pourquoi pas, à trouver des collaborateurs pour monter d’autres projets. Ces manifestations sont des références, elles accueillent 90 000 personnes et plus de 1 000 exposants sur un week-end. À côté des grosses éditions américaines fleurissent ici et là des Maker Faires de plus petite envergure, on les appelle les mini Maker Faires. Rien qu’en 2013, il y en a eu une centaine dans le monde, dont une en France, la première, à Saint-Malo ! Des déchets pas très verts ©Makerbot® les centres de production et de les rap- procher des consommateurs. Dans les années à venir, les initiatives des Makers vont se multiplier, les fabri- cants de pièces en local seront de plus en plus nombreux, entraînant une nou- velle économie. Il s’agit bien là d’une révolution des usages, de la pratique et de la façon de générer des flux finan- ciers. Des millions en 3D La révolution a aussi ses héros. Le mouvement des Makers ne serait pas ce qu’il est sans des personnalités comme Dale Dougherty, le Steve Jobs du mouvement des Makers. C’est d’ail- leurs lui qui est à l’origine de l’expres- sion « Maker Movement », mais égale- ment de la progression du web vers le 2.0. L’autre personne emblématique du mouvement n’est autre que l’inventeur de l’imprimante 3D : Bre Pettis. Ce blogueur a fondé en 2008 le New York City Resistor Club : un Hackerspace où des passionnés détournent des objets électroniques de leur usage premier. Par exemple, l’un des membres du NYCRC a fabriqué une veste de course à pied couverte de LEDs fluorescentes qui s’allument au rythme de l’activité car- diaque. Pour ce faire, le Maker a détour- né l’usage de son cardiofréquence- mètre. Des multiples projets et expériences qui y ont été menés est née la première machine à prototypage rapide que l’on appelle aujourd’hui l’imprimante 3D. Accompagné de deux collègues, Bre Pettis monte alors en 2009 une société : Makerbot®. Cette marque est devenue leader sur le seg- ment de l’impression 3D en commercia- lisant plus du quart de la production mondiale. En juin 2013, Makerbot® a été rachetée pour 403 millions de dol- lars, la firme emploie 600 personnes et appartient désormais au plus gros groupe industriel de prototypage rapide au monde. Imprimer en 3D ! Bertier LUYT // L’un des secteurs les plus porteurs est sans doute celui de la santé. L’imagerie médicale attend beaucoup de l’impression 3D. Préparer des opérations en amont ou fabriquer des pièces de remplacement (des prothèses par exemple) sur mesure est en passe de devenir une réalité. Dans quelques années, le bio-printing et l’impression d’organes à partir de ses propres cellules seront des procédés courants // Une publicité un peu menson- gère Maintenant que tout le monde est au point sur les Fablabs, Makers et Hackerspace (si ce n’est pas le cas, rendez-vous en page 4 pour une séance de rattrapage), il est temps de com- prendre le fonctionnement de cette curieuse machine. Le procédé n’est pas si complexe puisqu’il consiste à super- poser de fines couches de filaments pour fabriquer des objets en 3 dimen- sions. Jusque-là, tout va bien. Sauf que, à en croire les médias, ce procédé permettrait à n’importe qui de fabri- quer tout et n’importe quoi à domicile. Malheureusement (ou heureusement), la réalité de l’impression 3D n’est pas vraiment la même que celle qui est vantée dans la presse ou sur internet. Cette technologie se voit en effet sou- vent octroyer des propriétés qu’elle n’a pas. Bien que le nom d’origine soit « prototypage rapide », imprimer en 3D est en fait… très lent ! Et la lenteur s’accroît proportionnellement à la taille et à la précision du modèle à fabriquer. Pour fabriquer un objet 3D rapidement, il faut un objet aux contours peu précis et petit. Autre point d’amélioration : le coût. Le plastique utilisé par ces machines a un coût, et pas des moindres : 50 € le kilo. Les échecs d’impression sont courants et il n’est pas rare de devoir recommencer la fabrication d’une pièce plusieurs fois. Les objets imprimés en 3D ont égale- ment souvent besoin d’un post traite- ment afin de lisser leur surface. Enfin, la composition de l’objet sera le plus souvent en plastique, les machines d’entrée de gamme ne proposant pas la possibilité d’utiliser d’autres matériaux pour le moment. Il y a aujourd’hui, sur ce marché, de tout. Des machines à quelques centaines d’euros, à monter soi-même. Et des machines qui vont coûter des centaines de milliers d’eu- ros, mais plutôt à usage industriel. Même si, à l’heure actuelle, l’impres- sion 3D est une technologie devenue abordable pour de nombreuses entre- prises et certains particuliers, elle va bientôt s’installer dans le paysage comme un outil de fabrication, mais qui serait plutôt destiné aux entreprises. Car ce qui est souvent omis, c’est qu’avant d’imprimer en 3D il faut modéliser l’objet, ce qui demande d’acquérir des compétences qui ne sont pas innées. Les particuliers béné- ficieront bien sûr de la technologie, // Une variante du Fablab est à l’origine de la naissance de la première imprimante 3D, il s’agit du HackerClub du New York City Resistor. Ce lieu est emblématique puisque c’est à cet endroit que sera inventée, en 2009, l’une des imprimantes 3D les plus populaires aujourd’hui //
  • 17. 31 32Un jour, un territoire mais davantage par le biais des profes- sionnels. à l’avenir, l’impression 3D serait donc un outil destiné prioritaire- ment aux professionnels. à l’aube d’un nouveau modèle d’affaires Se procurer un modèle prêt à imprimer peut se faire de différentes manières. La source la plus courante étant l’usage d’un logiciel de modélisation (type Sketchup), mais d’autres moyens sont disponibles. Le scanner 3D est, par exemple, une alternative intéressante : l’objet est scanné sous toutes ses dimensions, il est ensuite possible de le recréer en 3D sur l’imprimante. Enfin, la dernière possibilité, c’est évidem- ment la communauté. Celle-ci va pro- poser des milliers de modèles scannés ou modélisés aux internautes. Des catalogues sont téléchargeables dans tous les domaines (déco, techno…). De nombreuses options de personnalisa- tion sont également disponibles (cou- leur, matière, etc.). Ces possibilités prennent toute leur importance, car c’est là que se trouve la révolution des flux financiers. Pour un artiste, plus besoin de produire ses pièces à l’avance pour les exposer et les vendre, il suffit de les mettre en ligne. La fabrication n’en sera lancée qu’une fois le paie- ment effectué. Cela va changer la façon de faire du commerce pour les artisans et les fabricants de petites séries. Plastique, métal, bois… tout est bon dans l’impression Du plastique, oui, mais pas que. Si le Fuse Deposition Modeling (dépôt de filament chaud) reste la technologie la plus utilisée aujourd’hui, il est égale- ment possible d’imprimer en utilisant le Selective Laser Sintering : on ne parle alors plus de plastique, mais de couches de poudre métallique soudées entre elles par un laser. Enfin, l’impres- sion peut se faire aussi en utilisant des matières minérales ou encore du bois. Chacune de ces technologies est adap- tée à des marchés et des besoins diffé- rents. Du styliste au prothésiste, un outil transversal Aujourd’hui,lesapplicationsdel’impres- sion 3D couvrent un nombre de métiers extrêmement divers. Les activités direc- tement utilisatrices, comme l’architec- ture, le modelage, le dentaire, l’archéo- logie ou la santé, côtoient des secteurs qui s’intéressent de près à cette techno- logie, comme la mode, la topographie, l’agroalimentaire, la recherche… Un quart des clients sont des industriels. Les utilisateurs sont, quant à eux, sou- ventingénieursoudesigners.Unechose est sûre, l’impression 3D va connaître d’importantes évolutions dans les années à venir et ses applications vont certainement nous surprendre. Le dico de la techno // Le Fabshop3 de Bertier Luyt, c’est pour l’instant un atelier de fabrication exclusivement digitale, avec des machines de découpe laser et des imprimantes 3D. Ces équipements sont de qualité professionnelle, mais ne sont pas destinés à grossir à la façon d’un Techshop // Ci-contre : un Fablab américain Maker : inventif et manuel, il s’agit d’un bricoleur qui fabrique lui-même ses objets. Il fait le plus souvent partie du mouvement du DIY. DIY / Do It Yourself : fais-le toi-même. Cette philosophie prône la fabrication artisanale de toutes sortes d’objets, qu’ils soient artistiques, technologiques… ou même complètement inutiles ! Fablab : laboratoire de création équipé de machines de prototypage où les bricoleurs ingénieux se retrouvent pour travailler ensemble sur leurs projets. Techshop : Il s’agit d’un lieu plus grand qu’un Fablab. Les machines sont de type industriel et occupent des centaines de mètres carrés. Hackerspace : lieux fréquentés par des communautés (souvent férues d’informatique et de technologie) où elles peuvent s’échanger leurs savoirs sous forme d’ateliers, de conférences ou de soirées. Sketchup : logiciel de modélisation 3D très répandu et édité par Google. Makerbot® : fabricant d’imprimantes 3D, leader sur le marché mondial actuellement. 3 Fabshop : www.lefabshop.fr Rencontreavec BertierLUYT Vous êtes à l’origine de la mini Maker Faire de Saint-Malo, pouvez-vous nous expliquer le principe d’une Maker Faire ? Maker Faire, c’est un évènement qui a lieu aux Etats-Unis, à New-York et à San Francisco. La mini Maker Faire est sous licence Maker Faire, et doit respecter quelques codes. Il s’agit d’une exposition de savoir-faire. C’est un salon, ou plutôt un show où les expérimentations les plus folles des makers sont exposées. Ces salons sont ouverts à tous, des plus jeunes aux plus âgés. Ce sont des salons dits « interactifs », car les visiteurs sont Comment les industries peuvent-elles faire face et s’adapter à la captation du chiffre d’affaires que pourrait engendrer la généralisation de l’impression 3D ? Bertier LUYT : Les industries devraient s’équiper d’imprimantes 3D et capter elles-mêmes ce chiffre d’affaires. Il correspond à la demande des consom- mateurs d’objets personnalisés, uniques et fabriqués pour eux. On a évolué d’un modèle de production de masse à un modèle de production per- sonnalisé. Ce sont les industriels qui doivent s’équiper d’imprimantes 3D, car aujourd’hui ce sont des machines qui ont vocation à être utilisées par des professionnels. Les makers, qui sont-ils ? Tout le monde peut-il devenir un ambassadeur du Do It Yourself ? Maker, c’est le mot anglais qui désigne un bricoleur ingénieux , un faiseur, en quelque sorte, même si ce mot n’est pas très correct en français ! Pour être un maker, il faut faire, et partager son savoir-faire avec une communauté, qui est souvent sur internet. Pourquoi internet, car sur internet, on a accès à une communauté internationale. Pour les francophones, on peut parler avec des Québécois, des Africains, des Laotiens, des Belges, des Suisses ou des habitants du Maghreb. Quant à ceux qui parlent anglais, le monde entier leur est ouvert, que ce soit sur des blogs, des réseaux sociaux, des sites web ou des plateformes commu- nautaires qui présentent des projets. “LaMaker Faire,c’estun endroitsûr pourdesgens bizarres” amenés à pratiquer, à jouer, à tester et interagir avec les exposants. S’il y a beaucoup d’ateliers lors des Maker Faire, un seul est obligatoire, c’est un atelier de soudure et d’électronique pour apprendre à fabriquer un petit objet avec une batterie et une LED. à la Mini Maker Faire de Saint-Malo, que nous avons organisée en octobre 2013, les visiteurs ont pu participer à des ateliers de création de robots, de monstres en carton, de chimie et, bien sûr, d’impression 3D. Il y avait aussi des cours de modélisation 3D, la pos- sibilité de jouer avec des drones. C’est également un lieu qui provoque des rencontres, je pense notamment à ce fabricant de kayaks artisanaux qui tra- vaillait dans son garage et qui a pu montrer ce qu’il faisait. Il a rencontré des partenaires potentiels qui lui ont proposé de venir dans un atelier plus grand pour commencer une petite série. Pour conclure, la Maker Faire c’est un endroit où être un peu geek et même brillant (rire), ce n’est pas un pro- blème ! Quand les enfants arrivent à la Maker Faire, on leur dit : ne vous ennuyez pas et ne soyez pas ennuyeux.
  • 18. 33 34Un jour, un territoire ARNAUD MOUROT 2014 a présenté la conférence inti- tulée : L’entrepreneuriat social Arnaud Mourot est le pré- sident fondateur de l’ONG « Sport sans frontières » depuis 1999. Il a également été membre de l’équipe de France de Lutte libre pendant dix ans. Désirant contribuer à bâtir un monde écono- mique et social plus juste, il inaugure en 2006 l’antenne France d’Ashoka. Il devient ainsi directeur général d’As- hoka France, Belgique et Suisse et co-directeur d’As- hoka Europe. Peut-on faire du « business » pour répondre à des problèmes de société ? La question interpelle. Le pari est osé, mais la réponse, de plus en plus crédible. Les entrepreneurs sociaux sont la preuve vivante qu’une voie plus humaine est en cours de construction. Alors que 31 % seulement des Francais ont entendu parler de ce terme, comment ces entrepreneurs vont- ils réussir à s’imposer durablement dans notre paysage écono- mique ? La Loire-Atlantique participe déjà à cet élan de solida- rité par la forte présence de l’ESS1 . Sera-t-elle un territoire prêt à renforcer l’ancrage de ces mouvements hybrides ? En février dernier, Arnaud Mourot, directeur général d’Ashoka France, est venu témoigner de sa conviction de pouvoir trouver des réponses innovantes pour pouvoir donner un nouveau souffle à notre société. Un message d’espoir fort pour une transition devenue incontournable. Plusieurs porteurs de projet et cataly- seurs de Loire-Atlantique étaient également présents lors de cette conférence pour témoigner de la diversité des courants. L’entrepreneur social accélérateur du changement 1 Innovation L’entrepreneur social est à l’économie ce que l’invention est à l’innovation L’innovation sociale englobe les expéri- mentations répondant à un besoin de société qui ne trouve peu ou pas de réponse par les collectivités ou le mar- ché. Qu’elles fassent appel au bon sens ou à une ingéniosité incroyable, elles s’attaquent à la racine des problèmes et améliorent le fonctionnement de notre sociétéenreplaçantl’usageraucœurde la solution. De ces innovations naissent différentes formes d’organisations ou de partenariats sur les territoires, des modèles hybrides de plus en plus diffi- ciles à catégoriser sous une seule et même définition, qui briderait leur origi- nalité. C’est dans ce contexte que les entrepreneurs sociaux (ES) français se frayent une place. Ils créent du change- mentsocialens’appuyantsurunmodèle économiqueviable.Pouryvoirplusclair, notre conférencier pose le 1er jalon. ©kantver 1 ESS : économie sociale et solidaire // Il n’y a rien de plus puis- sant qu’une idée très inno- vante quand elle naît dans les mains de vrais entrepre- neurs. Une belle idée chez un « non-entrepreneur » ne va pas loin. Un entrepreneur sans idée ira plus loin, mais pas beaucoup plus // Le conférencier Arnaud MOUROT Directeur général d’ASHOKA France, Belgique, Suisse Président fondateur de l’ONG Sports sans frontières ASHOKA Premier réseau mondial d’entrepreneurs sociaux TENDANCES n° 32  MAI 2014 Innovation Tendances
  • 19. 35 36Un jour, un territoire 2 EMES : Emergence of Social Enterprises, littéralement « émergence des entreprises sociales » http://www.iap-socent.be 2 AVISE : Portail pour développer l’économie sociale et solidaire. http://www.avise.org/ 3 MOUVES : mouvement des entrepreneurs sociaux : http://mouves.org/ 4 ESS : économie sociale et solidaire 5 IAE : Insertion par l’activité économique. // Un entrepreneur social voit des solutions alternatives à un pro- blème d’intérêt général, accepte d’aller au-delà des idées reçues, accepte de se prendre des coups ! // // Plusieurs modèles d’entre- prises adaptés à des personnes mal servies par la société sont envisageables. S’il en existe aujourd’hui très peu, le poten- tiel de développement est bien réel. Les personnes sous le seuil de pauvreté repré- sentent 16 % de la population sur sept pays européens étu- diés, et une enveloppe de 220 milliards d’euros de dépenses en Europe. Pour cela, sortir des cases est une urgence. La forme juri- dique ne fait pas notre vertu, mais l’intérêt général est l’affaire de tous // Pays du Sud : gisements importants d’entrepreneurs sociaux. Pourquoi ? Arnaud Mourot est formel. Le poten- tiel est d’un entrepreneur pour dix millions d’habitants par année…, soit pour la France un espoir de décou- verte de huit ES par an. Les pays du Sud, peu structurés, sont des terri- toires extrêmement fertiles. Les popu- lations ont un besoin criant de réponses à des problèmes fondamen- taux. Parmi ces entrepreneurs sociaux figure Muhammad Yunus, pionnier du microcrédit et Prix Nobel de la paix en 2006. Il n’existait pas de professeurs de sport pour personnes âgées jusqu’en 1997. Jean- Michel Ricard et Jean-Daniel Muller ont développé un protocole de prévention santé et bien-être en mettant autour de la table des médecins, des ergothérapeutes et d’autres professionnels du monde gériatre. De cette idée est née l’Activité Physique Adaptée et le groupe associatif SIEL bleu. C.Q.F.D : en meilleur état de forme, les pratiquants voient leur nombre de fractures divisé par trois. Changement d’échelle réussi : cette bonne idée, soutenue par Ashoka depuis 2006, a fait son chemin puisqu’aujourd’hui ces activités sont en partie remboursées par la sécurité sociale. Ils ont remis mamie au vélo… Et ça marche ! Les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ©Photobank • 4 962 établissements employeurs, dont 4 174 associations • 57 800 salariés, dont 74 % au sein des associations • 1,2 milliard d’euros de masse salariale • Un emploi sur sept provient des structures de l’ESS Ces indicateurs représentent environ 40 % des indicateurs régionaux. La place de l’ESS en Loire-Atlantique. Chiffres clés 2012 Pour plus de données, visitez le site de la CRESS Pays de Loire : http://www.cress-pdl.org/ Le principe est simple : mutualiser des moyens au service de projets innovants et porteurs d’un développement local, et ainsi renforcer les partenariats de structures et organismes de tous horizons. Ainsi, depuis 2012, les Écossolies, sur l’île de Nantes, représentent un pôle témoin et poursuivent leurs actions avec l’ouverture du Solilab depuis début 2014. Également depuis 2014, le Comité de bassin d’Ancenis déploie le PTCE du Pays d’Ancenis. + http://www.lelabo-ess.org/?-Poles-territo- riaux-de-cooperation- + Retrouvez le texte complet (nov. 2013) du projet de loi sur l’ESS à cette adresse : www.economie.gouv.fr/files/pjl-ess- dp.pdf + Du réseau de recherche européen EMES2 au réseau Ashoka, en passant par la plateforme Convergences, l’agence Avise3 ou l’organisation Mouves4 , les définitions de l’entrepre- neur social sur le sol français sont diverses. Inventer des modèles hybrides semble aujourd’hui une nécessité, tout comme établir des bases communes de dialogue pour le plus grand nombre d’acteurs sur les territoires. L’objectif est d’élargir le champ des possibles par des réponses complémentaires. Priorité absolue à l’utilité sociale Les ES excellent dans la priorisation des intérêts de la population et des préoccupations environnementales. C’est l’essence même de leur exis- tence. Pour autant, la portée de l’impact est soumise au débat. Par exemple, l’organisation Ashoka, née dans la tête de l’américain Bill Drayton, se concentre souvent sur des projets à destination de publics vulnérables, notamment en situation de pauvreté. Du côté de l’ESS, l’utilité sociale englobe plus largement la mise en œuvre de missions participant à la cohésion territoriale, ou alors contri- buant au développement durable des territoires. « Une personne, une voix », ou la voix d’une seule per- sonne ? Ce que recherchent les prospecteurs d’Ashoka, ce sont des pépites d’or. L’organisation met l’accent sur le profil et le tempérament des individus ren- contrés, en plus d’une fouille très rigoureuse d’indices, qui jalonnent le processus de sélection. L’échantillonnage collecté des Fellows (compagnons) Ashoka est donc res- treint et il est souvent le fait d’entrepre- neurs individuels. À l’inverse, pour les chambres régionales d’ESS ou encore le réseau de recherche EMES, le mon- tage collectif à la genèse des projets est une des portes d’entrée incontour- nables. Pour l’intérêt général et par le collectif. Statut ou vertu ? Le constat est rude. Les modèles de prises en charge fortement subvention- nées ou les modèles de philanthropie sont des filons qui se tarissent depuis quelques années. Si l’entrepreneuriat social est un concept qui résonne encore mal dans l’esprit de bon nombre d’Occidentaux, c’est précisément sur cette originalité que misent les détec- tives d’Ashoka pour identifier leurs protégés. Ainsi, la question de l’entrepreneuriat social parmi les activités de l’ESS reste encore floue pour de nombreux acteurs. Si servir l’intérêt général demeure un des piliers, le périmètre historique des statuts inclus (associations, coopéra- tives, mutuelles, structures IAE5 et fondations) est en train d’évoluer. Plusieurs questions sous-jacentes à ce débat franco-français existent. L’une d’entre elles revient à se demander si les associations n’auraient pas intérêt à se recentrer sur leur vocation d’origine, en évitant d’associer des démarches entrepreneuriales à ce statut. Pourtant, au regard de l’ancrage territorial fort qu’elles apportent et du nombre d’em- plois créés, notamment en Loire- Atlantique, ces structures doivent déployer des réflexes de gestion d’en- treprises pour pérenniser des emplois délocalisables. Le projet de loi-cadre sur l’ESS, adopté par le Sénat en novembre 2013, semble apporter des éléments de réponse en prévoyant de donner plus de visibilité à cette écono- mie. Il reconnaît la diversité des acteurs œuvrant dans le respect de trois prin- cipes essentiels que sont la perfor- mance économique, l’innovation et l’utilité sociale. Territoire et changement d’échelle. Enfin, un consensus Pour compléter le portrait, l’ES se doit d’apporter une modification en profon- deur aux pratiques sur son territoire. D’un périmètre local au départ, l’impact de l’activité doit se démultiplier au fil du temps. Ce changement d’échelle est un point de vigilance de 1er ordre pour Ashoka, mais aussi pour bien d’autres. Pour permettre cette démultiplication des effets, le travail en partenariat prend tout son sens. Que l’initiative soit à l’origine le fait d’une personne ou bien d’un projet collectif, l’entrepreneur bâtit et travaille en toute transversalité. Il œuvre pour plus de décloisonnement des ressources et des compétences sur les territoires et doit être soutenu dans ce sens par des réseaux structurés et autres plateformes. La Loire-Atlantique est plutôt active à ce niveau-là. Entrepreneur social : manuel d’exploration
  • 20. 37 38Un jour, un territoire ©sbrozova // Les enjeux sont tellement importants, il faut que ça évolue encore et que tout le monde s’y mette ensemble si on veut vérita- blement y faire face // Avoir des objectifs communs sur le long terme Famille « Catalyseurs » Famille « Financeurs » Marc Richard Directeur de l’association des Écossolies www.ecossolies.fr Jean-Loïc SOREL Délégué régional Pays de Loire des Cigales cigales.des.pays.de.la. loire.over-blog.fr Céline Durand Déléguée générale de la CRESS Pays de Loire www.cress-pdl.org Placer l’efficacité économique au service de l’intérêt général est la première règle d’or des entrepreneurs sociaux. Ne pas avoir peur de sortir des sentiers battus et le faire avec d’autres pourraient bien être les suivantes. Les solutions qu’ils amènent bousculent les équilibres territoriaux en place. Seuls ou en collectif, ces innovateurs œuvrent avec une approche de marché directement pour le bien commun des populations les plus vulnérables ou à des fins environnementales. Inspirant et persévérant, l’entrepreneur social est perçu comme un éclaireur sus- ceptible d’enrichir et de décloisonner les positions des différents acteurs. Cette qua- lité requise révèle aussi la nécessité de développer des partenariats pour transfor- mer en profondeur les pratiques. Un des défis d’avenir sera de déployer un réseau de soutien bâti sur la finalité et l’approche innovante des actions, plus que sur leur forme juridique. En bref, s’engager dans une économie plus inclusive, c’est l’avenir ! Olivier VAUDOUR Fondateur de Lilokawa & Co SARL www.lilokawa.com Marianne YOU Présidente de l’association Anim’Toit animtoit.jimdo.com Serge BOUREAU Macoretz, président des Ecossolies macoretz-scop.maco-scop.fr Famille « Entrepreneurs» + Six voix de l’écosystème en Loire-Atlantique Si vous pensez être le prochain Fellow Ashoka de Loire-Atlantique, n’atten- dez plus, faites-vous connaître ! Rencontreavec ArnaudMOUROT L’avenir, c’est du business pour du social ? C’est déjà certainement plus de visibi- lité pour les entrepreneurs sociaux, de façon qu’ils soient plus inspirants, notamment pour la prochaine généra- tion qui a envie d’entreprendre autre- ment. L’avenir, ça va être aussi la nécessité de repenser les modèles économiques : les subventions publiques, c’est terminé. Il faut inven- ter des modèles indépendants et sans doute imaginer des alliances avec des acteurs parfois un peu contre nature, Quels sont les grands prin- cipes de l’entrepreneuriat social ? Arnaud MOUROT : Pour Ashoka, un entrepreneur social, c’est un homme ou une femme qui entreprend au ser- vice de la société. Il développe une innovation, quelle qu’elle soit, dans le champ de l’éducation, de l’environne- ment, de la santé… Il a le potentiel de résoudre le problème à la racine, et son projet a un potentiel de duplication important. Ashoka se concentre pour identifier ces entrepreneurs sociaux assez atypiques et relativement peu nombreux. Comment détectez-vous ces entrepreneurs pas comme les autres ? Pour détecter les entrepreneurs sociaux que nous soutenons, nous avons mis en place un système d’iden- tification très poussé qui s’appuie sur cinq grands critères qui sont : le carac- tère innovant du projet, les qualités entrepreneuriales et la créativité du porteur, le potentiel d’impact du projet et enfin, la fibre éthique de l’entrepre- neur. C’est un processus qui prend entre six et huit mois pour être com- plètement abouti et qui passe par dif- férentes étapes au travers desquelles on évalue à la fois le potentiel du projet et le potentiel de l’homme ou de la femme qui le porte. C’est vraiment la combinaison des deux qui nous inté- resse. “L’économie dedemainsera porteused’im- pactsocial,mais aussiviableet performante ” je pense par exemple à l’économie commerciale traditionnelle à laquelle on ne pense pas nécessairement quand on parle de la résolution de grands enjeux. Les problèmes sont si importants que si les entrepreneurs sociaux restent dans leurs toutes petites cases, il y a de grandes chances qu’ils ne puissent pas avoir l’impact qu’ils attendent. C’est dom- mage, car ce sont de formidables forces d’innovation, ils ont une très bonne approche des besoins des populations les plus vulnérables que n’ont pas les autres acteurs écono- miques. C’est sans doute en travail- lant ainsi, main dans la main, qu’on va pouvoir travailler à la fois sur l’utilisa- tion de cette compréhension des besoins des plus pauvres, et en même temps sur le savoir-faire de produc- tion à grande échelle des grands groupes. C’est très certainement cette hybridation qui, demain, amènera une économie d’un nouveau type : à la fois porteuse d’impact social, performante économiquement et qui globalement donnera du sens à tous ceux qui y par- ticipent.
  • 21. 39 40Un jour, un territoire MONIQUE DAGNAUD a présenté la conférence inti- tulée : L’engagement citoyen des jeunes Sociologue, directrice de recherche CNRS-EHESS et contributrice à de nombreux sites, dont Slate.fr. et Telos. Ses recherches portent sur la régulation des médias, mais aussi sur la culture des adolescents et postadoles- cents dans l’univers des loi- sirs. Elle est notamment auteure de La Teuf, essai sur le désordre des générations (Le Seuil, 2008), et Génération Y- Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion (Presses de Sciences PO). // Les jeunes sont loin d'être repliés sur leur "petit monde" ou enfermés dans des réseaux numériques. L'idée du narcissisme ou de l'isolement constitue à bien des égards un cliché, car adolescents et jeunes adultes sont adeptes du partage et de l'échange : de surcroit, ils manifestent une ouverture d'esprit souvent supérieure à celle des personnes plus âgées. Par contre leur engagement se dirige surtout vers le social et l'humani- taire et peu vers les partis politiques qui font l'objet d'une vive méfiance. L'engagement citoyen en Loire Atlantique est conforme, semble-t-il, à cette image. Je leur conseille de lire : Jeunes européens : quelles valeurs en partage ? Revue Agora numéro 67, 2014 (2), Presses de Sciences-Po. // Ils like, tweet et post 1 . Ils peuvent zapper sur des centaines de chaînes depuis leur canapé et se retrouver en groupe sans se voir ni même se toucher. Vous l’aurez compris, « ils », ce sont nos jeunes, ceux qui feront la société de demain, ceux qui aujourd’hui pensent ne pas vraiment compter, mais avec lesquels il faudra pourtant compter. Paradoxalement, la jeunesse est régulièrement au cœur du débat public, mais la plupart du temps, la chaise reste vide ! Au-delà des apparences et des faux-semblants, quelle place tiennent vraiment les jeunes dans le débat public ? Souvent absents des élections ou des partis, quel est leur rôle dans le milieu associatif ? Sont-ils réellement désengagés ? Pas sûr, il se pourrait bien qu’ils soient en train de réinventer le concept même du citoyen, sous des formes qui, pour l’instant, échappent aux capteurs traditionnels. L’engagement du xxie siècle est et sera considérablement transformé. Alors, à qui de s’adapter ?  TENDANCES n° 30  AVRIL 2014 Jeunesse citoyenne : désengagée ou des engagés ? Les participants à la table ronde Monique DAGNAUD Sociologue, directrice de recherche CNRS-EHESS et contributrice à de nombreux sites, dont Slate et Telos. Stéphanie TOTAL Directrice régionale de la délégation Pays de la Loire d’Unis-Cité (service civique). Bastien KERSPERN Designer d’interaction et créateur de la plate-forme Influents, consacrée à la mobilisation citoyenne. Aurélie Auguin & Maëlenn Bernard Deux jeunes femmes qui ont fait ou font un service civique. Jeunesse L es jeunes, cette espèce hybride quelque part entre l’enfant et l’adulte, font l’objet de nom- breuses attentions, analyses et études. Mais peut-on parler d’une jeunesse ? Il semblerait que, mis à part quelques facteurs communs comme la maîtrise des technologies, la jeunesse soit en réalité complètement hétérogène. Pour Monique Dagnaud, la classification par le niveau d’études est l’une des plus pertinentes : ce sont les diplômes qui, bien souvent, vont déterminer la capa- cité qu’aura un jeune à se projeter dans l’avenir. Pour les diplômés de l’univer- sité ou des grandes écoles (42 % d’une classe d’âge), pas de problème, ils seront quasiment tous en emploi dans les quatre ans suivant la fin de leurs études. L’autre moitié concerne les jeunes peu diplômés (42 %). Pour eux, l’avenir est plus incertain, car leurs opportunités professionnelles sont beaucoup moins nombreuses. Quant aux 16 % restants, ce sont les jeunes sans aucun diplôme. Ces derniers, les ni-ni4 , sont au chômage pour plus de 60 % d’entre eux, ils sont bien souvent exclus de l’univers professionnel avant même d’y être entrés. Cette hétérogé- néité au sein d’une même classe d’âge n’est pas sans conséquence. Selon leurs histoires respectives, ces jeunes s’engageront plus ou moins, arrivés à l’âge adulte, avec un risque de clivage bien réel. ©SYDAPRODUCTIONS 1 Like = Bouton utilisé sur Facebook pour indiquer que l’on a apprécié quelque chose 2 Tweet = Message sur Twitter (site de microblogage de 140 caractères) - 3 Post = Message envoyé sur un réseau social - 4 Ni-ni : ni travail ni études Tendances
  • 22. 41 42Un jour, un territoire S’engager pour toute la vie, supporter un parti politique vaille que vaille ? Has been5 , vous diront-ils. Au-delà d’un simple désintéressement pour les par- tis traditionnels, nous assistons presque à un rejet des modes de gou- vernance actuels. Comment un tel fossé a-t-il pu se creuser ? Action, réaction ! Évoluant dans un monde d’immédia- teté, les jeunes sont habitués à un fonctionnement de type action-réac- tion : ils savent tout de suite et très concrètement quelles vont être les conséquences de leurs actes. Et sur ce point, le moins que l’on puisse dire, c’est que la démocratie, si participative soit-elle, a encore des efforts à faire. Tout sauf cognitive, cette pratique citoyenne ne permet pas de retour per- sonnalisé, et encore moins immédiat à ses contributeurs. À cela s’ajoute un système technocratique qui ne parle pas à la jeune génération. Le fonction- nement en silo des principaux partis, les différents scandales ou encore la difficulté qu’auraient à leurs yeux les pouvoirs publics à régler les problèmes de notre société, tout cela contribue au désintérêt des jeunes pour la politique traditionnelle. D’ailleurs, ce désamour pour le militantisme n’est pas leur apa- nage. Le déficit démocratique concerne une grande majorité de Français. Du sens, pas du vent La lourdeur et le sentiment d’enferme- ment — imposition de la ligne du parti — sont en outre un frein à l’enga- gement des jeunes, particulièrement dans les partis politiques traditionnels. Mais ces derniers ont-ils encore un avenir ? Au vu des pratiques émer- gentes, le citoyen de demain ne sera plus le même qu’aujourd’hui et sa façon de s’engager se fera également diffé- remment. Les autres formes d’engage- ment se transformeront aussi, mais peut-être de façon moins radicale. Qu’il s’agisse du milieu associatif ou syndi- cal, les jeunes sont beaucoup plus ouverts à l’engagement, car certaine- ment moins désabusés. Il semblerait que leur implication soit facilitée dès lors que les actions qu’ils mènent sont concrètes, porteuses de sens et de valeurs. Porter des projets, même s’ils sont éphémères, leur convient tout à fait. Ils veulent sentir l’utilité sociale de leur engagement et pouvoir la mesurer rapidement. De l’engagement désenchanté  à l’engagement désencarté // Loin de manquer d’esprit critique, les jeunes sont extrêmement méfiants vis- à-vis des sources d’informations qui leur parviennent // Témoignage de Maëlenn « Participer à des débats, être écoutée, c’est très bien, mais que se passe-t-il après ? On n’en sait rien. Je ne m’enga- gerai pas dans un parti, car je trouve qu’il y a un cruel manque de représen- tativité et que je ne m’y reconnais pas. Par contre, m’engager dans une asso- ciation et y consacrer du temps n’est pas un problème. Au contraire, si je dois défendre des valeurs qui, pour moi, ont du sens, il faut que j’y consacre du temps pour savoir de quoi je parle. » Si, il y a trente ans, l’engagement citoyen se forgeait durant la jeunesse grâce au milieu associatif ou aux mouvements de jeunesse populaire, ce n’est plus vrai- ment le cas aujourd’hui. En clair, ce n’est pas parce que vous avez fait partie des éclaireurs de France ou que vous avez été délégué de classe que vous pourrez prétendre à une carrière politique. Aujourd’hui, la recette du succès, c’est plutôt : grandes écoles, encartement dès l’adolescence et relations bien placées. Mais la politique peut-elle être un métier comme un autre ? Si oui, quelle place pour l’intérêt général ? Ces questions se posent d’autant plus qu’un clivage impor- tant s’opère peu à peu entre une minorité de jeunes déterminés à faire de la poli- tique leur métier et une majorité qui ne se sent pas du tout en phase avec la démocratie telle qu’elle est pratiquée actuellement. Quand je serai grand, je serai président ! 5 Has been = passé de mode grande vitesse. Sa capacité de mobili- sation est impressionnante tant elle est rapide et organisée. Jouer sur les codes Et si votre ado en pleine partie de jeu en réseau, avec son casque chevillé aux oreilles, était en réalité en train de se former à l’engagement ? 92 % des jeunes de 18 à 24 ans jouent : fabuleux dénominateur commun, non ? Le jeu serait un puissant levier pour intéres- ser les jeunes à la participation citoyenne. Les codes utilisés par les joueurs se basent sur le registre de la confiance, de la stimulation et de la construction de quelque chose d’épique. Ce dernier point est particu- lièrement vrai pour les jeux en réseau : les joueurs vont produire pour la com- munauté, pour quelque chose qui dépasse leur propre personne. La ludi- fication peut être utilisée dans des programmes d’engagement citoyen. D’ailleurs, la production virtuelle com- mence à sortir de l’écran, c’est notam- ment le cas pour les Fablabs, labora- toires de coconstruction entre internautes passionnés. Génération swag6 cherche engagement hashtag7 La collaboration : une démocratie 2.0 Après la démocratie représentative et participative, voici la démocratie colla- borative. Donner son avis, c’est bien, faire, c’est mieux ! Même s’il est vrai que nous aurons toujours besoin de représentation et de participation, la notion de faire ensemble est de plus en plus présente et semble mieux corres- pondre aux attentes des jeunes en matière de démocratie et particulière- ment à la fameuse génération Y. Génération Y : ces jeunes qui « crack8  » Vous connaissez peut-être la généra- tion Y, qui se lit why9 en anglais. Baignés dans un monde de plus en plus anxiogène, ces jeunes se ques- tionnent énormément sur leur avenir. Hyper connectée et maîtrisant parfai- tement tous les outils technologiques de son environnement, cette généra- tion poste, tweete et photographie à tour de bras. La génération Y connaît l’écosystème du web et tous les codes qui l’accompagnent, elle sait mettre en place des systèmes de veille, recouper et vérifier des informations, et ce à très // Fred, 25 ans : « Quand on veut s’engager en poli- tique, il faut un nom, un CV et des relations si on ne veut pas être can- tonné à distribuer des tracts. » // //Aujourd’hui, on ne s’engage plus seule- ment pour être utile, on s’engage aussi pour créer un réseau et du lien social, mais également pour acquérir des compétences // 20 000 jeunes de 16 à 25 ans ont effectué un service civique en 2013 en France. Les mis- sions proposées sont ouvertes à tous, sans conditions de diplômes ou de qualifications. Seul critère de sélection : la motivation ! Ce sont donc des jeunes de tous horizons qui y participent. Certains viennent pour se sentir utiles ou retrouver confiance, d’autres pour réapprendre à se lever le matin ou évoluer dans un cadre. L’objectif est, bien sûr de leur mettre ou remettre le pied à l’étrier pour une insertion dans le monde professionnel, mais c’est aussi de développer chez eux une appé- tence pour l’engagement. Service civique : au rapport ! ©STURTI 6 Swag = cool et populaire - 7 Hashtag = symbole dièse (#) utilisé pour référencer les mots-clés sur Twitter, site de microblogage 8 Cracker = casser les codes, décoder des programmes informatiques - 9 Why = pourquoi +À Washington, les citoyens peuvent adopter les arbres de la ville en scannant un code-barres placé sur le tronc. Ils s’engagent ainsi à l’entretenir. Grâce à ce projet- pilote, la ville souhaite faciliter l’implica- tion des citoyens au sein de leur com- munauté. À ce jour, quelque 2 400 arbres ont été adoptés. ©EduardoLuzzatti