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La démocratisation de la violence dans les
médias
●
Si vous suivez l'actualité cinématographique ou vidéoludique, vous n'avez pas
pu passer à côté des polémiques liées à la présence de la violence à l'écran,
de plus en plus fréquente et gratuite. De fait, les médias actuels
(notamment le jeu vidéo) sont souvent pointés du doigt et liés à certaine
montée de violence chez les jeunes et suite à de récentes tueries.
Mais qu'en est il réellement ?
●
(Image tirée du jeu Call of Duty Black Ops 2)
●
Aujourd'hui, deux visions
s'opposent à ce sujet: tout
d'abord, celle qui affirme que la
violence est bien trop présente
dans les médias actuels et qu'elle
rend ces derniers nocifs, et qu'il
faudrait l'abolir.
De l'autre côté, ceux qui
prétendent que les gens peuvent
faire la différence entre fiction
et réalité, et que ce sont les
armes à feu qui sont
dangereuses.
●
Mais le fait est que les deux
camps ont à la fois tort et raison,
puisqu'il y a une certaine
ignorance et exagération dans le
premier cas, et un réel déni dans
le second.
●
Image tirée du magazine The Sun :
caricature ou dénonciation ?
Les avis divergent.
●
Mais quels sont donc les reproches concernant cette violence ?
Tout d'abord, c'est son omniprésence qui la rend si dérangeante : en effet, elle semble presque
être devenue un phénomène de mode, et il suffit de jeter un coup d’œil au dernier E3 (salon du
jeu vidéo) pour se rendre compte que la majeure partie des jeux qui suscitent le plus
d'engouement ne sont jamais du genre relaxant (j'en veux pour preuve Watch Dogs et
Assassin's Creed IV ) .
●
Un autre grand reproche est la banalisation de cette violence. En effet, voir un homme se
prendre une balle à l'écran ne choque plus tant que ça aujourd'hui, et s'en est même le principe
de base de nombreux jeux. En prenant un peu de recul, on se rend compte que les héros
modernes ont une fâcheuse tendance à être des sociopathes atteints d’Alzheimer, capables de
sortir une vanne entre deux fusillades (exemples concrets : John Mac Lane de Die Hard et
Nathan Drake d'Uncharted).
●
Le jeu vidéo Spec Ops :
The Line est allé à
contre-courant de
cette mode et a
chamboulé de nombreux
joueurs en leur
montrant le vrai visage
de la guerre et en
dénonçant l’excès et
l'absurdité de la
violence à l'écran.
●
Un autre reproche est la glorification de cette
violence : en effet, les batailles épiques et les
héros « badass » semblent être devenus
monnaie courante.
●
De même, la violence est liée à des valeurs
assez douteuses tels que le patriotisme
américain (Splinter Cell), le pro-militarisme
(souvenez vous de la pub de Call of Duty : Black
Ops), ou encore la misogynie (exception faite
de Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots, il
n'y a pas un jeu ou un film où l'on tue plus de
femmes que d'hommes).
●
Images tirées
d'Assassin's Creed IV
(ci-contre) et du
Seigneur des Anneaux
(ci-dessus) : deux
œuvres qui mettent en
scène un brave guerrier
un peu trop classe.
●
Pourtant, la nouvelle génération ne semble pas
blâmer la croissance de la violence dans leurs
loisirs favoris, et on assiste même à un certain
déni. Exemple concret : la vidéo « Jeux vidéo
et violence », où Mathieu Sommet, le créateur
de l'émission Salut les geeks (photo ci-contre)
approuve totalement la violence dans le jeu
vidéo en ne faisant aucune concession (je ne
remet toutefois pas en cause tous ses
arguments). L'écrasante majorité de pouces
verts sur sa vidéo montre parfaitement le déni
de cette génération.
●
De même, Quentin
Tarantino, le
réalisateur du fameux
Django Unchained
(photo ci-contre), a
refusé
catégoriquement de
remettre en question
la violence de ses
films.
●
Maintenant que ceci est dit, je ne peux m'empêcher de faire l'avocat du
diable : car oui, même si les médias actuels font de plus en plus la part
belle à la violence, il faut reconnaître quelques excès dans certains
reproches. Faisons donc un petit tour du côté des arguments en faveur
de cette violence.
●
Image tirée du jeu
Shadow of the
Colossus : un sommet
d'onirisme et de
poésie servi de
musiques d'exception,
dénonçant un des plus
anciens et hideux
principe scénaristique.
Un jeu auquel très peu
des détracteurs du
média ont dû jouer.
●
Il faut dire ce qu'il en est : ceux qui prétendent que les jeux vidéos ne
font pas des jeunes des psychopathes ont raison. La violence à l'écran
peut certes légèrement influencer, mais elle n'en reste pas moins un
simple facteur bien moins important que d'autres. L'éducation des
parents et la personnalité propre de l'individu sont des critères bien plus
importants. De plus, ceux qui sont inspirés par la violence à l'écran
doivent déjà être agressifs à la base, et je rajouterai aussi que la NRA
est bien plus à blâmer que les industries vidéoludiques et
cinématographiques.
●
Si l'on en croit les
récentes études menées
sur la violence chez les
jeunes et la croissance
des ventes de jeux
vidéos, cette dernière ne
serait apparament liés à
aucune montée de violence
chez les jeunes.
●
Image tirée du jeu Super Mario Galaxy 2 : la preuve, s'il en fallait, que la
violence n'est pas forcément un élément nécessaire pour faire un bon jeu.
●
Mais si j'affirme que les médias actuels ne nous rendent pas violents,
qu'est ce que je leur reproche donc ? Tout simplement la présence
même de la violence. Quand bien même elle n'est pas aussi nocive qu'on
ne pourrait le penser, son omniprésence et le goût que cette
génération semble développer pour elle sont plus que dérangeants.
Après tout, on est en droit de se demander pourquoi le divertissement
de nos jours doit nécessairement passer par la violence.
●
C'est d'autant plus regrettable quand on
voit que certains produits de la culture 
« pop-geek » sont réellement dignes
d'intérêt. Sans violence, on aurait jamais eu
droit à The Dark Knight (ci-contre) ou
encore à Bioshock (ci-dessous). Ceci dit, on
en droit de se demander si ce dernier avait
besoin d'autant de fusillades pour garder
toute sa portée artistique et philosophique.
●
Maintenant que ceci est dit, je vous propose une petite
sélection non-exhaustive de titres récents proposant
un rapport différent à la violence.
●
Image tirée de The Walking Dead Episode 5 NoTime Left : un jeu ou la
violence sert réellement le scénario et n'est absolument jamais gratuite,
alors qu'elle est loin d'être omniprésente (voire absente par moments).
●
Image tirée du film Ordinary People, qui dénonce par le biais de l'ennui
et de l'anonymat le quotidien éprouvant de soldats serbes, l'horreur de
la guerre et la banalisation du mal. Certes, le film est chiant comme la
mort, mais c'est en même temps ce qui fait sa force.
●
Le jeu Deus Ex : Human Revolution propose (au même titre que Thief ou Metal Gear Solid)
un bien étrange paradoxe : si les armes à feu sont omniprésentes et qu'il est possible de
faire de véritables massacres, il est aussi possible de finir le jeu en ôtant la vie à
seulement quatre ennemis, rien n'obligeant le joueur à tuer tous les autres.
●
Image tirée de Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots ; encore aujourd'hui, Metal Gear
Solid est le jeu pacifiste par excellence. En jouant sans cesse sur l’ambiguïté extrême des
ses héros et en usant de procédés scénaristiques très peu conventionnels, la saga a
proposé maintes mises en abyme mettant le joueur face à ses attentes. En plus, il s'agit
du seul jeu qui dénonce le nucléaire et où les méchants s'appellent les « Patriotes ».
Conclusion
●
Tout ça pour dire que non, le cinéma et les jeux vidéos ne
font forcément pas de leurs consommateurs de violents
psychopathes, mais que la présence de la violence dans nos
médias n'en reste pas moins abusive et injustifiée.
Et si vous continuez à penser le contraire, je ne peux que
vous inciter à jouer à Spec Ops : The Line...

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Article opinion clément delfour

  • 1. La démocratisation de la violence dans les médias
  • 2. ● Si vous suivez l'actualité cinématographique ou vidéoludique, vous n'avez pas pu passer à côté des polémiques liées à la présence de la violence à l'écran, de plus en plus fréquente et gratuite. De fait, les médias actuels (notamment le jeu vidéo) sont souvent pointés du doigt et liés à certaine montée de violence chez les jeunes et suite à de récentes tueries. Mais qu'en est il réellement ? ● (Image tirée du jeu Call of Duty Black Ops 2)
  • 3. ● Aujourd'hui, deux visions s'opposent à ce sujet: tout d'abord, celle qui affirme que la violence est bien trop présente dans les médias actuels et qu'elle rend ces derniers nocifs, et qu'il faudrait l'abolir. De l'autre côté, ceux qui prétendent que les gens peuvent faire la différence entre fiction et réalité, et que ce sont les armes à feu qui sont dangereuses. ● Mais le fait est que les deux camps ont à la fois tort et raison, puisqu'il y a une certaine ignorance et exagération dans le premier cas, et un réel déni dans le second. ● Image tirée du magazine The Sun : caricature ou dénonciation ? Les avis divergent.
  • 4. ● Mais quels sont donc les reproches concernant cette violence ? Tout d'abord, c'est son omniprésence qui la rend si dérangeante : en effet, elle semble presque être devenue un phénomène de mode, et il suffit de jeter un coup d’œil au dernier E3 (salon du jeu vidéo) pour se rendre compte que la majeure partie des jeux qui suscitent le plus d'engouement ne sont jamais du genre relaxant (j'en veux pour preuve Watch Dogs et Assassin's Creed IV ) . ● Un autre grand reproche est la banalisation de cette violence. En effet, voir un homme se prendre une balle à l'écran ne choque plus tant que ça aujourd'hui, et s'en est même le principe de base de nombreux jeux. En prenant un peu de recul, on se rend compte que les héros modernes ont une fâcheuse tendance à être des sociopathes atteints d’Alzheimer, capables de sortir une vanne entre deux fusillades (exemples concrets : John Mac Lane de Die Hard et Nathan Drake d'Uncharted). ● Le jeu vidéo Spec Ops : The Line est allé à contre-courant de cette mode et a chamboulé de nombreux joueurs en leur montrant le vrai visage de la guerre et en dénonçant l’excès et l'absurdité de la violence à l'écran.
  • 5. ● Un autre reproche est la glorification de cette violence : en effet, les batailles épiques et les héros « badass » semblent être devenus monnaie courante. ● De même, la violence est liée à des valeurs assez douteuses tels que le patriotisme américain (Splinter Cell), le pro-militarisme (souvenez vous de la pub de Call of Duty : Black Ops), ou encore la misogynie (exception faite de Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots, il n'y a pas un jeu ou un film où l'on tue plus de femmes que d'hommes). ● Images tirées d'Assassin's Creed IV (ci-contre) et du Seigneur des Anneaux (ci-dessus) : deux œuvres qui mettent en scène un brave guerrier un peu trop classe.
  • 6. ● Pourtant, la nouvelle génération ne semble pas blâmer la croissance de la violence dans leurs loisirs favoris, et on assiste même à un certain déni. Exemple concret : la vidéo « Jeux vidéo et violence », où Mathieu Sommet, le créateur de l'émission Salut les geeks (photo ci-contre) approuve totalement la violence dans le jeu vidéo en ne faisant aucune concession (je ne remet toutefois pas en cause tous ses arguments). L'écrasante majorité de pouces verts sur sa vidéo montre parfaitement le déni de cette génération. ● De même, Quentin Tarantino, le réalisateur du fameux Django Unchained (photo ci-contre), a refusé catégoriquement de remettre en question la violence de ses films.
  • 7. ● Maintenant que ceci est dit, je ne peux m'empêcher de faire l'avocat du diable : car oui, même si les médias actuels font de plus en plus la part belle à la violence, il faut reconnaître quelques excès dans certains reproches. Faisons donc un petit tour du côté des arguments en faveur de cette violence. ● Image tirée du jeu Shadow of the Colossus : un sommet d'onirisme et de poésie servi de musiques d'exception, dénonçant un des plus anciens et hideux principe scénaristique. Un jeu auquel très peu des détracteurs du média ont dû jouer.
  • 8. ● Il faut dire ce qu'il en est : ceux qui prétendent que les jeux vidéos ne font pas des jeunes des psychopathes ont raison. La violence à l'écran peut certes légèrement influencer, mais elle n'en reste pas moins un simple facteur bien moins important que d'autres. L'éducation des parents et la personnalité propre de l'individu sont des critères bien plus importants. De plus, ceux qui sont inspirés par la violence à l'écran doivent déjà être agressifs à la base, et je rajouterai aussi que la NRA est bien plus à blâmer que les industries vidéoludiques et cinématographiques. ● Si l'on en croit les récentes études menées sur la violence chez les jeunes et la croissance des ventes de jeux vidéos, cette dernière ne serait apparament liés à aucune montée de violence chez les jeunes.
  • 9. ● Image tirée du jeu Super Mario Galaxy 2 : la preuve, s'il en fallait, que la violence n'est pas forcément un élément nécessaire pour faire un bon jeu. ● Mais si j'affirme que les médias actuels ne nous rendent pas violents, qu'est ce que je leur reproche donc ? Tout simplement la présence même de la violence. Quand bien même elle n'est pas aussi nocive qu'on ne pourrait le penser, son omniprésence et le goût que cette génération semble développer pour elle sont plus que dérangeants. Après tout, on est en droit de se demander pourquoi le divertissement de nos jours doit nécessairement passer par la violence.
  • 10. ● C'est d'autant plus regrettable quand on voit que certains produits de la culture  « pop-geek » sont réellement dignes d'intérêt. Sans violence, on aurait jamais eu droit à The Dark Knight (ci-contre) ou encore à Bioshock (ci-dessous). Ceci dit, on en droit de se demander si ce dernier avait besoin d'autant de fusillades pour garder toute sa portée artistique et philosophique.
  • 11. ● Maintenant que ceci est dit, je vous propose une petite sélection non-exhaustive de titres récents proposant un rapport différent à la violence.
  • 12. ● Image tirée de The Walking Dead Episode 5 NoTime Left : un jeu ou la violence sert réellement le scénario et n'est absolument jamais gratuite, alors qu'elle est loin d'être omniprésente (voire absente par moments).
  • 13. ● Image tirée du film Ordinary People, qui dénonce par le biais de l'ennui et de l'anonymat le quotidien éprouvant de soldats serbes, l'horreur de la guerre et la banalisation du mal. Certes, le film est chiant comme la mort, mais c'est en même temps ce qui fait sa force.
  • 14. ● Le jeu Deus Ex : Human Revolution propose (au même titre que Thief ou Metal Gear Solid) un bien étrange paradoxe : si les armes à feu sont omniprésentes et qu'il est possible de faire de véritables massacres, il est aussi possible de finir le jeu en ôtant la vie à seulement quatre ennemis, rien n'obligeant le joueur à tuer tous les autres.
  • 15. ● Image tirée de Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots ; encore aujourd'hui, Metal Gear Solid est le jeu pacifiste par excellence. En jouant sans cesse sur l’ambiguïté extrême des ses héros et en usant de procédés scénaristiques très peu conventionnels, la saga a proposé maintes mises en abyme mettant le joueur face à ses attentes. En plus, il s'agit du seul jeu qui dénonce le nucléaire et où les méchants s'appellent les « Patriotes ».
  • 16. Conclusion ● Tout ça pour dire que non, le cinéma et les jeux vidéos ne font forcément pas de leurs consommateurs de violents psychopathes, mais que la présence de la violence dans nos médias n'en reste pas moins abusive et injustifiée. Et si vous continuez à penser le contraire, je ne peux que vous inciter à jouer à Spec Ops : The Line...